Prix en temps réel de l’électricité pour les ménages : une analyse internationale

RÉSUMÉ

Le présent article porte sur l’expérience de plusieurs pays à l’égard de la tarification en temps réel de l’électricité pour les ménages. Dans les études économiques, la tarification en temps réel est considérée comme la « meilleure » forme de tarification si l’on veut maximiser l’efficience économique. Cependant, du point de vue du client, elle n’a pas suscité beaucoup d’engouement aux États-Unis ou au Canada. Ce type de tarification a surtout été largement déployé en Europe, où il a été employé par des détaillants qui se livraient concurrence; mais même là, il s’agit d’un phénomène relativement récent. Il fait l’objet d’un essai en Australie. Dans le présent article, je compare l’incidence de la tarification en temps réel sur la demande de pointe à des formes plus simples de tarifs variables en fonction du temps, comme la tarification pour les heures de pointe critiques et les tarifs établis en fonction de l’heure de la consommation.

QU’EST-CE QUE LA TARIFICATION EN TEMPS RÉEL?

Sur les marchés de gros, les prix de l’électricité changent de minute en minute « en temps réel », d’où les termes « tarifs en temps réel » ou « tarification en temps réel » (« TTR »). Même lorsqu’il n’y a pas de marché de gros, la TTR peut être définie en l’assimilant à des variations du coût marginal de l’énergie, qui est parfois mesuré par « le lambda du système » dans les modèles d’établissement des coûts de production. Souvent, les tarifs en temps réel ou les coûts marginaux varient aussi selon l’endroit, ce qui donne lieu à une tarification selon les coûts marginaux propre à l’emplacement.

Lorsque ces prix de gros sont refilés aux consommateurs au détail, on les appelle aussi tarifs en temps réel. Parfois, on les appelle simplement des prix fortement dynamiques.

OÙ LA TTR EST-ELLE OFFERTE?

Au Canada, la TTR a été offerte dans deux provinces, l’Alberta et l’Ontario. Cependant, il était difficile de mettre en œuvre la TTR sans compteurs intelligents, même si la forme de la charge pour l’ensemble du réseau ou pour la catégorie résidentielle avait été utilisée. Une fois les compteurs intelligents mis en place, il devenait techniquement possible pour les consommateurs de s’abonner à la TTR. Il reste toutefois difficile de trouver des traces que cette solution a été choisie. En Ontario, la grande majorité des répondants préféraient acheter de l’électricité selon la grille tarifaire réglementée (« GTR »), qui consistait en une tarification selon l’heure de la consommation (« THC ») basé sur trois périodes. Récemment, on a instauré une quatrième période pour offrir un tarif beaucoup plus bas que celui appliqué durant les heures creuses afin de répondre aux besoins des conducteurs de véhicules électriques (« VE ») et des clients qui travaillent la nuit. Environ 90 % des clients utilisent la THC standard, 10 % le tarif variable (qui est antérieur à la THC), et moins de 1 % la THC fondée sur quatre périodes.

En Alberta, l’option de tarifs réglementés (« OTR ») était auparavant le tarif standard pour les clients résidentiels qui ne voulaient pas passer à un fournisseur d’énergie au détail. En janvier 2025, elle a été remplacée par le tarif de dernier recours. L’OTR était un tarif fixe qui fluctuait d’un mois à l’autre en fonction des conditions du marché de gros. Le tarif de dernier recours est un tarif fixe établi pour la période du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2026, et il ne peut augmenter ou diminuer que de 10 %, au maximum, à la fin de chaque période de deux ans. Il est établi tous les deux ans pour éviter des pics de prix soudains pour les clients[1].

Aux États-Unis, la TTR n’a été offerte qu’à des clients résidentiels dans un seul État : l’Illinois. Deux services publics appartenant à des investisseurs l’offrent : Commonwealth Edison (« ComEd ») et Ameren Illinois. En 2007, Commonwealth Edison a commencé à offrir la TTR aux clients résidentiels et, plus tard, Ameren Illinois a emboîté le pas.

La TTR s’applique uniquement à l’énergie vendue. Les coûts de transport et de distribution continuent d’être recouvrés au moyen d’une conception tarifaire traditionnelle.

En Europe, au moins cinq pays offrent la TTR : le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne et le Royaume-Uni. Au Danemark, aux Pays-Bas, en Norvège et au Royaume-Uni, elle est offerte par des distributeurs d’électricité[2].

En Espagne, elle est demeurée la méthode de tarification par défaut d’octobre 2015 à décembre 2023. Le tarif par défaut a été éliminé en raison de plaintes de la clientèle.

En France, la TTR était offerte avant la crise énergétique de 2021–2022. À l’heure actuelle, elle n’est plus offerte. Les détaillants offrent plutôt une tarification pour les heures de pointe critiques (la « THPC »).

En Australie, une forme de la TTR appelée Dynamic Operating Envelops[3] est mise à l’essai dans le cadre d’un projet pilote appelé Project Edith[4]. Celui-ci est dirigé par Ausgrid[5], un réseau qui dessert la Nouvelle-Galles du Sud, et par Reposit Power. Elle est offerte uniquement aux clients qui ont installé des panneaux solaires, et s’applique aux importations et aux exportations vers le réseau. Les tarifs sont fixés pour chaque intervalle de cinq minutes et peuvent être positifs ou négatifs (récompenses).

COMBIEN DE CLIENTS ONT ADOPTÉ LA TTR?

En Illinois, moins de 2 % des clients se sont abonnés à la TTR. Cela en dépit des conclusions d’une étude qui a révélé qu’une proportion écrasante de clients auraient des factures moins élevées s’ils souscrivaient à la TTR au lieu de tarifs non-fonction des heures[6]. Plus précisément, l’étude concluait :

« En utilisant 12 mois de données sur la consommation d’énergie provenant des compteurs intelligents, rendus anonymes par le code postal, l’Environmental Defense Fund (“EDF”) et la Citizens Utility Board (“CUB”) ont calculé le montant des factures d’électricité de 300 000 nouveaux clients résidentiels de ComEd en 2016 si ceux-ci s’étaient abonnés au programme de tarification horaire. » L’étude a révélé ce qui suit :

  • 97 % des ménages étudiés auraient économisé, ce qui représente une économie totale de 29,8 millions de dollars.
  • Le client moyen aurait économisé 86,63 $ durant l’année en question, soit 13,2 % de moins que ce qu’il a payé selon la facturation traditionnelle.
  • La tranche des 5 % de clients ayant économisé le plus aurait réduit ses factures de 104 $ par année en moyenne, ou 31 %.
  • Parmi les clients qui auraient perdu de l’argent (environ 3 % de l’échantillon), l’augmentation médiane des factures était estimée à 6,23 $ au total pour l’année.
  • Il n’y a pas de différence importante entre les effets des tarifs en temps réel sur les factures des clients à faible revenu et celles d’autres clients [traduction].

« En somme, la grande majorité des nouveaux clients en 2016 auraient tiré des avantages financiers de leur participation au programme de tarification horaire ».

Malgré ce résultat positif, pourquoi seulement 1 à 2 % des clients se sont-ils abonnés à un service fondé sur la TTR ? Personne n’a de réponse à cette question. Les enquêtes auprès des clients qui utilisent la TTR montrent que la plupart d’entre eux ont constaté que certaines heures de la journée sont plus coûteuses et que d’autres le sont moins. Ils réagissent à la TTR comme s’il s’agissait d’une tarification en fonction du moment de la journée (« TMJ »), ce qui va à l’encontre de l’objectif d’envoyer des signaux de prix horaires. Autrement dit, les mêmes résultats auraient été obtenus si le client avait eu une conception tarifaire beaucoup plus simple. Il est intéressant de noter que relativement peu de clients vivant en Illinois ont même une TMJ simple.

Le Danemark compte environ 40 détaillants d’électricité. Ceux-ci offrent plus de 143 produits de tarification aux clients, y compris des prix fixes, des prix au comptant et des prix au comptant avec un plafond. Environ 70 % des clients ont choisi une forme quelconque de TTR. Toutefois, la TMJ ne vise que la portion relative à l’énergie de la facture. La plupart des services publics de distribution offrent des TMJ. Les coûts de distribution correspondent au tiers de la facture du client, et les taxes représentent un pourcentage semblable.

La facture danoise type comporte cinq éléments :

  • Coût de l’électricité : La plupart des clients obtiennent le prix horaire défini par le marché au comptant, mais les consommateurs peuvent aussi choisir d’obtenir un prix fixe ou d’obtenir le prix horaire avec un plafond de prix.
  • Coût de distribution : Ces tarifs varient habituellement selon moment de la journée. Les tarifs typiques comportent trois niveaux selon la saison. L’hiver est la saison de pointe. Voici un exemple de Radius, qui exploite le réseau de distribution dans la région de Copenhague[7].
    • Été : Heures creuses (de 21 h à 6 h) 12,15 øre/kWh ou 1,9 c/kWh, heures normales (de 6 h à 19 h) 18,22 øre/kWh ou 2,8 c/kWh, heures de pointe (de 17 h à 21 h) 47,38 øre/kWh ou 7,2 c/kWh. Le ratio des tarifs entre les heures de pointes et les heures creuses est de 3,9:1.
    • Hiver : Heures creuses (de 21 h à 6 h) 12,15 øre/kWh ou 1,9 c/kWh, heures normales (de 6 h à 19 h) 36,45 øre/kWh ou 6,5 c/kWh, heures de pointe (de 17 h à 21 h) 109,34 øre/kWh ou 16,8 c/kWh. Le ratio des tarifs entre les heures de pointes et les heures creuses est de 9:1.
    • En plus de la charge volumétrique, Radius applique une charge fixe de 537 couronnes danoises ou 83 $ par année.
  • Coût de transmission : En 2023, le tarif fixe était de 11,2 øre/kWh.
  • Taxes : Il existe une taxe sur l’énergie (69,7 øre/kWh ou 10,7 c/kWh en 2023, qui devrait diminuer progressivement à 56,10 øre/kWh ou 8,6 c/kWh d’ici 2030) et une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui correspond à 25 % de la facture totale incluant la taxe.
  • Frais d’abonnement : Les entreprises de distribution ajoutent des frais pour le compteur (environ 100 $ par année), tandis que les détaillants peuvent aussi, dans certains cas, ajouter des frais fixes selon le plan tarifaire du client (habituellement entre 4 $ et 6 $ par mois).

Les clients paient la facture à l’entreprise de vente au détail, qui paie ensuite l’exploitant du réseau de distribution et l’exploitant du réseau de transport.

En Norvège, environ 75 % des clients utilisent la TTR, mais les tarifs ne sont pas communiqués activement aux clients. Il n’y a pas de tarif par défaut pour l’électricité. Les entreprises de distribution fixent les prix des services du réseau et les clients paient une facture pour l’électricité et une facture pour le réseau, mais certains détaillants combinent les deux prix.

En Espagne, à partir d’octobre 2015, la TTR a commencé à être offerte comme tarif par défaut aux clients qui ne s’étaient pas abonnés à un détaillant. Environ la moitié des clients étaient assujettis au tarif par défaut. Les choses ont toutefois changé en raison des préoccupations des clients au sujet de la volatilité des prix. Le 1er janvier 2024, la TTR a été remplacée par une TMJ fondée sur trois périodes dont les prix changent quotidiennement, car ils sont indexés aux prix du marché de gros[8].

Au Royaume-Uni, Octopus Energy[9] propose la TTR. Son offre de produits est appelée « Agile Octopus ». Il s’agit d’un « tarif intelligent bêta novateur ». Selon les renseignements figurant sur le site Web de l’entreprise, elle aide à « fournir une énergie moins coûteuse et plus verte à tous nos clients, mais elle est directement touchée par la volatilité du marché de gros » [traduction]. Agile offre des prix demi-horaires qui peuvent grimper jusqu’à 100 p/kWh en tout temps, bien qu’en moyenne, un ménage type aurait payé environ 35 p/kWh au cours de l’hiver 2022-2023[10]. En devise américaine, cela représenterait un prix de pointe de 1,30 $/kWh, comparativement à un tarif moyen de 45,5 cents/kWh. Les prix sont établis entre 16 h et 20 h la veille et reflètent les prix du marché de gros.

Le tarif intelligent bêta est commercialisé auprès des clients qui sont en mesure de détourner une grande partie de leur énergie des périodes de pointe en utilisant des technologies intelligentes comme l’énergie solaire et les batteries, les VE et le stockage d’énergie thermique. Il comporte un plafond tarifaire qui garantit que les tarifs ne dépasseront pas 100 p/kWh, ou 1,38 $ US/kWh.

La figure ci-dessous illustre le type de variation de prix associé au tarif Agile[11].

Figure 1 : Variation des prix en temps réel au Royaume-Uni[12]

 

QUELS ONT ÉTÉ LES RÉSULTATS ?

En Illinois, une élasticité du prix de -0,05 a été estimée pour la TTR.

Au Danemark, aucune étude quantifiant la réaction des clients à la TTR n’a été publiée. On ne sait pas non plus combien d’argent les clients économisent grâce à la TTR. Bon nombre d’entre eux ont opté par défaut pour la TTR lorsqu’ils sont passés à des fournisseurs de détail.

En Hollande, selon ANWB Energie, les clients de la TTR ont économisé en moyenne plus de 200 euros par an. Pour les ménages disposant d’un VE, l’épargne a dépassé 1 000 euros par an[13].

La figure ci-dessous illustre les changements dans les formes de charge qui découlent de la TTR. Elle montre que les consommateurs détournent leur consommation d’énergie des heures de pointe aux heures creuses.

Figure 2 : Déplacement de la charge découlant de la TTR en Hollande[14]

Les économies sur les factures des clients sont calculées par rapport à ce qu’ils paieraient en fonction de tarifs fixes, et non pas en fonction de la TMJ. En Norvège, où l’hydroélectricité est abondante, il y a une certaine variation des prix horaires, mais dans une mesure moindre que ce qu’on pourrait observer ailleurs, comme l’illustre la figure ci-dessous[15]. La variation des prix est en phase avec les variations entre les ratios des TMJ entre les heures de pointes et les heures creuses qui existent dans de nombreux pays. Il n’est donc pas surprenant que la charge horaire ne varie pas beaucoup en fonction des prix horaires.

Figure 3 : Variation des prix ($/MWh) et de la charge (MW) en Norvège[16]

Le graphique ci-dessus illustre comment la charge varie selon les prix : l’axe vertical gauche représente le prix en $/MWh; l’axe vertical droit correspond à la charge en MW; et l’axe horizontal indique les intervalles au fil des mois.

Des études économétriques ont révélé des élasticités de prix très faibles avec la TTR dans la fourchette de -0,01 à -0,07. Cependant, les journées les plus froides, il n’y a pas eu d’élasticité du prix. La recherche a révélé que le ménage moyen ne réagit pas à la TTR. Toutefois, certains segments de la population en général y réagissent, y compris ceux qui vérifient fréquemment les prix horaires sur des applications ou ceux qui utilisent des véhicules électriques.

Une expérience sur le terrain avec des rabais établis en fonction des heures de pointe[17] a été réalisée en Norvège pour mesurer la réaction des clients de la TTR aux rabais qui leur étaient offerts[18]. Il y avait deux ensembles de résultats, l’un pour la période de pointe de 2 heures et l’autre pour la période de pointe de 13 heures, comme illustré ci-dessous. La figure ci-dessous illustre la réduction de la demande de pointe à mesure que le ratio des tarifs entre les heures de pointes et les heures creuses augmentait.

Figure 4 : L’arc des prix en Norvège (2 h et 13 heures)[19]

Il est utile de comparer ces résultats à ceux d’autres expériences et d’un déploiement à grande échelle. Au moment de la rédaction du présent article, quelque 400 tarifs variables en fonction du temps ont été mis en œuvre à l’échelle mondiale, et leurs effets sur la demande de pointe ont fait l’objet de rapports. Une méta-analyse de ces données est présentée dans Arcturus[20]. La méta-analyse produit six « arcs de réaction au prix » qui : (a) représentent le pourcentage de réduction de la demande de pointe par rapport au ratio des tarifs entre les heures de pointes et les heures creuses; (b) diffèrent selon (i) le rapport mesuré lorsque la mesure est fondée uniquement sur le signal de prix ou (ii) l’utilisation en parallèle d’une technologie habilitante et (iii) le type de tarification, à savoir la THC, la tarification pour les heures de pointe critiques (« THPC ») ou le rabais sur les heures de pointe (« RHP »)[21].

En règle générale, plus le ratio des tarifs entre les heures de pointes et les heures creuses est élevé, plus la réaction au prix est importante. Cependant, la relation entre la réaction au prix et le ratio des prix n’est pas linéaire, elle est curviligne. La réaction au prix augmente avec le ratio des prix, mais à un rythme décroissant.

Une technologie habilitante comme un thermostat intelligent intensifie la réaction au prix. Enfin, la réaction au prix dépend également du type de signal de prix transmis au client — c.-à-d. qu’il varie selon le type de tarification, à savoir la THC, la THPC et les RHP.

Lorsqu’on les compare à ceux dont il est question dans la méta-analyse d’Arcturus illustrée ci-dessus, les effets observés en Norvège sont beaucoup moins prononcés, comme l’illustre la figure ci-dessous. Les points verts proviennent de l’analyse des données de 400 déploiements de tarifs variables en fonction du temps (« TVT ») partout dans le monde à la figure 5.

Figure 5 : Arcs de la réaction au prix pour divers tarifs variables en fonction du temps[22]

Figure 6 : Arc de la réaction au prix en Norvège (2 h et 13 h) et dans Arcturus[23]

 

En Espagne, de 2015 à 2023, la TTR était la tarification utilisée par défaut, comme indiqué précédemment. Environ la moitié des ménages y sont inscrits, mais 77 % d’entre eux ne savaient même pas que c’était le cas. La plupart des clients de la TTR ne savaient pas quel tarif ils payaient. La figure ci-dessous présente le ratio entre les prix les plus élevés et les prix les plus bas pendant la journée. Il ne dépasse pas 2:1. La figure 8 illustre la variation du prix au cours de la période d’échantillonnage.

Figure 7 : Ratio entre le prix le plus élevé et le prix le plus bas chaque jour en Espagne[24]

 

Figure 8 : Prix quotidien moyen au cours de la même période en Espagne (Euro/MWh)[25]

 

L’analyse économétrique de la forme de la charge et des données sur le tarif pour quatre millions de ménages n’a pas permis de mesurer de valeur statistiquement significative pour ce qui est de l’élasticité du prix du côté de la demande[26].

DANS QUELLE MESURE LA RÉDUCTION DE LA CHARGE DE POINTE SUPPLÉMENTAIRE EST-ELLE ATTRIBUABLE AU TARIF DANS UN RÉGIME DE TTR PAR RAPPORT À UN RÉGIME DE TMJ ?

La réponse dépend de la mesure dans laquelle la TTR varie selon les heures de l’année et si, pendant les heures de pointe, les valeurs de la TTR sont supérieures aux tarifs dans un régime de THC et de THPC. Il est probable que les tarifs du régime de TTR seront plus élevés que ceux pour la période de pointe dans un régime de THC, car ces derniers sont calculés sur une moyenne de 600 à 1 000 heures pendant la saison de pointe. Cependant, les tarifs dans un régime de TTR et ceux dans un régime THPC pourraient être d’une ampleur assez semblable, car dans ce dernier régime, les tarifs sont principalement déterminés en fonction des 50 à 100 premières heures de la saison de pointe. Par conséquent, il ne faut pas s’attendre à ce que la TTR entraîne comme réaction une charge supplémentaire supérieure à la THPC fondée sur le coût.

Pour obtenir la réaction la plus importante à la TTR, trois choses doivent se produire.

  1. Les clients doivent être pleinement informés des tarifs horaires, de préférence au moyen d’une application sur leur téléphone et d’un portail Web.
  2. Ils doivent être sensibilisés aux avantages de la TTR et être motivés à prendre le temps de consulter l’application.
  3. Ils doivent apprendre à programmer leurs charges d’utilisation finale de manière à ce qu’elles réagissent automatiquement aux tarifs, un processus appelé « getting prices-to-devices » (transmettre le tarif jusqu’à l’appareil). Cela peut se faire avec des thermostats intelligents et des bornes de recharge pour VE, mais ce n’est pas parce que le client en a la possibilité qu’il le fait. Les mêmes concepts s’appliquent à la THPC.

Il convient de mentionner que l’entreprise Oklahoma Gas & Electric (« OGE »), en Oklahoma, a mis en œuvre un concept plus avancé de la tarification pour les heures de pointe critiques appelé tarification aux heures de pointe variables ou THPV. Cependant, il ne faut pas confondre la THPV et les centrales électriques virtuelles[27]. La THPV comportent quatre niveaux de tarification pour les heures de pointe critiques, selon l’achalandage du réseau. OGE transmet les prix directement au thermostat du client, mettant ainsi en œuvre le concept de prix variables pour les appareils, mais de façon beaucoup plus simple qu’une TTR. S’il le souhaite, le client peut programmer le thermostat de manière à ce que ses réglages de température varient selon les tarifs, mais il n’est pas tenu de le faire. Il convient par ailleurs de préciser qu’OGE ne maîtrise pas le thermostat du client.

Le programme est facultatif. 10 % des ménages se sont inscrits à ce programme. Les économies réalisées sur les montants facturés sont considérables, tout comme la réduction de la demande en période de pointe.

Les taux de participation à la tarification pour les heures de pointe critiques sont beaucoup plus bas. En Californie, les taux de participation sont estimés à environ 2 % des ménages[28].

LES SERVICES PUBLICS DEVRAIENT-ILS OFFRIR AUX CLIENTS DES OPTIONS EN MATIÈRE DE CONCEPTION TARIFAIRE ?

En règle générale, il est avisé d’offrir un choix de tarifs aux clients[29]. Les clients n’ont pas tous les mêmes besoins. Différentes raisons de nature démographique et psychographique expliquent pourquoi certains clients préfèrent des tarifs fixes, alors que d’autres choisissent des tarifs en fonction du moment de la journée, et que certains optent pour des tarifs dynamiques. Chaque tarif offert devrait être fondé sur les coûts. Lorsque ces tarifs sont considérés en fonction des risques et des récompenses qui leur correspondent, il en ressort une frontière de tarification efficace, comme l’illustre la figure 9.

Figure 9 : Compromis entre le risque et la récompense le long de la frontière de la tarification efficace[30]

Les termes sont définis dans le tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1 : Éléments d’une conception tarifaire[31]

Conception tarifaire

Définition

FG

Les clients paient la même facture chaque mois, peu importe l’usage.

Tarif forfaitaire

Un tarif uniforme en $US/kWh est appliqué à tous les usages.

Frais liés à la demande

Les clients se font facturer en fonction de la consommation d’électricité de pointe, habituellement sur une période de 15, 30 ou 60 minutes.

THC

La journée est divisée en périodes, qui définissent les heures de pointe et les heures creuses. Les tarifs sont plus élevés pendant la période de pointe pour tenir compte du coût plus élevé de l’approvisionnement en énergie durant cette période.

THPC

Les clients paient des tarifs plus élevés lors d’événements critiques, lorsque les coûts du système sont les plus élevés ou lorsque le réseau électrique est soumis à de graves contraintes.

TV

Les clients doivent payer un tarif plus élevé pour chaque bloc supplémentaire de consommation.

RHP

Les clients sont payés pour les réductions de charge les jours critiques, lesquelles sont estimées par rapport à une projection de l’énergie qu’ils auraient autrement consommée (leur base de référence).

THPV

Pendant des périodes de pointe prédéfinies, les clients paient un tarif qui varie selon le service public pour refléter le coût réel de l’électricité.

ASD

Les clients s’abonnent à un niveau de demande en kilowatts basé sur la taille de leur charge raccordée. Si leur consommation dépasse le niveau de leur abonnement, ils doivent réduire leur demande pour rétablir le service électrique.

ET

Les clients s’abonnent à une forme de charge de référence en fonction de leurs habitudes d’utilisation, puis achètent ou vendent les écarts par rapport à leur base de référence.

TTR

Les clients paient des prix qui varient d’une heure à l’autre pour refléter le coût réel de l’électricité.

FG : facture garantie; TV : tarif variable; RHP : rabais établis en fonction des heures de pointe; ASD : abonnement au service à la demande; ET : énergie transactive

 

CONCLUSIONS

Le déploiement de la TTR n’a pas fait beaucoup de progrès aux États-Unis, même si des formes plus simples de tarifs variables en fonction du temps gagnent en popularité dans une grande partie du monde, principalement les tarifs statiques établis en fonction de l’heure de la consommation, mais aussi les modèles de tarification dynamique, comme la tarification pour les heures de pointe critiques et les rabais établis en fonction des heures de pointe.

La TTR se répand beaucoup plus rapidement en Europe, principalement en raison de la concurrence du commerce de détail. Cependant, au moment de la rédaction du présent rapport, aucune preuve empirique ne permet de croire que la TTR entraîne une réduction plus importante de la demande de pointe ou de la quantité de charge déplacée des périodes de pointe aux périodes creuses que des formes beaucoup plus simples de tarifs variables en fonction du temps ou qu’il permet aux clients de réaliser des économies plus substantielles sur les montants facturés.

 

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