Windstream Energy : les arbitres de l’ALENA ordonnent au Canada de payer 25 millions de dollars

Un numéro précédent de ce journal1 faisait état d’une réclamation de Trillium Wind2 devant les tribunaux de l’Ontario concernant une décision de l’Ontario Power Authority d’annuler un contrat d’énergie éolienne. L’affaire est toujours devant les tribunaux. Au cours des derniers mois, deux décisions ont été prises par des comités d’arbitrage en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en lien avec des réclamations similaires.

La première affaire, Mesa Power3, était une réclamation concernant des contrats d’énergie éolienne terrestre. La deuxième affaire, Windstream Energy4 mettait en cause des contrats d’énergie éolienne en mer.

L’affaire Mesa, une réclamation de 775 millions de dollars, s’est conclue par une décision d’un comité d’arbitrage le 24 mars 2016 refusant la réclamation en totalité. L’affaire Windstream, une réclamation de 568 millions de dollars, s’est conclue par une décision le 27 septembre 2016 qui accordait au plaignant un montant de 26 millions de dollars plus les frais, le jugement de l’ALENA le plus important dans l’histoire du Canada.

Dans les deux cas, les contrats annulés étaient des contrats du gouvernement de l’Ontario accordés en vertu de la Loi sur lénergie verte, connus comme des contrats à tarif de rachat garanti ou TRG. L’ordonnance dans l’affaire Windstream était contre le gouvernement du Canada plutôt que celui de l’Ontario, car selon le traité de l’ALENA, Ottawa est responsable des actions prises par les provinces.

Contexte

Les litiges mettant en cause l’énergie renouvelable ne sont pas nouveaux. Au cours des 10 dernières années, différents pays ont mis en œuvre des programmes de mesures incitatives pour attirer des investissements dans l’énergie renouvelable. Ces programmes sont habituellement guidés par un engagement politique de réduire la dépendance à la génération d’électricité à partir de carburant fossile.

Dans la plupart des compétences, on a constaté un problème commun. Pour diverses raisons, les gouvernements ont changé les programmes de mesures incitatives en réduisant ces dernières ou en les éliminant complètement. Plusieurs bonnes raisons peuvent le justifier, mais cela n’amuse pas les investisseurs. Lorsque cela survient, les investisseurs cherchent souvent à être dédommagés dans le cadre d’une mesure d’arbitrage en vertu de traités d’investissement.

Il y a deux raisons pour lesquelles les investisseurs choisissent l’arbitrage. Premièrement, le tribunal dans l’affaire Trillium Wind est arrivé à la conclusion qu’il n’y a souvent aucun recours en vertu du droit national. Dans cette affaire, le plaignant cherchait à obtenir du gouvernement de l’Ontario 2 milliards de dollars en dommages; notamment pour rupture de contrat, un enrichissement injustifié, une assertion négligente et inexacte, une faute dans l’exercice d’une charge publique et une infliction intentionnelle de préjudice économique. Le juge saisi de la requête a rejeté l’affaire, entièrement sur la base que la décision du gouvernement d’arrêter le financement des parcs éoliens était une décision politique et, par conséquent, exempte de toute poursuite en justice. La Cour d’appel a infirmé, en partie, la décision en concluant qu’une réclamation pouvait faire l’objet d’une procédure, nommément la réclamation de faute dans l’exercice d’une charge publique, ce qui n’est pas la faute la plus facile à prouver.

Les recours possibles en arbitrage, qu’ils soient entrepris sous l’ALENA ou en vertu du Traité de la charte de lénergie (TCE)5, sous lequel de nombreux cas européens ont été soumis, comprennent l’expropriation directe et indirecte de l’investissement, la discrimination contre un investisseur précis, le refus d’un traitement juste et équitable et le refus d’attentes légitimes.

La deuxième raison pour laquelle les investisseurs préfèrent l’arbitrage est qu’un grand nombre d’entre eux sont des étrangers et préfèrent un comité d’arbitrage aux tribunaux nationaux, particulièrement lorsque la réclamation est contre un gouvernement du pays concerné. À ce jour, 27 réclamations en arbitrage mettant en cause l’énergie renouvelable ont été présentées contre l’Espagne, 7 contre la République tchèque et 5 contre l’Italie.

La seule décision à ce jour dans les affaires européennes est la décision de Charanne6, dont la majorité a rejeté entièrement les réclamations d’une entreprise des Pays-Bas et d’une entreprise du Luxembourg qui avaient conjointement investi dans la génération solaire d’électricité en se fondant sur un programme de mesures incitatives mis en place par le gouvernement de l’Espagne. Comme en Ontario, le programme espagnol comprenait des tarifs de rachat garantis sur une période de 25 ans. En plus du tarif attrayant pour l’électricité, le programme permettait aux plaignants de distribuer toute l’énergie produite sur le réseau. Par la suite, le gouvernement espagnol a modifié le programme pour limiter la quantité d’électricité pouvant être fournie et il a ajouté de nouveaux frais pour l’accès au réseau.

Les plaignants ont présenté l’argument selon lequel les modifications avaient réduit leur retour sur le capital investi et exproprié une partie de la valeur de leur investissement en rupture avec l’article 13 du TCE. Ils ont également plaidé que les modifications étaient en violation avec un traitement juste et équitable standard et niaient leurs attentes légitimes comme investisseurs, ce qui est contraire à l’article 10(1) et 10(12) du TCE.

Une majorité du comité d’arbitrage a rejeté toutes les réclamations. La réclamation d’expropriation indirecte a été refusée, car les plaignants devaient montrer que l’investisseur avait été lésé, en partie ou en totalité, de son investissement. Cette réclamation a échoué, car le programme demeurait en place, tout comme les contrats, même si le niveau de retour sur le capital investi était diminué.

La majorité a également maintenu que les actions du gouvernement n’allaient pas à l’encontre des attentes légitimes de l’investisseur étant donné que les plaignants n’avaient pas reçu de promesses ou d’engagements précis de l’Espagne. Le programme n’avait pas créé d’engagements pour des personnes ou des investisseurs précis. Le tribunal est arrivé à la conclusion qu’un engagement envers un groupe d’investisseurs n’était pas équivalent à un engagement envers un investisseur individuel, faisant remarquer que d’arriver à une autre conclusion mènerait à une limitation excessive du pouvoir de l’état de réguler l’économie conformément à l’intérêt du public. Bien entendu, il s’agit de la ligne mince à laquelle sont confrontés les comités d’arbitrage.

Pour appuyer cette conclusion, le tribunal a également noté que les documents fournis aux investisseurs en 2007 n’indiquaient pas que les tarifs de rachat garantis resteraient les mêmes pour la durée de vie réglementaire des centrales solaires. Pour décider autrement, le tribunal a mentionné que cela voudrait dire que toute modification du tarif serait en violation du droit international, un principe qu’il n’était pas prêt à accepter.

Une autre justification de la décision peut, jusqu’à un certain point, faire son chemin dans les décisions canadiennes. La majorité a conclu qu’afin d’exercer le droit des attentes légitimes, les plaignants doivent montrer qu’ils ont d’abord fait une analyse diligente du cadre légal de l’investissement. Le tribunal est arrivé à la conclusion que si le plaignant l’avait fait, il aurait découvert que les modifications dans le programme de tarif de rachat garanti étaient permises en vertu du droit national en place en Espagne.

Mais, est-ce que le droit national représente le bon critère? L’arbitre dissident n’était pas en accord avec la majorité qui avait conclu que lorsque des états accordent des mesures incitatives à une catégorie précise de personnes en échange de leur investissement, ces personnes sont en droit d’avoir des attentes légitimes. L’arbitre dissident a conclu que, peu importe le pouvoir réglementaire en vertu du droit national d’un état, une rupture des attentes légitimes des investisseurs pourrait se traduire par une compensation. Pour certains, cette dissidence peut avoir une ressemblance frappante avec la dissidence du juge Bower dans l’affaire Mesa Power.

Programme de TRG de lOntario

Le 24 septembre 2009, le ministre de l’Énergie de l’Ontario a ordonné à l’Ontario Power Authority de créer le programme de TRG, y compris les règles de rachat en vue d’établir les critères d’admissibilité ainsi qu’un critère pour évaluer les demandes, les échéances pour l’exploitation commerciale et les exigences relatives au contenu national. Ces dernières ont été établies à 25 % à l’origine, puis augmentées à 50 % par la suite. Les exigences de contenu national ont été contestées par la suite en vertu d’un autre régime réglementaire7.

Le programme de TRG offrait des ententes d’achat d’électricité de 20 ou 40 ans avec l’Ontario Power Authority. En vertu de ces contrats, le producteur recevait un prix fixe garanti par kilowatt/heure pour l’électricité livrée sur le réseau de l’Ontario. Des contrats étaient offerts à des projets situés en Ontario qui produisaient de l’électricité exclusivement à partir d’une énergie renouvelable. Les demandeurs devaient également établir que le projet pouvait être raccordé au réseau électrique par un système de distribution ou de transmission, ce qui a constitué un problème particulier pour Mesa Power.

Windstream Energy

En octobre 2012, Windstream a présenté une réclamation contre le gouvernement du Canada pour un montant de 475 millions de dollars. À la suite d’une audience de 10 jours en février 2016, un comité de trois arbitres a accordé un montant de 26 millions de dollars à la suite d’une décision de l’Ontario prise en février 2011 de suspendre tout le développement éolien en mer. Le comité a accepté l’argument de Windstream selon lequel la décision du gouvernement a empêché Windstream d’obtenir les avantages du contrat de 2010 signé avec l’Ontario Power Authority.

En novembre 2009, Windstream avait soumis 11 demandes pour le programme TRG pour des projets éoliens, y compris une demande pour un projet de parc éolien en mer à turbine de 300 MW près de l’île Wolfe dans le lac Ontario, à proximité de Kingston. L’Ontario Power Authority a offert un contrat de TRG à Windstream en mai 2010, que cette dernière a signé en août de la même année. Dans le cadre du contrat, l’OPA devait payer un prix fixe pour de l’électricité pendant 20 ans. Le contrat avait une valeur totale de 5,2 milliards de dollars.

Au cours de cette période, le gouvernement de l’Ontario faisait un examen de politiques en vue d’élaborer un cadre réglementaire pour des projets éoliens en mer, y compris une zone d’exclusion de 5 km le long de la côte. L’examen de politique a pris fin le 11 février 2011 lorsque le gouvernement de l’Ontario a décidé de suspendre tout le développement éolien en mer jusqu’à ce que d’autres recherches soient achevées.

La réclamation de Windstream reposait principalement sur la base que la décision de l’Ontario était arbitraire et fondée sur des préoccupations politiques selon lesquelles les contrats d’énergie éolienne feraient monter les tarifs d’électricité. Windstream a plaidé que le gouvernement n’avait vraiment pas l’intention de poursuivre la recherche scientifique.

Dans sa réponse, le Canada a affirmé que l’Ontario avait le droit de procéder avec prudence en ce qui a trait au développement de l’énergie éolienne en mer et que l’ALENA n’interdisait pas de retards réglementaires raisonnables.

Les réclamations

Windstream a déposé différentes réclamations en lien avec l’ALENA. La plus importante (et la seule qui a été accueillie) était une infraction selon l’article 1105 (1), la disposition de norme minimale de traitement, dans laquelle il est énoncé ce qui suit :

« Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie un traitement conforme au droit international, notamment un traitement juste et équitable ainsi qu’une protection et une sécurité intégrales. »

Le tribunal a noté que tout jugement relativement à ce qui est juste et équitable reposera sur les faits de chaque cas, énonçant aux paragraphes 360 à 362 :

« [Traduction] 360. de façon similaire, le tribunal Mondev a observé que :

lorsqu’un tribunal est confronté à la réclamation d’un investisseur étranger, selon lequel l’investissement a reçu un traitement injuste ou inéquitable ou qu’il n’a pas reçu une protection et une sécurité intégrales, la réclamation doit être autorisée sur les faits et selon l’application de toute disposition du traité la régissant. Il est impossible d’arriver à un jugement de ce qui est juste et équitable dans l’abstrait; il doit être fondé sur les faits de l’affaire en particulier. Il s’agit d’une partie des activités essentielles des tribunaux et ces derniers doivent arriver à un jugement comme ceux-ci. Par conséquent, les principes généraux, dont il est fait référence à l’article 1105(1) ainsi que dans des dispositions similaires, doivent inévitablement être interprétés et appliqués aux faits en particulier.

[L]’interprétation du TRG fait en sorte d’indiquer clairement que dans l’article 1105(1), les termes “traitement juste et équitable” et “protection et sécurité intégrales” sont, selon le point de vue des Parties de l’ALENA, des références à des éléments existants de la norme du droit international coutumier et qu’ils ne visent pas à ajouter des éléments nouveaux à la norme. Le mot “y compris” du paragraphe (1) soutient cette conclusion. De dire que ces éléments sont compris dans la norme de traitement en vertu du droit international suggère que l’article 1105 ne vise pas à ajouter ou compléter cette norme. Mais cela ne suit pas le fait que la phrase “notamment un traitement juste et équitable ainsi qu’une protection et une sécurité intégrales” n’ajoute rien à la signification de l’article 1105(1) ni que le TRG ne cherche à voir le sens de ces mots dans l’article, un processus qui aurait forcé une modification plutôt qu’une interprétation.

361. Le tribunal souscrit à toutes ces observations, plus particulièrement, l’observation du tribunal Mondev qu’“[Traduction] [i]l est impossible d’arriver à un jugement de ce qui est juste et équitable dans l’abstrait; il doit être fondé sur les faits d’une affaire en particulier8“. Le tribunal Mondev met justement l’accent sur le fait que “[c]ela fait partie des activités essentielles des tribunaux de prononcer des jugements comme ceux-ci”; et que “par conséquent, les principes généraux, dont il est fait référence à l’article 1105(1) ainsi que dans des dispositions similaires, doivent inévitablement être interprétés et appliqués aux faits en particulier”9.

362. En d’autres mots, comme on dit bien que c’est au fruit qu’on juge l’arbre (et non selon sa description), le critère ultime du caractère correct d’une interprétation n’est pas dans sa description, en d’autres mots, mais dans son application des faits ».

En concluant qu’il y avait une violation, le tribunal se demandait si la vraie justification du moratoire était le besoin de réaliser plus de recherches scientifiques. Tout aussi important, il fallait noter la conclusion du tribunal selon laquelle l’Ontario avait fait peu d’efforts, voire aucun, pour accommoder Windstream et ne semblait pas vouloir informer Windstream, ce qui est bien établi dans la décision aux paragraphes 366 et 367 :

« [Traduction] 366. Le tribunal note qu’après la signature du contrat de TRG le 20 août 2010, la position du gouvernement de l’Ontario est devenue de plus en plus ambiguë par rapport au développement de l’énergie éolienne en mer. Par conséquent, pendant que le gouvernement semblait avoir envisagé déjà en août 2010 que le cadre réglementaire pertinent, y compris les exigences relatives aux retards, serait possiblement en place, sa position a commencé à changer à l’automne 2010. Ce changement semble avoir coïncidé avec la réception et l’analyse de renseignements produits grâce à l’affichage du CDE du 25 juin 2010, indiquant une contestation croissante par rapport au développement éolien en mer.

367. Selon la preuve, il semble que les différentes options examinées et les préoccupations connexes n’ont pas été communiquées à Windstream lors de réunions entre les fonctionnaires du gouvernement et les représentants de Windstream ou autrement. Le 10 décembre 2010, Windstream a envoyé un avis de force majeure à l’OPA, en vigueur le 22 novembre 2010, mentionnant que l’échec du MRN de procéder avec le processus de délivrance de permis, particulièrement celui de libération du site, et l’échec du MEO de prendre les mesures pour mettre en œuvre sa proposition de politique de créer une zone d’exclusion avaient empêché Windstream de faire avancer son projet conformément au contrat de TRG. »

Le tribunal est arrivé à la conclusion aux paragraphes 377, 378 et 380 :

« [Traduction] 377. Toutefois, au même moment, la preuve devant le tribunal suggère que la décision d’imposer un moratoire n’était pas uniquement motivée par le manque de science. Les répercussions de l’énergie éolienne produite en mer sur les coûts de l’électricité en Ontario, ainsi que les élections provinciales de novembre 2011, semblent également avoir influencé la décision, et ces dernières en particulier à la lumière de l’opposition publique par rapport à l’énergie éolienne en mer qui a émergé durant la période concernée dans de nombreuses régions rurales de l’Ontario (toutefois pas à Kingston, où le projet est situé). Toutefois, encore une fois le tribunal n’est pas en mesure d’arriver à la conclusion, sur la base de la preuve devant lui, que ces préoccupations représentent la principale raison du moratoire ou que la décision d’imposer ce dernier a mené à une violation de l’article 1105(1) de l’ALENA juste à cause que le gouvernement a échoué à communiquer ces préoccupations lors de l’imposition du moratoire.

378. En ce qui concerne la période suivant le moratoire, le tribunal note que, bien que le MEO ait préparé des plans de recherche sur l’éolienne en mer et bien qu’il semble que le gouvernement ait mené certaines études (772) le gouvernement, dans l’ensemble, a fait relativement peu d’effort pour aborder l’incertitude scientifique entourant l’éolienne en mer, la raison sur laquelle il a fondé sa raison principale citée publiquement pour le moratoire. D’ailleurs, un grand nombre de plans de recherche ne sont jamais allés de l’avant, y compris certains en raison de l’absence de financement, et lors de l’instance, l’avocat du défendeur a confirmé que l’Ontario ne prévoyait pas mener d’autres études ni que les études qui avaient été réalisées aient mené à des modifications au cadre réglementaire.

380. Le tribunal conclut que l’échec du gouvernement de l’Ontario de prendre les mesures nécessaires, y compris lorsqu’elles sont nécessaires afin de diriger l’OPA, dans une période raisonnable de temps après l’imposition d’un moratoire pour éclairer l’incertitude réglementaire entourant l’état et le développement du projet crée par le moratoire, constitue une violation de l’article 1105(1) de l’ALENA. D’ailleurs, c’est le gouvernement de l’Ontario qui a imposé le moratoire, et non l’OPA, alors il est impossible de dire si l’imbroglio réglementaire et contractuel résultant était causé par le plaignant lui-même en raison de son échec à négocier une entente raisonnable avec l’OPA. L’imbroglio réglementaire et contractuel dans lequel s’est retrouvé le plaignant dans les années suivant l’imposition du moratoire était le résultat d’actes et d’omissions du gouvernement de l’Ontario et, par conséquent, est attribuable au défendeur. Par conséquent, le tribunal n’avait pas à examiner si la conduite de l’OPA durant la période concernée devait également être considérée comme attribuable au défendeur. »

Windstream a fait une autre réclamation indiquant que l’Ontario avait violé l’article 1102 de l’ALENA en accordant à la société un traitement moins favorable que celui accordé à d’autres entités dans des circonstances similaires. Elle a plaidé que le traitement qu’elle avait reçu de l’Ontario était moins favorable que celui que la province a accordé à TransCanada. Les deux entreprises étaient des parties d’ententes d’achat d’électricité avec l’OPA qui garantissaient un prix fixe pour l’électricité. Les deux contrats comportaient des dispositions de force majeure. Les deux contrats ont été résiliés. Toutefois, lorsque l’Ontario a mis fin au contrat avec TransCanada, la province a offert à cette dernière un nouveau projet et l’a compensé pour les coûts de l’annulation. À l’inverse, l’Ontario n’a pas fait la même chose avec Windstream à la suite du moratoire.

Le tribunal a rejeté l’argument de Windstream notant que l’article 1102 porte sur le traitement national et favorisait principalement le traitement de la nation. Toutefois, le tribunal a conclu que les circonstances étaient différentes pour TransCanada. Contrairement à TransCanada, Windstream avait un contrat de TRG pour de l’énergie éolienne en mer, alors que TransCanada n’en avait pas.

Il n’y a aucun doute que le projet de TransCanada était différent de celui de Windstream. TransCanada avait un contrat avec l’OPA pour la construction d’une centrale électrique au gaz à Mississauga, près de Toronto. Les résidents locaux n’étaient pas très heureux et le gouvernement libéral a annulé le projet à la suite de l’élection provinciale. Pour garder TransCanada heureuse, l’OPA a négocié une entente qui remboursait la société pour ses coûts et lui accordait un nouveau contrat dans un autre secteur. Les circonstances étaient différentes ainsi que la réponse du gouvernement. Dans l’affaire TransCanada, des négociations exhaustives ont été menées alors qu’il n’y en a eu aucune dans le cas de Windstream. Le tribunal a conclu que les deux projets étaient totalement différents et, par conséquent, ne s’étaient pas traduits par des circonstances similaires. Le projet de TransCanada n’en était même pas un d’énergie renouvelable, ce qui est la base de tous les contrats de TRG.

Conformément, le tribunal a jugé que le moratoire et les mesures connexes ne s’appliquaient pas à TransCanada en premier lieu. TransCanada n’a pas été touchée par le moratoire sur l’énergie éolienne en mer. De plus, le moratoire n’était pas appliqué d’une manière non discriminatoire, car il a mené à l’annulation de tous les contrats d’énergie éolienne en mer. Le problème était que Windstream détenait le seul contrat d’énergie éolienne en mer. Par conséquent, le tribunal a conclu qu’il ne pouvait convenir que Windstream avait été traité moins favorablement que d’autres promoteurs de projet d’énergie éolienne en mer.

Mesa Power

La décision du comité de l’ALENA dans l’affaire Mesa Power est bien différente de celle dans l’affaire Windstream Energy. Les deux portaient sur des réclamations en vertu de l’article 1105 de l’ALENA. Les deux affaires ont été entendues à Toronto en 2016.

En 2011, le Mesa Power Group, une société américaine détenue par le magnat du pétrole du Texas T. Boone Pickens, a présenté une demande d’indemnisation de 700 millions de dollars contre le Canada en lien avec la politique de l’Ontario d’accorder des ententes d’achat d’électricité dans le cadre du programme de TRG de l’Ontario pour l’approvisionnement en énergie renouvelable.

La société Mesa soutenait que le Canada avait adopté des mesures discriminatoires, imposé des exigences minimales de contenu national et échoué à fournir à la société le traitement standard minimum en violation avec les dispositions d’investissement de l’ALENA. À la fin, le tribunal a rejeté toutes les réclamations de Mesa et lui a ordonné d’assumer le coût de l’arbitrage ainsi qu’une portion des coûts juridiques du Canada de près de 3 millions de dollars.

Mesa a plaidé que la raison pour laquelle elle n’avait pas reçu de contrats de TRG était la mauvaise gestion du programme et que Mesa avait été discriminée lorsque l’Ontario avait accordé des préférences non fondées à deux autres demandeurs. Windstream a vraiment mis l’accent sur la question de la légitimité du moratoire émis par l’Ontario pour retarder toute production d’énergie éolienne en mer ainsi que sur le comportement du gouvernement de l’Ontario à la suite de l’annonce du moratoire.

L’OPA a lancé le programme de TRG en octobre 2009. Au cours de la première ronde de contrats, l’OPA a étudié 337 demandes et a accordé 184 contrats pour une capacité totale de 2 500 MW. La deuxième ronde de contrats a été tenue en février 2011. Quarante contrats de TRG ont été accordés pour un total de 872 MW. La troisième ronde de contrats a été tenue en juillet 2011, et elle s’est conclue par l’octroi de 14 contrats pour un total de 749 MW.

Mesa Power a présenté six demandes dans le cadre du programme de TRG, mais n’a pas réussi à en obtenir dans les trois rondes de contrats. Le problème était que tous les projets de MESA se trouvaient dans Bruce County. Afin d’obtenir un contrat, les demandeurs devaient démontrer qu’ils avaient le droit de se raccorder au système de transmission. Mesa n’a pas été en mesure de se raccorder au système de transmission en raison des contraintes de ce dernier dans Bruce County.

Mesa a plaidé que l’échec d’obtention d’un accès au système de transmission était dû à des défauts dans le processus de contrat et aux préférences accordées à deux autres parties, nommément Next ERA Energy (une filiale de Florida Light and Power) et le consortium coréen mené par Samsung.

Traitement juste et équitable

Mesa a plaidé que cette conduite avait mené à une violation de l’article 1105(1) de l’ALENA que l’on peut lire ainsi :

« Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie un traitement conforme au droit international, notamment un traitement juste et équitable ainsi qu’une protection et une sécurité intégrales. »

Avant que le tribunal ne soit en mesure de déterminer si le Canada avait échoué à accorder à Mesa Power un traitement juste et équitable, il devait définir ce terme. La définition du comité est inscrite dans les paragraphes 501, 502, 504 et 505 de la décision :

« 501 [Traduction] ayant examiné les positions des parties et la jurisprudence, le tribunal croit que la décision dans l’affaire Waste Management II identifie correctement le contenu de la norme du droit international coutumier du traitement dans l’article 110. Cette décision avait été citée avec l’approbation dans les soumissions du plaignant10. Il a également été cité dans la  récente décision de l’affaire Bilcon11, avec laquelle le plaignant était en accord12, dans les  termes suivants :

“[Traduction] la formulation de la ‘norme générale de l’article 1105’ par le tribunal de l’affaire Waste Management a particulièrement une grande influence, et d’autres tribunaux ont appliqué cette formulation de la norme internationale minimale en fonction de la jurisprudence de l’ALENA :

[L]a norme minimale de traitement juste et équitable est violée par une conduite attribuable au pays et lèse le plaignant si cette conduite est arbitraire, manifestement inéquitable, injuste ou idiosyncrasique, elle est discriminatoire et expose le plaignant à un préjudice sectionnel ou racial, ou ne suit pas le cours normal de la loi menant à un résultat qui est souvent offensant pour la propriété judiciaire, comme cela peut être le cas avec l’échec manifeste de la justice naturelle dans les instances judiciaires ou un manque complet de transparence et de candeur dans le processus administratif. En appliquant cette norme, il est pertinent de dire que le traitement viole les représentations faites par le pays hôte sur lesquelles le plaignant s’est raisonnablement fondé.

Évidemment, la norme, dans une certaine mesure, en est une flexible qui doit être adaptée selon les circonstances de chaque affaire.

Bien qu’aucune formule d’arbitrage unique ne peut saisir de manière définitive et exhaustive le sens de l’article 1105, le tribunal conclut que cette citation de l’affaire Waste Management est une particulièrement apte. Des actes ou des omissions constituant une violation doivent être graves de nature. La formulation de l’affaire Waste Management applique des adjectifs accentuant certains éléments, mais non tous les éléments d’aucune façon, dans sa liste des catégories de conduite potentiellement non conforme. La formulation comprend les mots ‘manifestement’ injuste, échec ‘manifeste’ de la justice naturelle et absence ‘complète’ de transparence.

La liste fait penser qu’il y a un seuil élevé pour que la conduite du pays hôte s’élève au niveau d’une violation de l’article 1105 de l’ALENA; toutefois, dans aucune des affaires il n’y a l’exigence que la conduite contestée atteigne le niveau de comportement choquant ou outrageux. La formulation reconnaît également l’exigence des tribunaux d’être sensible aux faits de chaque affaire, la pertinence potentielle de représentations raisonnables sur lesquelles un pays hôte s’est fondé, et une reconnaissance que l’injustice dans les procédures ou les conclusions puisse constituer une violation.”

502. Sur cette base, le tribunal considère que les éléments suivantes peuvent être dits pour former une partie de l’article : caractère arbitraire; caractère inéquitable “manifeste”; discrimination; absence “complète” de transparence et de candeur dans le processus administratif; absence d’application régulière de la loi “menant à un résultat qui est offensant pour la propriété judiciaire” et un “échec manifeste” de justice naturelle dans les instances judiciaires13. En outre, le tribunal a partagé le point de vue maintenu par une majorité des tribunaux de l’ALENA14 que l’échec de respecter les attentes légitimes d’un investisseur en soi ne constitue pas une violation de l’article 1105, mais il s’agit d’un élément dont il faut tenir compte dans l’évaluation à savoir si d’autres éléments de la norme ont été violés.

504. Le seuil pour une violation de l’article 1105 est également pertinent à l’analyse du tribunal. Le plaignant ne semble pas contester, à juste titre, que le seuil de l’Article 1105 est élevé. D’ailleurs, les trois parties de l’ALENA sont d’accord sur cette question15 et d’autres tribunaux du chapitre 11 sont arrivés à la même conclusion16.

505. Finalement, lors de la définition de l’article 1105, il faut également tenir compte qu’en vertu du droit international, les tribunaux doivent garder un bon niveau de devoir de réserve dans la manière selon laquelle un pays régit ses affaires internes. Ou, dans les mots du tribunal de l’affaire Bilcon:

“Même lorsque les fonctionnaires d’un pays agissent de bonne foi, il y aura tout de même des jugements controversés à l’occasion, ainsi que des erreurs claires dans les instances suivantes, recueillant et énonçant des faits et identifiant des règles applicables en substance. Les autorités nationales doivent faire face à des demandes concurrentes pour leurs ressources administratives, et il peut y avoir des retards ou un temps, une attention ou une expertise restreints dont il faut tenir compte lors du traitement de ces questions. Un exercice de discrétion imprudent, voir des erreurs évidentes, ne mènent pas, règle générale, à une violation de la norme minimale internationale.” »

Le tribunal a rejeté les trois réclamations faites par Mesa selon lesquelles le Canada avait violé les dispositions de traitement juste et équitable de l’article 1105 de l’ALENA.

Le tribunal a rejeté l’allégation que l’OPA n’avait pas bien géré le programme et n’avait pas traité tous les demandeurs équitablement, notant que l’OPA avait retenu un surveillant indépendant pour administrer le programme de TRG.

Il a également rejeté l’accusation que NextEra avait rencontré les fonctionnaires du gouvernement, faisant remarquer que cela était une pratique courante dans l’industrie et qu’il n’y avait aucune preuve de préférence. NextEra a eu accès aux installations de transmission de Bruce County à un certain moment, mais Mesa s’était également vue offrir la même possibilité.

La partie la plus contentieuse des allégations de Mesa était liée à l’accord du consortium coréen. Mesa avait plaidé que l’accord entre l’Ontario et le consortium coréen diminuait de façon injuste les perspectives pour d’autres investisseurs, y compris Mesa, qui participaient déjà au programme d’énergie renouvelable en mettant de côté la capacité de transmission pour le consortium coréen qui était celle prévue pour les demandeurs du programme de TRG.

Mesa a également plaidé que l’Ontario était moins transparente dans ses négociations de l’entente et qu’elle a fourni des renseignements incomplets et imprécis. Le Canada a répondu qu’il n’y avait rien de manifestement arbitraire ou injuste lorsqu’un gouvernement participe à un accord d’investissement qui accorde des avantages à un investisseur en échange d’un engagement d’investissement.

Devoir de réserve des organisme de règlementation gouvernementaux

Le devoir de réserve est un concept important. Au Canada et aux États-Unis, les tribunaux accordent régulièrement le devoir de réserve aux arbitres17 et aux organisme de règlementation18. Dans les instances d’arbitrage entre investisseur et pays, les arbitres accordent le devoir de réserve aux gouvernements, particulièrement lorsque ces derniers mènent une fonction réglementaire et que l’intérêt du public est le critère dominant.

Le tribunal de l’affaire Mesa a pointé le devoir de réserver que les tribunaux du chapitre 11 de l’ALENA accordent habituellement aux gouvernements lorsqu’il est question d’évaluer la manière dont ces derniers réglementent et gèrent leurs affaires. Le tribunal a prononcé au paragraphe 553 :

« [Traduction] 553 En révisant cette violation alléguée, le tribunal doit garder en tête le devoir de manière dont il réglemente et gère ses affaires. Ce devoir de réserve applique de manière évidente la décision de conclure des ententes d’investissement19. Comme il est noté par le tribunal de   l’affaire S.D. Myers, “[l]orsqu’il est question d’interpréter et d’appliquer la ‘norme minimale’, le tribunal du chapitre 11 n’a pas un mandat sans fin de contester les décisions prises par le gouvernement20.“ Le tribunal de l’affaire Bilcon, une affaire où le plaignant a cité avec approbation, il a également maintenu que “[l]’exercice imprudent de la discrétion ou, voire, des erreurs évidentes ne mènent habituellement pas à une violation de la norme minimale  internationale21“. »

Juridictions et exceptions

Certaines questions préliminaires ont été soulevées dans l’affaire Mesa concernant des questions de compétence et l’exception d’une disposition en vertu de l’ALENA.

Le tribunal de l’affaire Mesa est d’accord avec la réclamation du Canada selon laquelle un investisseur ne peut contester des mesures déjà en place. Une partie de la réclamation de la société Mesa était fondée sur les exigences de contenu national. Le tribunal est arrivé à la conclusion que ces exigences faisaient partie du programme TRG avant que les projets de Mesa ne commencent. Par conséquent, les arbitres n’avaient aucune juridiction sur cette réclamation.

Une autre question en lien avec le statut de l’OPA. Le Canada était d’accord que les actes du gouvernement de l’Ontario étaient attribuables au Canada, mais était en désaccord avec l’idée que l’OPA était une agence d’état. Conformément, le Canada a plaidé que l’OPA n’était pas soumise à la juridiction du tribunal. Toutefois, le tribunal est ultimement arrivé à la conclusion que l’OPA était une entreprise d’État et que ses actions étaient attribuables au Canada.

L’exemption visant l’acquisition de service de l’ALENA a soulevé une autre question. L’ALENA énonce que si la conduite en question constitue une acquisition de service par une entreprise du pays, certaines obligations de l’ALENA ne s’appliquent pas, notamment, le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée. L’exception a été élaborée pour s’assurer que les signataires de l’ALENA conservent la capacité d’inclure des préférences fondées sur la nationalité dans leurs programmes d’acquisition de service. Malgré l’objection de Mesa, la majorité du tribunal a prononcé que le jugement TRG était, en réalité, une acquisition de service mise en œuvre par l’OPA, une entreprise de l’état. Selon l’OPA, les actions ne pouvaient être contestées en fonction des dispositions de non-discrimination de l’ALENA.

À la fin, l’affaire Mesa a activé l’existence d’un traitement juste et équitable. La majorité n’était pas convaincue que Next Era Energy avait reçu l’entente spéciale que Mesa avait plaidée. Personne ne mettait en doute que Next Era avait reçu différents contrats de TRG d’une valeur totale de 3,8 milliards de dollars. Mais la majorité a refusé d’accepter que cela fût le résultat de la collusion et n’a pas tenu compte de la contribution de 18 600 $ que Next Era avait fait au Parti libéral de l’Ontario.

La question plus contentieuse concernait le Green Energy Investment Agreement, ou GEIA, conclu par l’Ontario et le Korea Electric Power Consortium en janvier 2010. Il n’y avait aucun doute que cette entente donnait un accès prioritaire à une capacité de production de 2 500 MW en Ontario et que l’OPA avait reçu l’ordre en septembre 2010 de réserver une capacité de transmission de 500 MW dans la région de Bruce pour le consortium.

Mesa a vu une préférence comme un drapeau rouge étant donné que l’absence d’accès à la capacité de transmission dans Bruce County était la source de ses problèmes. Toutefois, le tribunal a refusé de conclure que cela représentait de la discrimination. Il est permis de penser qu’il s’agissait d’une subtilité, mais la majorité a jugé que le GEIA ne faisait pas partie du programme de TRG. Il s’agissait d’une entente totalement séparée; une entente où le consortium coréen recevait une capacité de transmission en échange d’une entente pour faire des investissements massifs dans le secteur manufacturier de l’Ontario.

Aller de lavant

Il s’avère que ni l’affaire Windstream ni celle de Mesa ne sont terminées. Il n’y a pas de processus d’appel sous l’ALENA, mais Mesa Power a présenté une demande d’annulation devant le tribunal de district du District of Columbia. Mesa a plaidé que l’octroi constituait un mépris manifeste de la loi. L’argument semble être que la majorité se fiait trop au devoir de réserve qui doit être accordé au gouvernement de l’Ontario, plutôt que d’examiner soigneusement la conduite du gouvernement, comme la conclusion à laquelle en est venu l’arbitre dissident qui trouvait que la conduite de l’Ontario violait l’ALENA.

Plus récemment, Windstream a présenté une requête devant la Cour suprême de l’Ontario pour faire appliquer le jugement contre le Canada. Le Canada a répondu qu’il allait respecter ses obligations en vertu de l’ALENA, mais que le pays et l’Ontario n’étaient pas en mesure de s’entendre sur qui devait payer et quand.

Les instances d’arbitrage sur des affaires d’énergie renouvelable dans le monde peuvent soulever de sérieuses questions à savoir si l’arbitrage est le meilleur mécanisme pour résoudre ces litiges. Ces dossiers représentent une occasion unique pour ce type d’analyse.

Il y a actuellement plus de 40 dossiers dans cinq pays, avec essentiellement les mêmes faits. Un gouvernement a mis en place des mesures incitatives pour attirer des investissements en énergie renouvelable. Des investisseurs ont répondu à ces mesures incitatives. Le gouvernement a ensuite décidé d’éliminer les mesures incitatives en partie ou en totalité en raison d’un surplus d’énergie renouvelable ou parce que les électeurs et les contribuables se sont opposés au coût élevé de cette énergie.

Ces dossiers sont difficiles, car les arbitres ont une grande latitude pour déterminer quelle conduite respecte la norme d’un traitement juste et équitable et les attentes légitimes des investisseurs. La vraie question est de savoir si la norme du droit international est différente des pouvoirs qu’un gouvernement peut exercer de façon légitime en vertu de ses lois nationales. Habituellement, la loi nationale permet une grande latitude au gouvernement.

Le principe établi depuis longtemps dans les affaires de l’ALENA selon lequel les tribunaux doivent accorder une grande discrétion au gouvernement dans l’exercice de leur juridiction réglementaire légitime rend la question encore plus difficile. Il n’y a plus de ligne claire entre ce qui est permis en vertu de la loi nationale et ce qui est permis en vertu du droit international et des traités entre pays et investisseurs. Les tribunaux des affaires Charanne, Windstream et Mesa ont tous eu de la difficulté à faire cette distinction.

    * Gordon E. Kaiser est un arbitre agrée pratiquant à Jams Resolution Center à Toronto et Washington DC, ainsi qu’aux Energy Arbitration Chambers de Calgary et de Houston. Il est un ancien vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario. De plus, il est un professeur adjoint à l’Osgoode Hall Law School, coprésident du forum canadien sur la loi sur l’énergie et rédacteur en chef pour cette publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie.

  1.   Gordon Kaiser, « Trillium Wind : les Promoteurs peuvent-ils engager des poursuites lorsque des projets éoliens sont annulés? » (2014) 2 : Hiver 2014, Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 75.
  2.   Trillium Power Wind Corp v Ontario, 2013 ONCA 683.
  3.   Mesa Power Group LLC v Government of Canada, PCA Dossier no 2012-17, 24 mars 2016.
  4.   Windstream Energy LLC v Government of Canada, PCA Dossier no 2012-17, 27 septembre 2016.
  5.   The International Energy Charter Consolidated Energy Charter Treaty, 17 décembre 2014.
  6.   Charanne v Kingdom of Spain, Case No 062/2012, ECT, 21 janvier 2016.
  7.    Cette exigence a été contestée avec succès par le Japon et l’Europe dans des affaires auprès de l’Organisation mondiale du commerce signalant des modifications au programme. OMC, Canada – Mesures en lien avec le programme de TRG (WT/DS 426/AB/R).
  8.   Mondev International Ltd v United States of America (ICSID Case No ARB(AF)/99/2), jugement en faveur du plaignant du 11 octobre 2002 (CL-66), para 118.
  9.   Ibid au para 11.
  10.   Mesa, supra note 3 faisant référence au mémoire de l’investisseur (20 novembre 2013), n 361.
  11.   Mesa, supra note 3, n 228 : « [Traduction] La décision a également été citée dans des affaires liées au défendeur. Voir l’affaire Mobil Investments Inc & Murphy Oil Corporation v Government of Canada (ICSID case No ARB (AF)/07/4), Decision on Liability and on Principles of Quantum, 22 mai 2012 (“Mobil”), §141; Cargill Incorporated v United Mexican States (ICSID case No ARB(AF)/05/2), award, 18 septembre 2009 (« Cargill »), § 283. »
  12.   Mesa, supra note 3, n 229 : « [Traduction] Voir les soumissions du plaignant dans l’affaire Bilcon v Canada §§46-50 (énonçant la décision du tribunal dans cette affaire relativement à l’article 1105 et faisant mention que “[À] cet arbitrage, l’investisseur a fait des soumissions similaires […] défendant la norme ultimement adoptée dans l’affaire”) ».
  13.   Mesa, supra note 3, n 231 : « [Traduction] Dans une affaire récente, en interprétant l’article 10.5 du traité É.-U.-Oman, qui est similaire à l’article 1105 de l’ALENA, le tribunal a décrit la portée et le contenu de la norme du droit international coutumier de traitement comme “une omission manifeste ou flagrante des principes de base de justice, de constance, d’impartialité, d’application normale de la loi ou de justice naturelle auxquelles tous les pays peuvent s’attendre en vertu du droit international coutumier. Pour une telle norme, le fait que le plaignant pointe une certaine inconstance ou le caractère inadéquat de ses affaires internes n’est pas suffisant dans le règlement d’Oman : une violation de la norme minimale doit mettre en cause un échec, délibéré ou autrement notable, de protéger les droits et les attentes de base d’un investisseur étranger. Cela ne sera certainement pas le cas que chaque mauvaise application mineure des lois et règlements d’un pays respectera cette norme élevée”. Voir Adel A Hamadi Al Tamimi v Sultanate of Oman (ICSID Case No ARB/11/33), Award, 3 novembre 2015, § 390 ».
  14.   Mesa, supra note 3, n 232 : Par exemple, voir Waste Management, Inc v United Mexican States (ICSID No ARB(AF)00/3), Award, 30 avril 2004 au para 96; Cargill, supra note 11, n 296.
  15.   Mesa, supra note 3, n 234 : « [Traduction] Deuxième soumission des É.-U. De l’article 1128 au para §20 (“Conformément, le seuil est élevé pour que l’article 1105 s’applique”); Deuxième soumission du Mexique selon l’article 1128 (“[L]e seuil pour établir une violation de la norme minimale de traitement en vertu du droit international coutumier est élevé”); Observation du Canada de l’affaire Bilcon § 15; C-Mem. §394-402; Rej. §146. »
  16.   Mesa, supra note 3, n 235 : « Bilcon §441; Exh. CL-194, International Thunderbird Gaming Corporation v. United Mexican States (UNCITRAL), Arbitral Award, 26 janvier 2006 (« International Thunderbird »), §§194, 197. »
  17.   Moses H Cane Memorial Hospital v Mercury Construction,460 US 1 (1983) au para 24; Dell Computer Corp c Union des consommateurs, 2007 CSC 34,[2007]2 RCS 801; Ontario Hydro v Dominion Mines Ltd, (192 OJ 2848).
  18.   McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 RCS 895; Chevron v Natural Resource Def Council, 467 US 837; Walton v Alberta Securities Commission, 2014 ABCA 273 au para 17.
  19.   Mesa, supra note 3, n 296 : « [Traduction] Le plaignant accepte cette position. Voir C-PHB § 201 (“[Traduction] le rôle d’un tribunal n’est pas de mesurer la sagesse de la décision de conclure une entente, mais de déterminer si un gouvernement a offert un traitement préférentiel dans le cadre de l’entente”).
  20.   Mesa, supra note 3, n 297 : « SD Myers, §261 ».
  21.   Mesa, supra note 3, n 298 : « Bilcon §§437, 440. Voir également SD Myers § 263; International Thunderbird § 127 (un pays « [Traduction] a une grande discrétion en ce qui a trait à la manière dont il met en œuvre de telles politiques par la réglementation et par sa conduite administrative ».

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