Éditorial

NOTE DE LA RÉDACTION

Depuis le lancement de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie en 2013, il est d’usage d’axer l’éditorial du premier numéro de chaque année sur l’évolution de la règlementation canadienne de l’énergie au cours de l’année civile précédente. Les rédacteurs en chef entrants de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie n’ont pas participé à la préparation de la rétrospective de l’année 2024 qui suit; en tant que rédacteur en chef du présent numéro, j’assume l’entière responsabilité de son contenu.

J’ai eu le privilège d’être l’un des rédacteurs en chef de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie. Je tiens à remercier les nombreux collaborateurs qui ont contribué à notre publication pendant plus d’une décennie.

Je tiens à souligner le soutien indéfectible de l’Association canadienne du gaz à titre d’éditeur, et en particulier du président et chef de la direction de l’Association, Tim Egan, qui a fait preuve d’un engagement sans faille à l’égard de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, tout en respectant scrupuleusement son indépendance éditoriale.

RÉTROSPECTIVE DE L’ANNÉE 2024

La politique et la règlementation canadiennes de l’énergie en 2024 ont été marquées par des tensions — en particulier celle entre la poursuite de la « carboneutralité », d’une part, et, d’autre part, la réalité d’une dépendance croissante aux combustibles fossiles, en particulier au pétrole et au gaz naturel. Alors que les gouvernements et les organismes de règlementation (et, de manière peut-être moins évidente, l’industrie) prennent des mesures visant à atteindre l’objectif de carboneutralité, la production canadienne d’hydrocarbures a en fait augmenté au cours de l’année et devrait, selon les prévisions, continuer à croître de manière significative pendant encore plusieurs années[1].

De grands projets visant à accroître la production de pétrole et de gaz naturel sont en cours de développement. Il a été rapporté en novembre qu’Enbridge Gas Inc. envisageait d’étendre son réseau de pipelines principal d’ici la fin 2026. De plus, au cours de la première semaine de 2025, la première ministre de l’Alberta a annoncé que la province avait signé une lettre d’intention avec Enbridge pour « se pencher sur la capacité de production et d’acheminement de l’Alberta »[2] [traduction]. Le gouvernement, a-t-elle ajouté, est en discussion avec d’autres entreprises pétrolières « au sujet du doublement de la production » [traduction]. À la mi-décembre, il a été rapporté que trois grandes entreprises du secteur des sables bitumineux prévoyaient d’augmenter leur production en 2025, même face à la possibilité que des droits de douane soient imposés par la nouvelle administration du président élu Donald Trump[3].

Ces deux voies semblent souvent s’opposer, présentant une forme de dissonance cognitive qui demande à être résolue et qui continuera probablement à interpeller les gouvernements fédéral et provinciaux, les décideurs et les organismes de règlementation dans le domaine de l’énergie pendant de longues années. Les événements survenus tout au long de l’année 2024 témoignent de la réalité de cette dichotomie et illustrent les défis qu’elle pose.

À la fin de l’année, cependant, l’évolution de la situation politique au Canada et aux États-Unis laissait présager les deux préoccupations immédiates de la politique et de la règlementation de l’énergie à l’horizon 2025. Au moment où le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie sera publié, le Canada sera probablement au milieu ou sur le point de tenir des élections qui aboutiront probablement à l’abrogation ou au remplacement de la taxe fédérale sur le carbone. D’ici là, il est également possible que les tarifs douaniers proposés par le président Donald Trump sur les importations aux États-Unis d’un large éventail de biens et de marchandises, y compris l’énergie, soient au moins clarifiés. Le Canada est de loin le plus grand fournisseur d’énergie importée par les États-Unis, notamment de pétrole, de gaz naturel et d’électricité. La United States Energy Information Administration a indiqué que les importations de pétrole brut aux États-Unis en provenance du Canada ont atteint un nouveau record de 4,3 millions de barils par jour en juillet 2024[4]. Le pétrole brut est la principale source de revenus d’exportation du Canada.

TENSIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES

La tension fédérale-provinciale s’est transformée en hostilité ouverte avec le dépôt, le 4 novembre 2024, d’un projet de règlementation visant à mettre en œuvre le « plafonnement de la pollution par les gaz à effet de serre (GES) produite par le secteur pétrolier et gazier » proposé par le gouvernement fédéral[5]. Selon le gouvernement, ce plafonnement placerait le secteur pétrolier et gazier « sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050, tout en lui permettant de continuer de répondre à la demande mondiale » [6].

Le projet de Règlement sur les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier[7] et le projet de Règlement modifiant le Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement [8] seraient promulgués en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)[9]. Le niveau de plafonnement pour la première période de conformité 2030-2032 serait fixé à 27 % en deçà des émissions déclarées par les exploitants pour 2026, ce qui, selon les estimations du gouvernement fédéral, équivaut à 35 % en deçà des émissions de 2019. Les quotas d’émission alloués aux installations visées par le système seraient échangeables.

Le gouvernement fédéral prétend que le projet de règlement vise à « limiter la pollution, et non la production »[10] et qu’il a été « soigneusement conçu en fonction de ce qui est techniquement réalisable […], tout en permettant une croissance continue de la production en réponse à la demande mondiale »[11].

L’Alberta a catégoriquement rejeté cette demande. La province insiste sur le fait que le régime fédéral constitue en réalité un plafond de production et, en tant que tel, une incursion directe dans la compétence provinciale, protégée par la constitution, en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles de la province. La première ministre Danielle Smith, qui vient d’obtenir l’appui de 91,5 % des membres du Parti conservateur unifié deux jours avant la publication du projet de règlementation, a accusé le gouvernement fédéral de commettre une « vendetta irrationnelle contre l’Alberta »[12]. Elle aurait comparé le premier ministre au « mauvais locataire qui détruit les meubles »[13] en partant. La première ministre a déclaré que son gouvernement chercherait à lancer un recours juridique « dès que possible » [traduction] et qu’on y utiliserait la Sovereignty Within a United Canada Act[14] (loi sur la souveraineté dans un Canada uni) pour protéger les intérêts de la province.

L’industrie s’est mobilisée, publiant des pages entières de publicité dans les journaux pour dénoncer la proposition fédérale comme étant « à courte vue et punitive »[15].

Les contestations juridiques des initiatives fédérales par l’Alberta ne se limitent cependant pas à sa proposition de contester le plafond fédéral des émissions du secteur pétrolier et gazier. En juin 2024, d’importantes modifications de la Loi sur l’évaluation d’impact[16] (LEI) fédérale sont entrées en vigueur. Ces modifications visaient principalement à répondre à l’arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême du Canada, selon lequel de grandes parties de la LEI étaient inconstitutionnelles[17].

Dans une lettre de la première ministre de l’Alberta au premier ministre, datée du 3 octobre 2024, la province a rejeté les modifications au motif qu’elles ne répondent pas « aux préoccupations de l’Alberta concernant la LEI et qu’elles ne répondent pas non plus de manière adéquate à la décision de la Cour suprême du Canada » [traduction][18]. La lettre de la première ministre joignait des modifications proposées qui « seraient nécessaires pour répondre aux préoccupations constantes [de la province] »[19]. La lettre indiquait que si la province ne recevait pas de « réponse satisfaisante »[20], par écrit, dans un délai de quatre semaines, elle avait l’intention « d’intenter une nouvelle action en justice »[21]. Le 28 novembre, la première ministre a annoncé que le gouvernement fédéral n’avait pas modifié la LEI comme la province l’avait demandé et que la province avait enjoint la Cour d’appel de l’Alberta à se prononcer sur la constitutionnalité de la Loi.

Pour compléter le trio de contestations juridiques proposées, le 29 octobre, la première ministre Smith a annoncé que la province avait déposé auprès de la Cour fédérale une demande de révision judiciaire de l’exonération de la taxe carbone sur le mazout de chauffage accordée par le gouvernement fédéral, arguant que cette exonération « est inconstitutionnelle et incompatible avec l’objectif déclaré du gouvernement du Canada lors de l’adoption de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre » [traduction][22].

Le 17 décembre, la publication de la version finale du Règlement sur l’électricité propre[23] a donné lieu à une possible nouvelle contestation juridique par l’Alberta au sujet d’initiatives fédérales visant à atteindre l’objectif de carboneutralité. Plus important encore, l’objectif fédéral précédemment proposé de carboneutralité d’ici 2035 a été reporté à 2050, comme l’avait vigoureusement demandé l’Alberta (et d’autres parties intéressées). Le même jour, la première ministre et deux de ses ministres ont publié une déclaration dans laquelle ils se sont dits « heureux de voir Ottawa admettre enfin que le plan du gouvernement de l’Alberta visant à mettre en place un réseau électrique carboneutre d’ici 2050 est un objectif plus responsable, plus abordable et plus réaliste »[24]. Cependant, la déclaration commune précise que le règlement fédéral « reste entièrement inconstitutionnel. [Il impose] des objectifs provisoires déraisonnables et inatteignables commençant en 2035, qui rendront l’électricité inabordable pour les familles canadiennes. L’Alberta va donc préparer une contestation judiciaire immédiate de ce règlement sur l’électricité que nous nous attendons pleinement à remporter » [traduction][25].

Les tensions entre l’Alberta et Ottawa dans le domaine de l’énergie semblent s’être intensifiées au cours de l’année pour atteindre un degré d’acrimonie qui pourrait rivaliser avec la contestation par la province, au début des années 1980, du programme énergétique national fédéral — une contestation qui, il est bon de le rappeler, a été résolue en grande partie en faveur de la province.

Entre-temps, un signe bienvenu de coopération entre l’industrie et un organisme fédéral pour soutenir un projet de 16 milliards de dollars de captage et de stockage du carbone est apparu avec l’annonce d’un soutien financier du Fonds de croissance du Canada. La Pathways Alliance regroupe six producteurs représentant 95 % de la production des sables bitumineux qui se sont engagés à réduire les émissions de gaz issues de la production des sables bitumineux à un niveau net nul d’ici 2050. Le Fonds de croissance du Canada a été constitué en 2022 en tant que filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada (CDEV) « pour soutenir la croissance de l’économie propre du Canada »[26]. La Pathways Alliance n’est cependant pas exempte de controverses. Des groupes environnementaux et autochtones ont demandé à l’Alberta Energy Regulator (organisme de règlementation de l’énergie de l’Alberta — AER) d’exiger une évaluation environnementale du projet. En novembre, l’AER a décidé qu’une telle évaluation ne serait pas nécessaire. Huit Premières Nations ont alors annoncé qu’elles demanderaient une rétrospective en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact[27] fédérale. À l’aube de la nouvelle année, des commentateurs ont laissé entendre que l’incertitude politique au niveau fédéral menaçait également le projet Pathways Alliance, car il n’était pas certain qu’un nouveau gouvernement lui apporterait son soutien.

LE RÉSEAU PIPELINIER AGRANDI DE TRANS MOUNTAIN ENTRE EN SERVICE

Après l’échec de plusieurs grands projets de pipelines ces dernières années en raison d’une combinaison de défis politiques, règlementaires et commerciaux, l’achèvement de l’expansion du réseau pipelinier agrandi de Trans Mountain (TMX) et l’entrée en service du réseau élargi en mai[28] ont été une bonne nouvelle pour les producteurs de pétrole canadiens. Le TMX a presque triplé la capacité de Trans Mountain en permettant d’atteindre environ 890 000 barils par jour (bpj), réduisant ainsi le manque de capacité des pipelines d’exportation de pétrole au Canada — un manque qui a eu pour conséquence que le pétrole canadien est vendu avec un rabais substantiel par rapport au West Texas Intermediate. À l’avenir, cet écart devrait encore se réduire, ce qui se traduira par une augmentation des revenus pour les producteurs et des redevances pour le gouvernement.

Les craintes que la mise en service du TMX puisse nuire aux flux sur le réseau principal d’Enbridge (le plus grand réseau de pipelines de pétrole brut en Amérique du Nord) ont été apaisées lorsqu’il a été signalé en novembre que le réseau principal avait été en répartition (avec un rationnement de la capacité) en juillet et en août et qu’il devrait l’être à nouveau en novembre. En outre, Enbridge a indiqué qu’elle discutait avec les expéditeurs de l’agrandissement de la canalisation principale en 2026 et au-delà, afin de traiter les volumes croissants provenant des producteurs canadiens[29]. Compte tenu de l’opposition à laquelle les projets de pipelines canadiens se sont heurtés ces dernières années, l’examen règlementaire d’un tel agrandissement pourrait s’avérer controversé.

Après l’élection en novembre de Donald Trump à la présidence entrante des États-Unis, le ministre de l’Énergie de l’Alberta aurait également espéré que le projet Keystone XL puisse être ressuscité, mais il a été rapporté que TC Energy, le commanditaire du projet, ne le relancerait pas[30].

L’achèvement du TMX a cependant eu un coût : le coût final du projet s’est élevé à 34,2 milliards de dollars, soit plus du quadruple du coût initial estimé à 7,4 milliards de dollars. À la fin de l’année, le Directeur parlementaire du budget (DPB) a déclaré à la Chambre des communes qu’Ottawa risquait de perdre de l’argent sur une éventuelle vente du projet.

Trans Mountain doit maintenant faire face à un défi règlementaire en cherchant à obtenir l’approbation de la Régie de l’énergie du Canada (REC) pour les droits qu’elle propose. L’audience de la REC sur la demande d’approbation des droits de Trans Mountain (à laquelle certains intérêts s’opposent fermement) est prévue pour le mois de mai 2025[31].

Le potentiel de croissance future de la production pétrolière extracôtière du Canada a également refait surface en 2024, avec des rapports indiquant que les travaux de développement du projet Bay du Nord (BDN) étaient en cours. BDN est un projet de développement proposé par Equinor Canada[32] dans la passe Flamande, à plus de 200 milles nautiques au large de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le projet a été approuvé, de manière quelque peu controversée, par le gouvernement fédéral en 2022[33]. En mai 2023, le promoteur du projet a annoncé qu’il reportait le projet de trois ans au maximum, en raison de « l’évolution des conditions du marché et de la forte inflation des coûts qui en découle… » [traduction][34]. En juin 2024, le PDG d’Equinor Canada aurait cependant déclaré qu’il restait optimiste à l’égard du projet et que l’entreprise travaillait « activement à examiner tout ce que nous pouvons pour améliorer le projet » [traduction][35]. Le forage exploratoire au large de Terre-Neuve-et-Labrador se poursuit[36].

PROGRESSION DES PROJETS DE GNL

Alors que les développements au cours de 2024 présageaient une croissance continue de la production pétrolière canadienne et des prix plus fermes, les producteurs de gaz naturel, quant à eux, ont continué à faire face à des prix déprimés. Parallèlement, la production a atteint des niveaux record. Cependant, une lueur d’optimisme (bien qu’elle ne soit pas partagée par tous les producteurs) a commencé à apparaître vers la fin de l’année en prévision de l’achèvement et du démarrage en 2025 du projet LNG Canada, près de Kitimat, en Colombie-Britannique. LNG Canada sera le premier projet d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) au Canada. Comme dans le cas du TMX, le projet a franchi d’importants obstacles règlementaires et des protestations en cours de route, en particulier au sujet du Coastal GasLink, un projet de TC Energy présenté comme la « première voie directe pour le gaz naturel canadien vers les marchés mondiaux de GNL » [traduction][37].

Entre-temps, deux autres projets de GNL sur la côte Ouest ont continué à progresser au cours de l’année. Woodfibre LNG, détenu par un partenariat entre Pacific Energy Corporation (Canada) Limited (70 %) et Enbridge Inc. (30 %), est situé sur la baie Howe. La construction a commencé à l’automne 2023, et l’achèvement substantiel est prévu pour 2027. Ce projet vise à produire 2,1 millions de tonnes de GNL par an pour les marchés étrangers. On prétend qu’il est « la première installation d’exportation de GNL carboneutre au monde » [traduction][38].

Woodfibre LNG se distingue également par l’importance qu’elle accorde à la construction et à l’exploitation du projet « dans le respect des valeurs autochtones »[39]. On prétend que le projet est « le premier projet industriel au Canada à reconnaître un gouvernement autochtone non conventionné, la Nation Squamish, comme organisme de règlementation environnementale à part entière » [traduction][40].

Le développement de l’industrie émergente d’exportation de GNL au Canada s’est poursuivi au cours de l’année avec l’annonce, le 25 juin 2024, d’une décision finale d’investissement pour la poursuite du projet Cedar LNG[41]. Cedar LNG est un projet d’installation flottante d’une capacité nominale de 3,3 millions de tonnes par an, située sur le territoire traditionnel de la Nation Haisla. Celle-ci en est le propriétaire majoritaire (avec Pembina Pipeline Corporation), ce qui fait de Cedar LNG le premier projet de GNL au monde détenu majoritairement par des Autochtones. Il devrait s’agir de l’une des installations de GNL les moins polluantes au monde, alimentée par de l’électricité renouvelable fournie par BC Hydro. La construction est en cours, et la mise en service est prévue pour la fin de l’année 2028.

ÉQUITÉ AUTOCHTONE

Le rôle croissant de la participation autochtone dans les projets de développement énergétique et la propriété des infrastructures s’est également manifesté d’autres manières au cours de l’année. Dans un appel à la production d’électricité propre lancé en avril, BC Hydro a précisé que les projets devaient comporter un pourcentage minimum de participation détenue par les Premières Nations[42]. Elle a indiqué que la Banque canadienne d’infrastructure mettrait des prêts à la disposition des Premières Nations pour les aider à financer jusqu’à 90 % de leur participation dans tout projet ayant fait l’objet d’un contrat d’achat d’électricité dans le cadre de l’appel d’offres. Il a été signalé que le service public a reçu des propositions pour trois fois plus d’énergie qu’il n’en avait l’intention[43].

En octobre, une déclaration de vision publiée par le gouvernement de l’Ontario (évoquée plus loin) indiquait que le projet de transport d’énergie Wataynikaneyap, dont l’achèvement substantiel était prévu pour la fin de l’année, serait le plus grand projet d’infrastructure dirigé par des Autochtones au Canada. Le projet appartient à 24 communautés des Premières Nations en partenariat avec Fortis Ontario et Algonquin Power & Utilities Corporation.

ÉNONCÉ DE LA VISION ÉNERGÉTIQUE DE L’ONTARIO

Les défis posés par la croissance prévue des besoins en électricité de l’Ontario ont été soulignés par le gouvernement provincial dans son énoncé de vision « L’avenir énergétique abordable de l’Ontario : Le besoin pressant en énergie »[44], publiée le 22 octobre. La déclaration fait état des prévisions de la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) de la province selon lesquelles la demande d’électricité augmentera de 75 %, ce qui nécessitera 111 TWh d’énergie supplémentaire d’ici 2050, « l’équivalent de quatre villes et demie comme Toronto »[45]. En formulant la vision d’une « économie alimentée par une énergie abordable, fiable et propre », l’énoncé souligne la nécessité de « planifier pour l’électricité, du gaz naturel et d’autres combustibles pour s’assurer que les besoins énergétiques de la province sont anticipés et comblés de façon coordonnée »[46].

À la suite du dépôt de l’énoncé de vision, le projet de loi 214 a été présenté à l’Assemblée législative comme une loi « modifiant diverses lois sur l’énergie en ce qui a trait à la planification énergétique à long terme, aux modifications touchant les codes appelés Distribution System Code et Transmission System Code et à la recharge des véhicules électriques »[47]. Les modifications comprennent l’ajout d’un énoncé d’objectif à la Loi sur l’électricité[48] « pour faire la promotion de l’électrification et faciliter la mise en œuvre de mesures d’efficacité énergétique visant à utiliser l’électricité pour réduire l’ensemble des émissions en Ontario »[49]. Les modifications remplacent également les plans énergétiques à long terme par des « plans intégrés de ressources énergétiques… ». La Loi de 2024 sur l’énergie abordable[50] a reçu la sanction royale le 4 décembre 2024.

L’énoncé de vision de l’Ontario est également remarquable pour sa référence à une demande supplémentaire émergente d’électricité par suite de la prolifération des centres de données — dont on prévoit qu’elle sera à peu près égale d’ici 2026 à l’ajout de la demande de la ville de Kingston au réseau. On y ajoute que l’essor de l’intelligence artificielle (IA) et des centres de données qui alimentent les progrès de l’informatique pourrait également entraîner une augmentation significative de la demande sur les réseaux d’énergie.

En décembre, le gouvernement de l’Alberta a annoncé une stratégie visant à devenir « la destination de choix de l’Amérique du Nord pour les investissements dans les centres de données d’intelligence artificielle (IA) » [traduction][51]. L’annonce indiquait que la taille du marché des centres de données d’IA devrait doubler d’ici 2030 pour atteindre plus de 820 milliards de dollars. Quelques jours plus tard, l’entrepreneur Kevin O’leary a annoncé que O’leary Ventures avait signé une lettre d’intention au sujet de l’achat d’un terrain près de Grand Prairie pour un projet de parc industriel de centres de données d’IA[52]. Cependant, des commentateurs ont noté que l’essor des centres de données dans le secteur florissant de la haute technologie soulevait des questions concernant le réseau de la province[53].

« ÉCOBLANCHIMENT » ET « ÉCOSILENCE »

La plupart des mesures fédérales destinées à poursuivre l’objectif de « carboneutralité » ont visé à réduire plus ou moins directement les émissions de carbone. En 2024 cependant, avec la promulgation du projet de loi C-59[54] modifiant la Loi sur la concurrence[55], le gouvernement a élargi son arsenal de lutte contre les changements climatiques avec une mesure d’un caractère différent : le projet de loi C-59 qui vise l’écoblanchiment, soit « le fait de donner une fausse impression ou des informations trompeuses sur la manière dont les produits d’une entreprise sont respectueux de l’environnement » [traduction][56].

Les modifications interdisent les représentations visant à promouvoir la fourniture ou l’utilisation d’un produit ou tout intérêt commercial qui ne sont pas fondées sur une analyse ou une justification « adéquate et appropriée », dont la preuve incombe à la personne qui fait la représentation. À partir de juin 2025, les parties privées pourront demander au Tribunal de la concurrence l’autorisation d’engager une procédure d’application de la loi.

Le 23 décembre, le Bureau de la concurrence a publié un nouveau projet de lignes directrices sur l’application de la loi[57]. Cependant, des commentateurs ont laissé entendre que les lignes directrices ne résolvent pas entièrement l’ambiguïté des dispositions.

De nombreuses inquiétudes ont été exprimées sur le fait que les modifications ont introduit un risque considérable, en particulier en ce qui concerne les affirmations de l’industrie quant à ses efforts pour lutter contre les changements climatiques. Il a également été rapporté que des entreprises ont supprimé leur site Web en raison de l’incertitude liée à l’interprétation et à l’application des modifications[58]. Un nouveau terme a fait son entrée dans le lexique : « écosilence ».

Deux groupes d’entreprises de l’Alberta ont déposé un recours devant la Cour du Banc du Roi de l’Alberta, affirmant que les dispositions violaient leur droit à la liberté d’expression[59].

CHURCHILL FALLS

D’importants développements règlementaires et de politique énergétique ont également eu lieu dans le Canada atlantique au cours de l’année.

Le 12 décembre, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador et le premier ministre du Québec ont annoncé la signature d’un protocole d’entente portant sur l’achat par Hydro-Québec de l’électricité provenant de Churchill Falls, à compter de 2025. Cet accord remplacera le contrat de 1969 qui a été une source de ressentiment à Terre-Neuve-et-Labrador pendant plus de cinq décennies. En vertu de ce contrat, qui aurait couru jusqu’en 2041, HydroQuébec achetait de l’électricité au prix de 0,2 cents par kilowattheure, tout en vendant l’électricité excédentaire aux distributeurs américains aux taux courants du marché. En vertu du nouvel accord, Hydro-Québec paiera 30 fois plus pour l’électricité produite à Churchill Falls. Hydro-Québec acquiert également le droit de s’associer à Newfoundland and Labrador Hydro pour de nouvelles installations hydroélectriques.

Le protocole d’entente a été approuvé par l’assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador le 9 janvier 2025.

DÉVELOPPEMENTS EN NOUVELLE-ÉCOSSE

Les changements généralisés du cadre politique, législatif et règlementaire de l’énergie provoqués par l’électrification et la poursuite de la carboneutralité nécessitent dans certains cas une restructuration globale de ce cadre. C’est ce qui s’est passé en Nouvelle-Écosse avec la création, au cours de l’année, d’une nouvelle commission de l’énergie et d’une nouvelle société indépendante d’exploitation du réseau énergétique, comme cela a été abordé dans le numéro de décembre de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie. À la fin de l’année, le recrutement du président et des membres du conseil d’administration de la société indépendante d’exploitation du réseau énergétique était en cours.

L’annonce, en septembre, d’une nouvelle garantie de prêt de 500 millions de dollars de la part d’Ottawa a constitué un autre événement important sur le marché de l’électricité de la Nouvelle-Écosse et a permis d’éviter ce qui aurait sinon signifié une hausse vertigineuse des tarifs pour les clients de Nova Scotia Power. En raison de retards dans la réception de l’électricité provenant de la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls, au Labrador, et de la nécessité d’acheter de l’électricité ailleurs, Nova Scotia Power devait accumuler des coûts de combustible non récupérés qui devaient atteindre plus de 400 millions de dollars d’ici la fin de l’année. Sans la garantie de prêt fédérale, l’entreprise s’attendait à ce que ses clients subissent une augmentation moyenne des tarifs de 19,2 %. La garantie de prêt réduirait cette augmentation à une moyenne de 2,4 % pour 2025. Le 29 novembre, le Nova Scotia Utility and Rétrospective Board a publié sa décision approuvant la demande d’approbation de l’accord présentée par Nova Scotia Power[60].

ÉNERGIES RENOUVELABLES EXTRACÔTIÈRES

L’évolution continue du cadre règlementaire de l’énergie a également donné lieu au cours de l’année à l’élargissement des pouvoirs des deux offices des hydrocarbures extracôtiers du Canada. Le projet de loi fédérale C-49, développé en partenariat avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, a modifié la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada – Terre-Neuve-et-Labrador[61] et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada – Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers[62] afin d’établir un cadre règlementaire commun pour le développement des énergies renouvelables extracôtières. Les modifications ont également changé le nom de chacun des deux organismes conjoints fédéraux-provinciaux de « Offshore Petroleum Board » [office des hydrocarbures extracôtiers] » à « Offshore Energy Regulator » [régie de l’énergie extracôtière] »[63]. Les changements correspondants au niveau provincial ont suivi, afin de maintenir le cadre de législation fédérale-provinciale miroir qui soutient la mise en œuvre des accords extracôtiers respectifs[64].

À VENIR

Comme il a été mentionné dans l’introduction de cette rétrospective annuelle, les événements politiques survenus au cours des dernières semaines de 2024, tant au Canada qu’aux États-Unis, ont soulevé deux questions urgentes qui seront probablement au cœur de la politique et de la règlementation énergétiques en 2025. La taxe sur le carbone du Canada, si elle n’est pas purement et simplement abolie, sera probablement remplacée, et l’attention se portera sur à toute proposition de remplacement.

Les tarifs douaniers américains potentiels sur les importations d’énergie canadienne et les mesures de représailles proposées par le Canada domineront les relations entre le Canada et les États-Unis — et, en fait, pourraient mettre à rude épreuve les relations intergouvernementales au sein même du pays.

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