Après près de trois décennies de stabilité, le cadre de l’industrie de l’électricité de l’Alberta entre dans une ère de changements radicaux et imprévisibles, principalement motivés par le besoin d’atténuer les changements climatiques.
Le gouvernement de l’Alberta a enjoint à l’Alberta Utilities Commission (AUC) d’entreprendre une audience publique ouverte afin d’aborder quatre questions liées aux terres que soulève la construction de centrales électriques : l’utilisation des terres, les panoramas, les coûts de remise en état et l’aménagement des terres de la Couronne[1]. D’après le rapport de l’AUC, le gouvernement de l’Alberta a informé l’AUC de son intention de faire progresser des changements politiques, législatifs et règlementaires qui ont une incidence sur les projets de production d’électricité à venir[2].
Il y a lieu de se demander pourquoi les questions liées aux terres n’ont pas été abordées plus directement jusqu’ici et pourquoi un degré de liberté aussi exceptionnel a été accordé aux producteurs d’électricité.
Ayant été l’un des concepteurs du marché actuel[3], l’auteur s’est fait rappeler une réplique tirée d’« Antoine et Cléopâtre » de G.B. Shaw :
« Pardonne-lui, Théodotus : c’est un barabe, et il pense que les coutumes de sa tribu et de son île sont les lois naturelles » [traduction][4].
J’admets volontiers que nous avons conçu ce système comme des barbares. Nous avons jeté à la corbeille les appareils sophistiqués de prévision de la charge, de modélisation du réseau de production et les normes rigoureuses de fiabilité de la production pour les remplacer par un modèle de marché simple et élégant qui a duré près de trois décennies[5].
Le « pacte » politique avec les producteurs était radical. Les producteurs d’électricité se font concurrence pour fournir l’électricité au réseau; les offres au plus bas prix qui répondent à la demande du marché seront acceptées par le réseau commun d’énergie et leur production sera payée au prix du marché. Les producteurs ne sont payés que pour l’énergie qu’ils produisent; pas de production, pas d’argent — le modèle de type « l’énergie seulement »[6].
Le modèle a bien fonctionné en grande partie en raison des circonstances favorables de l’Alberta. Tandis que d’autres administrations connaissaient une faible croissance de la charge, l’Alberta demeurait en selle pour connaître une croissance de 2,5 % par année qui devait durer plusieurs décennies[7]. Peu importe tout éventuel encombrement du réseau de l’Alberta, la charge était promise à rattraper l’offre en l’espace de quelques années. Et peu importe le prix du pétrole, les investissements de capitaux considérables dans l’extraction du pétrole lourd garantissaient que la consommation d’électricité se poursuivrait, si bien que le risque de perte de charge semblait minime.
Pour que ce « pacte » fonctionne, l’Alberta a dû adopter certaines coutumes « tribales » qui, aujourd’hui, semblent assimilées aux lois naturelles.
- D’abord et avant tout, il ne doit y avoir aucune planification de la production, aucune évaluation officielle de la nécessité d’une nouvelle capacité qui pourrait être utilisée pour rendre obligatoires les ajouts au réseau[8]. Les producteurs peuvent construire tout ce qu’ils veulent, où ils le veulent et quand ils le Aucun client ou organisme gouvernemental ne doit avoir son mot à dire dans ces décisions d’affaires.
- L’infrastructure de transport doit être préfabriquée, de sorte que « la construction [de l’infrastructure de transport] véritable soit ensuite être déployée de façon à s’intégrer au démarrage et à la mise en service de l’installation de production […] »[9]
L’Alberta Electric System Operator (AESO) s’est vu confier la tâche difficile de planifier et d’exploiter un réseau de transport qui peut relier des ressources de production imprévisibles, et « ce réseau de transport doit être relativement exempt de congestion, sinon le modèle de marché sous-jacent ne fonctionnera pas de manière efficace » [traduction][10].
Lorsque le parc de production de l’Alberta comprenait une douzaine de grandes centrales au charbon, l’idée d’un réseau sans congestion était tout à fait tangible. Cependant, le modèle de marché s’effondre un peu plus à mesure que le réseau devient dilué dans des centaines de petits producteurs d’énergie renouvelable. Si de nombreux producteurs choisissent de se concentrer dans une région riche en ressources, l’AESO n’a d’autre choix que de planifier et de proposer des projets pour réduire la congestion causée par les producteurs, ce qui coûte des centaines de millions de dollars aux consommateurs[11]. Comme l’a déclaré l’AESO, « la politique zéro congestion actuelle n’est pas viable et doit changer » [traduction][12].
Les questions liées aux terres ne sont qu’un aspect de l’évolution globale de l’industrie, qui s’éloigne d’une conception de marché relativement simplifiée et axée sur le producteur et progresse vers une conception future plus équilibrée qui optimise le réseau dans son ensemble et reconnaît explicitement qu’un système d’électricité ne se limite pas à la production d’énergie.
LIMITER LES LIBERTÉS DE MARCHÉ DES PRODUCTEURS
Certains pourraient penser que les changements législatifs se produisent trop rapidement, sans qu’on ait mené de vastes consultations et études. En fait, la dynamique du marché a changé voilà plusieurs années et une réponse rapide est aujourd’hui essentielle.
Les récentes augmentations importantes du prix de l’électricité dans le réseau commun d’énergie constituent un enjeu particulièrement convaincant. Au cours des dernières années, les prix moyens du réseau commun ont plus que doublé, ce qui a créé de graves problèmes d’abordabilité pour les clients tout en augmentant considérablement les marges des producteurs. L’urgence de la restructuration de l’industrie de l’électricité est omniprésente, et l’Alberta ne peut pas se permettre d’examiner chaque problème sous tous ses angles par complaisance.
Le besoin de rapidité est particulièrement aigu, car ces prix communs élevés ne sont pas motivés par des facteurs fondamentaux comme la hausse du prix de l’essence, mais sont le résultat de la politique de « liberté du producteur », combiné à la réduction de la concurrence créée par l’avènement d’importantes ressources de production d’énergie renouvelable qui ne peuvent pas répondre aux signaux de prix du marché.
Prix moyen annuel de l’électricité ($/MWh)[13]
Il y a rétention économique lorsqu’un producteur fixe le prix de sa production audessus de son coût marginal à court terme. Le rapport trimestriel de l’administrateur de la surveillance des marchés pour le troisième trimestre de 2022 fournit un excellent exemple de rétention économique. Market Surveillance Administrator (MSA) a conclu que « les prix communs au troisième trimestre [2022] étaient principalement attribuables à l’exercice du pouvoir de marché par deux sociétés de production » [traduction][14].
Pour illustrer ce point, MSA a fourni un graphique de la courbe de l’offre pour le 10 août 2022, heure se terminant à 15 h. Cette courbe détermine le prix commun horaire de l’énergie, en fonction du niveau de charge du réseau.
Si la charge du réseau est inférieure à environ 9 700 MW, les prix seront de 100 $/MWh ou moins. Cependant, si la charge dépasse de peu ce niveau, le prix grimpera jusqu’à 800 $ sans qu’il y ait d’étapes intermédiaires.
Courbe d’offre illustrative du troisième trimestre 2022 (10 août 2022, HE15)[15]
Comment est-ce possible? La réponse est : le pouvoir de marché. Deux sociétés de production possèdent presque toute la capacité de production de plus de 9 700 MW, et elles peuvent demander le prix qu’elles veulent pour leur production.
Dans la conception initiale du marché, cela ne posait pas de problème. Un certain niveau de rétention économique était nécessaire pour que le marché de l’Alberta fonctionne : « Les producteurs peuvent choisir d’investir sur le marché de l’Alberta s’ils croient être en mesure de recouvrer leurs coûts d’immobilisations Le marché de l’électricité de l’Alberta permet une rétention économique pour encourager de tels investissements, ce qui permet aux producteurs de fixer le prix de leurs actifs au-delà du coût marginal » [traduction][16].
Tandis que presque toute la capacité de production aurait pu être mise à contribution en réaction aux prix élevés, la rétention économique a été freinée par la concurrence — si vous fixez le prix de votre production à un niveau trop élevé, un concurrent demandera un prix moindre et votre production ne sera pas intégrée au réseau; vous resterez inactif.
Mais contrairement aux centrales alimentées au gaz naturel, les producteurs d’énergie renouvelable ne peuvent pas augmenter leur production en réaction à des prix élevés. Ils sont limités par les intrants énergétiques que sont le soleil et le vent. Si le temps est calme et nuageux, les autres producteurs d’énergie à partir du gaz naturel peuvent souvent facturer le prix qu’ils veulent.
À la demande du gouvernement, l’AESO envisage maintenant des solutions à long terme pour règler ce problème de marché[17]. Entre-temps, deux règlements bouche-trou limitant la distribution d’énergie acheminable ont été adoptés :
- Le Supply Cushion Regulation [AR 42-2024] établit une réserve d’approvisionnement cible de 932 MW. Si cette cible n’est pas atteinte, le règlement enjoint à l’Alberta Electric System Operator d’émettre des directives de mise en production d’actifs précis qui sont hors réseau et qui indiquent quand et pendant combien de temps ils doivent être mis en production et synchronisés avec le réseau. Ce mécanisme peut être utilisé pour s’assurer qu’il y a suffisamment de production thermique sur le marché pour atténuer l’effet de la rétention économique.
- Le Market Power Mitigation Regulation [AR 43-2024] impose un plafond de prix inférieur de 125 $/MWh pour les producteurs d’énergie non renouvelable, chaque mois où leurs profits équivalent à deux fois leurs coûts en capital mensuels[18]. Cette mesure limite les avantages de la rétention économique.
Ces contraintes financières et opérationnelles sont un exemple de l’évolution nécessairement rapide du modèle actuel axé sur les producteurs, afin de reconnaître les intérêts d’autres parties prenantes, comme ceux des propriétaires fonciers[19].
L’ENQUÊTE DE L’AUC SUR L’UTILISATION DES TERRES
Par décret, le gouvernement de l’Alberta a ordonné à l’AUC d’examiner quatre questions :
- L’aménagement de centrales électriques sur certains types ou certaines catégories spécifiques de terres agricoles ou environnementales.
- L’impact de l’aménagement de centrales électriques sur les panoramas vierges.
- La mise en œuvre d’exigences obligatoires de garantie de remise en état des centrales électriques.
- L’aménagement de centrales électriques sur des terres détenues par la Couronne du chef de l’Alberta [traduction][20].
Conformément à ses processus établis depuis longtemps :
La Commission a reçu des centaines de mémoires d’intervenants, de communautés des Premières Nations et de communautés des Métis. Les intervenants comprennent des Albertains de toute la province, des municipalités, des promoteurs de centrales électriques et diverses organisations comme des associations de propriétaires fonciers et des associations municipales, environnementales et industrielles. Plusieurs intervenants ont déposé des rapports d’experts ainsi que leurs mémoires écrits [traduction][21].
Il s’agit sans doute d’une façon idéale de recueillir de vastes commentaires sur une question complexe — de tirer parti de l’expertise existante, dans le cadre d’un forum public ouvert, et d’élaborer des options fondées sur les faits en fonction de ces commentaires.
Le 28 février 2024, le gouvernement de l’Alberta a envoyé une lettre « Policy Guidance to the Alberta Utilities Commission »[22] à l’AUC pour lui communiquer une orientation stratégique. On renverra à cette orientation stratégique dans la discussion sur les quatre questions traitées par l’AUC.
1. Terres agricoles et environnementales
Il n’y a actuellement aucune contrainte législative ou règlementaire particulière sur les catégories de terres agricoles consacrées aux projets de production d’énergie renouvelable. La lettre d’orientation du Ministre énonce une approche de type « L’agriculture d’abord », en vertu de laquelle « l’Alberta n’autorisera plus les projets de production d’énergie renouvelable sur les terres des catégories 1 et 2, à moins qu’un promoteur puisse démontrer la capacité de coexistence des cultures ou du bétail et de la production d’énergie renouvelable » [traduction][23].
L’utilisation des terres est déjà un facteur pris en compte par la Commission dans les décisions relatives à l’emplacement des sites de transport.
Les restrictions imposées à l’utilisation des terres pour la production peuvent être considérées comme faisant partie d’un mouvement nécessaire vers une politique plus équilibrée, comparativement à l’approche actuelle extrême de type « La production d’abord ». La terre est une ressource fondamentale non renouvelable et la proposition voulant que l’utilisation agricole ait une priorité sociale élevée est bien fondée.
Les énergies renouvelables ne devraient consommer qu’une petite fraction des terres agricoles totales de l’Alberta, peut-être de 0,4 à 0,6 % des terres agricoles de catégorie 2 existantes[24]. Mais dans la pratique « moins de 5 % des projets ont été installés sur des terres de catégorie 2 » et « les terres cultivées de grande valeur peuvent générer des revenus supérieurs au prix du marché actuel des baux visant des terres utilisées pour la production d’énergie solaire » [traduction][25]. Ces statistiques laissent entendre qu’une restriction de l’utilisation des terres n’imposerait pas de nouvelles contraintes déraisonnables aux promoteurs d’énergies renouvelables, qui sont déjà incités économiquement à s’installer sur des terres de moins grande valeur.
D’autres utilisateurs, comme les pipelines, les sites industriels, les lotissements urbains et résidentiels, consomment beaucoup plus de terres que les énergies renouvelables[26]. Dans l’intérêt de règles du jeu équitables, on peut espérer que les restrictions imposées aux projets d’énergie renouvelable ne seront pas plus lourdes que celles imposées aux autres types de projets.
Du point de vue de la mise en œuvre, la Commission a fait remarquer ce qui suit : « À l’heure actuelle, il n’existe pas d’outil d’évaluation à critères multiples qui intègre les renseignements sur l’environnement, la végétation, les sols et l’agriculture à l’échelle de la province et qui peut être utilisé pour éclairer l’emplacement des projets d’énergie renouvelable en Alberta » [traduction][27].
Pour combler cette lacune, l’AUC s’est engagée à « explorer des exigences pour que les promoteurs fournissent plus tôt dans le processus de demande les résultats d’une vérification sur place du sol », et a souligné l’option « d’évaluer la valeur de la création d’un outil d’évaluation à critères multiples intégré à l’échelle de la province pour identifier et évaluer les terres agricoles » [traduction][28].
Après avoir examiné les nombreux contrôles existants sur les « terres environnementales de grande valeur, comme les prairies indigènes, les montagnes et les terres humides » [traduction]29, la Commission a observé ce qui suit : « Le cadre règlementaire actuel est généralement suffisant pour la protection des terres environnementales » [traduction][30].
2. Panoramas vierges
L’effet du développement de centrales électriques sur les panoramas est une question d’importance sociale qui ne peut être facilement quantifiée ou évaluée.
« La Commission a reçu beaucoup de commentaires selon lesquels la valeur personnelle d’un panorama varierait selon la perception de chaque observateur, et qu’il serait difficile de tenter de définir ou de délimiter des critères reconnus d’un panorama vierge » [traduction][31].
En réponse à cette préoccupation, la Commission s’est engagée à « améliorer les exigences actuelles de la règle 007 en matière d’évaluation de l’impact visuel afin d’inclure une méthodologie d’évaluation de l’impact visuel plus structurée dans le processus d’examen des demandes de l’AUC » [traduction][32].
En ce qui concerne les zones « interdites » où le développement de centrales électriques serait complètement restreint, la Commission a indiqué que « l’identification et la délimitation de ces zones, le cas échéant, devraient être faites par le gouvernement » [traduction][33]. Il ne s’agit pas de décisions strictement techniques, mais plutôt d’une prise en compte équilibrée de facteurs au niveau du grand public, au niveau de la collectivité et au niveau individuel.
L’orientation stratégique du Ministre indique que « le gouvernement de l’Alberta élaborera et mettra en œuvre les outils stratégiques et législatifs nécessaires pour établir des zones tampons d’au moins 35 km autour des aires protégées ou d’autres “panoramas vierges” désignés par la province où les nouveaux projets éoliens ne seront plus autorisés » [traduction][34].
D’autres développements dans cette zone pourraient exiger une évaluation de l’impact visuel. Cette orientation reconnaît implicitement que les éoliennes sont les structures industrielles les plus visibles, tandis que d’autres développements sont moins imposants et peuvent être gérés par l’organisme de règlementation local (de préférence de façon indépendante de l’industrie, comme le suggère l’AUC)[35].
3. Terres de la Couronne
L’utilisation des terres de la Couronne a toujours été autorisée pour un éventail de projets énergétiques, comme les lignes de transport et les installations pétrolières et gazières. À travers l’histoire, les centrales électriques renouvelables ont rarement été aménagées sur les terres de la Couronne. Sur cette question, il y a un vide : « À l’heure actuelle, il n’existe aucune politique gouvernementale autorisant des projets éoliens et solaires sur des terres publiques provinciales, ou établissant des paramètres précis pour ce faire, et il n’existe aucune forme d’aliénation des terres publiques expressément destinée à faciliter ce type d’aménagement» [traduction][36].
Il existe un large éventail d’utilisateurs existants des terres de la Couronne, y compris « les détenteurs de droits d’exploitation (p. ex. ceux qui détiennent des baux de pâturage ou des permis de coupe), ainsi que les utilisateurs récréatifs des terres de la Couronne et les collectivités des Premières Nations et des Métis exerçant leurs droits protégés par la Constitution » [traduction][37].
La lettre d’orientation du Ministre reconnaissait qu’une décision stratégique immédiate serait inappropriée.
Étant donné les nombreux intérêts divergents à l’égard des terres de la Couronne, une mobilisation significative est requise avant toute modification de l’accès aux terres de la Couronne, ce qui se traduira par de futures modifications législatives qui entreront en vigueur à la fin de 2025 [traduction][38].
Cette formulation ne permet pas de trancher la question de l’utilisation des terres de la Couronne pour l’aménagement de centrales électriques, mais indique tout de même une date limite pour règler la question d’ici la fin de 2025.
4. Remise en état
Comme l’a souligné l’Alberta Energy Regulator au sujet des puits de pétrole et de gaz abandonnés : « La gestion du passif a toujours été en grande partie réactive et n’était pas axée sur le cycle de vie complet du développement énergétique » [traduction][39].
Comme la Commission l’a déclaré « aucun régime de garantie de remise en état ne s’applique à toutes les centrales électriques » [traduction], et :
À l’heure actuelle, un promoteur n’est pas tenu de fournir une garantie financière pour s’assurer qu’il remplira ses obligations en matière de remise en état. La plupart des centrales électriques sont situées sur des terres privées et sont hébergées volontairement par des propriétaires fonciers qui peuvent négocier les conditions d’accès et, par conséquent, négocier une certaine forme de garantie financière pour les obligations futures de remise en état [traduction][40].
Par conséquent, il est réconfortant de constater que cette question est abordée de façon positive dans l’orientation stratégique du Ministre : Le gouvernement de l’Alberta élaborera et mettra en œuvre les politiques et les outils législatifs nécessaires pour veiller à ce que les promoteurs soient responsables des coûts de remise en état, au moyen d’un cautionnement ou d’une garantie. Les montants de garantie appropriés et le moment où ces garanties seront données restent à déterminer par le ministère de l’Environnement et des Aires protégées, en consultation avec le ministère de l’Abordabilité et le ministère des Services publics » [traduction][41].
Le Commission a fait observer ce qui suit :
Un régime de garantie de remise en état devrait concilier l’atteinte de trois résultats principaux :
- S’assurer que la remise en état du site satisfait à toutes les exigences obligatoires en matière de remise en état.
- S’assurer que le promoteur paie le coût total de la remise en état.
- S’assurer que le régime est fondé sur le risque, qu’il est proportionnel au risque lié à la remise en état et à la cessation d’exploitation et qu’il gère le risque de façon rentable sans être inutilement onéreux pour le promoteur [traduction][42].
Le processus de définition d’un régime de garantie de remise en état se déroulera vraisemblablement en temps opportun.
OBSERVATIONS FINALES
Depuis plus d’un quart de siècle, l’industrie de l’électricité de l’Alberta est divisée en plusieurs segments : la production, le transport, la distribution et la vente au détail. Les limites entre ces segments sont très artificielles, car elles sont le résultat d’accidents historiques et de commodités administratives.
Les limites de ces segments de l’industrie ne sont pas utiles pour repenser la structure de l’industrie de l’électricité de l’Alberta. Tant au niveau des politiques qu’au niveau physique, les changements dans un domaine entraînent souvent des répercussions inattendues dans des régions éloignées, comme l’a démontré le présent article.
L’arrivée d’un grand nombre de producteurs d’énergie renouvelable peut modifier profondément le fonctionnement du marché. En plus des répercussions accrues de la rétention économique dont il a été question plus haut, le niveau de force, de stabilité et de flexibilité du réseau est profondément influencé par les ressources servant à la production d’énergie qui ne peuvent pas être mises à contribution pour accroître la production lorsque le réseau en a besoin.
Le coût sans cesse croissant du transport est un autre résultat des anciennes politiques[43]. Cela aurait également une incidence sur l’utilisation des terres si un plus grand nombre de lignes de transport d’électricité inefficientes étaient construites uniquement pour répondre aux préférences des producteurs en ce qui concerne l’emplacement de leurs installations.
L’utilisation des terres ne devrait être considérée que comme une seule composante de cet ensemble intégré. Avec le modèle axé sur les producteurs, les propriétaires fonciers n’avaient pas de place à la table; la situation est en train de changer, et un régime plus équilibré émergera sans doute avec le temps. Entre-temps :
- Même si l’impact sur toutes les parties sera négligeable, il est rassurant de savoir qu’il y aura des restrictions aux projets de production d’énergie renouvelable sur des terres agricoles.
- Il est également rassurant de savoir qu’il y aura des contraintes sur les impacts visuels que les éoliennes et d’autres installations de production peuvent avoir sur le panorama, même s’il sera difficile de définir avec précision cette exigence.
- Bien que l’emplacement des terres de la Couronne n’ait pas été particulièrement attrayant pour les producteurs, l’occasion de mener une mobilisation significative des différents groupes d’intervenants sera précieuse pour définir les règles que tous les utilisateurs devront suivre.
- Bien que les projets éoliens et solaires ne présentent pas de coûts de remise en état importants par rapport aux activités pétrolières et gazières[44], il est maintenant temps d’établir les règles d’engagement futur pour toutes les centrales électriques.
Dans l’ensemble, l’industrie évolue vers un réseau d’énergie géré et contrôlé de façon plus centralisée, conformément aux lois rigides de la physique.
L’une des leçons tirées du dernier cycle de restructuration de l’industrie de l’électricité à la fin des années 1990 est que personne n’est assez omniscient pour prévoir toutes les conséquences d’une décision importante. De plus, bon nombre des préoccupations et des coutumes héritées de la structure antérieure ne seront pas prises en compte dans la structure future.
Le processus actuel d’enquête publique à grande échelle, suivi de la diffusion publique des orientations stratégiques, clarifie les règles du jeu pour tous les intervenants et permet à l’industrie dans son ensemble d’examiner plus à fond les conséquences d’une politique. Mais le temps presse : l’industrie de l’électricité de l’Alberta est comme un avion en vol, et nous n’avons pas l’option de le mettre hors service tandis que nous remanions sa structure[45]. Des changements doivent être apportés rapidement, ce qui sera sûrement inconfortable et posera inévitablement des risques.
Dans l’examen de ces questions foncières, la Commission s’est vu confier un rôle positif et constructif pour ce qui est de recevoir, d’analyser et de résumer les points de vue généraux de l’industrie, en se fondant sur des mémoires publics. Au fur et à mesure que de nouvelles lois seront élaborées, il sera indubitablement jugé approprié de fournir à l’AUC de nouveaux pouvoirs et une orientation plus claire dans ces domaines et dans d’autres domaines relevant de son mandat, en tirant parti de son expertise reconnue en matière d’évaluation des enjeux sociaux, économiques et environnementaux dans ses décisions.
Au cours des trois dernières décennies, la situation enviable de l’Alberta a fourni presque par inadvertance les ressources nécessaires pour maintenir la pertinence, la stabilité et la force du réseau[46]. Il est à souhaiter que les nombreux avantages de la concurrence puissent être mis à profit dans une nouvelle structure de l’industrie, mais par-dessus tout, les lumières doivent rester allumées et les tarifs doivent demeurer raisonnables. Les résolutions actuelles sur les questions liées aux terres constituent un pas utile dans ce qui semble être la bonne direction.
* Rick Cowburn est un vétéran de 40 ans de l’industrie de l’électricité de l’Alberta. Il a travaillé pendant 25 ans au sein d’EPCOR companies et de ses prédécesseurs, où il était responsable de la conception et de l’approbation des tarifs, des prévisions, du mesurage, du calcul de la charge et de la facturation de gros. Depuis son départ à la retraite en 2007, il a travaillé avec un large éventail de clients, allant des associations pour l’électrification des zones rurales aux grandes entreprises industrielles. En 2012, il a siégé au Retail Market Review Committee par nomination ministérielle (Voir www.open.alberta.ca/publications/6001347).
- Voir Albert Utilities Commission, AUC inquiry into the ongoing economic, orderly and efficient development of electricity generation in Alberta, Module A Report, Proceeding 28501, (Calgary: Alberta Utilities Commission, 2024), AUC 28501, en ligne (pdf) : Alberta Utilities Commission <www.media.auc.ab.ca/prd-wp-uploads/regulatory_documents/Reference/28501_Inquiry-ModuleA-Report.pdf> [Alberta Utilities Commission].
- Lettre du ministre Nathan Neudorf au président-directeur général de l’Alberta Utilities CommissionBob Heggie (28 février 2024), au sujet de l’orientation stratégique de l’Alberta Utilities Commission, en ligne (pdf) : <www.alberta.ca/system/files/au-minister-Neudorf-letter-to-auc-20240228.pdf> [Lettre du ministre Nathan Neudorf].
- Voir Alberta Department of Energy, Enhancing the Alberta Advantage: A Comprehensive Approach to the Electric Industry, (Edmonton : Comité directeur, 1994), à la p 26, en ligne (pdf) : <open.alberta.ca/dataset/f8024ee2-e18e-405d-89da-83f55c335e05/resource/a6667b6a-ba01-436f-9b2b-e698ab974dca/download/energy-enhancing-the-alberta-advantage-a-comprehensive-approach-to-the-electric-industry.pdf>.
- George Bernard Shaw, « Caesar and Cleopatra » (dernière modification le 10 décembre 2012), deuxième acte, en ligne : <www.gutenberg.org/files/3329/3329-h/3329-h.htm>.
- En pratique, l’Alberta Electric System Operator (AESO) a maintenu sa force technique dans ces domaines de la planification et de l’exploitation, mais sa capacité d’optimiser véritablement le réseau est limitée par les politiques et les lois en vigueur.
- Le Texas est la seule autre administration nord-américaine à utiliser ce modèle. Pour sa part, l’Alberta a en grande partie défini sa propre méthode pour structurer le marché de l’électricité.
- Alberta Electric System Operator, AESO 2014: Long-Term Outlook, (Calgary: Alberta Electric System Operator, 2024. « Au cours des 20 prochaines années, la charge interne de l’Alberta devrait augmenter à un taux annuel moyen de 2,5 % » [traduction] à la p 3.
- L’AESO effectue des évaluations diligentes de la capacité du réseau, lesquelles ne déclencheraient des ajouts obligatoires que dans des circonstances exceptionnelles (qui ne se sont jamais présentées); voir AESO, Appendix A : Overview of AESO Supply Adequacy Measures, en ligne (pdf) : <www.aeso.ca/assets/LARA-Rules-and-ARS/Appendix-A-Overview-of-AESO-Supply-Adequacy-Measuress.pdf>.
- Alberta Energy: Electricity Business Unit, « Transmission Development: The Right Path for Alberta: A Policy Paper » (novembre 2003), à la p 7, en ligne (pdf) : <www.open.alberta.ca/publications/3103222>.
- Ibid à la p 8.
- Voir par exemple Central East Transfer-out Transmission Development Project (10 août 2021), 25469-D01-2021, aux para 7, 43, en ligne : Alberta Utilities Commission <electric.atco.com/content/dam/web/projects/projects-overview/electricity-ceto-decision25469-d01-2021.pdf>.
- Ministry of Affordability and Utilities, Transmission Policy Review: Delivering the Electricity of Tomorrow, (gouvernement de l’Alberta, 2023), en ligne (pdf) : <www.ablawg.ca/wp-content/uploads/2023/11/Transmission-Policy-Green-Paper-2023.pdf>. « Pour s’assurer que les avantages du maintien de la politique zéro congestion l’emportent toujours sur les coûts, le ministère de l’Abordabilité et des Services publics examine d’autres cadres de planification du transport… » [traduction] à la p 14.
- Voir Alberta Electric System Operator, AESO 2023 : Annual Market Statistics, (2024) « TABLE 1 : Annual market price statistics » (tableau) à la p 2, en ligne (pdf) : <www.aeso.ca/assets/Uploads/market-and-system-reporting/Annual-Market-Stats-2023_Final.pdf>.
- Market Surveillance Administrator, Quarterly Report for Q3 2022, (2022) à la p 15, en ligne (pdf) : <www.albertamsa.ca/assets/Documents/Q3-2022-Quarterly-Report.pdf>. Voir aussi Market Surveillance Administrator, Quarterly Report for Q2 2022, (2022) à 1(6)(3), en ligne (pdf) : <www.albertamsa.ca/assets/Documents/Q2-2022-Quarterly-Report.pdf>.
- Market Surveillance Administrator, Quarterly Report for Q3 2022, [2022] « Illustrative Q3 2022 supply curve » [graphique] à la p 29, en ligne (pdf) : <www.albertamsa.ca/assets/Documents/Q3-2022-Quarterly-Report.pdf>.
- Market Surveillance Administrator, Quarterly Report for Q2 2022, (2022) à la p 33, en ligne (pdf) : <www.albertamsa.ca/assets/Documents/Q2-2022-Quarterly-Report.pdf>.
- Voir Alberta Electric System Operator, « Market Pathways » (dernière modification le 15 juillet 2024), en ligne : <www.aesoengage.Aeso.ca/market-pathways>.
- Le règlement (4) ne s’applique pas aux petites entités (<5 % de la capacité totale de l’Alberta), aux énergies renouvelables ou à certaines ressources de stockage d’énergie. Le plafond quotidien tient également compte des variations des prix du gaz naturel, c’est-à-dire l’apport énergétique par défaut du générateur.
- Voir Alberta Electric System Operator, AESO 2023: Reliability Requirements Roadmap, (2023), (les ressources renouvelables ont également une incidence sur un éventail d’exigences opérationnelles, que l’AESO a résumées sous les rubriques de la stabilité de la fréquence « la capacité du réseau électrique à maintenir un niveau de fréquence acceptable et à se rétablir en temps opportun d’un déséquilibre offre-demande attribuable à des imprévus » [traduction] à la p 14); la puissance du réseau (« une mesure de la capacité du réseau d’alimentation à préserver sa stabilité dans toutes les conditions d’exploitation crédibles et possibles » [traduction] à la p. 34); et un potentiel de flexibilité (« la capacité du réseau électrique de s’adapter aux conditions dynamiques et en évolution tout en maintenant l’équilibre entre l’offre et la demande » [traduction] à la p 46). La politique de l’Alberta de liberté radicale des producteurs est en train d’être modifiée en réponse à ces défis, voir aussi Alberta Electric System Operator, Alberta’s Restructured Energy Market : AESO Recommendation to the Minister of Affordability and Utilities (Calgary : Alberta Electric System Operator, 2024), en ligne (pdf) : <www.aesoengage.aeso.ca/37884/widgets/156642/documents/125518>.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 at 52.
- Ibid.
- Alberta Public Agencies Governance Act, SA 2009, c A-31.5 (« Subject to subsection (2), a Minister who is responsible for a public agency may set policies that must be followed by the public agency in carrying out its powers, duties and functions. » au para 10[1]). On ne sait pas si cette loi a été utilisée dans le passé pour des questions liées à l’industrie de l’électricité. Voir aussi Lettre du ministre Nathan Neudorf, supra note 2.
- Lettre du ministre Nathan Neudorf, supra note 2 à la p 3.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 au para 93.
- Ibid aux para 84, 91.
- Ibid au para 82.
- Ibid au para 103.
- Ibid aux para 75, 102. La lettre d’orientation du Ministre appuyait fortement la vérification sur place du sol.
- OC 2023/171, en ligne (pdf) : <kings-printer.alberta.ca/documents/Orders/Orders_in_Council/2023/2023_171.pdf>.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 au para 68.
- Ibid au para 195.
- Ibid au para 49. Voir Lettre du ministre Nathan Neudorf, supra note 2. Voir aussi Alberta Utilities Commission « Rule 007: Applications for Power Plants, Substations, Transmission Lines, Industrial System Designations, Hydro Developments and Gas Utility Pipelines » (consulté le 21 août 2024), en ligne : <www.auc.ab.ca/Rule-007>.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 au para 212.
- Lettre du ministre Nathan Neudorf, supra note 2 à la p 3.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 au para 212.
- Ibid au para 127.
- Ibid au para 129.
- Lettre du ministre Nathan Neudorf, supra note 2 at 4.
- Alberta Energy Regulator, « Liability Management: Moving away from the liability management rating (LMR)» (dernière consultation le 21 août 2024), en ligne : <www.aer.ca/providing-information/by-topic/liability-management>. Voir Auditor General of Alberta, Liability Management of (Non-Oil Sands) Oil and Gas Infrastructure: Alberta Energy Regulator (Alberta : Auditor General of Alberta, 2023), en ligne (pdf) : <www.oag.ab.ca/wp-content/uploads/2023/03/Liability-management-oil-gas-mar2023.pdf>.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 au para 152.
- Lettre du ministre Nathan Neudor, supra note 2 au para 3.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1 au para 184.
- En 1996, au moment de l’ouverture du marché concurrentiel de la production d’énergie, les coûts de transport étaient de 557 millions de dollars; en 2023, ils étaient de 2 729 millions de dollars, soit une augmentation de 390 %. Au cours de la même période, la charge de pointe est passée de 7 818 MW à 12 384 MW, une augmentation de 58 %. Voir Alberta Electric System Operator, 2023 Year in Review: Management’s Discussion and Analysis, (2024), en ligne (pdf) : <www.aeso.ca/assets/2023-AESO-Financial-Results_WEB.pdf>. Voir aussi Alberta Electric System Operator, 2023 Year in Review: Acting now to create the power system of the future, (2024), en ligne (pdf) : <www.aeso.ca/assets/2023-AESO-Year-in-Review_WEB.pdf>. Voir aussi Re Gridco (1990), Proceeding 7051, Disposition ED95124, Applications 162369-1-6, à la p 85, en ligne : Alberta Utilities Commission <www2.auc.ab.ca/Proceeding26911/ProceedingDocuments/26911_X0583_26911%20VIDYA%20Evidence%20-%20Transmission%20in%20Context_000806.pdf#search=162369>.
- Alberta Utilities Commission, supra note 1. « Le profil de risque lié à la remise en état des centrales électriques renouvelables est relativement plus faible que celui des autres industries, car il n’y a pas de risque d’épuisement du carburant et le risque de contamination est plus faible » [traduction] à la p 37.
- Il faut se rappeler qu’au cours des cinq années qui se sont écoulées entre la libre concurrence en matière de production (1996) et la libre concurrence en matière de vente au détail (2001), aucune centrale de production importante n’a été construite et qu’en 2000-2001, les prix du marché ont augmenté à un point tel que le gouvernement a imposé des comptes de report pour atténuer le choc des tarifs.
- Voir Alberta Electric System Operator, AESO 2023: Reliability Requirements Roadmap, (2023), en ligne (pdf) : <www.aeso.ca/assets/Uploads/future-of-electricity/AESO-2023-Reliability-Requirements-Roadmap.pdf>.