Éditorial

Le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie arrive à un moment où le Canada court véritablement le risque de ne pas atteindre ses objectifs en matière de réduction des émissions de carbone. Cependant, il n’est pas le seul à se trouver dans cette situation, car la majorité des pays affichent des retards à ce sujet.

Pour atteindre leurs objectifs en matière d’émission de carbone, la plupart des pays doivent moderniser et étendre considérablement leur réseau électrique, ce qui pose deux problèmes majeurs. Tout d’abord, les dépenses liées aux nouveaux actifs de production, de distribution et de transmission augmenteront considérablement. Deuxièmement, comme bon nombre de ces actifs font appel à des technologies nouvelles et non éprouvées, en cas de défaillance de celles-ci, les coûts et les retards pourraient alors être encore plus considérables.

Pour relever ce défi, le gouvernement fédéral du Canada apporte de nouvelles et importantes modifications à sa réglementation. Le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie traitre de quatre d’entre elles : un nouveau crédit d’impôt, un nouveau règlement sur l’énergie propre, de nouveaux investissements dans les petits réacteurs nucléaires et les parcs éoliens extracôtiers.

Nouvelle politique énergétique fédérale

Nouveau crédit d’impôt

Le 4 août 2023, le gouvernement fédéral a annoncé un projet de loi à propos d’un nouveau crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres, dont fait l’objet un article détaillé du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie de la part de Colena Der, de Jake Sadikman et d’Edward Rowe, du cabinet d’avocats Osler.

Le crédit d’impôt de 30 % s’applique à certains types de biens admissibles, notamment les technologies de production d’électricité sans émissions, telles que l’énergie solaire, l’énergie éolienne, les petites centrales hydroélectriques, les petits réacteurs nucléaires et les systèmes de stockage d’électricité qui ne sont pas alimentés par des combustibles fossiles.

Pour que le bien soit admissible, il doit s’agir d’un équipement neuf situé au Canada et destiné à être utilisé exclusivement au Canada. Le crédit vise les biens admissibles acquis depuis le 28 mars 2023. Un bien est considéré comme étant « acquis » lorsqu’il est prêt à être utilisé. Précisons que ce crédit d’impôt sera offert pendant dix ans.

Nouveau règlement sur l’électricité propre

Le 10 août 2023, soit moins d’une semaine après l’annonce par le gouvernement fédéral du projet de loi sur les nouveaux crédits d’impôt, celui-ci a publié un projet de règlement sur l’électricité propre. Le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie traite de ce projet de règlement dans son article de la part de Dufferin Harper, du cabinet d’avocats Blakes à Toronto.

Le projet de règlement établit des normes de rendement strictes en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) qui viseront l’électricité produite à partir de combustibles fossiles au Canada. À compter du 1er janvier 2025, ce règlement s’appliquera à toute unité de production d’électricité (UPE) qui remplit les trois conditions suivantes :

  1. L’UPE a une capacité de production d’électricité égale ou supérieure à 25 MW.
  2. L’UPE produit de l’électricité à partir de combustibles fossiles.
  3. L’UPE est raccordée à un réseau électrique soumis à la norme de la North American Electricity Reliability Corporation (NERC).

Une UPE qui exporte plus d’électricité sur un réseau électrique soumis à la norme de la NERC qu’elle n’en importe d’un tel réseau au cours d’une année civile doit respecter une norme de rendement relative à l’intensité moyenne annuelle des émissions de 30 tonnes de CO2 par GWh. À compter du 1er janvier 2035, la norme de rendement s’appliquera à toute :

  1. UPE brûlant du charbon ou du coke de pétrole;
  2. UPE mise en service après le 1erjanvier 2025;
  3. UPE qui a augmenté sa capacité de production d’électricité de 10 % ou plus depuis son enregistrement.

L’article de Dufferin Harper traite plus en détail des conditions de la nouvelle loi, mais on peut affirmer sans risque de se tromper que celle-ci suscitera des réactions mitigées. On peut commenter le projet de règlement d’ici le 2 novembre 2023.

Petits réacteurs nucléaires

L’article suivant porte sur l’ampleur des efforts déployés par le gouvernement fédéral pour faire progresser les énergies renouvelables au Canada. Il s’agit d’un article de John Richardson et de Christopher Mabry, de l’université Simon Fraser en Colombie-Britannique, qui s’intitule « De l’énergie quand vous en avez besoin : les arguments en faveur des petits réacteurs nucléaires ».

Les petits réacteurs nucléaires sont des réacteurs nucléaires qui produisent moins de 30 MW d’électricité. Ils sont beaucoup plus petits que les centrales nucléaires traditionnelles qui produisent généralement plus de 800 MW. Leur capacité évolutive et leurs plus faibles coûts de construction font en sorte qu’elles peuvent répondre aux besoins des communautés isolées et de certains secteurs industriels.

Trois provinces, soit l’Ontario, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick, participent activement à cette initiative depuis 2019. De son côté, l’Alberta a emboité le pas en avril 2021. À l’avenir, les petits réacteurs modulaires (PRM) seront également admissibles aux crédits d’impôt mentionnés ci-dessus, alors que le financement fédéral des trois dernières années s’est déjà révélé essentiel.

La première installation qui sera mise en service, soit d’ici 2028, est située à Darlington, en Ontario, et la Banque de l’infrastructure du Canada y investit 970 millions de dollars. Le projet suivant sera celui de la Saskatchewan, qui bénéficie d’un financement de 74 millions de dollars de la part du gouvernement fédéral. De plus, un autre modèle de PRM est en cours de développement à la centrale nucléaire d’Énergie Nouveau-Brunswick, située à Point Lapreau. Cette installation devrait être opérationnelle d’ici 2030.

La technologie nucléaire est complexe, mais le Canada possède depuis longtemps des compétences bien reconnues dans ce domaine. Or, seules les provinces de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick ont eu recours au nucléaire pour produire de l’électricité jusqu’à présent. Cette situation est sur le point de changer, comme le souligne Richards Mabry dans son article, qui s’appuie sur une étude plus vaste réalisée par l’institut CD Howe de Toronto, et qui propose une analyse détaillée des coûts et des avantages de cette nouvelle technologie importante.

Parcs éoliens extracôtiers

Le dernier des quatre secteurs dans lesquels le gouvernement fédéral a récemment pris des mesures pour développer les énergies renouvelables est celui de l’énergie éolienne en mer dans l’océan Atlantique. Le Canada a été lent à développer ce secteur. De son côté, l’Ontario a lancé un projet de développement de parcs éoliens dans le lac Ontario il y a dix ans, mais l’a interrompu deux ans plus tard en se retrouvant avec une réclamation de plusieurs millions de dollars en vertu de l’ALENA.

La côte atlantique pose un problème plus complexe que le lac Ontario en raison de la présence de plusieurs compétences territoriales (internationales, nationales et provinciales). La solution à ce problème repose davantage sur la modification du cadre réglementaire que sur les fonds disponibles.

Le 30 mai 2023, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-49 visant à modifier l’Accord atlantique Canada-Terre-Neuve-et-Labrador et l’Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Ce projet de loi établit un cadre de développement et de réglementation des projets extracôtiers permettant d’encadrer davantage les projets pétroliers actuels et de clarifier les règles en matière de compétences territoriales au pays.

Selon le projet de loi C-49, les pouvoirs de réglementation de l’énergie éolienne extracôtière sont conférés à deux actuels conseils extracôtiers gérés conjointement et actuellement exclusivement responsables de la réglementation des projets pétroliers et gaziers extracôtiers. De plus, deux nouveaux conseils ont été créés, soit la Régie de l’énergie extracôtière Canada-Nouvelle-Écosse et la Régie de l’énergie extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador. Ces deux organismes régissent tous les aspects des activités liées aux énergies renouvelables, y compris la sécurité, la protection de l’environnement, les mises hors service et les redevances. Les organismes de réglementation peuvent également procéder à des évaluations environnementales et à des audiences publiques, ainsi qu’établir des programmes de résolution des litiges.

Le projet de loi C-49 comprend également une série de modifications plus générales portant sur les aspects environnementaux, de compétence territoriales et d’application des lois existantes. Bien que ce projet de loi n’ait pas encore été adopté, la Nouvelle-Écosse s’est déjà fixé pour objectif d’accorder 5 GW de concessions d’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière d’ici 2030, dans le but déclaré d’encourager la production d’hydrogène vert. Les concessions dans le cadre de ce programme devraient commencer à être accordées en 2025.

Dans le cadre de cette initiative, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a publié, le 14 juin 2023, la première version de sa feuille de route de l’éolien au large de la province, qui décrit sa vision pour l’industrie de l’énergie éolienne extracôtière.

L’article du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie qui traite de ces projets éoliens extracôtiers est rédigé par cinq auteurs du cabinet d’avocats McCarthy à Montréal, soit Dominique Amyot-Bilodeau, Louis-Nicolas Boulanger, Elena Sophie Drouin, Kimberly Howard et Jacob Stone. Il mérite d’être lu attentivement, car ce secteur pourrait prendre beaucoup d’importance au Canada.

LES PROVINCES

L’Ontario et la Colombie-Britannique ont récemment joué un rôle actif pour faire avancer les énergies renouvelables.

De son côté, l’Ontario a fait équipe avec le gouvernement fédéral et a dépensé des millions de dollars pour concevoir deux usines afin de produire des batteries au lithium qui viendront soutenir les projets de la province favorisant l’usage des véhicules électriques.

Plus récemment, les gouvernements de l’Ontario et du Québec se sont associés dans le cadre d’un accord très novateur portant sur l’échange d’énergie afin de réduire la demande sur les deux réseaux provinciaux. L’exploitant indépendant du réseau d’électricité de l’Ontario et Hydro-Québec ont ainsi convenu d’échanger jusqu’à 600 MW d’énergie chaque année.

L’accord est logique, car la majorité de l’énergie utilisée dans les deux provinces provient d’énergies renouvelables — l’énergie nucléaire dans le cas de l’Ontario et l’énergie hydroélectrique dans le cas du Québec. L’échange fonctionne également, car l’Ontario et le Québec ont des pics énergétiques différents. La demande énergétique de l’Ontario atteint son maximum l’été, en raison des besoins en climatisation, tandis que celle du Québec culmine l’hiver, en raison du chauffage électrique lorsqu’il fait froid. L’accord durera 10 ans et fera l’objet de révisions tout au long de cette période afin de modifier les quantités échangées, si nécessaire.

Quant à elle, la Colombie-Britannique est depuis longtemps avant-gardiste en matière d’énergies renouvelables, grâce aux objectifs énergétiques ambitieux de la province et à la capacité d’utiliser le pouvoir de marché et la technologie de la British Columbia Electric Hydro & Power Authority, dont la province est propriétaire.

De plus, la Colombie-Britannique a récemment pris des mesures pour affiner et concevoir un nouveau régime de réglementation de l’énergie qui prévoit de nouvelles responsabilités et une compétence élargie. C’est ce qu’explique un article de Sasa Jarvis, Ralph Cuervo-Lorens, Sean Ralph et Jordan Ghag, du cabinet McMillan, dans le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie.

Le 24 novembre 2022, le gouvernement provincial a promulgué l’Energy Statutes Amendment Act de la Colombie-Britannique afin d’établir un régime réglementaire complet allant au-delà du pétrole et du gaz pour englober les « ressources énergétiques », qui comprennent l’hydrogène, le pétrole, le gaz naturel, le méthanol et l’ammoniac. Cette loi élargit le champ d’application du régime réglementaire de l’Oil and Gas Commission, change son nom en British Columbia Energy Regulator et introduit de nouvelles responsabilités potentielles pour les personnes responsables.

L’une des principales modifications législatives consiste à changer l’objectif de l’Energy Resource Act en vue d’élargir le mandat de l’organisme de réglementation pour encadrer les activités liées aux ressources énergétiques de manière à protéger la sécurité publique et l’environnement; à soutenir la réconciliation avec les peuples autochtones et la transition vers une énergie à faible teneur en carbone; à conserver les ressources énergétiques; et à favoriser une économie saine et le bien-être social.

Il convient de souligner que le gouvernement ontarien est en train de revoir les objectifs de sa Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario. Dans le milieu de la réglementation de l’énergie, les objectifs et les raisons d’être énoncés dans les lois définissent la compétence des tribunaux. Il ne serait pas surprenant que les modifications législatives de l’Ontario ressemblent à celles qui ont été récemment adoptées en Colombie-Britannique.

La nouvelle loi de la Colombie-Britannique définit également, de manière assez détaillée, de nouvelles responsabilités pour les principes directeurs et les personnes responsables d’activités pétrolières et gazières ou de stockage ainsi que d’activités liées aux ressources énergétiques prescrites.

Comme l’explique l’article de Sasa Jarvis et al., ces modifications imposeront de nouvelles responsabilités importantes aux conseils d’administrations de sociétés énergétiques exerçant leurs activités en Colombie-Britannique.

Développements politiques internationaux

Le dernier article du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie porte sur une politique internationale importante connue sous le nom d’ajustement aux frontières pour le carbone. Plus précisément, il traite du nouveau mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone de l’Union européenne, qui a été promulgué le 10 mai 2023 et qui est essentiellement identique à la version initiale de l’UE publiée en juillet 2021. Cet article a été rédigé par Neil Campbell, Talia Gordner, Lisa Page et Adelaide Egan du cabinet d’avocats McMillan à Toronto.

Au fur et à mesure que les pays du monde entier se rapprochent de l’échéance de la carboneutralité, l’attention se porte de plus en plus sur les ajustements aux frontières pour le carbone. Le monde ne peut atteindre l’objectif de carboneutralité sans une forme de réglementation internationale qui établit les incitations nécessaires pour s’assurer que tous les pays respectent cet objectif. Tôt ou tard, le gouvernement canadien devra se pencher sur cette question. L’article présente une analyse très prudente et utile d’une question politique complexe.

Entrevue avec les Présidents des conseils d’administration

Le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie comporte également un article qui s’inspire d’une interview de David Morton, président du conseil d’administration de la British Columbia Utilities Commission (BCUC), et d’Anna Fung, adjointe présidente du conseil d’administration de cet organisme. Cette interview a été réalisée, à l’origine, par l’équipe du Ivey Energy Policy and Management Centre de l’Université de Western Ontario, qui l’a diffusée il y a deux ans. Elle prend toute son importance aujourd’hui en raison de l’intérêt croissant pour une définition du rôle des organismes de réglementation de l’énergie au cours de la transition énergétique massive avec laquelle toutes les provinces canadiennes doivent composer.

Le rapport du Ivey Energy Policy and Management Centre précis que la politique énergétique tente généralement d’équilibrer trois impératifs : l’abordabilité pour les consommateurs, la fiabilité et la sécurité de l’approvisionnement. L’Ivey Insitute a demandé comment un organisme de réglementation économique tel que la BCUC traite ces trois impératifs. La réponse contenue dans l’article vaut la peine d’être lue.

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