Droit administratif et organismes de réglementation de l’énergie au Canada : les grands changements de la dernière décennie

INTRODUCTION

En 2013, dans le premier numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, les rédacteurs en chef ont eu la gentillesse de publier mon article intitulé « Droit administratif et réglementation en matière d’énergie — éviter les pièges — les dix règles — perspective sur dix ans[1] ». Cet article s’appuyait sur les présentations que j’ai faites au cours des dix dernières années à l’occasion du cours annuel sur la réglementation de CAMPUT (Canada’s Energy and Utility Regulators), ainsi que sur un chapitre de la publication récente de Energy Law and Policy, par les rédacteurs Gordon Kaiser et Bob Heggie[2]. Dix autres années se sont écoulées, et j’ai de nouveau le privilège de participer au dixième anniversaire de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie et de vous faire part de mes réflexions sur les changements majeurs du droit administratif canadien ces dix dernières années qui ont eu une incidence sur la législation et la réglementation de l’énergie.

J’ai choisi sept sujets. Certains découlent directement de procédures de réglementation de l’énergie, comme la nouvelle obligation de franchise qui s’applique aux participants aux audiences de réglementation; d’autres traitent des questions plus générales qui entraînent des répercussions sur les lois touchant la réglementation de l’énergie, comme la norme de contrôle appliquée par les tribunaux dans les appels prévus par la loi et les demandes de contrôle judiciaire des décisions d’entités en vertu d’une loi ou d’une prérogative.

I. APPRENDRE À VIVRE AVEC VAVILOV ET LES ESPIONS PARMI NOUS

Le jugement le plus important en droit administratif rendu par la Cour suprême du Canada au cours de la première décennie d’existence de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie était sans aucun doute Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov[3] (à lire avec le jugement du même genre rendu le même jour : Bell Canada c Canada (Procureur général)[4]. Dans ce qui pourrait être décrit comme s’assimilant davantage à la nature d’un exercice législatif qu’un exercice judiciaire, la Cour suprême a déclaré qu’elle entendait réformer et clarifier, dans ces appels de la Cour d’appel fédérale, les principes régissant le contrôle judiciaire d’une mesure administrative sur le fond [5](et non les motifs de procédure[6]) dans le but de « voir à ce que le cadre d’analyse qu’elle retient s’adapte à tous les types de décisions administratives[7] ».

Dans ce segment, compte tenu de la vaste jurisprudence et des discussions professionnelles et universitaires que le jugement a suscitées, je me limiterai à donner un aperçu, au moyen d’une liste, du recalibrage du contrôle du bien-fondé effectué par la majorité des juges de la Cour suprême. Je traiterai ensuite brièvement de la mesure dans laquelle la Cour n’a pas réalisé son ambition de réformer en profondeur les principes du contrôle judiciaire des mesures administratives.

  1. La présomption de contrôle de la raisonnabilité qui existait auparavant pour les décisions administratives rendues par les cours supérieures au moyen d’un appel prévu par la loi est répudiée. Dorénavant, en l’absence de prescription législative contraire, la norme de contrôle applicable à de telles décisions est celle de la décision correcte dans le cas de questions de droit pures et d’« erreur manifeste et dominante » dans le cas de questions de fait et de questions mixtes de fait et de droit où il n’y a pas de principe juridique « facilement isolable », ceci étant la norme[8] qui s’applique aux appels civils des juges de première instance. (Cela a une incidence sur un éventail d’organismes de réglementation de l’énergie et d’autres secteurs dont les décisions peuvent faire l’objet d’appels devant les cours supérieures. Par la suite, leurs décisions sont devenues assujetties au principe de la décision correcte plutôt qu’au contrôle de la raisonnabilité sur des questions de droit. De toute évidence, cela pourrait accroître leur exposition à des contestations réussies[9].
  2. L’erreur de compétence est condamnée comme une catégorie de contrôle judiciaire. (Cela a également une incidence sur les organismes de réglementation dont les décisions peuvent faire l’objet d’appels devant les cours supérieures sur des questions de droit et de compétence en ce sens que le fondement législatif de la compétence est effectivement ou implicitement abrogé ou fusionné avec un contrôle pour cause d’erreur de droit[10] à la suite du recalibrage du contrôle judiciaire en common law.)
  3. En conséquence du point 2, la compétence a disparu en tant que catégorie en vertu de laquelle la présomption normale de contrôle de la raisonnabilité pour des questions de droit est réfutée. Le nombre de situations où la présomption est réfutée semble avoir été réduit davantage par l’omission, par la Cour, d’inclure dans sa liste trois questions de droit à l’égard desquelles les cours supérieures et un tribunal ou un organisme ont compétence en première instance sur les questions de droit pertinentes[11]. Les questions constitutionnelles diverses, les questions générales de droit d’importance fondamentale pour le système juridique dans son ensemble et les situations mettant en cause des revendications concurrentes de l’autorité sur les questions de droit à l’étude demeurent dans la catégorie réfutée.

Énoncé dans cette forme, le recalibrage de la Cour semble plutôt très dilué pour ce qui se voulait un projet ambitieux. Néanmoins, il y a eu des examens mitigés de l’annulation de précédents par la Cour (y compris les siens) dans lesquels la présomption de contrôle de la raisonnabilité appelant la déférence avait été rattachée à des appels prévus par la loi ainsi qu’à des demandes de contrôle judiciaire. Il y avait également des préoccupations au sujet de lacunes et du manque de clarté dans la portée des changements.

Dans l’article de recension de cette année[12], j’ai souligné deux questions de cette importance. Premièrement, pourquoi la Cour s’est-elle éloignée de l’examen de la question litigieuse de la pertinence de l’analyse de la norme de contrôle par rapport aux questions d’équité procédurale? Deuxièmement, de façon générale, est-ce que les nouvelles prescriptions se rapportaient simplement au processus décisionnel du tribunal et de l’organisme de réglementation, ou s’étendaient-elles aussi à l’examen de diverses formes de décisions des pouvoirs législatifs et exécutifs et, en particulier, à l’élaboration de règles allant de lois subordonnées officielles (règlements et règlements administratifs) à des politiques internes? Sur le plan du contrôle judiciaire et des questions relatives à la norme de contrôle, le contrôle de ces instruments reposait-il toujours sur la question quasi apparentée de l’erreur de compétence, ultra vires et, même si c’était le cas, est-il effectué aujourd’hui en raison des prescriptions issues de Vavilov et surtout des conceptions du caractère raisonnable?

En ce qui concerne l’équité procédurale, la Cour suprême a fourni une réponse partielle en 2022 dans Law Society of Saskatchewan c Abrametz[13]. En ce qui concerne la question de savoir si l’arrêt Vavilov et son ambition d’adopter une approche globale de l’examen de fond ont balayé le concept d’ultra vires et de prise de décisions auquel il était habituellement appliqué, la controverse persiste. Vous trouverez de plus amples renseignements sur chacun de ces enjeux dans mon examen annuel sur les développements de 2022.

Plutôt que de reprendre ici cette analyse, permettez-moi maintenant d’aborder ce qui, en fin de compte, pourrait être l’aspect le plus transformationnel de Vavilov. En plus de simplifier le processus d’attribution de la norme de contrôle appropriée pour les décisions faisant l’objet d’un contrôle, la Cour a indiqué, comme deuxième aspect de sa mission, l’énonciation « des indications additionnelles aux cours de révision qui procèdent au contrôle selon la norme de la décision raisonnable[14] ».

Étant donné le manque relatif d’attention que la Cour suprême avait accordé dans la jurisprudence antérieure aux aspects opérationnels ou détaillés de l’évaluation du caractère raisonnable des décisions faisant l’objet du contrôle, il ne fait aucun doute qu’il s’agissait d’une initiative louable de sa part. Il est également vrai que tous les éléments de la longue liste de facteurs sur lesquels la Cour s’appuie pour déterminer le caractère raisonnable d’une décision sont non seulement solides, du moins lorsqu’ils sont examinés isolément, mais aussi extrêmement utiles aux tribunaux inférieurs dans leur évaluation du caractère raisonnable de la décision envisagée. De façon plus générale, ils fournissent une excellente feuille de route pour une rédaction des motifs de grande qualité.

Cela commence par une proposition générale, non pas nouvelle dans Vavilov, mais entérinée par la Cour. L’obligation de fournir des motifs exige que les décideurs respectent les normes «  à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité[15] ». Pour inciter à la présentation de motifs de grande qualité, la Cour a également souligné que, dans le cadre du contrôle judiciaire, l’instance révisionnelle devrait se consacrer principalement à l’examen des motifs fournis. Il existe une politique des « présents motifs[16] ».

Cependant, il y a aussi des dangers lorsque l’on regroupe les divers éléments de la liste de contrôle complète des facteurs à considérer de la Cour qui entrent dans la rédaction d’une décision qui résistera à l’examen de la raisonnabilité. Il convient de tenir compte de l’impact potentiel du synopsis partiel suivant de Vavilov :

  • Les motifs officiels d’une décision doivent être lus à la lumière du dossier, en tenant compte du contexte administratif dans lequel ils ont été présentés[17].
  • Une décision raisonnable est une décision qui est à la fois fondée sur un raisonnement interne cohérent et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui influent sur la décision[18].
  • Une décision déraisonnable est une décision qui ne tient pas compte des principaux arguments et des questions fondamentales, ni de la jurisprudence, ni judiciaire ni du tribunal[19].
  • Une décision raisonnable s’appuie sur les règles modernes d’interprétation des lois et met l’accent sur le texte, le contexte et l’objet[20].
  • Parmi les contraintes juridiques et factuelles figurent le régime législatif applicable, les autres lois et la common law, les principes d’interprétation des lois et la preuve dont dispose le décideur[21].

La rédaction d’une décision qui satisfait à toutes les mises en garde énumérées peut facilement être perçue par un décideur comme une tâche intimidante qui mène à des décisions excessivement longues et une menace à la gestion efficace du dossier du tribunal. Pour l’ensemble des décideurs administratifs, les écueils peuvent se présenter de toutes parts.

Certes, dans l’arrêt Vavilov, la Cour reconnaît les dangers d’aller trop loin dans ce puits sans fond, et ces mises en garde ont été reprises par les tribunaux inférieurs avec des déclarations comme « Bien que les motifs soient brefs, ils sont adéquats pour expliquer et justifier la décision[22] » [traduction].

En supposant que l’on accepte la justification de la Cour du principe de déférence dans Vavilov[23], il se présente le danger encore plus grand que le suivi de tous ces préceptes dans la rédaction des décisions augmentera le risque qu’une cour de révision ou d’appel procède effectivement à un examen de la norme de la décision correcte en regard du produit final du décideur. Il n’est pas surprenant que la liste des critères de raisonnabilité de la Cour soit tout aussi facilement transférable à la rédaction de décisions dont la révision sera fondée sur la norme de la décision correcte. Elle s’assimile plutôt à un guide de rédaction des motifs de qualité, peu importe si la décision sera ultimement assujettie à la norme de la décision correcte ou à la norme de la raisonnabilité. En fait, on en retrouve plus qu’une simple allusion dans le jugement dissident de la juge Abella (généralement, du moins en théorie, une ardente défenseure de la déférence) dans l’affaire du même genre que Vavilov, Bell Canada c Canada (Procureur général)[24]. Un exemple plus récent se trouve également dans Morningstar v Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal[25]. Plus le décideur tente de couvrir les motifs de détermination du caractère raisonnable, plus grande devient la probabilité d’un contrôle judiciaire, même lorsque la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable appelant la déférence.

En résumé, il se peut qu’il y ait très peu de différence pratique entre le contrôle de la décision correcte sur des questions de droit pures dans le cas des appels prévus par la loi et le contrôle de la raisonnabilité dans le contexte des demandes de contrôle judiciaire. Cependant, il reste à voir si cette possibilité est devenue réalité et si elle est le fruit d’une recherche empirique à tous les niveaux de l’examen judiciaire ou de l’examen en appel de l’action ou de l’inaction administrative. Un jugement rendu au début d’avril par la Cour d’appel de l’Alberta fournit toutefois un autre exemple éloquent de cette possibilité.

Dans ATCO Electric Ltd v Alberta Utilities[26], l’Alberta Utilities Commission a été confrontée à la destruction causée par les feux de forêt de 2016 à Fort McMurray[27].Quelle incidence les pertes subies par les installations d’ATCO devraient-elles avoir sur les tarifs que la Commission a établis en vertu de l’Electric Utilities Act[28]?

ATCO cherchait à recouvrer ses pertes en capital non assurées et non amorties résultant des incendies dans les taux facturés aux clients. La Commission a refusé d’autoriser le recouvrement de ces pertes, jugeant qu’elles devraient être assumées non pas par les clients, mais par les actionnaires de la société. En termes simples, la Commission a considéré la situation comme l’inverse de ce que la Cour suprême du Canada avait évalué en fonction de la norme de contrôle de la décision correcte dans ATCO Gas & Pipelines Ltd. c Alberta (Energy and Utilities Board)[29], l’arrêt controversé Stores Block. Les clients avaient-ils droit aux avantages de la vente d’actifs retirés de la base tarifaire parce qu’ils n’étaient plus utilisés ou ne devaient plus être utilisés dans le cadre du calcul de la base tarifaire d’ATCO? La Cour, dans une décision par la suite confirmée par la Cour d’appel de l’Alberta sur la base du caractère raisonnable dans l’affaire FortisAlberta c Alberta (Utilities Commission)[30], a conclu que le produit de la vente de tels actifs était au profit des actionnaires de la société, et non de ses clients.

En référence à ces deux décisions, dans la présente affaire, l’AUC avait statué que les principes de symétrie dictaient que les pertes des actifs de la base tarifaire en raison de ces retraits d’actifs extraordinaires devraient être assumées non pas par les clients, mais par les actionnaires. Les pertes découlant de ces retraits de la base tarifaire ne devraient pas être compensées par le processus d’établissement des taux. En vertu de la Loi, ils ne devraient plus être traités comme des coûts et des dépenses raisonnablement engagés, même s’ils l’avaient été au départ et jusqu’à ce que les incendies soient traités comme tels.

ATCO a demandé et obtenu la permission d’interjeter appel pour deux motifs :

  1. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en entravant son pouvoir discrétionnaire concernant le recouvrement des coûts raisonnables des actifs détruits par les feux de forêt?
  2. Le Commission a-t-elle erré dans son interprétation de l’Electric Utilities Act en incorporant des concepts inapplicables de la législation relative aux services publics de gaz ou en ne tenant pas compte des dispositions qui exigent qu’ATCO jouisse d’une possibilité raisonnable de recouvrer les coûts et les investissements raisonnables qu’elle avait engagés pour fournir un service sûr et fiable aux clients[31]?

En guise de prélude à l’examen du bien-fondé de l’appel, dans un jugement rendu par la Cour, les juges d’appel Watson, Slatter et Kirker avaient situé son rôle dans les principes énoncés dans Vavilov et, ce faisant, avaient énoncé des nuances importantes de ces principes. La Cour a d’abord reconnu que, dans la foulée de l’arrêt Vavilov, la norme de contrôle applicable aux affaires portées devant la Cour par voie d’appel sur des questions de droit et de compétence était celle de la décision correcte pour des questions de droit[32]. La déférence n’avait aucun rôle à jouer. En ce qui concerne la compétence, dans une note de bas de page, les juges ont excisé la « compétence » de l’interprétation de la loi :

Toutes les erreurs de compétence sont des erreurs de droit. La référence au « droit et compétence » dans la loi n’est qu’une anomalie historique [.] Comme il n’y a plus de différence de présomption dans la norme de contrôle, la distinction n’a habituellement aucune importance [traduction][33].

Le tribunal a ensuite fourni une feuille de route pour la gestion de la transition d’une norme de contrôle principalement fondée sur la raisonnabilité à un contrôle effectué en se fondant sur les normes des appels civils. Tout en acceptant apparemment que la norme générale pour les questions de droit dans les contextes d’appel prévus par la loi, à défaut de dispositions législatives contraires, serait celle de la décision correcte, la Cour s’est demandé si, en « remplaçant[34] » les mécanismes de contrôle judiciaire de la common law par un droit d’appel, le législateur avait tenu compte des questions de norme de contrôle. S’appuyant sur cette hypothèse, le tribunal a déclaré que l’adoption d’un tel régime d’appel ne devrait pas être perçue comme une directive du législateur ordonnant à la Cour « de prendre en charge la gestion du réseau de distribution et de transport d’électricité en Alberta[35] » [traduction]. Le tribunal a appuyé cette affirmation en faisant référence à une déclaration dans FortisAlberta, où, dans le cadre d’une norme maintenant répudiée de contrôle de la raisonnabilité, la Cour avait déclaré que la prise de décisions réglementaires de ce genre comportait des « aspects politiques et économiques » [traduction] [36] sur lesquels les tribunaux étaient « en piètre posture pour émettre une opinion » [traduction][37]. Cela a amené la Cour à reconnaître ensuite que, dans un contexte où les appels étaient limités aux questions de droit,

… la Cour ne devrait pas être prompte à discerner des questions de droit isolables dans ce qu’il serait plus approprié de considérer comme étant des questions mixtes de fait et de droit, des questions de politique ou des questions de pouvoir discrétionnaire [traduction][38].

Le message semble clair : Bien qu’il n’y ait pas lieu de faire preuve de déférence à l’égard de questions de droit pures, dans tous les autres contextes réglementaires de ce genre, la déférence prévaut toujours. La Cour a ensuite cité[39] le jugement du juge Swinton de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’affaire Planet Energy (Ontario) Corp. v Ontario Energy Boar[40] selon lequel les motifs de décision d’un organisme de réglementation ont un rôle important à jouer dans la détermination de la Cour d’appel du caractère correct.

La Cour a ensuite[41] conclu cette analyse en mettant en garde contre l’idée de ne pas tenir compte de ces décisions parce qu’elles ne créent plus de précédent lorsqu’elles sont rendues selon une norme de contrôle différente. Le fait que la Cour eut maintenu la décision de la Commission, dans FortisAlberta, selon la norme de la décision raisonnable ne signifie pas pour autant que la décision aurait été différente si la norme de la décision correcte avait été appliquée. En fait, il y avait de nombreux indicateurs dans le jugement selon lesquels la Cour aurait aussi, au besoin, conclu que la décision était jugée valable en faisant référence à la norme de la décision correcte. À la base de cette affirmation et d’autres, il y avait un sentiment plus général selon lequel les tribunaux devraient respecter ces pouvoirs autrement contraignants et les traiter comme des précédents faisant autorité[42].

Pour ce qui est des motifs précis pour lesquels la permission d’interjeter appel a été accordée, la Cour a consacré un certain temps à examiner les paramètres généraux de contrôle en regard de l’entrave au pouvoir discrétionnaire. En particulier, la Cour a insisté sur le fait que comme motif de contrôle, comme son nom l’indique, la question de l’entrave n’entre en cause que lorsqu’il existe un pouvoir discrétionnaire[43]. Lorsque la question en est purement une de droit, il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire. Ainsi, même si un organisme de réglementation ou un tribunal inférieur déclare qu’il est lié par une décision antérieure, cela ne constitue pas en soi un cas d’entrave au pouvoir discrétionnaire; il s’agit plutôt d’une déclaration affirmant : « j’applique la loi parce que je suis lié par elle ». Il s’agit d’une interprétation et d’une application de la loi. Ce n’est que lorsqu’un décideur affirme à tort qu’il n’a pas de pouvoir discrétionnaire ou qu’il est lié alors qu’il ne l’est pas, qu’il y aura une erreur de droit. Cela a amené la Cour à rejeter ce motif d’appel parce qu’il n’était pas bien fondé en faisant référence à l’entrave aux principes du pouvoir discrétionnaire :

La question à trancher en l’espèce n’est donc pas de savoir si la Commission a entravé son pouvoir discrétionnaire, mais si elle a correctement appliqué les normes juridiques qui régissaient les circonstances [traduction][44].

Cette caractérisation, sur laquelle je n’ai rien à redire, visait à fournir la méthodologie selon laquelle le bien-fondé de l’appel devait être évalué[45]. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit dans sa compréhension et son application des jugements Stores Block et FortisAlberta? En droit, la Commission a-t-elle correctement distingué les principes juridiques sur lesquels la décision dans ces deux affaires était fondée? Et, en fait, les principes sur lesquels la Commission a déterminé le deuxième motif de la permission d’interjeter appel étaient-ils valables juridiquement? Bref, l’argument de la symétrie a échoué, Stores Block et FortisAlberta n’ont pas fourni la voie du succès. Tout dépendait de la question de savoir si, dans ces circonstances extraordinaires, le service public pouvait continuer de s’en remettre au droit de recouvrer les coûts requis dans une mesure raisonnable, comme établi par la Loi. Le fait que la Commission ne l’a pas compris a miné sa décision en droit. Néanmoins, dans la mesure où la décision globale était discrétionnaire, la décision appropriée en l’espèce consistait à renvoyer la cause à la Commission pour qu’elle l’examine en appliquant compréhension éclairée de la Loi et des précédents ainsi que des considérations de nature politique concurrentes[46].

Dans ce contexte, je n’irai pas plus loin dans l’examen du bien-fondé du jugement, si ce n’est que de dire que même si la Cour flirte avec le caractère raisonnable dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision correcte, la substance des motifs de la conclusion de la Cour sur le fond est un authentique contrôle de la norme de la décision correcte d’un point de vue purement juridique. Néanmoins, au cours de cette période encore transitoire entre Dunsmuir[47] et Vavilov, elle fournit des indications importantes sur la façon dont, même dans les appels prévus par la loi sur de pures questions de droit, il peut néanmoins se présenter des occasions de déférence.

II. LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE AUX APPELS DES DÉCISIONS DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE CONCERNANT LES DEMANDES DE CONTRÔLE JUDICIAIRE ET LES APPELS PRÉVUS PAR LA LOI – LES TENTACULES DE VAVILOV

Dans Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile)[48], une affaire découlant d’une demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale à la suite d’une décision ministérielle, le juge LeBel, au nom de la Cour suprême, s’est penché sur la question de la norme de contrôle qui devrait être appliquée dans le cas d’un appel du jugement d’une cour supérieure de première instance, en l’occurrence un appel devant la Cour d’appel fédérale et, par la suite, devant la Cour suprême du Canada, avec autorisation. Citant[49] un jugement de la Cour d’appel fédérale, le juge LeBel a conclu que

… le rôle de la juridiction d’appel consiste simplement à décider si la juridiction inférieure a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement. Le rôle de la juridiction d’appel ne se limite pas à se demander si la juridiction inférieure a commis une erreur manifeste et dominante en appliquant la norme de contrôle appropriée.[50]

Cela signifie que, dans ce contexte particulier, les principes normaux régissant les appels des décisions de première instance dans les litiges civils établis en 2002 dans Housen c Nikolaisen[51] ne s’appliquaient pas. Les cours d’appel étaient tenues de se mettre à la place du tribunal de première instance et de demander, sur la base de la norme de la décision correcte, si ce tribunal avait défini la norme de contrôle appropriée. Si tel était le cas, la cour d’appel déterminerait alors si cette norme de contrôle a été appliquée correctement. En effet, même dans les situations où le tribunal de première instance n’avait pas correctement déterminé la norme de contrôle appropriée, il incombait toujours à la cour d’appel d’appliquer la norme maintenant établie correctement à la décision rendue.

Certaines personnes n’approuvaient pas cette décision[52]. Parmi elles, il y avait au moins un juge de la Cour d’appel fédérale, le juge d’appel Stratas[53]. En effet, la Cour suprême elle-même semblait avoir des doutes sur Agraira. Sans mentionner Agraira par son nom, dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Harkat[54], la Cour, dans un jugement majoritaire rendu par la juge en chef McLachlin, a appliqué Housen dans son examen des éléments factuels d’une décision de la Cour fédérale selon laquelle la délivrance d’un certificat de sécurité était raisonnable, une conclusion qui a assujetti Harkat à une mesure de renvoi du Canada. La norme à appliquer aux éléments factuels de la décision était une « erreur manifeste et dominante » établie par Housen.

Par la suite, dans Mahjoub v Canada (Minister of Citizenship and Immigration)[55], le juge d’appel Stratas, au nom de la Cour d’appel fédérale, a suivi Harkat. La seule différence pertinente par rapport à l’arrêt Agraira quant à la norme à appliquer est que l’arrêt Harkat a débuté non pas par une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, mais par un renvoi à un juge de cette Cour par les ministres concernés en vue d’une décision quant au caractère raisonnable de leur délivrance d’un « certificat d’interdiction de territoire ». Il est intéressant de se demander si cela aurait été suffisant pour faire la distinction entre ce contexte et l’arrêt Agraira et la prescription que la Cour d’appel « met[ant] à la place » du tribunal de première instance en examinant le caractère raisonnable, même des conclusions de fait sur lesquelles le certificat a été délivré. En pratique, ce que tout cela signifie probablement pour les plaideurs, c’est que le contrôle fondé sur le caractère raisonnable pourrait fort bien être une norme de déférence moins rigoureuse que celle de « l’erreur manifeste et dominante ».

Par la suite, dans une affaire précédée par Mancini[56], Office régional de la santé du Nord c Horrocks[57], le juge Brown, dans un jugement de 6 contre 1 de la Cour suprême, a refusé de réexaminer la position adoptée par la Cour dans Agraira[58]. Comme dans l’arrêt Agraira, le contexte était une demande de contrôle judiciaire, et le juge Brown a en fait refusé de répondre aux arguments selon lesquels il était plus approprié d’appliquer l’arrêt Housen c Nikolaisen aux appels de l’issue du contrôle judiciaire de première instance que de maintenir l’approche préconisée dans Agraira. Agraira était « une décision récente de la Cour et qui est toujours valable[59] ». La conséquence de cette détermination, dans une affaire de duel de compétence (l’une des catégories exceptionnelles où Vavilov prescrit l’examen du caractère correct), était que le rôle de la Cour d’appel continuait non seulement de consister à déterminer le bien-fondé de la sélection de la norme de contrôle, mais également le bien-fondé de l’application de cette norme prescrite aux questions de droit et de fait. La seule exception que le juge Brown était disposé à reconnaître comme une possibilité d’application générale des principes de l’arrêt Housen était dans les situations où le juge de révision « agit comme décideur de première instance[60] ». Bien que cela ne soit pas mentionné, Harkat aurait pu techniquement être un tel cas.

À la suite de l’arrêt Horrocks, le régime global semble encore présenter des incohérences sur les plans de la logique et des politiques, sans mentionner que certaines questions restent sans réponse. Supposons qu’il était justifié, de façon générale, dans l’arrêt Vavilov, de faire la distinction entre la norme de contrôle applicable aux questions de droit pures, selon que la question a été soulevée dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire (la raisonnabilité présumée, sous réserve de trois ou quatre exceptions) ou qu’il s’agit d’un appel prévu par la loi (« bien-fondé »). Qu’est-ce que cela pourrait nous apprendre intuitivement?

À mon avis, cela nous indique que, dans ce dernier cas, toute évaluation judiciaire subséquente devrait évaluer le bien-fondé de la décision faisant l’objet d’un autre appel. Par contraste, dans le premier contexte, un appel devant une cour supérieure à la suite d’un contrôle judiciaire initial, à moins qu’il n’y ait des raisons de renoncer à la norme de déférence de contrôle de la raisonnabilité pour des questions de droit pures, plus la cause évolue dans la hiérarchie judiciaire[61], l’évaluation devrait porter sur la question de savoir si la décision initiale de la cour de révision peut résister à l’évaluation, par la cour d’appel, du caractère raisonnable de sa décision[62]. Si on l’accepte, je dirais qu’il serait contraire à l’esprit général de l’arrêt Vavilov de substituer la norme de contrôle de la décision correcte de l’appel Housen aux questions de droit à la présomption actuelle de caractère raisonnable comme norme d’examen en première instance applicable aux demandes de contrôle judiciaire. Autrement dit, le premier point de contact avec le tribunal est déterminant. Pour dire les choses plus directement, on ne devrait pas s’appuyer sur Housen dans les appels des révisions judiciaires de décisions d’une cour de première instance sur des questions de droit, du moins qu’on souhaite, pour une question de politique, perpétuer l’application du contrôle présomptif de la raisonnabilité appelant la déférence des décisions des décideurs sur des questions de droit[63] hors des régimes d’appel prévus par la loi.

Par contre, je pense qu’il faudrait élaborer beaucoup plus sur la question pour adopter une approche plus nuancée de l’examen des questions mixtes de droit et de fait et des conclusions factuelles ou probantes. En l’espèce, il devient peu utile d’établir une distinction au niveau de la cour d’appel en faveur de normes d’intervention plus rigoureuses dans le cas des appels prévus par la loi que dans le cas des demandes de contrôle judiciaire. Si l’on suppose que le « caractère raisonnable » est une norme moins déférente que « l’erreur manifeste et dominante », l’application de cette dernière comme critère dans le domaine des appels prévu par la loi de décisions de cours de première instance est incompatible avec l’évaluation de Vavilov de la place des appels prévus par la loi. Les appels des décisions de fait et des questions mixtes de droit et de fait inextricablement liées deviennent beaucoup plus difficiles à maintenir que le contrôle de la raisonnabilité de ces questions dans le contexte d’un contrôle judiciaire (par opposition aux régimes d’appel). En bref, il devrait généralement y avoir parité ou inversion des rôles avec la norme de l’« erreur manifeste et dominante » dans le contexte des appels interjetés dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire et avec la « raisonnabilité » dans le contexte des appels des décisions initiales des tribunaux dans les régimes d’examen fondés sur le système d’appel[64]. En bref, peut-être que la confusion actuelle tient du fait que les deux questions critiques ont attiré des réponses issues du cheminement inverse. À cet égard, Vavilov offre un tentacule de principes fondamentaux à saisir pour s’y retrouver dans ce dédale.

Toutefois, cette proposition soulève la question de savoir si, dans le contexte des demandes de contrôle judiciaire, la substitution du critère de « l’erreur manifeste et dominante » à celui de « la raisonnabilité » sur des questions de fait ou des questions mixtes de droit et de fait dont il n’existe pas de question de droit pure facilement isolable, irait à l’encontre de Vavilov. Si l’on suppose que la philosophie générale de Vavilov consiste à accorder une plus grande place à l’évaluation judiciaire des décisions dans le cas des appels prévus par la loi, mais un examen plus restreint dans le contexte des demandes de contrôle judiciaire, cette position de principe est compromise lorsque, sur les questions de fait et mixtes de droit et de fait, les normes sont plus intrusives dans le cas des demandes de contrôle judiciaire que dans le cas des appels prévus par la loi.

Si cet argument de la philosophie générale de Vavilov résiste à un examen minutieux, alors, à tout le moins, la norme de l’examen en appel des conclusions sur les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait devrait être la même pour les deux catégories. Il en découle également la proposition selon laquelle, dans les deux cas, les tribunaux supérieurs d’appel devraient en fait poser la même question, peu importe si le premier contact avec le tribunal a eu lieu dans le cadre d’une révision ou d’un appel : Le tribunal de première instance a-t-il commis une erreur en concluant (ou non, selon le cas) qu’il y avait (ou n’y avait pas) une erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou une question mixte de droit et de fait dans laquelle il n’y avait pas de question de droit pure facilement isolable[65]?

III. ORGANISMES DE RÉGLEMENTATION DE L’ÉNERGIE ET QUESTIONS CONSTITUTIONNELLES, Y COMPRIS LES QUESTIONS RELATIVES À LA CHARTE

En 2013 et dans le premier numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, la Cour suprême avait déjà établi les paramètres généraux de la position générale actuelle sur le rôle des décideurs administratifs lorsqu’ils sont confrontés à des questions constitutionnelles (y compris liées à la Charte[66]). En 2003, dans l’affaire Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Martin[67] la Cour avait établi, après beaucoup d’hésitations qu’en l’absence d’une intervention législative, les décideurs administratifs ayant le pouvoir exprès ou implicite de trancher des questions de droit avaient non seulement la compétence, mais en général[68] l’obligation de trancher les questions de droit constitutionnel qui se présentaient dans leur processus décisionnel. Cela s’étendait à l’examen de la loi et à la formulation d’une opinion sur la validité de celle-ci, mais pas à la déclaration formelle d’invalidité de la loi. En même temps, la Cour, dans Paul c Colombie-Britannique (Forest Appeal Commission)[69], a conclu qu’il en allait de même pour les questions de droits et de titres des peuples autochtones[70]. Sept ans plus tard, dans R. c Conway[71], la Cour a également conclu que lorsqu’un tribunal administratif avait compétence pour trancher une question constitutionnelle, il était généralement considéré comme un « tribunal compétent » aux fins de l’octroi d’une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte.

Cependant, même en 2013, il y avait eu une intervention législative dans au moins deux provinces. En Colombie-Britannique, l’Administrative Tribunals Act promulguée en 2004[72] a créé trois catégories de tribunaux — ceux qui ont compétence pour examiner toutes les questions constitutionnelles[73], ceux qui n’ont pas compétence pour trancher les questions constitutionnelles[74] et ceux qui n’ont pas compétence pour trancher les questions relatives à la Charte[75]. Cette loi a ensuite été modifiée afin d’y inclure des dispositions détaillées et des solutions de rechange relatives à la compétence sur le Code des droits de la personne de la province[76].

En Alberta, jusqu’en 2006, en vertu de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act[77], seuls les tribunaux désignés par règlement avaient compétence pour examiner les questions constitutionnelles, et seulement dans la mesure prescrite.

En ce qui concerne les organismes de réglementation de l’énergie, il y avait une nette distinction entre la situation en Colombie-Britannique et celle en Alberta. En Colombie-Britannique, les modifications apportées à ses lois constitutives ont fait en sorte que l’Utilities Commission[78] et le Mediation and Arbitration Board, en vertu de la Petroleum and Natural Gas Act[79], ont été désignés comme étant assujetties à l’article 44 et au paragraphe 46(3) de l’Administrative Tribunals Act, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas compétence pour trancher les questions constitutionnelles ou pour appliquer les dispositions du Code des droits de la personne. La même situation prévaut encore aujourd’hui dans le cas du Mediation and Arbitration Board qui a été rebaptisé Surface Rights Board.

En revanche, sous le régime de l’Alberta, l’Alberta Energy and Utilities Boardet l’Energy Resources Conservation Board de l’époque, ainsi que l’Alberta Utilities Commission, ont été désignés comme ayant compétence pour traiter de toutes les questions constitutionnelles (comme définies dans la Loi). La même situation prévaut encore aujourd’hui dans le cas de l’Alberta Utilities Commission et de l’Alberta Energy Regulator. Cependant, dans le contexte de la réglementation de l’énergie, il y a une restriction importante. En vertu de l’article 21 de la Responsible Energy Development Act, la loi constitutive de l’Alberta Energy Regulator, il est prévu que l’organisme de réglementation

… n’a pas compétence pour évaluer le caractère adéquat de la consultation de la Couronne liée aux droits des peuples autochtones reconnus et confirmés en vertu de la partie II de la Loi constitutionnelle de 1982 [traduction].

Ce rôle et, de façon plus générale, la gestion des processus de consultation des Autochtones en vertu de la Responsible Energy Development Act incombe au Aboriginal Consultation Office[80], un bureau établi au sein de l’Alberta Ministry of Indigenous Relations, même s’il n’a pas de fondement législatif précis.

Dans d’autres provinces, des dispositions traitent de la capacité des tribunaux individuels de traiter des questions constitutionnelles, mais la seule autre compétence dans laquelle il existe un régime législatif semblable à celui de l’Alberta ou de la Colombie-Britannique est le Manitoba. En vertu de l’article 2 de l’Administrative Tribunals Act, qui a été promulguée en 2021 et qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022, un tribunal administratif (comme défini) « n’a pas compétence pour trancher une question de droit constitutionnel » [traduction] sauf si ce pouvoir lui est conféré par un règlement pris en vertu de la Loi. Néanmoins, ici aussi, comme en Alberta, en vertu de l’article 1 de l’Administrative Tribunal Jurisdiction Regulation, le principal organisme de réglementation de l’énergie du Manitoba, la Public Utilities Board,

… a compétence pour examiner toutes les questions de droit constitutionnel [traduction].

En revanche, en vertu de l’article 2 de ce règlement, la compétence du Surface Rights Board de la province sur les questions constitutionnelles, comme définie, se limite à :

… une question de droit constitutionnel qui sous-tend la répartition des pouvoirs en vertu de la Constitution du Canada entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux [traduction].

Ce qui est également pertinent pour déterminer la portée de telles restrictions, c’est que le libellé de la loi est important. En effet, en 2010, dans Rio Tinto Alcan Inc. c Conseil tribal Carrier Sekani[81], la juge en chef McLachlin, s’exprimant au nom de la Cour à l’unanimité, a conclu que rien n’empêchait la British Columbia Utilities Commission d’évaluer si la Couronne s’était acquittée de son obligation de consulter les intérêts autochtones touchés dans le contexte d’une demande de recadrage. La définition de « question constitutionnelle » à l’article 1 de l’Administrative Tribunals Act incorporait par renvoi les dispositions relatives aux avis à l’article 8 de la Constitutional Question Act de la Colombie-Britannique[82]. Elle prévoit la remise d’un avis lorsque « la validité constitutionnelle ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi est contestée » ou « une demande de réparation constitutionnelle a été présentée » [traduction]. Selon la juge en chef McLachlin, le libellé et la structure de la loi n’établissaient pas une intention claire : « Toutefois, l’intention du législateur de soustraire à la compétence de la Commission la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter les titulaires des droits ancestraux en cause ne ressort ni de l’Administrative Tribunals Act ni de la Constitutional Question Act[83] ».

En 2020, ce précédent a été invoqué par la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Fort McKay First Nation c Prosper Petroleum Ltd[84]. Celle-ci portait sur une contestation par la Première Nation du refus de l’Alberta Energy Regulator d’examiner si l’approbation d’un projet avait été compromise par référence à l’honneur de la Couronne. Pour justifier son refus, l’Alberta Energy Regulator a invoqué l’article 21 de la Responsible Energy Development Act. Toutefois, la Cour a rejeté cet argument principalement parce que l’honneur de la Couronne sous-tendait des dimensions qui dépassaient les paramètres de l’obligation de consulter. Comme la Première Nation ne fondait pas son argumentaire sur l’obligation de consulter, l’interdiction prévue à l’article 21 ne s’appliquait pas.

La Cour a également affirmé que la définition de « constitutional law » de la loi de l’Alberta ne couvrait pas toute la gamme des questions ou des enjeux constitutionnels qu’une initiative réglementaire particulière pourrait impliquer. Au-delà de la portée de la définition, le rehaussement de ces autres normes constitutionnelles, y compris l’étendue des droits issus de traités, a déclenché le pouvoir de l’Alberta Energy Regulator « sur toutes les questions constitutionnelles » [traduction].

Pour ce qui est de l’obligation de consulter en particulier, dans les affaires qui relèvent autrement de la compétence de l’Alberta Energy Regulator, le Aboriginal Consultation Office était l’autorité désignée établie l’année précédente (2019) par le jugement de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Athabasca Chipewyan First Nation v Alberta (Minister of Aboriginal Relations, Aboriginal Consultation Office)[85].

De façon plus générale, les principes relatifs à l’autorité sur l’obligation de consulter les peuples autochtones ont été clarifiés dans deux arrêts de la Cour suprême de 2017 dans un contexte de réglementation de l’énergie : Clyde River (Hameau) c Petroleum GeoServices Inc.[86] et Chippewas of the Thames First Nation c Pipelines Enbridge Inc.[87] J’ai discuté de l’incidence de ces décisions dans mon examen de 2017 et, dans ce contexte, je résumerai simplement les conclusions que la Cour a tirées :

  1. Bien que l’obligation de consulter demeure la responsabilité globale de la Couronne, celle-ci peut transférer à d’autres parties, sous réserve d’un examen général de la Couronne, la tâche de mener des consultations. Par conséquent, comme on l’a déjà vu, en Alberta, cela comprend non seulement l’Alberta Utilities Commission, mais aussi l’Aboriginal Consultation Office, un bureau interne du ministère compétent. La Couronne peut également déployer des promoteurs dans certains aspects du processus de consultation.
  2. Malgré les préoccupations exprimées par le juge Iacobucci, dans le jugement rendu en 1994 par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Québec (Procureur général) c Canada (Office national de l’énergie)[88] au sujet des menaces à l’indépendance des organismes de réglementation comme les services publics et les offices de l’énergie, lorsqu’ils s’acquittent des responsabilités en matière de consultation qui leur sont conférées par des mesures législatives et exécutives, ces organismes de réglementation deviennent les véhicules par lesquels la Couronne s’acquitte de ses responsabilités constitutionnelles. En agissant ainsi et en s’acquittant des obligations constitutionnelles de la Couronne, les organismes de réglementation ne sont pas autrement compromis en tant que décideurs indépendants, ce qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité. Le contexte dans lequel ils exercent leurs activités est également caractérisé comme satisfaisant à l’exigence de présence d’une obligation de consulter issue de la « mesure envisagée de la Couronne ».
  3. Pour justifier le recours, en tout ou en partie, à de tels processus réglementaires, la Couronne doit tenir compte du régime législatif ou exécutif (de fond, de procédure et de réparation) dans lequel l’organisme de réglementation exerce ses activités, ainsi que de son expertise institutionnelle globale.
  4. Pour leur part, les organismes de réglementation ont généralement la capacité et l’obligation d’évaluer si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter, obligation qui, contrairement à un précédent et à une décision antérieure de l’Alberta Utilities Commission, s’applique indépendamment de la question de savoir si la Couronne est partie à l’instance devant l’organisme de réglementation.
  5. Les organismes de réglementation et ceux à qui la Couronne a confié la responsabilité de mener des consultations peuvent également, par leurs propres processus, satisfaire en tout ou en partie à l’obligation constitutionnelle.
  6. De même, la Couronne et ceux qui agissent au nom de la Couronne ont le droit de compter sur les efforts de consultation des promoteurs pour évaluer si, seule ou en combinaison avec leurs propres efforts, cette obligation a été respectée.

En résumé, ce qui ressort des arrêts Clyde River et des Chippewas of the Thames est presque un modèle complet pour l’élaboration d’une gamme de processus réglementaires qui, dans l’ensemble, respecteront l’étendue de l’obligation constitutionnelle et établiront également des normes structurelles à l’intérieur desquelles l’évaluation des efforts de consultation sera effectuée. Au-delà de tout cela plane bien sûr le spectre du contrôle judiciaire ou de l’appel prévu par la loi. Cependant, avec la création du cadre, les procédures judiciaires sont maintenant plus souvent axées sur une évaluation des procédures avancées pour justifier l’exécution de l’obligation que sur des questions d’autorité et de pertinence de la structure dans laquelle un régime de consultation existe.

IV. LIMITES CONSTITUTIONNELLES À LA RECONNAISSANCE JUDICIAIRE DE L’OBLIGATION DE CONSULTER

À la fin de 2014, le juge Hughes de la Cour fédérale, à la surprise de plusieurs, a conclu que l’obligation de consulter pouvait être invoquée dans le contexte d’une loi de base lorsqu’il y avait une possibilité suffisante que la loi puisse avoir un effet préjudiciable sur les droits et les intérêts des peuples autochtones. Bien qu’il n’ait pas atteint le stade de la préparation de lois de base et de la présentation de celles-ci au Parlement, une fois présentée, l’obligation de consulter a été déclenchée. L’étendue de l’obligation dépendrait de la nature de l’incidence et de la probabilité que le préjudice redouté se concrétise. Toutefois, compte tenu des normes constitutionnelles, il ne conviendrait pas qu’une cour de révision prononce une injonction. Le mieux qu’un tribunal puisse faire est plutôt de formuler une déclaration selon laquelle l’obligation n’a pas été respectée[89].

Presque deux ans plus tard, jour pour jour, la Cour d’appel fédérale a accueilli un appel de ce jugement, les juges majoritaires ayant conclu qu’en ce qui concerne la Loi sur les Cours fédérales, le processus législatif n’impliquait pas un « office fédéral ». De façon plus générale, le fait d’imposer une telle obligation au processus parlementaire supposerait, par référence au principe constitutionnel non écrit de la séparation des pouvoirs, une ingérence judiciaire inadmissible dans les activités du pouvoir législatif[90].

Près de deux ans plus tard, après avoir obtenu l’autorisation d’interjeter appel, la Cour suprême a conclu, à la majorité que la Cour d’appel fédérale n’avait pas compétence pour imposer aux processus parlementaires l’obligation de consulter lorsque les droits, les intérêts et les revendications des peuples autochtones étaient menacés dans le projet de loi dont le Parlement était saisi[91].

Les neuf juges ont reconnu que les procédures avaient été intentées de façon inappropriée au sens où l’entendait la Cour d’appel. Les demandes de contrôle judiciaire ne pouvaient être présentées que dans le cadre des procédures d’un « office fédéral » en général et, en vertu de l’article 2(2) de la Loi sur les Cours fédérales, le gouverneur en conseil ou le Parlement était exclu de cette définition. En ce qui concerne l’article 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales, qui confère une compétence concurrente à la Cour fédérale « dans les cas de demande de réparation contre la Couronne », cela ne s’appliquait pas aux actes des membres de l’exécutif lorsqu’ils exerçaient leur pouvoir législatif, non seulement en préparant et en déposant des mesures législatives, mais aussi aux autres étapes devant le Parlement sur la voie de la promulgation.

Une majorité[92] de la Cour, dans trois jugements différents, a ensuite conclu que dans tous les cas, l’obligation de consulter ne se rapportait pas directement aux mesures prises par le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif à quelque étape que ce soit du processus législatif, la préparation, le dépôt ou la promulgation. Pour justifier cette proposition, les juges majoritaires ont expliqué de diverses façons leur position en faisant référence au privilège parlementaire, à la séparation des pouvoirs, à la souveraineté parlementaire et à la common law canadienne voulant que les fonctions législatives, en l’absence d’une directive législative, ne bénéficient pas des protections d’équité procédurale. Cependant, au moins quatre des neuf juges ont fait valoir qu’un défaut de consultation pourrait, dans le contexte d’attaques subséquentes contre la constitutionnalité et l’application de la loi, s’avérer pertinent à l’étape de justification de l’analyse pertinente.

Pour le moment, cependant, il reste à voir si de telles spéculations sont appuyées dans un examen judiciaire ultérieur visant à déterminer si la consultation est d’une quelconque façon pertinente pour l’adoption et la mise en œuvre de lois de base.

De plus, une autre couche aurait pu être ajoutée par l’adoption, en juin 2021, de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[93].

L’article 19 de la Déclaration se lit comme suit :

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. [emphase ajoutée]

Cet engagement est renforcé dans le préambule de la Loi :

que le gouvernement du Canada est déterminé à prendre des mesures efficaces — d’ordre législatif, politique et administratif, entre autres — à l’échelle nationale et internationale, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, afin d’atteindre les objectifs de la Déclaration. [emphase ajoutée]

Vient ensuite l’engagement « que la protection des droits ancestraux ou issus de traités — reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[94] ».

Ces engagements fourniront-ils un tremplin vers la reconnaissance judiciaire des droits de participation dans les processus d’adoption de lois de base touchant les droits ancestraux, comme l’obligation de consulter, un concept qui trouve son origine dans l’honneur de la Couronne? À ces fins, l’une des questions essentielles est de savoir si la Loi donne lieu à des droits judiciairement exécutoires. Ou le plan d’action prévu aux articles 5 à 7 de la Loi représente-t-il l’ensemble des mécanismes juridiques par lesquels les promesses de la Loi seront mises en œuvre, un mécanisme juridique qui n’envisage pas explicitement la participation des tribunaux?

Une autre façon d’analyser l’incidence de la Loi sur le droit interne consiste à se demander si la reconnaissance par le préambule « que la Déclaration est une source d’interprétation du droit canadien » ne fait pas plus que traiter du déploiement de la Loi et de la Déclaration dans l’interprétation du droit canadien existant. S’agit-il seulement d’un engagement à tenir compte de la Déclaration, à des fins d’interprétation, lorsque les tribunaux et d’autres parties évaluent l’action de la Couronne par référence à la Déclaration, à la Loi et à d’autres sources de droit autochtone? Ou est-ce que l’article 4(a) de la Loi, avec son affirmation que la Déclaration constitue « un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien » [emphase ajoutée] promet plus que cela? L’article 4(a) est-il plutôt une source de droits normatifs et juridiquement exécutoires qui, dans le cas de l’obligation de consulter, a préséance sur la caractérisation par la Cour dans Mikisew du processus législatif comme étant une « zone interdite »?

On peut également faire valoir que la Première Nation crie Mikisew laisse planer l’importante question de savoir si l’obligation de consulter peut être invoquée relativement à la promulgation de diverses formes de mesures législatives subordonnées. Le jugement du juge Rowe était le seul (avec lequel les juges Moldaver et Côté étaient d’accord) qui faisait référence (puis indirectement) aux précédents de la common law canadienne dans lesquels la Cour suprême a établi que l’obligation implicite d’équité procédurale n’atteignait pas les fonctions « législatives » d’aucune nature. Dans leur jugement dissident, les juges Abella et Martin ont certainement abordé la question de façon générale :

Bien que le droit régissant le contrôle judiciaire, qui s’applique à l’exercice de pouvoirs législatifs ou de la prérogative royale, soit souvent en cause dans des affaires de consultation, l’obligation de consulter ellemême se rapporte à tout exercice des pouvoirs de la Couronne, y compris aux mesures législatives[95].

Dans ce qui paraît une opinion contraire, le juge Rowe a déclaré ce qui suit (sans les références aux affaires) :

Quant à l’obligation de consulter, les mesures de la Couronne sont susceptibles de contrôle judiciaire selon les principes généraux en la matière… Ces principes ne permettent pas aux tribunaux de contrôler des décisions de nature législative pour des motifs d’équité procédurale… Règle générale, le gouvernement n’a pas à faire preuve d’équité procédurale dans l’exercice de fonctions législatives[96].

Bien qu’il ne l’ait jamais affirmé de façon aussi explicite, ce paragraphe soulève la question suivante : Pourquoi inclure une telle déclaration si ce n’est d’exprimer l’opinion que, du moins en général[97], l’obligation de consulter ne se rattache pas à la formulation et à l’adoption de mesures législatives subordonnées? Quoi qu’il en soit, étant donné que cela ne représente que la position de trois juges des neuf juges, il serait imprudent de traiter cette déclaration comme contraignante ou même comme source convaincante en cette matière. Bien qu’elle puisse énoncer le droit avec exactitude à l’égard d’une situation autre que l’obligation de consulter, l’obligation de consulter repose sur des fondements différents des principes de common law concernant l’application de l’obligation d’équité procédurale. On peut également considérer qu’elle va à l’encontre de l’arrêt Tsuu T’ina Nation c Alberta (Environment)[98], dans lequel la Cour d’appel de l’Alberta a statué que l’obligation de consulter est liée à l’adoption par décret d’un plan de gestion de l’eau, ce qui constitue clairement une décision législative.

Il est également possible d’imaginer qu’une majorité de la Cour appuie la proposition selon laquelle l’obligation de consulter s’applique à des mesures législatives subordonnées. Les jugements des juges Abella et Martin voulant qu’elle s’applique à la loi primaire sous-tend évidemment qu’elle s’applique nécessairement aussi, lorsqu’invoquée autrement, aux sources de droit primaires subordonnées. La juge Karakatsanis (avec qui le juge en chef Wagner et le juge Gascon concourent) a expressément déclaré que ses conclusions concernant le texte législatif principal ne s’appliquaient pas aux sources de droit primaires subordonnées. Cela fait cinq membres de la Cour qui appuient directement ou indirectement l’application du critère de l’obligation de consulter à d’autres lois que le texte législatif principal. Dans la mesure où les tribunaux ultérieurs ne voient pas cette combinaison de points de vue autrement opposés sur la question des sources de droit primaires comme simplement une base qui aurait permis de résoudre la question. Il pourrait toutefois être imprudent de s’appuyer sur cette décision pour régler ce qui pourrait autrement sembler être un débat en cours[99].

Il est également vrai que les fondements constitutionnels de la proposition selon laquelle l’obligation de consulter ne se rattache pas au processus d’adoption d’un texte législatif principal n’ont pas la même résonance dans le cas de textes législatifs subordonnés. Dans la mesure où ils sont fondés sur les privilèges et les prérogatives du Parlement ou des Assemblées législatives et sur une suprématie législative qualifiée, ils ne transcendent pas cette arène et ne donnent pas lieu à des immunités de la part du pouvoir exécutif dans l’exercice du pouvoir législatif délégué.

V. LA COMMON LAW DÉCLENCHE L’OBLIGATION D’ÉQUITÉ PROCÉDURALE

Processus d’appel et d’approbation du Cabinet

Comme il a été mentionné dans la section précédente, pour justifier sa position selon laquelle l’obligation de consulter n’a pas été soulevée dans le contexte des textes législatifs de base et subordonnés, le juge Rowe s’est fondé[100] en partie sur au moins un jugement dans lequel la Cour suprême avait rejeté, pour des motifs de common law, une demande d’équité procédurale dans le contexte d’un appel du Cabinet, en l’occurrence un appel du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) au gouverneur en conseil. Dans l’arrêt Proc. Gén. du Can. c Inuit Tapirisat et autre, le juge Estey a qualifié la fonction du Cabinet de législative et précisé qu’elle n’est pas assujettie à un examen sur la base de l’iniquité procédurale[101]. Il est toutefois douteux que l’Inuit Tapirisat ait survécu, du moins en ce qui concerne la classification d’un appel d’un organisme de réglementation au gouverneur en conseil comme étant de nature législative.

Dans l’arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Canada (Procureur général)[102], le juge Rothstein, prononçant le jugement de la Cour, a exprimé des doutes quant au maintien du statut de l’Inuit Tapirisat sur la question de l’équité procédurale[103] en ce qui concerne les appels au Cabinet, et a déclaré que le gouverneur en conseil « n’agit pas à titre de législateur » lorsqu’il tranche les appels interjetés par l’Office des transports du Canada[104]. Il « il se prononce lui-même sur le fond de la question qui lui est soumise.[105] » [emphase ajoutée] Bien qu’elle l’ait fait dans le contexte de l’évaluation de l’application de l’analyse de la norme de contrôle à l’examen du fond d’une décision du gouverneur en conseil, la Cour a ouvert la porte à la contestation des processus d’appel au Cabinet pour des motifs d’iniquité procédurale.

L’obligation de consulter les peuples autochtones

Dans la mesure où l’obligation de consulter est considérée comme un concept de common law visant à mettre en œuvre les protections constitutionnelles écrites et non écrites dont bénéficient les peuples autochtones, elle fonctionne dans un cadre différent et plus large que les principes généraux d’équité procédurale de la common law. À l’exception controversée de l’application directe dans le contexte de l’adoption du texte législatif principal dont nous venons de discuter, il s’agit d’un devoir qui a une résonance dans tout l’univers du processus décisionnel en vertu d’une loi ou d’une prérogative. Dans les normes relatives à son invocation et à l’intensité de ses exigences, il se distingue de la mesure dans laquelle l’équité procédurale en common law est imposée au processus décisionnel gouvernemental.

Cette proposition est résumée dans le jugement dissident des juges Abella (et Martin) dans l’arrêt Mikisew Cree Nation :

Comme l’honneur de la Couronne imprègne l’ensemble des rapports du gouvernement avec les peuples autochtones, l’obligation de consulter doit s’appliquer à l’exercice de tous les pouvoirs qui sont assujettis à un examen fondé sur l’art. 35[106].

De plus, la portée de l’obligation de consulter est probablement la plus pertinente et la plus efficace dans le domaine des décisions exécutives et politiques qui touchent les droits ancestraux, un domaine qui est normalement hors de portée pour l’obligation d’équité procédurale en common law. À d’autres égards, comme je l’ai déjà fait valoir, le seuil de déclenchement de l’obligation de consulter revêt un caractère fort différent des exigences générales du seuil en common law déclenchant l’obligation d’agir de façon équitable sur le plan de la procédure. Ainsi, lorsqu’un droit ou une revendication qui a été établi de façon définitive est en cause, l’application du devoir ainsi que l’intensité des obligations procédurales qu’il impose dépendent en grande partie de l’analyse, par le tribunal, de la force de la revendication qui n’a pas encore été déterminée ou réglée. Il s’agit de savoir si le contexte décisionnel est une action législative, exécutive ou juridictionnelle de la part de la Couronne ou s’il implique la Couronne, ou, en ce qui concerne le seuil d’équité procédurale de la common law, la prise de décisions « fondée sur des motifs généraux d’ordre public[107] ». Cela reflète également la réalité selon laquelle les revendications relatives aux avantages de l’obligation de consulter sont, pour la plupart, fondées et liées collectivement à la prise de décisions ou à une action qui a une incidence de portée générale.

Il faut toutefois reconnaître que, même lorsque le degré de consultation doit être profond, comme l’illustre le jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Nation Gitxaala c Canada[108], l’évaluation du niveau de consultation peut ressembler beaucoup à l’analyse que les tribunaux appliquent pour vérifier la conformité aux normes procédurales de la common law en réponse aux allégations de partialité, au caractère adéquat des motifs et, de façon plus générale, à l’avis, à la divulgation et d’autres sources possibles d’injustice procédurale.

Principes de common law concernant l’invocation de l’obligation d’équité procédurale

Bien que ce document porte en grande partie sur les changements et les évolutions du droit administratif qui ont une incidence sur le droit et la réglementation de l’énergie, j’ai tenu pour acquis qu’il n’excluait pas l’évaluation des domaines où il y a eu peu ou pas de changement. Dans l’ensemble, le seuil d’application de la common law en matière d’équité procédurale est l’un de ces domaines. Comme il a été mentionné ci-dessus, la seule exception évidente se situe dans le contexte des appels interjetés auprès du gouverneur en conseil contre la prise de décisions réglementaires, un processus qui est maintenant classé comme étant de nature « juridictionnelle ». Des obligations procédurales peuvent également être rattachées au gouverneur en conseil et aux mesures législatives subordonnées, en général, lorsque l’obligation de consulter est déclenchée. Toutefois, de façon plus générale, dans l’arrêt Mikisew, le juge Rowe décrit avec exactitude l’état actuel du droit. L’arrêt Inuit Tapirisat, de 1980, fait encore autorité sur le principe général même s’il ne gouverne plus dans le cas des appels au Cabinet :

En règle générale, le gouvernement n’a aucune obligation d’équité procédurale dans l’exercice d’une fonction législative [traduction][109].

Dans un examen approfondi de cette question en 2018[110], la juge Kane de la Cour fédérale a réaffirmé cet aspect de l’arrêt Inuit Tapirisat et a indiqué clairement que, à ces fins, une mesure législative incluait le gouverneur en conseil dans l’élaboration de mesures législatives subordonnées. La juge Kane s’est également appuyée sur un autre arrêt de la Cour suprême de 1980 qui fait autorité dans ce domaine : Martineau c Comité de discipline de l’Institution de Matsqui (no 2)[111]. Ici, le juge Dickson (dans une décision avec laquelle le juge en chef Laskin et le juge McIntyre concourent) a déclaré ce qui suit :

Une décision purement administrative, fondée sur des motifs généraux d’ordre public, n’accordera normalement aucune protection procédurale à l’individu[112].

Cela suggère une limitation encore plus large de la portée de l’équité procédurale implicite. Par la suite, en 1990, dans l’arrêt Knight c Indian Head School Division No. 19[113], la juge L’Heureux-Dubé a caractérisé ce concept en établissant une distinction entre les pouvoirs décisionnels de « nature législative et générale » qui n’entraînaient pas l’obligation d’agir de façon équitable sur le plan de la procédure et ceux d’un « de nature plus administrative et particulière » qui déclenchaient généralement cette obligation. Élaborant davantage sur la question, en 2002, la juge d’appel Oland, en rendant le jugement de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’affaire Potter v Halifax Regional School Board[114], décrit la distinction comme existant sur une échelle mobile en termes de niveaux de généralités avec des décisions visant une personne en particulier à une extrémité et la prise de décisions ayant des dimensions politiques générales et créant des normes plutôt que de décider de leur application à des situations particulières.

C’est sur cette base qu’en 2022, dans l’affaire TransAlta Generation Partnership v Alberta (Minister of Municipal Affairs)[115], la Cour d’appel de l’Alberta, dans un contexte de réglementation de l’énergie, a déterminé que la publication de lignes directrices ministérielles établissant des normes d’amortissement n’entraînait pas une obligation d’équité procédurale, bien que l’aspect particulier des lignes directrices qui faisait l’objet d’une contestation ait eu une incidence sur un nombre limitée de centrales électriques alimentées au charbon. Ce faisant, la Cour d’appel a distingué[116] le jugement de la Cour supérieure de l’Ontario dans l’affaire Tesla Motors Canada ULC v Ontario (Ministry of Transportation)[117]. Ici, en annulant un programme de subvention pour l’achat de véhicules électriques, le ministre avait créé un délai de grâce, mais dans une lettre à Tesla, il avait indiqué que l’entreprise ne pouvait pas bénéficier de ce délai de grâce. En concluant que Tesla pouvait faire l’objet d’une distinction, la Cour d’appel de l’Alberta a déclaré ce qui suit :

Dans ce cas, une seule entité a été intentionnellement ciblée par un ministre à des fins non pertinentes. Il en est autrement ici. Le fait que les 2027 Linear Guidelines puissent avoir une incidence différente sur les intérêts des propriétaires de centrales électriques alimentées au charbon par rapport à ceux des propriétaires d’autres types de propriétés ne transforme pas l’acte législatif du ministre en une décision « administrative » ouvrant droit à une obligation d’équité procédurale [traduction][118].

L’application du critère standard pourrait reposer sur ces marges étroites.

Il convient également de mentionner que dans l’affaire TransAlta, la Cour d’appel a rejeté l’argument selon lequel, si la common law ne déclenchait pas une obligation d’équité procédurale, les entreprises touchées pourraient néanmoins faire valoir l’application de la doctrine de l’attente légitime. En ce qui concerne le critère standard pour une conclusion d’attente légitime,

… la preuve invoquée par les appelants n’établit pas clairement, sans ambiguïté et sans réserve que les appelants seraient consultés au sujet de la disposition contestée [traduction][119].

À première vue, cela semble imposer un lourd fardeau de la preuve à ceux qui affirment une « attente légitime » et cela soulève des questions quant à l’établissement d’une attente légitime découlant d’une conduite, comme dans le cas d’un éloignement par rapport à des pratiques de longue date.

Lorsqu’on ajoute à cela l’admonestation continue voulant que la version canadienne ne s’étende pas au déploiement d’une attente légitime comme voie vers un droit substantiel (par opposition à un droit procédural)[120], ainsi que l’incertitude quant à savoir s’il peut même être invoqué en ce qui concerne un processus décisionnel qui n’est pas autrement assujetti à une obligation d’équité procédurale en common law[121], le pronostic actuel de la santé de cette doctrine ne peut être favorable.

VI. DIMENSIONS ÉTHIQUES DES PROCESSUS DE RÉGLEMENTATION

Dans mes deux derniers examens annuels[122], j’ai discuté des procédures d’application de la loi de l’Alberta Utilities Commission concernant le groupe d’entreprises ATCO et, plus précisément, découlant d’un contrat conclu par ATCO. Les allégations ont été formulées dans le contexte d’une demande tarifaire présentée par ATCO Electric. Elles sous-tendaient, à un niveau général, une allégation de manque de franchise et de candeur de la part d’ATCO Electric dans sa justification de sa demande tarifaire et ce qui aurait impliqué une stratégie visant à transférer aux contribuables d’ATCO Electric les coûts d’un contrat qu’ATCO Electric a conclu à une valeur supérieure à la juste valeur marchande en faveur d’une société affiliée non réglementée.

Il ne fait aucun doute qu’il s’agit du genre d’affaire qui suscite le scandale et ATCO a réagi rapidement lorsque le personnel d’application de la loi de la Commission a demandé à la Commission d’autoriser le début de procédures d’application de la loi en vertu des articles 8 et 63 de l’Alberta Utilities Commission Act en vue de déterminer si ATCO avait enfreint des dispositions des lois pertinentes et, le cas échéant, devrait se voir imposer une pénalité administrative. La demande du personnel d’application de la loi a été présentée au terme d’une enquête le 29 novembre 2021[123]. Le 30 novembre 2021, ATCO a publié les résultats de sa propre enquête interne. Voici un extrait d’un reportage paru le même jour :

Une enquête interne menée par ATCO a révélé que des lacunes dans les procédures et les processus de divulgation de l’entreprise ont entraîné des contraventions au code de conduite entre sociétés affiliées, un ensemble de règles que les sociétés réglementées d’ATCO observent pour garantir des pratiques commerciales équitables et une divulgation appropriée [traduction][124].

L’Alberta Energy and Utilities Board avait approuvé ce code le 22 mai 2003[125]. Le premier de la liste des objectifs sous-jacents énoncés à l’article 1.1 du Code est le suivant :

  1. Créer un ensemble de règles clairement définies visant à améliorer la transparence entre les sociétés affiliées, l’équité et la responsabilisation de la haute direction à l’égard des interactions entre les sociétés affiliées ayant une incidence sur les sociétés réglementées [traduction].

Dans son introduction en ligne à son propre code de conduite entre sociétés affiliées, Fortis Inc est plus direct. Le Code

… veille à ce que toutes les transactions entre FortisAlberta et ses sociétés affiliées soient effectuées de façon équitable et transparente [traduction][126].

Malgré les mea culpa et les justifications d’ATCO pour des actions qui, de son avis, étaient essentiellement au profit d’une collectivité des Premières Nations, l’autre partie au contrat pertinent, le processus a suivi son cours et a finalement abouti à l’approbation, par la Commission, d’une entente de règlement que le personnel d’application de la loi avait négociée avec ATCO[127]. Cette entente, comme je l’ai indiqué dans mon article d’enquête de 2022, a soutenu l’allégation du personnel d’application de la loi selon laquelle ATCO avait manqué à son « devoir fondamental d’honnêteté et de franchise envers son organisme de réglementation » [traduction][128] et équivalait à un défaut de s’assurer que les renseignements qu’elle a fournis à la Commission étaient « complets, justes et exacts » [traduction][129]. Parmi les sanctions imposées en vertu de l’entente de règlement figurait le paiement par ATCO d’une sanction administrative de 31 millions de dollars.

Quant à savoir si les sanctions imposées à ATCO étaient appropriées, je laisserai à d’autres le soin d’en débattre[130]. Le plus important, cependant, reste le message envoyé non seulement en raison de l’importance de la sanction, mais aussi par le précédent qu’elle établit en reconnaissant que le non-respect des normes éthiques et juridiques de conduite dans un contexte réglementaire entraîne des conséquences. À cet égard, je répète dans mon article d’enquête de 2022 la puissante déclaration du vice-président de la Commission, M. Larder, approuvant le règlement :

Le deuxième aspect du préjudice causé aux contribuables est difficile à quantifier, mais très grave. Les actions d’ATCO Electric causent un préjudice plus vaste aux contribuables et à tous les autres participants au système de réglementation. Pour prendre ses décisions, la Commission doit pouvoir tenir pour acquis que l’information présentée par le service public est complète, juste et exacte. Il s’agit d’une prémisse fondamentale de l’Electric Utilities Act et de notre système de réglementation en général, comme il est indiqué ci-dessus. Les contraventions d’ATCO Electric représentent un abus de confiance flagrant, qui a miné la confiance du public dans le processus de réglementation de la Commission et la confiance de la Commission envers ATCO Electric. Quel que soit le préjudice financier subi, ce préjudice est en soi considérable et important [traduction][131].

Il s’agit sans aucun doute d’une indication des responsabilités de ceux qui, à divers titres, comptent sur l’impartialité des processus de réglementation. Sans franchise et sans transparence de la part de tous les participants, le pacte sur lequel ces processus sont fondés peut être gravement, voire mortellement, compromis. La décision fait également passer le statut des codes de conduite réglementaires et de la reconnaissance des obligations de franchise et de transparence à plus que simplement une composante reconnue, mais rarement invoquée, d’un site Web d’entreprise, au statut de documents qui ont un sens et qui reflètent un authentique engagement envers les valeurs sous-jacentes.

De plus, les principes enchâssés sont des principes qui ne devraient pas s’appliquer seulement aux participants à des audiences réglementaires. Comme l’illustre la fureur persistante au sujet du retard de l’Alberta Energy Regulator à divulguer de l’information au sujet d’une fuite grave à un point de sortie de rejets, qui touche particulièrement les collectivités autochtones locales[132], les organismes de réglementation eux-mêmes ont des responsabilités en matière de franchise et de transparence. Les demandes de démantèlement de l’Alberta Energy Regulator et les expressions d’une perte de confiance envers l’organisme de réglementation sont ancrées dans les mêmes valeurs qui étaient en cause dans les transgressions d’ATCO[133].

VII. DÉFENSE DES DÉCISIONS – LE RÔLE DU DÉCIDEUR

Dans notre modèle de règlement des litiges traditionnel, les tribunaux ne comparaissent pas en tant que parties à des appels de leurs décisions. Il est généralement admis que leurs décisions et le compte rendu officiel de leurs procédures constituent le fondement de l’appel ou du contrôle. Il est inconvenant et inapproprié qu’ils soient autrement entendus pour justifier le bien-fondé de leurs décisions.

En 1979, ces mêmes principes ont été pour la plupart adoptés par la Cour suprême du Canada dans Northwestern Utilities Ltd. et autre c Edmonton[134], une procédure de demande tarifaire devant l’Alberta Public Utilities Board de l’époque. Northwestern soutenait que, du moins en ce qui concerne les faits particuliers en cause, la Commission devrait tenir compte des pertes subies avant la présentation d’une demande dans le cadre d’un exercice d’établissement des tarifs. La Commission s’est rendue à cet argument. Edmonton a interjeté appel de cette décision avec succès devant la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[135]. La Ville a également eu gain de cause sur un argument secondaire selon lequel de la Commission ne s’était pas acquittée de l’obligation légale de fournir les motifs de sa décision. Dans le cadre de l’appel interjeté par Northwestern devant la Cour suprême du Canada, le juge Estey, prononçant le jugement de la Cour, a confirmé les deux motifs du jugement de la Division d’appel[136].

Le juge Estey s’est ensuite penché sur le rôle que l’avocat de la Commission avait joué devant la Cour suprême, un rôle que le juge Estey a décrit comme une « participation aussi active[137] ». Malgré le fait que l’article 65 de la Public Utilities Board Act[138] donnait à la Commission le droit « d’être entendue en plaidoirie dans tout appel » [traduction], cela ne signifiait pas que la Commission avait les mêmes droits de participation que les parties qui avaient comparu devant elle. En l’absence d’une reconnaissance législative explicite du fait que la Commission avait un statut égal à celui des parties contestantes dans le cadre de l’appel ou d’une disposition prévoyant des observations complètes ou partielles du décideur, son rôle était davantage de nature amicus curiae. En termes concrets, cela signifiait que la participation de la Commission se limitait « à la présentation d’explications » par rapport au dossier dont disposait la Cour et visait à fournir « d’observations sur la question de sa compétence[139] ». À ces fins, les questions de justice naturelle et de respect de l’obligation légale de fournir des motifs ne comptaient pas comme des questions de compétence, et la portée et l’interprétation de la disposition législative pertinente concernant les pertes passées n’ont pas franchi ce seuil; la cause portait sur le fond de la question et n’était pas de nature juridictionnelle[140].

La déclaration suivante résume bien l’essentiel des préoccupations du juge Estey au sujet d’une participation plus active de la Commission à l’audition de l’appel sur l’une ou l’autre des deux questions :

Une participation aussi active ne peut que jeter le discrédit sur l’impartialité d’un tribu­nal administratif lorsque l’affaire lui est renvoyée ou lorsqu’il est saisi d’autres procédures concer­nant des intérêts et des questions semblables ou impliquant les mêmes parties. La Commission a tout le loisir de s’expliquer dans ses motifs de jugement et elle a enfreint de façon inacceptable la réserve dont elle aurait dû faire preuve lorsqu’elle a participé aux procédures comme partie à part entière, en opposition directe à une partie au litige dont elle avait eu à connaître en première instance[141].

Dans mon commentaire précédent sur cette question[142], je retrace la jurisprudence dans laquelle, lentement mais sûrement, la question s’est précisée. La Cour suprême et les cours d’appel (y compris les appels et le contrôle judiciaire des décisions des organismes de réglementation de l’énergie) ont commencé à reconnaître que cette question n’avait pas été résolue de façon satisfaisante en imposant des interdictions générales ou « catégoriques » à la participation au tribunal fondées sur la notion de compétence et l’acceptation du fait que les questions de justice naturelle ou d’équité procédurale sont de nature juridictionnelle.

Les jugements du juge d’appel Goudge de la Cour d’appel de l’Ontario en 2005[143] et du juge d’appel Stratas de la Cour d’appel fédérale en 2010 ont particulièrement influencé l’évolution de la jurisprudence[144]. De façon plus générale, le fait que le droit canadien en matière de contrôle judiciaire s’éloigne de la notion de compétence pour établir une limite a exigé une refonte de l’approche « catégorique » dans ce domaine. Plus la jurisprudence relative à la norme de contrôle a évolué, plus il est devenu évident que la compétence était loin d’être un fondement clair pour déterminer ce qui était autorisé et ce qui ne l’était pas.

Le point culminant est survenu en 2015 quand le juge Rothstein a rendu le jugement d’une majorité de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ontario (Commission de l’énergie) c Ontario Power Generation Inc.[145]. En l’espèce, la Cour a rejeté explicitement l’approche catégorique pour déterminer le rôle du décideur dans les contestations judiciaires de ses décisions. À sa place, le juge Rothstein a conclu que l’approche appropriée consistait à traiter la question comme une question de pouvoir discrétionnaire pour la cour de révision ou d’appel dans laquelle divers facteurs, parfois contradictoires, devraient être soupesés pour déterminer l’étendue, le cas échéant, du rôle du décideur.

D’une part de cet exercice d’équilibre, il y avait les préoccupations au sujet du maintien de l’impartialité et du principe de finalité que le juge Estey a exprimé si fermement dans l’extrait de son jugement que j’ai cité plus tôt et que le juge Rothstein a reconnu[146]. Cependant, il y avait des préoccupations contradictoires fondées sur l’importance, pour la cour d’appel ou la cour de révision, de bénéficier de la meilleure défense de la décision du tribunal, ce qui exigerait au moins à l’occasion l’accès à « de[s] données et d[es] analyses à la fois utiles et importantes » à la disposition du tribunal, mais qui ne figurent pas autrement dans le dossier de l’audience[147].

Évidemment, comme dans le cas de Northwestern Utilities[148], la décision faisant l’objet du contrôle était celle d’un organisme de réglementation de l’énergie. Cependant, contrairement à Northwestern Utilities, où les parties en cause devant la Commission étaient des participants actifs aux deux procédures judiciaires, aucune partie n’a défendu la décision de la Commission devant la Cour divisionnaire dans l’affaire Ontario Power Generation[149]. Pour le juge Rothstein, il s’agissait d’un facteur important dans l’évaluation du rôle du décideur dans le contrôle judiciaire, et il en est toujours ainsi chaque fois que des questions relatives à la participation du décideur sont soulevées. Sans la présence improbable du procureur général ou la nomination d’un amicus curiae, la décision de la Commission n’aurait pas été défendue autrement.

Toutefois, il convient de souligner que, dans un autre appel entendu parallèlement à celui d’Ontario Power Generation, un organisme de réglementation a présenté des observations pour défendre le caractère adéquat de ses motifs et la norme de contrôle appropriée, malgré la présence d’une partie défendant le bien-fondé de sa décision. C’était dans l’affaire ATCO Gas and Pipelines Ltd c Alberta (Utilities Commission)[150], mettant en cause un successeur de l’Alberta Public Utilities Board, le décideur dans Northwestern Utilities, et la participation à l’appui de la décision de la Commission de l’Utilities Consumer Advocate. Dans son jugement dans cette affaire, la Cour suprême n’a pas dit s’il était approprié que la Commission présente des observations compte tenu de la présence de l’Utilities Consumer Advocate. Cela demeure curieux, surtout compte tenu du fait que le juge d’appel Slatter, qui a rendu le jugement de la Cour d’appel de l’Alberta, a vivement critiqué la portée des observations de la Commission[151]. Toutefois, à tout le moins, dans l’esprit du jugement du juge Rothstein, il est implicitement clair que, selon des normes de participation contextuelles et de nature nuancée, la présence d’une partie plaidant en défense de la décision de la Commission ou du tribunal demeure un facteur à prendre en considération, mais ni à l’heure actuelle, ni même dans le cas de Northwestern Utilities, cela disqualifie la participation du décideur.

Ce qui établit une distance entre Northwestern Utilities et le nouveau régime est l’acceptation, par le juge Rothstein, que sur la base des faits d’Ontario Power Generation, à une exception mineure près, la Commission n’a pas outrepassé la portée permise de sa licence de participation lorsqu’elle a présenté des observations à la Cour suprême quant au caractère raisonnable de la décision faisant l’objet du contrôle[152]. Ce n’est certainement pas un aspect en faveur duquel le juge Estey aurait penché dans Northwestern Utilities. Ce qui est également important, c’est que le juge Estey a semblé regrouper tous les tribunaux administratifs afin d’établir les règles de base du rôle du décideur dans les procédures de contrôle judiciaire et d’appel prévues par la loi. Il en va autrement, a fait valoir le juge Rothstein dans Ontario Power Generation. La nature des procédures du tribunal était pertinente aux fins de l’évaluation du poids à accorder aux préoccupations relatives à l’impartialité et à l’attribution ultime de la capacité de participer à un appel ou à un contrôle judiciaire :

Le fait que le tribunal tranche des différends individuels entre deux parties opposées, ou qu’il joue plutôt un rôle d’interprétation de politiques, de réglementation ou d’enquête, ou qu’il agisse au nom de l’intérêt public, exerce une influence sur la mesure dans laquelle des préoccupations relatives à l’impartialité sont soulevées [traduction][153].

À cet égard, la Commission de l’énergie de l’Ontario s’inscrivait clairement dans cette dernière catégorie et méritait donc une plus grande tolérance à son endroit lorsqu’elle comparaissait pour défendre sa décision ou des aspects de celle-ci.

Quoi qu’il en soit, il est important de reconnaître que la caractérisation d’un tribunal comme une instance qui tranche des différends entre deux parties opposées plutôt que comme une instance qui se consacre davantage aux questions de politiques et de règlements d’intérêt public ne signifie pas pour autant que la participation du tribunal à la défense de ses décisions est nécessairement amputée. Au-delà du domaine de la réglementation de l’énergie, il existe un exemple clair dans le contexte des décisions relatives aux demandes d’indemnisation des accidentés du travail. En effet, la nature du processus se rapproche beaucoup plus des fonctions décisionnelles traditionnelles que, par exemple, la réglementation sur l’établissement des tarifs. Cependant, il est aussi vrai que bien souvent, lors d’un appel ou d’un contrôle judiciaire des répartitions de ces prestations, personne ne se présentera pour appuyer la décision du tribunal. Dans ce contexte, les rouages peuvent paraître quelque peu différents. N’empêche, depuis Ontario Power Generation, les tribunaux reconnaissent effectivement une plus grande participation que ce qui aurait été acceptable pour le juge Estey dans Northwestern Utilities. Cette reconnaissance accrue ressort d’une série de jugements de la commission d’indemnisation des accidentés du travail de la Colombie-Britannique dans lesquels personne ne s’est présenté pour appuyer la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire. Cela a permis au Workers’ Compensation Appeal Tribunal de présenter des observations sur le bien-fondé de la décision faisant l’objet du contrôle[154].

Même si une partie se présente à l’appui de la décision faisant l’objet d’un appel ou d’un contrôle, il peut arriver qu’une participation limitée du tribunal soit autorisée. Cela est bien illustré par un jugement de l’Ontario impliquant l’équivalent ontarien du Workers’ Compensation Appeal Tribunal de la Colombie-Britannique. Dans l’affaire Hydro Ottawa v Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeal Tribunal[155], la Cour a autorisé le Tribunal, malgré la présence d’une partie défendant sa décision, à :

… présenter des arguments concernant la norme de contrôle applicable, les questions de compétence, les considérations stratégiques et l’interrelation des dispositions législatives [de deux lois pertinentes][156] [traduction].

Toutefois, la Cour a indiqué qu’elle ne tiendrait pas compte des parties du mémoire du Tribunal dans lesquelles il traite du « caractère raisonnable de la décision » [traduction][157].

Certains pourraient déplorer le changement de l’approche catégorique à la question de la participation du décideur à la défense de ses décisions parce qu’ils y voient un recul par rapport à la certitude. Cependant, une fois que l’on accepte la nature poreuse de la compétence comme concept de contrôle et l’incertitude inhérente des limites précises d’un rôle explicatif, il devrait être évident, selon les principes de Northwestern Utilities, les appels aux avantages de la certitude plutôt qu’au pouvoir discrétionnaire contextuel perdent une grande partie de leur impact. Ce qui est également clair, c’est que les facteurs contextuels pertinents interagiront de différentes façons dans la recherche d’une délimitation appropriée du rôle précis du décideur.

TransAlta Corp c Alberta (Utilities Commission)[158] en donne une illustration éloquente. Dans le contexte d’une instance où la question critique était l’application et l’interprétation des principes de la chose jugée, la Cour a reconnu que la Commission avait le droit de présenter des observations sur le bien-fondé de cette question. Malgré la participation d’autres parties à l’appel[159], chacune avait reconnu ne pas avoir la capacité de défendre cet aspect de la décision de la Commission[160]. Toutefois, la Cour a pris soin de préciser que cela ne s’assimilait pas à une autorisation de compléter ses motifs pour résister à d’éventuelles préoccupations quant à leur caractère adéquat. Cela équivaudrait à une mesure d’« autojustification » inadmissible, de sorte que la Cour a indiqué qu’elle ne tiendrait pas compte de quoi que ce soit dans le mémoire de la Commission qui étofferait le renvoi, dans la décision de la Commission, à des « décisions antérieures [non mentionnées] » [traduction]. L’affaire reposait sur une pure question de droit qui pouvait et devait être traitée sur la base du compte rendu officiel des procédures, « tel qu’il existe et sans ajouts » [traduction][161].

En fait, s’il y a la moindre trace d’une approche catégorique de la question de la participation au tribunal, c’est bien la reconnaissance qu’il n’est pas permis de s’autojustifier ou de présenter des arguments entièrement nouveaux. Bien entendu, comme le juge Rothstein l’indique clairement dans l’arrêt Ontario Power Generation[162], il ne s’agit pas d’une interdiction qui s’applique exclusivement aux observations présentées par un tribunal dont la décision faisant l’objet d’un appel ou d’une demande de contrôle judiciaire. Elle a une portée beaucoup plus vaste et s’applique comme principe d’application générale dans le contexte de restrictions à la capacité d’agir d’une partie à un appel ou à une demande de contrôle judiciaire.

Toutefois, dans le contexte de la participation du tribunal aux appels et aux demandes de contrôle judiciaire, il faut distinguer les principes interdisant l’autojustification et la présentation de nouveaux arguments des autres formes de représentation qui sont autorisées, surtout dans le contexte des organismes de réglementation et des organismes à vocation politique. Comme l’a souligné le juge Rothstein dans l’arrêt Ontario Power Generation[163], l’interdiction d’autojustification n’interdit pas les arguments qui sont implicites dans les motifs donnés pour la décision maintenant contestée, ou, de façon plus générale, qui fournissent des explications, des interprétations et un contexte par rapport à cette décision. Pour peu qu’il n’y ait pas d’incompatibilité avec les motifs de la décision ou de tentative de fournir des variations ou des interprétations de ces motifs, des observations explicatives devraient généralement être autorisées.

De toute évidence, compte tenu de l’étendue de la jurisprudence interprétant largement la question, mais, dans certains cas, s’appuyant sur Ontario Power Generation, il reste, dans les marges, des questions en suspens et des points de vue divergents sur la façon d’appliquer les principes de Rothstein. Comme on l’a déjà souligné, compte tenu des variations contextuelles dans lesquelles cette question peut se poser, il n’y a là rien de surprenant. Je crois qu’il est également juste de dire que certains juges ont, de façon intuitive, moins de tolérance à l’égard de la défense de leurs décisions par le tribunal que d’autres. Néanmoins, l’abandon de l’approche fondée sur des règles dans Northwestern Utilities[164] a donné naissance à une approche plus nuancée et adaptée à la situation à l’égard de cette importante question, ce qui est une bonne chose.

CONCLUSIONS

Au cours de la dernière décennie et depuis la parution de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, une grande partie du discours sur le droit administratif a continué d’être axée sur la norme de contrôle. Cette attention s’est intensifiée avec le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Vavilov. Pour ceux qui, pour quelque raison que ce soit, étaient en faveur d’une diminution de la retenue judiciaire à l’égard des décisions en vertu d’une loi ou d’une prérogative, ils ont certainement pu trouver un certain réconfort dans l’arrêt Vavilov, bien que le changement apporté par le jugement qui a fait l’objet des discussions les plus abondantes — plus aucune déférence pour les questions de droit pures dans les appels législatifs — ne se soit pas avéré aussi transformateur qu’on pensait. De plus, dans la mesure où la Cour a déclaré explicitement qu’elle menait un exercice qui établirait des normes encadrant l’univers de l’action administrative, cette ambition ne s’est pas concrétisée. Il subsiste encore de l’incertitude au sujet des modèles de norme de contrôle pour le contrôle judiciaire de l’iniquité procédurale et, ce qui est encore plus important, du contrôle judiciaire des lois subordonnées et d’autres manifestations du pouvoir exécutif.

Cependant, si nous détournons notre attention des subtilités de la norme de contrôle et des folies fréquentes qui ont présidé à l’évolution de cet aspect du droit relatif au contrôle judiciaire dans une perspective davantage axée sur le processus, il y a de quoi se réjouir de l’évolution observée cette dernière décennie. Malgré tous ses vices en ce qui concerne la norme de contrôle, l’effet durable de l’arrêt Vavilov peut reposer dans la formulation des divers éléments qui sous-tendent le contrôle du caractère raisonnable. Dans une perspective générale, j’ai souscrit au projet de déférence, et je m’inquiète de la mesure dans laquelle l’arrêt Vavilov implique un rejet de l’expertise en tant qu’influence contraignante sur le contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, la formulation de la Cour des facteurs sur lesquels les décideurs administratifs qui souhaitent éviter le contrôle judiciaire devraient se concentrer fournit également une liste de contrôle de premier ordre pour la rédaction de motifs de grande qualité. Assurément, personne ne peut en disputer.

Au début de la période de dix ans visée par l’examen, on a aussi mis un accent important sur un processus qui a contribué à la conduite efficace des procédures de contrôle judiciaire. Je parle ici du jugement rendu par le juge Rothstein dans l’affaire Ontario Power Generation, qui a éloigné le droit d’une approche formaliste et catégorique pour le rapprocher d’une approche fonctionnelle pour déterminer dans quelle mesure les tribunaux eux-mêmes pourraient participer au processus de contrôle judiciaire. Enfin, on a reconnu qu’il y avait de nombreuses situations où au moins un certain degré de participation de la part du décideur pourrait mener à une prise de décisions plus éclairée.

Au niveau des organismes de réglementation, la Cour suprême, avec l’aide, dans une certaine mesure, des cours d’appel et des organismes eux-mêmes, a continué d’établir des normes procédurales encadrant l’obligation de consulter et, au besoin, d’accommoder les peuples autochtones dont les droits, les revendications et les intérêts ont été touchés par des procédures réglementaires. Encore une fois, le fonctionnalisme et le pragmatisme ont largement contribué à cette évolution.

Fait remarquable, le même esprit n’a généralement pas éclairé les initiatives judiciaires tentant de faire passer le seuil pour invoquer l’obligation d’agir équitablement de critères qui ne sont rien d’autre que des incantations par formule à une approche plus fonctionnelle et souple des possibilités de participation. À cet égard, on devrait être reconnaissant de la mesure dans laquelle les législateurs, tant principaux que subordonnés, ainsi que de nombreux organismes et tribunaux, mais malheureusement pas tous, par l’entremise de leur pouvoir de réglementation, ont contribué au projet d’équité procédurale.

J’espère également que la récente instance disciplinaire de l’Alberta Utilities Commission contre ATCO fera mieux comprendre qu’il est dans l’intérêt de tous les participants aux processus réglementaires (y compris les organismes eux-mêmes) que la transparence et la franchise deviennent la norme attendue et acceptée. L’engagement à l’égard de la protection de l’intérêt public ne demande rien de moins et devrait mener à la reconnaissance d’un nouveau pacte réglementaire, même dans le cadre de la réglementation de ce qui est parfois des marchés fortement concurrentiels.

 

* David J. Mullan, Professeur émérite, Faculté de droit, Queen’s University. Certaines parties de ce documentdoivent beaucoup aux échanges avec John M. Evans, ancien juge de la Cour d’appel fédérale.

  1. David J. Mullan « Droit administratif et réglementation en matière d’énergie – éviter les pièges – les dix règles – perspective sur dix ans » (2013) 1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/fr/articles/regulators-and-the-courts-a-ten-year-perspective-1>.
  2. « Administrative Law and Energy Regulation », un chapitre de Energy Law and Policy de Gordon Kaiser et Bob Heggie (rédacteurs) (Toronto : Carswell, 2011) à la p 35.
  3. 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.
  4. 2019 CSC 66, [2019] 4 RCS 845.
  5. Supra note 3 aux para 2, 10–11, 16, 23.
  6. Ibid au para 23.
  7. Ibid au para 11.
  8. Énoncé par la Cour suprême dans Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235.
  9. Pour un premier exemple où Paul Daly soutient que le changement pourrait avoir eu une incidence sur le résultat, voir « Rates and Reserves: Manitoba (Hydro-Electric Board) v Manitoba (Public Utilities Board), 2020 MBCA 60 » (13 octobre 2023), en ligne : Administrative Law Matters <www.administrativelawmatters.com/blog/2020/10/13/rates-and-reserves-manitoba-hydro-electric-board-v-manitoba-public-utilities-board-2020-mbca-60>.
  10. Et vraisemblablement aussi une erreur manifeste et dominante dans les domaines de l’examen des conclusions de fait, des questions de droit et de fait mixtes et, de façon plus générale, du contrôle de la raisonnabilité.
  11. Cette catégorie a été rétablie en 2022 dans Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Entertainment Software Association, 2022 CSC 30.
  12. David J. Mullan, « Évolution du droit administratif relatif au droit et à la réglementation de l’énergie en 2022 » (2023) 11:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/fr/regular-features/2022-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law-and-regulation>.
  13. 2022 CSC 29.
  14. Supra note 3 au para 2.
  15. Ibid au (inter alia) para 100, citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au para 47.
  16. Ibid aux para 84, 143.
  17. Ibid au para 103.
  18. Ibid aux para 85, 105.
  19. Ibid au para 127.
  20. Ibid aux para 118, 120.
  21. Ibid aux para 105–26.
  22. Ratman v Workplace Safety and Insurance Appeal Tribunal, 2022 ONSC 3923 (Cour divisionnaire), au para 13 (du juge Swinton). Pour un autre exemple (également du juge Swinton), Radzevicius v Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal, 2020 ONSC 319 (Cour divisionnaire), aux para 17–20, 56–58.
  23. Comme il est énoncé dans Vavilov, supra note 3 au para 30, et ailleurs dans le jugement.
  24. Supra note 4 aux para 94–96.
  25. 2020 ONSC 319 (Cour divisionnaire).
  26. 2023 ABCA 129.
  27. ATCO Electric Ltd., Z Factor Adjustment for the 2016 Regional Municipality of Wood Buffalo Wildfire, 21609-D01-2019, 2019 LNAUC 170.
  28. SA 2003 c E-5.1.
  29. 2006 CSC 4, [2006] 1 RCS 140.
  30. 2015 ABCA 295, 28 Alta LR (6th) 252, autorisation d’appel refusée [2016] 1 RCS ix, et commenté dans mon examen des faits nouveaux de 2015 : David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2015 » (2016) 4 :1, Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/articles/2015-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law-and-regulation>.
  31. Supra note 26 au para 14.
  32. Ibid au para 16.
  33. Ibid.
  34. Ibid, où la Cour décrit la disposition d’appel comme ayant « remplacé » le contrôle judiciaire en common law.
  35. Ibid.
  36. Ibid.
  37. Ibid.
  38. Ibid. Cela soulève une question sérieuse, à savoir si, dans de telles situations, le contrôle judiciaire demeure une solution de rechange pour de telles questions mixtes de fait et de droit et de décisions factuelles. Il semble implicite qu’une telle voie a été supprimée par la loi; mais voir Nigel Bankes, « Statutory Appeal Rights in Relation to Administrative Decision-Maker Now Attract an Appellate Standard of Review: A Possible Legislative Response », (3 janvier 2020), en ligne (pdf) : Ablawg <ablawg.ca/wp/-content/uploads/2020/01/Blog_NB_Vavilov.pdf>. Je remercie également le professeur Bankes de m’avoir fourni la demande initiale de contrôle judiciaire dans l’affaire Benga Mining Limited c Alberta Energy Regulator, où le demandeur de contrôle judiciaire demande à la Cour du Banc du Roi de l’Alberta de procéder au contrôle judiciaire d’une décision fondée sur le caractère déraisonnable au motif d’une erreur de fait et d’une erreur relativement à des questions mixtes de droit et de fait, ni l’une ni l’autre ne relevant de la portée de la disposition législative sur l’appel applicable au contrôle des décisions de l’Alberta Energy Regulator, avec autorisation sur des questions de droit et de compétence : Responsible Energy Development Act, SA 2012 c R-17.3, article 45(1). Il reste à voir si cette demande survit à une requête en radiation au motif qu’elle est exclue implicitement par la disposition d’appel prévue par la loi. Si l’accès résiduel au contrôle judiciaire en raison de son interprétation est interdit, alors, comme je l’ai affirmé dans ma conversation avec le professeur Bankes, la seule justification apparente de la demande de contrôle judiciaire serait fondée sur une garantie constitutionnelle au sens d’une version modifiée de Crevier c P.G. (Québec) et autres, [1981] 2 RCS 220, la garantie de contrôle de l’erreur de compétence de Crevier étant maintenant remplacée par une garantie d’accès à une cour supérieure et une révision du caractère déraisonnable ou peut-être de toutes les erreurs de droit.
  39. Ibid.
  40. 2020 ONSC 598 (Cour divisionnaire), aux para 26, 31. J’ai discuté des répercussions de ce jugement dans David J. Mullan « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2020 » (2021) 9 :1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/regular-features/2020-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law1>.
  41. Supra note 26 aux para 17–18.
  42. Pour une analyse critique convaincante de cet aspect du jugement de la Cour, voir Nigel Bankes, « Stores Block meets Vavilov: The Status of Pre-Vavilov ABCA Decisions », (1 mai 2023), en ligne : ABlaw <ablawg.ca/2023/05/01/stores-block-meets-vavilov-the-status-of-pre-vavilov-abca-decisions>.
  43. Supra note 26 au para 21. Toute la question de l’entrave a également été soulevée dans une affaire sur laquelle j’ai fait des commentaires dans David J. Mullan « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2021 » (2022) 10:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/regular-features/2021-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law-and-regulation>; Voir aussi, AltaLink Management Ltd v Alberta (Utilities Commission), 2021 ABCA 342.
  44. Ibid au para 22.
  45. Ibid au para 23
  46. Ibid au para 62, conformément à l’article 29(11)c) de l’Alberta Utilities Commission Act, qui prévoit que, lorsque la Cour ordonne la modification d’une décision, « la Cour renvoie la cause à la Commission pour qu’elle l’examine plus à fond et rende une décision » [traduction]. J’ai déjà discuté de la question « Quand renvoyer une cause » dans « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2020 » (2021) 9:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/regular-features/2020-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law1>.
  47. Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, supra note 15.
  48. 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559, aux para 45–46.
  49. Ibid au para 45.
  50. Telfer c Agence du revenu du Canada, 2009 CAF 23 au para 18.
  51. Supra note 8 au para 37.
  52. Voir la discussion approfondie de Mark Mancini dans, « Horrocks : What Happens to Agraira? » (9 mars 2020), en ligne : Double Aspect <doubleaspect.blog/2020/03/09/horrocks-what-happens-to-agraira>.
  53. Voir Mancini, ibid citant à la p 60 de la version alors en vigueur de Justice Stratas’ « The Canadian Law of Judicial Review : Some Doctrine and Cases » (Dernière mise à jour le 28 octobre 2022), en ligne : SSRN <papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2924049>; Voir aussi son jugement dans Hupacasath First Nation c Canada (Affaires étrangères et Commerce international Canada), 2015 CAF 4 aux para 74–78. Soit dit en passant, le juge d’appel Stratas ne faisait pas partie du tribunal Telfer de la Cour d’appel fédérale.
  54. 2014 CSC 37, [2014] 2 RCS 33 au para 108.
  55. 2017 CAF 157, [2018] 2 RCF 344 aux para 56–58.
  56. Supra note 52.
  57. 2021 CSC 42.
  58. Ibid au para 12.
  59. Ibid.
  60. Ibid citant (inter alia) J.M. Evans, « The Role of Appellate Courts in Administrative Law » (2007) 20 CJALP 1 aux pp 30–34. Le juge d’appel Evans (tel était alors son titre) a rendu le jugement de la Cour d’appel fédérale dans Telfer, supra note 50.
  61. Et peut-être bien!
  62. J’hésiterais toutefois à imposer un autre niveau de contrôle de la raisonnabilité à ce niveau, comme l’illustre la question : Était-il raisonnable que le tribunal de première instance détermine que la réponse fournie par le décideur à une question de droit était raisonnable?
  63. Y compris des questions mixtes de droit et de fait dans lesquelles il existe une question de droit pure facilement isolable.
  64. Je reconnais ouvertement l’influence de Mark Mancini sur ma réflexion au sujet de ce problème épineux, y compris « Horrocks : What Happens to Agraira? », supra note 52, et Keith Brown et Mark Mancini, « Post-Horrocks Judicial Review Appeals: Deference on Questions of Evidence? » (20 decembre 2020), en ligne : SSRN <papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4284018>, qui doit paraître dans le Canadian Journal of Administrative Law and Practice. Voir aussi le commentaire sur Horrocks dans Paul Daly, « Steady as She Goes: Northern Regional Health Authority v Horrocks, 2021 SCC 42 » (22 octobre 2021), en ligne: <www.administrativelawmatters.com/blog/2021/10/22/steady-as-she-goes-northern-regional-health-authority-v-horrocks-2021-scc-42>.
  65. Bien entendu, cet argument suppose que la législation pertinente ne traite pas directement ou explicitement du rôle du tribunal de première instance, comme dans le cas où celui-ci est limité dans l’un ou l’autre des contextes à l’examen des questions de droit. Dans ce contexte, le problème est abordé avec adresse.
  66. Voir ma description dans David J. Mullan, « Droit administratif et réglementation en matière d’énergie – éviter les pièges – les dix règles – perspective sur dix ans » (novembre 2013) 1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie,  en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/fr/articles/regulators-and-the-courts-a-ten-year-perspective-1>.
  67. 2003 CSC 54, [2003] 2 RCS 504.
  68. Il est vrai que cela soulève la question de savoir quels décideurs administratifs sont implicitement autorisés à traiter des questions de droit. Tous les décideurs sont-ils assujettis à une obligation d’équité procédurale dans leur prise de décisions? Si la catégorie est plus large, où doit-on tracer la ligne? Qu’en est-il de ceux qui exercent des fonctions législatives ou exécutives, comme l’établissement de règles ou la promulgation de lois subordonnées? Dans quelle mesure faut-il interpréter l’acceptation par le juge Rothstein (au nom de la Cour) dans l’arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 RCS 135 aux para 33–37,48–49 voulant que le gouverneur en conseil, lorsqu’il entend des appels de l’Office des transports du Canada, a le pouvoir non seulement de trancher des questions générales de politique et de fait, mais aussi des questions de droit. Pour une reconnaissance récente de cette position, voir Sagkeeng v Government of Manitoba, 2021 MBCA 88 aux para 31, 96–97. De façon plus générale, pour une analyse des suites immédiates des affaires Martin et Paul, voir John M. Evans, « Principle and Pragmatism: Administrative Agencies’ Jurisdiction over Constitutional Issues », dans Grant Huscroft et Michael Taggart (éd.), Inside and Outside Canadian Administrative Law, (Toronto : University of Toronto Press, 2006), p 377.
  69. 2003 CSC 55, [2003] 2 RCS 585.
  70. Plus récemment, cependant, des doutes ont été soulevés quant à savoir s’il existe un parallèle exact à ces fins entre les questions des droits des Autochtones et d’autres questions constitutionnelles. Dans Ktunaxa Nation c Colombie‑Britannique (Forests, Lands and Natural Resource Operations), 2017 CSC 54, [2017] 2 RCS 386, au para 85, la juge en chef McLachlin et le juge Rowe, pour la majorité, ont déclaré ce qui suit :

Sans un pouvoir expressément délégué, les décideurs administratifs ne peuvent pas se prononcer euxmêmes sur l’existence ou la portée de droits ancestraux, mais ils peuvent être appelés à évaluer la solidité à première vue de revendications autochtones non établies et l’effet préjudiciable de mesures gouvernementales proposées sur ces revendications afin de déterminer l’ampleur des consultations nécessaires [emphase ajoutée].

La mesure dans laquelle cela déroge aux principes généraux établis dans les arrêts Martin et Paul et, plus précisément, l’obligation de consulter, demeure incertaine. Cependant, il semble probable que cette déclaration doive être comprise à la lumière du contexte dans lequel elle a été formulée. La demande de contrôle judiciaire portait sur le caractère adéquat de la consultation dans un processus menant à l’approbation ministérielle d’un projet de développement. Dans ce cadre de contrôle judiciaire, le ministre n’aurait pas eu le pouvoir d’examiner si la revendication non encore prouvée était fondée. Il revenait à un tribunal de le déterminer dans le cadre d’un procès sur la question de la validité de la revendication non encore prouvée de la Nation. Il est toutefois malheureux que la Cour n’ait pas cité et expliqué pourquoi l’arrêt Paul ne s’appliquait pas. Voir l’analyse de cette question dans Heckman, Mullan, Promislow et Van Harten, Administrative Law : Cases, Text, and Materials (Toronto : Emond, 8e éd., 2022), ch 13, The Jurisdiction of Tribunals to Decide Constitutional Questions, à pp 765–66.

  1. 2010 CSC 22, [2010] 1 RCS 765.
  2. SBC 2004 c 45
  3. Ibid, art 43
  4. Ibid, art 44.
  5. Ibid, art 45.
  6. Ibid, arts 46.1–46.3. L’application de ces dispositions a été et est laissée aux modifications des lois constitutives des tribunaux régis par la Loi.
  7. RSA 2000 c A-3 (modifié).
  8. Voir l’Utilities Commission Act, (modifiée par l’Administrative Tribunals Act) RSBC 1996 c 473 s 2(4).
  9. Voir Petroleum and Natural Gas Act (modifié par l’Administrative Tribunals Act) RSBC 1996 c 361 para 13(6).
  10. Bien que l’Alberta Utilities Commission Act ne contienne aucune limite de ce genre, en 2016, l’Alberta Utilities Commission a jugé qu’elle n’avait pas le pouvoir d’évaluer le caractère suffisant des consultations de la Couronne, du moins lorsque la Couronne n’en était pas saisie en tant que demandeur ou autre participant. Voir Alberta Utilities Commission, Proceeding 20130, Decision on jurisdiction to determine the questions stated in Notice of Questions of Constitutional Law, 7 octobre 2016. Pour en savoir plus sur le fonctionnement du Aboriginal Consultation Office, voir « Proponent-led Indigenous consultations », en ligne : Government of Alberta <www.alberta.ca/proponent-led-indigenous-consultations.aspx>.
  11. 2010 CSC 43, [2010] 2 RCS 650.
  12. RSBC 1996, c 68.
  13. Supra note 81 au para 72.
  14. 2020 ABCA 163. J’examine ce jugement dans David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2020 », (2021) 9:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/regular-features/2020-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law1>.
  15. 2019 ABCA 401, affg 2018 ABQB 262, une décision traitée dans David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2018 » (2019) 7:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/articles/2018-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law-and-regulation>.
  16. 2017 CSC 40, [2017] 1 RCS 1069.
  17. 2017 CSC 41, [2017] 1 RCS 1099.
  18. [1994] 1 RCS 159.
  19. Mikisew Cree First Nation c Canada (Gouverneur général en conseil), 2014 CF 1244.
  20. Canada (Gouverneur général en conseil) c Première nation crie Mikisew, 2016 CAF 311, [2017] 3 RCF 298.
  21. Mikisew Cree First Nation c Canada (Gouverneur général en conseil), 2018 CSC 40, [2018] 2 RCS 765.
  22. La juge Abella, avec le concours de la juge Martin, a accepté que l’obligation constitutionnelle de consulter puisse être imposée au nom de l’honneur de la Couronne dans le processus de promulgation des lois.
  23. LC 2021, c 14.
  24. Voir aussi l’article 2(2) de la Loi qui déclare que la Loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
  25. Supra note 91 au para 75.
  26. Ibid au para 168.
  27. En fait, trois des quatre précédents invoqués par le juge Rowe comportaient des arguments en faveur des droits de participation dans le contexte de l’introduction et de l’adoption de lois de base : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada, [1991] 2 RCS 525, à la p 558; Wells c Terre-Neuve, [1999] 3 RCS 199, au para 59, et Authorson c Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 RCS 40, au para 41. La seule exception était Proc. Gén. du Can. c Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 RCS 735, aux pp 758–59, un jugement rejetant l’application de l’obligation d’équité procédurale dans le contexte d’un appel au gouverneur en conseil d’une décision du CRTC.
  28. 2010 ABCA 137.
  29. Voir l’analyse de cette question sous la rubrique « Does the Duty Apply to Legislative Action? », dans Heckman, Mullan, Promislow et Van Harten, Administrative Law : Cases, Text, and Materials (Toronto : Emond, 8e éd., 2022), ch 8, The Duty to Consult and Accommodate Aboriginal Peoples, 391, pp 407–10. Plus récemment, voir le jugement partiellement dissident du juge Corbett dans Association of Iroquois and Allied Indians v Ontario (Minister of Environment, Conservation and Parks), 2022 ONSC 5161 (Cour divisionnaire), aux para 19–31, analysant l’arrêt Mikisew. La juge Swinton (avec le concours du juge Penny), au para 1 de son jugement, concourait avec le juge Corbett sur la conclusion de son jugement dans laquelle cette question a été traitée. Le juge Corbett souligne également (au para 21) la référence favorable de la juge Karakatsanis (au para 51) au texte de Nigel Bankes, « The Duty to Consult and the Legislative Process: But What About Reconciliation » (21 décembre 2016), en ligne : ABlawg <ablawg.ca/2016/12/21/the-duty-to-consult-and-the-legislative-process-but-what-about-reconciliation>.
  30. Supra note 91 au para 168.
  31. Proc. Gén. du Can. c Inuit Tapirisat et autre, supra note 97.
  32. 2014 CSC 40, [2014] 2 RCS 135.
  33. Ibid au para 39. Cela « pourrait ne pas représenter l’état actuel du droit » [traduction].
  34. Ibid au para 51.
  35. Ibid au para 52.
  36. Supra note 91 au para 63, et cité par le juge Corbett dans Association of Iroquois Indians, supra note 99 au para 25.
  37. Voir Martineau c Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 RCS 602 à la p 628.
  38. 2016 CAF 187, [2016] 4 RCF 418.
  39. Supra note 97 au para168.
  40. Syndicat canadien de la fonction publique c Canada (Procureur général), 2018 CF 518, aux para 119–34.
  41. [1980] 1 SCR 602.
  42. Ibid à la p 628.
  43. [1990] 1 RCS 653 au para 26.
  44. 2002 LSRN 88 au para 40
  45. 2022 ABCA 381.
  46. Ibid aux para 95–98.
  47. 2018 ONSC 5062.
  48. Supra note 115 au para 98.
  49. Ibid au para 102, un critère approuvé par la Cour suprême du Canada dans Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), supra note 48, au para 95, citant les juges Brown et Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, 7:1710.
  50. Ibid au para 101, citant (inter alia), Agraira.
  51. Ibid au para 102.
  52. David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2021 » (mai 2022) 10:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/regular-features/2021-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law-and-regulation>; Voir aussi, David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2020 », (2021) 9:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/regular-features/2020-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law1.
  53. Demande du personnel d’application de la loi de l’AUC pour l’introduction d’une instance en vertu des articles 8 et 63 de l’Alberta Utilities Commission Act, (30 novembre 2021), en ligne (pdf) : <mma.prnewswire.com/media/1699659/ATCO_Ltd__ATCO___Canadian_Utilities_Announce_Regulatory_Shortfal.pdf>.
  54. « ATCO and Canadian Utilities Announce Regulatory Shortfalls and Propose Corrective Actions », (30 novembre 2021), en ligne: newswire.ca <www.newswire.ca/news-releases/atco-amp-canadian-utilities-announce-regulatory-shortfalls-and-propose-corrective-actions-875746622.html>.
  55. « ATCO Group Inter-Affiliate Code of Conduct », (22 mai 2003), annexe 5 de la décision 2003-040 de l’EUB, en ligne (pdf) : ATCO <www.atco.com/content/dam/web/for-home/natural-gas/atco-group-affiliate-code-of-conduct.pdf>.
  56. « Compliance », en ligne : FortisAlberta <www.fortisalberta.com/about-us/our-company/compliance>.
  57. AUC Decision 27013-D01-2022.
  58. Supra note 119 au para 2(d).
  59. Ibid au para 141.
  60. Pour une analyse critique des pénalités financières imposées par l’Alberta Energy Regulator pour violation des modalités d’un ordre d’approbation réglementaire, l’AER Administrative Penalty 202304-03, Ovintiv Canada ULC, voir Drew Yewchuk, « Administrative Penalties at the Alberta Energy Regulator: A Gentle Slap on the Wrist for Ovintiv » (12 avril 2023) en ligne (pdf) : ABlawg <ablawg.ca/wp-content/uploads/2023/04/Blog_DY_AER_Penalties.pdf>.
  61. Supra note 127 au para 91.
  62. Voir Emma Graney, « Alberta didn’t reveal Imperial Oil leak for months, says Environment and Climate Change Canada » (9 mars 2023), en ligne : The Globe and Mail <www.theglobeandmail.com/business/article-imperial-oil-leak-indigenous> et « First Nations call on Ottawa to supervise Imperial Oil investigation » (18 avril 2023), en ligne : The Globe and Mail <www.theglobeandmail.com/business/article-first-nations-call-on-ottawa-to-oversee-investigation-on-imperial-oil>; Voir aussi Drew Yewchuk, « The Alberta Energy Regulator and the Disclosure Without Delay Rule in FOIP » (6 mars 2023), en ligne : Ablawg <ablawg.ca/2023/03/06/the-alberta-energy-regulator-and-the-disclosure-without-delay-rule-in-foip>. Dans le contexte des demandes de contrôle judiciaire, voir Paul Daly, « The Prospects for Candour: Solutions for the Limited Record Problem » (12 avril 2022), en ligne : Administrative Law Matters <www.administrativelawmatters.com/blog/2023/04/12/the-prospects-for-candour-in-canada-solutions-for-the-limited-record-problem>.
  63. Pour d’autres commentaires des médias sur les manquements des organismes de réglementation qui peuvent entraîner une perte de confiance de la part des organismes réglementés et du public en général, voir, dans le contexte de la réglementation des valeurs mobilières, Ken Kivenko et Ed Waitzer : « OSC needs to take accountability seriously or risk losing public confidence », The Globe and Mail, (30 janvier 2023), et Nicolas Van Praet, « Quebec securities regulator says it has revised how it do investigations », The Globe and Mail, (15 février 2013).
  64. [1979] 1 SCR 684 [Northwestern Utilities].
  65. (1977) 3 AR 317 (SCAD).
  66. Supra note 134 aux pp 708–11.
  67. Ibid au para 708.
  68. RSA 1970 c 302. Le paragraphe 29(12) de l’Alberta Utilities Commission Act, SA 2007 c A-37(2), a remplacé cette disposition. Pour d’autres dispositions concernant le statut du décideur dans les demandes de contrôle judiciaire ou les appels de ses décisions, voir par exemple le para72(4) de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, L.C. 2019, ch 28, para 33(3) de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, L.O. 1998 ch 15, annexe B, et, de façon plus générale applicable aux tribunaux, l’alinéa 15(1)b) de la Judicial Review Procedure Act de la Colombie-Britannique, SBC 1996 c 241, le para 9(2) de la Loi sur la procédure de révision judiciaire de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch J.1, et les articles 2 et 109(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, qui, lus en parallèle prévoit la participation des tribunaux à titre d’intervenants dans les appels ou les procédures de contrôle judiciaire de leurs décisions. Je me contenterai de dire que peu importe la façon dont les droits de participation des tribunaux sont formulés dans l’une ou l’autre de ces dispositions, les tribunaux ont généralement conclu, comme dans Northwestern Utilities, que les principes de common law régissant la participation des tribunaux sont sous-tendus implicitement dans la disposition pertinente. Voir en particulier Ontario (Commission de l’énergie) c Ontario Power Generation Inc., 2015 CSC 44, [2015] 3 RCS 147, aux para 58–59 (le juge Rothstein) en ce qui concerne la disposition de l’Ontario. Pour les demandes plus récentes dans le contexte de l’Alberta Utilities Commission Act, voir Milner Power Ltd c Alberta (Utilities Commission), 2019 ABCA 127, aux para 26–29 (par le juge O’Ferrall) et TransAlta Corp c Alberta (Utilities Commission) 2022 ABCA 37, au para 14. Il convient toutefois de noter que les restrictions à la participation ne s’appliquent pas lorsqu’un tribunal ou un organisme de réglementation est poursuivi en common law ou en vertu de la Charte pour dommages-intérêts, comme dans Ernst c Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1, [2017] 1 RCS 3, au para 54. Ironiquement, le juge Cromwell a vu cette exposition comme l’une des justifications d’une immunité légale contre la responsabilité. L’organisme de réglementation n’aurait pas à se justifier, « pour éviter de compromettre son impartialité ou le caractère définitif de sa décision ».
  69. Supra note 134 à la p 709.
  70. Ibid aux pp 709–11.
  71. Ibid à la p 709.
  72. David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2015 » (2016) 4:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, en ligne : ERQ <energyregulationquarterly.ca/articles/2015-developments-in-administrative-law-relevant-to-energy-law-and-regulation>.
  73. Ontario (Children’s Lawyer) v Goodis (2005) 75 OR (3d) 309 (CA).
  74. Canada (Procureur général) v Quadrini, 2010 FCA 246, [2012] 2 FCR 3; Voir aussi le jugement du juge d’appel Robertson dans United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 1386 v Bransen Construction Ltd., 2002 NBCA 27, 249 NBR (2d) 93.
  75. Supra note 138 aux para 42–72 [Ontario Power Generation].
  76. Ibid aux para 41, 52.
  77. Ibid au para 52.
  78. Supra note 134.
  79. Supra note 134 au para 60.
  80. 2015 CSC 45, [2015] 3 RCS 219.
  81. ATCO Gas and Pipelines Ltd c Alberta Utilities Commission, 2013 ABCA 310, 556 AR 736, aux para 12–13.
  82. Supra note 138 au para 60.
  83. Ibid au para 59.
  84. Voir CS v British Columbia (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2019 BCCA 406, 31 BCLR (6th) 1, au para 48. Plus récemment, la même position a été adoptée dans Pereira v British Columbia (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2022 BCSC 1654, aux para 22–23, et Ahluwalia v British Columbia (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2022 BCSC 2139, aux para 18–21.
  85. 2019 ONSC 4898.
  86. Ibid au para 7.
  87. Ibid.
  88. Supra note 138.
  89. Normalement, la présence d’autres parties pour défendre la décision contestée signifie que le rôle du décideur sera [traduction] « considérablement restreint » : The Office of the Utilities Consumer Advocate v Alberta (Utilities Commission), 2021 ABCA 282, au para 3 (selon le juge d’appel Slatter), dans le contexte d’une demande acceptée de trois services publics d’être ajouté en tant que parties à une demande d’autorisation d’appel. Toutefois, il convient de souligner que dans Consumer Advocate v Newfoundland and Labrador (Board of Commissioners of Public Utilities), 2022 NLCA 39, aux para 11–27, la Cour a permis à la Commission de défendre le bien-fondé dans le contexte d’une demande d’autorisation d’appel, malgré la participation de Newfoundland Power qui plaidait en faveur de la décision de la Commission et contre l’octroi de l’autorisation d’appel. (Fait intéressant, dans Fortis Alberta Inc v Alberta (Utilities Commission), 2020 ABCA 271, aux para 72–78, le juge d’appel Watson, en refusant d’entendre les observations orales de la Commission, a remis en question toute défense de la Commission à l’égard de sa décision dans le contexte d’une demande d’autorisation d’appel.)
  90. Ibid au para 14.
  91. Ibid au para 16.
  92. Supra note 138 au para 63.
  93. Ibid aux para 63–72.
  94. Un aspect du jugement du juge Estey qui a survécu est sa condamnation apparente de la « participation aussi active » de la part du décideur, vraisemblablement même pour les motifs de compétence et d’explication alors permis : supra note 134. Le juge d’appel Rothstein, supra note 138, aux para 71–72 (citant le juge d’appel Goudge dans Goodis, supra note 143, au para 61, met en garde la Commission (et ses avocats) quant au « ton » avec lequel ils défendent leurs décisions. Ils ne devraient pas adopter la « partisanerie agressive d’un adversaire » [traduction] (citant le juge d’appel Goudge). À cet égard, le juge Rothstein (au para 72) a reproché à la Commission d’affirmer que, même si la position de la Commission sur la question centrale était rejetée, dans toute remise, cela n’aurait aucune incidence sur le résultat global. Toutefois, on ne sait pas trop ce qui, dans d’autres circonstances, constituerait une participation « aussi active » et quelles sanctions seraient imposées dans le cas d’un mémoire ou d’un exposé oral trop accusatoire. À cet égard, le juge Rothstein (au para 72) parle de prendre des mesures pour « limiter la qualité pour agir du tribunal de manière à préserver son impartialité ». Cependant, il omet cruellement de préciser la nature d’une telle mesure de limitation. Il faudrait peut-être faire une mise en garde « d’adopter un ton posé » dans le cas des observations orales et de supprimer les parties offensantes d’un mémoire.

 

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