La fusion approuvée par la CEO crée la deuxième plus importante SDL d’électricité appartenant à une municipalité en Amérique du Nord

En avril 2016, Enersource Hydro Mississauga Inc. (« Enersource »), Horizon Utilities Corporation (« Horizon ») et PowerStream Inc. (« PowerStream »), trois des plus importantes sociétés de distribution locale (SDL) d’électricité détenues par une municipalité en Ontario, ont déposé une requête auprès de la Commission de l’énergie de l’Ontario demandant l’autorisation de fusionner pour former un nouveau service public d’électricité, dorénavant appelé Alectra.

Elles souhaitaient également obtenir l’autorisation d’acheter la société Hydro One Brampton Networks Inc. (« Hydro One Brampton »), qui appartient à la province de l’Ontario1, aux termes de l’article 86 de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario (la « Loi sur la CEO »)2, dans le but de fusionner avec elle.

Le 8 décembre 2016, à la suite d’interrogations écrites, d’une conférence technique, d’une audience de cinq jours et d’une plaidoirie écrite, la CEO a publié sa décision approuvant la fusion.

Cette fusion permettra de créer la plus importante SDL détenue par une municipalité en Ontario et la deuxième en importance en Amérique du Nord, pour ce qui est du nombre de clients, derrière le Service de l’eau et de l’énergie de Los Angeles, en Californie. La nouvelle société desservira près d’un million de clients et aura une base tarifaire totale de 2,5 milliards de dollars.

L’achat d’Hydro One Brampton, au prix de 607 millions de dollars, constitue à ce jour la plus importante acquisition d’un distributeur d’électricité en Ontario. Il s’agissait de la première demande regroupant plusieurs distributeurs et de la première demande de fusion depuis la publication du document de la CEO intitulé Handbook to Electricity Distributor and Transmitter Consolidation (guide sur la fusion des distributeurs et des transporteurs d’électricité) en janvier 2016.3

Compétence concernant les fusions et les achats d’actions de distributeurs d’électricité

À la fin des années 1990, le gouvernement de l’Ontario a entrepris une restructuration en profondeur du secteur de l’électricité de la province. Cette dernière a englobé la division d’Ontario Hydro (entre autres) en une société de câble (Hydro One) et en une société de production d’électricité (Ontario Power Generation), et l’exigence suivant laquelle plus de 300 commissions hydroélectriques locales soient constituées en vertu de la Loi sur les sociétés par actions (« LSPA »)4. Les municipalités dans lesquelles ces commissions exerçaient leurs activités deviendraient leurs actionnaires initiaux.

L’article 86 de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario prévoit (en partie) que l’approbation de la CEO est requise avant de disposer, notamment par vente ou location à bail, de son réseau de distribution, en totalité ou en quasi-totalité; de fusionner avec une autre personne morale; d’acquérir les actions d’un distributeur de sorte que l’acheteur et ses affiliés/associés détiendront plus de 10 % des actions avec droit de vote du distributeur; et/ou d’acquérir le contrôle d’une société qui détient, directement ou indirectement, plus de 10 % des titres comportant droit de vote du distributeur si ces valeurs constituent un élément d’actif important de cette personne morale.

Principaux aspects de la décision — le « critère d’absence de préjudice »

a) Principes de la CEO en ce qui a trait aux demandes de fusion de 2005 à aujourdhui

Les politiques de la CEO relatives aux demandes de fusion, d’acquisition, de regroupement et de désinvestissement (FARD), et plus particulièrement en ce qui a trait à son utilisation du « critère d’absence de préjudice » lors de l’examen de ces demandes, ont été établies dans la décision de 2005 de la CEO dans le cadre d’une instance combinée au cours de laquelle la CEO s’est penchée sur les principes à appliquer aux demandes de FARD5. Dans sa décision concernant l’instance combinée, la Commission a établi plusieurs principes dont il faudrait tenir compte lors de l’examen des demandes de cette nature, notamment :

  • La Commission a déterminé que le critère « d’absence de préjudice » (« no harm ») est le critère approprié. Elle y précise ce qui suit dans sa decision : « The Board is of the view that its mandate in these matters is to consider whether the transaction that has been placed before it will have an adverse effect relative to the status quo in terms of the Board’s statutory objectives. It is not to determine whether another transaction, whether real or potential, can have a more positive effect than the one that has been negotiated to completion by the parties. In that sense, in section 86 applications of this nature the Board equates “protecting the interests of consumers” with ensuring that there is “no harm to consumers” ».
  • Le prix de vente d’un service public ne devient pertinent que lorsque le prix payé est si élevé qu’il impose un fardeau financier sur l’entreprise acquéreuse nuisant à sa viabilité économique puisque toute prime versée au-dessus de la valeur aux livres des actifs ne peut normalement être récupérée par le biais des tarifs. Le fait que le vendeur aurait pu obtenir un prix plus élevé pour le service public, même si ce fait s’était avéré, n’aurait pas d’incidence négative dans le contexte des objectifs précisés à l’article 1 de la Loi.
  • En règle générale, la conduite du vendeur, y compris la mesure dans laquelle il fait preuve de diligence raisonnable ou le niveau de consultations publiques qu’il réalise à l’égard de la transaction, ne serait pas un enjeu pour la Commission dans son examen des demandes d’achat d’actions ou de fusion en vertu de l’article 86 de la Loi. Selon le critère « d’absence de préjudice », la Commission n’a pas à se questionner sur les raisons et le fonctionnement entourant la transaction proposée. La Commission se préoccupe plutôt uniquement de l’incidence de la transaction par rapport à ses objectifs, tels que définis à l’article 1 de la Loi.
  • Pour ce qui est de l’allégation voulant que le contribuable a droit à un processus ouvert et transparent (« an open and transparent process ») dans le cadre de la vente d’actions ou d’éléments d’actif d’un distributeur d’électricité, la Commission a fait observer que la LSPA renferme des dispositions régissant les procédures et les droits liés, entre autres, aux fusions et à d’autres importantes activités de société. La CEO précise :

« The Commission does not believe it is appropriate to add an additional layer of corporate review by vesting process rights (again, in the sense of rights associated with the process leading up to the conclusion of a transaction) within customers of distribution companies. The content of such rights and the process by which they may be exercised is beyond the Commission’s objectives or role within the energy sector. »6

Depuis sa décision rendue dans le cadre de l’instance combinée, la CEO a défini et amélioré ses politiques sur l’établissement des tarifs liées à une fusion dans les rapports de 2007 et de 2015 (les rapports) intitulés Handbook to Electricity Distributor and Transmitter Consolidation7 (Guide sur la fusion des distributeurs et des transporteurs d’électricité). Le guide du 19 janvier 2016 de la CEO donne des directives sur le processus d’examen d’une demande, les renseignements que la CEO s’attend à obtenir à l’appui d’une demande, et l’approche adoptée pour déterminer si la transaction est dans l’intérêt du public. Le guide inclut également les exigences relatives au dépôt à l’égard des demandes de fusion. Avec sa décision concernant LDC Co., la CEO a renforcé ces principes de longue date.

b) Principes des FARD applicables à la demande

Dans sa décision, la CEO a réaffirmé qu’elle applique le critère d’absence de préjudice dans les instances concernant les fusions. Si la transaction proposée a un effet positif ou neutre sur l’atteinte des objectifs énoncés à l’article 1 de la Loi sur la CEO, la CEO approuvera la demande. En appliquant le critère d’absence de préjudice, l’examen de la CEO porte principalement sur les répercussions de la transaction proposée sur la tarification et la qualité du service fourni aux consommateurs, ainsi que sur la rentabilité, l’efficacité économique et la viabilité financière des services publics fusionnés. Dans le présent cas, la CEO a conclu qu’elle avait examiné les faits propres à cette demande et estime que les caractéristiques de cette transaction sont prévues dans le cadre de la politique de la CEO et que les résultats sont conformes à l’objectif défini de la politique d’améliorer l’efficacité de la distribution d’électricité. La CEO conclut que les améliorations d’échelle de la prestation des services prévues dans cette transaction sont susceptibles d’entraîner des avantages à long terme pour les consommateurs. Après avoir déterminé que la fusion proposée satisfait au critère d’absence de préjudice, la CEO a approuvé la transaction, la demande de permis de LDC Co. et le transfert des ordonnances tarifaires de chacun des requérants et d’Hydro One Brampton à LDC Co.

Tarification, rentabilité, efficacité économique et période de changement de base

Dans le Rapport de 2015, on a établi une politique en vertu de laquelle un distributeur qui fusionne peut décider de reporter sa prochaine demande de changement de base (où la base tarifaire du distributeur et les coûts de la prestation des services de distribution sont mis à jour) jusqu’à 10 ans (auparavant, la limite avait été établie à cinq ans). La période de report permet de recouvrer les coûts associés à la fusion et de créer un incitatif pour favoriser la fusion. Les économies réalisées durant la période de report seront transférées aux actionnaires du service public fusionné, mais les gains réalisés de la sixième à la dixième année qui sont supérieurs aux 300 points de base au-dessus du taux de rendement applicable approuvé par la CEO doivent être partagés en parts égales avec les consommateurs.

Les intervenants dans cette instance ne se sont en général pas opposés à cette fusion. Leurs observations comportaient plutôt des arguments en ce sens :

  • Les montants nets des synergies escomptées au cours des 10 premières années étaient fondés sur des estimations de haut niveau, et il n’y avait aucune preuve tangible que les économies réalisées au cours de la période de report seraient maintenues indéfiniment.
  • Les économies prévues (les requérants ont estimé des économies de 429 millions de dollars au cours de la période de report de 10 ans) ont été sous-estimées, et de nombreuses synergies et économies potentielles n’ont pas été prises en compte ou quantifiées (ce qui venait appuyer l’argument voulant que la période de report de dix ans devrait être réduite parce que les économies importantes escomptées qui auraient été transférées aux actionnaires du service public au cours de la période de report étaient excessives et devraient être transférées plus tôt aux consommateurs).
  • Les requérants ont laissé entendre que les tarifs seraient inférieurs dans le cadre d’une fusion que dans celui du maintien du statu quo, parce que sans la fusion et le report de la demande de changement de base, chacun des services publics aurait procédé à au moins un changement de base au cours de la période de dix ans. Les intervenants ont soutenu que l’écart entre les scénarios de maintien du statu quo et de fusion a été surestimé, tout comme (dans leur présentation) les requérants ont surévalué les hausses tarifaires annuelles qui auraient été approuvées par la CEO durant la période de report.

En rejetant les observations présentées par les intervenants, la CEO a fait observer ce qui suit :

« The Handbook states that to demonstrate no harm, applicants must show that there is a reasonable expectation based on underlying cost structures that the costs to serve customers following a consolidation will be no higher than they would otherwise have been. The Handbook also states that the impact the proposed transaction will have on economic efficiency and cost effectiveness will be assessed based on an applicant’s identification of the various aspects of utility operations where it expects sustained operational efficiencies, both quantitative and qualitative.

In this case, the applicants submit that the effect of the consolidation on underlying cost structures will be positive, that costs to serve customers will not be higher as a result of the consolidation and that the consolidation will have a positive effect on economic efficiency and cost effectiveness. »8

Dans sa décision, la CEO a indiqué ce qui suit : « incentive framework is intended to provide sufficient financial gains over and above the status quo to incent utilities to seek out merger or acquisition efficiency gains opportunities. The incentive framework is also intended to have customers share in large savings through earnings sharing beyond the 5 year deferred rebasing period. »

Les requérants ont choisi une période de report de 10 ans et ont indiqué que les consommateurs devraient tirer parti de la fusion en ce qui a trait à la tarification du service de distribution, en ce sens que les recettes seraient plus faibles durant la période de report de 10 ans par rapport au scénario de statu quo, dans lequel chaque service public procéderait plus tôt à un changement de base.

La CEO en a convenu, et conclu que les consommateurs ne seront pas lésés à court terme par la transaction proposée, qu’elle sera de fait avantageuse pour eux et qu’ils tireront probablement avantage des économies d’échelle durables et à long terme. La société Hydro One Brampton était considérée comme l’entité au coût le plus bas faisant partie de cette transaction, mais en réponse aux préoccupations d’un intervenant au sujet des incidences éventuelles de cette transaction sur les clients de ce service public, la CEO a fait remarquer qu’Hydro One Brampton pourra faire d’autres économies d’échelle à long terme et que ses structures de coûts existantes sont incorporées dans ses tarifs pour les 10 prochaines années.

La CEO étudiera la question de ses tarifs et des conséquences de l’harmonisation des tarifs dans le contexte d’une demande de hausse tarifaire. Selon la CEO, il n’y aura pas d’incidence défavorable nette sur les clients d’Hydro One Brampton à long terme par rapport au statu quo9.

Fiabilité et qualité du service d’électricité

La CEO a déclaré ce qui suit :

« The Handbook sets out that under the OEB’s regulatory framework, consolidating utilities are expected to deliver continuous improvement for both reliability and quality of service performance to benefit customers. The applicants submit that they are committed to maintaining the quality, reliability, and adequacy of electricity service for customers, stating that they currently have a total of six service centres across their service areas which will continue to be used for decentralized functions such as construction and maintenance, trouble response, logistics, fleet services, and metering, such that the adequacy, reliability, and quality of electricity service will be maintained. The applicants further expect LDC Co to maintain and improve upon the five-year average reliability indices and the OEB customer service standard metrics for its customers. »10

La CEO a conclu qu’aucun sujet de préoccupation n’a été soulevé par les intervenants à l’effet que la transaction aboutirait à une détérioration éventuelle de la fiabilité générale. La CEO a fait remarquer qu’elle a la capacité de surveiller en permanence le rendement en matière de fiabilité des entités autorisées et qu’elle est habilitée à intervenir et à imposer des mesures correctives lorsqu’une entité autorisée ne répond pas aux attentes établies en matière de rendement.11

Viabilité financière

Deux considérations importantes à cet égard figurent dans le guide : l’incidence du coût d’acquisition, y compris du montant des primes versées supérieur à la valeur (comptable) historique des actifs concernés; et le financement des coûts supplémentaires (des coûts de transaction et d’intégration) pour conclure la transaction de fusion. Dans ce cas, et comme il est également courant dans le cas des transactions de FARD, une prime est versée pour les actions d’Hydro One Brampton, et selon la politique de la CEO, une prime ne peut pas être recouvrée à même les tarifs.

Pour financer l’achat, on a recours à une combinaison de financement par emprunt et de contributions des actionnaires. La CEO a estimé que la preuve relative au financement proposé pour acquérir Hydro One Brampton et la prime à verser n’auront aucune incidence sur la viabilité financière du requérant, et juge que la transaction est par conséquent conforme au critère d’absence de préjudice pour ce qui est de la viabilité financière.12

Le permis de distribution et les ordonnances tarifaires du transfert

La CEO a approuvé la délivrance d’un nouveau permis de distribution à la nouvelle société et le transfert des ordonnances tarifaires existantes. Le permis entrera en vigueur au moment de la constitution de la société, et le transfert des ordonnances tarifaires aura lieu une fois que la CEO aura été avisée de l’achèvement de la consolidation.

Conclusion

Ce cas représente une décision de la CEO qui fait jurisprudence dans la plus grande fusion que l’organisme de réglementation a examinée à ce jour. La décision de la Commission énonce clairement l’approche à l’égard du critère d’absence de préjudice et reconnaît encore une fois que la fusion pour former LDC co. profitera vraisemblablement aux consommateurs et aux actionnaires.

    * Mark Rodger est associé principal au sein du cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais LLP, de Toronto. Son cabinet a agi pour le compte du requérant dans cette affaire.

  1.   Enersource Hydro Mississauga Inc, Horizon Utilities Corporation & Powerstream Inc: Application for approval to amalgamate to form LDC Co and for LDC Co to purchase and amalgamate with Hydro One Brampton Networks Inc, (8 décembre 2016), EB-2016-0025, en ligne : CEO <http://www.rds.ontarioenergyboard.ca/webdrawer/webdrawer.dll/webdrawer/rec/554096/view/licence_dec_order_ed_LDC%20Co_20161208.PDF> [Décision LDC Co].
  2.   Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, Annexe B.
  3.   Commission de l’énergie de l’Ontario, Handbook to Electricity Distributor and Transmitter Consolidation, Toronto, 19 janvier 2016.
  4.   Consulter l’article 142 de la Loi de 1998 sur l’électricité, LO 1998, c 15, qui prévoit en partie que « …chaque municipalité qui, directement ou indirectement, produit, transporte, distribue ou vend au détail de l’électricité fait constituer une personne morale en vertu du paragraphe (1) pour exercer ces activités».
  5.   Le dossier de la CEO no RP-2005-0018 et EB-2005-0234/0254/0257, en ligne : CEO < http://ontarioenergyboard.ca/documents/cases/RP-2005-0018/decision_310805.pdf>. Les objectifs de l’article 1 de la Loi sur la CEO relatifs à l’électricité, et sur lesquels la CEO met l’accent dans le cadre des instances portant sur les FARD, incluent de protéger les intérêts des consommateurs en ce qui concerne les prix, ainsi que la suffisance, la fiabilité et la qualité du service d’électricité, de promouvoir l’efficacité économique et la rentabilité dans les domaines de la production, du transport, de la distribution et de la vente d’électricité ainsi que de la gestion de la demande d’électricité, et de faciliter le maintien d’une industrie de l’électricité financièrement viable. Les autres objectifs de l’article 1 sont pris en considération dans le cadre d’autres politiques et exigences en matière de rapports de la CEO.
  6.   Ibid au pp 7-9.
  7.   Commission de l’énergie de l’Ontario, Report of the Board: Rate-making Associated with Distributor Consolidation (26 mars 2015), EB-2014-0138.
  8.   Décision LDC Co, à la p 8.
  9.   Ibid à la p 12.
  10.   Ibid à la p 13.
  11.   Ibid à la p 14.
  12.   Ibid à la p 16.

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