INTRODUCTION
Le présent article porte sur l’examen d’un plan de ressources intégrées des ressources (PIR) par les organismes de règlementation économique pour les services publics d’électricité et de gaz naturel au Canada. Le processus de PIR était habituellement mené par chaque service public règlementé, en tenant compte uniquement de la demande d’énergie de ses clients, sans prendre en compte d’autres types d’énergie disponibles. Cependant, la transition vers la carboneutralité d’ici 2050 entraîne de nouveaux comportements, dont le « changement de combustible », ce qui n’est pas sans imposer de nouveaux impératifs pour le processus de PIR.
Le présent article traite d’abord du contexte historique de la croissance des services publics au Canada, du rôle de l’organisme de règlementation économique dans le processus de PIR et de la façon dont les PRI étaient préparés et examinés par le passé. On y examine le rôle de la PIR dans les administrations publiques « intégrées verticalement » et dans les provinces qui sont « dégroupées », à savoir celles qui ont un marché de gros de l’électricité. Bien que les services publics aient un rôle clé à jouer dans la préparation d’un PRI, le présent article s’attarde plutôt à l’examen de ce plan et au rôle de l’organisme de règlementation économique dans l’exécution de celui-ci.
Les préparatifs en cours en vue de la carboneutralité ont une incidence profonde sur le processus d’examen du PRI. L’électrification accrue et le changement de combustible du gaz naturel à l’électricité ont une incidence sur les décisions d’investissement dans les secteurs du gaz naturel et de l’électricité, et ils portent leurs lots de défis dans ces deux secteurs. Une partie importante du mouvement vers le changement de combustible est dictée par des politiques, ce qui n’est pas sans s’accompagner d’une part d’incertitude.
Le changement de combustible entre l’électricité et le gaz naturel est en grande partie un jeu à somme constante en ce qui concerne la demande des services publics. Toutefois, il entraîne une perte de charge pour les services publics de gaz naturel et un gain proportionnel de charge pour les services publics d’électricité, ce qui se traduit par un regroupement des prévisions de la demande d’électricité et de gaz naturel, et augmente le risque d’estimations exagérées. Ainsi, à la fin du présent article, on en vient à la conclusion qu’au lieu de préparer et d’examiner séparément les plans relatifs au gaz naturel et à l’électricité, il serait préférable de les prendre en compte de façon regroupée. De plus, il ne faut pas oublier que les répercussions possibles de la carboneutralité sur le processus de PRI comprennent le recours à l’électricité comme carburant de transport.
Dans le présent article, on examine également comment, dans de nombreux cas, la transition énergétique accroît considérablement l’exposition des services publics règlementés aux marchés concurrentiels, ce qui représente un nouveau défi en matière de règlementation tandis que les organismes de règlementation économique examinent les décisions d’investissement dans ce marché concurrentiel. La règlementation économique n’a jamais été conçue pour s’appliquer à cette situation de marché concurrentiel particulière dans laquelle se trouvent les services publics, et il est bien possible que les organismes de règlementation économique ne disposent pas des outils nécessaires pour composer avec cette nouvelle réalité.
La fréquence croissante du changement de combustible exacerbe les risques liés aux investissements dans l’infrastructure au sein de tous les secteurs du système énergétique. L’un de ces risques est celui lié aux actifs délaissés. Bien que pour plusieurs ce risque se limite aux investissements dans les infrastructures liées au gaz naturel, le présent article prend aussi en compte les risques pour les investissements dans le secteur de l’électricité.
Dans le secteur des carburants à base de pétrole, ces risques sont en grande partie assumés par l’investisseur ou l’actionnaire des entreprises qui œuvrent dans ce secteur. Dans le secteur règlementé de l’électricité et du gaz naturel, une plus grande proportion du risque lié à l’investissement est assumée par les clients. Bien que le processus du PIR soit un outil clé pour atténuer ces risques, les méthodes de prévision imparfaites et les imperfections inhérentes au système de règlementation économique, qui provoquent un décalage entre le risque et l’avantage, pourraient faire en sorte qu’il ne soit pas possible d’atténuer ces risques de façon satisfaisante.
Dans les paragraphes qui suivent, on se penche ensuite sur la façon de tirer parti de la concurrence émergente dans le secteur règlementé des services publics afin de mieux harmoniser les risques et les avantages liés aux investissements. D’autres questions au sujet du processus du PIR se posent : À-t-on un plan pour encadrer la concrétisation d’un scénario d’électrification ? Un plan à long terme est-il nécessaire ? Quel est le rôle des forces du marché dans le processus de planification et quelle est leur incidence sur le rôle de l’organisme de règlementation économique ?
À défaut de trouver la réponse à certaines de ces questions, nous courrons le risque de reléguer aux organismes de règlementation économique la responsabilité d’approuver le montant croissant du capital (à risque pour les abonnés aux services) dans les secteurs de l’électricité et du gaz naturel. Cela exige également que les organismes de règlementation comprennent les hypothèses implicites dans la trajectoire vers l’électrification — le plan auquel travaillent les services publics d’électricité et de gaz naturel. Nous pourrions également transformer la planification énergétique pour la carboneutralité en un exercice de planification vaste, exhaustif et, incidemment, laborieux.
SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE DU CANADA – LE STATU QUO
L’évolution du système énergétique du Canada s’est généralement déroulée de façon progressive et organique, obéissant en grande partie aux forces du marché et à d’importantes pressions politiques des gouvernements fédéral et provinciaux. Les améliorations technologiques étaient porteuses de suffisamment de valeur pour les consommateurs pour donner l’impulsion économique à la plupart de ces changements. Pour les besoins de la présente analyse, considérons que le système est devenu une composante règlementée sur le plan économique (distribution de l’électricité et du gaz naturel), ainsi que tous les aspects connexes.
Bien que la distribution d’électricité et de gaz naturel ait été considérée comme une activité monopolistique qui justifiait sans contredit une règlementation économique, le potentiel de concurrence entre ces sources d’énergie aux marges demeurait — notamment en ce qui concerne les combustibles de chauffage — même si, du moins théoriquement, il ne s’arrêtait pas là. On pourrait acheter une génératrice alimentée au gaz naturel (ou au diesel, à l’essence ou à un autre carburant) pour alimenter un bâtiment, ne pas raccorder ce bâtiment au réseau du fournisseur d’électricité monopolistique et produire sa propre électricité. Bien que de nombreux hôpitaux et d’autres grands bâtiments disposent de cette capacité, elle est surtout utilisée à des fins de génération d’urgence. Il s’avère que la production de sa propre électricité n’est pas pour ceux qui ont froid aux yeux, surtout pour les petits utilisateurs. Ainsi, ces autres combustibles n’ont jamais suscité beaucoup d’intérêt en tant que solutions concurrentes sérieuses dans le secteur de l’électricité, du moins là où et quand l’électricité était disponible. Là où le gaz naturel est disponible, il a souvent bénéficié d’un avantage important sur le plan des prix par rapport à l’électricité et est donc devenu le combustible de choix pour le chauffage.
QU’EST-CE QU’UN PLAN DE RESSOURCES INTÉGRÉ (PRI) ?
Un PRI est un plan exhaustif à long terme (habituellement d’un horizon de plus de 20 ans) élaboré par un service public pour s’assurer qu’il peut répondre à la demande future en énergie de façon fiable et rentable. Il permet d’évaluer un amalgame de ressources du côté de l’offre (par exemple des centrales électriques ou un approvisionnement en gaz naturel) et de stratégies du côté de la demande (par exemple l’efficacité énergétique ou la réponse à la demande) pour équilibrer les besoins du système. Les PRI tiennent compte de facteurs économiques, environnementaux et règlementaires, ce qui sous-tend souvent une mobilisation des intervenants.
L’organisme de règlementation économique n’a aucun rôle à jouer dans l’élaboration du PRI à proprement parler, mais il en examine habituellement le contenu. L’examen règlementaire du PRI d’un service public vise à s’assurer que les prévisions à long terme et les plans de celui-ci pour répondre à la demande future d’énergie sont dans l’intérêt du public, qu’ils cadrent avec les objectifs stratégiques et qu’ils favorisent un équilibre entre la fiabilité, l’abordabilité et la durabilité environnementale. L’examen du PRI contribue également à règlementer de manière efficace, car il fournit un contexte important pour toute demande future visant la construction des installations qui sont incluses dans le PRI.
PRI D’UN SERVICE PUBLIC D’ÉLECTRICITÉ DANS LES ADMINISTRATIONS INTÉGRÉES VERTICALEMENT
En Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba, au Québec, dans le Canada atlantique et dans les Territoires, la majeure partie de l’électricité est fournie par ce qu’on appelle des services publics intégrés verticalement — le service public possède et exploite l’installation de production d’électricité, en assure la transmission et la distribution, exploite généralement ses activités dans une zone de concession monopolistique, et les clients reçoivent une facture unique pour la production et la livraison de leur électricité.
Par le passé, le processus de planification intégrée des ressources des services publics d’électricité dans ces régions était axé sur l’infrastructure de production et de transmission, et peu ou pas d’attention était accordée à la distribution de l’énergie aux clients au détail. Par transmission, on entend généralement les lignes transportant 100 kV et plus. Par distribution, on entend le système à plus faible tension (moins de 100 kV) ainsi que l’infrastructure des services publics locaux pour réduire la tension avant l’acheminement aux maisons et autres bâtiments.
La PRI est un processus en deux étapes. Le service public règlementé élabore une prévision de la demande à moyen et à long terme — habituellement sur une période d’environ 20 ans — indiquant la demande à laquelle il prévoit de répondre et la façon dont il le fera, en particulier les nouvelles infrastructures qu’il devra construire.
Le processus est assez simple. Premièrement, il faut prévoir la demande d’énergie à moyen et à long terme, puis déterminer comment y répondre. La première partie est largement un processus de prévision macroéconomique de la part de l’entreprise d’électricité. Dans quelle proportion le bassin de clients va-t-il augmenter dans mon territoire de service et combien ces clients vont-ils dépenser pour de nouveaux téléviseurs, grille-pain et réfrigérateurs ? Les services publics sont généralement tenus de fournir plusieurs scénarios pour prendre en compte différents facteurs exogènes, comme les niveaux de croissance ou d’électrification.
Les volumes de charges regroupées sont obtenus par un processus ascendant lors des discussions avec les directeurs de comptes de gros clients commerciaux et industriels. Étant donné le délai de mise en valeur des ressources pour répondre à ces charges, les services publics veillent généralement à cerner ces demandes longtemps à l’avance. Les organismes de règlementation examinent ces prévisions et leurs hypothèses sous-jacentes pour en déterminer le caractère raisonnable. Un exercice très intéressant, mais pas particulièrement controversé jusqu’à présent.
Vient ensuite la partie liée à la planification. Quelle infrastructure nouvelle est nécessaire pour répondre aux prévisions de charge ? On ne saurait trop insister sur l’importance de l’exactitude des prévisions. L’investissement en immobilisations est un facteur important des tarifs des services publics, et les prévisions de charge orientent les décisions d’investissement en immobilisations. Une sous-estimation peut laisser un service public à court d’énergie ou de moyens pour répondre à la demande, ce qui pourrait entraîner une augmentation des prix sur le marché. Une surestimation peut entraîner une construction excessive d’installations et l’acquisition de matériel qui ne seront peut-être pas nécessaires ou qui ne le deviendront que beaucoup plus tard dans l’avenir.
Ce plan à long terme est déposé auprès de l’organisme de règlementation économique à des fins d’examen, d’approbation ou d’acceptation, souvent après que le service public a consulté ses intervenants.
MARCHÉS DE L’ÉLECTRICITÉ DÉGROUPÉS ET PRI
Le processus de PRI est différent dans les administrations qui ne sont pas intégrées verticalement. En Ontario et en Alberta, le réseau d’électricité est « dégroupé », ce qui signifie que les responsabilités pour la production, la transmission et la distribution sont distinctes. L’un des aspects clés d’une administration dégroupée est la présence d’un marché de gros concurrentiel.
De multiples entreprises de distribution, qui dans bien des cas appartiennent à une municipalité et sont exploitées par celle-ci, distribuent l’électricité au détail aux clients. Dans ces deux provinces, le réseau de transmission à haute tension est exploité par une entité distincte. Il s’agit d’une entité distincte, appartenant au gouvernement provincial ou relevant directement de celui-ci, à savoir une société indépendante d’exploitation (« SIE »)[2]. Il incombe à cette entité de planifier l’approvisionnement en électricité à long terme et d’en garantir la suffisance. La SIE est également responsable d’équilibrer en temps réel l’offre et la demande, de surveiller le marché de gros et de garantir la satisfaction de normes de fiabilité obligatoires.
Les propriétaires indépendants d’actifs de production vendent leur électricité sur le marché de gros où elle est achetée par des entreprises locales de distribution et, dans certains cas, par de grands utilisateurs industriels.
Dans un système dégroupé, les clients peuvent recevoir plusieurs factures (ou une seule facture comportant plusieurs segments), y compris pour la prestation de services de transmission et de distribution. S’ils concluent un contrat directement avec un producteur, ils sont facturés séparément pour ce service également.
En règle générale, la SIE est responsable du PRI ou du processus équivalent dans ces administrations. Comme dans le cas d’un service public intégré verticalement, elle doit établir une prévision de la charge et veiller à ce que la production soit suffisante pour répondre à cette demande. En plus de veiller à une production suffisante, elle est responsable de la planification de la transmission.
Les plans de la SIE sont souvent examinés par un organisme de règlementation économique. Toutefois, dans les marchés dégroupés, l’investissement dans des actifs de production ne représente habituellement pas un risque pour les clients du commerce de détail et de gros[3] et, du moins dans le cas de l’Alberta, il n’est pas règlementé sur la base de considérations économiques. Bien que ce mécanisme puisse reléguer encore un rôle à l’organisme de règlementation économique, la répartition du risque lié à l’investissement dans une infrastructure de production entre l’actionnaire et l’abonné au service ne fait pas partie de ce rôle[4].
Dans les prochains paragraphes, nous examinerons plus à fond les répercussions de l’infrastructure des services publics construite pour servir un marché concurrentiel et les répercussions sur l’examen d’un PRI.
PRI DES SERVICES PUBLICS DE GAZ NATUREL
Les entreprises qui acheminent le gaz naturel vers les clients de détail ne participent généralement pas aux opérations d’extraction, de transformation et de transmission du produit. Habituellement, elles obtiennent le produit d’une entité exploitant ce type d’activités et incluent les coûts d’obtention et de transmission du gaz naturel jusqu’à leur propre système dans leurs frais d’exploitation avec peu ou pas de majoration.
Cependant, comme dans le cas de l’électricité, l’approvisionnement des utilisateurs en gaz naturel peut aussi être dégroupé. En pareil cas, les clients peuvent choisir le fournisseur du produit auprès duquel ils achètent du gaz naturel. Ils paient ensuite le coût du produit séparément du coût d’acheminement, lequel comprend les coûts de transmission (gazoducs à haute pression) et de distribution (infrastructure à faible pression et de distribution locale).
Que ce soit dans un scénario groupé ou dégroupé, il incombe habituellement à la société d’approvisionnement en gaz naturel de préparer un PRI pour donner à l’organisme de règlementation un aperçu de ses prévisions de la demande et de ses plans d’investissement en immobilisations dans l’infrastructure du réseau de distribution.
Le PRI d’un service public de gaz naturel met habituellement l’accent sur les investissements à effectuer dans le réseau de distribution ainsi que sur l’évaluation des sources d’approvisionnement des utilisateurs en gaz naturel, y compris les contrats à long terme, les installations de stockage et la capacité des gazoducs de transmission.
L’IMPACT DE LA CARBONEUTRALITÉ
La politique de carboneutralité entraîne des répercussions profondes sur le système énergétique. La production et la consommation d’énergie sont un moteur important des émissions de CO2, et c’est pourquoi une grande partie de la politique de carboneutralité vise ce secteur. L’évolution du paysage énergétique qui en résulte entraîne des répercussions importantes sur le processus du PRI.
L’adoption de politiques de carboneutralité s’accompagne d’une activation de la concurrence entre les services publics d’électricité et de gaz naturel. Par exemple, en Colombie-Britannique, Fortis Gas et BC Hydro se sont livré bataille sur la plateforme Twitter quant au type de carburant recommandé pour chauffer sa maison, à savoir l’électricité propre ou le gaz naturel renouvelable « sale ».
En 2020, la British Columbia Utilities Commission (BCUC) a reconnu que la PRI n’est plus ce qu’elle était autrefois. Au lieu de percevoir le gaz naturel et l’électricité comme deux marchés distincts, il faut maintenant les examiner ensemble et voir comment les activités du service public de gaz naturel affectent le service public d’électricité — et inversement. Le passage du gaz naturel à l’électricité est en grande partie un jeu à somme constante, en ce sens qu’un changement entraîne une perte de charge pour les services publics de gaz naturel et un gain proportionnel de charge pour les services publics d’électricité et inversement.
Toutefois, si les prévisions des services publics ne reflètent que la demande qu’ils prévoient d’obtenir ou de conserver aux dépens de leurs concurrents, cela augmente les défis et les risques auxquels est confronté l’organisme de règlementation économique lorsqu’il examine les prévisions. Par conséquent, la BCUC a réagi en demandant à ses principaux services publics de gaz naturel et d’électricité de partager leurs prévisions ainsi que leurs hypothèses sous-jacentes et les a encouragés à tenir compte des hypothèses de l’autre service public lorsqu’ils élaboraient leurs propres prévisions.
D’autres administrations ont pris des mesures semblables. Au Royaume-Uni, le 1er octobre 2024, après un processus de consultation publique, le gouvernement a créé le National Energy System Operator (NESO), une nouvelle société publique chargée de la planification des réseaux d’électricité et de gaz naturel de la Grande-Bretagne et d’exploiter le réseau électrique. Ce faisant, il a transféré plus de 2 000 employés des services publics privés qui étaient auparavant responsables de la planification des réseaux d’électricité et de gaz naturel et de l’exploitation du réseau d’électricité.
Compte tenu du mandat du NESO, il est clair que le terme « energy », utilisé dans son nom, fait référence à l’électricité et au gaz naturel. Toutefois, la simple planification regroupée des réseaux d’électricité et de gaz naturel suffit-elle ? Le processus de PRI ne se limite plus aux deux solitudes que sont l’électricité et le gaz naturel. L’énergie nécessaire au transport a toujours été négociée dans un marché concurrentiel où l’électricité n’a jamais été un joueur. Cependant, l’électricité est maintenant un acteur présent dans la zone concurrentielle. Cela oblige les organismes de règlementation économique de l’électricité à évaluer le potentiel de l’électricité pour desservir un marché qui a toujours été largement desservi par le pétrole.
Il reste encore beaucoup d’incertitude quant à la voie la plus efficace et la plus rentable vers la carboneutralité. Pour certains décideurs politiques, la voie à suivre devient de plus en plus synonyme d’électricité de sorte que le discours se poursuit en faveur de l’électrification. La sagesse conventionnelle suggère que l’électrification du secteur du gaz naturel et des carburants de transport entraînera une diminution, voire un effondrement de la demande dans ces secteurs, selon le taux d’électrification.
Dans le secteur du gaz naturel, plus particulièrement, un affaissement ou un effondrement de la demande entraînera le délaissement d’actifs de plusieurs milliards de dollars, ce qui aura une incidence sur la viabilité des services publics de gaz naturel et leurs coûts d’exploitation, particulièrement leurs coûts liés aux immobilisations. Affirmer qu’il s’agit d’un casse-tête pour les organismes de règlementation est un euphémisme.
Mais qu’en est-il si la sagesse conventionnelle n’était pas tout à fait correcte ? Que se passerait-il si, du côté de l’électricité, en suivant le principe « construisez-le, ils viendront », personne ne vient ? Ce sont les actifs d’électricité qui pourraient être délaissés. Bien que ce scénario semble peu probable pour plusieurs, de nombreux facteurs pourraient avoir une incidence sur la demande d’électricité, notamment des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et des percées technologiques dans les processus de combustion des combustibles qui en réduisent les émissions de gaz à effet de serre (GES), des retards règlementaires dans la délivrance de permis pour des projets d’électricité qui rendent difficile de soutenir le rythme de la construction et l’évolution des politiques et de l’adoption par les consommateurs.
Les organismes de règlementation économique ont un rôle de supervision important à jouer pour une transition harmonieuse, et un examen holistique des processus de planification des services publics est un bon point de départ en ce sens.
LA CARBONEUTRALITÉ ET LE SYSTÈME DE DISTRIBUTION
Un autre facteur à considérer dans le processus général de planification des services publics, qui touche principalement le secteur de l’électricité, est l’investissement considérable à effectuer dans le réseau de distribution pour répondre à la demande croissante d’électrification. Un exemple éloquent est l’infrastructure électrique requise pour la recharge des véhicules électriques (VE). Bien qu’une attention considérable soit accordée à la nécessité de disposer d’un plus grand nombre d’installations de recharge pour VE, un autre facteur important à considérer est l’infrastructure de distribution requise pour répondre à cette charge supplémentaire.
D’autres changements apportés au système de distribution, comme la réponse à la demande, les centrales électriques virtuelles et la production d’énergie solaire sur les toits et dans les collectivités, ont tous pour effet de brouiller la ligne entre la distribution et la production.
Ces changements profonds apportés au réseau de distribution exigent des services publics des investissements accrus. Comment l’organisme de règlementation économique examine-t-il ces plans d’investissement ? Comme nous l’avons vu dans la section précédente, il s’agit d’une réalité nouvelle. Quoi qu’il en soit, on reconnaît de plus en plus qu’il faut adopter une approche plus intégrée. L’intégration des considérations relatives à la distribution dans les PRI devient essentielle pour permettre aux organismes de règlementation économique de mieux gérer la répartition des risques et des coûts entre les actionnaires et les clients.
Nous examinerons plus à fond la question de la planification du réseau de distribution dans un article ultérieur.
QUE DOIT FAIRE UN ORGANISME DE RÈGLEMENTATION ?
Ce phénomène de concurrence qui façonne les marchés desservis par des entreprises assujetties à la règlementation économique parce qu’elles détiennent un « monopole naturel » exige indubitablement une refonte complète du cadre règlementaire. Celle-ci, cependant, exige une attention législative qui n’est tout simplement pas disponible d’emblée dans la plupart des administrations. Entre-temps, que doit faire un organisme de règlementation ?
Pour dire les choses simplement, le processus de PRI semble maintenant en déroute. Ce qui fonctionnait bien autrefois, lorsque les services publics d’électricité et de gaz naturel étaient cloisonnés et fonctionnaient chacun dans un environnement distinct, mais relativement stable, présente soudainement beaucoup de lacunes dans l’environnement d’aujourd’hui. Comment les organismes de règlementation économique peuvent-ils relever ce défi ?
Pour mener à bien leur mandat, les organismes de règlementation doivent adopter une approche différente pour évaluer les PRI, en particulier la prévision des charges. Compte tenu de l’incertitude qui accompagne différentes variables encore inconnues, comme le taux d’adoption des thermopompes et des VE, la mobilisation de ressources énergétiques distribuées, la nature des changements apportés aux processus industriels à mesure qu’ils sont adaptés aux différents combustibles, le travail d’évaluation devient considérable.
Bon nombre d’intervenants sont réticents à l’idée qu’un organisme de règlementation économique prenne des décisions sur ces questions; pas le gouvernement, pas les services publics et, dans bien des cas, pas même les organismes de règlementation eux-mêmes — bien que certains organismes de règlementation estiment qu’il s’agit d’une occasion d’accélérer la transition. Rien n’est peut-être plus vrai ici que de dire que les gouvernements ne veulent pas que les organismes de règlementation participent au processus de planification, surtout dans les administrations où le gouvernement possède des services d’électricité. Et, dans ces administrations, si des organismes de règlementation interviennent, le gouvernement peut se montrer d’une grande agilité pour contester, diriger ou infirmer les décisions des organismes de règlementation. Dans un prochain article, nous examinerons plus en détail les répercussions de la propriété et du contrôle du secteur de l’électricité par le gouvernement.
La multitude d’approches de PRI possibles pourrait être perçue comme un spectre. À une extrémité se trouverait une approche de planification globale. À l’autre extrémité, une approche qui permettrait aux forces du marché d’orienter les décisions d’investissement comme substitut ou peut-être comme moyen de réduire la complexité d’un processus de planification globale. Dans ce spectre, quelles seraient les options entre les deux extrémités ? Dans les sections qui suivent, nous examinons ce spectre et ses répercussions, de façon un peu plus détaillée, en commençant par l’extrémité où se trouve planification.
OÙ SE SITUE LE PLAN ?
La première question qu’un organisme de règlementation devrait se poser lorsqu’une entreprise d’électricité demande, disons, d’augmenter ses investissements en immobilisations pour fournir de l’électricité afin de remplacer le gaz naturel est peut-être la suivante : quel est le plan ? Faire la démonstration que le gaz naturel deviendra et demeurera non viable pendant la durée de vie de ces nouveaux actifs liés à l’électricité; que le rythme de conversion est réalisable, que le comportement des clients sera celui auquel nous nous attendons et que les actifs liés à l’électricité ou au gaz naturel ne seront pas délaissés; et que s’ils le sont, indiquer quelles sont les répercussions pour le service public et ses clients.
Des questions semblables devraient être posées au sujet des investissements dans l’électrification du transport et d’autres secteurs. Il faudrait aussi les poser aux services publics de gaz naturel qui veulent faire des investissements importants dans leurs infrastructures ou mettre à l’essai des carburants à faibles émissions de CO2.
Pour répondre à ces questions de façon déterminante, il faut un plan plus vaste — un plan avec un P majuscule. Pour reprendre l’esprit de la section précédente, il s’agit de l’extrémité « planification » du spectre. Plus les répercussions sont importantes pour l’économie, plus le plan doit être exhaustif si les organismes de règlementation sont appelés à s’y reporter pour rendre leurs décisions.
Cependant, il est notoirement difficile d’établir des plans détaillés concernant des marchés complexes et d’une grande portée, et ils deviennent inévitablement désuets avant même d’être terminés. Plus vaste est la portée de l’exercice de planification, plus étroit doit devenir le lien entre les plans des différents secteurs de l’économie. De toute évidence, il est extrêmement difficile d’élaborer un tel plan. Bien que les exemples de transitions énergétiques prévues de cette ampleur soient difficiles à trouver, l’un des meilleurs points de comparaison dans la planification économique complexe est peut-être la planification centrale de style soviétique. Cela n’a pas fonctionné pour les Soviétiques — avons-nous des raisons de croire que cela fonctionnera mieux pour nous ?
À l’heure actuelle, il y a peu de plans concrets sur la façon dont le Canada va respecter ses engagements internationaux en matière de carboneutralité. L’organisme de règlementation doit plutôt examiner les cibles, la « carotte » et le « bâton » des gouvernements et évaluer les hypothèses sous-jacentes du PRI par rapport à celles-ci.
Cela dit, il est important de se poser la question suivante : Un plan est-il même possible ? En particulier un plan exhaustif qui permettra de réoutiller, de convertir et de transformer de grands secteurs de l’économie. On demande à tous les consommateurs d’énergie d’envisager de revoir la façon dont ils l’utilisent, la quantité qu’ils utilisent, le moment où ils l’utilisent et le type d’énergie qu’ils utilisent.
Par conséquent, si l’on veut atteindre la carboneutralité au moyen de politiques d’électrification, il faudra remplacer en entier certains sous-secteurs industriels — le secteur qui fabrique des pièces pour les véhicules à moteur à combustion interne, à titre d’exemple. Ces changements concernent les multinationales, les chaînes d’approvisionnement qui traversent les frontières et la politique industrielle du gouvernement.
Si l’on tient pour acquis qu’il est possible d’élaborer un plan, d’autres questions se posent. Le monde des services publics d’énergie au Canada est en grande partie balkanisé, et chaque province exerce sa compétence sur ses propres services publics. Nous devons donc nous poser les questions suivantes :
- Qui préparera un plan ?
- Combien de plans y aura-t-il ?
- Qui coordonnera les plans multiples et comment ces plans seront-ils coordonnés ? Y aura-t-il un responsable de la planification ?
- En l’absence d’un plan national global, quelles hypothèses de planification devraient être utilisées dans les plans provinciaux ou municipaux ?
- Quelle est la portée de ce plan ?
- Sur quels modèles seront basés les plans et de qui sont ces modèles ?
Il s’agit là de questions importantes auxquelles il n’est pas facile de répondre. Cependant, nous en discuterons dans un prochain article.
MARCHÉS CONCURRENTIELS ET PERTURBATION CRÉATIVE
La destruction créative — le genre de destruction que peut causer un changement touchant les mélanges de combustibles et l’électrification — n’est ni nouvelle, ni nécessairement indésirable. Un exemple très récent de destruction créative, même si ce n’est pas dans le secteur de l’énergie, est l’essor du téléphone intelligent et son impact non seulement sur les télécommunications terrestres, mais aussi sur les caméras, les calculatrices, les montres, les ordinateurs, etc. — et une vaste gamme d’« applications » qui ont transformé la vie quotidienne de milliards de personnes.
Cette transition a eu une grande portée et a transformé de nombreux secteurs du marché, en a créé beaucoup d’autres et en a détruit d’autres. Et, ce qui est important, pour les besoins de la présente discussion, c’est qu’elle n’était pas planifiée — elle a eu lieu en grande partie de façon organique. On pourrait donc dire que cet exemple représente l’autre extrémité du spectre décrite dans la section précédente — la voie tracée par les forces du marché.
Une transition obéissant aux forces du marché fonctionnera-t-elle mieux pour la transition énergétique qu’une approche planifiée et dirigée par une volonté politique ? Peut-être. Cependant, ce qui est différent au sujet de la transition énergétique, c’est l’absence d’une proposition de valeur suffisante pour qu’elle soit organique — du moins à une cadence permettant de respecter les engagements internationaux des gouvernements en matière de carboneutralité et de réduction des GES — c’est pourquoi bon nombre préconisent une approche politique plus vigoureuse.
Cependant, les organismes de règlementation ont besoin de plus que des politiques pour prendre certaines des décisions nécessaires lors de l’examen des plans de ressources. En particulier lorsqu’il y a une grande incertitude générée par les services publics règlementés qui participent à des marchés concurrentiels et qui font ce qui pourrait être considéré comme des investissements spéculatifs en vue d’une électrification rapide.
INTÉGRER LES FORCES DE LA CONCURRENCE AU PROCESSUS DE PLANIFICATION
En l’absence d’un plan, et compte tenu de la réticence des décideurs à laisser le marché décider, est-il possible pour les organismes de règlementation d’encourager le marché à orienter au moins certains investissements dans le système énergétique ? Le cas échéant, les organismes de règlementation ont-ils un rôle à jouer dans ce façonnement ? Comme nous l’avons vu, une transition façonnée par les forces du marché n’a pas besoin de surveillance économique et exige donc un processus de PRI très différent. Si les forces du marché exercent de l’influence sur certains investissements, le fardeau imposé à l’organisme de règlementation économique devient allégé.
Pour revenir à la BCUC, nous avons vu récemment des exemples d’un organisme de règlementation économique qui a délibérément pris des mesures pour s’abstenir de règlementer ce qui serait autrement des activités de services publics lorsqu’il y avait suffisamment de preuves qu’il existe des forces concurrentes.
Il y a environ 15 à 20 ans, de nouvelles offres de sources d’énergie de remplacement sont devenues disponibles en Colombie-Britannique, dont le gaz naturel liquéfié/gaz naturel comprimé (GNL/GNC) pour le transport, et des systèmes d’énergie thermique « propres » pouvant être utilisés à l’intérieur de bâtiments et à l’échelle de campus et de quartiers. Les solutions mettaient à contribution des sources comme les thermopompes géothermiques, la chaleur produite par les centres de données sur les déchets et la récupération de la chaleur d’égout. La BCUC, à la suite de plaintes selon lesquelles ces offres constituaient des marchés à part entière ayant des attributs concurrentiels importants a donc répondu en instituant une enquête historique appelée l’Alternative Energy Services (AES) Inquiry, une enquête sur les services d’énergie de remplacement. Cette enquête a été suivie d’une enquête sur la meilleure façon de règlementer les systèmes d’énergie thermique et d’une troisième sur la règlementation des bornes de recharge pour VE.
L’enquête « AES » a révélé que même si la Utilities Commission Act[5] exigeait que la BCUC règlemente ces offres, dans bien des cas, il était en fait dans l’intérêt public de ne pas le faire parce qu’elles étaient introduites dans un marché concurrentiel. La BCUC a par la suite appliqué les mêmes principes lorsqu’elle a demandé au gouvernement provincial d’exempter la recharge des VE de la règlementation économique.
L’exemple du succès des systèmes d’énergie thermique en Colombie-Britannique illustre également les avantages potentiels d’une approche plus holistique de la planification énergétique et des services publics. Un système thermique, y compris les systèmes combinés de chauffage et d’alimentation électrique, offre une avenue de rechange à la dichotomie entre l’électricité traditionnelle et le gaz naturel pour le chauffage des bâtiments. D’autres administrations l’ont reconnu. Par exemple, en juin 2022, l’État de New York a adopté une loi permettant aux entreprises d’électricité de construire et de posséder des réseaux qui distribuent de l’énergie thermique.
Ces exemples, ainsi que l’exemple de la planification de la production dans des administrations dégroupées, sont-ils utiles aux organismes de règlementation économique qui surveillent le processus de PRI ? Pourquoi la concurrence importe-t-elle autant ?
La règlementation économique est, au mieux, un outil imparfait. Les marchés concurrentiels produisent presque toujours de meilleurs résultats que les organismes de règlementation économique, même les meilleurs. La concurrence réussit mieux à mettre en équilibre les avantages et les risques. Lorsqu’un organisme de règlementation économique approuve un investissement dans l’infrastructure et que la demande se manifeste plus lentement que prévu, ce sont les clients finissent par payer des tarifs plus élevés. Dans les faits, l’organisme de règlementation a détourné le risque lié à l’investissement de l’actionnaire du service public à l’abonné au service, et incité le service public, ce faisant, à surinvestir dans la construction.
À la décharge de l’organisme de règlementation, il est difficile d’atteindre le parfait équilibre. Ce résultat est donc considéré comme acceptable dans un contexte de monopole règlementé. En revanche, un marché concurrentiel garantit que la prise d’un risque qui ne se concrétise pas est récompensée.
Cette question sera examinée plus à fond dans un article complémentaire.
QUEL EST L’AVENIR DE LA PRI AU CANADA ?
Peut-être au moins en partie en réponse à cette complexité supplémentaire inhérente à la planification, l’Ontario et le Québec ont pris des mesures pour élargir la portée du processus de PRI afin que la planification énergétique soit intégrée et tienne compte de toutes les formes d’énergie, y compris l’électricité, le gaz naturel, l’hydrogène et d’autres ressources énergétiques, ainsi que des questions que sont l’efficacité énergétique, le stockage de l’énergie et la gestion de la demande.
En décembre 2024, la Loi de 1998 sur l’électricité[6] de l’Ontario a été modifiée, notamment pour permettre au ministre de rendre public un plan énergétique intégré ainsi que pour définir plusieurs éléments de ce plan énergétique intégré afin d’équilibrer les buts et objectifs du gouvernement de l’Ontario en matière d’énergie pour la période précisée dans le plan.
Cette modification a remplacé le texte précédent qui exigeait que le ministre rende public un « plan énergétique », lequel, en pratique, était axé sur le réseau électrique. Elle a également retiré à la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) sa compétence sur certains aspects du processus d’examen et de mise en œuvre. Ce changement centralise le pouvoir de planification énergétique au sein du ministère de l’Énergie, en plus de réduire la portée des fonctions de surveillance directe et d’examen officiel de la CEO en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre de plans énergétiques intégrés.
Le projet de loi 69[7], déposé à l’Assemblée nationale du Québec le 6 juin 2024, propose plusieurs changements au processus de planification intégrée des ressources du Québec, y compris l’obligation pour le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie d’élaborer un plan de ressources intégré qui comprend des cibles pour l’électricité et d’autres sources d’énergie. Il propose également d’élargir le rôle de la Régie pour répondre aux besoins énergétiques et faciliter la transition énergétique. Le projet de loi vise également à rationaliser les processus décisionnels de la Régie afin d’accélérer l’approbation des nouveaux projets d’énergie renouvelable.
Le plan sera fondé sur des consultations publiques et devra être soumis à l’approbation du gouvernement d’ici le 1er avril 2026. Le plan de ressources intégré sera mis à jour tous les six ans.
RÉFLEXIONS FINALES
Le processus d’un plan de ressources intégrées (PRI) donne aux organismes de règlementation économique l’occasion de s’assurer que les projets d’immobilisations des services publics d’énergie sont dans l’intérêt public et qu’ils répartissent équitablement les coûts et les risques entre les clients et les actionnaires des services publics. Même si ce processus s’est avéré en grande partie relativement simple et fructueux par le passé, un nombre croissant de défis se présentent à mesure que nous progressons vers la carboneutralité.
Dans le présent article, David Morton a essentiellement examiné ce processus du point de vue du rôle des organismes de règlementation économique dans la répartition des coûts et des risques, en faisant des observations sur le rôle croissant de la concurrence entre les sources d’énergie et les types d’énergie. Ces forces du marché modifient fondamentalement la façon dont les organismes de règlementation économique devraient envisager la PRI.
Bien que le fait de laisser les marchés décider puisse être une approche efficace dans le contexte des réalités au sein desquelles évoluent la politique gouvernementale et compte tenu de l’environnement dans lequel les services publics exploitent leurs activités, ce lâcher-prise n’est pas une panacée. D’autre part, il n’existe pas non plus de solution miracle qui permettrait aux organismes de règlementation économique d’avoir un plan ferme.
Une solution de rechange consiste, dans la mesure du possible, à laisser les marchés décider et à laisser les services publics réagir. Cette solution pourrait entraîner un ralentissement de la croissance organique — à moins qu’une « application perturbatrice » naisse d’avancées technologiques imprévues et qu’une autre révolution de type « iPhone » nous propulse vers notre avenir neutre en carbone.
- 1 Le présent article est le premier d’une série de documents de discussion d’Énergie positive sur la planification du système énergétique. Le besoin de réformer les processus de planification est une recommandation fondamentale de l’étude récente d’Énergie positive sur la façon de renforcer la confiance du public et des investisseurs dans le processus décisionnel gouvernemental relatif aux projets énergétiques (voir « Projets énergétiques et carboneutralité d’ici 2050 : Pouvons-nous construire suffisamment et assez vite ? », Michael Cleland et Monica Gattinger, s’appuyant sur cette étude, en ligne : <energyregulationquarterly.ca/fr/articles/energy-projects-and-net-zero-by-2050-can-we-build-enough-fast-enough>).
- * David Morton est un ingénieur qui cumule plus de 45 années d’expérience. Il se spécialise dans la règlementation des services publics et la politique énergétique. Il a dirigé la British Columbia Utilities Commission (BCUC) pendant huit ans, où il a notamment mené plusieurs enquêtes importantes pour le compte du gouvernement de la Colombie-Britannique. Il demeure actif au sein d’associations internationales de règlementation de l’énergie et participe fréquemment à des conférences et à des séances de mentorat à l’échelle mondiale.
- 2 En Ontario, cette entité est la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) et, en Alberta, cette entité est l’Alberta Electric System Operator (AESO). Aux États-Unis, où les marchés de gros peuvent couvrir plus d’un État, le terme générique désignant ces entités est « Regional Transmission Operator (RTO) ».
- 3 Bien que cela soit généralement vrai en Alberta, en Ontario, un nombre important de contrats de production conclus avec la SIERE suivent le principe « prends ou paie », un type d’accord qui transfère le risque de l’investisseur au client.
- 4 En Alberta, par exemple, l’Alberta Utilities Commission doit approuver les installations de production et applique un critère d’intérêt public qui peut comprendre des facteurs environnementaux à considérer et un examen à savoir si le projet améliore ou maintient la fiabilité et la stabilité du réseau.
- 5 Utilities Commission Act, RSBC 1996, c 473.
- 6 Loi sur l’électricité, LO 1998, c 15, Annexe A.
- 7 PL 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives, 1re sess, 43e lég, Québec, 2024.