Droit administratif et réglementation en matière d’énergie – éviter les pièges – les dix règles – perspective sur dix ans

Introduction

Le présent article s’étale sur une période de dix ans en ce sens qu’il représente le niveau d’évolution actuel d’un document de base que j’ai eu l’honneur de présenter à l’occasion du  cours  annuel  sur   la   réglementation de CAMPUT, organisme regroupant les régulateurs en énergie et de services publics du Canada. La nature de cette présentation et le titre du présent article sont inspirés de Gordon Kaiser, à la suggestion duquel j’ai ciblé, au cours de la plupart de ces neuf présentations, les pièges dans lesquels peuvent tomber les régulateurs en énergie et de services publics, notamment au cours de leurs activités de réglementation et du processus d’audience. Tout a commencé avec une liste de dix règles qui devaient guider ces régulateurs, mais cette liste s’est maintenant allongée à dix-sept! Toutefois, cela n’indique pas nécessairement qu’il y ait eu, le long du parcours, des nids-de-poule de plus en plus nombreux et de plus en plus larges.

Bien sûr, pour la plupart, sinon pour tous les régulateurs, plusieurs principes exprimés dans le présent article sont maintenant enracinés dans leur mémoire, dans leurs habitudes de travail et leurs règles de pratique, ainsi que dans leurs procédures, si bien qu’ils ne constituent maintenant qu’un rappel pour éviter  que ces régulateurs ne deviennent nonchalants, mais également et de façon plus importante, un document démontrant à quel point le processus de réglementation de l’énergie  et des services publics est devenu complexe et est maintenant axé sur les meilleures pratiques. Cependant, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de nouveaux problèmes ou que toutes les questions ayant suscité la controverse et le doute aient été résolus de façon satisfaisante. Ainsi, comme le soulignera le présent article, il y a toujours des questions non résolues en ce qui concerne le droit de comparaître à des audiences sur la réglementation et l’impact sur ces audiences administratives de  l’obligation de  consulter  les  autochtones.  Certaines  de mes explications et recommandations ne sont, en fait, que provisoires, puisque les précisions en matière de loi,  qu’elles  soient  internes ou qu’elles proviennent des tribunaux, sont toujours attendues.

Commençons avec la liste actuelle des principes :

1) Veuillez indiquer avec précision les secteurs  du  public,  de   l’industrie   et du gouvernement que vous devriez aviser d’une audience imminente sur la réglementation.

2) Soyez au courant des principes et des dispositions législatives sur les parties, les intervenants et d’autres qualités pour ester en justice lors des audiences.

3) Péchez par excès de générosité lorsque surviennent des questions de divulgation.

4) Veillez toujours, grâce à votre capacité de contrôler les procédures que vous présidez ou à l’aide de vos règles de procédure ou de pratique, à ce que les questions en litige soient triées et précises et à ce que la présentation de la preuve au cours des diverses procédures préalables à l’audience soit simplifiée.

5) Cependant, ne tentez pas de trop judiciariser les procédures : vous êtes un régulateur détenant un mandat d’intérêt public et non un tribunal pénal.

6) Sans aller vite ou agir de façon débridée, vous reconnaissez la flexibilité qui vous est octroyée du fait de n’être généralement pas lié par les règles de la preuve applicables dans la procédure des tribunaux ordinaires.

7) De façon plus générale, ne  permettez pas aux parties de prendre en main le déroulement de l’audience. Faites régner la discipline. Néanmoins, lors de l’audience, respectez le protocole et écoutez. Derrière tout échange houleux entre les avocats et les témoins repose la possibilité d’engendrer une crainte raisonnable de partialité.

8)Lorsque des motifs de partialité et de manque d’indépendance sont soulevés, qu’ils soient reliés à vos rôles et associations antérieurs ou à votre comportement lors de l’audience, vous reconnaissez que vous êtes tenu de les gérer. Cependant, vu l’intérêt public que servent les arbitres expérimentés et la possibilité d’une contestation fondée sur la partialité à laquelle peuvent avoir recours les parties dans leur recherche d’un tribunal favorable, ne vous disqualifiez pas trop rapidement.

9) Les organismes de réglementation en matière d’énergie doivent généralement être indépendants du gouvernement qui les nomme. En conséquence, veillez à ne pas créer de relations chaleureuses avec le ministre ou le personnel du ministère et veillez particulièrement à résister à toute incitation à discuter avec eux de questions en instance.

10) Agissez de façon  préventive  lorsque vous êtes au courant d’implications et d’associations antérieures qui pourraient susciter des préoccupations chez l’un ou plusieurs des participants. Divulguez tous les faits aux parties et demandez si l’une d’entre elles s’oppose à votre participation.

11) Reconnaissez que les normes concernant la partialité et un manque d’indépendance peuvent varier en fonction du rôle que joue un organisme de réglementation en matière d’énergie. Ces normes peuvent notamment être plus strictes dans le cas des procédures d’application ou de conformité qu’elles ne le sont dans le cas de vastes audiences publiques sur la réglementation.

12) En plus de gérer les défis liés à votre participation qui s’appuient sur une crainte raisonnable de partialité, vous avez également une obligation juridique de gérer les contestations constitutionnelles (y compris les droits découlant de la Charte ou les droits des peuples autochtones) de votre compétence et des procédures et même du régime statutaire aux termes duquel vous agissez.

13) N’hésitez pas à consulter d’autres membres de votre organisme de même que des avocats de l’organisme et autres membres du personnel, même si ces consultations portent sur des questions à propos de l’audience en cours, mais reconnaissez les restrictions légitimes qui s’imposent à de telles consultations.

14) En matière de consultations, prêtez attention à la portée que pourront avoir vos procédures sur les droits, les intérêts et les revendications des peuples autochtones et aux obligations procédurales spéciales que peuvent engendrer de telles situations, particulièrement lorsque l’obligation constitutionnelle de la Couronne de consulter est en cause.

15) Prêtez une attention particulière aux exigences du droit législatif et de la Common Law pour justifier vos décisions.

16) Prenez notamment soin de bien justifier les dérogations à votre propre jurisprudence ou aux principes généraux de la théorie de réglementation.

17) N’ayez seulement recours à l’utilisation de grands principes juridiques que lorsque cela s’avère absolument nécessaire. Si possible, rendez votre décision à la lumière d’un examen méticuleux  des  faits,  de la complexité de votre propre régime statutaire et du droit élaboré par votre propre jurisprudence ou les précédents jurisprudentiels de l’organisme. Les tribunaux respecteront habituellement votre expertise et appliqueront une norme de contrôle rigoureuse si votre décision est bien justifiée.

Je vous explique maintenant en détails chacune de ces dix-sept propositions, avec renvois à plusieurs autorités gouvernementales et lois.

1.   Avis

Préalablement à toute initiative en matière de réglementation ayant le potentiel de toucher un grand nombre de personnes, les organismes de réglementation en matière d’énergie devront préciser la façon d’émettre un avis qui réponde aux exigences de la Common Law, de leurs lois constitutives et de leurs règles de procédures.

La jurisprudence régissant ce secteur date d’il y a presque trente ans dans Re Central Ontario Coalition and Ontario Hydro2. Dans cet arrêt, la Cour divisionnaire de l’Ontario a abordé la question du caractère suffisant de l’avis émis par un comité mixte (la Commission des affaires municipales de l’Ontario et la Commission d’évaluation environnementale de l’Ontario) qui examinait une proposition pour un projet important de ligne de transport d’électricité. Vu le nombre de personnes et de groupes potentiellement visés par cette  proposition, de même que l’incidence disparate qu’aurait la proposition, le Comité mixte  avait  prévu un ensemble d’avis personnels à certains particuliers et à certaines municipalités et d’avis publiés au moyen d’annonces dans les journaux. Bien que le choix des modalités n’ait pas été perçu comme un problème par la Cour divisionnaire, cette dernière conclut néanmoins qu’il n’y avait pas eu d’avis suffisant parce que l’annonce dans les journaux était non seulement trompeuse mais n’offrait pas suffisamment de renseignements sur l’emplacement des lignes de transport proposées3.

L’arrêt  1657575  Ontario  Ltd.  v.  Hamilton (City)4 a plus récemment réaffirmé l’arme à double tranchant que constitue l’exigence d’émettre un avis concernant  des  audiences en instance : s’assurer que l’avis est porté à l’attention de ceux dont les intérêts sont visés de façon significative et qu’elle offre suffisamment de renseignements pour informer ces derniers de la nature de ce qui est proposé et de ses incidences possibles sur leurs droits et intérêts. Cependant, il est également clair que l’avis sera acceptable à condition qu’il soit précis et qu’il offre suffisamment de renseignements sur les droits de participation et les divers échéanciers et qu’il précise où trouver des renseignements supplémentaires5.

Néanmoins, comme il sera  expliqué  de façon plus détaillée ci-dessous, il peut y avoir des situations où les avis sont sujets à des obligations particulières s’il est possible qu’une requête puisse toucher aux droits et intérêts des peuples autochtones, notamment ceux  dont les revendications ne sont pas encore résolues. De telles situations exigeront presque toujours de l’organisme de réglementation en matière d’énergie qu’il fournisse un avis « personnel » et précis aux peuples autochtones concernés.

2.     Parties, intervenants et droit de comparaître

La question de l’avis est inextricablement liée à la question de déterminer les parties, les intervenants  ou  autres  types  de  participants ayant le droit de comparaître à une audience.

En  Alberta,  il  existe  depuis  longtemps une norme régie par la loi. L’article 1 de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act6, une loi de procédure générale toujours applicable à l’Alberta Utilities  Commission, de même qu’à la Surface Rights Board et à la Natural Resources Conservation Board, définit à titre de partie (et donc autorisée à émettre des avis et à détenir des droits de participation) toute personne

…dont les droits seront touchés par l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi ou par un acte ou une action effectué aux termes de ce pouvoir.

Cependant, dans le contexte d’audiences qui ont une incidence sur le grand public, cette définition suscite inévitablement une question : quels sont ces « droits » ? La loi constitutive des deux principaux organismes de réglementation en matière d’énergie de  la  province  tente de préciser cette définition en exigeant la tenue d’audiences ou en accordant le statut d’intervenant habituellement à ceux qui seront « visés directement et subiront un préjudice » par suite de procédures devant l’Alberta Utilities Commission ou l’Alberta Energy Regulator7. Cette norme est similaire au critère traditionnel visant à déterminer la personne qui a le droit de demander un contrôle judiciaire, mais elle ne  s’applique  pas  automatiquement,  comme le souligne clairement toute la jurisprudence à ce sujet. Il s’agit, en effet, du règlement sur l’énergie le plus contesté dans la province.

Dans l’arrêt Dene Thá First Nation v. Alberta (Energy and Utilities Board)8, la Cour d’appel de l’Alberta a divisé le critère en deux parties :

Le premier critère est un critère juridique et le deuxième, un critère factuel. Le critère juridique consiste  à  se  demander si la réclamation, le droit ou l’intérêt revendiqué est reconnu par la loi. Le second critère consiste à établir si la Commission possède des renseignements démontrant que la requête soumise à la Commission peut porter préjudice directement à de tels intérêts ou droits. Le deuxième critère est un critère factuel9.

Cette distinction est importante, car en classant comme factuelle la deuxième partie du critère, la Cour refusait d’exercer son contrôle judiciaire sur la décision de la Commission à cette étape. Le droit de demander l’autorisation d’interjeter appel se limite à des questions de droit et de compétence. En conséquence, une composante majeure de la décision du droit à un avis et du droit de participation est laissée au pouvoir discrétionnaire de l’organisme de réglementation en matière d’énergie, lequel pouvoir échappe à tout contrôle judiciaire. Ceci peut également être le cas si la question du droit de comparaître est une question mixte de droit et de fait dont il n’est pas aisé d’extirper les importantes questions juridiques en jeu10.

En ce qui a trait à l’aspect « reconnu par la loi » du critère, la Cour d’appel a bien reconnu les droits des propriétaires fonciers dont les droits de la propriété auraient subi un préjudice à la suite d’un litige soumis à l’adjudication de l’organisme de réglementation en matière d’énergie11. Dans de tels cas, en effet, l’exigence peut fréquemment porter sur un avis personnel plutôt que sur un simple avis dans une annonce de journal ou d’autres médias12. Toutefois, ce qui constitue un droit de propriété à ces fins est également une question ouverte. Toute forme d’expropriation, y compris la création de servitudes de passage, répond assurément à cette définition. En outre, l’Energy and Utilities Board précédente avait reconnu dans la Directive 29 de l’EUB qu’elle était tenue de fournir un avis aux propriétaires fonciers qui se trouvaient à proximité de tout projet proposé.

La Cour d’appel de l’Alberta a cependant convenu que les effets directs et préjudiciables d’un intérêt reconnu en droit faisaient l’objet de limites. Le fait d’être un défenseur de l’environnement de longue date, même si la terre dont il est question est utilisée à des fins récréatives, n’est pas suffisant13. En effet, le fait que l’organisme de réglementation ait demandé à un promoteur de s’adresser à un consultant n’est pas suffisant en soi pour reconnaître le droit de comparaître de ce promoteur14. De façon plus générale, la Cour a statué qu’il n’y a pas de reconnaissance du droit de comparaître dans l’intérêt public ni dans les dispositions applicables à cet effet ni dans les décisions largement  discrétionnaires15.  En  outre,  une allégation générale de possibilité d’incidence économique éventuelle est insuffisante16.

En outre, lorsqu’il s’agit de revendications telles que l’incidence possible sur la santé de ceux qui habitent à proximité du projet proposé17, la Cour a conclu qu’il s’agit d’une question sur laquelle ceux qui demandent la reconnaissance de leur qualité pour agir doivent fournir des preuves et que l’évaluation  de  ces  preuves est une question de fait à être tranchée par l’organisme de réglementation, qui ne se prête pas à une demande d’autorisation d’interjeter appel18. Cependant, plus  récemment,  dans le cadre d’une autre demande en matière de santé soumise à l’Energy Resources Conservation Board précédente qui visait à obtenir le statut d’intervenant, la Cour d’appel de l’Alberta a indiqué qu’elle pouvait avoir une perception plus libérale de ce qui constitue un « effet direct et préjudiciable ». Dans Kelly v. Alberta (Energy Resources Conservation Board)19, la Cour a convenu que la question visant à établir si un « droit » mis en cause n’était pas la seule question de droit en jeu pour fins d’appel aux termes des dispositions applicables20. Elle a également conclu que le critère à utiliser afin d’établir si une personne avait été visée directement et subi un préjudice consistait à se demander si cette personne

…serait visée de façon différente ou à un degré différent que les autres membres du public21.

Toutefois, ces conditions n’ont pas été retenues à titre de critère. De plus, quiconque revendiquait un statut d’intervenant n’était pas vraiment tenu de prouver qu’il serait directement visé et qu’il subirait un préjudice. Le rôle de Commission consistait à évaluer l’ampleur du  risque  plutôt  que  de  chercher à établir si  le  demandeur  avait  prouvé  que le risque était une certitude. Autrement, le critère juridique n’aurait pas été appliqué correctement22. Ce critère juridique s’appuyait sur les principes suivants :

Le droit d’intervention prévu par la Loi a pour objectif de permettre à quiconque qui a des préoccupations légitimes de pouvoir s’exprimer sur l’octroi de permis pour des puits de gaz et de pétrole qui auront une incidence reconnaissable sur leurs droits, tout en éliminant les demandes de  ceux qui n’ont qu’un intérêt général dans le développement des ressources (mais pas de « droit » à revendiquer), et qui se mêlent de ce qui ne les regardent pas23.

En effet, cette conception plus large du rôle des intervenants affectait la question des dépens. La Commission a conclu, lors de la nouvelle audience ordonnée par la Cour sur les demandes de permis d’exploitation des puits, que les intervenants n’avaient pas démontré que leurs intérêts en matière de sécurité exigeaient que des conditions supplémentaires soient imposées sur l’octroi de permis d’exploitation des puits. La Commission a donc refusé d’accorder les dépens réclamés par les intervenants au motif qu’ils n’étaient pas touchés directement et qu’ils ne subiraient pas de préjudice. Toutefois, en appel24, la Cour d’appel a conclu que le droit aux dépens ne dépendait pas du degré de succès qu’obtiendraient les intervenants à l’audience. À ce titre, en renvoyant à la Commission la question des dépens à payer à l’intervenant, la Cour a résumé ses conclusions comme suit :

Plus  précisément,  la   possibilité   d’un effet préjudiciable sur l’utilisation et l’occupation des terres peut donner droit à des dépens. En outre, bien que le montant des dépens soit laissé à la discrétion de la Commission, l’issue même  de  l’audience et l’absence, en rétrospective, de véritables effets préjudiciables ne prive pas en soi un demandeur de dépens25.

Bien qu’en Alberta ces questions aient été décidées dans le cadre d’un certain régime statutaire,  dans  la  mesure  où   celui-ci reflète bien les principes de Common Law généralement acceptés sur le droit d’être entendu lors de procédures administratives26, rien ne porte à croire que ces précédents jurisprudentiels auront quelque portée que ce soit sur les autres organismes de réglementation en matière d’énergie à l’échelle du pays. Il est également important de prendre conscience des dimensions pratiques  de  cette  question. Il faut faire la distinction, d’une part, entre l’autorisation de participation significative demandée notamment par ceux dont les droits et intérêts sont immédiatement et directement touchés par une proposition ainsi que par les membres du grand public, et l’importance d’autre part, pour les organismes de réglementation de s’acquitter de leurs fonctions d’une manière efficace et en temps opportun. Il n’est donc pas étonnant que, lorsque la qualité pour agir relève d’une décision de nature discrétionnaire, les tribunaux, soit en soulignant cette nature discrétionnaire, soit, comme en Alberta, en catégorisant cette question comme étant partiellement une question de fait, s’en remettent aux décisions rendues à cet égard par les organismes de réglementation en matière d’énergie.

Cette préoccupation d’assurer que les audiences administratives se déroulent de façon efficace a manifestement inspiré les nouvelles dispositions sur la qualité pour agir de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), LC 2012, adoptée en 2012 dans le cadre des mesures législatives de mise en œuvre du budget fédéral, la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable27. Il s’agit d’une loi complexe et je ne m’attarderai pas sur tous les détails. Je vous soulignerai simplement que le l’aspect le plus controversé et potentiellement le plus limitatif des dispositions de la nouvelle Loi sur la qualité pour agir concerne les audiences devant le Comité de l’Office  national  de  l’énergie  et la Commission d’examen et d’évaluation en matière d’environnement dans le cadre de certains projets, y compris, par exemple, les demandes liées aux pipelines. Les « parties intéressées »  ont  la  possibilité  de  participer à de tels projets28. Il convient de souligner qu’aux termes de l’article 2(a), une personne est une « partie intéressée » si l’organisme de réglementation estime que la personne est

… directement visée par la réalisation du projet ou …possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée.

Aux termes de l’ Article 55.2 Guidance – Participation in a Facilities Hearing29, qui exige désormais que quiconque désire avoir le droit de participer à un projet désigné, remplisse un formulaire de demande de dix pages afin de fournir des renseignements visant à établir qu’il fait partie de l’une des deux catégories définies à l’article 2(a).

Bien que cette nouvelle législation ait été adoptée en réponse à plus de 4000 inscriptions pour des  droits  de  participation  dans  le cadre d’audiences sur le projet de pipeline Northern Gateway, nous  n’avons  pas  encore la preuve que les nouvelles exigences sont aussi restreignantes que le prédisent plusieurs groupes environnementaux. Il y a, à cet égard, trois aspects à souligner : 1. L’octroi de qualité pour agir est  exprimée  en  termes  subjectifs et sera sujet à la discrétion de l’organisme de réglementation; 2. La  première  catégorie,  à la différence de la loi albertaine, n’exige pas que soit démontré un effet préjudiciable, mais seulement un effet direct; une définition possiblement plus large; 3. et l’aspect possiblement le plus important à  souligner est que la deuxième catégorie à l’article 2(a) présente le nouveau concept, potentiellement large (tant dans les systèmes de droit statutaire que dans les systèmes de Common Law) des personnes possédant « des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». Peut- être éventuellement et contrairement à ce que semblaient être les intentions du gouvernement, cette formule statutaire élargira-t-elle, au lieu de restreindre, les possibilités de participation dans le cadre de projet désignés!

3.   Interrogatoire préalable et divulgation30

La Common Law sur la divulgation par les tribunaux et organismes administratifs et, notamment, la procédure de divulgation préalable à l’audience, n’est étonnamment pas très étoffée. En ce qui concerne les organismes de réglementation qui ont un vaste mandat d’intérêt public et qui appliquent des règlements économiques, la Common Law n’a jamais été très explicite sur la mesure dans laquelle ces types de tribunaux doivent, au cours de l’étape de divulgation préalable à l’audience, fournir des documents qu’ils détiennent, notamment des rapports du personnel et d’autres déclarations de principes31. En effet, ceci était le cas même dans le cadre de  procédures  de  conformité ou d’application réglementaire32. C’est aussi presque sûrement le cas pour les organismes majeurs de réglementation qui ont élaboré des principes de divulgation préalable à l’audience au moyen de règles et pratiques de procédure, souvent avec la participation des parties intéressées et généralement à  la  satisfaction de celles-ci33. Je présume également que les demandes d’accès à l’information ont poussé à l’élaboration de ces règles et pratiques face à toute réticence à fournir toute la divulgation requise.

Je n’insisterai donc pas sur ce point, mais je voudrais simplement souligner que la Cour suprême, dans  un  contexte  fort  différent, a souligné l’importance pour les autorités statutaires de faciliter la participation en fournissant aux parties l’accès, préalablement à l’audience, aux documents entre les mains du décideur qui sont essentiels à l’habileté de ces parties à débattre des points en litige jugés importants pour le tribunal. Il s’agit, dans l’arrêt May c. Établissement Ferndale34, d’une décision de transférer des détenus à l’intérieur du système carcéral et la documentation en question est une matrice de notation utilisée pour déterminer la cote de sécurité et les conditions de détention. Bien que la Cour ait rejeté35 la demande d’obligations de divulgation trop générale faite aux avocats dans un cadre d’accusations criminelles, conformément à l’arrêt R. c. Stinchcombe36, elle a reconnu que le détenu avait droit, pour des raisons d’équité procédurale, à la matrice en question. Bien que cet arrêt ait été rendu dans un tout autre cadre que celui des organismes de  réglementation qui doivent rendre des décisions majeures, polycentriques, ou appliquer des règlements d’ordre économique dans l’intérêt  public37, ce jugement de la Cour suprême  démontre une grande générosité à l’égard des droits de divulgation.

Ceci pourrait également indiquer que la Cour serait moins ouverte aux arguments qui l’ont emporté en 1980 dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat et autre38, où, aux fins d’obtenir des documents dans le but de participer à un  appel  interjeté  au  Cabinet  , la Cour a apparemment conclu que ceux qui travaillent à l’élaboration de politiques sur une vaste échelle agissaient à titre de législateurs et n’étaient pas liés par les principes très stricts d’équité procédurale. Je ne crois pas que nous puissions encore nous appuyer sur ce jugement, sauf dans le cas bien précis d’appels au Cabinet. Il est également évident que la Cour suprême sera probablement plus disposée à reconnaître des demandes pour une plus vaste divulgation lorsqu’un organisme de réglementation en matière d’énergie doit travailler  à  appliquer ou à faire respecter des politiques et où il y a possibilité de sanctions, y compris des peines pécuniaires et des pertes de licences.

Bien que la question se complique lorsqu’il s’agit de l’utilisation par un organisme de réglementation de son pouvoir d’exiger que soient présentés certains renseignements (de son propre chef ou à  la  demande  de  l’une des parties) et des droits d’accès des parties à ces renseignements (contrairement aux renseignements présentés par l’organisme lui- même), le critère normal pour une ordonnance de production de  tels  renseignements  sera le critère de la pertinence de ceux-ci39. En outre, une fois les documents présentés, la présomption générale sera à l’effet que les autres parties et les intervenants auront le droit d’exiger la production de ces documents en invoquant des principes d’équité procédurale et d’accès à des renseignements possiblement pertinents40.

L’arrêt Re Toronto Hydro-Electric System Ltd.41 confirme ces décisions dans le cadre de la réglementation en matière d’énergie, où la Commission de l’énergie de l’Ontario, après avoir examiné la loi applicable, a  conclu que même si l’arrêt Stinchcombe ne  pouvait être appliqué dans le  cadre  de  procédures de conformité (ne menant pas à la perte de licence)42,  la  partie  visée  par  les  procédures avait néanmoins droit à la divulgation de tous les documents que la Commission avait en sa possession qui étaient pertinents à l’objet de l’audience, et non seulement à la divulgation des documents sur lesquels  l’avocat  chargé de la conformité prévoyait s’appuyer. La Commission a toutefois rejeté la demande de la société visée pour une ordonnance exigeant la production d’autres renseignements qui étaient entre les mains de tiers . La demande était trop générale et manquait de précision. En rendant sa décision, la Commission a déclaré :

Il relève certes de la compétence de la Commission d’ordonner à des tiers de produire des documents, mais cette étape inhabituelle ne peut être franchie que lorsque les documents visés sont clairement pertinents et que leur divulgation ne cause pas de préjudice et n’impose pas un fardeau indu aux tiers44.

En somme, l’exécution de mandats de réglementation à large portée tireront rarement profit  d’une  résistance  soutenue  à   l’accès par les parties concernées aux documents pertinents, sauf lorsque la sécurité nationale est en jeu ou qu’il existe d’autres motifs légitimes gouvernementaux et dans l’intérêt public visant à protéger la confidentialité, lorsqu’il s’agit d’autres formes de privilèges relatifs à la preuve ou du besoin de protéger le caractère confidentiel de renseignements fournis par ceux qui sont visés par le règlement (comme empêcher les concurrents d’accéder à des données cruciales)45. Il faudrait également ajouter à la liste d’exceptions,  les  tentatives par certaines parties visées par les procédures, d’obtenir  des  ordonnances  de  production qui ne sont pas suffisamment précises ou spécifiques et qui ne sont, somme toute, que des « interrogatoires à l’aveuglette »46.

4.   Procédures préalables à l’audience

Les régimes de divulgation et de communication préalables à l’audience ne sont qu’un exemple des méthodes utilisées pour assurer le déroulement expéditif des audiences. Grâce aux dispositions explicites de leurs lois et de leurs règles de pratique et de procédures habilitantes, les dispositions dans les lois de procédure générale, comme la Loi sur l’exercice des compétences légales47, ontarienne et grâce à leur habileté à contrôler leurs propres procédures, les organismes de réglementation en matière d’énergie ont la capacité de mettre en œuvre diverses formes de procédures préalables à l’audience destinées à rendre leurs audiences plus efficaces et mieux ciblées. La présentation de preuves préliminaires, et notamment les rapports d’experts, les conférences visant à définir et à préciser les faits et les questions juridiques en litige, l’entente sur les exposés de faits convenus, mêmes les tentatives informelles pour régler préalablement à l’audience toutes les questions en litige ou une partie d’entre elles et fixer des limites sur ce qui se passera à l’audience tant en ce qui a trait à la portée et à la durée de celle-ci, en plus d’autres moyens qui, utilisés de façon judicieuse, peuvent grandement aider l’organisme de réglementation à bien s’acquitter de son mandat.

5.   Judiciarisation excessive

Il peut sembler quelque peu fallacieux de soutenir d’une part le besoin de renforcer les obligations de divulgation et  d’autre  part, de mettre en garde contre la judiciarisation excessive. Il y a cependant une différence entre fournir un accès libéral à tous les documents pertinents avant et pendant l’audience et tenir une audience où l’on reconnaît que les procédures de cette nature que tiennent les organismes de réglementation en matière d’énergie dans les audiences ne sont pas des procès criminels ou civils et que les questions en litige se prêteront souvent d’elles-mêmes à une résolution au moyen de techniques autres que les procès judiciaires traditionnels.

Ici, encore une fois, je présume que la plupart des organismes de réglementation en matière d’énergie ont bien reconnu cette réalité  et ont trouvé d’autres techniques dans le cadre d’audiences sur l’élaboration de règlements portant sur les avis et les commentaires. À défaut de quoi ces questions de conception seront soulevées au cours du processus de planification préalable à l’audience pour certaines requêtes.

Cependant, il peut être profitable de suggérer que ceci représente un défi permanent, notamment lorsque de nouvelles dimensions surgissent, comme les droits procéduraux des peuples autochtones dont les droits et intérêts sont touchés par des audiences administratives. Il faudra toujours avoir recours à des solutions créatives et coopératives pendant que le processus de réglementation continue à évoluer, qu’il devient véritablement plus complexe et que les divers systèmes se recoupent de plus en plus, et les pressions pour la participation d’intervenants continuent de se faire sentir avec toute initiative importante en matière de réglementation.

6.   Preuve

Bien qu’il soit difficile d’émettre des règles générales sur la preuve régissant les tribunaux et organismes administratifs, dans l’arrêt R. v. Deputy Industrial Injuries Commissioner48, dans un passage qui s’est imposé de lui-même aux auteurs de l’un des textes les plus importants en droit administratif au Canada49, le Lord juge (comme il s’appelait à l’époque) Diplock énonce une liste de principes applicables dans la plupart des cadres :

i) Les tribunaux administratifs ne sont pas liés par les règles de la preuve applicables aux tribunaux judiciaires;

ii) Ils ne sont pas contraints à agir seulement selon la règle de la « meilleure preuve »;

iii) Leurs décisions doivent toutefois s’appuyer sur des documents qui « démontrent logiquement l’existence ou la non- existence de faits pertinents à l’objet du litige ou qui démontrent la probabilité ou l’improbabilité que se produise éventuellement un événement qui serait pertinent au litige »;

iv) Toute preuve à l’appui doit avoir une valeur probante;

v) Pourvu que la preuve ne s’éloigne pas trop des mises en garde aux sous-paragraphes iii et iv, le poids à attribuer à cette preuve relèvera du décideur.

En pratique, cela veut dire que, par comparaison  avec  les  tribunaux  ordinaires, les tribunaux administratifs peuvent plus facilement admettre la preuve par ouï-dire, prendre connaissance d’office de faits et ne pas rechercher uniquement la meilleure  preuve ou celle qui est la plus exacte50; ils peuvent également être plus flexibles dans la façon de présenter ou de produire la preuve et avoir plus de latitude dans l’utilisation qu’ils font des témoins-experts.

En outre, bien qu’il y ait des situations, telle que la discipline professionnelle, où les règles sur la preuve de tribunaux normaux seront beaucoup plus pertinentes ou  appropriées, les principes du juge Diplock sont ceux sur lesquels les organismes de réglementation en matière d’énergie peuvent presque en tout temps s’appuyer. Dans les demandes de contrôle judiciaire et dans les appels prévus par la loi, les tribunaux traitent habituellement les questions portant sur la preuve comme  des  questions qui relèvent de la compétence de l’organisme de réglementation en matière d’énergie. La déclaration suivante du juge Iacobucci dans le jugement de la Cour suprême du Canada qu’il a rendu dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie) :

Dans l’exercice de sa fonction décisionnelle, l’Office a le pouvoir discrétionnaire de déterminer la preuve qui est pertinente relativement à sa décision. On n’a pas démontré en l’espèce que ce pouvoir a été exercé illégitimement de façon à entraîner une divulgation insuffisante aux appelants51.

En effet, bien que la Cour suprême du Canada adopte habituellement le point de vue que l’exactitude doit servir de norme pour évaluer les  allégations  d’iniquité  procédurale52,   il est clair que les tribunaux n’examinent pas l’exercise de la discrétion sur les questions liées à la preuve à la lumière de cette norme. Le caractère raisonnable des allégations aura plutôt la cote dans l’univers post-Dunsmuir53. En outre, déterminer si ces allégations sont de nature déraisonnable ne signifie pas que « la cour de révision [doive] réévaluer la preuve »54.

Une telle approche fait également l’objet de dispositions législatives dans certains ressorts juridiques; celles-ci peuvent être de nature générale ou s’appliquer uniquement aux organismes de réglementation en matière d’énergie. Ainsi, aux termes de l’article 9 de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act de l’Alberta55, une loi qui s’applique à la plupart des organismes de réglementation en matière d’énergie (mais non au nouvel organisme de réglementation en matière d’énergie), il est prévu qu’il n’est pas nécessaire que la preuve soit donnée sous serment et que les décideurs à qui s’applique la Loi ne sont pas tenus d’adhérer aux règles sur la preuve applicables aux procédures criminelles et civiles. L’article 18 de la Alberta Utilities Commission Act56 et l’article 47 de la Responsible Energy Development Act vont dans le même sens57. Ils stipulent que ni l’Alberta Utilities Commission ni l’Alberta Energy Regulator ne sont liés  par  les  règles sur la preuve qui s’appliquent aux procédures judiciaires. En fait, les seuls autres renvois directs à la preuve dans l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act se trouvent à l’article 4, qui exige une chance raisonnable de fournir des preuves, tant de façon générale58 que dans le cadre de réponses à fournir sur les documents entre les mains du décideur, et l’article 5 qui permet le contre-interrogatoire lorsque celui-ci s’avère nécessaire pour obtenir des réponses ou pour examiner les éléments de preuve. Outre ces dispositions, le pouvoir législatif a accordé l’autorité à la Commission ainsi qu’à l’organisme de réglementation en matière d’énergie, aux articles 76(1)(e) et 61, respectivement,  de  leurs   lois   constitutives, le pouvoir d’adopter des règles de pratique régissant la procédure et les audiences59. En exerçant ce pouvoir, la Commission, à l’article 1 de ses Règles de pratique, a stipulé que

Ces règles doivent être interprétées de façon libérale dans l’intérêt public pour assurer que la décision rendue sur le fond soit la plus juste, la plus rapide et la plus expéditive possible dans chaque instance devant la Commission.

En Ontario, la Commission de l’énergie de l’Ontario est habituellement régie par la Loi sur l’exercice des compétences légales60, et l’article 15 de cette loi prévoit, en partie, ce qui suit :

(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le tribunal peut admettre  en  preuve au cours d’une audience, qu’ils soient ou non offerts sous serment ou sous affirmation solennelle et qu’ils soient ou non recevables en justice,

(a) des preuves testimoniales;

(b)  des écrits et des objets, qui sont pertinents à l’objet de l’instance même et peut fonder sa décision sur eux. Il peut toutefois exclure ce qui est inutilement répétitif.

(2)  Est inadmissible en preuve au cours d’une audience :

(a) ce qui serait inadmissible en preuve devant un tribunal judiciaire en raison d’un privilège reconnu en droit de la preuve61; ou

(b) ce qui est inadmissible en vertu de la loi qui donne lieu à l’instance ou d’une autre loi.

(3)Rien dans le paragraphe (1) ne l’emporte sur les dispositions d’une loi qui limite expressément la mesure dans laquelle des preuves testimoniales, des écrits ou des objets peuvent être admis ou utilisés en preuve dans une instance ou les fins auxquelles ils peuvent l’être.

Il en résulte que les organismes de réglementation en matière d’énergie sont dotés de larges pouvoirs discrétionnaires sur les questions liées à la preuve et que les tribunaux d’instance supérieure et les tribunaux d’appel font preuve de retenue à cet égard. Il y a toutefois des limites. Ainsi, il pourra y avoir davantage de contraintes sur le pouvoir discrétionnaire d’un tribunal lorsqu’il s’agit de procédures d’application ou de conformité réglementaire pouvant entraîner des sanctions, telles les amendes et la perte de licence et de privilèges. En outre, comme l’indique clairement le Lord juge Diplock, les concepts tels la pertinence62 et la valeur probante imposeront habituellement des limites aux tribunaux et ce,  quelle  que soit l’autorité dont ils disposent de ne pas adhérer à toute la panoplie des principes et règles applicables aux instances judiciaires. Ces limites peuvent également revêtir une forme constitutionnelle ou quasi-constitutionnelle, telles les règles  sur  les  privilèges  relatifs  à la preuve63 ou être imposées au nom de « l’application régulière de la loi », conformément aux articles 1(a) de la Déclaration des droits de l’Alberta et de la Déclaration canadienne des droits, aux règles statutaires ou aux règles de Common Law selon lesquelles les organismes de réglementation ne sont pas liés par les règles normales sur la preuve64. Plus fréquemment, toutefois, une  cour  de  révision  sera  appelée à réviser les décisions sur la preuve d’un tribunal en fonction dans le cas de violation des principes d’équité procédurale ou d’autres fautes en matière de droit administratif qui ne tiennent pas compte des éléments pertinents et qui tiennent compte de ceux qui ne le sont pas.

Dans un cadre de réglementation en matière d’énergie, Sarg Oils Ltd. v. Alberta (Energy and Utilities Board)65 offre un excellent  exemple. En   accordant   le   droit   d’interjeter   l’appel d’une ordonnance qui obligeait Sarg Oils à abandonner des puits et d’autres installations, le juge de la Cour d’appel a conclu66 que la Commission, en refusant d’admettre certaines preuves, avait mal évalué la portée de la demande du requérant et l’avait ainsi privé d’équité procédurale, ce qui constituait un « argument tout à fait défendable »67. En d’autres termes, la décision de la Commission dépassait son autorité discrétionnaire en matière de preuve puisqu’elle avait mal compris l’enjeu en cause et avait ainsi omis d’entendre le requérant. Il faudrait cependant ajouter que les distinctions ne s’établissent pas toujours aussi aisément et que, par conséquent, la tâche de différencier entre une décision discrétionnaire sur la preuve et les autres formes d’erreurs sera à la fois difficile et fera souvent l’objet de controverses68.

7.      Avocats, parties et intervenants indisciplinés

Il suffira cependant pour les organismes administratifs de prendre conscience des pressions de judiciarisation et d’élaborer des techniques procédurales qui servent d’antidote à ces pressions. Entre l’élaboration de règles sur la procédure et la dynamique même de la salle d’audience, une autre dimension émergera : la capacité des avocats, notamment, mais aussi des témoins, des parties  et  des  intervenants de prendre en charge ou de changer la physionomie de l’audience. Sans un leadership fort et des interventions décisives fréquentes, notamment de la part de la personne qui préside le comité d’audience, les audiences peuvent s’égarer et perdre un temps précieux à se pencher sur des documents peu pertinents ou totalement dénués de pertinence. Il faut porter une attention particulière à la  qualification des experts et limiter de façon appropriée les témoignages d’experts. Les comités d’audience doivent aussi prendre conscience du fait que les retards et les distractions sont souvent dus à une préparation insuffisante de la part des avocats, voire de leur insouciance à l’égard des retards causés. Comme dans les instances devant d’autres tribunaux, il y a, en outre, le problème des participants qui ne sont  pas  représentés par un avocat ou qui sont représentés par un avocat inexpérimenté. Toutes ces situations doivent être prévues et des stratégies élaborées afin qu’elles soient gérées et que l’audience se déroule harmonieusement.

Les participants peuvent évidemment venir à bout de la patience même des arbitres les plus tolérants69. En outre, il faut toutefois résister à la tentation d’entrer dans l’arène et d’engager le combat contre les avocats, les parties, les intervenants ou les témoins indisciplinés comme ceux-ci l’entendent. Bien qu’il existe très peu d’exemples de demandes de contrôle judiciaire dont la réussite est attribuable au travail des arbitres (ou encore des avocats affectés au tribunal) lors d’audiences70, il n’en reste pas moins que la courtoisie doublée de fermeté est presque toujours la meilleure approche. Même si des sautes d’humeur occasionnelles peuvent être accueillies avec indulgence par une cour de révision, une hostilité  soutenue  à  l’égard de quelque participant que ce soit durant l’audience ne sera probablement pas tolérée. Il importe également de ne pas accueillir certaines prises de position ou argumentations avec une antipathie évidente en démontrant sa mauvaise humeur à cet égard, ou même de l’irritation et de l’impatience. Aux antipodes de ces manifestations ouvertes d’hostilité, il y a, par contre, des arbitres dont le comportement inapproprié prend la forme de favoritisme et de flatterie. En somme, les arbitres doivent, d’une part, essayer de trouver un bon équilibre entre le besoin de garder le contrôle sur l’audience et de progresser à un rythme approprié et d’autre part, le besoin de se comporter d’une manière conforme aux meilleures traditions du décideur calme, attentif et impartial.

8.   Contestations liées à la partialité – À qui incombe la responsabilité ?

Comment les tribunaux gèrent les contestations de leurs instances qui s’appuient sur une crainte raisonnable de partialité, comme l’a souligné la Cour d’appel de Terre-Neuve dans l’arrêt Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 60N v. Abitibi Consolidated Company of Canada71, est une question qui demeure sans vraie réponse.

Dans le cadre d’un comité au sein d’un organisme de réglementation en matière d’énergie, deux questions se posent : Le comité a-t-il la compétence d’entendre une contestation en matière de partialité ? Si cela est le cas et si la contestation porte sur la participation d’un membre du comité (plutôt que celle de tous les membres de ce comité), qui rend la décision à cet égard, le comité ou le membre qui fait l’objet de la contestation ?

Quant à la première question, la Cour d’appel de Terre-Neuve, dans le cadre d’un comité arbitral tripartite, reflétaient bien les l’équilibre de l’autorité canadienne en la matière en concluant que, non seulement le tribunal est compétent pour rendre une décision sur le fond, mais qu’aussi, en général, il devrait le faire72. Par la suite, il relève de la cour de justice, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, de déterminer, en s’appuyant sur le dossier élaboré par le tribunal sur cette question et les documents supplémentaires à l’appui de tout affidavit, si la décision du tribunal (qui rejette habituellement la requête en récusation) doit être renversée73.

Cependant, la Cour d’appel eut plus de mal à déterminer si la décision devait être rendue collectivement par le comité ou par le membre particulier du comité qui faisait l’objet de la contestation. Après avoir examiné des opinions et points de vue divergents, la Cour a conclu que cette décision relevait, en fait, du membre lui-même. Elle s’appuyait dans cette décision sur les arbitrages en matière de droit du travail, qui prônent « l’efficacité et la résolution rapide des griefs entre employés et employeurs »74.

À mon avis, c’est là la meilleure attitude à adopter, tout au moins pour la plupart des tribunaux et organismes administratifs. La contestation dans un tel cas, qui est fondée sur des faits se rapportant à un certain arbitre et connus de celui-ci, est de nature personnelle et il est tout à fait approprié que cette personne rende une décision à cet égard en première instance.

En outre, comme l’a souligné l’arrêt SOS-Save Our St. Clair Inc. v. Toronto (City)75, les autres membres du comité ne seront pas dépourvus de recours s’ils sont en désaccord avec la décision de ce membre. Dans cette affaire, où l’un des trois juges d’un comité de la Cour divisionnaire de l’Ontario faisait l’objet d’une contestation, le juge en question avait rejeté la requête en récusation. Bien qu’ils aient soutenu le droit de ce juge à rendre cette décision de son propre chef, les deux autres juges, qui étaient en désaccord avec lui sur cette question, déterminèrent que, consciencieusement76, ils ne pouvaient continuer à agir comme membres du comité. Ils ont donc rendu ensemble une ordonnance accueillant la requête du requérant.

Mis à part ce type de désaccord entre les membres d’un comité, toute contestation de la décision d’un arbitre particulier relève du contrôle judiciaire des tribunaux ordinaires. En outre, le tribunal administratif n’est pas tenu d’ajourner la séance simplement parce qu’il y a menace de requête ou parce qu’une requête a été déposée77. Toutefois, comme l’indiquent les faits dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty v. National Energy Board 78, lorsqu’il s’agit d’une contestation sérieuse et que l’on est au tout début d’un processus de réglementation qui sera de longue durée, il peut y avoir d’excellentes raisons pratiques de suspendre l’audience jusqu’à ce que la question de la contestation soit réglée par les tribunaux.

Pour arriver à conclure si seul le membre du comité ou le comité tout entier devrait se récuser, il est toutefois essentiel de se rappeler que les intérêts de la justice administrative sont très mal desservis par une approche qui cherche trop à ménager les intérêts des uns et des autres. La simple allégation de partialité est visiblement insuffisante et la norme qui s’applique à la personne qui demande la récusation est une norme très exigeante. Les motifs à cet égard sont évidents. Il y va de l’intérêt public que les  décideurs  désignés ne soient pas disqualifiés d’exercer le  rôle que leur a conféré la loi pour des motifs peu convaincants ou discutables. C’est en effet dans l’intérêt public que les membres doivent s’acquitter des tâches qui leur ont été confiées. En outre, le renoncement trop rapide par suite d’une requête en récusation concernant un seul membre du comité ou le comité tout entier donne un avantage considérable aux parties qui sont à la « recherche d’un tribunal favorable ».

Les principes sur lesquels doivent reposer ces décisions sont très clairement énoncés dans l’instance finale du Lavesta Area Group et de l’ancêtre de l’Alberta Utilities Commission, l’Alberta Energy and Utilities Board. La Cour d’appel, dans cette affaire, a d’abord souligné que

[l]a norme en ce qui concerne la crainte de partialité est très exigeante. La norme est celle de l’observateur raisonnable, et non celle d’une personne avec une conscience très sensible ou scrupuleuse… Les motifs doivent être des motifs sérieux qui s’appuient sur une réelle vraisemblance ou probabilité, et non sur un soupçon…. Les simples affirmations sont insuffisantes…. À la lumière se son mandat législatif, il y a une forte présomption que la Commission et ses comités s’acquitteront de façon appropriée de leurs tâches et en toute impartialité….79

La Cour critiqua ensuite la position adoptée par le président de cette Commission :

Il est à souligner que le président antérieur n’avait pas uniquement songé à disqualifier à l’avenir tous les membres ayant déjà siégé sur des comités préalables qui avaient examiné la question en litige. Il avait, en outre, apparemment songé à s’abstenir de nommer des membres existants de la Commission, que ceux-ci aient participé ou non à ces comités antérieurs. Cette norme dépasse largement le cadre de toute norme de Common Law sur la crainte raisonnable de partialité80.

Les conséquences découlant d’une telle norme pour un comité ou pour un membre du comité face à une requête de récusation sont énormes!

9.    Relations avec le ministre et les fonctionnaires

L’une des règles fondamentales sur le déroulement d’audiences de tribunaux et organismes administratifs est l’interdiction pour ceux qui président ces tribunaux ou organismes d’avoir des communications ex parte avec les parties ou intervenants à l’extérieur de la salle d’audience. Cette règle prend une dimension accrue de menace à l’indépendance lorsqu’il s’agit de communications avec un ministre ou un fonctionnaire intéressé de près à la cause, et, plus particulièrement, lorsque le tribunal ou l’organisme relève du  ministre.  Comme l’a d’abord affirmé le juge Le Dain de la Cour suprême du Canada dans Valente c. La Reine, les communications entre un tribunal ou organisme et le ministre de qui relève le tribunal ou l’organisme, notamment en ce qui concerne une question alors en litige ou en instance devant le tribunal ou l’organisme, font craindre le manque d’indépendance institutionnelle et individuelle81.

La question s’est à nouveau posée dans l’arrêt Shaw v. Alberta (Utilities Commission)82. Dans cette affaire, le juge de la Cour d’appel Berger J.A. a accordé le droit d’interjeter appel d’une décision de la Commission fondée sur les communications  qui  avaient  eu  lieu  entre le ministre de  qui  relevait  la  Commission, le président et l’avocat de celle-ci. Lesdites communications avaient donné l’impression que l’intervention du Ministre avait pu dicter la suspension par la Commission de son examen de trois projets. S’appuyant sur les documents soumis à la Cour, le juge de la Cour d’appel Berger, en accordant le droit d’interjeter appel sur une question de droit, conclut qu’il était plausible que cela

…puisse causer une crainte de partialité chez une personne raisonnable, laquelle crainte aurait pu être causée par l’ingérence ou l’influence d’un membre  du  cabinet de l’Alberta qui aurait recommandé la nomination de certains membres de la Commission et fixé leurs salaires83.

Lors de l’audition de l’appel, la cour de l’Alberta n’a rien conclu sur cet argument84. La stratégie appropriée à adopter  est  toutefois  évidente. À moins d’une interaction explicite autorisée aux termes de la  loi  entre  un  organisme de réglementation et la  branche  exécutive du gouvernement, il vaut mieux éviter les communications avec les ministres et avec les fonctionnaires qui peuvent compromettre l’intégrité de l’audience du tribunal ou de l’organisme ou, de façon plus générale, l’indépendance du tribunal ou de l’organisme tout entier ou celle de ses membres.

10.   Dévoiler les circonstances sur lesquelles pourrait s’appuyer une contestation

Tel que souligné à la proposition 8 ci-dessus, il arrive que les cours de révision et les cours d’appel lancent un avertissement aux arbitres de ne pas se récuser trop facilement. Néanmoins, les membres des tribunaux et organismes doivent prendre conscience des dangers de supprimer des renseignements qui pourraient susciter des contestations fondées sur la crainte de partialité ou de manque d’indépendance, même s’ils croient que les renseignements en question ne  constitueraient  probablement pas une raison suffisante pour une récusation. Même s’il est approprié que la personne touchée prenne elle-même la décision initiale sur sa récusation, il est important que cette personne soit bien informée des points de vue contradictoires à cet égard. Il ne faut pas non plus encourager les arbitres à se réjouir lorsque les parties touchées ne peuvent fournir les renseignements sur lesquels elles pourraient possiblement s’appuyer pour déposer une requête de récusation crédible. Il arrive souvent que ces renseignements soient bien connus de l’arbitre. Toutefois, même dans les situations où les renseignements peuvent être disponibles sans recherche approfondie, la réputation du membre ou du tribunal tout entier est en péril si le membre adopte l’attitude qu’il relève des parties elles-mêmes d’effectuer les recherches et de trouver les renseignements nécessaires à cet effet. La divulgation complète et franche est l’unique solution  sensée.

Ici, encore une fois, les faits de l’arrêt SOS- Save Our St. Clair Inc. v. Toronto (City) servent d’inspiration. Le fait que, dans cette affaire, l’un des juges ait omis de faire une divulgation complète et franche a éventuellement exacerbé le problème et mis dans l’embarras les deux autres juges de la Cour85.

11.   Divers principes sur la prise de décision impartiale et indépendante


Il y a plus de vingt ans, le juge Cory, rendant le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities)86, se prononçait sur la question de l’application des principes de prise de décision impartiale en matière de règlements sur les services publics. À une échelle globale, il acceptait que les normes pour ces commissions ne soient pas celles qui s’appliquaient strictement   aux   commissions   d’arbitrage, où la norme d’évaluation appropriée était la norme traditionnelle de la neutralité judiciaire. L’expérience préalable ainsi que les points de vue bien arrêtés sur des questions de politique, devraient, au lieu de disqualifier les candidats à ces commissions,  être  considérés  comme un atout. Conséquemment, le critère normal de crainte raisonnable de partialité ne devrait pas être appliqué, du moins au cours de l’étape préalable des procédures d’application de la réglementation. Le critère doit plutôt être « nettement moins sévère »87.

La partie qui conteste l’habilité [sic] des membres ne peut en obtenir la récusation que si elle établit que l’affaire a été préjugée au point de rendre vain tout argument contraire88.

Par la suite, au stade de l’audience,  les membres de ces organismes de réglementation doivent être plus prudents et se comporter d’une manière conforme à ce à quoi on peut normalement s’attendre de ceux qui président des audiences89.

Il n’y a aucune raison de croire que la conception des organismes de réglementation a changé depuis que le juge Cory a rendu ce jugement. Ce qui a toutefois changé, comme dans le domaine des exigences d’équité  procédurale en matière de divulgation, de communication et d’application des règles normales sur la preuve, c’est dans la prise de conscience qu’il y a une différence entre les règles et les principes qui s’appliquent lorsqu’un organisme de réglementation travaille dans le cadre de règlements d’intérêt public à large portée et lorsque ce même organisme agit dans le cadre de procédures de conformité ou d’application.

Tel qu’illustré dans l’arrêt Rowan v. Ontario Securities Commission90, il y aura peu d’occasions où les instances d’un organisme de réglementation seront de nature suffisamment pénale pour invoquer les protections prévues à l’article 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés91 et sa garantie d’un droit à un procès par un tribunal indépendant et impartial pour tout inculpé . Néanmoins, dans le cadre de procédures d’application réglementaire, les exigences imposées aux arbitres par les principes de prise de décision impartiale et indépendante seront probablement quelque peu plus strictes et plus proches des normes applicables aux décisions arbitrales sur les droits.

Cela sera d’autant plus évident si les interactions préalables avec les intimés et leurs avocats dans le cadre de procédures d’application réglementaire et l’historique des politiques de défense d’application portant sur la question en litige devant le tribunal de l’organisme pourraient faire l’objet de disqualification92. Mais, de façon plus importante, dans la mesure (aux termes de lois, telle la Responsible Energy Development Act de l’Alberta, ou de règles et même de pratiques des organismes) où ceux qui sont chargés de l’application de la loi et de poursuites au sein d’organismes de réglementation sont  séparés de ceux qui exercent un rôle d’arbitrage, il y aura, de toute évidence, une tendance accrue au sein des cours de justice à considérer comme problématique tout chevauchement entre ces fonctions.

L’unique    conclusion    à    titrer     ici     est de recommander aux organismes de réglementation en matière d’énergie d’ériger les murs qui s’imposent entre leurs services chargés de l’application de la loi et des poursuites de leur personnel qui exerce un rôle d’arbitrage.

12.   Questions constitutionnelles (y compris la Charte)

Non seulement les tribunaux et les organismes doivent-ils répondre aux contestations à leur participation fondées sur une crainte raisonnable de partialité ou de manque d’indépendance, mais ils sont en général également tenus de juger des questions constitutionnelles qui découlent des instances sur lesquelles ils président. Les questions constitutionnelles à cet égard comprennent celles  qui  découlent de la Charte canadienne des droits et libertés et, en plus des questions d’application et d’interprétation, elles englobent également les contestations de la validité de la loi constitutive ou d’autres lois pertinentes  d’un  tribunal ou d’un organisme. Elles peuvent, en outre, comprendre des questions liées aux droits des autochtones découlant de l’article 35  de  la Loi constitutionnelle de 1982 et fondées sur le principe de l’honneur de la Couronne93.

L’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin est l’arrêt de principe à cet égard94. La Cour suprême, dans cette affaire, a conclu que la commission et le tribunal d’appel qui la chapeaute avaient l’obligation de traiter une contestation constitutionnelle selon laquelle les règles statutaires régissant une certaine catégorie de demandeurs étaient invalides parce qu’elles étaient discriminatoires au sens de l’article 15 de la Charte. Même si les tribunaux et organismes ne sont pas dotés de la compétence constitutionnelle qui leur permet de faire des déclarations d’invalidité constitutionnelle et même si la règle de la retenue judiciaire ne s’applique pas à leurs décisions sur les questions constitutionnelles lors d’instances de contrôle judiciaire subséquentes95, dans la plupart des cas, ils n’ont d’autre choix que de traiter ces questions.

L’indice le plus clair de présomption presque irréfutable de compétence sur les questions constitutionnelles est la disposition dans la loi constitutive du tribunal ou de l’organisme qui lui confère l’autorité de traiter toute question de droit dont il est saisi. Toutefois, même en l’absence de tout indice législatif, la position adoptée après l’affaire Martin est qu’il s’agit là d’une responsabilité accordée à presque tous les tribunaux d’arbitrage, et il n’existe aucune raison de croire que les organismes de réglementation en matière d’énergie seraient une exception à cet égard.

En 2010, dans l’arrêt R. c. Conway96, la Cour suprême du Canada a confirmé la compétence des tribunaux et organismes  administratifs en matière constitutionnelle en  se  servant de ces mêmes principes pour  déterminer  si un tribunal ou organisme est un « tribunal compétent » aux fins d’accorder des réparations aux termes de l’article 24(1) de la Charte. À moins d’abrogation législative, si un tribunal ou organisme est autorisé à décider de questions constitutionnelles, il y a une forte présomption qu’il a également la capacité d’accorder des réparations constitutionnelles au titre de l’article 24(1). Ceci ne constitue pas toutefois la reconnaissance d’une compétence générale ou absolue en matière de réparations. Le tribunal ou l’organisme devra cependant être limité aux réparations que lui accorde sa loi constitutive. Ainsi, si le tribunal ou organisme n’est pas habilité à accorder des dommages-intérêts ou des dépens aux termes de sa loi constitutive, il n’acquiert pas ce pouvoir à titre de tribunal ou d’organisme doté du pouvoir d’accorder des réparations aux termes de l’article 24(1).

L’arrêt Martin n’a toutefois pas fait l’unanimité et dans deux provinces, l’Alberta et la Colombie- Britannique, la décision a été modifiée. Aux termes de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act97, seuls les tribunaux désignés par règlement en vertu de l’article 16 peuvent traiter les questions constitutionnelles98 (à moins qu’il ne s’agisse de l’exclusion d’éléments de preuve prévue à l’article 24(2) de la Charte)99. En fait, aux termes de la Designation of Constitutional Decision Makers Regulation, l’Alberta Energy and Utilities Board, l’Alberta Utilities Commission et l’Energy Resources Conservation Board ont toutes les compétences pour trancher des questions constitutionnelles, et cela est maintenant le cas également pour l’Alberta Energy Regulator100. Toutefois, contrairement à la situation dans l’arrêt Martin, l’article 13 de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act accorde le pouvoir discrétionnaire à tout organisme désigné aux termes de l’article 16 de renvoyer toute question constitutionnelle à la Cour du Banc de la Reine.

En Colombie-Britannique, aux termes de l’Administrative Tribunals Act101, aux fins de déterminer les questions constitutionnelles, les tribunaux régis par cette loi tombent sous l’une des trois catégories suivantes : ceux qui peuvent trancher les questions constitutionnelles (article 43), ceux qui ne peuvent pas trancher les questions constitutionnelles (article 44) et ceux qui peuvent trancher des questions liées à la Charte (article 45). La Mediation and Arbitration Board, aux termes de la Petroleum and Natural Gas Act102, et la Utilities Commission, aux termes de la Utilities Commission Act103, sont toutes deux régies par l’article 44 et ne peuvent donc pas trancher les questions constitutionnelles. Toutefois, contrairement à la situation aux termes  de  l’Alberta  Administrative  Procedures and Jurisdiction Act, le terme « question constitutionnelle » a ici une définition plus étroite. Aux termes de l’article 1, il se limite à

…toute question qui exige un avis aux termes de l’article 8 de la Constitutional Question Act.

L’article 8104 précise que l’avis doit être donné lorsque

(a)      la validité ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi est contestée ou

(b)  lorsqu’une requête a été déposée pour une mesure de redressement constitutionnel.

Contrairement à la loi équivalente en Alberta, cette loi ne comprend pas la « détermination de tout droit ».

Dans l’arrêt Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani105, la juge en chef McLachlin, prononçant le jugement d’une Cour suprême unanime, a conclu que cela n’empêchait pas la Utilities Commission de déterminer si la Couronne s’était acquittée de son obligation constitutionnelle   de   consulter   les   peuples autochtones au sujet d’une demande encore indéterminée qui pourrait possiblement avoir une incidence sur une affaire dont avait été saisie la Commission.

La demande présentée à la Commission … pour que le cadre de l’audience soit redéfini de manière à englober la question des consultations ne correspond pas à cette définition. Il ne s’agit pas d’une contestation de la validité ou de l’applicabilité constitutionnelle d’une loi, ni d’une demande de réparation  fondée sur l’art. 24 de la Charte ou de l’article 52 de la Loi constitutionnelle  de  1982. De manière générale, les consultations visées à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 correspondent à une question constitutionnelle … Toutefois, l’intention du législateur de soustraire à la compétence de la Commission la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter les titulaires des droits ancestraux en cause ne ressort  [d’aucune des dispositions pertinentes des deux lois. Dès lors, … la Commission a compétence constitutionnelle  pour  se   pencher   sur le caractère adéquat des consultations effectuées par la Couronne relativement aux questions dont elle est régulièrement saisie106.

Dans tous les autres  ressorts  juridiques, l’arrêt  Martin  s’applique  aux   organismes de réglementation en matière d’énergie. Conséquemment, il n’y a  d’autre  choix  que de trancher les questions  constitutionnelles et, le cas échéant, refuser d’appliquer  les lois inconstitutionnelles. À ce titre, les commissions visées (y compris les organismes de  réglementation  désignés  de  l’Alberta)107 devraient connaître la mesure dans laquelle les obligations statutaires provinciales applicables permettent de signifier un avis sur une question constitutionnelle au procureur général provincial et au procureur général du Canada.

Il est également important de garder à l’esprit que l’une des principales raisons de la règle conférant aux tribunaux et organismes l’autorité de trancher des questions constitutionnelles est de constituer un dossier de preuve qui facilitera un contrôle judiciaire bien fondé qui ne fera appel à aucune retenue judiciaire. Les tribunaux et organismes doivent donc prévoir dans leurs règles sur la procédure des dispositions spéciales sur la tenue d’audiences lorsque des questions constitutionnelles sont soulevées. À défaut de quoi, chacun des membres des comités et les comités tout entiers, doivent, durant l’étape préalable à l’audience de tout litige où des questions constitutionnelles seront soulevées, prévoir, à l’aide des règles sur la procédure existantes du tribunal ou de l’organisme, déterminer la façon la plus appropriée de résoudre les litiges de nature constitutionnelle.

13.    Consulter les membres qui ne font pas partie du comité

En 1993, la Cour suprême du Canada a rejeté la notion que l’incohérence constituait un motif indépendant ou autonome de contrôle judiciaire sur les décisions d’un tribunal ou organisme108. La Cour d’appel de l’Ontario a ensuite confirmé ce principe109.

Ce qui ne signifie aucunement que la Cour suprême ne reconnaisse  pas  l’importance  de la prise de décisions cohérentes au sein des tribunaux et organismes administratifs. La juge  Deschamps  affirme,  en  effet,  dans  son jugement  concordant  dans  l’arrêt  Dunsmuir c.   Nouveau-Brunswick110,   qu’en   matière   de contrôle judiciaire, « [l]a cohérence du droit revêt une importance primordiale dans notre société  ».  Ainsi,  bien  qu’il  il  n’y  ait  pas  de système de précédents au sein des tribunaux administratifs111   et   bien   que   l’incohérence n’y  constitue  pas  un  motif  autonome  de contrôle  judiciaire,  la  Cour  suprême  appuie les tribunaux et organismes qui élaborent des moyens et processus visant à encourager la prise de décisions cohérentes par leur divers membres et comités112.

En fait, l’arrêt Domtar avait été précédé en 1990 par l’arrêt Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique, section locale 2-69 c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd.113, et en 1992 par Tremblay c. Québec (Commission des affaires sociales)114. Dans chacune de ces instances, la Cour suprême a appuyé la pratique d’assemblées  générales  des  membres   pour les tribunaux administratifs afin d’y discuter certaines questions en litige dont étaient saisis des membres ou comités du tribunal. La Cour était d’avis que ces pratiques contribuaient à améliorer la cohérence des prises de décisions des tribunaux et organismes, particulièrement en ce qui concernait les tribunaux de ressorts juridiques à volume élevé.  Plus  récemment, en 2001, dans l’arrêt Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail)115, la Cour confirmait et réaffirmait sa reconnaissance de la légitimité de telles pratiques. Il est également tout à fait plausible que de telles consultations puissent avoir lieu, non seulement au niveau de la commission ou du tribunal tout entier, mais également au sein de groupes plus restreints ou entre les présidents d’audiences et les membres du personnel, y compris les avocats.

La Cour a néanmoins toujours été consciente que de telles pratiques peuvent mettre en péril les principes d’équité procédurale. Elles peuvent, en  effet, constituer  une  menace sérieuse à l’indépendance de ceux à qui il incombe de rendre une décision (ou, comme on disait anciennement, le principe voulant que c’est la personne qui entend l’affaire qui doit en décider). C’est, en effet, d’une telle situation dont il s’agissait (intervention inappropriée de la part de personnes non saisies de la question) qui a contribué à l’effondrement du processus en litige dans l’arrêt Tremblay. En outre, en fonction des discussions qui se déroulent à cet égard, ces pratiques peuvent constituer une violation des principes d’équité procédurale sur l’avis et le droit qu’ont les participants de prendre connaissance des preuves et arguments portant sur la décision à prendre à l’égard de la question en litige.

Afin de répondre à ces préoccupations, la Cour suprême a imposé des limites sur le déroulement des divers processus de consultations. C’est pourquoi, pendant que les tribunaux élaborent ces pratiques visant la cohérence, il est particulièrement important que les membres et les présidents, à titre de cadres, soient informés de ces diverses limites.

En ce qui concerne l’indépendance de la prise de décision de chacun des membres et comités de tribunaux, la Cour a clairement indiqué que, même si exercer une certaine influence est tout à fait acceptable, contraindre ne l’est pas. Les meilleures pratiques signifient donc que la participation à ces divers processus de consultations doit être optionnelle pour le ou les membres qui président l’audience et les discussions doivent être informelles, et ni la présence des autres membres, ni les procès- verbaux, ni le vote ne doivent être obligatoires. De façon plus générale, ni le président ni l’avocat du tribunal ou de l’organisme ne devrait jouer un rôle dominant. Tenir des discussions avec, en toile de fond, un projet de décision pose, par ailleurs, d’énormes problèmes. Le processus adopté doit toujours permettre au(x) membre(s) qui préside(nt) de prendre sa (leur) propre décision finale sur la question en litige à la suite des consultations. Finalement, bien que cela ne soit mentionné nulle part dans la trilogie par la Cour suprême, dans le cadre de procédures d’application ou de conformité, lorsqu’il y a une séparation statutaire ou une séparation  auto-imposée entre les fonctions de prise de décision et les fonctions d’application et de poursuites au sein de l’organisme de réglementation en matière d’énergie, les discussions sur une question en litige ne devraient pas comprendre ceux qui exercent des fonctions liées à l’application ou aux poursuites116.

En ce qui concerne la préservation de la possibilité pour les participants de participer effectivement à l’audience, la Cour a conclu que, si les consultations soulèvent de nouveaux arguments de droit et de politique portant sur la décision finale, le membre ou le comité doit soumettre ces arguments aux parties avant de s’appuyer sur ceux-ci dans la décision finale. La Cour a également souligné que les discussions à cet égard ne doivent jamais servir à présenter de nouveaux faits ou de  nouvelles  preuves. En fait, dans l’arrêt Consolidated-Bathurst, la Cour a même ajouté qu’il ne devrait y avoir aucune discussion sur les faits en cause. Ceci nous paraît quelque peu excessif et ne devrait être lu qu’à la lumière de l’arrêt Ellis-Don, où la majorité semblait conclure que les consultations devraient tout au moins comprendre des discussions sur la forme que devraient revêtir ces discussions afin de respecter les paramètres de tout critère juridique ou de toute norme élaborée par la Commission des relations de travail.

En somme, ces types de consultations sont d’une très grande valeur, mais il existe des limites de justice naturelle ou d’équité procédurale à leur légitimité, que les tribunaux et organismes doivent  respecter  afin  d’éviter  tout  contrôle judiciaire pour iniquité procédurale117 mais, de façon plus générale, afin de préserver l’intégrité du processus d’audience.

14.     Obligation de consulter les peuples autochtones118

Parmi les développements majeurs à signaler au sein du droit administratif canadien, au cours de la dernière  décennie,  notamment en ce qui concerne les organismes de réglementation en matière d’énergie, il faut mentionner l’évolution de l’obligation de consulter les peuples autochtones dans le cadre du processus de réglementation. La Cour suprême a souligné que cette obligation de consultations s’applique non seulement lorsqu’une décision réglementaire peut avoir une incidence sur un droit reconnu ou existant des peuples autochtones aux termes d’un traité ou autrement, mais également lorsque ce droit est virtuel, en ce sens qu’il est revendiqué mais non encore reconnu119.

La mesure dans laquelle l’obligation de consulter s’applique à un organisme de réglementation en matière d’énergie a été précisée à la fin de 2006 dans l’arrêt Première Nation Dene Tha’ c. Canada (Ministre de l’Environnement)120, où le juge Phelan de la Cour fédérale a conclu que cette obligation s’appliquait aux ministres qui participent à l’élaboration de processus d’examen réglementaire et environnemental lié au projet de gazoduc du Mackenzie. Divers organes de réglementation (y compris l’Office national de l’énergie) ont participé à la mise en place d’une commission d’examen conjointe à laquelle incombait la tâche de procéder à une évaluation environnementale du projet. Le juge Phelan a conclu que c’est au moment de la mise en place de cette commission que les ministres avaient manqué à leurs obligations de consulter. Même s’il y a eu éventuellement un règlement à  l’amiable  dans  cette  cause, la Cour d’appel fédérale a conclu que le juge Phelan n’avait pas commis d’erreurs de principe dans sa conclusion et que le jugement était une application d’un précédent déjà existant de la Cour suprême du Canada en la matière121.

Même si l’obligation dans ce cas précis s’adressait formellement aux ministres concernés  à  qui  incombait  la   conception du processus, les répercussions pour les organismes de réglementation en matière d’énergie était évidentes. Restait encore néanmoins à déterminer pour les organismes de réglementation et les tribunaux judiciaires si cette obligation qui était imposée à la Couronne  s’appliquait  également   aux organes indépendants, quasi-judiciaires. À ceux qui prétendaient que les organismes de réglementation quasi-judiciaires indépendants n’avaient pas l’obligation de consulter les peuples autochtones, le dernier mot à cet égard revient à l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie)122, où le juge Iacobucci de la Cour a rejeté un argument selon lequel les exigences imposées à l’Office en matière d’équité procédurale à l’égard du peuple autochtone visé étaient plus strictes qu’elles ne le seraient normalement en Common Law. Dans la mesure où cet argument était fondé sur l’obligation fiduciaire de la Couronne envers les peuples autochtones, cette obligation n’était pas imposée aux organismes indépendants, quasi– judiciaires. Sinon, ce serait empiéter sur leur indépendance.

Toutefois, puisque l’obligation de consulter et de répondre aux besoins s’appuie sur une notion primordiale plus large de l’honneur l’État (dont les obligations fiduciaires de l’État ne sont que l’un des éléments), il y avait une raison de croire que l’on ne pouvait plus s’appuyer sur l’affaire de l’Office national de l’énergie. Il en a découlé toute une jurisprudence qui imposait aux organismes de réglementation en matière  d’énergie  tout au moins l’obligation d’évaluer si la Couronne s’était acquittée de son obligation de consulter et de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des demandes dont ils seraient saisis qui pourraient avoir une incidence sur les droits, les intérêts ou les revendications à venir des peuples autochtones123.

En 2009, ces deux aspects de la responsabilité des organismes de réglementation en matière d’énergie liée à la consultation des peuples autochtones et aux mesures d’adaptation prises à l’égard de leurs droits, intérêts et revendications se sont retrouvés dans un autre jugement où était impliqué l’Office national de l’énergie. Dans l’arrêt Nation Ojibway de Brokenhead c. Canada (Procureur général)124, le juge Barnes de la Cour fédérale a conclu que l’Office national de l’énergie était un forum approprié pour évaluer si la consultation des promoteurs avec les peuples autochtones avait été adéquate et pour mener des consultations sous  forme  d’audiences.  Cela  se  déroulait dans le cadre de demandes d’utilisation et de prise de terres pour fin de projets de pipelines assujettis à une approbation réglementaire. Vu les circonstances entourant les questions dont étaient saisis l’Office et la Cour fédérale, cela suffisait pour répondre aux exigences du principe de l’honneur de la Couronne, en ce sens que le gouverneur en conseil n’avait pas d’obligations supplémentaires à remplir dans sa décision d’approuver ou non les projets en question. Dans le paragraphe crucial de son jugement, le juge Barnes déclare :

Pour décider si, et dans quelle mesure, la Couronne est tenue de consulter les peuples autochtones au sujet des projets ou activités susceptibles d’avoir des incidences sur leurs intérêts, la Couronne peut légitimement tenir compte des mécanismes de consultation des autochtones prévus par le processus d’examen réglementaire ou environnemental existant (…) Ce processus d’examen peut être suffisant pour répondre aux  préoccupations  des  autochtones, sous réserve bien sûr de l’obligation prépondérante de la Couronne de vérifier s’ils sont suffisants dans un cas précis. Il ne s’agit pas d’une délégation de l’obligation de consultation de la Couronne, mais seulement d’un moyen par lequel celle-ci peut s’assurer que les préoccupations des autochtones ont été entendues et, le cas échéant, qu’on y a répondu125,

Après quoi, toutefois, la Cour d’appel fédérale, dans le cadre des mêmes procédures administratives, cette fois sur  des  demandes de contrôle judiciaire des propres décisions de l’Office national de l’énergie sur ces demandes (contrairement à l’approbation de ces décisions par le gouverneur en conseil) a apparemment adopté un point de vue assez différent sur l’ensemble de la question en litige. Il s’agissait de l’arrêt Première nation dakota de Standing Buffalo c. Enbridge Pipelines Inc.126, où les peuples   autochtones   visés    maintenaient que l’Office avait l’obligation d’évaluer si la Couronne elle-même s’était bien  acquittée de son obligation de consulter et de prendre des mesures d’accommodement à l’égard de leurs revendications.  Après  avoir  souligné que les peuples autochtones ne prétendaient aucunement que l’Office avait l’obligation de mener lui-même des consultations, la Cour a non seulement convenu de cette dérogation127, mais a également rejeté les arguments des peuples autochtones. Les organismes de réglementation n’ont pas pris part au processus d’accommodement128. Il est noter que le juge de la Cour d’appel Ryer (prononçant le jugement de la Cour) n’a pas reconnu (citant encore une fois le jugement Iacobucci)  que  l’article  35 de la Loi constitutionnelle de 1982 créait une source séparée d’obligations envers les peuples autochtones. Rappelons ses dispositions :

35. (1)  Les  droits  existants  ancestraux  ou issus   de traités  des  peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

(2)   Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

(3)   Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications  territoriales  ou  ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

(4)   Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits ancestraux ou issus de traités visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Toutefois, dans ce cas, les consultations des promoteurs sous l’égide de l’Office et l’octroi de droits de participation par celui-ci aux peuples autochtones visés répondaient aux exigences procédurales de cette obligation129.

Tout ceci suscita beaucoup de confusion. Est-ce que l’obligation de consulter et, le cas échéant, de prendre des mesures d’accommodement ne relevait jamais des organismes de réglementation en matière d’énergie ? Qu’en est-il de l’obligation d’évaluer s’il y a eu autrement des consultations adéquates et, le cas échéant, des mesures d’accommodement? Et, dans la mesure où il existe une obligation séparée découlant de l’article 35, lorsque celle-ci est déclenchée, quels en sont les éléments et jusqu’à quel point est-elle différente de l’obligation de consulter découlant  de  l’honneur   de   la   Couronne et de toute autre responsabilité séparée ou coordonnée pour évaluer s’il y a autrement eu des consultations  adéquates ?

Plusieurs de ces questions ont été soulevées dans l’arrêt Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani130. Il s’agissait de l’appel de deux décisions131  où la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait conclu que la British Columbia Utilities Commission avait manqué à ses obligations, dans le cadre de procédures administratives, d’évaluer s’il y avait eu suffisamment de  consultations  et de mesures d’accommodement de l’une des parties à ces procédures à titre de mandataire de la Couronne. En prononçant le jugement de la Cour suprême du Canada, la juge en chef McLachlin a conclu que, même si le pouvoir législatif  pouvait  imposer  une   obligation de consulter à un organisme ou tribunal de réglementation132, il devait le faire de façon explicite ou par déduction nécessaire et que, contrairement à l’obligation d’examiner des questions constitutionnelles, cette obligation ne pouvait simplement découler d’un droit conféré par la loi lui permettant d’examiner des questions de droit  liées  aux  procédures en cours. Comme il n’y avait  pas,  dans  ce cas, de pouvoirs conférés expressément  ou par déduction nécessaire, la Commission n’avait aucune mission ni responsabilité d’entreprendre elle-même des consultations avec les peuples autochtones  visés133. Toutefois, la juge a également conclu que la Commission avait l’autorité  de  déterminer si les procédures portaient sur les droits, les intérêts ou les demandes indéterminées des peuples autochtones et si oui, de déterminer si la Couronne avait mené suffisamment de consultations et, le cas échéant, avait pris des mesures d’accommodement adéquates. Ceci découlait du pouvoir de la Commission de trancher des questions de droit dans l’exercice de son autorité ainsi que de l’exigence qu’elle tienne compte de « tout autre élément jugé pertinent eu égard à l’intérêt public »134. Il est toutefois incertain si la présence d’un seul de ces facteurs aurait été suffisante pour déclencher ce pouvoir (à vrai dire, cette obligation).

Il est également important de lire à cet égard le jugement subséquent de la Cour dans l’arrêt Beckman c. Première nation de Little Salmon/ Carmacks135. L’une des questions en litige portait sur le caractère adéquat des efforts de consultation déployés par les décideurs agissant pour le compte d’un ministère. Cette évaluation s’appuyait sur la prémisse que ces organismes et représentants du gouvernement constituaient la Couronne à ces fins et que ceux-ci avaient non seulement le pouvoir (et la responsabilité) de mener des consultations (ainsi que d’évaluer les efforts de consultations déployés par d’autres) mais également la capacité de répondre, au moins partiellement, à l’obligation  générale de la Couronne de consulter  et  de  prendre des mesures d’accommodement. En d’autres termes, la décision dans l’arrêt Carrier Sekani, suivant laquelle le pouvoir de mener des consultations devait être conféré expressément ou par déduction nécessaire, se limitait probablement aux organismes et tribunaux indépendants.

Ce qui n’apporte pas évidemment des réponses à toutes les questions sur les consultations et les organismes de réglementation en matière d’énergie. En fait, la Cour suprême n’a, pour l’instant du moins, apparemment pas profité de l’occasion de combler le vide lorsque, peu après la publication de l’affaire Beckman, a refusé le droit d’interjeter appel dans l’arrêt Première nation dakota de Standing Buffalo, une affaire sur laquelle elle avait de toute évidence, attendu de se prononcer préalablement aux décisions dans les deux autres appels136. Il est toutefois possible d’élaborer une version plausible et raisonnablement complète de la relation entre les tribunaux et organismes de réglementation et les droits de consultations des peuples autochtones en s’appuyant sur deux récentes décisions de la Cour suprême et les parties restantes des deux arrêts  Nation  Ojibway, de Brokenhead et Première nation dakota de, Standing Buffalo:

1) Contrairement aux fonctionnaires et aux organes qui agissent sous l’égide d’un ministère ou organisme, les tribunaux et organismes de réglementation n’ont pas l’autorité d’entreprendre des consultations avec les peuples autochtones, sauf lorsque ce pouvoir leur est conféré expressément ou découle par déduction nécessaire d’une loi principale. Il ne semble pas y avoir présentement d’exemples à cet effet au sein des organismes de réglementation en matière d’énergie.

2) Par contre, il semble qu’ils auront le pouvoir, voire l’obligation, d’examiner les questions en litige dont ils sont saisis afin de déterminer si la Couronne a l’obligation de consulter, et dans l’affirmative, si elle a dûment rempli cette obligation137.

3) Il se peut toutefois que ce pouvoir et cette obligation fassent l’objet d’une exclusion législative  conformément  à  ce  qui  est prévu à l’article 21 de la Responsible Energy Development Act de l’Alberta sur l’autorité du tout nouveau Alberta Energy Regulator138.

4) Nonobstant 1, la Couronne peut, dans le but de remplir son obligation de consulter, s’appuyer sur les procédures adoptées     par les organismes de réglementation  en  matière   d’énergie (y compris les exigences imposées aux promoteurs en matière de consultations) dans la mesure où les peuples autochtones ont été suffisamment consultés et que ces consultations répondent, au moins en partie, aux normes de cette obligations.

5) Quelle que soit l’obligation de la Couronne de consulter et, le cas échéant, de prendre des mesures d’accommodement, les principes d’équité procédurale de la Common  Law  et, de façon plus importante, les droits reconnus aux termes de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 imposent aux organismes de réglementation en matière d’énergie des responsabilités procédurales spéciales à l’égard des peuples autochtones lorsque les questions dont sont saisis ces organismes visent droits, intérêts et demandes encore indéterminées des peuples autochtones139. Ces responsabilités peuvent être partiellement remplies en confiant les consultations aux promoteurs.

Plus récemment, dans l’arrêt Behn c. Moulton Contracting Ltd.140, la Cour suprême a confirmé un autre principe qui est d’importance cruciale non seulement pour le déroulement des consultations de ces organismes de réglementation qui ont l’autorité de consulter, mais aussi pour l’évaluation des consultations de la Couronne par les organismes de réglementation :

L’obligation de consultation existe pour la protection des droits collectifs des peuples autochtones. C’est pourquoi  elle est due au groupe autochtone titulaire des droits protégés par l’art. 35, qui sont par nature des droits collectifs (…) Un groupe autochtone peut toutefois autoriser un individu ou un organisme à le représenter en vue de faire valoir ses droits garantis par l’art. 35 (…)

Sans une telle autorisation,  les  organismes de réglementation doivent tenter  de  repérer les peuples autochtones visés pour fin d’avis à émettre, de  consultations  à  entreprendre et d’évaluations des efforts de consultation déployés par d’autres. Même si le processus de repérage peut lui-même constituer un exercice compliqué où il y aura des chevauchements ou des contestations (entre les peuples autochtones et au sein de ceux-ci) de droits et de demandes, au moins il rétrécit le champ de ceux qui peuvent demander à l’organisme de réglementation de rendre des comptes.

À la lumière de tout ce qui précède et, notamment, en ce qui concerne les obligations d’évaluer les efforts de consultations déployés par d’autres et les responsabilités probablement séparées  de  l’organisme  de   réglementation en matière d’énergie de l’article 35, la façon la plus évidente d’éviter les pièges à cet égard pour les organismes de réglementation en matière d’énergie est de prendre des mesures proactives et de mettre en place des politiques détaillées sur les consultations avec les peuples autochtones141. Il est également important nos seulement de demander aux peuples autochtones leur apport dans l’élaboration de ces politiques, mais aussi de reconnaître que les organismes de réglementation ne s’acquitteront pas de leur obligation de consulter simplement en veillant à ce que les peuples autochtones visés aient des chances égales de participer à toute audience exactement de la même façon que les autres parties et les intervenants. La jurisprudence142 reconnaît  que  l’honneur  de la Couronne peut engendrer des formes de consultations individualisées et personnalisées avec les peuples autochtones visés.

En l’absence de politiques sur les consultations, il peut incomber à certains comités au sein d’organismes de réglementation en matière d’énergie à la fois d’être à l’affût d’une possible incidence de la réglementation dans les propositions sur les peuples  autochtones  et de bien comprendre la façon de remplir leur propres obligations. Il y a un énorme danger que des défaillances initiales puissent engendrer de très longues procédures de contrôle judiciaire et décourager les initiatives en matière de réglementation143.

15.   Motifs

Jusqu’à tout récemment, la  Common  Law du  Canada  ne  reconnaissait  pas  l’existence d’une obligation de la part des tribunaux et organismes administratifs de fournir des motifs de leurs décisions. Il a fallu attendre jusqu’en 1999 avec l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)144, et, même alors, la Cour n’a pas établi d’exigence universelle pour la prise de décision administrative. Avant cela, par ailleurs, il existait, au moins dans deux provinces, des obligations de fournir des motifs dans les lois générales de procédure administrative : l’Alberta145 et l’Ontario146. Dans chacune d’elles, ces lois générales de procédure s’appliquaient aux organismes de réglementation en matière d’énergie. Les organismes de réglementation en matière d’énergie doivent donc, depuis assez longtemps, répondre aux exigences statutaires de fournir des motifs. En effet, à part  possiblement une exception, laquelle sera abordée dans la prochaine section, je crois que les organismes de réglementation en matière d’énergie ont réussi à éviter le contrôle judiciaire portant sur le manquement à cette obligation, qu’elle soit imposée par la Common Law ou par la loi147.

Ce n’est toutefois pas une raison de nous complaire. Ce qui importe avant tout, en fait, ce n’est pas de savoir s’il y a un document établissant les motifs de l’organisme ou du tribunal, mais plutôt la qualité du raisonnement de ce dernier. Des lacunes au niveau de la qualité peuvent entraîner la contestation de l’issue d’une audience. La Cour suprême du Canada a récemment souligné cela dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor)148. La juge Abella, qui  prononçait  le  jugement de la Cour, a finalement apporté une réponse à un problème jusque là insoluble : est-ce que l’insuffisance de motifs, plutôt que l’absence de motifs, peut donner ouverture à un contrôle judiciaire fondé sur l’iniquité procédurale ? Elle a conclu que non. Néanmoins, une décision qui ne s’appuierait pas sur des motifs suffisants, à savoir des motifs qui répondent aux normes liées « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », comme précisé dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick149, pourrait faire l’objet d’un contrôle judiciaire au motif que la décision était déraisonnable.

Les cours sont toutefois conscientes des réalités auxquelles sont confrontés les organismes et tribunaux administratifs. Ainsi, dans l’arrêt Judd v. Alberta (Energy Resources Conservation Board)150, la juge de la Cour d’appel Conrad a admis :

Procurer les motifs d’une décision ne signifie pas que le tribunal doit discuter de chacun des éléments de la preuve soumise et ce sur quoi il s’est appuyé pour accepter ou rejeter chacun d’entre eux : Johnston v. Alberta (Energy & Utilities Board) (1997), 200  A.R.  321  par  10.  Les  motifs  dans l’ensemble doivent  indiquer  les  motifs que l’ECRB a accepté pour parvenir à sa décision.

La juge Abella a exprimé une idée semblable dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union151, et s’est appuyée en ce sens sur152 une déclaration antérieure du juge Evans de la Cour d’appel fédérale, qui affirmait qu’« [o]n ne s’atten[d] pas à de la perfection »153. Il est encore plus  important  de  souligner  qu’elle a également accepté  qu’en  ce  qui  concerne le contrôle judiciaire, les motifs  ne  doivent pas être examinés séparément de  la  preuve, des arguments et du processus, qui peuvent tous justifier une conclusion qui aurait pu autrement paraître déraisonnable154. En effet, ces documents ainsi que l’évaluation des cours de révision elles-mêmes de l’issue, à la lumière des dispositions législatives et des objectifs visés, peuvent se substituer à des motifs plus complets et plus satisfaisants sur lesquels s’appuierait une décision raisonnable qui est contestée155.

Toutefois, les organismes et tribunaux ne doivent pas se  montrer  trop  confiants  que la Cour sera toujours disposée à combler les lacunes et à discerner des justifications qui ne sont pas facilement ou à peine apparentes après un coup d’œil sur les motifs fournis. Une saine administration publique, notamment l’équité envers les parties, qui consiste à leur expliquer les motifs de la décision, constitue une autre raison  fondamentale  de  prendre  au  sérieux l’obligation de fournir des  motifs  suffisants. Le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale, a bien exprimé cela dans l’arrêt Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada en déclarant que les motifs

(…) doivent garantir aux parties que leurs observations ont été prises en considération, permettre au tribunal de révision de mener un examen valable et être transparents afin de fournir une ligne de conduite aux personnes réglementées156.

En outre, malgré les précisions  apportées par la juge Abella sur le besoin de motifs compréhensibles et complets, la cour de révision et d’appel, se livrant à son propre exercice de reconstruction, pourrait ne pas être en mesure de discerner un fondement raisonnable à la décision, alors que des motifs suffisants auraient pu l’exprimer clairement. En outre, lorsqu’il est impossible de conclure si la décision est raisonnable, même dans le cadre plus large de preuve suggéré par la juge Abella, le résultat ultime sera un renvoi à l’organisme ou au tribunal en vue d’obtenir de celui-ci des motifs plus complets et plus précis. De telles issues ne sont pas dans l’intérêt de la justice administrative et de l’efficacité réglementaire.

C’est pourquoi le critère suivant, que le juge Iacobucci a élaboré au nom d’une Cour suprême  du  Canada  unanime  dans  l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan157  et qui consiste à se demander si une décision est acceptable aux termes de la norme de contrôle de la décision déraisonnable continue de servir de ligne de conduite aux tribunaux qui tentent d’évaluer si leurs motifs sont suffisants :

La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait158.

En soulignant ainsi l’importance du mode d’analyse dans le cadre de la preuve au dossier lance un message évident aux organismes et tribunaux administratifs : veillez à ce que vos motifs puissent être logiquement tirés de la preuve et trouvez un point de repère dans les documents présentés à l’audience.

Plus précisément, le critère décisif pour le tribunal ou l’organisme qui désire énoncer des motifs qui sont non seulement à toute épreuve, mais qui répondent aussi aux exigences de la politique sous-tendant l’obligation de fournir des motifs suffisants, est le suivant : 1) les motifs sont-ils compréhensibles? 2) répondent- ils de façon détaillée à tous les points en litige au cours de l’audience? 3) fournissent-ils un fondement à partir duquel a) les parties peuvent décider d’interjeter appel ou faire une demande de contrôle judiciaire ? Et à partir duquel b) la cour de révision peut évaluer l’exactitude ou le caractère raisonnable des conclusions tirées ?

16.       Dérogations aux précédents et aux principes généraux de réglementation

J’ai déjà mentionné que, dans le cadre des consultations  internes159,  la  loi  canadienne sur le contrôle judiciaire ne reconnaît pas l’incohérence à titre de motif autonome de contrôle judiciaire. Il semble, toutefois, y avoir une tendance de la part des cours de justice à considérer que l’obligation de fournir des motifs soit plus onéreuse dans les cas où un organisme déroge à ses propres précédents ou à des principes généraux de réglementation qui ont parfois été élaborés en collaboration par un organisme de réglementation et les cours de justice dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’un appel prévu par la loi.

L’un des exemples les plus clairs à ce sujet provient du jugement dissident de juges Rothstein et Moldaver dans l’arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée160, où ils ont déclaré :

Par conséquent, bien que les arbitres soient libres de faire abstraction du consensus arbitral applicable et d’adopter une opinion différente, il leur incombe d’expliquer le fondement de leur décision. Comme l’a souligné la Cour, « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » (Dunsmuir, [supra note 110]au para 47).  Puisque  les  juges ne sont pas des  télépathes,  il  est  difficile de voir comment une « cour de révision [pourrait] comprendre le fondement de la décision du [conseil] sans que ce dernier explique implicitement ou explicitement pourquoi il a fait abstraction du consensus arbitral » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre Neuve et  Labrador  (Conseil du Trésor) [supra note 148]au para 16). Le contrôle judiciaire du caractère raisonnable comprend  la  capacité  pour  les  tribunaux de se questionner sur l’opportunité de se conformer ou non au consensus lorsque, dans les cas comme celui qui nous occupe, il n’existe aucun fondement apparent pour déduire qu’il serait logique de ne pas le suivre161.

Bien qu’il  s’agisse  d’un  jugement  dissident, il est important de souligner que la majorité et la minorité de la Cour suprême étaient en désaccord sur la question de la cohérence de la jurisprudence arbitrale avec la décision du comité arbitral dans ce cas, avec la majorité qui appuyait, en partie, sa conclusion que la décision soumise au contrôle judiciaire était raisonnable en faisant  valoir  que  l’arbitre avait appliqué « une jurisprudence arbitrale remarquablement constante »162.

Dans un contexte de réglementation en matière d’énergie, l’idée d’obligation accrue en  ce qui a trait aux motifs dans les cas impliquant la dérogation aux précédents et à la théorie réglementaire générale apparaît très clairement dans l’arrêt Power Workers’ Union (Canadian Union of Public Employees, Local 1000) v. Ontario (Energy Board)163, un jugement rendu le 4 juin 2013, seulement dix jours avant celui de la Cour suprême dans Irving Pulp & Paper Ltd. Cette affaire mettait en cause l’appel d’une décision de la Commission de l’énergie de l’Ontario sur la requête générale de hausse tarifaire soumise par l’Ontario Power Generation, où la Commission avait considérablement réduit les revenus projetés qu’elle réclamait pour couvrir ses dédommagements nucléaires et ses charges salariales. La Commission, dans ce cas, a traité les dédommagements comme des frais projetés qui faisaient l’objet de révision aux termes des précédents et de la théorie générale de réglementation de l’OEB, par  rapport  à un éventail de considérations, et comme des coûts engagés, présumément, encore une fois, aux termes des précédents et de la théorie réglementaire générale de  la  Commission, non réductibles sans une révision prudente. Nonobstant le fait que la question des frais de dédommagement en question avait été résolue par une convention collective, la Commission a refusé de les traiter comme des coûts engagés, possiblement au motif que les coûts engagés à ces fins se limitaient aux dépenses en capital, plutôt qu’aux frais d’exploitation. Cette conclusion (et la réduction des revenus réclamés) a été confirmée en appel à la Cour divisionnaire par une majorité de cette Cour, au motif que cela était raisonnable164. En reversant cette décision et en annulant la décision de la Commission à cet égard, la Cour d’appel a conclu que cette décision était déraisonnable et a déclaré :

Nous affirmons cela pour deux raisons. Premièrement, parce que l’approche de la Commission sur ces coûts engagés est contraire à l’approche exigée aux termes de sa propre jurisprudence et de ce qui a été accepté [165] par cette cour. Deuxièmement, parce  qu’il  est  déraisonnable   d’exiger de l’OPG qu’elle gère des coûts que, conformément à la loi, elle ne peut gérer166.

Bien que je ne sois pas prêt à dire qu’il s’agit indirectement de contrôle judiciaire pour incohérence, ce jugement démontre que les organismes de réglementation ont l’obligation de bien connaître leurs précédents et ceux des cours de justice avant de prendre une nouvelle direction. À défaut de quoi, les cours de révision et d’appel ne consentiront peut-être pas à entendre des arguments post-décisionnels portant sur des dérogations à une jurisprudence antérieure.

17.     Éviter les déclarations de principes à l’emporte-pièce

Depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau- Brunswick167, la Cour  suprême  du  Canada se montre de plus en plus favorable, au niveau théorique, à la norme de contrôle prédominante  de  raisonnabilité  empreinte de déférence comme norme présumée  ou par défaut. La norme de la décision correcte en matière de contrôle judiciaire est de plus en plus exceptionnelle. Dans un document présenté au Cinquième Forum annuel sur l’énergie à La Malbaie, le 17 mai 2012, « Recent Developments in Administrative Law Relevant to Energy Law and Regulation », j’ai expliqué en détails cette évolution en faisant allusion à neuf jugements de la Cour suprême du Canada rendus depuis octobre 2011. Voici un sommaire de mes conclusions :

L’arrêt Dunsmuir a reconnu quatre situations où la norme de la décision correcte serait applicable. Dans ces quatre cas, les décisions suivantes de la Cour suprême du Canada ont souligné que les cours de révision devraient veiller à ne pas interpréter trop largement leur portée [168]. Ce qui a contribué à une augmentation considérable de cas où le contrôle du caractère    déraisonnable    empreint    de déférence était la norme requise. D’autres énoncés dans Dunsmuir y ont contribué : minimiser l’expertise à titre de facteur de l’analyse, consentir à revoir la jurisprudence sur la norme de contrôle lorsqu’il y a des doutes sur le bien-fondé de la norme de contrôle utilisée dans ces précédents et accepter le fait que le contrôle ne devrait pas nécessairement s’étendre à la décision du décideur exerçant une prérogative ou un pouvoir conféré par la loi lorsque celui-ci ne fournit pas de motifs pour sa décision, et notamment dans les cas où il n’y a pas d’obligation législative ou en vertu de la Common Law de fournir ces motifs. En effet, même s’il y a une telle obligation, la Cour peut trouver au-delà des motifs les justifications sur lesquelles s’est appuyé le décideur exerçant une prérogative ou un pouvoir conféré par la loi. L’insuffisance des motifs ne suffit pas à elle seule à déclencher le contrôle judiciaire. En outre, la Cour suprême a envoyé un message très clair aux tribunaux inférieurs, d’abord dans l’arrêt Smith c. Alliance Pipeline Ltd., [169], puis confirmé avec emphase par le juge Rothstein dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner):

[L]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise. [170]

De plus, dans ce qui suit, le juge Rothstein souligne que ce n’est pas une présomption facilement réfutable.

Toutefois, j’ai ensuite fait valoir qu’en ce qui concerne la question d’évaluer réellement si une décision est déraisonnable, la Cour suprême du Canada s’est plusieurs fois montrée favorable, comme le décrit un de mes correspondants, à la « norme de la décision correcte déguisée ». En effet, un membre retraité de la Cour suprême du Canada a soutenu à peu près la même chose dans l’un de ses derniers jugements, dans un jugement concordant quant à l’issue : Alberta (Information  and  Privacy  Commissioner171. Le jugement du juge Binnie reposait principalement sur le jugement des juges LeBel et Cromwell dans l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général)172.

Je mentionne cela car je veux souligner qu’une promesse de déférence n’est pas toujours aussi réconfortante qu’elle devrait l’être pour les tribunaux et organismes. Les cours de justice, quoique appliquant prétendument la  norme de déférence, surtout dans le cas des questions de droit, mais aussi parfois des questions de fait173, s’appuieront fortement sur le fond de la décision révisée. Quelles leçons peuvent en tirer les tribunaux et organismes administratifs ?

Premièrement, reconnaître que si vous pénétrez dans le monde de la Constitution, de la Common Law, du Code civil et des lois auxquelles vous n’êtes pas souvent confronté, il y a de fortes chances que vous soyez soumis à un contrôle de décision correcte ou de décision correcte déguisée.

Deuxièmement, bien qu’il puisse arriver que vous n’ayez pas le choix à cet égard, demandez- vous s’il est possible, sans contrevenir à vos responsabilités, de limiter  votre  décision  à la loi locale et, si cela est faisable, de vous en tenir uniquement aux faits sur lesquels s’appuie votre décision174. Évidemment, en ne rendant que des décisions qui s’appuient entièrement ou presque entièrement sur des faits ne vous permettra pas d’élaborer un ensemble cohérent de précédents. Néanmoins, comme la plupart des décisions reposent sur les faits, évitez la tentation de faire des déclarations sur la loi générale et sur le droit et la politique en matière de réglementation lorsqu’il vous suffit d’émettre des conclusions basées sur les faits.

Troisièmement, et ceci est relié à toute la question de la rédaction des motifs, je crois qu’il est important de prendre le temps de fournir des explications lorsqu’il y a des chances que la nature de la question en litige soit mal définie; de souligner que ce qui peut  sembler  être une question de Common Law, de droit civil ou de droit général est, en fait, une question dans un cadre tout à fait particulier et que les dispositions législatives applicables prennent tout leur sens dans ce cadre, et non au niveau de la Common Law, du droit civil ou du droit général175.

* David J. Mullan est un professeur de droit émérite à l’université de Queens où il a enseigné pendant plus de 25 ans. Le professeur Mullan était le premier commissaire à l’intégrité pour la ville de Toronto et est maintenant consultant et recherchiste. Il est un membre du groupe spécial canadien aux termes du chapitre 19 de l’ALENA. Il est souvent conférencier lors des séminaires de formation juridique continue, pour les membres des cours, tribunaux et organismes.

1   Certaines parties du présent article sont tirées de « Administrative Law and Energy Regulation », un chapitre de Energy Law and Policy de Gordon Kaiser et Bob Heggie (rédacteurs), Toronto, Carswell, 2011, à la p 35.

Re Central Ontario Coalition and Ontario Hydro, (1984), 46 OR (2e) 715, 10 DLR (4e) 341 (Div Ct).

3  Pour un exemple d’annonce de journal relative à une requête à la Commission de l’énergie de l’Ontario affirmant qu’il « y aura un effet sur tous les consommateurs d’électricité en Ontario », voir, notamment « Ontario Energy Board, Notice of Application and Hearing – Hydro One Networks Inc. – Change to Electricity Transmission Revenue and Rates – EB-2010-002 », Kingston Whig-Standard, Lundi 14 juin 2010, à la p11.

4   1657575 Ontario Ltd. v. Hamilton (City), (2008), 92 OR (3e) 374 (CA).

5   Comparer à Central Ontario Coalition, supra note 2, Re Joint Board under the Consolidated Hearings Act and Ontario Hydro (1985), 51 OR (2d) 65, 19 DLR (4e) 193 (Div Ct).

Administrative Procedures and Jurisdiction Act, RSA, 2000, c A-3 (comme amendé). La Responsible Energy Development Act, SA 2012, c R-17.3 (adoptée partiellement le 4 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013: OC 163/2013) a remplacé l’Energy Resources Conservation Board avec l’Alberta Energy Regulator. La Règle 10 des Alberta Energy Regulator Rules of Practice, AR 99/2013, semblait adopter la modification au règlement sur la désignation : L’Authorities Designation Regulation, AR 64/2003, remplace la Commission avec le nouvel organisme de réglementation mais, en fait, la modification a simplement supprimé l’Energy Resources Conservation Board sans inclure l’Alberta Energy Regulator. Voir AR 64/2003, art 1(e).

7  Voir l’Alberta Utilities Commission Act, SA, c A-37.2, art 9 et Responsible Energy Development Act, SA 2012, c R-17.3, art 32, 34. (Voir également l’article 9(2) (a)(i) (A) des Alberta Energy Regulator Rules of Practice dont les dispositions sur les intervenants sont similaires).

Thá First Nation v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2005 ABCA 68, 363 AR 234.

Ibid au para 10.

10  Voir Prince v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2010 ABCA 214, au para 11. Au paragraphe précédent, le juge de la Cour d’appel Watson confirme Dene Thá First Nation, supra note 8, énumérant plusieurs jugements subséquents de la Cour d’appel de l’Alberta ayant confirmé cette conclusion. Pour un débat très utile du lien entre les motifs d’appel et les principes de Common Law régissant la norme de contrôle, voir H. Martin Kay, Q.C., “What Does Reasonableness Mean?”, un document présenté devant l’Energy Regulatory Forum, tenu à Calgary le 10 mai 2011.

11  Voir Prince v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2007 ABCA 194, au para 37.

12  Ibid.

13  Kostuch v. Alberta (Environmental Appeal Board) (1996), 182 AR 384, 35 Admin LR (3e) 160 (CA).

14  SemCAMS ULC v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2010 ABCA 397.

15   Friends of The Athabasca Environmental Assn. v. Alberta (Public Health Advisory and Appeal Board) (1995), 181 AR 81, 34 Admin LR (2e) 167 (CA). À cet effet, la Cour (au para 10) a rejeté la demande dans Friends of the Island c. Canada ( Ministre des Travaux publics ), [1993] 2 CF 229 (1re inst), où, dans le cadre de procédures de contrôle judiciaire, la Cour fédérale était prête à reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public nonobstant les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale, SRC 1985, c F-7, limitant apparemment la demande de contrôle judiciaire aux personnes « directement visées » : article 18.1(1). Voir également   Alberta Wilderness Assn. v. Alberta (Environmental Appeal Board), 2013 ABQB 44, Kostuch, supra note 13aux para 18-19 et Canadian Union of Public Employees, Local 30 v. Alberta (Public Health Advisory and Appeal Board) (1996), 178 AR 297, 34 Admin LR (3d) 862 (CA), aux para 20-25.

16   ATCO Midstream Ltd. v. Energy Resources Conservation Board, 2009 ABCA 41, 446 AR 326, aux para 9-11. Voir également Westridge Utilities Inc. v. Alberta (Director of Environment, Southern Region), 2012 ABQB 681. Comparer avec Cardinal River Coals Ltd. v. Alberta (Environmental Appeal Board) (2004), 10 CELR (3e) 282 (Alta QB), refusant de s’objecter à ce que la Commission reconnaisse la qualité pour agir à une personne qui offrait un service de randonnées en nature dans la région touchée par la demande.

17  De toute évidence, ceci était un sujet de préoccupation lors de l’audience devant l’Energy Resources Conservation Board précédente, où, selon le Globe and Mail, l’organisme de réglementation a nié de façon controversée la qualité pour agir à plusieurs résidents: « Les résidents avertissent l’organisme de réglementation en matière d’énergie des risques pour la santé provenant de raffineries », The Globe and Mail, 12 juin 2010, à la p A12.

18   Voir Prince v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2008 A`BCA 119, aux para 20-27. Voir également Sawyer v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 297, 422 AR 107. (Veuillez consulter Kelly v. Alberta (Energy Resources Conservation Board) 2009 ABCA 349, 464 AR 315, pour un exemple d’une décision où la Cour concluait que l’ERCB avait commis une erreur dans l’application du critère juridique visant à établir si une revendication d’effet direct pouvait s’appuyer sur des menaces à la santé. Voir également Kelly v. Alberta (Energy Resources Conservation Board, 2010 ABCA 307, la demande d’autorisation d’interjeter appel à la suite du refus d’accorder la qualité pour agir décrite dans la note de bas de page précédente.) Cela s’applique également dans la mesure où la décision du droit d’être entendu dépend de la nature et de l’ampleur de l’incidence économique possible (ATCO Midstream Ltd., supra note 16 au para 10; SemCAMS ULC, supra note 14), ou dépend du degré de proximité ou de connexion physique suffisant entre un droit revendiqué par des peuples autochtones et les travaux proposés (Dene Thá First Nation, supra note 8 au para 14; Prince, supra note 10).

19  Kelly v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2011 ABCA 325, 515 AR 201.

20  Ibid au para 17.

21  Ibid au para 19.

22  Ibid aux para 22-26.

23  Ibid au para 26.

24  Kelly v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2012 ABCA 19, 519 AR 284.

25  Ibid au para 37.

26  Voir par ex, Chemin de fer Canadien Pacifique c. Vancouver (ville), 2006 CSC 5, [2006] 1 RCS 227, aux para 38 et s, et, dans le cadre de la participation publique dans le processus décisionnel à l’égard de la proposition de construire un pont entre le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard; et le critère d’effet direct de la Loi sur la Cour fédérale sur l’accès au contrôle judiciaire, dans Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), supra note 15.

27  Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, CS 2012, c 19, art 52.

28  Articles 28, 43(1)c), 83 (insérant l’article 55.2 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7).

29  National Energy Board, Section 55.2 Guidance – Participation in a Facilities Hearing, en ligne : NEB <http://www. neb-one.gc.ca/clf-nsi/rthnb/pblcprtcptn/pblchrng/prtcptnthrhrnggdncs55_2-eng.pdf>

30  Cette partie est largement inspirée de la présentation de Gordon Kaiser au 5e Forum annuel canadien sur le droit de l’énergie qui a eu lieu à Salt Spring Island le 19 mai 2011.

31  Voir par ex, Toshiba Corporation c. Tribunal antidumping, (1984) ACF no 247 (CA); 173 (Trans-Quebec & Maritimes Pipeline Inc. c. Office national de l’énergie (1984), 8 Admin LR 177 (CAF); et Ciba-Geigy Ltée. c. Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés), [1994] 3 CF 425 (CA), conf (1994), 77 FTR 197.

32  Voir par ex, CIBA-Geigy Ltée., ibid.

33  Pour un exemple récent de refus d’une demande d’autorisation d’interjeter appel d’une ordonnance de divulgation, voir Westridge Utilities Inc. v. Alberta (Utilities Commission), 2010 ABCA 160, 487 AR 205.

34  May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 RCS 809. Voir également 1657575 Ontario Ltd. v. Hamilton (City), supra note 4 au para 25 (juge de la Cour d’appel Rouleau):

La divulgation est un élément fondamental de la justice naturelle aux termes de la  common law et, dans un cadre administratif, l’équité procédurale exige qu’il y ait divulgation, à moins qu’un intérêt divergeant ne l’emporte.

35  Ibid au para 89 (juges LeBel et Fish.).

36  R. c. Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326.

37   Par contre, dans le cadre des procédures de conformité de la Commission de l’énergie de l’Ontario, voir l’arrêt Summitt Energy Management Inc. v. Ontario Energy Board, 2013 ONSC 318 aux para 96-99, où la Cour divisionnaire de l’Ontario, après avoir conclu que les procédures n’étaient pas vraiment des procédures de nature pénale, a confirmé la conclusion de la Commission à l’effet que la demande de divulgation de la part de l’organisme de services publics à la suite d’une vaste divulgation n’était aucunement justifiée. C’était une « décision déraisonnable ».

38  Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 RCS 735.

39  Voir par ex Westridge Utilities Inc. v. Alberta (Utilities Commission), supra note 33 au para 27, où l’évaluation de la pertinence de renseignements par la Commission s’appuyait sur leur caractère raisonnable et non sur leur exactitude.

40  Dans le cadre de procédures d’application tenues par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, la Cour suprême n’a pas simplement appliqué Stinchcombe, supra note 36, mais, en s’appuyant sur un jugement de la Commission des valeurs mobilières sur la pertinence des documents, a confirmé que la Commission avait, pour des motifs raisonnables, conclu que les preuves obtenues par la contrainte devaient être fournies à la partie visée par les procédures: Deloitte & Touche LLP c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2003 CSC 61, [2003] 2 RCS 713 au para 22. Voir également l’arrêt Re Biovail Corp., 2008 LNONOSC 536 (2008), 31 OSCB 7161, où la Commission a conclu que son personnel ne s’était pas acquitté de son obligation d’effectuer une divulgation convenable en fournissant à la partie qui faisait l’objet des procédures une vaste base de données de documents sans identifier, même de façon générale, ceux sur lesquels il avait l’intention de s’appuyer et ceux qu’il considérait autrement pertinents.

41  Re Toronto Hydro-Electric System Ltd., 2009 LNONOEB 46, EB-2009-0308.

42  Ibid au para 24.

43  Ibid aux para 28-34.

44  Ibid au para 29. Voir également Inter Pipeline Fund v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2012 ABCA 208, 533 AR 331, où la Cour a fait droit au rejet d’une requête à la Commission pour une ordonnance demandant au requérant de fournir d’autres renseignements; en effet, conclu que les opposants avaient suffisamment de divulgation pour établir le bien-fondé de leurs arguments, et qu’ils pouvaient, de toute façon, présenter leur propres preuves à l’appui de leur objection.

45  Voir par ex, McCain Foods Ltd. c. Canada (Office national des transports), [1993] 1 CF 583 (CA).

46  Ibid au para 31

47 Loi sur l’exercice des compétences légales, LRO 1990, c S-22 (comme amendé). Voir notamment l’article 4.8 (Règlement extrajudiciaire des différends) et l’article 5.3 (Conférences préparatoires à l’audience). Voir également les articles 22 et 23 des Alberta Energy Regulator Rules of Practice, AR 99/2013 sur les interactions préalables à l’audience entre les témoins-experts et les comités de témoins.

48  R. v. Deputy Industrial Injuries Commissioner, (1964), [1965] 1 QB 456, 488-90 (CA).

49  Voir David P. Jones et Anne S. de Villars, Principles of Administrative Law, 4e éd, Toronto, Carswell, 2004 ch 9 (3) (b).

50  Voir par ex, Husky Oil Operations Ltd. v. Scriber, 2013 ABQB 74 aux para 69-72.

51   Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie) [1994], 1 RCS 159 au para 31. Voir également Direct Energy Regulated Services v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 140, 404 AR 223 au para 12, concluant que la loi albertaine donnait à la Commission « beaucoup de latitude pour décider le type de preuve qu’elle admettrait. » À ce sujet, voir aussi Alberta Surface Rights Board: Husky Oil Operations Ltd. v. Scriber, ibid.

52   Voir toutefois Lavallee v. Alberta (Securities Commission), 2009 ABQB 17, 467 AR 152 (conf. 2010 ABCA 48, 474 AR 295) au para 85, qui cite Alberta Securities Commission v. Brost, 2008 ABCA 326, 440 AR 7, et fait la distinction à ces fins entre le recours à la norme de la décision correcte dans le cas de litiges en matière de prevue qui soulèvent des questions de justice naturelle et la norme de la décision raisonnable pour l’examen de l’exercice de pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l’admission en preuve. Il faut également souligner que la Cour d’appel dans l’arrêt Lavallee, aux paras 6 à 8, a conclu qu’une obligation statutaire d’« accueillir la preuve pertinente à la cause qui est entendue » ne nuisait pas, dans l’ensemble, au pouvoir discrétionnaire de la Commission sur les valeurs mobilières de refuser exceptionnellement d’admettre des preuves pertinentes. Voir également Nova Scotia (Director of Assessment) v. van Driel, 2010 NSCA 87, 296 NSR (2d) 244au para 14, un jugement post-Dunsmuir, qui maintenait que les litiges en matière de fardeau de la preuve dans les procédures d’application de la réglementation devaient être examinés à la lumière de la norme de l’exactitude. Voir, par ailleurs, Big Loop Cattle Co. v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2010 ABCA 328, 490 AR 246 au para 29, où le juge de la Cour d’appel Rowbotham J.A. a conclu que le refus de la Commission de répondre à la demande d’une partie de contraindre un témoin à être présent avait « droit à un degré élevé de retenue en appel. »; Talisman Energy Ltd. v. Energy Resources Conservation Board, 2010 ABCA 258, 487 AR 377, au para 23 (en toute déférence à la décision de refuser d’entendre la contre-preuve); Judd v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2011 ABCA 159, 513 AR 260 au para 27 (déférence à la décision discrétionnaire aux termes d’une disposition législative explicite qui  refusait la présentation de preuve hors délai aux termes des Règles de pratique); Westridge Utilities Ltd. v. Alberta (Utilities Commission), supra note 33 au para 27 (la norme du caractère raisonnable s’applique à l’ordonnance de divulgation de la  Commission; et l’arrêt Deloitte & Touche LLP v. Ontario (Securities Commission), supra note 44, discuté dans la partie sur la divulgation et la communication.

53  Voir par ex, Vancouver Pile Driving Ltd. v. British Columbia (Assessor of Area No. 8 – Vancouver Sea to Sky Region), 2008 BCSC 810, 47 MPLR (4th) 106 aux para 117-18, sur la Property Assessment Appeal Board de la Colombie- Britannique. Dans la mesure où l’octroi de la qualité pour agir est accordé dans le cadre de la participation aux procédures d’application de la réglementation est un facteur d’équité procédurale, il en est de même en ce qui concerne le contrôle judiciaire de décisions portant sur la qualité pour agir : Westridge Utilities Inc. v. Alberta (Director of Environment, Southern Region), supra note 16; Syndicat des travailleuses et travailleurs de ADF – CSN c. Syndicat des employés de Au Dragon Forgé, 2013 QCCA 793 aux para 46-47.

54  Canada ((Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 61 (juge Binnie).

55  Supra note 6.

56  Supra note 7.

57  Supra note 6.

58  Pour une illustration de retenue à l’égard de l’exercice du pouvoir par un organisme de réglementation aux termes de cet article, voir l’arrêt Talisman Energy Ltd., supra note 52.

59   Une autorité partagée avec le lieutenant gouverneur en conseil dans le cas d’un organisme de réglementation en matière d’énergie. Voir les articles 60 et 61 de la Responsible Energy Development Act.

60  Loi sur l’exercice des compétences légales, LRO: 1990, c S-22 (comme modifié).

61  Cette disposition s’applique vraisemblablement aux organismes de réglementation en matière d’énergie de l’Alberta, même s’il n’y a aucune allusion précise à cet égard ni dans leurs lois constitutives ni dans la Administrative Procedures and Jurisdiction Act, supra note 6. Cet argument s’appuie sur l’attribution par la Cour suprême du Canada du statut quasi-constitutionnel à diverses formes de privilèges relatifs à la preuve : Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), 2006 CSC 31, [2006] 2 RCS 32 et Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, [2008] 2 RCS 574. Pour une récente discussion sur les privilèges relatifs à la preuve au sein du processus administratif, voir Simon Ruel, “What Privileges Arise in the Administrative Context, and When?” (2013), 26 Canadian Journal of Administrative Law & Practice 141.

62  Il est utile de souligner à cet égard que l’article 4(a) de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act de l’Alberta prévoit que les parties à l’instance ont le droit de produire la « preuve pertinente ». On pourrait soutenir qu’il est entendu que les tribunaux régis par cette loi n’ont pas le droit d’admettre de preuve non pertinente ou, tout au moins, d’accorder quelque poids que ce soit à une telle preuve

63  Ibid.

64  Voir à cet effet Lavallee v. Alberta (Securities Commission), supra note 52.

65  Sarg Oils Ltd. v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2008 ABCA 198. (En appel, la Cour d’appel de l’Alberta rejeta l’argument de l’appelante selon lequel la Commission avait mal compris la nature de l’enjeu en cause : Sarg Oils Ltd. v. Alberta (Energy and Utilities Board, 2011 ABCA 56). (Voir également Lavesta Area Group v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 194, et Bur v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 210, deux autres décisions sur des demandes d’autorisation d’interjeter appel.

66  Ibid au para 3. Telle est la principale composante du critère pour interjeter appel dans les instances sur l’énergie en Alberta. Pour des résumés récents sur les divers facteurs dont il faut tenir compte dans ces décisions, voir Wood Buffalo (Regional Municipality) v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 192, 417 AR 222 aux para 4-5 (juge de la Cour d’appel Slatter) et Atco Gas and Pipelines Ltd. v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2008 ABCA 382 au para 10 (juge de la Cour d’appel Paperny).

67  Ibid. au para 8. Pour les décisions de la Cour suprême du Canada similaires, voir Toronto Newspaper Guild c. Globe Printing Co., [1953] 2 RCS 18, et Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 RCS 471.

68  Voir également Transcanada Pipelines Ltd. c. Office National de l’Énergie, 2004 CAF 149, 319 NR 171, discuté en détails par le juge de la Cour d’appel Robertson dans l’arrêt Enbridge Gas New Brunswick Ltd. c. Commission de l’énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick, 2011 NBCA 36 aux para 16-23.

69  Pour des récits qui servent d’avertissement dans le cadre des tribunaux  ordinaires, voir R. v. Felderhof, [2002] OJ No. 4103, conf (2003), 68 OR (3e) 481, 235 DLR. (4e) 131 (Div Ct) (CA), et Bande de Sawridge c. Canada, 2005 CF 607, 265 FTR1; 2006 CF 656, 293 FTR 175; et 2008 CF 322, 319 FTR 217.

70  Voir par ex Gooliah v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1967), 63 DLR (3e) 224 (CA); Golomb v. Ontario (College of Physicians and Surgeons (1976), 68 DLR (3e) 25 (Ont). Voir par ex Yusuf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1991), 7 DLR LR (2e) 86 (CAF); Brett v. Ontario (Board of Directors of Physiotherapy) (1993), 104 DLR (4e) 421 (Div Ct) (CA) (Comportement de l’avocat du tribunal); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (antagonisme divulgué dans une audience sur dossier).

71  Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 60N v. Abitibi Consolidated Company of Canada, 2008 NCLA 4.

72  Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y aura pas de questions procédurales en litige complexes qui seront soulevées sur la façon de régler la contestation au niveau du tribunal. Dans la plupart des cas, toutefois, toute partie qui conteste devrait pouvoir fournir les faits et les arguments sur lesquels elle s’appuie au moyen d’une déclaration ou d’un plaidoyer écrit soumis au tribunal. Le membre du comité qui fait l’objet de la contestation pourra alors faire sa propre déclaration. Enfin, une décision sera rendue une fois qu’auront été soumises ces déclaration écrites ou verbales.

73  Pour l’exemple d’un organisme de réglementation en matière d’énergie qui a finalement pris en charge une contestation fondée sur une crainte raisonnable de partialité, voir l’histoire du Lavesta Area Group et de l’Alberta Energy and Utilities Board, où l’audience de la Commission a été menacée par le comportement inapproprié du personnel de sécurité embauché par la Commission par suite de perturbations durant cette audience. La Commission a finalement déclaré de son propre chef que l’audience et les décisions liées à celle-ci portant sur une crainte raisonnable de partialité seraient annulées (Board Decision 2007-075), ce qui a amené la Cour d’appel de l’Alberta à accueillir les appels qui s’appuyaient sur la décision de la Commission: Lavesta Area Group v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2007 ABCA 365. À noter, cependant, que l’arrêt Lavesta Area Group v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2009 ABCA 155, a rejeté l’argument selon lequel la Commission ne pouvait pas par la suite rendre de décision sur les dépens découlant des instances, au motif qu’il y avait une question de partialité institutionnelle. La Cour d’appel a conclu qu’il était approprié de confier l’examen de cette question à des membres de la Commission récemment nommés. Après quoi, il y eut à nouveau une contestation découlant de cette affaire. L’enjeu ici portait sur la signification d’une ligne directrice qui avait été émise par la Commission d’alors, assurant que les membres qui avaient participé aux premières décisions contestées ne seraient plus assignés à des comités portant sur la question en litige; l’enjeu consistait également à déterminer si, de toute façon, la participation de ces membres dans toute instance subséquente impliquant ce projet pourrait susciter une crainte raisonnable de partialité. La Cour d’appel a accordé l’autorisation d’interjeter appel au motif que les deux questions en litige étaient des questions de droit significatives : Lavesta Area Group Inc. v. Alberta (Energy and Utilities Board), 2011 ABCA 108, et en appel de ce jugement, 2012 ABCA 84, 522 AR 88, la Cour a conclu que le membre dont la participation était contestée n’avait aucun lien avec les audiences sur lesquelles s’appuyaient les premières allégations de partialité, que le lien entre l’audience actuelle et ces instances était très faible et qu’il s’était écoulé suffisamment de temps pour faire disparaître toute trace à cet égard. Voir para 28 à 30.

74  Supra note 71 au para 35.

75  SOS-Save Our St. Clair Inc. v. Toronto (City), (2005), 78 OR (3e) 331 (Div Ct).

76  Ibid au para 21.

77  Voir Par ex Ontario College of Art v. Ontario (Human Rights Commission) (1993), 11 OR (3e) 798 (Div Ct), and Air Canada c. Lorenz, [2000] 1 CF 494 (CA).

78  Committee for Justice and Liberty v. National Energy Board, [1978] 1 RCS 369.

79  Lavesta Area Group (2012), supra note 73 au  para 24.

80  Ibid au para 27.

81  Valente c. La Reine [1985] 2 RCS 673.

82  Shaw v. Alberta (Utilities Commission), 2012 ABCA 100.

83  Ibid au para 17.

84  Shaw v. Alberta (Utilities Commission), 2012 ABCA 378, 513 AR 315. La cour a rejeté l’argument de Shaw selon lequel, nonobstant l’autorité conférée par la loi au Ministre de décider si le développement d’un projet de ligne de transmission était nécessaire, la Commission détenait encore l’autorité, du fait de son mandat en matière d’intérêt public, de revoir cette question.

85    Voir Report to the Canadian Judicial Committee of the Inquiry Committee appointed under section 63(3) of the Judges Act to conduct an investigation into the conduct of Mr. Justice Theodore Matlow, a Justice of the Ontario Superior Court of Justice, émis le 28 mai 2008.

86    Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 RCS 623.

87    Ibid au para 27.

88    Ibid.

89  Ibid.

90  Rowan v. Ontario Securities Commission, 2012 ONCA 208, 110 OR (3) 492.

91  Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.

92 Voir, toutefois, Summitt Energy Management Ltd. v. Ontario Energy Board, supra note 37, qui a rejeté une contestation fondée sur la partialité au cours de procédures d’application auxquelles participait un avocat indépendant dont le cabinet avait représenté les concurrents de l’intimée dans une affaire totalement distincte : « Vu le besoin d’expertise de la Commission, il est fort probable que tout avocat indépendant dont celle-ci retiendra les services aura de l’expérience préalable dans le secteur de l’énergie  » (au para 57).

93  Paul c. Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission), 2003 CSC 55, [2003] 2 RCS 585. Ces questions seront analysées à fond ci-dessous ainsi qu’à l’article 14.

94  Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54, [2003] 2 RCS 504.

95  Du moins lorsqu’il s’agit uniquement d’une question de droit. Lorsqu’il s’agit d’un contexte où le pouvoir discrétionnaire implique des garanties et valeurs constitutionnelles, la Cour suprême du Canada reconnaît maintenant la possibilité d’un contrôle de raisonnabilité empreint de déférence à l’égard de la révision de pouvoirs discrétionnaires effectuée par des tribunaux administratifs, à condition que le décideur reconnaisse les principes juridiques applicables: voir Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 RCS 395.

96   R. c. Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 RCS 765.

97  Supra note 6.

98   L’article 10(b) donne une définition large à l’expression « question de droit constitutionnel », qui comprend non seulement les contestations se rapportant à la Constitution canadienne et à l’Alberta Bill of Rights et à « l’applicabilité et la validité » des lois fédérales et albertaines, mais également à « la détermination d’un droit aux termes de » la Constitution canadienne et de l’Alberta Bill of Rights.

99  Supra note 91 art 12(1).

100   Alta. Reg. 69/2006, Schedule 1 [comme amendé par AR 89/2013, art 31]. En fait, depuis le 1er janvier 2007, l’Alberta Energy and Utilities Board a été scindée en deux entités, l’Alberta Utilities Commission et l’Alberta Energy Resources Conservation Board. Le règlement a été modifié à nouveau et l’Alberta Energy Regulator a été remplacé par l’Energy Resources Conservation Board: voir Miscellaneous Corrections (Alberta Energy Regulator) Regulation, AR 89/2013, article 31 (29 mai 2013, entré en vigueur le 17 juin 2013 aux termes de l’article 49). Il faut toutefois souligner que l’article 21 de la Responsible Energy Development Act prévoit :

L’organisme de réglementation n’a pas de compétence pour évaluer le caractère suffisant d’une consultation avec la Couronne liée aux droits des peuples autochtones conformément à ce qui reconnu et affirmé aux termes de la Partie II de la Loi constitutionnelle.

L’objectif de cette disposition est probablement d’indiquer clairement que le nouvel organisme de réglementation en matière d’énergie n’a non seulement pas d’autorité pour mener des consultations avec les peuples autochtones, mais n’a pas non plus d’autorité pour évaluer les efforts de consultation de la Couronne. Elle contredit également et supplante probablement l’annexe 1, qui confère la compétence à l’Alberta Energy Regulator de trancher toutes les questions de droit constitutionnel dont il est saisi.

101  Administrative Tribunals Act, SBC 2004, c 45, art 43-45.

102  Petroleum and Natural Gas Act, RSBC 1996, c 361, art 13(6), modifié par l’Administrative Tribunals Act.

103  Utilities Commission Act, RSBC 1996, c 473, art 2(4), modifié par l’Administrative Tribunals Act.

104  Constitutional Question Act, RSBC 1996, c 68.

105  Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, [2010] 2 RCS 650.

106  Ibid au para 72.

107  Administrative Procedures and Jurisdiction Act, supra note 6 art 12.

108  Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 RCS 756.

109  Voir notamment, National Steel Car Ltd. v. United Steelworkers of America, Local 7135, [2006] OJ No. 4868, 218 OAC 207 au para 31  (CA), (juge de la Cour d’appel MacPherson).

110  Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

111  Voir George Vegh, « Is There a Doctrine of Canadian Public Utility Law?, selon qui il ne pourra y avoir de système de droit bien établi en matière de services publics au Canada jusqu’à ce que l’on reconnaisse davantage la jurisprudence à cet égard et que l’on instaure au moins un contrôle judiciaire limité à l’égard des incohérences. (2007), 86 Canadian Bar Review 319.

112   Voir le jugement de la juge de la Cour d’appel Feldman dans l’arrêt Investment Dealers Association of Canada v. Taub, 2009 ONCA 628, 98 OR 169 aux para 61-67, selon qui, afin de veiller à ce qu’un tribunal n’applique pas éventuellement, dans un autre cas, une décision qu’une cour de révision aurait préalablement jugé raisonnable, mais non nécessairement bien fondée, crée un problème de primauté du droit, notamment en ce qui concerne le principe suivant lequel la loi doit s’appliquer de façon égale à tous ceux qu’elle touche. Elle renvoyait à cet égard à un raisonnement similaire du juge de la Cour d’appel Juriansz dans l’arrêt Novaquest Finishing Inc. v. Abdoulrab, 2009 ONCA 491, 95 OR (2e) 641 au para 48. Toutefois, cette idée a par la suite été tuée dans l’œuf par un jugement du juge Fish J. de la Cour suprême du Canada dans un cadre de réglementation en matière d’énergie : Smith c. Alliance Pipeline, 2011 CSC 7, [2011] 1 RCS 160. Dans cette décision, sans faire allusion aux arrêts de l’Ontario, le juge,  en réponse à un argument selon lequel l’existence de décisions de tribunaux contradictoires sur une question de droit était déraisonnable, déclara (au para 39). D’ailleurs, même avant l’arrêt Dunsmuir, la norme de la décision raisonnable a toujours « [reposé] sur l’idée qu’une disposition législative peut donner lieu à plus d’une interprétation valable, et un litige, à plus d’une solution », de telle sorte que « la cour de révision doit se garder d’intervenir lorsque la décision administrative a un fondement rationnel. » (Dunsmuir au para 41).

113  Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique, section locale 2-69 c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 RCS 282.

114  Tremblay c. Québec (Commission des affaires sociales) [1992] 1 RCS 952.

115  Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4, [2001] 1 RCS 221.

116   Il s’agit, en d’autres termes, des principes énoncés dans l’arrêt 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919, dans le cadre quasi-constitutionnel de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Même lorsque les droits et libertés constitutionnels ou quasi-constitutionnels ne sont pas en jeu, les principes de la Common Law régissant la partialité et le manque d’indépendance seraient presque assurément invoqués à l’encontre de la participation de ceux qui exercent des fonctions liées à l’application ou aux poursuites, notamment dans le cadre de régimes où, à tous autres égards, il y a une séparation entre ces fonctions au sein des activités de l’organisme de réglementation en matière d’énergie.

117   Dans l’arrêt Ellis-Don, la Cour indique clairement qu’elle pourrait accorder aux tribunaux et organismes  une « présomption d’innocence » très large dans les litiges où il y aurait des allégations que les limites de Consolidated- Bathurst auraient été dépassées. Ce sera surtout sous forme d’une immunité lorsqu’il y aura contrainte à témoigner sur ce qui s’est réellement passé durant les consultations en question.

118  La présente partie de mon article est tirée, dans une large mesure, de discussions que j’ai eues avec Keith Bergner au cours d’un certain nombre d’années et de discussions durant le second Energy Regulatory Forum et le 5e Forum annuel canadien sur le droit de l’énergie avec, entre autres, Chris Sanderson et Patrick Keys. Il me faut toutefois ajouter que je ne pense pas que nous ayons trouvé de terrain d’entente sur l’état actuel du droit à cet égard!

119   Les arrêts de principe à cet égard sont Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 RCS Les arrêts de principe à cet égard sont Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 74, [2004] 3 RCS 550; et Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69, [2005] 3 RCS 388.

120  Première Nation Dene Tha’ c. Canada (Ministère de l’Environnement), 2006 CF 1354, 303 FTR 106.

121  Canada (Ministère de l’environement) c. Première nation Dene Thai, 2008 CAF 20, 378 NR 251.

122  Supra note 51 à la p 183.

123  Voir les arrêts Carrier Sekani, supra note 104, et Kwikwetlem First Nation v. British Columbia (Utilities Commission), 2009 BCCA 68, 89 BCLR (4th) 273.

124  Nation Ojibway de Brokenhead c. Canada (Procureur général), 2009 CF 484, 345 FTR 119.

125  Ibid au para 25.

126  Première nation dakota de Standing Buffalo c. Enbridge Pipelines Inc., 2009 CAF 308, [2010] 4 FCR 500.

127  Ibid au para 34, s’appuyant sur le jugement de l’Office national de l’énergie de 1994.

128  Ibid aux para 25-33.

129  Ibid aux para 36, 38 et 40. À la lumière de ce qui précède, la question de fond dans l’arrêt Sweetgrass First Nation c. Canada (Office national de l’énergie), 2010 CF 535, 365 FTR 254 est fascinante. La Première nation voulait empêcher l’Office de tenir une audience jusqu’à ce que la Couronne l’ait consulté sur les droits des peuples autochtones visés par l’instance, ce à quoi la Couronne a répondu qu’elle avait le droit de se fier aux processus de l’Office pour remplir ses obligations de consultations. La Cour fédérale ne s’est pas rendue au stade de l’examen du fond de la question en litige et elle a conclu que de telles questions ne relevaient pas de la compétence de la Cour fédérale.

130  Supra note 106.

131  L’autre arrêt était Kwikwetlem First Nation v. British Columbia (Utilities Commission), supra note 123.

132   Implicitement, cela semble aller à l’encontre de la position Iacobucci dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie), supra note 51, selon laquelle un tel pouvoir est incompatible avec l’indépendance des organismes et tribunaux quasi-judiciaires de réglementation.

133  Supra note 105 notamment aux para 56, 60, et 74.

134  Ibid notamment aux para 68-70.

135  Beckman c. Première nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53, [2010] 3 RCS 103.

136  Standing Buffalo Dakota First Nation v. Enbridge Pipelines Inc., [2009] SCCA No. 499 (QL).

137  Toutefois, dans deux décisions, l’ECRB [Energy Resources Conservation Board de l’Alberta] a décidé qu’elle n’avait pas cette autorité à cause des dispositions de sa loi constitutive et, à la différence de l’affaire Carrier Sekani, supra note 106, parce que sa décision mettrait en cause un organisme de la Couronne à titre de promoteur et qu’elle ne porterait pas sur la question de savoir si la Couronne avait rempli son obligation de consultation dans le cadre de la demande d’un promoteur du secteur privé : ECRB, Reasons for July 17, 2012 Decision on Notice of Question of Constitutional Law, Osum Oil Sands Corp., Taiga Project, 24 août 2012 (demande d’autorisation d’interjeter appel rejetée au motif que la décision sur la question en litige était prématurée : Cold Lake First Nations v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2012 ABCA 304), décision du Joint Review Panel, Projet Jackpine Mine Expansion, 26 octobre 26 2012 (demande d’autorisation d’interjeter appel rejetée au motif que cet appel ne serait d’aucune utilité : Métis Nation of Alberta Region 1 v. Joint Review Panel, 2012 ABCA 352, 539 AR 146). En outre, comme souligné dans Responsible Energy Development Act, 2012, supra note 100, l’article 21 de la a retiré ce pouvoir au successeur de l’ECRB, l’Alberta Energy Regulator. Quant aux deux décisions de l’ECRB, Nigel Bankes estime qu’elles ont mal compris la position adoptée par la Cour suprême dans l’arrêt Carrier Sekani : voir « Who decides if the Crown has met its obligation to consult and accommodate? », ABlawg.ca, 6 septembre 2012.

138   Voir également Métis Nation of Alberta Region 1 v. Joint Review Panel, ibid, demande d’autorisation d’interjeter appel rejetée : [2013] SCCA No. 33 (11 avril 2003), confirmant une entente entre la Couronne fédérale et l’Alberta Energy Resources Conservation Board selon laquelle le Joint Review Panel ne pouvait trancher les questions portant sur le caractère adéquat des consultations de la Couronne avec les peuples autochtones.

139   À noter, toutefois, que l’arrêt Prince v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), supra note 10, a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel d’une décision de la Commission selon laquelle la question en litige avait pas eu d’effets directs et préjudiciables sur les intérêts des peuples autochtones.

140  Behn c. Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26 au para 30.

141  Voir le jugement de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Haida Nation, supra note 119.

142  Et, notamment, l’arrêt Première nation crie Mikisew, supra note 119.

143   Voir les arrêts suivants pour des exemples de conflits complexes qui peuvent surgir, qu’il y ait eu ou non es consultations adéquates : Nlaka’pamuz Nation Tribal Council v. British Columbia (Project Assessment Director, Environmental Assessment Office), 2009 BCSC 1275, et West Moberly First Nations v. British Columbia (Ministry of Energy, Mines and Petroleum Resources), 2010 BCSC 359, 6 BCLR (5e) 94, conf. 2011 BCCA 247, 18 BCLR (5e) 234.

144  Supra note 70.

145   Administrative Procedures and Jurisdiction Act, RSA 2000, c A-3, art 7(1), obligatoire pour les tribunaux à qui s’applique cette Loi lorsqu’ils rendent une décision visant les « droits d’une partie ».

146  Loi sur l’Exercice des compétences légales, LRO 1990, c S-22, art. 17(1), exigé si une partie en fait la demande à un décideur à qui s’applique la Loi.

147  Voir les arrêts Judd v. Alberta (Energy Resources Conservation Board), supra note 52, et Regional Electricity Transmission for Albertans Assn. v. Alberta (Infrastructure and Transportation), 2013 ABQB 162, pour des exemples de contestations qui ont échoué.

148  Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708.

149  Supra note 110 au para 47.

150  Supra note 52 au para 23.

151  Supra note 147 au para 16.

152  Ibid au para 18.

153  Dans l’arrêt Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, [2011] 2 FCR 221 au para 163.

154   Supra note 129 au para 18, citant le mémoire des intimés. Voir également le jugement du juge Rothstein dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 aux para 52-56, concernant les situations où les motifs n’étaient pas exigés et où aucun d’entre eux n’a été fourni.

155  Dans un cadre de réglementation en matière d’énergie, voir l’arrêt Responsible Electricity Transmission for Albertans Assn. v. Alberta (Infrastructure and Transportation), supra note 147, exonérant le ministre de l’obligation de fournir des motifs pour autoriser le démarrage d’un projet, mais concluant (aux para 32- 42) que, même si des motifs étaient exigés, ils pourraient être tirés du dossier des procédures soumis en preuve à la Cour.

156  Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, [2011] 4 FCR 425 au para 14.

157  Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 RCS 247.

158  Ibid au para 61.

159  Supra notes 108- 12 et texte correspondant.

160  Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 (jugement concordant de la juge en chef McLachlin).

161  Ibid au para 79.

162  Ibid au para 16 (juge Abella J., (jugement concordant des juges LeBel, Fish, Cromwell, Karakatsanis et Wagner).

163   Power Workers’ Union (Canadian Union of Public Employees, Local 1000) v. Ontario (Energy Board), 2013 ONCA 359.

164  Ontario Power Generation Inc. v. Ontario (Energy Board), 2012 ONCA 729, 109 OR (3d) 576 (Div Ct). (juge Hoy (à l’époque) (jugement concordant de la juge Swinton et jugement dissident de la juge Aitken).

165   Enbridge Gas Distribution Inc. v. Ontario (Energy Board) (2006), 210 OAC 4 (C.A.), demande d’autorisation d’interjeter appel à la CSC rejetée, [2006] SCCA 208 (QL), et confirmant que les coûts engagés comprennent les frais d’exploitation.

166 Supra note 164 au para 37.

167  Supra note 129.

168  L’un de ces cas portait sur la norme de la décision correcte dans le cadre d’une erreur de compétence. À cet égard, il est intéressant de noter que le droit sur la réglementation en matière d’énergie révèle deux excellents, rares exemples à la suite de Dunsmuir, où la Cour d’appel a défini une question en litige dont était saisi le tribunal comme une question de compétence et devant donc répondre à la norme de la décision correcte. Voir les arrêts Shaw v. Alberta (Utilities Commission), supra note 84, et Newfoundland and Labrador Hydro v. Newfoundland and Labrador (Board of Commissioners of Public Utilities), 2012 NLCA 38, 323 Nfld & PEIR 127.

169  Supra note 112.

170 Supra note 154 au para 30.

171  Ibid au para 85.

172   Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 RCS 471.

173  Voir par ex, le jugement de la juge Abella dans l’arrêt Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CSC 37, [2012] 2 RCS 345, et la réaction à cet égard du juge Rothstein aux para 57-60.

174   Pour un excellent exemple post-Dunsmuir illustrant qu’il est parfois difficile d’obtenir un contrôle judiciaire qui repose sur la norme du caractère raisonnable dans le cadre d’une décision ciblant les faits pertinents, voir l’arrêt Mills v. Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal), 2008 ONCA 436, 237 OAC 71.

175   La décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt National Labor Relations Board v. Hearst Publications Inc., 322 US 111 (1944), est un merveilleux exemple de ce type d’approche.

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