Éditorial

Cette année marque le 100e anniversaire de la réglementation des services publics en Alberta, un jalon qui a été souligné par divers événements, publications et présentations. Au mois de mai dernier, l’occasion a été soulignée dans la programmation de la Conférence annuelle de l’Association canadienne des membres de tribunaux d’utilité publique (CAMPUT) qu’a tenue l’Alberta Utilities Commission (AUC) à Calgary et qui était intitulée Un siècle de réglementation : Honorer le passé, façonner l’avenir. Plus tôt cette année, l’AUC a elle-même marqué l’occasion avec la publication de l’Alberta Utilities Commission: 100 years of service to Alberta 1915-2015

Nous sommes heureux de souligner le centenaire de l’AUC en publiant une présentation émanant du président actuel de la Commission, Willie Grieve, C.R. intitulée Cent ans de réglementation des services publics en Alberta. Le but de sa présentation, dans ses propres mots, est de « situer l’organisme de réglementation des services publics de l’Alberta dans un certain contexte économique, juridique, politique et historique ». Ce à quoi il parvient, et mieux encore. Il relate d’abord les fondements du cadre réglementaire qui remontent à la Magna Carta. Bien qu’en invoquant les « principes fondamentaux » de la réglementation des services publics, son allocution tient autant compte du rôle changeant de la réglementation, soulignant que les faits qui sous-tendent toute catégorie de concepts évoluent avec le temps.

L’article de Grieve fournit la thématique pour une bonne partie du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ce qui concerne la transition entre le passé à l’avenir de la réglementation de l’énergie.

L’ouvrage de Mark Jamison, intitulé Les réalités économiques et politiques de la réglementation : leçons pour l’avenir rappelle aux lecteurs que les pratiques de réglementation passées des services publics sont une série de leçons et de mythes. En portant un regard sur le passé, il incombe aux responsables de la réglementation de bien en comprendre la différence qui y réside. Il examine trois importantes leçons concernant l’importance et le rôle de l’information, la conception de mesures d’incitation et la conception des marchés.

La dynamique en jeu dans l’environnement de la réglementation de l’énergie impose un défi important pour les organismes de réglementation, les industries réglementées et les gouvernements par le biais de l’émergence rapide du phénomène de la « licence sociale ». Exigeant que les organismes de réglementation obtiennent et maintiennent une licence sociale de réglementer (à part la licence sociale d’exploiter qui est exigée des promoteurs de projets), le concept menace la légitimité même des institutions de réglementation. Mike Cleland aborde ces questions dans La licence sociale de réglementer : L’énergie et le déclin de la confiance dans les autorités publiques.

L’article de Scott Hempling, intitulé Des tramways aux panneaux solaires : La politique des coûts échoués aux États-Unis, porte sur une question récurrente dans la réglementation des services publics, également avec un thème sous-jacent, comme l’indique le titre, de transition du passé à l’avenir. Bien qu’on y traite de l’expérience américaine, cet examen de questions et de principes de base devrait également s’avérer utile pour les lecteurs canadiens.

L’émergence continue de nouvelles technologies constitue, de toute évidence, l’une des plus importantes dynamiques des industries de l’énergie d’aujourd’hui, exigeant fréquemment de nouvelles réponses de la part des organismes de réglementation. Toutefois, le développement de l’énergie marémotrice en Nouvelle-Écosse dépasse le changement progressif, faisant appel à un nouveau cadre de réglementation pour le développement et la surveillance des activités dans le domaine de l’énergie marine renouvelable. William Lahey examine ces développements dans La réglementation et le développement d’une nouvelle industrie énergétique : l’énergie marémotrice en Nouvelle-Écosse.

Alors qu’une « transition » imprègne l’environnement actuel de réglementation de l’énergie, les avocats sont appelés à maintenir leur connaissance approfondie de certains principes juridiques durables, étant donné que ces principes devront être appliqués dans le contexte de procédures réglementaires. L’article de M. Philip Tunley intitulé Preuve d’expert pour les avocats et organismes de réglementation en matière d’énergie présente un examen exhaustif des principes s’appliquant à l’admissibilité et à l’utilisation de preuves d’experts, lesquelles sont souvent au centre de procédures réglementaires spécifiques. Cet article est susceptible de devenir un outil de référence indispensable, tant pour les avocats que pour les organismes de réglementation en matière d’énergie.

Un autre domaine d’application dans lequel des principes juridiques généraux pourraient avoir une incidence directe sur l’aboutissement de procédures réglementaires en matière d’énergie est l’approche des tribunaux à l’égard de la révision judiciaire. Dans ses commentaires d’arrêt, William Lahey examine une décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse de casser la décision de la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse où la Commission avait approuvé l’inclusion de l’assiette tarifaire de la Nova Scotia Power Incorporated d’un investissement pour un projet d’énergie éolienne. La Commission avait fondé sa décision sur ce qu’elle considérait comme l’application d’« un principe fondamental de réglementation des services publics ». Toutes les parties et la Cour d’appel elle-même s’entendaient sur le fait que la norme de révision judiciaire devait être celle du caractère raisonnable. Toutefois, Lahey conclut que la Cour a procédé à la révision de la décision en fonction du caractère raisonnable comme s’il s’agissait d’une révision en fonction de la norme correcte, « sans la moindre trace de déférence… » La décision de la Cour est en quelque sorte un autre exemple de la transition qui s’opère dans le monde juridique post-Dunsmuir dans lequel la déférence judiciaire dont il faut faire preuve à l’égard des décisions des organismes de réglementation de l’énergie est peut-être mieux comprise en théorie qu’en pratique1.

  1. Voir David Mullan, « 2014 Developments in Administrative Law Relevant to Energy Law and Regulation », vol. 3, numéro 1 de l’Energy Regulation Quarterly, à la p 17.

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