CARBON CHANGE: Canada on the Brink of Decarbonization, Dennis McConaghy, Dundurn Press Toronto, 2022

Dans son ouvrage de 2019 intitulé BREAKDOWN: The Pipeline Debate and the Threat to Canada’s Future,[1] Dennis McConaghy a fait valoir que, malgré la polarisation provoquée par le débat sur la politique climatique, le Canada « peut et doit trouver un consensus qui équilibre une politique climatique crédible et proportionnée[2] » [traduction]. Trois ans plus tard, il ressort clairement du plus récent ouvrage de McConaghy[3], CARBON CHANGE: Canada on the Brink of Decarbonization, que le Canada, à son avis, est loin d’avoir atteint cet équilibre.

Il convient de souligner d’entrée de jeu que McConaghy ne nie pas les changements climatiques. Au contraire :  « Le risque lié aux changements climatiques est bien réel et inquiétant… et il est clairement attribuable, en grande partie, à l’activité humaine[4] » [traduction]

Cependant, il est tout aussi catégorique lorsqu’il affirme qu’il conviendrait de revoir le point de mire de la politique climatique, à savoir la « décarbonisation », voulant que « les hydrocarbures ne puissent plus être produits ou utilisés[5] » [traduction]. Il soutient plutôt que l’accent devrait être mis sur la gestion du risque de changements climatiques, en utilisant une analyse coûts-avantages « fondée sur un prix du carbone établi au moyen de taxes sur le carbone visant les activités productrices de GES et appliquées de façon uniforme dans les économies développées du monde entier[6] » [traduction]. McConaghy présente des arguments convaincants.

Premièrement, il s’attaque au processus des Nations Unies qui vise à réduire la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Ce processus attribue des réductions d’émissions ciblées aux pays développés qui sont de grands émetteurs « tout en permettant à d’autres pays, comme la Chine et l’Inde, de demeurer des “resquilleurs” [traduction]; le processus devrait être “réinventé[7]”. Au passage, il propose un examen précieux de l’émergence de l’approche des Nations Unies, depuis la mise sur pied du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU en 1988, jusqu’au Protocole de Kyoto de 1997 et à l’Accord de Paris de 2015 à la Conférence des Parties de Glasgow de 2021, et montre comment les « cibles » précédentes se sont transformées en « décarbonisation ». Il souligne par ailleurs les répercussions que ces évolutions du processus des Nations Unies ont entraînées sur les projets d’infrastructure énergétique proposés au Canada, particulièrement au cours de la période de 2019 à mars 2020[8].

Deuxièmement, McConaghy soutient :

La décarbonisation est tout simplement trop coûteuse par rapport au risque couru par l’humanité. L’humanité aurait avantage à tolérer un certain risque de phénomènes météorologiques extrêmes et des discontinuités à incidence élevée, mais moins probables, dans le climat mondial[9] [traduction].

Il souligne que le processus de l’ONU n’a jamais précisé le coût net de la décarbonisation[10] et mentionne la conclusion d’un rapport de McKinsey Consulting publié en 2022 selon laquelle l’atteinte de la carboneutralité n’exigerait rien de moins que « une transformation de l’économie mondiale[11] » [traduction].

McConaghy tire également des leçons instructives de la comparaison des réponses stratégiques au défi que présentent les changements climatiques avec les réponses à la pandémie de COVID-19, à compter de 2020. Dans les deux cas « des actions indépendantes et sans contrainte de la part de particuliers, d’entreprises ou d’États peuvent créer des risques et des dommages collatéraux pour d’autres — refuser la vaccination dans le cas de la COVID-19; consommer de plus en plus d’hydrocarbures dans le cas des changements climatiques[12] » [traduction]. N’empêche, bien que la COVID-19 « présente un risque immédiat pour la quasi-totalité de l’humanité[13] » [traduction], celle-ci accepte le risque résiduel qui découle de la réalisation qu’un objectif d’élimination complète de la COVID-19 n’est pas raisonnable[14]. Il pose la question : « Cette réalité peut-elle justifier de vivre avec une augmentation de la température mondiale de 3 °C[15] ? » [traduction] Il remarque que, malgré le « langage fleuri » utilisé pour décrire les changements climatiques comme une « crise », une « catastrophe », un « code rouge pour l’humanité » et une « menace existentielle », le GIEC n’a jamais explicitement déclaré qu’une augmentation de 3 °C se traduirait par l’extinction humaine[16]. Après avoir examiné le précédent établi par certains éléments de la réponse du Canada à la COVID-19, il s’inquiète de la possibilité d’un « confinement climatique » comme complément logique à l’objectif principal de décarbonisation, sans qu’on en ait analysé les coûts et les avantages[17].

Le débat climatique est l’une des manifestations les plus extrêmes de la polarisation destructrice qui contamine une grande partie de la société, imprégnée de zèle, d’intolérance et de déni. De toute évidence, les changements climatiques représentent un défi mondial sérieux auquel il faut répondre de façon rationnelle et éclairée. BREAKDOWN: The Pipeline Debate and the Threat to Canada’s Future devrait apporter une contribution inestimable à l’élaboration d’une telle réponse.

 

* Conseiller en réglementation de l’énergie, codirecteur de la rédaction, Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie.

  1. Rowland J. Harrison, c.r.,  « BREAKDOWN: The Pipeline Debate and the Threat to Canada’s Future, Dennis McConaghy, Dundurn Toronto, 2019 » (2019) 7:4 Publication trimestrielle sur la règlementation  de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/fr/book-reviews/breakdown-the-pipeline-debate-and-the-threat-to-canadas-future-dennis-mcconaghy-dundurn-toronto-2019>.
  2. Ibid à la p 5.
  3. Voir aussi Dennis McConaghy, « DYSFUNCTION: Canada after Keystone XL Dennis McConaghy, Dundurn Toronto, 2017 » (2017) 5:2 Publication trimestrielle sur la règlementation  de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/fr/book-reviews/dysfunction-canada-after-keystone-xl-dennis-mcconaghy-dundurn-toronto-2017>.
  4. Dennis McConaghy, CARBON CHANGE: Canada on the Brink of Decarbonization (Toronto, Ontario : Dundurn, 2022), à la p 2.
  5. Ibid à la p 1.
  6. Ibid à la p 3.
  7. Ibid à la p 2.
  8. McConaghy était le membre de l’équipe de direction de TransCanada ayant pour principale responsabilité le projet Keystone XL Project, supra note 3.
  9. Supra note 4 à la p 41.
  10. Ibid à la p 130.
  11. Ibid à la p 37.
  12. Ibid à la p 120.
  13. Ibid à la p 131.
  14. Ibid à la p 129.
  15. Ibid.
  16. Ibid à la p 130.
  17. Ibid à la p 139.

 

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