L’Ontario annule des contrats d’énergie éolienne et solaire

Au cours de la dernière décennie, des gouvernements de partout dans le monde ont accru leurs efforts pour faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. L’une des plus importantes initiatives dans cet effort a été l’introduction de contrats à tarifs de rachat garantis (TRG) pour promouvoir l’énergie renouvelable. L’éolien et le solaire ont figuré au premier plan de cette initiative.

Dix pays et cinq États américains ont mené cette initiative. La province de l’Ontario a été la première en Amérique du Nord et a investi plus de capitaux que tout autre territoire de compétence, à l’exception possible de l’Espagne. Tout cela a pris fin abruptement le 13 juillet lorsque le nouveau gouvernement de l’Ontario, élu le 7 juin, a annulé 559 contrats d’énergie éolienne et solaire.

Le 13 juillet 2018, Greg Rickford, ministre de l’Énergie, a ordonné à la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE), en vertu des paragraphes 25.32(5) et (11) de la Loi de 1998 sur l’électricité1, de procéder à l’élimination des programmes de tarifs de rachat garantis (TRG), entrepris par la SIERE, déclarant ce qui suit :

Depuis l’instauration du Programme de tarifs de rachat garantis (TRG) en 2009 et de l’initiative d’approvisionnement de grands projets d’énergie renouvelable (AGER) en 2014, la SIERE a conclu un nombre important de contrats dénergie renouvelable. Ces initiatives d’approvisionnement ont contribué aux pressions financières qui sont exercées sur les consommateurs d’électricité dans tous les secteurs de léconomie, notamment les consommateurs résidentiels et agricoles, les petites entreprises et les consommateurs industriels.

Les récents travaux de planification du réseau de la SIERE indiquent que les ressources en électricité actuellement sous contrat et à tarifs règlementés de l’Ontario sont suffisantes pour répondre aux besoins provinciaux prévus à court terme ou excéder ceux-ci `et qu’il existe d’autres moyens de répondre aux besoins futurs en approvisionnement et en capacité de production énergétiques à des coûts sensiblement inférieurs à ceux que prévoient les contrats à long terme qui bloquent le prix de ces ressources.

L’analyse de planification du réseau de la SIERE indique qu’il est possible d’assurer la suffisance et la fiabilité de l’approvisionnement tout en éliminant certains contrats de TRG et d’AGER et qu’il serait dans l’intérêt économique des consommateurs d’électricité de l’Ontario, en ce qui concerne le Programme de TRG, de mettre fin aux contrats dans le cadre desquels la SIERE n’a encore signifié aucun avis d’exécution à la contrepartie au contrat et, en ce qui concerne le Programme d’AGER, de mettre fin aux contrats dans le cadre desquels la SIERE n’a encore donné à la contrepartie au contrat aucun avis selon lequel toutes les étapes clés du développement ont été franchies2.

 

La Directive stipulait ce qui suit :

Conformément aux pouvoirs qui me sont conférés par les paragraphes 25.32(5) et (11) de la Loi, j’ordonne par les présentes à la SIERE de prendre toutes les mesures nécessaires suivantes à l’égard de l’initiative :         

  1. Prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à tous les contrats de TRG 2, 3, 4 et 5 dans le cadre desquels la SIERE n’a encore donné aucun avis d’exécution.
  2. Prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à tous les contrats d’AGER I dans le cadre desquels la SIERE n’a encore donné à la contrepartie au contrat AGER I aucun avis selon lequel toutes les étapes clés du développement ont été franchies.
  3. Prendre toutes les autres mesures nécessaires ou souhaitables pour faciliter la mise en œuvre complète de la présente directive le plus rapidement possible3.

Contexte

Les TRG ont d’abord été utilisés en Europe, en commençant par l’Allemagne en 2004, suivi par la République tchèque en 2005, l’Italie en 2007, l’Espagne en 2008 et le Royaume-Uni en 2010.

En Amérique du Nord, la province de l’Ontario a fait figure de chef de file en procédant à la première introduction de TRG en 2006, suivie d’une révision importante en 2009 dans le cadre de la Loi sur l’énergie verte4. L’Ontario a été suivie de la Californie en 2008, du Vermont et du Maine en 2009 et de New York en 2012. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral s’en remettait principalement aux crédits d’impôt, qui se sont avérés un outil très efficace sans les risques que peuvent poser les tarifs de rachat garantis.

Le concept derrière les tarifs de rachat garantis était le même dans tous les territoires de compétence. Il s’agissait de contrats à long terme pour de l’énergie renouvelable à des prix attrayants. Dans certains territoires de compétence, les contrats offraient une protection contre de futures modifications découlant de clauses de révision des prix ou de modifications aux volumes garantis. Certains, comme l’Ontario, ont procédé à peu de révisions, sauf pour des hausses de prix.

Un problème commun s’est présenté dans la plupart des territoires de compétence. Les gouvernements, pour différentes raisons, ont modifié les programmes incitatifs soit en réduisant les mesures d’incitation, soit en les éliminant au complet. La plupart des pays ont découvert que cette nouvelle énergie renouvelable était très dispendieuse. Le coût dépassait souvent ce que les services publics pouvaient facturer pour celle-ci. En Espagne, ce « déficit dans les tarifs d’électricité », comme on l’appellera plus tard, avait atteint les 26 milliards d’euros. Aucune estimation n’a été faite du déficit de l’Ontario, mais il était considérable. Et les clients s’y opposaient. Il s’est avéré que l’éolien constituait une énergie particulièrement dispendieuse puisqu’il était souvent situé dans des régions éloignées et que les coûts de transport pour le livrer au marché étaient considérables.

Il y avait peut-être de bonnes raisons pour procéder aux modifications, mais les investisseurs ne trouvaient pas cela amusant. Lorsque cela se produit, les investisseurs réclament des dommages-intérêts auprès des tribunaux locaux ou l’arbitrage en vertu de traités internationaux d’investissement.

Il y a deux raisons pour lesquelles les investisseurs choisissent le plus souvent l’arbitrage. D’abord, comme l’a conclu la Cour de l’Ontario dans Trillium Wind5, il n’y a souvent aucun recours en droit national. Ainsi, le plaignant a réclamé 2 milliards de dollars en dommages-intérêts lorsque le gouvernement de l’Ontario a annulé le programme de TRG pour l’éolien extracôtier. L’entreprise alléguait la rupture de contrat, l’enrichissement injustifié, l’assertion négligente et inexacte, la faute d’exécution d’une charge publique et l’infliction intentionnelle d’un préjudice économique. La Cour a rejeté toutes ces allégations sauf une au motif que la décision du gouvernement de mettre fin au financement des parcs éoliens était une décision de principe et était donc indemne de poursuite judiciaire. La Cour d’appel s’est dite d’accord mais a admis qu’il y avait une demande qui pouvait être entendue – l’allégation de faute d’exécution d’une charge publique – qui n’est pas la plus facile à prouver.

Les réclamations possibles en arbitrage international, que ce soit en vertu de l’ALENA ou du Traité de la Charte de l’énergie (TCE) au titre duquel bon nombre de causes européennes sont portées devant les tribunaux, comprennent l’expropriation directe ou indirecte de l’investissement, la discrimination envers un investisseur particulier, le déni d’un traitement juste et équitable d’attentes raisonnables – dont aucune n’est possible en droit national.

La deuxième raison pour laquelle les investisseurs préfèrent l’arbitrage est que bon nombre de ces investisseurs sont des étrangers et qu’ils préfèrent un groupe d’arbitrage aux tribunaux nationaux, surtout lorsque la réclamation est à l’encontre du gouvernement de ce pays.

Au R.U. et au Canada, les investisseurs ont contesté les modifications aux programmes d’incitation à l’énergie renouvelable devant les tribunaux locaux. Cela a porté fruit au R.U.6 mais pas au Canada7. Au Canada, les investisseurs ont également contesté les réductions de programmes dans deux causes d’arbitrage en vertu de l’ALENA. L’une d’elles, Windstream8, s’est conclue en une victoire importante pour les investisseurs. Dans l’autre cause, Mesa Power9, l’investisseur a perdu.

De plus amples causes ont été portées devant les tribunaux en Europe, plus particulièrement en Espagne, où 30 demandes d’arbitrage relatives à des traités d’investissement ont été déposées, en plus de sept causes contre la République tchèque et neuf contre l’Italie. Presque toutes ces demandes ont été déposées en vertu du Traité de la Charte de l’énergie10.

Les trois premières décisions arbitrales internationales concernant les décisions de gouvernements de procéder à des compressions dans les programmes d’incitation à l’énergie renouvelable ont été rendues en 2016. La première a été Charanne11 en janvier 2016, une réclamation contre l’Espagne en vertu du TCE. Autant dans Charanne que dans Mesa Power, les plaignants ont eu gain de cause. Dans Windstream Energy le plaignant a eu gain de cause et s’est vu accorder 25 millions de dollars canadiens, le plus important montant adjugé au titre de l’ALENA à ce jour.

La deuxième décision concernant les réformes de l’Espagne a été Eiser Infrastructure12.  Ici, le comité du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), en mai 2017, a conclu que l’Espagne devait payer 128 millions d’euros à la société britannique Eiser Infrastructure Limited et ses affiliés. L’Espagne a eu gain de cause dans une troisième réclamation en vertu du TCE dans Isolux13 l’année suivante. Neuf demandes d’arbitrage ont été déposées contre les modifications apportées aux programmes d’énergie renouvelable de l’Italie à ce jour. Dans la première, Blusun14, une réclamation de 187 millions d’euros, l’Italie a eu gain de cause dans sa défense.

Si nous essayons de déterminer quel est le principe général établi par les quatre causes européennes et les deux causes canadiennes, ce serait le suivant : les décisions concernent les programmes « incitatifs ». C’est le mot magique. Les programmes incitatifs des gouvernements créent des attentes légitimes de la part des investisseurs.

Les attentes légitimes sont la composante clé d’un traitement juste et équitable, un concept que l’on retrouve dans la plupart des traités d’investissement internationaux.

En règle générale, les gouvernements peuvent introduire de nouvelles lois qui modifient les programmes incitatifs, pourvu que cela ne vise pas un investisseur particulier ni ne discrimine contre lui, ne contrevienne pas à une promesse faite à un investisseur particulier ni n’introduise de mesures rétroactives. Ces principes ne s’appliquent pas toujours, mais ils constituent des signaux d’alarme.

L’étrange paradoxe pour certains est que si l’investisseur est étranger et protégé par un traité d’investissement, il aura un motif d’action. Si l’investisseur est du pays alors pas de chance.

Les répercussions

Le nouveau gouvernement a annulé 758 contrats d’énergie solaire et éolienne, soutenant que les économies seraient de l’ordre de 790 millions de dollars pour les contribuables de l’Ontario. Deux de ces contrats étaient des contrats d’énergie éolienne. Le premier était Otter Creek, un projet d’énergie éolienne de 15 MW près de Wallaceburg. Le second était le projet Strong Breeze, un projet de 57 MW au sud de Belleville. Le reste des contrats étaient des contrats d’énergie solaire de moins grande envergure, ce qui fait que l’éolien représente environ 25 % de la capacité d’annulation.

Tous ces contrats étaient des contrats où le gouvernement n’avait pas délivré d’avis de démarrage, ce qui voulait dire qu’en cas d’annulation, le montant de la compensation payable par le gouvernement pouvait être calculé au moyen des formules établies dans les contrats sans pénalités supplémentaires.

Toutefois, il y a eu un troisième contrat d’énergie solaire. Il s’agissait du projet d’énergie éolienne White Pines, un projet de 18,5 MW dans le comté de Prince Edward. Contrairement aux autres contrats d’énergie éolienne, il s’agissait d’un contrat à TRG 1 pour lequel un avis de démarrage avait déjà été délivré. La seule façon d’annuler ce contrat était de créer une loi spéciale conçue à cet effet. C’est exactement ce que le nouveau gouvernement a fait lorsqu’il a édicté la White Pines Project Termination Act (loi sur l’annulation du projet White Pines).

Tous les projets d’énergie éolienne avaient une chose en commun – les communautés dans lesquelles ils étaient établis s’y opposaient fortement. Toutefois, White Pines présentait une caractéristique exceptionnelle. L’avis de démarrage avait été délivré par le gouvernement précédent au cours de la période électorale. Le nouveau gouvernement a fait valoir que cela était exceptionnel et non autorisé. La pratique normale était qu’au cours de la période électorale, le gouvernement existant ne devait pas conclure de nouveaux contrats ni prendre de décisions règlementaires importantes pouvant restreindre la conduite d’un gouvernement futur.

Bien que ces annulations aient été largement médiatisées, de toute évidence ces dernières ne représentent qu’un petit pourcentage de la capacité pour laquelle la SIERE a conclu des marchés dans le cadre du programme des TRG. Aujourd’hui, la capacité totale d’énergie éolienne pour laquelle la SIERE a conclu des marchés est de 4500 MW. L’éolien annulé ne compte que pour 29 MW, soit moins de 1 % de ce total. Dans le cas du solaire, le total de mégawatts pour lequel la SIERE avait conclu des marchés à la fin de 2017 était de 1659 MW. Le solaire annulé n’était que de 333 MW ou 20 %. Le nombre de contrats était élevé, mais le volume était petit.

La compensation

La prochaine question est donc de savoir à quelle compensation les parties ont droit lorsque le gouvernement annule un contrat à long terme. Il va sans dire que le corps législatif a le pouvoir d’annuler des contrats assujettis à des limites constitutionnelles. Dans le cas des contrats d’énergie renouvelable, ceux-ci relèvent clairement de la compétence que la Constitution reconnaît au gouvernement provincial. Un rapport15 très utile à ce sujet a récemment été préparé par Bruce Pardy, de la faculté de droit de l’Université Queen’s. Il mérite d’être lu.

Ces principes s’appliquent aux actions devant les tribunaux locaux. Toutefois, lorsque les projets appartiennent à des intérêts étrangers, les investisseurs peuvent avoir des droits en vertu de traités d’investissement avec le Canada. Cette situation est différente. Nous l’avons vu dans Windstream Energy, où le plaignant a eu gain de cause dans un cas d’arbitrage au titre de l’ALENA qui a eu lieu à Toronto et s’est vu accorder 25 millions de dollars. La demande faisait suite à une décision de la province de l’Ontario de mettre fin au programme d’énergie éolienne extracôtière. Dans le cas de White Pines, le propriétaire est allemand, et non américain, et n’aurait donc pas droit à la protection de l’ALENA. Toutefois, cet investisseur pourrait bénéficier d’une protection en vertu de l’Accord économique et commercial global (AECG) récemment conclu entre avec l’Union européenne16. Par contre, la loi que l’Ontario a édictée relativement à White Pines est assez flexible pour permettre à la province de conclure l’accord approprié avec le projet White Pines.

En Ontario, tous les contrats à TRG comptent une disposition de « résiliation pour raisons de commodité » mutuelle à l’article 2.4. Ce recours ne peut être exercé que lorsque la SIERE a délivré un avis de démarrage. Lorsque la SIERE exerce ce droit, elle est tenue de payer les frais de développement préalable aux travaux du fournisseur. Ces frais doivent être justifiés par le fournisseur et sont assujettis aux limites de responsabilité préalable aux travaux contenues dans le contrat. Ces limites sont fondées sur une somme forfaitaire fixe plus un montant par kilowatt de capacité du contrat.

Plus tard, les contrats à TRG comme les TRG 4 et les TRG 5 et les contrats AGER comportent également un droit de résiliation préalable à la délivrance d’un avis de démarrage appelé un Keystone Development Milestone (KDM). Ce droit est également mutuel. De plus, ils comportent un droit de résiliation pour raisons de commodité  postérieure à la délivrance d’un avis de démarrage, que la SIERE appelle une résiliation optionnelle. Toutefois, la SIERE ne peut pas exercer ce droit après la date d’exploitation commerciale (DEC). L’article 9.6 des contrats AGER contient une formule détaillée pour calculer la compensation de résiliation. Les contrats à TRG 4 et à TRG 5, qui ont été mis en application après l’AGER, contiennent une formule similaire. La seule bonne chose que l’on peut dire des contrats à TRG est qu’ils contiennent des dispositions bien conçues pour la résiliation à différentes étapes des travaux et des formules détaillées pour calculer la compensation, ce que la plupart des contrats européens ont omis.

Le contrat de White Pines est un cas exceptionnel. White Pines était un contrat à TRG 1. Ce type de contrat ne contient pas de disposition à l’article 2.4. Il y en avait une initialement, mais le 2 août 2011, tout juste avant l’élection à l’automne de cette année, le gouvernement de l’Ontario a enjoint à l’Office de l’électricité de l’Ontario (OEO) de renoncer à ses droits de résiliation à l’article 2.4 de ces contrats. Par conséquent, le gouvernement a été dans l’obligation de déposer un projet de loi spéciale appelé la White Pines Wind Project Termination Act17 pour règler ce dossier.

La Loi spéciale a mis fin au contrat à TRG en date du 4 mai 2010, qui avait été accordé à White Pines. L’article 5 de la Loi éteignait également toute cause d’action que White Pines aurait pu invoquer contre l’État, les membres actuels et antérieurs du Conseil exécutif ou tout employé actuel ou antérieur de l’État. Aucune procédure judiciaire au titre de quelque loi que ce soit ne peut être intentée contre ces personnes même si celle-ci avait été engagée avant l’entrée en vigueur de la Loi18.

En fait de compensation, la Loi prévoit qu’aucune personne n’a droit à quelque compensation que ce soit, sauf pour celle prévue à l’article 6 de la Loi. L’article 6 établit la formule pour déterminer une compensation et prévoit que White Pines ne peut recouvrer que ses dépenses engagées à ce jour pour développer le projet. Aucun recouvrement n’est permis pour les profits perdus. Les dépenses de la Loi ne peuvent pas dépasser la juste valeur marchande. La Loi prévoit également que tout différend au titre de celle-ci doit être réglé par arbitrage en vertu de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario19.

Il s’agit d’une loi très exhaustive qui donne au gouvernement toute la flexibilité nécessaire pour en arriver à un règlement, y compris la possibilité d’édicter de nouvelles lois établissant les montants maximums payables et/ou la méthode pour déterminer un montant maximum.

Leçons apprises

Les contrats conclus par l’administration précédente en Ontario comportaient un certain nombre de lacunes. Premièrement, au cours des premiers jours, le gouvernement n’a imposé aucune limite à la quantité totale d’électricité pouvant être achetée dans le cadre du programme. Aujourd’hui, la situation à laquelle la province fait face est qu’elle s’est engagée à acheter de l’électricité qu’elle ne peut pas utiliser. L’approvisionnement prévu aux contrats dépasse largement la demande.

Il n’y a que trois solutions à ce problème. D’abord, la SIERE peut ordonner aux fournisseurs de réduire le niveau de production prévu au contrat. Cela se produit couramment avec le vent qui souffle la nuit lorsqu’il n’y a pas de demande pour l’électricité. De façon générale, les générateurs éoliens ne génèrent environ que 35 % de leur capacité. Toutefois, les contrats à TRG forcent le gouvernement à acheter près de 100 % de la capacité. Il s’agit essentiellement de contrats de « paiement contre livraison », ce qui augmente donc considérablement les coûts par MW pour les clients. Si vous achetez 35 % de la capacité mais payez pour 100 % de celle-ci, votre coût par MW est trois fois plus élevé que ce que vous croyiez qu’il aurait dû être.

L’absence d’une clause d’ajustement de la capacité est un grave problème. La SIERE peut soit payer l’électricité non livrée soit payer des clients américains pour qu’ils acceptent d’absorber l’excès d’électricité du réseau. La SIERE a également été obligée de faire ceci. L’excès d’électricité doit être éliminé du réseau. Il faut donc vendre l’électricité à des prix négatifs. Au cours des dernières années, le coût des ventes à prix négatifs a été considérable.

Des révisions annuelles des prix auraient pu être envisagées. Le programme allemand, dès le début, utilisait des réductions annuelles des tarifs. Pendant des années, la Commission de l’énergie de l’Ontario a établi des plans tarifaires quinquennaux avec un changement de base après la période de cinq ans. Si, au changement de base, le service public faisait des gains trop élevés, les prix étaient rétablis afin de ramener les tarifs au taux de rendement permis et les bénéfices exceptionnels de périodes antérieures étaient partagés équitablement entre les clients et le service public. Un contrat à long terme de 20 ans avec des volumes et des prix garantis et une indexation des prix est tout près d’un monopole neutre. En bref, une plus grande protection du consommateur aurait facilement pu être introduite.

Deuxièmement, les contrats ne prévoyaient aucun ajustement pour une efficacité accrue. Les prix des contrats étaient établis en fonction des coûts avant la date de signature des contrats. Toutefois, l’industrie a vu d’importantes réductions des coûts être réalisées dans la technologie éolienne et solaire. Ces réductions des coûts contribuent directement au bénéfice net des fournisseurs, augmentant ainsi le taux de rendement du contrat de façon considérable. Si nous présumons que le taux de rendement établi par la CEO pour les distributeurs d’électricité de l’Ontario deux fois par année est un taux de rendement équitable, les profits excédentaires pour la plupart des contrats à TRG sont substantiels.

Les modalités des contrats peuvent être critiquées, mais le vrai problème aurait pu être le processus de passation des contrats. Les contrats étaient des contrats d’offres courantes accordés dans l’ordre des demandes. Lorsque les fenêtres de contrats se sont ouvertes, les demandes ont afflué. Premier arrivé, premier servi. La plupart étaient acceptées.

Le premier processus de passation de contrats à TRG en Ontario décourageait également la participation de la communauté. Les contrats n’exigeaient que des preuves de faisabilité de base. Les promoteurs rivalisaient les uns avec les autres pour des baux, ce qui signifie qu’ils signaient des baux de manière confidentielle, sans que la communauté ne le sache. Les règles permettaient également aux promoteurs de rétrocéder des baux et des contrats avec peu de restrictions; une véritable jungle. En fin de compte, une plus grande participation de la communauté a été réclamée, mais dans de nombreux cas il était trop tard.

Un processus beaucoup plus prudent aurait compris des appels d’offres concurrentiels, comme la province de l’Alberta a récemment choisi de le faire. Les prix que l’Alberta a obtenus dans son plus récent appel d’offres représentaient une fraction des prix de l’Ontario. Il est vrai que les coûts ont chuté considérablement depuis que les premiers contrats ont été octroyés en Ontario, mais l’absence d’un processus concurrentiel a effectivement donné lieu à des excès de coûts. Les prix de l’Alberta sont deux fois moins élevés que ceux des plus récents contrats de l’Ontario.

Conclusion

Le nouveau gouvernement a fait un bon travail pour règler une situation difficile. Deux choses étaient très claires. D’abord, l’électricité était très dispendieuse. Deuxièmement, la province n’avait pas besoin de l’électricité.

La solution a bénéficié d’une analyse bien raisonnée, le nouveau gouvernement a décidé de laisser les contrats à TRG 1 de côté. Il est vrai que c’est là que se trouvait la plus grande partie de la capacité; certainement dans le cas de l’éolien qui posait le plus grand problème. Mais c’est aussi là que résidait le plus grand risque de litige.

Bon nombre de contrats à TRG 1 appartenaient à des Américains et leur annulation pouvait mener à une réclamation au titre de l’ALENA. Et si l’on se fie à Windstream, il pourrait s’agir d’un processus dispendieux avec un résultat coûteux. La capacité de règler les contrats à TRG 1 a également été compromise par la décision du gouvernement antérieur avant la dernière élection de retirer les droits de résiliation à l’article 2.4.

En théorie, le gouvernement aurait pu adopter des lois spéciales pour règler d’autres contrats à TRG 1, comme il l’a fait pour White Pines. Toutefois, White Pines était un cas spécial. L’avis de démarrage avait été délivré au cours des derniers jours du dernier gouvernement. De toute façon la plupart des autres contrats avaient depuis longtemps passé l’étape de l’avis de démarrage. Certains sont déjà raccordés au réseau et d’autres étaient sur le point de l’être. Les investisseurs avaient injecté d’importantes sommes d’argent dans les projets. Par exemple, Henvey Inlet, un projet de 300 MW, avait réuni un milliard de dollars de la part d’investisseurs étrangers au début 2018.

L’annulation avant l’avis de démarrage est tout à fait permise en vertu du contrat et les dommages-intérêts étaient établis dans le contrat. Les investisseurs l’avaient compris lorsqu’ils ont investi. Au bout du compte, l’inquiétude selon laquelle les annulations par le gouvernement compromettent les possibilités d’investissements étrangers dans les projets énergétiques en Ontario est probablement exagérée.

*Gordon Kaiser est un arbitre et médiateur en exercice à Toronto et à Washington DC, et ancien vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario.

  1. Loi de 1998 sur l’électricité, LO 1998, c 15, annexe A, aux para 25.32(5), (11).
  2. Directive du ministre à l’intention de : la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, décret 1003/2018, (2018 O Gaz), en ligne : <https://www.orec.ca/wp-content/uploads/2018/07/directive-20180713-wind-down-FIT-and-LRP.pdf>.
  3. Ibid à la p 4.
  4. Loi de 2009 sur l’énergie verte et l’économie verte, LO 2009, c 12, annexe A.
  5. Trillium Wind  Power Corp. v. Ontario, 2013 ONCA 6083.
  6. Secretary of State for Energy and Climate Change  v. Friends of the Earth et al, 2011, EWHC 3575.
  7. SkyPower v. Ministry of Energy, 2012 OJ no 4458 au para 84; 2013 ONCA 683, 117, OR (3e) 721.
  8. Windstream Energy LLC c. le gouvernement du Canada, no de dossier CPA 2103-22, 27 septembre 2016.
  9. Mesa Power Group LLC c. le gouvernement du Canada, no de dossier CPA 2002-17, 24 mars 2016
  10. Le Traité sur la Charte de l’Énergie, 17 décembre 1994, EECH/A1/X.
  11. Charanne  v. Kingdom of  Spain, no de dossier 062/2012, TCE, janvier 2016.
  12. Eiser Infrastructure Limited and Energia Solar Luxembourg Sari v. Kingdom of Spain, no de dossier CIRDI ARB /13/36.
  13. Isolux Netherlands, BV v. Kingdomof Spain, Dossier SCC V2013/153 (Espagne) [Isolux].
  14. Blusun SA, Jean-Paul Lecorcier and Michael Stein v. Italy, no de dossier CIRDI ARB./14/3.
  15. Bruce Pardy, « Fit to be Untied: How a new provincial government can unravel Feed-In Tariff electricity contracts », Commentaire, CCRE Commentary, avril 2018, en ligne : <https://www.thinkingpower.ca/PDFs/Commentary/CCRE%20Commentary%20-%20FIT%20to%20be%20Untied%20by%20Bruce%20Pardy%20-%20April%202018.pdf>.
  16. L’Accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne et le Canada a été signé le 20 octobre 2016, mais le système judiciaire d’investissement (SJI) n’est pas encore en place.
  17. White Pines Wind Project Termination Act, 2018, SO 2018, c 10, annexe 2.
  18. Ibid, art 5.
  19. Ibid, art 6.

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