Introduction
Le 4 août 2023, le gouvernement fédéral canadien a publié une importante tranche d’avant-projets de loi visant à mettre en œuvre diverses mesures fiscales, à mettre à jour certains avant-projets de loi publiés antérieurement et à apporter certaines modifications techniques. Cette tranche comprend des avant-projets de loi pour le crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres (CII pour les technologies propres) annoncé pour la première fois dans l’Énoncé économique de l’automne 2022[2], les exigences en matière de main-d’œuvre applicables à divers CII pour l’énergie propre, des modifications législatives au crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CII pour le CUSC) annoncées dans le budget fédéral de 2023 et divers autres soutiens fiscaux pour le secteur de l’énergie propre annoncés dans le budget fédéral de 2023 ou plus tôt (les propositions)[3].
Le communiqué de presse accompagnant les propositions invite les parties intéressées à présenter leurs observations sur les propositions avant le 8 septembre 2023.
Notamment, la tranche de législation ne comprend pas d’avant-projet de loi pour les CII pour l’hydrogène propre, l’électricité propre ou la fabrication de technologies propres. Le communiqué de presse indiquait que l’avant-projet de loi pour le CII pour l’hydrogène propre serait publié prochainement, et précisait que les formes les plus propres d’hydrogène bleu (hydrogène produit à partir de gaz naturel dont les émissions sont réduites à l’aide du CUSC) seraient admissibles au CII, ce qui inclurait l’hydrogène produit à l’aide d’un reformage autothermique propre avec un taux élevé de captage du carbone. Le gouvernement n’a pas pris d’engagement en matière de calendrier pour les autres CII.
Crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres
Le CII pour les technologies propres vise à soutenir les investissements dans l’équipement de production et de stockage d’énergie à faibles émissions. Ce CII remboursable à 30 % a été annoncé pour la première fois dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, avec une mise à jour dans le budget fédéral de 2023 indiquant que le CII serait également disponible pour l’équipement d’énergie géothermique.
L’avant-projet de loi publié la semaine dernière s’aligne en grande partie sur les annonces précédentes concernant le CII pour les technologies propres. Les mécanismes proposés pour le crédit suivent également en grande partie le cadre du CII existant dans la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (Loi de l’impôt) et adoptent certains éléments de ce cadre, en particulier ceux du CII pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RSDE). Le reste de cette section résume les principaux éléments de l’avant-projet de loi sur le CII pour les technologies propres.
Biens admissibles
Le CII pour les technologies propres n’est disponible que pour le coût des biens admissibles. Les types de biens admissibles sont les suivants :
- les technologies de production d’électricité sans émission, comme l’énergie solaire, l’énergie éolienne, les petites centrales hydroélectriques, l’énergie solaire concentrée et les petits réacteurs nucléaires modulaires;
- les systèmes de stockage d’électricité exploités sans combustibles fossiles, comme les batteries, les volants d’inertie, le stockage d’énergie à air comprimé, le stockage d’énergie hydroélectrique par pompage, le stockage d’énergie par gravité et le stockage d’énergie thermique;
- certains types de matériel de chauffage solaire actif, de thermopompes à air et de pompes géothermiques;
- le matériel servant exclusivement à produire de l’énergie électrique ou de l’énergie thermique, ou une combinaison d’énergie électrique et thermique, uniquement à partir de l’énergie géothermique, à l’exclusion du matériel faisant partie d’un système qui permet d’extraire à la fois la chaleur d’un fluide géothermique et des combustibles fossiles aux fins de vente ou d’utilisation;
- les véhicules non routiers à zéro émission entièrement électriques ou alimentés à l’hydrogène, ainsi que le matériel de recharge ou de ravitaillement qui est utilisé principalement pour ces véhicules.
Les responsables de projets doivent tenir compte de certains paramètres liés au champ d’application et à la définition des biens admissibles.
Tout d’abord, le bien admissible doit être neuf, situé au Canada et destiné à être utilisé exclusivement au Canada.
Deuxièmement, il ressort clairement de l’avant-projet de loi que le matériel de stockage d’électricité est admissible uniquement à condition de ne pas être alimenté par des combustibles fossiles. Toutefois, les notes explicatives font référence au matériel de stockage « d’énergie à zéro émission », ce qui pourrait être interprété comme limitant le matériel de stockage admissible au matériel servant uniquement à stocker de l’électricité produite à partir de sources sans émission. Les projets de stockage d’électricité raccordés au réseau au Canada ne permettront pas, dans un avenir rapproché, de contrôler le pourcentage d’électricité sans émission qu’ils devront stocker. Le décalage entre le libellé des dispositions et les notes explicatives ne semble pas être délibéré, les notes ne correspondant ni aux dispositions législatives ni aux déclarations antérieures du gouvernement.
Enfin, des dispositions spécifiques définissent le « matériel d’énergie solaire concentrée » et les « petits réacteurs modulaires nucléaires » (PRMN) admissibles, certaines composantes de ces systèmes étant exclues du crédit :
- Dans le cas du matériel d’énergie solaire concentrée, le matériel auxiliaire de chauffage et de production d’électricité qui utilise des combustibles fossiles et le matériel de distribution sont exclus.
- Dans le cas des PRMN, l’admissibilité est limitée à un réacteur qui (a) fait partie d’un système dont la capacité de production nominale brute ne dépasse pas 300 mégawatts électriques, ou dont la capacité de production nominale brute d’électricité ou de chaleur équivalente au bilan énergétique est de 1 000 mégawatts thermiques et (b) fait partie d’un système dont la totalité ou la quasi-totalité est constituée de modules assemblés en usine et transportés préconstruits sur le site d’installation. Le matériel de PRMN admissible exclue expressément le matériel d’élimination des déchets nucléaires, le matériel de transport et le matériel de distribution.
Crédit disponible pendant 10 ans
Le crédit est disponible pour les biens admissibles acquis à partir du 28 mars 2023 (jour du budget).
En règle générale, un contribuable n’est pas considéré comme ayant « acquis » le bien admissible tant que celui-ci n’est pas devenu « prêt à être mis en service » (PEMS), tel qu’il est déterminé aux fins des règles relatives à la déduction pour amortissement prévues à l’article 13 de la Loi de l’impôt (sans tenir compte des règles qui accélèrent le statut PEMS lors de la cession du bien ou, dans le cas d’un bâtiment, lors de l’achèvement de la construction). Cependant, les biens acquis avant le jour du budget ne sont pas admissibles au crédit, que ces biens deviennent PEMS avant ou après le jour du budget.
Le crédit sera progressivement supprimé après 2034, le taux du crédit étant ramené à 15 % pour 2034 et nul par la suite.
Demandeurs admissibles – sociétés par actions et sociétés de personnes canadiennes imposables
Le CII pour les technologies propres peut être demandé par des sociétés canadiennes imposables qui acquièrent des biens admissibles ou par des sociétés canadiennes imposables qui sont des associées de sociétés de personnes qui acquièrent des biens admissibles. Les particuliers (y compris les fiducies) et les entités exonérées d’impôt ne sont pas admissibles.
Le CII n’est pas non plus disponible lorsque le bien admissible, ou une participation dans une personne ou une société de personnes ayant un intérêt sur le bien, est un abri fiscal déterminé.
Dans le cas de biens admissibles acquis par une société de personnes, le CII pour les technologies propres est calculé comme si la société de personnes était une société canadienne imposable et est ensuite attribué aux associés. Le partage du CII entre les associés doit être raisonnable (et l’article 103 est modifié pour s’appliquer au partage de ce crédit).
Dans le cas des sociétés en commandite, l’avant-projet de loi reprend les dispositions existantes des paragraphes 127(8.1) et (8.2) qui imposent des limites supplémentaires au montant de CII qui peut être attribué aux commanditaires. En vertu de ces restrictions, le montant du CII de la société de personnes pour un exercice qui peut être attribué à un commanditaire est limité au montant le moins élevé entre la « fraction à risque » et l’« investissement de base » de l’associé commanditaire (tel qu’il est déterminé au terme de cet exercice) :
- La fraction à risque est calculée selon le paragraphe 96(2.2) et est, très généralement, égale au coût fiscal de la participation de l’associé dans la société de personnes plus (ou moins) la part de l’associé dans le revenu (ou les pertes) de la société de personnes pour l’exercice.
- L’assiette des dépenses est définie au paragraphe 127(8.2) et, très généralement, limite le montant des CII attribués à un commanditaire à un montant qui est attribuable à l’investissement admissible financé à même les contributions du commanditaire.
Le calcul de la « fraction à risque » et de l’« investissement de base » d’un commanditaire est très technique. Toute portion du montant qui ne peut pas être attribuée au commanditaire en application de ces limites peut être attribué aux autres associés.
Exigence en matière de main-d’œuvre
Le crédit est assujetti aux exigences en matière de main-d’œuvre, qui sont décrites plus en détail ci-dessous.
Demande de CII pour les technologies propres
Un contribuable peut demander un CII pour les technologies propres en remplissant le formulaire approprié et en le déposant avec sa déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année au cours de laquelle le bien admissible est acquis. Lorsqu’il demande le CII pour les technologies propres, le contribuable est réputé avoir effectué un paiement sur son impôt à payer pour l’année en question égal au montant du CII. L’avant-projet de loi ne donne pas au contribuable la possibilité, comme c’est le cas pour d’autres CII, de reporter à sa discrétion la demande de CII.
Un dépôt tardif est autorisé jusqu’à un an après la date d’échéance de dépôt du demandeur pour l’année. Le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’accepter une déclaration tardive au-delà de cette date.
Réduction des dépenses admissibles
Le coût des biens admissibles, et donc de l’investissement de base utilisé pour calculer le CII, est ajusté dans certaines circonstances, notamment :
- Aide: Le coût des biens admissibles est réduit de toute aide gouvernementale ou non gouvernementale que l’on peut raisonnablement considérer comme étant relative au bien et que le contribuable a reçue, est en droit de recevoir ou peut raisonnablement s’attendre à recevoir au moment du dépôt de sa déclaration fiscale pour l’année au cours de laquelle le bien a été acquis. Compte tenu de cette formulation large, l’aide peut réduire l’investissement de base utilisé dans le calcul du CII avant même qu’elle ne soit effectivement reçue. Il existe un mécanisme permettant de rétablir l’investissement de base pour le CII dans le cas où le contribuable rembourse l’aide ou n’y a plus droit.
- Acquisition auprès de personnes ayant un lien de dépendance : Lorsque le bien admissible est acquis auprès d’une personne ayant un lien de dépendance, le coût du bien est limité au moindre du coût pour l’acheteur et du coût pour le vendeur. En substance, le CII de l’acheteur ne tiendra pas compte de l’augmentation de la valeur du bien admissible entre le moment où le vendeur a acquis le bien et celui où il l’a vendu à l’acheteur ayant un lien de dépendance.
- Sommes impayées : Si le coût d’un bien admissible est impayé 180 jours après la fin de l’année d’imposition au cours de laquelle le CII serait autrement disponible, ce coût est exclu de l’investissement de base jusqu’à ce qu’il soit payé.
Récupération
À l’instar du régime actuel du CII pour la RSDE, le CII pour les technologies propres est sujet à récupération si, dans les 20 années civiles suivant l’acquisition du bien admissible, le bien est converti à un usage non lié aux technologies propres, exporté hors du Canada ou cédé d’une autre manière par le contribuable.
Le montant de la récupération est égal aux CII demandés multipliés par une fraction dont le numérateur est égal au produit de la juste valeur marchande et le dénominateur au coût du bien pour le contribuable. En cas de vente du bien à une personne n’ayant pas de lien de dépendance, le numérateur, et donc le montant de la récupération, sera basé sur le produit de la cession du contribuable. En cas de cession du bien à une personne ayant un lien de dépendance, ou de conversion ou d’exportation du bien, le numérateur sera basé sur la juste valeur marchande du bien au moment de la cession, de la conversion ou de l’exportation. Le montant de la récupération est plafonné au montant du CII demandé pour le bien.
Dans le cas d’une société canadienne imposable, le montant de la récupération est ajouté à l’impôt à payer par la société pour l’année au cours de laquelle la cession, la conversion ou l’exportation a lieu.
Dans le cas d’une société de personnes, le montant de la récupération est d’abord appliqué pour réduire le CII pour les technologies propres de la société de personnes (avant l’attribution à ses associés) et tout excédent est attribué à ses associés et inclus dans l’impôt au titre de la partie I qu’ils doivent payer. Lorsque la composition de la société de personnes change entre le moment où le CII est demandé et celui où se produit la récupération, il est possible que les associés qui bénéficient du CII et ceux qui supportent le coût de la récupération soient différents. Cette obligation de récupération latente devra être prise en compte lors de la négociation des conditions commerciales pour les retraits et les admissions d’associés.
Les règles de récupération ne s’appliquent pas lorsque la cession a lieu entre personnes liées et que le bien serait un bien admissible pour l’acquéreur (sans tenir compte de la nouvelle exigence en matière de biens). La portée de cette exception limitée n’est pas claire :
- L’exception parallèle prévue par les règles de récupération du CII pour la RSDE exclut les transferts entre personnes ayant un lien de dépendance, ce qui inclut les personnes liées et les personnes ayant un lien de dépendance dans les faits. En revanche, le CII adopte le concept plus restrictif de « personnes liées ».
- Le paragraphe 251(2), qui définit les personnes considérées comme liées aux fins de la Loi de l’impôt, ne traite pas des sociétés de personnes. Par conséquent, l’application de l’exception prévue par le CII pour les technologies propres aux transferts auxquels participe une société de personnes est incertaine.
Les règles de récupération seront particulièrement importantes (et peuvent être problématiques dans leur rédaction actuelle) dans le contexte des ventes de biens immobiliers commerciaux, où des installations solaires en toiture peuvent être intégrées dans un bâtiment qui est vendu dans le cadre d’un transfert d’actifs à l’acquéreur. Dans la version actuelle, ni le propriétaire du bâtiment existant qui a recours au CII pour construire l’installation solaire, ni l’acquéreur du bâtiment auquel l’installation solaire est incorporée, ne semblent bénéficier pleinement du CII.
Autres modifications corrélatives
L’avant-projet de loi établit également une liste de modifications corrélatives à d’autres dispositions de la Loi de l’impôt afin de refléter l’introduction du CII pour les technologies propres. Il s’agit notamment d’une modification visant à prévoir une réduction du coût en capital des biens admissibles (aux fins de la déduction pour amortissement) en ce qui concerne la demande de CII et des ajustements du coût d’une participation d’un contribuable dans une société de personnes pour tenir compte de l’attribution et de la récupération des CII auprès de la société de personnes.
Toujours en suspens
L’annonce et l’avant-projet de loi ne donnent pas d’indications sur la manière dont le CII pour les technologies propres interagira avec le CII pour l’électricité propre, qui le chevauche. Il est particulièrement important de clarifier cette interaction lorsqu’une société de personnes acquiert un bien admissible à la fois au CII pour les technologies propres et au CII pour l’électricité propre et que ses associés sont à la fois des sociétés imposables et des entités exonérées d’impôt.
Exigences en matière de main-d’œuvre
Le budget fédéral de 2023 a établi les paramètres de base des conditions de salaire et d’apprentissage en vigueur constituant les exigences en matière de main-d’œuvre, ainsi que l’intention du gouvernement d’appliquer ces exigences aux CII proposés pour les technologies propres, l’hydrogène propre, l’électricité propre et le CUSC[4].
Aperçu des exigences
Bien que l’avant-projet de loi établissant les exigences en matière de main-d’œuvre s’aligne en grande partie sur ce qui a été annoncé dans le budget fédéral de 2023, il clarifie les annonces antérieures et introduit certaines exigences supplémentaires :
- Selon les exigences en matière de salaire en vigueur, les travailleurs visés doivent être payés conformément à une « convention collective admissible » ou selon un montant au moins égal au montant des salaires et avantages de la « convention collective admissible » qui correspond le mieux au niveau d’expérience, aux tâches et au lieu de travail du travailleur visé. Dans les provinces autres que le Québec, la « convention collective admissible » est généralement une convention collective applicable à l’industrie concernée et au type de travail effectué, qui correspond aux tâches et au lieu de travail du travailleur. Au Québec, les conventions collectives admissibles sont celles qui sont négociées en vertu de la loi provinciale applicable.
- En ce qui concerne les exigences en matière d’apprentissage, les apprentis inscrits doivent travailler au moins 10 % du nombre total d’heures de travail qui seraient effectuées par un travailleur dans un métier désigné Sceau rouge.
- La responsabilité de satisfaire à l’exigence de main-d’œuvre incombe au « demandeur d’incitatif », qui est défini comme étant la personne qui demande le crédit ou une société de personnes dont au moins un des associés demande le crédit.
- Le demandeur d’incitatif choisit de satisfaire aux exigences en matière de main-d’œuvre et, par conséquent, de bénéficier du taux de CII le plus élevé. Si ce choix n’est pas fait, le CII disponible est réduit de 10 points de pourcentage.
- Les exigences en matière de main-d’œuvre ne s’appliquent qu’aux « travailleurs visés » sur un « chantier désigné » du demandeur d’incitatif.
- Par « travailleurs visés » on entend les travailleurs qui s’occupent de la préparation ou de l’installation de biens donnant droit à un crédit d’impôt spécifique et dont le travail est principalement de nature manuelle ou physique. Les travailleurs visés comprennent les employés du demandeur d’incitatif ou ceux de toute autre personne ou société de personnes (entrepreneurs ou sous-traitants) qui participent à la préparation ou à l’installation des biens admissibles.
- Un « chantier désigné » est un chantier où se trouvent les biens admissibles du demandeur d’incitatif au cours de l’année. Cette définition n’exige pas que le demandeur d’incitatif soit le propriétaire ou ait la maîtrise du chantier.
- Les exigences en matière de main-d’œuvre doivent être respectées au cours de chaque année d’imposition où des travaux de préparation ou d’installation sont effectués en ce qui concerne un bien admissible. Étant donné que l’exigence ne concerne que la préparation et l’installation, la fabrication du bien admissible semble être exclue des exigences en matière de main-d’œuvre. Cependant, il pourrait être nécessaire de clarifier davantage le sens exact du terme « préparation » dans ce contexte afin de s’assurer que le « chantier désigné » ne s’applique pas à chaque partie de la chaîne d’approvisionnement d’un bien admissible.
- Même si, dans leur version actuelle, les exigences en matière de main-d’œuvre ne s’appliquent qu’à un « crédit d’impôt déterminé » (défini comme le crédit d’impôt pour le CUSC et le CII pour les technologies propres), les notes explicatives confirment que l’intention est toujours que les exigences en matière de main-d’œuvre s’appliquent aux CII pour l’hydrogène propre et l’électricité propre. Les exigences en matière de main-d’œuvre ne s’appliquent pas au CII de 15 % pour la remise en état du CUSC ni au CII pour les technologies propres demandé en vue de l’acquisition de véhicules non routiers non polluants ou pour l’acquisition ou l’installation de matériel de chauffage à faibles émissions de carbone.
Attestation et autres obligations de conformité
En ce qui concerne les exigences en matière de salaires, le demandeur doit attester que ses propres employés, qui sont des travailleurs visés aux fins des exigences en matière de main-d’œuvre, sont rémunérés conformément à ces exigences. Le demandeur devra également attester qu’il a pris des mesures raisonnables pour s’assurer que tous les travailleurs visés qui sont employés par d’autres personnes ou sociétés de personnes (entrepreneurs ou sous-traitants) sont rémunérés conformément aux exigences. En outre, le bénéficiaire d’incitatif doit communiquer d’une manière facilement visible et accessible par les travailleurs visés, soit sur le chantier, soit par des moyens électroniques, que le chantier est assujetti aux exigences relatives au salaire en vigueur, y compris une explication en langage clair de ce que cela signifie et des renseignements sur la manière de signaler tout manquement.
En ce qui concerne les exigences en matière d’apprentissage, l’avant-projet de loi précise que lorsque l’exigence de 10 % d’heures de travail en apprentissage ne peut être respectée en raison de restrictions imposées par le droit du travail applicable ou par une convention collective, le demandeur d’incitatif doit faire des efforts raisonnables pour s’assurer que le pourcentage le plus élevé possible du total des heures de travail effectuées au cours de l’année par les travailleurs du Sceau rouge pour la préparation et l’installation des biens admissibles est effectué par des apprentis inscrits dans un métier du Sceau rouge, tout en respectant le droit du travail applicable ou la convention collective. Le demandeur d’incitatif doit ensuite attester que les exigences en matière d’apprentissage ont été respectées en ce qui concerne les travailleurs visés sur le chantier désigné.
L’avant-projet de loi ne donne aucune indication sur ce qui constituerait des « mesures raisonnables » ou des « efforts raisonnables », comme l’exige l’avant-projet de loi, pour garantir le respect des exigences en matière de main-d’œuvre.
Conséquences de la non-conformité
L’avant-projet de loi prévoit également des sanctions en cas de non-respect des exigences en matière de main-d’œuvre lorsque le demandeur d’incitatif a opté pour ces exigences et demandé le taux de crédit normal (plus élevé) :
- Pénalité journalière pour les salaires en vigueur : Si un travailleur visé n’a pas été rémunéré conformément aux exigences salariales spécifiées pour un ou plusieurs jours au cours d’une année d’imposition à l’égard de laquelle un crédit d’impôt spécifié est demandé au taux normal, le demandeur d’incitatif est tenu de verser une somme égale à 20 $ par jour pour chaque jour de cette année d’imposition où le travailleur visé n’a pas été rémunéré au salaire en vigueur.
- Complément pour les salaires en vigueur : Un demandeur d’incitatif peut, dans un délai d’un an à compter de la réception de l’avis du ministre (ou dans un délai plus long jugé acceptable par le ministre), faire en sorte que chaque travailleur visé reçoive un complément de salaire pour remédier à ce manquement.
- Le montant complémentaire est généralement égal à la différence entre les salaires en vigueur qui auraient dû être payés et le montant que le travailleur visé a effectivement reçu.
- Le montant complémentaire sera considéré comme un traitement et un salaire pour le travailleur au cours de l’année où il est reçu et sera déductible par le demandeur d’incitatif dans le calcul de son revenu pour l’année au cours de laquelle il est payé. Cependant, il ne constituera pas une dépense donnant droit à un crédit d’impôt déterminé.
- Si le montant complémentaire n’est pas payé, le demandeur d’incitatif sera tenu de payer une pénalité égale à 120 % du montant complémentaire pour chaque travailleur qui n’a pas reçu le montant complémentaire. Le paiement du montant complémentaire ne semble pas éliminer la pénalité de 20 $ par jour.
- Pénalité relative à l’apprentissage : Si l’exigence relative aux heures d’apprentissage n’est pas respectée sur un chantier particulier au cours d’une année d’imposition à l’égard de laquelle un crédit d’impôt déterminé est demandé au taux normal, le demandeur d’incitatif est tenu de payer un impôt supplémentaire égal à 100 $ multiplié par la différence entre le nombre d’heures qui auraient dû être effectuées par des apprentis et le nombre d’heures de travail qui ont été effectivement effectuées par des apprentis.
- Faute ou négligence grave : Si le manquement d’un demandeur d’incitatif à l’une des exigences en matière de main-d’œuvre a été commis sciemment ou dans des circonstances équivalant à une négligence grave, le demandeur d’incitatif (a) n’a pas droit au taux de crédit d’impôt normal et n’a droit qu’au taux de crédit d’impôt réduit; et (b) doit payer une pénalité égale à 50 pour cent de la différence entre le montant du crédit d’impôt déterminé demandé et le montant auquel le demandeur d’incitatif aurait eu droit en vertu du taux réduit. Dans ce cas, les pénalités relatives au salaire journalier en vigueur et à l’apprentissage (décrites ci-dessus) ne sont pas applicables et le demandeur n’a pas le droit d’effectuer un paiement complémentaire au titre de l’exigence relative au salaire en vigueur. Il n’est pas clair si le demandeur serait autrement assujetti à la pénalité de 120 % sur le montant complémentaire.
Date d’entrée en vigueur
Conformément à l’annonce du budget fédéral de 2023, il est proposé que les exigences en matière de main-d’œuvre s’appliquent aux biens déterminés préparés ou installés après le 30 septembre 2023.
Notamment, l’application des exigences de main-d’œuvre à un bien donné n’est pas basée sur la date d’acquisition du bien (comme c’est le cas pour déterminer quand le CII associé peut être demandé). Comme l’application des exigences en matière de main-d’œuvre est basée sur la date à laquelle le bien est préparé ou installé, les biens préparés et installés à partir du 1er octobre 2023 semblent être assujettis aux exigences en matière de main-d’œuvre même si le bien a été acquis avant cette date d’entrée en vigueur.
Crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone
Le CII pour le CUSC a été annoncé pour la première fois dans le budget fédéral de 2022, avec un avant-projet de loi publié à la mi-2022. Le budget fédéral de 2023 a proposé des changements de conception supplémentaires au crédit pour le CUSC[5]. L’avant-projet de loi publié le 4 août 2023 reflète en grande partie l’annonce du budget fédéral de 2023. L’avant-projet de loi relatif au CII pour le CUSC fera l’objet d’une mise à jour distincte.
S’il est adopté, le CII pour le CUSC sera considéré comme étant entré en vigueur le 1er janvier 2022 et s’appliquera aux dépenses admissibles engagées à compter de cette date jusqu’au 31 décembre 2040.
Actions accréditives et crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques – Lithium provenant de saumure
L’avant-projet de loi met en œuvre les changements annoncés dans le budget fédéral de 2023 pour permettre que certaines dépenses liées à l’extraction de lithium à partir de saumures soient traitées comme des frais d’exploration au Canada (FEC) et des frais d’aménagement au Canada (FAC) admissibles au traitement accréditif et pour élargir l’admissibilité au crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques.
L’avant-projet de loi proposé apporte plusieurs modifications au régime des FEC et des FAC pour mettre en œuvre les changements annoncés, notamment :
- La définition de « société exploitant une entreprise principale » au paragraphe 66(15) est modifiée pour inclure les sociétés dont l’entreprise principale comprend la production ou la commercialisation de lithium et la fabrication de produits, lorsque la fabrication implique le traitement du lithium. Seules les « sociétés exploitant une entreprise principale » peuvent émettre des actions accréditives pour renoncer aux FEC et aux FAC en faveur des souscripteurs.
- Les alinéas c.2) et d) de la définition de FAC au paragraphe 66.2(5) sont modifiés afin d’inclure les dépenses liées au forage d’un puits pour l’extraction de lithium à partir de saumures.
- La définition de « ressource minérale » au paragraphe 248(1) est modifiée pour inclure le lithium comme ressource minérale. La définition de « ressource minérale » est pertinente pour déterminer l’admissibilité d’un contribuable aux FEC et aux FAC.
- Une nouvelle disposition est ajoutée (paragraphe 66(21)) pour s’assurer que les projets d’exploration et d’aménagement pour le lithium provenant de saumures sont traités de la même façon que les mines de ressources minérales traditionnelles. Plus précisément :
- un puits d’extraction de matériaux provenant de gisements de saumure de lithium est réputé être une mine aux fins des définitions des FEC et des FAC;
- tous les puits d’un contribuable sont réputés provenir de la même mine si les matériaux extraits sont envoyés à la même usine pour y être traités;
- des puits peuvent être considérés comme une seule mine si le ministre, en consultation avec le ministre des Ressources naturelles, détermine que les puits constituent un seul projet.
- En conséquence des changements susmentionnés, un particulier (autre qu’une fiducie) qui investit dans des actions accréditives peut également être admissible au crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques ou au crédit d’impôt pour exploration minière en vertu du paragraphe 127(5) à l’égard de certains FEC liés à l’extraction de lithium à partir de saumures.
Les modifications susmentionnées sont réputées entrer en vigueur le 28 mars 2023, mais ne s’appliquent pas aux dépenses engagées avant le 28 mars 2023.
Réduction temporaire du taux d’imposition pour les fabricants de technologies à zéro émission
Dans le budget fédéral de 2023, le gouvernement a annoncé deux modifications à la réduction temporaire de 50 % du taux d’imposition pour les fabricants de technologies à émission zéro qui a été introduite pour la première fois dans le budget fédéral de 2021[6]. Premièrement, la réduction de taux sera élargie, pour les années d’imposition commençant après 2023, afin d’inclure les fabricants d’équipement pour l’énergie nucléaire, le traitement ou le recyclage des combustibles nucléaires et de l’eau lourde, et la fabrication de barres de combustible nucléaire. Deuxièmement, la réduction de taux, qui devait initialement être totalement supprimée en 2032, le sera désormais trois ans plus tard, en 2035. L’avant-projet de loi récemment publié met en œuvre ces deux changements.
- Une version antérieure de cet article est apparue dans le bulletin Osler Update publié par la firme, voir en ligne : <www.osler.com/fr/ressources/reglements/2023/le-canada-publie-un-avant-projet-de-loi-tres-attendu-relatif-aux-credits-d-impot-en-faveur-du-secteu>.
* Colena Der, Jake Sadikman et Edward Rowe, Osler, Hoskin & Harcourt LLP. Colena Der et Edward Rowe sont associés au sein du groupe Fiscalité d’Osler. Jacob Sadikman est associé au sein du groupe Énergie et infrastructure d’Osler
- « Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires – Mesures visant l’impôt sur le revenu des sociétés » Énoncé économique de l’automne 2022 (3 novembre 2022), en ligne : Gouvernement du Canada <www.budget.canada.ca/fes-eea/2022/report-rapport/tm-mf-fr.html#mesure-visant-limpot-sur-le-revenu>.
- « Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires – Mesures visant l’impôt sur le revenu des sociétés » Budget fédéral de 2023 (28 mars 2023), en ligne : Gouvernement du Canada <www.budget.canada.ca/2023/report-rapport/tm-mf-fr.html#a29>.
- « Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires – Exigences en matière de main-d’œuvre concernant certains crédits d’impôt à l’investissement » Budget fédéral de 2023 (28 mars 2023), en ligne : Gouvernement du Canada <www.budget.canada.ca/2023/report-rapport/tm-mf-fr.html#a46>.
- « Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires – Crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone » Budget fédéral de 2023 (28 mars 2023), en ligne : Gouvernement du Canada <www.budget.canada.ca/2023/report-rapport/tm-mf-fr.html#a63>.
- « Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires – Réductions de taux pour les fabricants de technologies à zéro émission », Budget fédéral de 2021 (19 avril 2021), en ligne : Gouvernement du Canada <www.budget.canada.ca/2021/report-rapport/anx6-fr.html#reduction-de-taux-pour-les-fabricants-de-technologies-a-zero-emission>.