Une décision de la Commission de l’énergie de l’Ontario introduit l’appel d’offres concurrentiel pour les franchises de gaz naturel

Le 17 novembre 2016, la Commission de l’énergie de l’Ontario (la « CEO ») a publié sa décision avec motifs ( la « décision ») à la suite de l’audience générique recommandée du 20 janvier 2016 pour établir un cadre commun pour l’expansion des services de gaz naturel aux communautés de l’Ontario non desservies en ce moment en gaz naturel (la « procédure générique »)1.

Dans sa décision, la CEO a déterminé que le cadre existant en vertu duquel les services publics sont tenus de facturer les clients qui sont dans la même classe de tarification (parfois appelée les tarifs timbre-poste) était l’un des principaux obstacles à l’expansion du gaz naturel. Conformément à sa décision, la CEO permettra aux services publics de facturer des tarifs « autonomes » aux nouvelles communautés d’expansion. Parallèlement, la CEO a rejeté les demandes de diverses parties pour subventionner le développement de l’infrastructure de gaz naturel dans les communautés d’expansion en demandant que les contribuables existants assument une partie des coûts. 

Contexte

L’expansion des réseaux de distribution de gaz naturel a été un enjeu crucial pour les communautés rurales et éloignées de l’Ontario qui n’ont pas accès au gaz naturel depuis de nombreuses années.

Par exemple, la majorité des résidents dans les municipalités de Kincardine, d’Arran-Elderslie et de Huron-Kinloss (collectivement « South Bruce ») n’ont pas accès en ce moment au gaz naturel, même s’il a été estimé que l’acheminement de gaz naturel dans ces municipalités permettrait aux consommateurs d’économiser 27 millions annuellement en coûts énergétiques.

Malgré ces économies de coûts, Union Gas Limited (“Union Gas”) a soumis une proposition qui exigerait des municipalités de South Bruce qu’elles paient une contribution en amont en aide à la construction de 86 millions de dollars (fondée sur les coûts prévisionnels de 2012). Comme on pouvait s’y attendre, les municipalités de South Bruce ne disposaient pas de ce capital, mettant ainsi un frein aux progrès.

Pour surmonter ces obstacles, South Bruce a décidé d’entreprendre un processus de demande d’information (DI) concurrentiel pour sonder le marché à la recherche de possibles fournisseurs de services de distribution de gaz naturel en mars 2015.

Après avoir reçu les propositions d’un bon nombre de répondants, South Bruce a sélectionné EPCOR comme soumissionnaire privilégié et conclu des ententes de franchise avec EPCOR le 22 février 2016. EPCOR a présenté des demandes auprès de la CEO le 24 mars 2016 pour l’approbation de ces ententes de franchise, lesquelles sont en suspens en attente des conclusions de la procédure générique.

La proposition d’EPCOR comportait un élément innovateur, soit l’utilisation de tarifs « autonomes » plutôt que d’imposer aux municipalités une contribution en capital onéreuse. Cette innovation a, par la suite, été adoptée par la CEO, constituant ainsi le fondement de la décision dans le processus générique.

L’ancien cadre ne fonctionnait pas

Avant la décision, le cadre qui régissait l’évaluation des facteurs économiques des projets d’expansion de la distribution du gaz naturel, connu sous le nom d’E.B.O. 188, avait été en place depuis le 30 janvier 19982.

En vertu de ce cadre, les services publics ne pouvaient étendre leurs services qu’aux communautés où les recettes supplémentaires produites par l’expansion couvriraient, avec le temps, les coûts de l’expansion. Lorsque les recettes étaient suffisantes pour couvrir les coûts à long terme, un paiement en amont sous forme de contribution en capital était exigé des nouveaux clients. La contribution en capital a été mise en place en vertu d’un principe selon lequel les clients existants ne devraient pas avoir à payer des tarifs plus élevés pour subventionner le prolongement des services de gaz naturel à de nouvelles communautés.

Comme l’illustre l’exemple des municipalités de South Bruce, la contribution en capital de 86 millions de dollars exigée en vertu du cadre E.B.O. 188 s’est avérée prohibitive pour bon nombre de communautés rurales et éloignées. Et l’expansion de la distribution du gaz naturel dans ses communautés s’est arrêtée.

Il fallait une nouvelle approche

En 2013, le gouvernement de l’Ontario s’est engagé dans son Plan énergétique à long terme (le « PELT »)3 de 2013 à travailler avec les distributeurs de gaz et les municipalités afin de donner suite à des options pour l’expansion de l’infrastructure de gaz naturel en vue de desservir un plus grand nombre de communautés rurales et dans le nord de l’Ontario.

En avril 2015, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la création d’un prêt d’accès au gaz naturel de 200 millions de dollars et d’une subvention de développement économique du gaz naturel de 30 millions de dollars.

Et en février 2015, le gouvernement a écrit à la CEO pour l’encourager à aller de l’avant avec ses plans pour examiner des possibilités de faciliter l’accès aux services de gaz naturel pour un plus grand nombre de communautés, et la CEO a invité les parties avec l’expertise technique et financière appropriée à présenter une demande d’approbation de projets d’expansion et à proposer, dans ces demandes, la souplesse réglementaire ou des exemptions aux exigences actuelles qui faciliteraient ces expansions.

En réponse à cette invitation, Union Gas a déposé une demande d’approbation pour fournir des services de gaz naturel à de nombreuses communautés non desservies le 23 juillet 20154. Dans sa demande, Union Gas proposait de nouvelles approches pour recouvrer les recettes nécessaires au financement de l’investissement en capital pour ces expansions, soutenant qu’elles n’étaient pas économiques selon les critères existants.

Au cours de la conférence préparatoire à l’audience, la CEO a déterminé que les questions soulevées au cours des procédures avaient de plus vastes implications et qu’elles étaient communes à tous les distributeurs de gaz et aux nouveaux entrants cherchant à fournir des services de distribution de gaz, et c’est à ce point que la CEO a établi la procédure générique et a reporté la demande d’Union Gas.

La décision générique

La procédure générique (EB 2016-0004) a été présentée oralement du 5 mai au 13 mai 20165. Chargée de la tâche ardue d’examiner le vaste dossier de la preuve des plus de 40 parties ayant participé à l’audience, la CEO a fait connaître sa décision le 17 novembre 2016. La majorité des parties concernées s’entendraient pour dire que la décision est claire, convaincante, concise et bien rédigée.

Dans sa décision, la CEO a tenu compte de différentes mesures proposées par EPCOR, Enbridge Gas Distribution Inc. et Union Gas (collectivement les « Services gaziers ») et les représentants de divers autres intérêts (y compris des municipalités, des contribuables, des communautés des Premières Nations, des groupes de défense de l’environnement et des fournisseurs utilisant des sources énergétiques concurrentes) pour voir à l’expansion des services gaziers. Les mesures considérées comprenaient l’imposition de frais supplémentaires aux nouveaux clients, la demande de contributions financières de la part des municipalités, la collecte de subventions provenant des clients existants et la comptabilisation du financement d’autres ordres de gouvernement.

Tout bien considéré, ce qui préoccupait la CEO était de favoriser les effets d’un marché concurrentiel lorsque cela est possible, soit en acceptant de nouveaux entrants dans le secteur de la distribution de gaz, comme EPCOR, soit en envisageant de nouvelles méthodes de livraison comme le gaz naturel liquéfié ou comprimé, soit en aidant les clients à prendre des décisions économiques dans leur choix entre différentes options énergétiques, comme le gaz naturel, le propane, le mazout, l’électricité et l’énergie géothermique.

Ultimement, la CEO a rejeté les demandes pour subventionner l’expansion de l’infrastructure de gaz naturel en exigeant des contribuables existants qu’ils assument une partie du coût. La décision soutenait que :

L’autre mesure principale proposée pour assurer de plus amples expansions consistait en une subvention de la part de clients existants. La CEO a déterminé que cela n’était pas approprié. Comme il est indiqué ci-dessus, les avantages économiques de l’expansion à de nombreuses communautés sont beaucoup plus importants que les coûts. Cette approche fausserait également le marché au détriment des services énergétiques existants qui font concurrence au gaz, comme le propane, et les nouveaux distributeurs de gaz qui n’ont pas de clientèle de base. Dans ces circonstances, il ne serait pas approprié d’exiger que les clients existants paient une partie de quelque expansion que ce soit. Les communautés qui en tirent avantage devront en assumer les coûts6 [Traduction].

Par conséquent, la CEO a reconnu que le cadre existant qui exige que les clients de la même classe tarifaire paient des tarifs identiques faisait obstacle à l’expansion du gaz naturel en empêchant les services publics de facturer les clients dans de possibles communautés d’expansion à un tarif plus élevé que les clients existants dans la même classe tarifaire.

Avec EPCOR et les municipalités de South Bruce comme étude de cas d’une solution qui pourrait fonctionner dans la pratique, la CEO a permis aux services publics de créer des tarifs « autonomes » pour les services fournis à des communautés d’expansion en fonction des coûts supérieurs associés au raccordement aux services de gaz naturel. La CEO a déclaré ce qui suit :

La preuve démontre que pour un bon nombre de communautés, un tarif de distribution de gaz plus élevé serait plus que contrebalancé par les économies que ces clients réaliseraient avec le temps s’ils passaient au gaz naturel, ce qui est vrai même lorsque l’on tient compte des coûts de conversion, comme une nouvelle fournaise ou une fournaise modifiée7 [Traduction].

Prochaines étapes : Plans d’expansion du gaz naturel

Avec la conclusion de la procédure générique, nous avons déjà constaté une augmentation de l’activité concernant les projets d’expansion du gaz naturel et prévoyons qu’elle devrait se poursuivre tout au long de 2017 et 2018.

Par exemple, le 17 novembre 2016, la CEO a rendu une ordonnance de procédure pour la demande d’Union Gas concurremment avec sa décision8, demandant qu’Union Gas avise la CEO de la façon dont il propose de procéder avec sa demande à la lumière de la décision de la CEO dans la procédure générique. Dans une lettre datée du 22 décembre 2016, Union Gas a avisé la CEO qu’il mettra à jour sa demande et la preuve afin qu’elles tiennent compte des conclusions de la CEO dans EB 2016-0004 et qu’il devrait déposer sa demande et la preuve mises à jour auprès de la CEO d’ici la fin mars 2017. On pourrait s’attendre à ce qu’Enbridge dépose une demande similairement reformulée, en fonction des projets initialement relevés au cours de la procédure générique.

Par ailleurs, alors que la décision ouvre la porte à de nouvelles possibilités d’expansion qui n’étaient pas économiquement viable auparavant, reste à voir si la décision créera effectivement des conditions équitables pour d’éventuels nouveaux entrants et les services de gaz existants en Ontario. Le 5 janvier 2017, la CEO a rendu une première ordonnance de procédure dans la demande d’EPCOR pour l’approbation de ses ententes de franchise avec les communautés de South Bruce. Dans cette ordonnance, la CEO a vérifié si d’autres parties à la procédure générique étaient intéressées à desservir les régions visées par les demandes d’EPCOR. Union Gas a répondu, déposant une lettre le 19 janvier 2017 avisant la Commission de son intérêt à desservir les régions visées par les demandes d’EPCOR.

*John Vellone est un associé chez Borden Ladner Gervais LLP, bureau de Toronto et est un membre du groupe des Marchés de l’électricité et du groupe des Technologies de l’information. M. Vellone a représenté les municpalités de South Bruce au cours de la procédure d’expansion du gaz naturel.
**Jessica-Ann Buchta est une avocate chez Borden Ladner Gervais LLP dans le groupe des Marchés de l’électricité, qui pratique le droit corporatif/commercial et le droit règlementaire se concentrant surtout sur le droit de l’énergie et les questions reliées au secteur de l’électricité.

  1.   Ontario Energy Board Generic Proceeding on Community Expansion (17 novembre 2016), EB-2016-0004.
  2.   Ontario, Report of the Board in the matter of a hearing to inquire into, hear and determine certain matters relating to natural gas system expansion for The Consumers’ Gas Company Ltd, Union Gas Limited and Centra Gas Ontario Inc, EBO 188, Toronto, Commission de l’énergie de l’Ontario, 1998.
  3.   Ontario, Vers un bilan équilibré : Le plan énergétique à long terme de l’Ontario, Toronto, Ministère de l’Énergie, 2013, à 77, en ligne : < http://www.energy.gov.on.ca/fr/ltep/achieving-balance-ontarios-long-term-energy-plan/>.
  4.   Union Gas Limited, Application for approval to expand natural gas service to certain rural and remote communities in Ontario; for certain exemptions to meet revenue recovery requirements that apply to pipeline projects and approval to construct facilities to serve the communities of Milverton, Prince Township and the Chippewas of Kettle and Stony Point and Lambton Shores,  EB-2015-0179.
  5.   EB 2016-0004, supra note 1.
  6.   Ibid à la p 4.
  7.   Ibid.
  8.   Supra note 5.

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