Éditorial

La règlementation et les politiques canadiennes sur l’énergie sont actuellement dominées par des mesures pour contrer les changements climatiques et par une vaste participation aux processus d’examen des nouveaux projets d’infrastructure énergétique. Ces deux sujets sont directement reliés étant donné que les demandes de nombreux groupes et milieux pour participer directement à la prise de décisions sur des projets particuliers sont souvent motivées par leurs points de vue sur les changements climatiques. Le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie apporte une contribution substantielle au débat public concernant ces deux sujets.

En seulement quelques années, le concept d’ « acceptation sociale » en est venu à jouer un rôle important dans presque tous les processus d’examen public de projets d’infrastructure énergétique. Hormis le manque de compréhension de ce que signifie exactement cette expression, celle-ci a été élevée au rang de règle qu’il faut absolument respectée – condition préalable sine qua non ou absolue – pour qu’un projet soit approuvé. Mais lorsque vient le temps de prendre une décision concernant des projets en particulier, où les tensions entre les intérêts locaux et nationaux (plus vastes) sont inévitables, que doit-on déduire de la déclaration suivante : « Si ce sont les gouvernements qui délivrent des permis aux projets de développement des ressources, seules les communautés peuvent donner leur permission1. »

Trouver un juste équilibre entre les intérêts locaux et nationaux pose un défi de taille, plus particulièrement au Canada avec sa grande diversité d’intérêts régionaux et autochtones, et son immense superficie. En cernant et en analysant certaines des dynamiques à ce sujet, l’article vedette du présent numéro d’ERQ intitulé « Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie », par Michael Cleland et ces collaborateurs, permettra de mieux relever ce défi. Cet article est fondé sur les résultats de nouvelles recherches de l’Université d’Ottawa et de la Canada West Foundation qui révèlent que la nature de l’opposition locale et les préoccupations sous-jacentes ne correspondent pas souvent à ce que les leaders d’opinion et les décideurs politiques avaient présumé.

Jusqu’à ce jour, les mesures stratégiques et règlementaires pour contrer les changements climatiques ont été mises en œuvre de province en province. Nous disons « jusqu’à ce jour », car à la date de tombée du présent numéro d’ERQ, l’attention s’est quelque peu détourner vers le gouvernement fédéral et l’annonce controversée du 3 octobre de la part du premier ministre au sujet de la proposition d’un prix national pour le carbone2. Les initiatives provinciales sur les changements climatiques continueront de jouer un rôle de premier plan que les provinces sont peu susceptibles d’abandonner. C’est pourquoi il est particulièrement opportun que le présent numéro d’ERQ fournisse un aperçu des diverses politiques provinciales sur les changements climatiques à l’échelle du Canada et de leur incidence sur la règlementation de l’énergie renouvelable dans l’article intitulé «Un aperçu de différentes politiques provinciales en matière de changements climatiques au Canada et de leur incidence sur la production d’énergie renouvelable », rédigé par plusieurs avocats de Blake, Cassels et Graydon, LLP, sous la direction de Dufferin Harper.

Comme en témoigne cet aperçu, les approches stratégiques et règlementaires pour s’attaquer aux changements climatiques varient et présentent toutes leurs propres défis. Jason Kroft et Sam Dukesz font part de leurs observations sur un modèle particulier dans «Plafonnement et échange en Ontario : les leçons à tirer de l’Europe».

Dans leur article intitulé «Les énergies renouvelables et les marchés de l’électricité de l’Alberta : leçons à tirer de l’Europe », Kalyan Dasgupta et Simon Ede (en collaboration avec Leonard Waverman) se fondent sur l’expérience européenne pour traiter du rôle des marchés de l’énergie renouvelable dans les politiques de décarbonisation, comme le Climate Leadership Plan de l’Alberta.

L’article d’Ian Mondrow intitulé «Concurrence dans le secteur du transport d’électricité: deux expériences canadiennes » porte sur un examen des initiatives provisoires en Ontario et en Alberta visant à introduire la concurrence dans le domaine du transport de l’électricité. Ce n’est pas un hasard, souligne-t-il, que les deux secteurs de compétence canadiens qui aspirent à développer des marchés de l’électricité concurrentiels aient trouvé un moyen d’introduire la concurrence dans le développement de nouvelles infrastructures de transport, et c’est pourquoi la « concurrence dans le transport d’électricité » n’est plus une contradiction en soi.

Dans leur article, « Un requiem pour la présomption de prudence après OPG et ATCO», Venessa Korzan et Moin Yahya font valoir que, dans deux récentes décisions, la Cour suprême du Canada a conclu que les organismes de règlementation pouvaient examiner les coûts (peu importe qu’ils soient déjà engagés ou prévisionnels) selon le critère de conformité à la loi ou celui du caractère raisonnable, ce choix étant laissé à leur discrétion. L’opinion auparavant répandue que les coûts prévisionnels devraient être examinés par divers organismes de règlementation selon le critère du caractère raisonnable prévu dont le fardeau de la preuve incombe aux services publics, alors que les coûts déjà engagés devraient être examinés en vertu d’un critère de présomption de prudence, n’est plus valide.

Martin Ignasiak, Jessica Kennedy et Justin Fontaine commentent la récente décision de l’Alberta Utilities Commission (AUC) confirmant qu’elle n’a pas compétence d’examiner ou d’évaluer la pertinence de la consultation de l’État auprès de groupes autochtones qui pourraient être touchés par un projet faisant l’objet d’un examen. La décision rendue, concluent-ils, permettra d’établir l’étendue de futures poursuites relatives à des installations devant l’AUC.

 

  1. Parti libéral du Canada, Évaluations environnementales, en ligne : « https://www.liberal.ca/fr/realchange/evaluations-environnementales/».
  2. Premier ministre du Canada, Le premier ministreTrudeau prononce un discours sur la tarification de la pollution par le carbone, Ottawa, 3 octobre 2016, en ligne : « http://pm.gc.ca/fra/nouvelles/2016/10/03/premier-ministre-trudeau-prononce-discours-la-tarification-de-la-pollution ».

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