Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2016

Aperçu

L’année 2016 (et le premier mois de 2017) a donné plusieurs occasions importantes, tant devant les tribunaux que les organismes de règlementation de l’énergie, de mettre en application et de peaufiner les principes de droit administratif dans le contexte de la règlementation de l’énergie. En raison des restrictions d’espace, dans le cadre de la présente étude, comme dans celle de l’an dernier, je m’en tiendrai aux aspects les plus importants de la jurisprudence plutôt que d’évaluer les répercussions possibles sur le droit et la règlementation de l’énergie des décisions de contrôle judiciaire mettant en cause d’autres régimes règlementaires1.

Plus particulièrement, j’évaluerai encore une fois certains des développements les plus importants dans les paramètres énergétiques du rôle des organismes de règlementation en ce qui a trait à l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder la population autochtone. Cette question ne disparaîtra pas et, bien qu’un grand nombre de dossiers pour lesquels une décision a été rendue en 2016 sont très précis en ce qui concerne les exigences détaillées de l’obligation de consulter2, il reste un nombre considérable de questions de principe à régler, parmi lesquelles les pouvoirs et les responsabilités des organismes de règlementation.

On a également observé en 2016 pour la première fois de l’attention soutenue à la réalisation du contrôle judiciaire dans le contexte de projets, dans le cadre desquels le régulateur (l’Office national de l’énergie ou une Commission d’examen conjoint) a fait rapport sur les demandes de décision du gouverneur en conseil; le produit de la législation de 2012 reconfigurant le processus de prise de décision pour les demandes de pipelines en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie et les projets désignés dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement3. L’attention du public s’est considérablement portée sur l’affaire Gitxaala Nation c Canada4, car les demandeurs ont réussi à faire dérailler une initiative de pipeline d’envergure sur la base de l’échec du gouverneur en conseil à consulter adéquatement les peuples autochtones concernés. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a également pris des décisions importantes sur le processus et la portée de l’examen de l’évaluation règlementaire du bien-fondé des projets soumis aux fins d’approbation en vertu du régime créé par la législation de 2012.

Dans le contexte de l’affaire Gitxaala Nation et de la réclusion du comité affecté aux audiences sur le projet Énergie Est de l’Office national de l’énergie, j’examinerai également l’application des principes pour lesquels l’impartialité ou une absence de partialité est importante dans la tenue des audiences règlementaires en matière d’énergie. Ensuite, je ferai l’examen d’un problème soulevé dans le contexte des appels d’autorisation sur des questions de droit et de compétence dans les lois régissant la règlementation de l’énergie en Alberta : dans quelle mesure la décision d’autoriser ou de refuser l’appel repose, le cas échéant, sur la norme applicable d’examen; le caractère raisonnable ou le bien-fondé. Pour terminer, je prendrai une liberté par rapport à mon mandat; je ferai une analyse du premier jugement en 2017 de la Cour suprême du Canada, l’affaire Ernst c Alberta Energy Regulator5, dans le cadre de laquelle la Cour a maintenu l’application d’une disposition d’immunité dans la loi de l’organisme de règlementation afin d’interdire d’intenter une poursuite en dommages-intérêts pour avoir violé la liberté d’expression de la plaignante, telle que garantie par le paragraphe 2(b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Obligation de consulter la population autochtone – rôle des organismes de règlementation

a. Introduction

Au cours de l’année 2016, le rôle des organismes de règlementation6 pour remplir l’obligation de la Couronne de consulter la population autochtone était encore une fois un aspect important des litiges touchant une grande partie du processus de règlementation de l’énergie. De fait, l’année 2017 devrait être marquée par un plus grand nombre de litiges encore, y compris les différents défis touchant l’approbation du pipeline Trans Mountain de la société Kinder Morgan7.

b. Affaires de la Première Nation des Chippawas de la Thames et du Hameau de Clyde River8

À ce jour, la Cour suprême du Canada a sous réserve deux appels de jugements de la Cour d’appel fédérale dont les arguments ont été présentés le 30 novembre 2016 : Première Nation des Chippewas de la Thames c Pipelines Enbridge Inc9 et Hameau de Clyde River, et al c Petroleum Geo-Services Inc (PGS), et al10. J’ai discuté des jugements de la Cour d’appel fédérale dans ces deux affaires lors de l’examen de l’an dernier11. Les deux affaires concernent le rôle de l’Office national de l’énergie dans le processus de consultation, mais dans différents contextes législatifs. Dans la première affaire, le contexte était la décision de renverser la ligne 9 et, dans la deuxième, il portait sur l’octroi d’une demande pour tenir des études sismiques en mer. Dans Chippewas de la Thames, la Cour d’appel fédérale a déterminé, dans une affaire où la Couronne ne se présentait pas comme partie intéressée, que l’Office national de l’énergie n’avait pas l’autorité d’évaluer si la Couronne pouvait s’acquitter de son obligation de consulter (une majorité) ou s’il pouvait remplir les obligations au nom de la Couronne (unanime)12. Dans Hamlet of Clyde River, un comité unanime et différemment constitué de la Cour d’appel a déterminé que l’Office avait l’autorité implicite de remplir l’obligation de consulter de la Couronne et, peu importe la situation, cette dernière avait le droit de se fier sur les procédures de l’Office comme moyen pour remplir, au moins en partie, ses propres obligations de consulter. Ces jugements et d’autres pointent sur l’incertitude continue (même après l’affaire Rio Tinto Alcan Inc c Conseil tribal Carrier Sekani13) en ce qui a trait au rôle des organismes de règlementation dans le processus de consultation. Il est souhaitable que les jugements de la Cour suprême dans ces deux cas viennent éclairer ce secteur très contesté de l’autorité règlementaire, tant sur le plan des principes sous-jacents pouvant étayer le règlement de ces différends et, à cet égard, sur ce qui constitue un indice législatif suffisant pour que l’autorité s’engage dans l’un ou l’autre de ces rôles ou dans les deux.

c. Alberta Utilities Commission

Dans l’intervalle, dans une décision prise durant l’instance sur le Projet de transport de 550 kV vers Fort McMurray Ouest,14 l’Alberta Utilities Commission, en vigueur après le15 jugement majoritaire dans l’affaire Chippewas de la Thames16, a établi qu’elle n’avait pas l’autorité d’évaluer le caractère adéquat de la consultation de la Couronne dans une procédure où cette dernière n’était pas présente, ni comme demandeur, ni comme participant. Malgré son pouvoir de déterminer des questions constitutionnelles prévues dans l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act17, au titre de l’annexe 1 du Designation of Constitutional Decision Makers Regulation18, cette autorité a été déclenchée uniquement dans des situations où une question constitutionnelle était présentée devant la Commission. Au moins dans les affaires où la couronne n’était pas partie à la demande, il était impossible de dire que le tribunal avait été saisi de la question constitutionnelle.

[La Commission] n’a pas l’autorité d’ordonner à la Couronne d’entreprendre sa consultation ou de prendre une décision sur le caractère adéquat de sa consultation lorsqu’elle n’est pas devant la Commission19.

En prenant cette position, la Commission a rejeté l’argument des intervenants des Premières Nations et des Métis selon lequel la Commission était parfaitement en droit d’évaluer le caractère adéquat de la consultation de la Couronne en vue de déterminer si le projet présenté devant la Commission aux fins d’approbation était dans l’intérêt du public. La Commission a conclu que même si cela n’avait pas mené à une ordonnance contre la Couronne, cela équivalait à faire indirectement et de manière illégitime ce qu’elle ne pouvait pas faire directement20.

La Commission a ensuite affirmé que, dans tous les cas, il aurait été prématuré de trancher sur les efforts de consultation de la Couronne avant que la demande ne soit entendue sur le fond. Elle a justifié sa décision par le fait que les audiences elles-mêmes pouvaient, en partie, combler l’obligation de consulter de la Couronne. Ce faisant, elle a fait valoir le maintien de la Cour d’appel de l’Alberta de la proposition que la Couronne peut s’appuyer sur les occasions de consultation qui existent « [Traduction] qui sont possibles au sein des processus environnementaux et règlementaires actuels »21.

Dans la mesure où toutes ces questions sont pertinentes pour la décision de la Cour suprême sur les deux appels, il est possible, au moins indirectement, que le jugement de la Cour aborde également le statut de l’Alberta Utilities Commission en ce qui a trait à l’évaluation des efforts de consultation de la Couronne.

d. Rôle des promoteurs dans la consultation

D’un autre côté, il faut également souhaiter que la Cour éclaircira non seulement la place des organismes de règlementation dans la consultation et l’évaluation du caractère adéquat des processus, mais également le rôle des promoteurs et leurs limites dans la satisfaction des obligations de la Couronne et, plus particulièrement, dans l’orientation des organismes de règlementation.

En prononçant le jugement de la Cour suprême du Canada dans la décision fondamentale de 2004 dans l’affaire Nation haïda c Colombie-Britannique (ministre des Forêts)22, la juge en chef McLachlin a mentionné que

… elle peut déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à des acteurs industriels qui proposent des activités d’exploitation; cela n’est pas rare en matière d’évaluations environnementales23.

Et, bien entendu, la réalité est maintenant que les directives relatives à la « consultation » du promoteur avec les peuples autochtones touchés sont devenues une routine et un aspect important dans le cadre d’un grand nombre de processus d’approbation règlementaire et énergétique. Toutefois, des questions demeurent concernant la Couronne et dans quelle mesure elle peut simplement traiter ce genre de consultations comme lui permettant de remplir ses propres obligations. Après tout, il y a quelque chose de très pervers dans le fait de donner aux promoteurs, qui ont fort probablement des intérêts à l’opposé de ceux des peuples autochtones touchés, un rôle important pour remplir l’obligation constitutionnelle de la Couronne. Faire payer la consultation par les promoteurs est une chose, mais se fier à leurs preuves et leurs arguments en est une autre.

De fait, il est important de noter que dans deux phrases du même paragraphe à partir duquel la citation ci-dessus est tirée, la juge en chef McLachlin énonce clairement que, peu importe la délégation d’un rôle à un promoteur, la responsabilité demeure celle de la Couronne. Préalablement à la phrase citée, elle mentionne que « la Couronne demeure seule légalement responsable des conséquences de ses actes »24 et immédiatement après :

Cependant, la responsabilité juridique en ce qui a trait à la consultation et à l’accommodement incombe en dernier ressort à la Couronne. L’honneur de la couronne ne peut pas être délégué25.

Néanmoins, au tout début de 2017, on a annoncé une poursuite apparemment nouvelle intentée par les Premières Nations contre TransCanada : une action en dommages-intérêts pour ne pas avoir consulté « [Traduction] lors de l’exécution de tâches d’entretien, comme de creusage pour vérifier l’intégrité sur des lignes déjà en place », des activités présumées en violation des droits issus des traités des Premières Nations26. Cela semble être poussé un peu, pour ne pas dire, de faire passer les promoteurs de délégués de la Couronne pour mener les consultations à des défendeurs dans une action en dommages-intérêts pour ne pas s’être engagés dans des consultations; toutefois, le début de cette action pointe sur la nécessité d’éclaircir davantage le rôle des organismes de règlementation, mais également des promoteurs, dans le processus de consultation ainsi que de lui donner une définition juridique.

e. Demande du projet Enbridge Northern Gateway 27

Le jugement ayant eu la plus grande visibilité auprès du public sur l’obligation de consulter durant 2016 a été sans conteste celui de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gitxaala Nation c Canada28. Dans cette décision, par une majorité de 2 contre 1, les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont conclu dans un jugement conjoint que le gouverneur en conseil avait échoué à consulter adéquatement les Premières Nations touchées au moment d’examiner le rapport de la Commission d’examen conjoint sur le projet Northern Gateway. Cette obligation de consulter a été déclenchée, non seulement par le rôle central affecté au gouverneur en conseil en 2012 en ce qui a trait à la décision d’émettre ou non des certificats pour la construction de pipelines, mais aussi par l’engagement de consulter du gouvernement, dans l’ensemble de ce qui était classé comme étant les cinq phases du processus d’approbation. Dans le cadre de la phase IV, la promesse était la suivante « consultation de la Couronne réalisée sur le rapport de la CEC avant la prise en considération de la réponse par le gouverneur en conseil »29.

Keith Bergner a déjà fourni un commentaire éclairant et détaillé sur cette affaire dans les pages de cette revue30, et c’est la raison pour laquelle je ne discuterai pas de nombreux aspects de l’obligation de consulter dont il est question dans ce litige, particulièrement, l’exploration extensive de la majorité sur la question pratique de savoir si la « consultation approfondie » était requise de la part du gouverneur en conseil31. Je mettrai plutôt l’accent sur un aspect en particulier du jugement : la relation entre le rôle joué par la Commission d’examen conjoint durant la procédure d’audience publique et celui du gouverneur en conseil dans l’examen du rapport de la Commission.

L’une des Premières Nations touchées a présenté l’argument que la Couronne avait, en réalité, fait une « délégation excessive » de ses responsabilités en matière de consultation à la Commission d’examen conjoint. Une partie de cet argument portant sur la nature du processus de la Commission d’examen conjoint. La Nation haïda affirmait qu’il s’agissait d’un « [Traduction] processus quasi judiciaire dans lequel la Couronne et la Nation haïda n’avaient pris aucun engagement direct »32. En rejetant l’argument de « délégation excessive », les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel33 fondaient leur décision sur celle de la Cour suprême dans l’affaire Rio Tinto Alcan Inc c Conseil tribal Carrier Sekani34, dans laquelle la Cour affirmait que la Couronne pouvait se fier sur la participation des Premières Nations touchées dans un forum comme celui-ci comme une manière de remplir son obligation de consulter, au moins en partie. Dans ce contexte, le processus de la Commission d’examen conjoint en était un dans lequel des groupes autochtones pouvaient en apprendre sur la nature du projet et sur ses répercussions possibles, tout en leur offrant un forum approprié pour « exprimer leurs préoccupations »35. En outre, la Commission d’examen conjoint avait le mandat et l’expertise requise pour « examiner les questions d’atténuation, les questions d’évitement et les questions environnementales relatives au projet »36. Brièvement, la Couronne avait raison de se fier aux processus de la Commission d’examen conjoint comme étant une composante de « l’ensemble des mesures »37 nécessaire pour remplir son obligation de consulter.

Toutefois, bien qu’il n’y avait pas de « délégation excessive » à l’organisme de règlementation, la Cour était également claire relativement à « l’ensemble des mesures » en vertu du rééquilibrage législatif de 2012 du processus d’approbation de pipeline qui, selon elle, n’était pas entièrement couvert pas la portée de la consultation offerte par la Commission d’examen conjoint. Cela a été démontré par l’existence de la phase IV en termes d’engagement pour la consultation sur ce projet en particulier et la centralité du gouverneur en conseil dans le processus de prise de décision global. En réalité, le gouverneur en conseil avait accepté les termes de la phase IV et les responsabilités de consultation qui lui étaient imposées au moment d’étudier le rapport de la Commission d’examen conjoint. Par contre, un élément encore plus important peut-être, l’obligation constitutionnelle de tenir une « consultation approfondie » (que la Couronne considérait comme nécessaire dans cette affaire), peu importe les modalités de la phase IV, amenait avec elle des exigences exhaustives de consultation à cette étape du processus législatif. Cela est souligné par la mesure à laquelle le mandat du gouverneur en conseil s’étendait sur l’évaluation de différents éléments à examiner qui ne concernaient pas le processus de la Commission d’examen conjoint.

Dans son commentaire sur cette affaire, Keith Bergner regrette la mesure à laquelle le nouveau régime législatif, tel qu’interprété par la majorité, « diminue grandement le rôle de l’organisme de règlementation et l’importance du processus d’audience de règlementation »38 probablement de manière générale et dans la satisfaction de l’obligation de consulter. Si le jugement de la Cour est maintenu sur ce point, il semble également possible qu’un retour à un régime dans le cadre duquel l’organisme de règlementation a plus de responsabilités pour les composants procéduraux de l’obligation constitutionnelle de consulter, ne puisse pas légalement être accompli simplement qu’à l’aide d’un rééquilibrage exécutif des responsabilités attribuées dans les cinq phases du processus adopté pour la demande liée au projet Northern Gateway. Il est fort possible qu’une modification législative soit nécessaire pour que le gouverneur en conseil puisse transférer ses propres responsabilités, telles que reconnues dans cette procédure dans les modalités de la phase IV. Procéder autrement donnerait, en effet, la base d’un argument de délégation excessive. En attendant, comme le dit Keith Bergner, tant que le rapport de la Commission d’examen conjoint sur de telles demandes est caractérisé, comme l’a fait la Cour, comme un simple « document d’orientation »39 à l’étape du gouverneur en conseil,

… les processus de consultation mis en place devront être assez robustes pour sous-tendre et éclairer la décision du gouverneur en conseil40.

De plus, malgré le sentiment de la majorité que cela ne causera pas de retards importants ni la nécessité de prolongations significatives des limites de temps légiférées afin de permettre la satisfaction des obligations constitutionnelles et des demandes du processus de la phase IV, Bergner et d’autres commentateurs ont le sentiment que les améliorations devront être importantes et quasi-nécessairement offrir plus de temps pour les remplir.

Étant donné qu’il n’y aura pas d’appel41 et compte tenu de la nouvelle annonce subséquente du gouvernement indiquant qu’il n’approuverait pas le projet Northern Gateway, le jugement de la Cour d’appel fournira, au moins pour le moment, le cadre juridique pour le fonctionnement du processus d’approbation du pipeline relatif à l’obligation constitutionnelle de consulter. De plus, comme le gouvernement n’a pas à répondre au renvoi de la question aux fins de réexamen conformément aux principes de consultation établis par la Cour, il est impossible de savoir clairement et de manière détaillée si ces principes ont été respectés de manière satisfaisante.

Il est également clair que la délimitation de la majorité des besoins de l’obligation de consulter se situe à l’intérieur du fonctionnement du nouveau régime d’approbation de pipeline de 2012. Pour consulter d’autres décisions prises en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie et de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, le rôle des organismes de règlementation dans la satisfaction de l’obligation de consulter de la Couronne peut être beaucoup plus important. Il est également important de noter qu’au début de 2017, on trouvait déjà l’exemple d’un comité de la Cour d’appel fédérale acceptant un rôle limité au nom du gouverneur en conseil dans l’exercice d’une autre autorité en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. L’affaire Première nation de Prophet River c Canada (Procureur général)42 a porté sur une Commission d’examen conjoint qui devait déterminer si la construction d’un barrage hydroélectrique (site C) était « susceptible de causer […] des effets environnementaux négatifs importants »43. En vertu de la Loi, en ce qui concerne une telle décision, la Commission était obligée d’envoyer la question devant le gouverneur en conseil afin qu’il détermine si ces incidences étaient justifiées dans les circonstances44. À cette fin, bien qu’il ait été accepté que le gouverneur en conseil avait l’obligation de consulter les Premières Nations susceptibles d’être touchées, la question critique sur l’application d’un nouveau contrôle judiciaire était de savoir si le gouverneur en conseil était obligé d’aller plus loin et de répondre aux arguments selon lesquels la construction du barrage pourrait, en réalité, violer leurs droits issus de traités.

En maintenant le jugement du juge Manson de la Cour fédérale45, le juge Boivin de la Cour d’appel, en prononçant le jugement de la Cour d’appel fédérale, a soutenu que le gouverneur en conseil n’avait pas une telle obligation. En maintenant ce jugement, il semble que ce comité de la Cour d’appel avait une impression différente des capacités institutionnelles du gouverneur en conseil que celles envisagées par les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel dans l’affaire Gitxaala Nation. Le gouverneur en conseil n’avait pas « [Traduction] l’expérience nécessaire associée aux organismes d’arbitrage : audiences publiques, capacité d’assigner un témoin et d’obliger à produire des documents et la réception de soumissions par les parties intéressées »46. Il s’était engagé dans une tâche polycentrique d’équilibrer des intérêts variés d’un point de vue, non seulement des faits, mais de la politique également47. Il ne détenait ni l’expérience ni l’équipement de « [Traduction] déterminer les questions de droit contestées et les problèmes factuels complexes »48. Par conséquent, la décision de savoir si le projet violerait les droits issus de traités de Premières Nations ne faisait pas partie du mandat du gouverneur en conseil.

Étant donné que l’entente créant cette Commission d’examen conjoint fédérale/provinciale énonce également de façon explicite qu’elle ne pourrait pas formuler de conclusions ou de recommandations sur la violation des droits issus de traités49, la détermination de telles questions ne faisait pas partie du processus règlementaire principal et il fallait attendre que les Premières Nations touchées entreprennent des poursuites. Dans ce domaine, il est évident que le contexte fait foi de tout, même s’il n’aide pas lorsque les éléments soulevés dans l’analyse suivent des points de vue apparemment divergents sur les capacités du gouverneur en conseil, tant au niveau juridique que pratique.

Gitxaala Nation c Canada – Les dimensions du droit administratif

a. Introduction

En plus d’être un précédent qui fait autorité relativement à l’obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones, l’affaire Gitxaala Nation c Canada50 comporte des dimensions du droit administratif majeures. Plus particulièrement, le jugement majoritaire des juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel (avec le juge Ryer de la Cour d’appel concordant à cet égard) propose une voie à suivre pertinente relativement aux demandes de contrôle judiciaire associées au processus d’approbation de projets désignés et de pipelines tels qu’examinés de façon exhaustive par la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012. En bref, en vertu de cette Loi, le gouverneur en conseil ou le cabinet a assumé la responsabilité de la prise de décision pour l’approbation de telles installations, un processus qui est précédé par la présentation d’un rapport (y compris des recommandations) de l’Office national de l’énergie ou d’une Commission d’examen conjoint en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie et de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Une fois l’approbation reçue (comme c’est le cas ici), le gouverneur en conseil émet une directive à l’Office en vue de délivrer un certificat pour le projet. Par conséquent, il reste une autre phase ou phase finale, non contestée dans l’affaire Gitxaala Nation, mettant en cause divers permis et autorisations de mise en œuvre.

b. Comment procéder

L’affaire Gixtaala Nation était une procédure consolidée comprenant des demandes de contrôle judiciaire et d’appels prévus par la loi en ce qui a trait aux différentes étapes du processus de prise de décision relativement à l’approbation de pipeline – le rapport de la Commission d’examen conjoint, le décret obligeant l’Office national de l’énergie à délivrer des certificats de commodité et de nécessité publiques et des certificats délivrés par l’Office national de l’énergie en réponse à cette directive.

Toutefois, nonobstant la consolidation des procédures, les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont amorcé la section analytique de leur jugement en se demandant lequel des trois types de contestation représentait la tribune appropriée pour examiner en substance le processus d’approbation de pipeline et remplir l’obligation de consulter de la Couronne et, le cas échéant, d’accommoder. Dans ce cas-ci, la Cour a été claire. En vertu des modifications de 2012, modifications que les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont décrites comme étant un « code complet »51 et « unique »,52 « le seul décideur d’importance est le gouverneur en conseil »53. Le gouverneur en conseil, et seul le gouverneur en conseil, peut prendre une décision à la suite de l’évaluation des rapports et de tous les autres renseignements ayant été recueillis après avoir reçu les rapports requis. Par conséquent, les deux juges ont maintenu que le seul objectif approprié pour la demande de contrôle judiciaire était la décision du gouverneur en conseil. Cette demande de contrôle ne reposait pas sur la Commission d’examen conjoint, tel que mentionné dans le rapport, ce dernier ne comportant aucune décision « sur des intérêts juridiques ou pratiques »54. De plus, la question de savoir si le rapport de la Commission d’examen conjoint était déficient d’une quelconque façon reposait uniquement sur le gouverneur en conseil, et non la Cour55.

En ce qui concerne le rôle subséquent de l’Office national de l’énergie dans la délivrance d’un certificat de commodité et de nécessité publiques, cela représentait une étape purement formelle. L’Office devait obéir à une directive du gouverneur en conseil56. En outre, si la Cour a mis de côté la décision du gouverneur en conseil, cela a également miné légalement tout certificat délivré par l’Office après avoir obéi à une directive découlant de la décision maintenant invalidée57.

Cette spécification de la décision du gouverneur en conseil comme étant le seul objectif approprié pour une demande de contrôle judiciaire est certainement exprimée de façon définitive ou sans équivoque. Elle est également renforcée par la position normale des tribunaux canadiens à l’effet que, comme une question de discrétion judiciaire, les demandes de contrôle judiciaire ne devraient pas être neutralisées dans les étapes préliminaires d’un processus, au moins lorsque l’examen du sujet de la contestation s’inscrit dans le mandat d’une étape ultérieure ou finale d’un processus à étapes multiples58. Par conséquent, selon ce jugement, il revient a priori au gouverneur en conseil de déterminer s’il y avait une « lacune » dans le rapport; ainsi, ces contestations devaient être soumises au gouverneur en conseil, et non par voie d’un appel prévu par la loi ou d’un contrôle judiciaire à une étape précédente du processus et, surtout, dans le cas du rapport de la Commission d’examen conjoint.

Il demeure toutefois à élucider la question de savoir si cela mène à une interdiction complète de toutes les contestations précédentes des processus se terminant dans un rapport présenté au gouverneur en conseil. En d’autres mots, quelle est la portée du terme « lacune » afin de déterminer si une contestation doit d’abord être présentée au gouverneur en conseil avant de prendre la voie de la Cour fédérale? Est-ce que l’argument du code et le fait que le gouverneur en conseil soit la première voie à suivre pour les contestations par rapport à ce qui s’est passé auparavant s’étendent obligatoirement (contrairement à l’aspect discrétionnaire) à toutes les sortes de décisions interlocutoires prises dans le cadre du processus de la Commission d’examen conjoint, comme les réponses aux craintes raisonnables de partialité ou les demandes de statut d’intervenant?

Si l’on tient compte des échéanciers stricts imposés sur le processus par les modifications législatives de 2012, il est fort possible que la déclaration d’exclusivité du jugement énonçant le gouverneur en conseil comme point initial pour contester les lacunes dans le processus inférieur soit considérée comme s’appliquant à toutes les contestations de ce genre. Néanmoins, il serait probablement mal avisé de traiter le principe d’exclusivité comme n’étant pas soumis à une exception.

c. Agir pour obtenir un contrôle judiciaire

En 2014, dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie)59, le juge Stratas de la Cour d’appel avait jugé que l’association n’avait aucun intérêt, public ou privé, d’agir pour présenter une demande de contrôle judiciaire contestant les différentes décisions interlocutoires prises par l’Office national de l’énergie dans le cadre de la demande d’inversion de la ligne 9 d’Endbridge. Ces décisions concernaient la portée de l’audience, les exigences de justification imposées aux personnes qui souhaitaient y participer et le rejet d’un droit de participer à une personne en particulier à titre d’intervenant, plutôt que de lui permettre de fournir des commentaires sur la demande. Dans la cause Gitxaala Nation, Northern Gateway se fondait sur la décision Stratas qui maintenait l’argument que cinq groupes n’avaient pas le droit d’agir pour demander un contrôle judiciaire sur différents éléments du processus décisionnel global60.

Les groupes en question (y compris la Forest Ethics Advocacy Association) étaient tous des organismes d’intérêts spéciaux qui clamaient leur expertise et leur engagement sur des enjeux pertinents à la décision de savoir si la poursuite du projet devait être autorisée et, dans le cas d’Unifor, si ce dernier représentait les travailleurs dont les intérêts seraient affectés par l’approbation du projet. Les cinq groupes avaient participé de façon importante à titre d’intervenants reconnus dans le processus de la Commission d’examen conjoint.

En étudiant la contestation de Northern Gateway relative à leur participation, les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont appliqué les critères suivants pour décider de leur qualité d’agir pour leur intérêt direct : Est-ce que la décision en est une qui « a une incidence sur ses droits juridiques, qu’elle lui impose des obligations juridiques ou qu’elle lui occasionne un préjudice de quelque manière? »61. En réponse, ils ont déterminé que tous ces groupes avaient « un intérêt juridique ou pratique suffisant »62 pour justifier leur qualité d’agir directement.

Il y a longtemps que les tribunaux ne suivent plus l’approche parcimonieuse précédente pour évaluer si les groupes d’intérêt public ont le droit de contester une mesure administrative, et au nom de leurs membres,63. En effet, dans la mesure où la Cour mettait l’accent sur leur participation au processus de la Commission d’examen conjoint, on pouvait pratiquement présumer qu’ils avaient la qualité d’agir pour demander un contrôle judiciaire une fois que l’organisme de règlementation leur avait donné des occasions de participer et que ces occasions avaient été prises. L’importance de la participation avec le soutien de l’organisme se manifeste également dans le contraste que dresse la Cour entre la situation dans ce cas-ci et celle que le juge Stratas de la Cour d’appel devait affronter seul dans l’affaire Forest Ethics64. Dans le cadre de cette dernière, Forest Ethics n’avait pas tenté de participer aux instances sur l’inversion de la ligne 9, encore moins de faire des représentations devant l’Office national de l’énergie sur les sujets des trois décisions interlocutoires spécifiques. Toutefois, cela laisse place à des examens futurs, à savoir si le refus d’agir ou du statut d’intervenant d’un groupe par un organisme l’empêche par la suite d’être en mesure d’évaluer la qualité d’agir dans son intérêt direct pour demander un contrôle judiciaire à la fin du processus.

d. Norme d’examen

Tel que mentionné ci-dessus, les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont maintenu que la décision du gouverneur en conseil constituait au moins de manière générale l’objectif pertinent ou exclusif de toute attaque sur la conclusion du processus d’approbation de pipeline à étapes multiples de la législation modifiée de 2012. À l’intérieur de ce cadre, les deux juges ont décidé que « la nature imprécise et l’étendue du pouvoir discrétionnaire que le gouverneur en conseil doit exercer »65 justifiait, non seulement la norme de contrôle prédominante de raisonnabilité empreinte de déférence, mais également une norme qui accordait au gouverneur en conseil « la marge d’appréciation la plus large possible »66 sur des préoccupations de multiplicité « d’ordre politique et d’intérêt public »67 qui venait avec le mandat statutaire. Afin d’être bien certains, ils ne sont pas allez aussi loin que de maintenir que le pouvoir discrétionnaire n’était pas justiciable. Toutefois, en classant la portée des éléments à étudier possiblement pertinents comme des éléments qui «  relèvent davantage de la compétence de l’exécutif »68, et en mettant l’accent sur la réalité pratique qu’une telle habilitation pour le gouverneur en conseil a « impliqué »69 le pouvoir décisionnel du Cabinet, les juges ont indiqué clairement que les tribunaux devaient être extrêmement prudents lorsqu’ils devaient intervenir dans un tel processus au nom du caractère déraisonnable.

Toutefois, le jugement confirme que cette immunité virtuelle d’un contrôle judiciaire en raison de son caractère déraisonnable n’est pas une caractéristique universelle de toute prise de décision par le gouverneur en conseil, mais une caractéristique d’un mandat très particulier prévu par la loi et dans le cadre duquel était tenu de se conformer le gouverneur en conseil dans cette affaire. À cet égard, les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont donné comme exemple des situations où le gouverneur en conseil était engagé à trancher des questions de droit70. Ici, l’application de la norme du caractère raisonnable de l’examen pouvait être plus intrusive. De la même manière, ils ont commencé cette portion de leur jugement en discutant et en faisant une distinction avec l’affaire71 Conseil des Innus de Ekuanitshit c Canada (Procureur général)72.

Cet aspect mettait également en cause le contrôle judiciaire du gouverneur en conseil, mais en vertu de la version de 1992 de la législation. Ici, le rôle du gouverneur en conseil consistait à approuver une réponse du gouvernement relativement à un rapport d’une Commission d’examen conjoint. L’essence du processus d’évaluation du gouverneur en conseil était de savoir si une décision « prise » par d’autres (la Commission d’examen conjoint et trois ministères gouvernementaux) sur une évaluation environnementale devait être approuvée. Dans le cadre de ce mandat législatif plus étroit et de son accent particulier sur les questions environnementales, la décision prise par le gouverneur en conseil était soumise à un ensemble plutôt différent de questions que celles appliquées en vertu des modifications de 2012. Comme le jugement de la Cour d’appel fédérale dans cette affaire, la Cour pouvait se demander si le gouverneur en conseil et les ministères avaient suivi les exigences de la législation avec une intervention jugée appropriée uniquement lorsque l’ordre du gouverneur en conseil était donné sans suivre le processus législatif spécifié, « sans égard à l’objet de la Loi ou sa décision est, dans les faits, dénuée de fondement »73.

Cette analyse de la norme d’examen mène à deux commentaires interreliés.

Premièrement, le jugement dans l’affaire Gitxaala Nation a été prononcé le 23 juin 2016. Le 14 juillet, la Cour suprême a prononcé son jugement dans l’affaire Wilson c Atomic Energy of Canada Ltd74. En prononçant un jugement concordant séparé, le juge Cromwell a catégoriquement rejeté l’approche variable de la « marge d’appréciation », élaborée principalement par le juge Stratas de la Cour d’appel comme étant la manière appropriée pour équilibrer l’examen du caractère raisonnable dans un ensemble très large de prises de décisions prérogatives ou prévues par la loi75. La juge Abella a semblé avoir des critiques similaires sur l’approche de « marge d’appréciation » du juge Stratas, qu’elle a utilisée dans le jugement76 de la Cour d’appel fédérale dont Wilson avait interjeté appel. Après avoir fait référence à cet aspect du jugement Stratas ci-dessous77, elle a mentionné :

« en tentant d’étalonner la norme en appliquant des degrés potentiellement indéterminés de déférence, on compliquerait indûment un domaine du droit qui a besoin d’être simplifié »78.

Toutefois, il faut noter que d’autres membres de la majorité n’avaient pas discuté du caractère approprié de l’approche de « marge d’appréciation79. En outre, même la juge Abella, dans son jugement, a échangé le concept du caractère raisonnable comme une enquête spécifique ou sensible au contexte80 et des plages larges ou étroites de réponses ou résultats acceptables81. Pour ma part, je trouve qu’il est difficile, à des fins pratiques, de faire la distinction entre cette approche du caractère raisonnable et une qui décrit la portée d’une intervention comme étant une « marge d’appréciation » variable.

Deuxièmement, je me demande toujours pourquoi les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont pris le temps de faire une distinction entre le régime présenté devant la Cour dans Innus de Ekuanitshit et celui présenté devant la Cour dans Gitxaala Nation. L’explication tient probablement au fait que le demandeur s’est basé sur l’affaire précédente comme justification pour un examen plus approfondi au nom du caractère raisonnable que ce que la Cour était disposée à tolérer dans l’affaire Gitxaala Nation. Par contre, il est également possible que la Cour ait voulu affirmer que les exemples précis de motifs de révision auxquels faisait référence la Cour dans l’affaire des Innus d’Ekuanitshit ne s’appliquaient pas dans le régime statutaire actuel : ne pas suivre le processus législatif prescrit, décider sans égard aux objets de la Loi ou aucune base factuelle pour la décision.

En effet, cette possibilité est rendue crédible par la référence de la Cour au fait qu’un grand nombre de Premières Nations argumentaient que les processus prescrits en vertu des modifications de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale n’étaient pas suivis82, un argument que les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ne semblent pas avoir abordé directement83. Je ne comprends pas pourquoi cet argument n’avait aucun poids comme question de droit dans le cadre du caractère raisonnable de la norme d’examen dans l’affaire Gitxaala Nation. D’ailleurs, cela est particulièrement troublant compte tenu de la spécification de la Cour relativement à la décision du gouverneur en conseil comme étant au moins l’endroit principal pour toute demande de contrôle judiciaire en relation avec ce processus de prise de décision. En faisant une telle demande de contrôle judiciaire, j’aurais cru qu’il serait parfaitement justifié d’affirmer que ces processus désignés par la loi n’avaient pas été suivis avec la décision finale minée si cela était établi à la satisfaction de la Cour84. Il est possible, en effet, d’appliquer le même argument aux affirmations d’échec d’adopter les objets de la Loi et l’absence de soutien pour la décision par rapport aux faits (même si, étant donné les considérations pertinentes et les faits en vertu de ce modèle de législation, je peux certainement voir comment cela constituerait une très rare possibilité).

e. Application de la norme d’examen du caractère raisonnable au bien-fondé de la décision du gouverneur en conseil

En raison de la portée de la marge d’appréciation que la Cour a accordée au gouverneur en conseil, ce n’était pas une surprise, laissant la question concernant la consultation des Premières Nations de côté, dans le maintien de la Cour qu’il n’y a eu aucune base d’intervention au nom du caractère déraisonnable. D’ailleurs, le bien-fondé de l’argument du caractère déraisonnable est abordé dans un court paragraphe :

Le gouverneur en conseil avait le droit d’évaluer le caractère suffisant des renseignements et des recommandations qu’il avait reçus, d’équilibrer tous les éléments à considérer, soit les aspects économiques, culturels, environnementaux et autres, et d’en venir à sa conclusion comme il l’a fait. Autrement, la règle serait de douter de l’appréciation des faits du gouverneur en conseil, de ses choix de politique, de son accès à de l’expertise scientifique et de son évaluation et de la mesure qu’il accorde à des considérations d’intérêt du public concurrentes, des questions bien en dehors du mandat des tribunaux85

Tel que suggéré ci-dessus, bien qu’on n’aille pas aussi loin que de maintenir que ce n’était pas justiciable, cela s’en rapprochait. Néanmoins, le jugement ultime de la Cour selon lequel les processus engagés par le gouverneur en conseil et ses conseillers violaient les droits constitutionnels des Premières Nations soulignait le point que l’examen n’était pas entièrement exclu. Il est également important de rappeler l’exigence de « bonne foi », dont la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale a fait mention dans l’affaire Turp c Canada (Affaires étrangères)86. En rejetant la contestation portant sur la délivrance du permis ministériel d’exportation d’armes destinées à l’Arabie Saoudite, elle a mis l’accent sur la portée de la discrétion prévue par la loi octroyée au ministre des Affaires étrangères87 et sur l’aspect illégitime d’un tribunal de révision s’étant engagé à réévaluer la mesure des différentes considérations animant le processus décisionnel du Ministère88, mais elle avait fait état de réserves sur la possibilité d’une contestation fondée sur la mauvaise foi et d’autres motifs du droit administratif qui pouvaient s’appliquer dans ce contexte89. Évidemment, établir la mauvaise foi du gouverneur en conseil, tel que personnifié au Cabinet et par les ministres responsables, est un défi important en matière de preuve dans un contexte comme celui-ci90.

f. Partialité

La Cour d’appel fédérale a dû traiter le problème de partialité dans le cadre de son examen pour déterminer si la Couronne avait échoué dans son obligation de consulter et, plus particulièrement, dans le contexte d’une allégation selon laquelle la Couronne ne l’avait pas fait de bonne foi. Il a été dit que le résultat du processus était prévisible, notamment en raison de l’un des indicateurs, soit les déclarations faites en 2011 par celui qui était alors ministre des Ressources naturelles, un membre du Cabinet, voulant que le projet était de l’intérêt national et qu’il fallait prendre des mesures pour veiller à ce que le processus règlementaire soit moins redondant et plus expéditif91.

En rejetant cet argument92, les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel ont fait référence au pouvoir de la Cour suprême du Canada voulant que l’obligation d’impartialité était sensible au contexte93, et que les demandes imposées par cette obligation dans le cas d’une décision du Cabinet fondée sur la politique n’était pas aussi rigoureuses que celles des décideurs judiciaires ou quasi judiciaires94. À la place95, les critères à appliquer à cette forme de décideurs étaient ceux développés par la Cour suprême dans l’affaire Association des résidents du vieux St-Boniface inc c Winnipeg (Ville)96, dans le contexte de l’élaboration de règlements administratifs par un conseil municipal. Lorsque les déclarations étaient uniquement fondées sur l’« [Traduction] expression d’une opinion finale sur la question concernée » ou, dans les termes de l’affaire du vieux St-Boniface, ont-ils démontré que « [Traduction] l’idée des décideurs était faite et que de telles représentations du contraire seraient futiles »? Sur les faits présentés, la Cour n’était pas sur le point d’arriver à une conclusion en se fondant sur les commentaires d’un seul ministre, faits il y a des années, avant que le gouverneur en conseil ne prenne effectivement sa décision.

Il n’y avait aucune raison de contester cet argument. Toutefois, il mérite l’observation que malgré l’échec de cet argument, l’acceptation de la Cour de la possibilité qu’une contestation des décisions prises du Cabinet, fondées sur la partialité ou le manque d’impartialité, souligne le fait que le jugement de 1980 du juge Estey dans l’affaire Canada c Inuit Tapirisat et autre97 ne peut plus faire autorité relativement à l’immunité absolue du gouverneur en conseil face à des contestations d’iniquité procédurale dans le contexte de son engagement à l’égard des décisions ou des rapports d’organismes de règlementation, dans le cadre d’appels au Cabinet ou d’un régime pour l’approbation de rapports ou de recommandations.

Partialité, l’Office national de l’énergie et les instances sur Énergie Est

Comme les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel l’ont clairement indiqué dans l’affaire Gitxaala Nation, les critères pour établir ce qui constituait une appréhension raisonnable de partialité varient selon la nature du décideur et la tâche dans laquelle il s’est engagé. D’ailleurs, la notion d’une approche sensible au contexte dans une évaluation pour déterminer s’il y avait impartialité disqualifiante est apparue au départ dans un jugement de la Cour suprême du Canada concernant un organisme de règlementation de services publics, la Newfoundland Board of Commissioners of Public Utilities.

L’affaire Newfoundland Telephone Co c Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities)98 mettait en cause des allégations de partialité fondées sur des déclarations faites par un représentant des consommateurs siégeant à un comité de l’Office engagé dans une instance sur les coûts et les comptes, notamment les salaires de cadres chez Newfoundland Telephone Co. En prononçant le jugement de la Cour suprême du Canada, le juge Cory, comme les juges Dawson et Stratas de la Cour d’appel l’ont fait dans l’affaire Gitxaala Nation, justifiait une norme moins stricte pour les membres des organismes de règlementation exécutant une fonction d’établissement de politique et, plus particulièrement, lorsqu’ils étaient nommés comme représentant d’un groupe intéressé ou de la communauté règlementée. Il n’y avait rien de nécessairement mauvais dans la nomination de tels « représentants », que cela soit autorisé spécialement par statut (comme dans cette affaire) ou non. En effet, il était tout à fait approprié pour les membres d’un comité d’instance de faire des déclarations publiques indiquant des opinions fortes sur des questions susceptibles de représenter un enjeu à l’instance avant la présente instance n’en vienne effectivement à déterminer que l’expression de cette opinion ne représentait pas :

… que l’affaire a été préjugée au point de rendre vain tout argument contraire99.

Toutefois, une fois l’audience commencée (et c’est ici que le membre a dépassé la ligne), il fallait faire preuve de retenue, le critère de l’esprit fermé a cessé de s’appliquer et le critère standard pour les tribunaux était lancé, celui de « la crainte raisonnable de partialité »100. Néanmoins, même dans le cadre du critère standard, il était toujours nécessaire d’évaluer la question de savoir quels faits étaient suffisants pour disqualifier la tâche actuelle de l’organisme de règlementation avec ceux participant aux affaires politiques recevant une plus grande marge que ceux exécutant vraiment une fonction judiciaire ou quasi-judiciaire101 

C’est dans ce contexte que je souhaite faire l’analyse de la décision des trois membres du comité de l’Office national de l’énergie qui président les audiences des demandes Énergie Est et du Réseau principal Est102 (ainsi que celui103 du président et de la vice-présidente de l’Office) de se récuser et de ne plus participer à l’avenir à ces audiences en réponse à une affirmation d’un groupe d’intérêt public de partialité les disqualifiant. En prenant cette décision, est-ce que les membres du comité et le président et la vice-présidente ont répondu trop rapidement à la demande de récusation?

Brièvement, la demande de récusation est survenue en raison de la participation de deux membres du comité d’audience (ainsi que du président de l’Office et de différents membres du personnel) à une réunion de janvier 2015 avec l’ancien premier ministre Jean Charest. Cette réunion a été établie comme faisant partie de la préparation de l’Office dans le cadre de son Initiative nationale de mobilisation, où il traversait le pays pour « l’amélioration des rapports avec les municipalités et les peuples autochtones, pour obtenir de meilleurs résultats sur le plan de la sûreté des pipelines et de l’environnement »104. À ce moment, l’Office était également engagé dans la préparation de l’audience de deux projets et commençait à s’occuper des demandes de statut de participation.

Lorsque la réunion avec Jean Charest a commencé à circuler dans les médias et parmi les groupes opposés à ces demandes, l’Office a répondu que cette réunion et d’autres réunions tenues sur deux jours à Montréal en janvier 2015 avaient pour but d’obtenir le point de vue du Québec sur les questions émanant de l’Initiative nationale de mobilisation et ne touchaient aucunement des discussions sur les deux demandes. Toutefois à ce stade, comme il a été admis que des discussions avec Jean Charest ont porté sur le projet Énergie Est, l’Office a apparemment changé son fusil d’épaule et indiqué qu’il ne s’agissait que d’une réunion parmi tant d’autres avec différents intervenants (y compris ceux opposés au projet) dans le cadre de la préparation des audiences à venir105.

Bien qu’à elle seule, la réunion avec Jean Charest ne causait pas nécessairement de problème, le fait que l’ancien premier ministre était payé comme consultant par TransCanada PipeLines Limited, l’un des demandeurs sur les deux projets, ajoutait une dimension critique. De la même manière, l’absence de transparence évidente de l’Office et le sol qui lui glissait sous les pieds en raison de ce qui était survenu commençaient à peser lourd et, avec le début des audiences, les cris stridents d’appels à la récusation du comité ont pris de l’ampleur. L’abandon du comité en raison de la perturbation de la phase de Montréal des audiences représente la manifestation la plus spectaculaire de cette préoccupation avec le processus et les questions en jeu dans les deux demandes106.

À ce stade, le comité ainsi que le président et la vice-présidente ont agi sur la question de partialité alléguée et traité la communication du groupe d’intérêt public comme une motion officielle demandant que les membres du comité se récusent, ainsi que les autres mesures connexes107. Par contre, même cette mesure a amené son lot de critiques, en particulier, qu’il était inapproprié pour le comité de prendre cette décision108. Néanmoins, le comité a poursuivi dans cette voie (de manière justifiable de mon point de vue109) et a examiné les commentaires écrits des parties intéressées participant à ces audiences.

Tout cela a mené à deux décisions prononcées le 9 septembre 2016 : dans la première, les trois membres du comité se récusaient. Deux l’ont fait sur la base des perceptions créées après avoir fait partie du groupe ayant rencontré Jean Charest110, et le troisième sur la base des perceptions de corruption à la suite de son association aux audiences à ce stade avec les deux autres membres111. De plus, le président et la vice-présidente Mercier, qui était également membre du comité, et les deux ayant participé à la réunion avec Jean Charest, ont annoncé qu’ils ne participeraient à aucune de leurs tâches administratives limitées en ce qui concerne l’audience, y compris l’affectation d’un nouveau comité112. Dans le cadre de cette deuxième décision, il a également été annoncé que l’Office réaffecterait à d’autres dossiers les membres du personnel ayant participé à la réunion avec Jean Charest113.

Parmi les questions soulevées par toute cette affaire, il faut se demander pourquoi la discussion sur la mise en scène de normes moins strictes auxquelles sont tenus les membres d’organismes de règlementation avec des composants d’élaboration de politique importants lui a porté ombrage. Est-ce que les membres du comité ainsi que le président et la vice-présidente se sont récusés trop rapidement? Est-ce que les réunions avec Jean Charest ainsi qu’avec certains participants aux audiences à venir n’étaient pas le genre d’engagements préalables à une audience avec les questions que le juge Cory souhaitait tolérer dans l’affaire Newfoundland Telephone? Ou, est-ce que les récusations étaient davantage le produit d’une réponse stratégique ou politique à l’importance des protestations sur la participation continue du comité au lieu d’une évaluation véritable pour déterminer si la loi nécessitait la réclusion?

À mon sens, en matière de droit, le comité a pris la bonne décision de se récuser à l’instar du président et de la vice-présidente en relation avec leurs responsabilités administratives liées à ces audiences. Deux raisons expliquent cette situation : premièrement, l’Office contribuait aux appréhensions que le processus soit biaisé de par sa manière de changer d’idée, tant sur les faits que sur sa justification de ce qui est arrivé. Faire preuve d’une complète transparence dès que les préoccupations ont fait surface aurait peut-être pu changer le résultat. Deuxièmement, et contrairement à l’affaire Newfoundland Telephone, il ne s’agissait pas d’un cas présumé disqualifiant les perceptions de partialité en lien avec l’attitude114. En effet, les réunions unilatérales avec des parties et des personnes intéressées par le sujet d’une audience ne mettent pas en cause les principes respectant la partialité, ainsi qu’un autre aspect de l’équité procédurale : la prise de preuves et de soumissions à l’insu des autres parties ou participants des audiences. Ici également, en vertu du droit canadien, les perceptions sont importantes. Comme l’a dit le juge Dickson (alors qu’il l’était) sur les réunions ex parte dans Kane c Conseil d’administration de l’UCB :

Nous ne sommes pas concernés ici par la preuve de l’existence d’un préjudice réel, mais plutôt par la possibilité ou la probabilité qu’aux yeux des gens raisonnables, il existe un préjudice115.

Dans toutes les circonstances de ce dossier, l’explication selon laquelle l’Office et les membres du personnel ayant rencontré Jean Charest ne savaient pas qu’il était un consultant payé par TransCanada Pipelines n’était certainement pas suffisante pour calmer ces personnes raisonnables.

Quelles leçons faut-il tirer de tout ceci? Premièrement, il ne faut pas conclure à une manière de douter d’initiatives comme l’Initiative nationale de mobilisation de l’Office national de l’énergie. Toutefois, il faut aussi reconnaître que lorsque ce genre d’initiatives comprend des rencontres privées avec des groupes ou leurs représentants, des obstacles dangereux peuvent survenir. C’est ce qui se produit lorsque les parties que l’Office rencontre lors d’une réunion privée ont ou auront un intérêt matériel lors d’une audience de l’Office à venir. C’est à ce moment que les autres parties et intérêts, s’ils en viennent à être au courant des réunions, commencent à avoir la perception du caractère inapproprié sous la forme d’insinuation sur la preuve et de représentations inappropriées sur le sujet de l’audience. Et, bien entendu, comme l’a montré ce récent imbroglio, la réponse à cette inquiétude n’est pas de tenter à tout prix de garder la réunion secrète. À l’inverse, les préoccupations vont à l’encontre de la tenue de réunions privées, et ce genre d’engagement doit plutôt être de notoriété publique avec une transparence entière, au moins lorsque les réunions mettent en cause un intérêt dans des sujets en attente d’une audience devant l’Office. Finalement, une autre leçon que l’Office peut tirer de tout ceci est qu’il doit être proactif relativement à tout engagement de ce genre en dehors de l’audience et demander à ceux qu’il rencontre, de manière privée ou publique, s’ils ont des intérêts dans des demandes actuellement devant l’Office.

En effet, comme une note en bas de page illustrant les coûts qui peuvent être payés en traversant la ligne de ce qui est acceptable, le nouveau comité pour Énergie Est a répondu à d’autres contestations et a convenu de recommencer du début le processus et de retirer toutes les décisions du comité précédent des dossiers116. Cela veut dire, entre autres choses, que le nouveau comité de l’audience réévaluera toutes les demandes de statut de participant ainsi que la liste des préoccupations à examiner dans le cadre des évaluations environnementales de l’audience.

Norme d’examen et demandes d’autorisation d’appel

En 2014, dans l’affaire FortisAlberta Inc c Alberta (Utilities Commission)117, dans le cadre d’une demande d’autorisation d’interjeter appel sur des questions touchant des aspects de droit relativement à deux décisions de la Commission, le juge McDonald de la Cour d’appel a dû examiner un argument selon lequel la norme d’examen à appliquer pour les décisions en question était un élément pertinent à étudier. Cet argument était fondé sur des précédents alors que des juges de la Cour d’appel ont dû se pencher sur la question de la Cour d’appel de l’Alberta visant à déterminer si l’appel soulevait un « [Traduction] point questionnable, important »118. Parmi ces facteurs, il fallait répondre si « [Traduction] l’appel est méritoire à première vue »119. Tout en reconnaissant que la jurisprudence120 appuyait la pertinence de la norme d’examen applicable relativement à cette question, le juge McDonald de la Cour d’appel a pris la décision d’un air engagé dans ce cas, sans raison détaillée, que :

… [Traduction] la décision de savoir quelle est la norme d’examen appropriée doit être déterminée par le comité écoutant l’appel et je ne lui donnerai aucune importance pour en venir à mon jugement ici121

Toutefois, le juge McDonald de la Cour d’appel a par la suite, dans au moins trois décisions d’appel en 2015-2016122, effleuré la ligne précédente et utilisé l’application de la norme du caractère raisonnable aux questions de droit soulevées par les demandeurs afin de justifier le rejet des demandes d’autorisation d’interjeter appel, particulièrement sur la base qu’elles n’étaient pas méritoires à première vue. Plus particulièrement, il a pris sa décision dans ces affaires en faisant référence à la présomption que les tribunaux interprétant leurs lois constitutives ont le droit d’utiliser la norme de contrôle prédominante de raisonnabilité empreinte de déférence et au critère de Dunsmuir relativement au caractère raisonnable de la décision contestée qui tombe dans les

… issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit123.

Quatre commentaires peuvent être apportés :

  1. Dans certaines de ces affaires, les questions soulevées par les appelants comme des questions de droit semblent être considérablement fondées sur des faits et donc, ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’un appel sur des questions de droit et de compétence, sauf dans la mesure où il s’agit d’une question de droit inextricablement pure.
  2. Le critère appliqué (« démonstration qu’il y a un argument de droit méritoire ») semble nécessiter que l’appelant établisse à la satisfaction du juge que l’argument serait presque certainement retenu en appel. À première vue, cela est plus demandant ou onéreux que d’établir un « argument tout à fait défendable ».
  3. Néanmoins, dans la mesure où la disposition de l’appel vise à faire une sélection par élimination des appels pour une multitude de raisons, il n’y a aucune raison d’exclure la possibilité que l’appel puisse probablement relever avec succès le critère ou la norme que l’appelant doit respecter pour gagner son appel –que le résultat ne tombe pas dans la plage des significations possibles et acceptables.
  4. Dans la mesure où la décision du juge McDonald de la Cour d’appel de 2014 dans l’affaire FortisAlberta est une aberration, il peut bien avoir changé d’avis ou peut-être, ce qui serait encore plus satisfaisant, il n’était pas clair dans cette affaire que les questions soulevées pouvaient être examinées en fonction du caractère raisonnable plutôt que sur la base du caractère juste. En faisant référence à la dernière explication, alors que le caractère juste de la décision peut être un problème, plutôt que son caractère raisonnable, il n’y a aucune raison de compter la norme d’examen applicable comme étant contre l’appelant. Il s’agit d’un facteur neutre.

Responsabilité règlementaire relativement à la violation de la Charte canadienne des droits et libertésErnst c Alberta Energy Regulator124

Le droit canadien limite dramatiquement la mesure d’une responsabilité civile ou extracontractuelle à laquelle sont exposés les organismes de règlementation dans l’exécution de leurs responsabilités multiples. Cela tient à de nombreuses raisons juridiques, particulièrement en ce qui a trait à la négligence contrairement à la mauvaise foi dans les réclamations de charge publique. Dans la mesure où les organismes de règlementation s’engagent à établir des politiques plutôt que dans le côté fonctionnel de leur mandat, l’immunité leur sera normalement accordée125. De la même façon, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires, l’immunité est accordée pour la majeure partie126. Le droit moderne canadien n’est pas enclin à détecter l’existence d’une obligation de diligence de la part des organismes de règlementation envers les membres du public touchés par leurs actions127. De plus, même si une obligation de diligence existe à première vue, elle peut être annulée par des considérations de politique publique n’étant normalement pas croisées dans le domaine du droit en matière de négligence privée ou extracontractuelle, comme l’exposition de l’organisme de règlementation à une responsabilité illimitée de la part d’un segment potentiellement plus élargi du public128. De plus, à de nombreuses occasions, des dispositions d’immunité prévues par la loi pertinentes seront en place et elles semblent, à première vue, résoudre la question129.

Une grande partie de ces considérations ont été exprimées dans le jugement de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Ernst c Alberta (Energy Resources Conservation Board)130 en confirmant le rejet de la réclamation pour négligence de la plaignante. La plaignante Ernst affirmait que la Commission (l’organisme précédant l’Alberta Energy Regulator) avait de façon négligente administré son régime règlementaire en ne prenant pas les mesures nécessaires pour protéger l’alimentation en eau contre le danger d’EnCana, qui s’était engagée dans différentes activités énergétiques et règlementées par la Commission dans la région où il a sa propriété.

Une disposition de l’Energy Resources Conservation Act131 (loi sur la conservation des ressources énergétiques de l’Alberta) d’alors respectant la responsabilité règlementaire fait partie des différentes considérations qui ont mené la Cour d’appel de l’Alberta à maintenir la décision du juge responsable de la gestion de l’instance. L’article 43 mentionne :

[Traduction] Aucune action ni procédure ne peut être présentée devant la Commission ou un membre de la Commission […] en ce qui a trait à toute action ou chose faite censément en application de cette Loi, ou toute loi administrée par la Commission, de la règlementation régie par ces lois ou d’une décision, d’un ordre ou d’une directive de la Commission.

(Cette disposition est maintenant remplacée par l’article 27 de la Responsible Energy Development Act132 couvrant l’Alberta Energy Regulator :

[Traduction] Aucune action ni procédure ne peut être menée contre le l’Alberta Energy Regulator, un directeur, un commissaire d’audience, un agent ou un employé de l’Alberta Energy Regulator, ou une personne engagée par ce dernier, en regard d’une action ou d’une chose faite ou une omission de faire de bonne foi en vertu de la présente Loi ou toute autre loi.)

Dans un jugement prononcé par le tribunal (composé des juges Côté, Watson et Slatter de la Cour d’appel), on a estimé que cette disposition avait pour effet d’empêcher toutes les réclamations en responsabilité civile délictuelles de common law contre la Commission. Ce faisant, le tribunal a rejeté l’argument voulant que, contrairement à celle qui lui a succédé, cette disposition n’englobait pas les omissions, uniquement les « actions ou les choses faites ». Il aurait été « absurde » d’appliquer la disposition à seulement la moitié de la conduite de la Commission dans l’exercice de son mandat133.

Toutefois, Mme Ernst avait présenté d’autres réclamations. L’une d’elles était liée à la mesure que la Commission a prise en réponse à ses critiques publiques de la Commission relativement à cette question. Pendant près de deux ans, on présume que la Direction de la conformité de la Commission a refusé de recevoir des communications de cette dame par les canaux publics habituels, à moins qu’elle n’accepte de présenter ses préoccupations uniquement devant la Commission et non publiquement ou auprès d’autres citoyens. Cette dame a affirmé que cette mesure violait sa liberté d’expression, telle qu’elle est garantie par le paragraphe 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et qu’elle avait le droit de faire une réclamation pour dommages-intérêts. Ici également, la Cour a maintenu que l’article 43 était fatal au motif de son action134. Il n’y avait aucun principe général voulant que les dispositions excluant la responsabilité extracontractuelle ou en matière délictuelle relativement aux infractions à la Charte soient non constitutionnelles ou limitant de façon inadmissible la compétence des tribunaux de la section 96 en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte d’accorder « la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances ». Parmi les justifications de cette conclusion, mentionnons le « [Traduction] contrôle judiciaire comme une forme de réparation durable pour une action administrative inadéquate »135. La Cour a également fait référence à l’existence d’un appel prévu par la loi à la demande de la Commission devant la Cour d’appel, moyennant autorisation136.

Subséquemment, Mme Ernst a demandé l’autorisation d’interjeter appel et obtenu l’autorisation d’en appeler du jugement de la Cour d’appel de l’Alberta, non pas sur la question de négligence, mais plutôt sur la question de savoir si l’article 47 interdisait sa réclamation en dommages-intérêts en vertu de la Charte. Dans les pages de cette revue de décembre 2015, Ross, Marion et Massicotte ont cherché à obtenir des « directives de la Cour suprême quant à la marche à suivre pour traiter d’une action réciproque entre les dispositions d’immunité légale et les réclamations en dommages-intérêts en vertu de la Charte contre les représentants de l’État »137. Malheureusement, la Cour suprême, dans un jugement prononcé le 13 janvier 2017138, un an et un jour après que l’affaire lui ait été présentée, a mis fin à cet espoir.

Mme Ernst a sans nul doute perdu son appel devant la Cour suprême du Canada, et quatre des juges (dans un jugement prononcé par le juge Cromwell) ont essentiellement réaffirmé le raisonnement de la Cour d’appel de l’Alberta sur ce point, mais avec une analyse plus élaborée. Plus particulièrement, le juge Cromwell, en plus d’affirmer la primauté des demandes de contrôle judiciaire comme une réponse pour corriger une action dont le statut est illégal,139 s’est appuyé sur les raisons pour lesquelles les tribunaux ont reconnu les limites de la common law relativement à l’exposition des autorités publiques à une responsabilité en dommages-intérêts140, et l’expression législative de ces raisons dans des dispositions d’immunité communes, tel que démontré dans l’article 43141. Ces expressions de common law et de politique législative peuvent servir à justifier la constitutionnalité de l’article 43, tant qu’elles permettent également par elles-mêmes de créer l’immunité contre des réclamations en dommages-intérêts fondées sur la Charte.

Toutefois, l’autre membre de la majorité, la juge Abella, dans un jugement distinct, a maintenu que l’appel devrait être rejeté étant donné que Mme Ernst n’avait en aucun temps envoyé l’avis officiel requis d’une contestation constitutionnelle. Mme Ernst ne pouvait pas justifier cette omission sur la base qu’elle n’avait pas contesté la validité constitutionnelle de l’article 43, mais son application ou son utilisation au motif de son action. Ceci n’a d’aucune façon changé le fait que ses réclamations relatives à son application et son utilisation dépendaient du fait qu’il fallait établir que l’article 43 n’était pas constitutionnel, une réalité que Mme Ernst a en effet reconnu devant la Cour suprême. Personne ne peut éviter les exigences relatives à l’avis pour une question constitutionnelle en plaidant son cas de cette façon. Cela a mené à « une attaque indirecte irrégulière »142 sur la disposition.

Pour la majorité, dans un jugement prononcé par la juge en chef McLachlin et les juges Moldaver et Brown, et auquel s’est rangé le juge Côté, on a d’abord maintenu qu’il n’était pas évident et manifeste que des dommages-intérêts au titre de la Charte ne pouvaient pas représenter une réparation appropriée et juste en fonction des faits plaidés143 et, deuxièmement, qu’il n’était également ni évident ni manifeste que, en fonction de l’interprétation (contrairement au droit constitutionnel), la disposition sur l’immunité ait atteint la conduite qui était présumée pour donner suite à la réclamation dans cette affaire144.

Dans son jugement, le juge Cromwell était particulièrement critique de la minorité145. Les parties avaient accepté qu’il était évident et manifeste qu’à première vue, l’article 43 empêchait toute réclamation de dommages-intérêts au titre de la Charte, une conclusion à laquelle se rangeaient les quatre juges. Par conséquent, il était injuste de prendre une décision dans l’affaire sur la base que les parties n’avaient pas eu l’occasion de faire des soumissions. Il a également exprimé l’opinion que cela pouvait jeter un doute sur la portée d’un grand nombre (« scores de ») de clauses d’immunité similaires pour lesquelles il n’y avait précédemment eu aucun doute qu’elles étaient suffisamment exprimées pour couvrir toutes les manières de présenter des réclamations en dommages-intérêts au titre de la Charte146.

En commentant dans ce contexte le jugement de la Cour suprême, je ne souhaite pas m’attarder sur la question de l’omission d’un avis pour la question constitutionnelle147 et sur le bien-fondé de l’analyse de la juge Abella sur les raisons pour lesquelles cela s’est avéré fatal à un examen du bien-fondé des arguments constitutionnels de Mme Ernst. Toutefois, cela m’amène à porter quelques observations sur des questions préoccupantes plus directes concernant le bien-fondé de l’argument constitutionnel. Il est surprenant que parmi les neuf juges, seule la juge Abella ait porté attention à la question de l’avis. Après tout, ce n’est que récemment, en 2015, dans l’affaire Guindon c Canada148, que la Cour suprême a établi avec autorité les circonstances exceptionnelles dans le cadre desquelles il est possible de plaider un argument constitutionnel alors qu’il n’y avait aucun avis requis dans les tribunaux inférieurs. La juge Abella a fait référence à l’affaire Guindon et l’a utilisée pour décider qu’il ne s’agissait pas d’un cas exceptionnel selon les critères établis dans ce précédent faisant autorité149.

Bien entendu, en examinant cette affaire du point de vue du juge Cromwell et des trois juges d’accord avec lui, il est possible qu’ils n’aient pas abordé cette question parce qu’ils étaient sur le point d’en arriver à une conclusion qui appuyait celle à laquelle serait fort probablement arrivé le ministre de la Justice et le Procureur général de l’Alberta, ainsi que le Procureur général du Canada si un avis avait été donné et s’ils avaient comparu. En effet, il s’agit de la position de la Cour d’appel de l’Alberta qui a noté les objections mais sans y répondre devant le comité en s’appuyant sur l’absence d’un avis par le ministre de la Justice et le Procureur général de l’Alberta150. Cependant, particulièrement dans le cas du Procureur général du Canada, cette hypothèse aurait pu donner lieu à beaucoup trop de spéculations.

Toutefois, il est important de noter que la juge Abella avait pris position sur au moins trois points avancés par le juge Cromwell dans le cadre de son jugement. Est-ce que ces points permettent de sauver l’affaire au sens de fournir une majorité sur au moins certains aspects du bien-fondé de la contestation de l’article 43 ou de son application aux plaidoiries de l’affaire Ernst?

Premièrement, la juge Abella était d’avis que la clause d’immunité était « sans équivoque et catégorique »151 et qu’elle pouvait uniquement être appliquée sur la base d’une décision de contestation constitutionnelle152. Avec cette conclusion, elle a rejeté toute notion qui pouvait être interprétée comme ne devant pas s’appliquer à une conduite « punitive » telle qu’alléguée par la plaignante153 ou qu’elle ne dépassait pas le fonctionnement de la Commission dans une capacité judiciaire ou quasi-judiciaire154. En conséquence, il est fort possible que le jugement de la « minorité » soit considéré comme incorrect, dans la mesure où il laisse ouverte la possibilité que la disposition (et celles semblables ou identiques) ne s’applique pas pour une question d’interprétation dans certaines situations.

Par contre, j’oserais faire les observations suivantes : Il est important de noter que, bien avant l’adoption de la Charte, dans l’affaire historique de Roncarelli c Duplessis155, une majorité de la Cour a conclu que la disposition de l’avis pour une action en dommages-intérêts contre un agent public pour des actes « [Traduction] réalisés durant l’exercice de ses fonctions »156 n’était pas utilisée dans le cas de mauvaise foi dans l’exercice de son autorité ou dans l’exercice d’un pouvoir qui ne faisait pas partie de la portée de l’autorité de cette personne. Est-ce que la Cour s’est tellement éloignée des principes de ce jugement pour accepter maintenant la position que des actions, pouvant avoir violé la Charte, puissent être incluses dans l’immunité établie par des dispositions, comme celle de l’article 43? Est-ce que l’ajout par la législature du mot « censément » atteint ce résultat et a eu raison de l’argument d’interprétation limité dans l’affaire Roncarelli? Si c’est le cas, il y a déjà quelque temps que le remplacement de l’article 43 applicable à Alberta Energy Regulator est exclu dans le cas d’actions par ce dernier qui ne sont pas faites « de bonne foi ». Par contre, est-ce que la nouvelle disposition, néanmoins, doit toujours être vue comme empêchant les actions fondées sur une violation alléguée des droits et libertés garantis par la Charte? En d’autres termes, est-il possible de faire des réclamations en dommages-intérêts sur l’exercice du pouvoir public fait de mauvaise foi, mais sans violations de la Charte? Cela serait ironique!

Deuxièmement, dans le cadre de son jugement157, la juge Abella présente une justification inspirée des dispositions d’immunité, comme l’article 43, spécialement dans le cas de tribunaux ou d’agences judiciaires ou quasi-judiciaires. Une grande partie de cela suit une ligne parallèle aux bases du juge Cromwell pour maintenir la validité constitutionnelle de telles dispositions. Cependant, il est clair que la juge Abella parle d’un point de vue différent, notamment l’aspect inapproprié de s’occuper de contestations constitutionnelles de telles dispositions, sans représentation du ministre de la Justice concerné à qui l’avis doit être envoyé, et en l’absence d’un dossier complet, y compris ce qui aurait pu être dit dans le cadre d’une justification de l’article 1 de telles dispositions. D’une certaine façon, bien que la force de ses déclarations puisse indiquer une très forte envie de maintenir la validité constitutionnelle de telles dispositions, en ce qui concerne le précédent, cela ne va pas aussi loin que donner un statut majoritaire au jugement Cromwell sur la question de la constitutionnalité.

En particulier, au moins implicitement, il y a une division claire entre les deux jugements sur la méthodologie à suivre pour aborder la question de la constitutionnalité des dispositions, comme l’article 43. Le jugement Cromwell est confiant dans son affirmation que les justifications relatives à la constitutionnalité de telles dispositions en s’appuyant sur des politiques perçues de la common law, la continuité de telles immunités par la législature, et les limites sur les recours à des dommages-intérêts au titre de la Charte identifiés dans le précédent faisant autorité de l’affaire Vancouver (City) c Ward158. À l’opposé, malgré toute la discussion justificative similaire comprenant la protection de l’indépendance des décideurs judiciaires et quasi-judiciaires, à la fin de la journée, la juge Abella veut toujours faire ces évaluations, avec comme toile de fond la preuve au dossier, et sur l’hypothèse qu’un fardeau de la preuve similaire à un article 1 repose sur le gouvernement. Il ne devrait pas y avoir de manière de rogner la portée de telles dispositions d’immunité « que si l’on dispose d’un dossier de preuve complet qui a fait l’objet de vérifications »159. Elle poursuit :

L’État pourra ou non être en mesure de justifier une immunité contre toute condamnation à des dommages‑intérêts en vertu de la Charte, mais tant que les éléments de preuve justificatifs fondés sur l’article premier n’ont pas été analysés, notre Cour ne devrait pas remplacer les éléments de preuve requis par ses propres déductions160.

Pour cette raison, il est particulièrement regrettable qu’il n’y ait aucun engagement explicite dans le jugement Cromwell à l’égard de cette question essentielle de savoir comment aborder les contestations des limites prévues par la loi sur les réponses aux fins de réparation de violations présumées de la Charte161.

Troisièmement, l’autre point principal sur lequel il semble y avoir un accord manifeste entre les jugements Cromwell et Abella est celui qui a trait au contrôle judiciaire comme étant la manière principale de justifier les contestations au titre de la Charte d’action administrative présumée avoir violé un droit ou une liberté (ou les valeurs de la Charte, s’ils représentent en effet une catégorie séparée d’examen d’une action administrative illégale). Par contre, ici également, le rôle du contrôle judiciaire comme mode de recours normal dans de tels cas semble être déployé à des fins différentes. Pour le juge Cromwell, cela donne un argument en faveur de la constitutionnalité de l’article 43; l’exclusion d’une réclamation en dommages-intérêts ne limite pas de manière non constitutionnelle l’accès à des réparations pour des contestations d’action administrative au titre de la Charte, car lorsqu’il est question de droit constitutionnel, le contrôle judiciaire est possible. Toutefois, comme la juge Abella s’efforce par ailleurs de ne pas accepter que la disposition soit nécessairement constitutionnelle, son affirmation que le contrôle judiciaire est possible ne peut vraiment être interprétée comme rien de plus qu’une déclaration que, sur les faits de cette affaire, ce soit ce que Mme Ernst aurait dû faire plutôt que de poursuivre en dommages-intérêts après l’événement. En d’autres mots, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire162, il ne s’agit en aucun cas d’une affaire pour permettre une poursuite en dommages-intérêts de procéder étant donné que Mme Ernst avait eu l’occasion de faire une demande de contrôle judiciaire et, dans ce contexte, de présenter un argument détaillé de violation de la Charte. Cependant, il y a une grande différence entre le recours à la disponibilité d’une demande de contrôle judiciaire comme base pour appuyer la validité constitutionnelle d’une disposition d’immunité (juge Cromwell) et l’affirmation qu’une demande de contrôle judiciaire est normalement, ou selon les faits d’une affaire en particulier, la manière appropriée de procéder (juge Abella).

En ce qui a trait au bien-fondé de l’argument selon lequel une demande de contrôle judiciaire donne l’une des justifications de la constitutionnalité de la disposition concernée, trois observations doivent être faites : 1. L’existence d’un contrôle judiciaire et l’omission de demander un contrôle judiciaire relativement à la common law ne constituent pas un fondement automatique pour rejeter une poursuite en dommages-intérêts; il s’agit d’un pouvoir judiciaire discrétionnaire163. 2. Bien que l’argument de l’attaque indirecte illégitime n’ait jamais, à ma connaissance, été utilisé dans l’affaire Roncarelli c Duplessis164, une application stricte des règles d’attaque indirecte aurait voulu dire que le bien-fondé de cette contestation très importante, fondée sur la constitution de common law, n’aurait jamais été établi. 3. Même le juge Cromwell n’est pas dogmatique sur la question en concédant que, dans certains cas, une demande de contrôle judiciaire n’est pas la meilleure manière de procéder pour remettre en question une action administrative sur la base de violations présumées de la Charte. À cet égard, il cite des réclamations en dommages-intérêts pour des violations de la Charte relevées dans des poursuites criminelles165.

Pour moi, cela soulève la question de savoir pourquoi, à n’importe quelle occasion, lorsqu’un contrôle judiciaire échoue à fournir une réparation adéquate pour une justification relative aux droits, aux libertés et, voire, aux valeurs de la Charte, il n’y a pas de possibilité que des immunités comme celle de l’article 43, en matière de droit constitutionnel, ne s’appliquent ou ne soient utilisées pour permettre une réclamation en dommages-intérêts alternative. Comme l’indique le jugement Cromwell, cela aurait augmenté l’exposition de l’État et des organismes de règlementation aux coûts et aux procédures chaque fois qu’un tel argument est présenté et incite les plaignants à toujours plaider cette excuse de ne pas avoir demandé un contrôle judiciaire166. Par contre, je me demande si, intuitivement, il s’agit d’un cas évident, particulièrement en raison de la discrétion qui existe en common law de refuser d’autoriser de telles formes d’attaques indirectes. En outre, si la discrétion en matière de réparation plutôt qu’une règle dogmatique est la manière en common law de traiter de tels problèmes, pourquoi cela ne servirait-il pas également de source d’orientation pour l’évaluation de la portée constitutionnelle des dispositions, comme l’article 43, au moins en l’absence d’une justification probante du gouvernement pour une interdiction complète ou une immunité du genre supposément demandée par la juge Abella?

En résumé, la décision dans l’affaire Ernst est frustrante. En particulier, dans la division qui existe entre les trois jugements, personne n’a résolu la question clé à la base de laquelle la demande d’interjeter appel a été autorisée : la constitutionnalité d’une disposition d’immunité maintenue par la Cour d’appel de l’Alberta avait prévalence sur la poursuite de réclamations de dommages-intérêts contre un organisme de règlementation, même pour la violation de droits et libertés garantis par la Charte. Il y a certainement des indicateurs que la juge Abella, qui a créé la majorité pour rejeter l’appel, aurait de la difficulté à trouver une telle disposition inconstitutionnelle, même si à sa lecture cela empêchait toute réclamation au titre de la Charte. Néanmoins, une décision définitive attend maintenant un nouvel appel devant la Cour suprême dans le cadre duquel les questions importantes de substance et de méthodologie sont soulevées d’une manière bien plus claire que dans l’affaire Ernst.

En attendant, la plupart des organismes de règlementation peuvent trouver confort dans le fait que, au niveau de la common law et même sans le bénéfice d’une disposition d’immunité prévue par la loi, elles ne sont pas exposées à une responsabilité pour négligence ou extracontractuelle. De plus, bien que l’exercice de mauvaise foi d’un pouvoir puisse mener à une responsabilité en matière de common law, des immunités prévues par la loi, bien rédigées, peuvent également l’éliminer comme risque. De plus, particulièrement pour les organismes de règlementation exerçant des pouvoirs judiciaires ou quasi-judiciaires, il y aura de nombreuses occasions en matière de common law où les tribunaux maintiendront que la bonne manière de faire les choses consiste à faire une demande de contrôle judiciaire plutôt qu’une forme d’attaque indirecte d’une décision par la voie d’une poursuite en dommages-intérêts. En outre, au minimum, le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Ernst devait être lu comme une prolongation de cette primauté présumée du contrôle judiciaire à l’exclusion d’une cause pour dommages-intérêts face aux décisions qui sont présumées comme violant un droit ou une liberté de la Charte, soit en se fiant à la discrétion de réparation de la common law, soit par l’application obligatoire d’une disposition d’immunité correctement formulée, si le jugement Cromwell a prévalence ultimement sur la question constitutionnelle. D’ailleurs, comme le juge Cromwell s’est fié aux justifications de common law dans l’affaire Ernst pour l’exposition de responsabilité civile limitée de la part des organismes de règlementation et sur les principes déterminés dans l’affaire Ward, en vertu de laquelle les tribunaux doivent déterminer si des dommages représentent une réparation appropriée en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, il est fort probable que lui et les juges d’accord avec son jugement n’auraient pas toléré une action comme celle de Mme Ernst même en l’absence de la section 43, la disposition de l’immunité.

    * David Mullan, Professeur émérite, Faculté de droit, Queen’s University.

  1. Le jugement de la Cour suprême Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 est probablement celui de 2016, non lié à l’énergie, qui touche le plus directement le droit règlementaire de l’énergie. Parmi les préoccupations soulevées, mentionnons la question de savoir si la présomption normale de l’application de la norme déférente de la décision raisonnable, lorsqu’un tribunal interprète ses propres lois et d’autres étroitement reliées, s’appliquait dans le contexte d’appels avec autorisation sur des questions de droit et de compétence posées par une commission de révision de l’évaluation. La majorité de la Cour a conclu que l’application de la présomption demeurait appropriée et l’a appliquée à la question de droit soulevée par la demande de contrôle judiciaire. Cette décision avait une pertinence évidente pour toutes les situations dans lesquelles un organisme de règlementation de l’énergie avait un droit d’appel prévu par la loi et faisait la demande d’autorisation du tribunal, et même lorsqu’elle est confinée aux questions de droit et de compétence.
  2.   À titre d’exemple, voir Prophet River First Nation v British Columbia (Minister of Forests, Lands and Natural Resources Operations), 2016 BCSC 2007. Dans le contexte du projet Northern Gateway, l’affaire Coastal First Nations v British Columbia (Minister of the Environment), 2016 BCSC 34 est également importante; dans cette dernière, la juge Koenigsberg a conclu que la Colombie-Britannique ne pouvait se fier au processus de la Commission d’examen conjoint fédéral pour s’acquitter de ses propres responsabilités en matière de consultation en ce qui a trait au processus régi par la législation provinciale de protection de l’environnement.
  3.   La Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, CS 2012, c 19, art 52 abrogeant et remplaçant la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (1992), CS 1992, c 37 et modifiant la Loi sur l’Office national de l’énergie, LRC (1985), c N-7.
  4.   Gitxaala Nation v Canada, 2016 CAF 187 [Gitxaala Nation].
  5.   Ernst v Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1.
  6.   En 2016, la Cour d’appel fédérale a également pris une décision sur la question de savoir si les tribunaux pouvaient, au nom du devoir de consulter, évaluer le processus de préparation, de consultation et d’adoption d’une législation primaire pouvant avoir un effet néfaste sur une revendication autochtone ou un droit ancestral. Une Première Nation a sollicité un jugement déclaratoire portant que le gouvernement avait omis de remplir son obligation de consulter la population autochtone dans le contexte de la préparation, de l’introduction et de l’adoption de ses projets de loi omnibus de 2012 controversés, une législation qui a été dénoncée comme ayant des effets néfastes sur différents aspects des droits autochtones relatifs à la chasse, à la pêche et au piégeage en raison de la diminution de la protection de l’environnement qu’elle contenait. À la fin de 2014, dans une décision dont j’ai fait état dans mon examen de 2014 (« Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2014 » (2015) 3 ERQ 17, p 29), le juge Hughes de la Cour fédérale a conclu que l’obligation de consulter a été déclenchée au moment où la législation avait été introduite au Parlement : l’affaire Mikisew Cree First Nation c Gouverneur en conseil, 2014 CF 1244. Au début décembre 2016, la Cour d’appel fédérale a infirmé cette dernière décision dans l’affaire Canada (Governor General In Council) v Courtoreille, 2016 FCA 311. Tout en maintenant que le processus législatif ne mettait pas en cause « un office fédéral » en ce qui a trait à la compétence du contrôle judiciaire de la Loi sur les Cours fédérales, avec une référence particulière aux exclusions dans le paragraphe 2(2) de la Loi, le juge à la Cour d’appel Montigny (juge de la Cour d’appel Webb concordant) a conclu qu’une intervention judiciaire de ce genre dans le processus législatif violerait la reconnaissance non écrite de la constitution de la doctrine de séparation des pouvoirs. Bien que concordant dans le résultat, le juge de la Cour d’appel Pelletier a reconnu que l’article 17 de la Loi sur les Cours d’appel était une disposition justifiant le genre de déclaration recherché dans ce cas; elle existait indépendamment des dispositions sur le contrôle judiciaire de la Loi. En outre, il ne voulait pas consentir à la doctrine de séparation des pouvoirs comme étant une justification pour exclure le contrôle judiciaire du processus législatif au nom de l’obligation de consulter la population autochtone. D’un autre côté, il ne voulait pas appuyer le déclenchement de l’obligation de consulter dans le cas d’une législation générale qui « [Traduction] ne cible pas des groupes autochtones précis ou les territoires sur lesquels ils ont, ou réclament avoir, un intérêt) » (para 97). Pour consulter un excellent commentaire sur cette affaire, voir Nigel Bankes, « The Duty to Consult and the Legislative Process: But What About Reconciliation? », Ablawg.ca, 21 décembre 2016.
  7.   À cet égard, voir l’affaire Tsleil-Waututh Nation c Canada (Office national de l’énergie), 2016 CAF 219. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a rejeté différents appels interjetés dans les premières étapes du processus de demande pour le pipeline Trans Mountain. Essentiellement, les appels ont été rejetés, car la Première Nation avait omis de soulevé en premier lieu les préoccupations en question devant l’Office. Cela comprenait ce qui représentait un changement de position de la Première Nation, soit l’argument selon lequel l’Office national de l’énergie lui-même avait la responsabilité de remplir son obligation constitutionnelle de consulter les Premières Nations concernées. Par contre, la Cour a expliqué clairement que cela devait se faire sans préjudice au droit de la Première Nation de faire part de ses préoccupations face à la consultation et à d’autres questions une fois que le gouverneur en conseil a rendu sa décision sur le rapport déjà publié de l’Office national de l’énergie relativement à la demande. La liste des contestations judiciaires en suspens du projet Trans Mountain se trouve sur le site Web de l’Office national de l’énergie à la page intitulée «Contestations judiciaires de décisions de l’Office national de l’énergie ou du gouverneur en conseil », en ligne : <https://www.neb-one.gc.ca/pplctnflng/crt/index-fra.html>.
  8.   Pour un rapport plus complet, voir Nigel Bankes, « La Cour suprême du Canada accueille une demande d’autorisation dans deux dossiers mettant en cause l’Office national de l’énergie et les droits des peuples autochtones » (2016), 4 ERQ.
  9.   Première Nation des Chippewas de la Thames c Pipelines Enbridge Inc, 2015 FCA 222, demande d’autorisation d’appel accueillie le 10 mars 2016 : [2015] SCCA n° 524 (QL) [Chippewas de la Thames].
  10.   Hameau de Clyde River, et al c Petroleum Geo-Services Inc (PGS), et al, 2015 FCA 179, demande d’autorisation d’appel accueillie le 10 mars 2016 : [2015] SCCA n° 430 (QL) [Hamlet of Clyde River].
  11.   David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2015 », (2016) 4 ERQ 19, pp 30-34.
  12.   Pour consulter des conseils pratiques sur cette question, voir Chris W. Sanderson, Q.C. et Michelle S. Jones, The Intersection of Aboriginal and Administrative Law: When does a Regulatory Decision Constitute « Crown Contemplated Conduct »?, qui apparaît également dans ce numéro de Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie. Sanderson et Jones allèguent que trop peu d’attention est portée sur la deuxième des trois exigences pour l’existence d’une obligation de consulter énoncées par la juge en chef McLachlin dans l’affaire Rio Tinto Alcan Inc c Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, [2010] 2 SCR 650 : l’exigence de « la mesure envisagée de la Couronne ». Au risque de déformer un argument complexe, je fais mienne la position des auteurs à l’effet que lorsque la Couronne ne se présente pas devant l’organisme de règlementation, comme c’est le cas de « promoteurs privés cherchant à obtenir l’approbation des décideurs règlementaires pour s’engager dans une mesure qui pourrait avoir des effets néfastes sur les droits et réclamations des peuples autochtones », sans octroi légal expresse du pouvoir de consulter ou des responsabilités sur l’organisme de règlementation, il sera difficile de situer la « la mesure envisagée de la Couronne ».
  13.   Rio Tinto Alcan Inc c Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, [2010] 2 SCR 650.
  14.  L’Alberta Utilities Commission, procédure 20130, Applications 21030-A001 à 201030-A015, décision sur la compétence de trancher les questions énoncées dans les avis de questions de droit constitutionnel, 7 octobre 2016. Pour consulter d’autres commentaires sur cette décision, voir Martin Ignasiak, Jessica Kennedy et Justin Fontaine, « L’Alberta Utilities Commission confirme qu’elle n’a pas compétence pour évaluer la consultation de la Couronne » (2016) 4 ERQ.
  15.   Ibid, aux para 109-13.
  16.   Supra, note 9.
  17.   Administrative Procedures and Jurisdiction Act, RSA, c A-3, art 16.
  18.   Designation of Constitutional Decision Makers Regulation, AR 69/2006, l’annexe 1 désigne que la Commission a le pouvoir de trancher sur toutes les questions constitutionnelles.
  19.   Supra, note 14 au para 113.
  20.   Ibid.
  21.   Ibid, au para 116.
  22.   Nation haïda c Colombie-Britannique (ministre des Forêts), [2004] 3 RCS 511.
  23.   Ibid, au para 53.
  24.   Ibid.
  25.   Ibid.
  26.   Voir Michelle McQuigge, « First Nations sue TransCanada to refine consultation process », The Globe and Mail, 10 janvier 2017.
  27.   D’autres commentaires sur ce jugement comprennent, notamment, celui de Keith B. Bergner, « Le projet Northern Gateway et la Cour d’appel fédérale : le processus de règlementation et l’obligation de consulter de la Couronne» (2016) 4 ERQ 53; Sharon Mascher, « Note to Canada on the Northern Gateway Project: This is NOT What Deep Consultation With Aboriginal People Looks Like », Ablawg.ca, 12 août 2016; et Martin Olszynski, «Northern Gateway: Federal Court of Appeal Applies Wrong CEAA Provisions and Unwittingly Affirms Regressiveness of 2012 Budget Bills », Ablawg.ca, 5 juillet 2016.
  28.   Supra, note 4. (Le juge Ryer de la Cour d’appel était dissident sur cet aspect du jugement sur la base que le gouverneur en conseil avait suffisamment consulté.)
  29.   Voir Bergner, supra note 27 au para 54.
  30.   Supra, note 27.
  31.   Toutefois, il est important de noter dans les discussions de la majorité sur le contenu de la « consultation approfondie » l’accent mis (aux para 311-324) sur l’importance de démontrer que la consultation a été réalisée, que les préoccupations autochtones ont été examinées ainsi que l’« impact » que ces dernières ont eu sur la prise de décision. À cette fin, la majorité a fondé sa décision non seulement sur la directive précise du paragraphe 54(2) de la Loi sur l’Office national de l’énergie indiquant que le gouverneur en conseil doit « énoncer les raisons à l’appui du décret » que l’Office national de l’énergie délivre un certificat, mais également les composantes d’une consultation approfondie énoncées par la juge en chef McLachlin, en prononçant le jugement de la Cour dans l’affaire Nation haïda c Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), supra, note 22 au para 44.
  32.   Supra, note 4 au para 211.
  33.   Ibid, au para 214.
  34.   Supra, note 13 au para 56.
  35.   Supra, note 4 au para 216.
  36.   Ibid, au para 217.
  37.   Ibid, au para 214.
  38.   Supra, note 27 au para 61.
  39.   Supra, note 4 au para 317.
  40.   Supra, note 27 au para 62.
  41.   Au moins, selon les promoteurs ou le gouvernement : voir « Northern Gateway pipeline project won’t appeal federal court decision », The Globe and Mail, 20 septembre 2016 et John Paul Tasker et Chris Hall, « Ottawa won’t appeal court decision blocking Northern Gateway pipeline », CBC News, en ligne : <http://www.cbc.ca/news/politics/enbridge-northern-gateway-federal-court-1.3770543>. Par contre, la Raincoast Conservation Foundation a présenté une demande d’autorisation d’appel le 21 septembre 2016 du jugement de la Cour selon lequel le rapport de la Commission d’examen conjoint n’était pas soumis à un contrôle judiciaire : voir [2016] SCCA n° 386 (QL).
  42.   Première nation de Prophet River c Canada (Procureur général), 2017 CAF 17.
  43.   Supra, note 3 à l’art 52(4)a).
  44.   Ibid à l’art 52(4)b).
  45.   Prophet River First Nation v Canada (Attorney General), 2015 CF 1030.
  46.   Supra, note 42 au para 70.
  47.   Ibid, au para 71.
  48.   Ibid, au para 72.
  49.   Voir les clauses 2.5a), d) et e) de l’entente et du mandat de la Commission d’examen conjoint : Ibid, au para 10.
  50.   Supra, note 4.
  51.   Ibid, au para 92.
  52.   Ibid, au para 119.
  53.   Ibid, au para 120.
  54.   Ibid, au para 125.
  55.   Ibid. Il faut également noter le contexte du paragraphe 22(1) de la Loi sur l’Office national de l’énergie portant sur les appels d’autorisation de décisions ou d’ordres de l’Office sur des questions de droit et de compétence, l’insertion en 2012 du paragraphe 22(4) énonçant que les rapports (ou toute partie de ces derniers) présentés au gouverneur en conseil par l’Office en vertu de différentes dispositions de la Loi et de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 ne sont pas « une décision ou un ordre de l’Office » aux fins du paragraphe 22(1). Cette disposition forme une partie de la toile de fond du jugement subséquent de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Tsleil-Waututh Nation, supra, note 7, énonçant que la Première Nation ne pouvait pas présenter certaines préoccupations dans le contexte d’un appel en vertu de l’article 22 en ce qui a trait à une audience couverte par le paragraphe 22(4).
  56.   Ibid, au para  26.
  57.   Ibid, au para 127.
  58.   L’arrêt de principe demeure celui de l’affaire Harelkin c University of Regina, [1979] 2 SCR 561. Voir également Howe c Institute of Chartered Accountants of Ontario (1994) 19 OR (3d) 483 (CA).
  59.   Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de lénergie), 2014 CAF 245, [2015] 4 RCF 75. J’ai abordé ce jugement dans «Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2014 » (2015) 3 ERQ 17, pp 19-20.
  60.   Supra, note 4 au para 85.
  61.   Ibid, au para 86.
  62.   Ibid, au para 84.
  63.   Par exemple, voir L’Association des Propriétaires des Jardins Taché Inc et al c Les Enterprises Dasken Inc et al, [1974] SCR 2.
  64.    Supra, note 4 aux para 86-87.
  65.   Ibid, au para 141.
  66.   Ibid, au para 155.
  67.   Ibid, au para 145.
  68.   Ibid, au para 140.
  69.   Ibid, au para 144.
  70.   Ibid, au para 153, citant, entre autres autorités, l’affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 RCS 135.
  71.   Ibid, aux para 129-39.
  72.   Conseil des Innus de Ekuanitshit c Canada (Procureur général), 2014 CAF 189.
  73.   Supra, note 4 au para 135, citant ibid, aux para 40-41 en retour, citant le jugement de première instance : 2013 FC 418, au para 76.
  74.    Wilson c Atomic Energy of Canada Ltd, 2016 CSC 29.
  75.   Ibid, au para 73.
  76.   Wilson c Atomic Energy of Canada Ltd 2015 CAF 17, [2015] 4 RCF 467.
  77.   Supra, note 74 au para 18.
  78.   Ibid.
  79.   Dans un jugement de un paragraphe concordant dans la conclusion de la juge Abella, la juge en chef McLachlin et les juges Karakatsanis, Wagner et Gascon (au para 70) ont refusé d’étudier la question de savoir si le modèle de la norme d’examen devait être reconfiguré.
  80.   Ibid, au para 22.
  81.   Ibid, au para 33.
  82.   Supra, note 4, au para 131.
  83.    Était-ce parce qu’il n’y avait rien pour soutenir l’argument, parce que les demandeurs n’avaient pas posé la question à l’étape du gouverneur en conseil durant le processus ou en raison d’un fondement d’examen exclu dans ce processus précis?
  84.   Même si la Cour mettait l’accent sur la position du gouverneur en conseil comme le dépositaire initial du pouvoir pour réaliser de telles évaluations, on peut présumer du contexte dans le cadre duquel de telles questions seraient soulevées, soit celui de la réponse du gouverneur en conseil à tout argument présenté par une des parties, par un des participants ou quelqu’un ayant la qualité d’agir.
  85.   Supra, note 4 au para 157.
  86.   Turp c Canada (Affaires étrangères), 2017 CF 84.
  87.   Ibid, au para 36.
  88.   Ibid, au para 37.
  89.   Ibid, aux para 50, 55.
  90.   Par exemple, voir Thorne’s Hardware Ltd c Canada, [1983] 1 RCS 106.
  91.   Supra, note 4 au para 192.
  92.   Ibid, aux para 195-200.
  93.   Ibid, au para 196, citant l’arrêt Cie pétrolière Impériale ltée c Québec (Ministre de l’Environnement), 2003 CSC 58, [2003] 2 RCS 624.
  94.   Ibid, aux para 197-98.
  95.   Ibid, au para 199.
  96.    Association des résidents du vieux St-Boniface inc c Winnipeg (Ville), [1990] 3 RCS 1170.
  97.   Canada c Inuit Tapirisat et autre, [1980] 2 RCS 735.
  98.   Newfoundland Telephone Co c Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 RCS 623.
  99.   Ibid, au para 27.
  100.   Ibid, au para 35.
  101.   Ibid, au para 39.
  102.  Ordonnance d’audience OH-002-2016, Oléoduc Énergie Est Ltée et TransCanada PipeLines Limited,
    Projet Énergie Est et cession d’actifs et projet du réseau principal Est, Avis de motion de Stratégies Énergétiques et de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et Transition Initiative Kenora (TIK), Décision no 28 (29 septembre 2016).
  103.   Ibid, Déclaration du président et de la vice-présidente (9 septembre 2016).
  104.   Office national de l’énergie, Communiqué, « Récusation des membres du comité d’audience pour le projet Énergie Est », 9 septembre 2016.
  105.   Voir le sommaire de l’éditorial du 30 août 2016 du The Globe and Mail « Credibility gap », et également l’article de Campbell Clark, « NEB’s missteps make Energy East a political problem for Trudeau », The Globe and Mail, 30 août 2016.
  106.   Voir l’article de Shawn McCarthy, « Energy East hearings put on hold over complaints against NEB members », The Globe and Mail, 31 août 2016.
  107.   Voir la déclaration du président et de la vice-présidente, supra, note 102.
  108.   Voir la Décision no 28, à 2, supra, note 101.
  109.   La position générale en vertu du droit canadien est que la première étape d’une contestation préemptive relativement à la partialité soit prise par ceux ayant ces préoccupations, et qu’ils demandent au membre ou aux membres de comité comprenant plusieurs membres de se récuser, et que ces membres contestés prennent une décision relativement à cette contestation : Par exemple, voir Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 60N v Abitibi Consolidated Company of Canada, 2008 NLCA 4. Par la suite, si la demande de récusation est refusée, cette décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire. D’ailleurs, cette position a été prise par le comité dans sa décision de se récuser.
  110.   Décision no 28, supra, note 101 dans l’annexe 1, Décision de récusation du membre Gauthier, et Décision de récusation du membre Mercier dans l’annexe 2.
  111.   Ibid, à l’annexe 3, Décision de récusation du membre George.
  112.   Voir la déclaration de décision du 9 septembre 2016 provenant du président et du vice-président adressé à toutes les parties prenant part aux procédures OH-002-2016.
  113.   Supra, note 103.
  114.   Cependant, pendant que le comité examinait la « motion » de récusation, il faut noter qu’un autre groupe d’intérêt public contestait la participation d’un des membres du comité sur d’autres bases : les perceptions émanant du fait que peu après sa nomination à l’Office, la société pour laquelle il avait été directeur général avait conclu un contrat visant à effectuer des travaux pour TransCanada en relation avec le projet Énergie Est. Voir Shawn McCarthy, « NEB member’s business ties to TransCanada queried », The Globe and Mail, 3 septembre 2016.
  115.   Kane c Conseil dadministration de lUCB, [1980] 1 RCS 1105, p 1116.
  116.   Voir le communiqué de l’Office national de l’énergie du 27 janvier 2017 « Relance de l’audience pour Énergie Est » et la Décision no 1 du nouveau comité.
  117.   FortisAlberta Inc c Alberta (Utilities Commission), 2014 ABCA 264.
  118.   Chevron Standard Ltd v Energy Resources Conservation Board, 1983 ABCA 187, au para 13.
  119.   Atco Electric Limited v Alberta (Energy and Utilities Board), 2003 ABCA 44, au para 17.
  120.   Atco Electric Limited v Energy and Utilities Board (Alberta), 2002 ABCA 45, au para 14; Nycan Energy Corp v Energy and Utilities Board (Alberta), 2001 ABC 31, au para 4.
  121.   Supra, note 117 au para 26.
  122.   ATCO Power Ltd v Alberta (Utilities Commission), 2015 ABCA 405, aux para 17-19; Remington Development Corp v ENMAX Power Corp, 2016 ABCA 6, aux para 28-30 et Direct Energy Regulated Services v Alberta (Utilities Commission), 2016 ABCA 156, aux para 11 (où il est fait référence à la divergence d’opinion de la Cour d’appel) et 29-32. (Voir également le jugement du juge Berger de la Cour d’appel dans l’affaire Kikino Metis Settlement v Husky Oil Operations Ltd, 2016 ABCA 228, au para 12 où, en autorisant l’appel, il a indiqué « [Traduction] avoir en tête la norme d’examen relativement à une question de droit inextricable dans l’interprétation du tribunal de ses lois constitutives »).
  123.   Dunsmuir v New Brunswick,  2008 SCC 9, [2008] 1 RCS 190, au para 47.
  124.   Pour consulter d’autres commentaires, voir Lorne Sossin, « Damaging the Charter: Ernst v Alberta Energy Regulator », theCourt.ca, 20 janvier 2017, et Jennifer Koshan, « Die Another Day: The Supreme Court’s Decision in Ernst v Alberta Energy Regulator and the Future of Statutory Immunity Clauses for Charter Damages », Ablawg.ca, 16 janvier 2017. Voir également la réaction au communiqué de presse de l’Alberta Energy Regulator faisant mention du jugement dans Shaun Fluker et Sharon Mascher, « The Alberta Energy Regulator in the Post-Information World: Best in Class? », Ablawg.ca, 18 janvier 2016.
  125.   Par exemple, voir Just c Colombie-Britannique, [1989] 2 RCS 1228 et R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 RCS 45.
  126.   Par exemple, voir Welbridge Holdings Ltd v Greater Winnipeg, [1971] RCS 957.
  127.   Par exemple, voir Cooper c Hobart, 2001 CSC 79, [2001] 3 RCS 537.
  128.   Ibid; Alberta v Elders Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24, [2011] 2 RCS 261.
  129.   Par exemple, voir Proceedings Against the Crown Act, RSO 1990, c P.27, para 5(6), immunisant la Couronne contre toute responsabilité pour les personnes fonctionnant dans une capacité judiciaire, y compris l’exécution de processus judiciaires.
  130.   Ernst c  Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2014 ABCA 285, 580 AR 341.
  131.   Energy Resources Conservation Act, RSA 2000, c E-10.
  132.   Responsible Energy Development Act, SA 2012, c R-17.3.
  133.   Supra, note 130 au para 22.
  134.   Ibid, aux para 23-30.
  135.   Ibid, au para 30.
  136.   Ibid.
  137.   Alan L. Ross, Michael Marion et Michael Massicotte, « La Cour suprême du Canada entendra le recours en « dommages-intérêts découlant de la Charte » contre l’organisme de règlementation de l’énergie de l’Alberta » (2015), 3 ERQ.
  138.   Supra, note 5.
  139.   Ibid, aux para 32-41.
  140.   Ibid, aux para 42-49.
  141.   Ibid, aux para 50-55.
  142.   Ibid, au para 114.
  143.   Ibid, aux para 153-178.
  144.   Ibid, aux para 179-186.
  145.   Ibid, aux para 15-17.
  146.   Ibid, au para 17.
  147.   Ou, pour cette affaire, sur l’application dans ce cas-ci du critère pour rejeter une réclamation sur la base qu’elle ne révélait pas de cause.
  148.   Guindon c Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 SCR 3.
  149.   Supra, note 5 aux para 102-112.
  150.   Supra, note 130 au para 7. Au para 9, la Cour a mentionné qu’il n’était pas nécessaire de traiter cette question pour résoudre l’appel.
  151.   Supra, note 5 au para 70.
  152.   Ibid, au para 73.
  153.   Ibid, aux para 71-72.
  154.   Ibid, au para 71.
  155.   Roncarelli c Duplessis, [1959] SCR 121.
  156.   Article 88 du Code de procédure civile.
  157.   Supra, note 5 aux para 114-20.
  158.   Vancouver (City) c Ward, 2010 CSC 27, [2010] 2 SCR 28.
  159.   Supra, note 5 au para 120.
  160.   Ibid.
  161.   Au para 23, le juge Cromwell indique qu’il revenait à Mme Ernst de créer un dossier adéquat pour permettre de prendre une décision sur le caractère inconstitutionnel de la disposition. Par contre, à partir ce point, il traite de la constitutionnalité de l’article 43 en se fondant sur des politiques et des principes judiciaires et non sur le dossier; sur la base de l’argument, non sur la preuve.
  162.   Par exemple, comme le reconnaît le juge Binnie en prononçant le jugement de la Cour dans l’affaire Canada (Attorney General) v TeleZone Inc, 2010 CSC 62, [2010] 3 RCS 585.
  163.   Ibid.
  164.   Supra, note 155.
  165.   Supra, note 5 au para 38.
  166.   Ibid, aux para 56-57.

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