Les organismes canadiens de réglementation de l’énergie et les nouvelles technologies : La transition vers une économie à faible émission de carbone

INTRODUCTION

Dans le passé, les organismes canadiens de réglementation de l’énergie se sont montrés réticents à financer de nouvelles technologies par le biais des tarifs parce qu’elles étaient de nature expérimentale ou liées à la recherche. Par exemple, les demandes présentées aux organismes de réglementation de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse pour financer la recharge des véhicules électriques (VE) ont été refusées[1]. Les choses ont changé. En 2020, les organismes de réglementation de l’énergie de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse ont pour la première fois pris des mesures pour promouvoir les nouvelles technologies à l’aide de projets pilotes technologiques.

Il s’agit d’un nouveau domaine d’activité pour les organismes de réglementation de l’énergie au Canada. L’introduction de nouvelles technologies dans le réseau est importante, surtout dans le contexte actuel où la réduction du carbone est un objectif majeur de tous les gouvernements. Le réseau électrique est très réglementé et cette réglementation peut faire obstacle aux nouvelles technologies. Les organismes de réglementation de l’énergie sont dans une position unique pour résoudre ce problème. Cela nécessitera toutefois de nouvelles procédures réglementaires. Le présent article passe en revue les décisions réglementaires pertinentes qui ont été prises en 2020 concernant les nouvelles technologies.

CONTEXTE

Le 11 décembre 2020, le gouvernement canadien a annoncé une nouvelle loi intitulée Un environnement sain et une économie saine, afin d’accélérer les initiatives de lutte contre le changement climatique dans tout le pays[2]. Le plan de décembre 2020 comprenait 64 programmes différents pour réduire la pollution et bâtir une économie propre, pour un coût de 15 milliards de dollars. Ces investissements comprennent 2,5 milliards de dollars pour des projets d’énergie propre sur trois ans, 1,5 milliard de dollars pour développer des carburants à faible teneur en carbone, 287 millions de dollars sur deux ans pour promouvoir les véhicules à émission zéro, 3 milliards de dollars sur cinq ans pour décarboniser les grands émetteurs, 2,6 milliards de dollars sur sept ans pour améliorer l’efficacité énergétique des foyers et 3 milliards de dollars sur dix ans pour planter 2 milliards d’arbres. En avril 2021, l’administration Biden a annoncé qu’elle consacrerait 2 000 milliards de dollars aux investissements dans les énergies propres au cours des quatre prochaines années.

Le 22 avril 2021, lors d’un sommet international sur le climat, le Canada s’est engagé à réduire d’ici 2030 ses émissions de carbone de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005. L’objectif canadien précédent, fixé lors des négociations climatiques de Paris en 2015, était de 30 % d’ici 2030. Lors de la même réunion, l’administration Biden s’est engagée à réduire les émissions américaines de 50 à 52 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, soit le double du niveau auquel le président Barack Obama s’était engagé pour la même période.

L’investissement mondial dans les énergies renouvelables atteindra un niveau record en 2021 et culminera à 16 000 milliards de dollars d’ici 2030.

L’année 2020 a également vu un changement important sur les marchés financiers. Les énergies renouvelables dominent désormais les marchés financiers, tant au Canada qu’aux États-Unis. Next Era Energy, le plus grand fournisseur d’énergie éolienne au monde, a remplacé Exxon Mobil et Chevron Corporation pour devenir l’entreprise énergétique la plus importante au monde. En août 2020, Exxon Mobil a disparu de l’indice Dow Jones. Elle en faisait partie depuis la création de l’entreprise Standard Oil of New Jersey en 1928.

Les sociétés privées ont également pénétré le marché des énergies renouvelables de manière significative. En avril 2020, BlackRock, l’une des plus grandes sociétés de capital-risque américaines, a réuni 5 milliards de dollars pour son fonds Global Energy Infrastructure. En janvier 2020, Microsoft a lancé un nouveau fonds d’innovation climatique pour investir 1 milliard de dollars au cours des quatre prochaines années, tandis qu’en juin 2020, Amazon a promis un financement initial de 2 millions de dollars pour son programme d’investissement en capital de risque.

Les régimes de retraite canadiens ont également été très actifs. Au 30 septembre 2020, la Commission d’investissement du Régime de pensions du Canada avait engagé un investissement de 9 milliards de dollars dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale. En 2020, le fonds a conclu la transaction d’acquisition de tous les actifs renouvelables de Pattern Energy pour 6 milliards de dollars, qui comprenait un portefeuille de 28 projets d’énergie renouvelable avec une capacité d’exploitation de plus de 4 GW aux États-Unis, au Canada et au Japon.

LE NOUVEAU PAYSAGE RÉGLEMENTAIRE

En 2020, la British Columbia Utilities Commission (BCUC) a entendu deux demandes de financement de nouvelles technologies par les contribuables. La nature exacte de la technologie était laissée à l’appréciation de l’entreprise de services publics. Une demande a été approuvée. La seconde a été rejetée.

La même année, l’organisme de réglementation de l’Ontario a approuvé trois projets pilotes portant sur deux technologies spécifiques. Le premier concernait le mélange d’hydrogène au gaz naturel, tandis que le second concernait le mélange de bio-méthane au gaz naturel. L’organisme de réglementation de la Nouvelle-Écosse a approuvé un projet pilote de technologie pour un logiciel de réseau intelligent.

La Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) a également introduit un nouveau service appelé l’Espace innovation. Ce service fournit des avis du personnel de la Commission sous forme de bulletins de la CEO pour aborder les zones d’incertitude réglementaire qui peuvent empêcher l’introduction de nouveaux services énergétiques qui pourraient améliorer l’efficacité énergétique et/ou décarboniser le réseau. Au cours de la première année, 33 demandes ont été reçues de la part de services publics et non publics. Ces demandes ont donné lieu à un bulletin qui autorisait le stockage d’énergie derrière le compteur[3].

En juin 2020, la BCUC a rendu une décision en réponse à une demande de FortisBC visant à établir un Clean Growth Innovation Fund[4] (fonds d’innovation pour la croissance propre). Les preuves déposées par le demandeur comprenaient un article publié dans la présente publication il y a un an[5]. La compagnie a en fait proposé deux fonds, l’un pour un service de gaz et l’autre pour un service d’électricité. La demande de la société d’électricité a échoué mais celle de la société gazière a réussi.

Le service public a proposé une redevance de 0,30 $ par client par mois pour le service d’électricité et de 0,40 $ par client par mois pour le service de gaz. Le financement annuel prévu en fonction du nombre de clients prévu était de 4,9 millions de dollars pour le service de gaz et de 0,5 million de dollars pour le service d’électricité.

La BCUC a approuvé le fonds d’innovation pour le service public de gaz parce qu’il a « démontré qu’il doit d’accélérer ses activités d’innovation…à la lumière des politiques climatiques gouvernementales croissantes visant la décarbonisation et l’électrification» [traduction]. La province de la Colombie-Britannique qui avait légiféré une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au cours de la prochaine décennie[6].

Cette décision représente une étape clé pour le financement de l’innovation. Les demandes antérieures concernaient des projets spécifiques. Cette nouvelle demande a cependant donné lieu à la création d’un fonds pour des projets qui seraient considérés de temps à autre. La demande proposait également un modèle de gouvernance pour garantir que les fonds soient appliqués aux innovations qui profiteraient aux clients. La décision portait également sur la responsabilité et les rapports annuels du service public.

Le point de départ de l’analyse de la Commission consistait à déterminer quelle était la demande ou le besoin de financement. La Commission s’est appuyée sur les éléments de preuve fournis par le service public qui soulignaient l’engagement du Canada à réduire les émissions de GES de 30 % entre 2005 et 2030 et l’engagement de la Colombie-Britannique à réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030 et de 80 % d’ici 2050. À cela se sont ajoutés les engagements de la Ville de Vancouver. Le comité a conclu que le service public avait démontré la nécessité d’accélérer ses activités d’innovation à la lumière des politiques climatiques gouvernementales en matière de décarbonisation et d’électrification.

Trois projets pilotes technologiques

L’organisme de réglementation de la Colombie-Britannique n’était pas le seul à financer les nouvelles technologies en 2020. En décembre 2019, Nova Scotia Power (NS Power) a soumis une demande à la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse pour approuver des dépenses en capital de 7 millions de dollars pour un projet pilote de réseau intelligent. L’objectif du projet pilote était de déterminer si un nouveau logiciel développé par Siemens pouvait surveiller et gérer les ressources énergétiques décentralisées (RED) de manière à en augmenter la fiabilité et à en réduire les coûts.

Le projet a été motivé par l’importance croissante des RED dans les activités des services publics d’électricité canadiens. Les RED utilisées dans ce projet étaient la production solaire, le stockage sur batterie et la recharge de véhicules électriques.

Le coût global du projet pilote s’élevait à 19 millions de dollars. Sur ce montant, près de 12 millions de dollars provenaient de fonds externes, laissant un tiers à financer par les clients de NS Power. Le critère appliqué par la Commission pour déterminer si cet investissement en capital était justifié s’appelle le critère de justification de l’innovation (CJI). Le CJI était le suivant : peut-on raisonnablement s’attendre à ce que le projet produise des données et des leçons précieuses en vue de l’élaboration d’une analyse de rentabilité avant le développement à grande échelle?

L’une des questions auxquelles la Commission a dû faire face était une préoccupation des intervenants concernant l’absence d’appel d’offres concurrentiel dans la mise en place du projet. En particulier, on s’est beaucoup fié à Siemens en ce qui concerne les logiciels. Cette crainte a été écartée lorsqu’il a été expliqué que Siemens était en grande partie responsable de l’obtention du financement fédéral à l’appui du projet. On s’est également inquiété des dépassements de coûts potentiels. La Commission a clairement indiqué que sa décision d’approuver le projet pilote était limitée à la dépense de 7 millions de dollars et que le recouvrement de tout dépassement de coûts nécessiterait l’approbation de la Commission.

Cette décision de la Commission de la Nouvelle-Écosse[7] est un exemple rare mais important de financement d’une nouvelle technologie par le contribuable. La décision de la Commission a été clairement influencée par l’important financement provenant de sources externes, de sorte que seul un tiers du coût total du capital était assumé par le contribuable, tout comme la condition selon laquelle le service public devait assumer le risque de tout dépassement de coût. La Commission a également établi une structure de conformité et de rapport significative qui sera instructive pour les autres organismes de réglementation qui devront examiner des projets similaires. Les nombreux témoignages d’experts externes indépendants fournissent également des leçons utiles pour les futurs candidats.

Le 30 octobre 2020, la CEO a rendu une décision[8] approuvant une demande d’Enbridge Gas pour la construction d’un projet pilote qui mélange de l’hydrogène au gaz naturel classique et qui sera distribué dans une zone située au nord de Toronto. La Commission a approuvé la demande et a permis à Enbridge de construire les installations nécessaires et de fixer les tarifs liés au projet. Les tarifs ont été conçus pour faire en sorte que les contribuables qui reçoivent le gaz mélangé ne paient pas plus que les autres clients d’Enbridge Gas.

L’objectif du projet pilote est de réduire les émissions de GES liées à la vente de gaz naturel. L’hydrogène ne produit aucune émission de carbone lorsqu’il est brûlé. Par conséquent, la combinaison de l’hydrogène et du gaz naturel réduit l’empreinte carbone globale.

Dans ce projet pilote, deux pour cent du produit total sera de l’hydrogène. L’hydrogène ayant un pouvoir calorifique inférieur à celui du gaz naturel classique, il faut un plus grand volume d’hydrogène pour obtenir le même contenu énergétique. Il en résulte que les clients recevant du gaz mélangé doivent consommer un volume plus élevé que les clients recevant du gaz naturel conventionnel. Cela nécessite un rajustement de prix que la Commission a approuvé pour compenser les clients dans la zone du gaz mélangé pour le coût du gaz supplémentaire.

Le projet pilote permettra de livrer du gaz mélangé à environ 3 600 clients sur une période de cinq ans. À la fin de cette période, Enbridge est tenue de déposer un rapport détaillé auprès de l’organisme de réglementation qui évaluera les coûts et les avantages du projet. Enbridge a indiqué qu’elle prévoit faire une demande pour des projets similaires dans d’autres marchés gaziers qu’elle dessert actuellement au Canada.

Le 31 mars 2020, Enbridge Gas Inc. a demandé à la CEO, en vertu de l’article 36 de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, l’autorisation de mettre en œuvre un programme pilote qui injecterait du bio-méthane dans le gaz naturel. Elle approvisionnera les clients qui se porteront volontaires pour le projet. Dans la demande, on souhaite que la Commission approuve une surcharge de 2 $ par mois sur les tarifs des clients qui se portent volontaires.

L’objectif du projet est de réduire la teneur en carbone du gaz naturel ordinaire. Le bio-méthane a une teneur en carbone plus faible que le gaz naturel ordinaire et l’injection réduit donc les émissions de GES. Enbridge a proposé de financer le projet par le biais de ses coûts d’exploitation habituels, ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’augmentation de tarif pour les clients non participants.

Le 24 septembre 2020, la CEO a publié une décision approuvant le projet pilote[9]. L’une des questions en litige est de savoir si tous les clients doivent payer. La CEO a convenu avec Enbridge que tous les clients contribueraient à l’augmentation des coûts d’exploitation, mais que seuls les clients qui se porteraient volontaires paieraient les 2 $ par mois. La Commission a ordonné à Enbridge de déposer un rapport d’étape au moment de sa prochaine demande de révision tarifaire.

Nouvelles directives réglementaires

Le 16 janvier 2019, la CEO a lancé un nouveau service de consultation qui permet aux services publics et aux services non publics d’obtenir des conseils du personnel de la Commission sur les questions réglementaires relatives aux nouveaux services énergétiques qui ont « un potentiel évident d’avantages pour les consommateurs » [traduction]. Le nouveau service appelé « l’Espace innovation » est conçu pour lever les obstacles réglementaires à l’introduction de nouvelles technologies. Il y a toutefois des limites à cette aide. L’Espace innovation ne peut pas :

  1. proposer un changement de politique à long terme;
  2. fournir un financement pour les projets;
  3. approuver une technologie spécifique;
  4. fournir une aide qui ne relève pas de sa compétence;
  5. soutenir des projets qui déplacent les coûts entre les clients.

Bien que la CEO étudie les propositions de services publics et d’entreprises non réglementées, elle a déclaré que les entreprises non réglementées devraient « garder à l’esprit que dans la plupart des cas, un partenaire du service public sera considéré comme essentiel à la réalisation d’un essai en Ontario » [traduction].

En juin 2020, la CEO avait reçu 33 propositions d’entreprises de services publics et d’autres entreprises. L’une de ces propositions a donné lieu au bulletin publié le 6 août 2020[10], qui figure à l’annexe A. Ce bulletin a statué qu’une entreprise de distribution locale peut posséder et exploiter un système de stockage d’énergie derrière le compteur et traiter les actifs comme faisant partie des opérations réglementées si le but est de remédier à une mauvaise fiabilité du service.

Le bulletin prévient qu’il n’exprime que l’opinion du personnel de la Commission et qu’il n’est pas contraignant pour les membres de la Commission ou les commissaires qui décideront en fin de compte des questions contestées. Il indique que l’opinion est une réponse à une proposition dans l’Espace innovation d’un distributeur d’électricité réglementé qui voulait utiliser des actifs de stockage derrière le compteur pour améliorer la fiabilité du service. Le bulletin ne révèle pas qui était le demandeur, mais beaucoup spéculent qu’il s’agissait de Toronto Hydro. Cette entreprise de services publics avait déjà demandé à la Commission ce type d’allègement, qui lui avait été refusé[11].

Il n’est pas inhabituel pour les organismes de réglementation de l’énergie de publier des bulletins de temps à autre. À ce jour, la CEO a publié près de 50 bulletins. Parmi ceux-ci, 29 étaient appelés bulletins de conformité, 9 étaient appelés bulletins d’information et les 8 derniers étaient simplement appelés bulletins.

En général, les bulletins publiés par les organismes de réglementation concernent leurs politiques d’application et reflètent souvent des opinions sur ce que l’organisme de réglementation peut et ne peut pas faire en vertu de sa loi habilitante. Les commissions des valeurs mobilières de l’Ontario et de l’Alberta font un usage intensif de bulletins, tout comme le Bureau de la concurrence fédéral.

Le Bureau de la concurrence publie des bulletins depuis 20 ans[12]. L’objectif est de mettre à jour le marché sur les politiques d’application du Bureau. Comme les bulletins de la CEO, les bulletins du Bureau de la concurrence ne lient pas le commissaire de la concurrence. Cependant, dans tous les cas, ils reflètent la politique du commissaire et sont modifiés avant que ce dernier ne s’en écarte. Si ce n’était pas le cas, les bulletins ne seraient pas très utiles.

Les bulletins peuvent être un instrument politique important. Ils offrent une réglementation en temps réel qui peut empêcher la réglementation de devenir un obstacle à l’introduction de nouvelles technologies.

Les bulletins d’orientation réglementaire deviendront plus importants à mesure que les organismes de réglementation de l’énergie s’impliqueront davantage dans la promotion des nouvelles technologies. Un bulletin antérieur du 7 juillet 2016[13] entre dans cette catégorie, bien qu’il soit antérieur à l’introduction de l’Espace innovation. Ce bulletin présente une conclusion du personnel de la CEO selon laquelle la propriété et l’exploitation d’une station de recharge de VE et la vente de services de recharge de VE à partir de cette installation ne constituent pas une distribution ou une vente au détail d’électricité. En d’autres termes, ces activités ne seraient pas réglementées par la CEO.

Le bulletin sur la recharge des VE indique que ce service n’est pas assujetti à la réglementation de la CEO parce que les services de recharge des VE, y compris les stations de recharge, doivent être traités comme des produits et services concurrentiels pour lesquels aucune licence de la CEO n’est requise. Le personnel de la CEO a également fait remarquer que les distributeurs d’électricité pourraient être autorisés à posséder et à exploiter des stations de recharge de VE, car il s’agit de services qui aident le gouvernement à atteindre son objectif de conservation de l’électricité.

Le bulletin sur la recharge des VE a apparemment été publié en réponse à un certain nombre de demandes de renseignements. Comme l’a fait remarquer le personnel de la CEO, l’intérêt pour la recharge des VE augmente en raison des parties du Plan d’action ontarien contre le changement climatique qui prévoient une augmentation importante du nombre de VE au cours des prochaines années.

Le bulletin sur le chargement des VE est un bon exemple de directive réglementaire qui favorisera le développement d’une nouvelle technologie de réduction du carbone. La BCUC est arrivée à une conclusion similaire, mais elle l’a fait après une consultation et un rapport[14] approfondis qui ont conduit à des changements dans la réglementation.

Le bulletin sur le chargement des VE est également un bon exemple d’une situation où l’ambiguïté réglementaire peut créer une barrière à l’entrée. La Commission a noté que la politique des gouvernements provinciaux en matière de promotion des VE et de réduction des émissions de carbone exigeait une telle clarification parce que la réglementation de cette activité particulière pourrait décourager les investisseurs privés dans ce secteur.

Ce ne sera pas le dernier cas où les services publics, les promoteurs et les investisseurs de l’Ontario auront besoin d’éclaircissements concernant la compétence ou la politique de la CEO à l’égard d’une activité particulière liée à la technologie de réduction du carbone. Ces bulletins, quel que soit leur nom, deviendront un important instrument de politique dans le cadre de cette initiative.

La décision de l’État du Michigan

L’Ontario et la Nouvelle-Écosse ne sont pas les seuls territoires de compétence à avoir maille à partir avec les projets pilotes technologiques. Le 17 octobre 2019, la Commission des services publics du Michigan a lancé une enquête pour examiner les projets pilotes passés et actuels du Michigan, les meilleures pratiques dans le domaine et les problèmes que ces projets pourraient poser dans le futur. Un rapport de 95 pages a été publié le 30 septembre 2020[15].

La Commission a ordonné qu’à l’avenir, tout candidat cherchant à obtenir un financement pour un projet pilote technologique devra se conformer à la définition d’un projet pilote technologique et aux critères énoncés à la page 12 de la décision[16]. Cette conclusion est reproduite dans la pièce A de la décision. Un lien vers la pièce A est fourni à l’annexe B.

La définition d’un projet pilote technologique et les critères sur lesquels il serait évalué ne seront pas les mêmes dans tous les territoires de compétence. La décision du Michigan n’est qu’un exemple. Tous les organismes de réglementation des provinces et des États devront se pencher sur la question. L’important est de bien faire les choses en fonction du territoire de compétence dans lequel on doit évoluer.

LES QUESTIONS RÉGLEMENTAIRES

Le présent article examine trois nouveaux instruments de politique qui deviendront essentiels pour les organismes de réglementation de l’énergie alors qu’ils tentent d’accroître l’accès aux nouvelles technologies qui aideront le Canada à atteindre ses objectifs de réduction du carbone. Il s’agit d’un exercice important qui deviendra rapidement la responsabilité de tous les organismes canadiens de réglementation de l’énergie.

Ces trois instruments de politique sont tout nouveaux. Ils sont entrés en scène en 2020. Le présent article passe en revue les trois premières décisions et la première année d’utilisation des nouveaux bulletins d’orientation réglementaire de la CEO. Ces trois instruments seront probablement mis en œuvre par des organismes canadiens de réglementation de l’énergie dans un avenir proche.

Il se peut que certains organismes de réglementation de l’énergie décident de ne pas créer de fonds d’innovation, mais ils organiseront certainement des audiences pour les projets pilotes technologiques. Ces projets pilotes nécessitent une participation active de la compagnie d’électricité desservant ce secteur. Il est probable que tous les organismes de réglementation canadiens commencent à publier des bulletins d’orientation réglementaire. Les règlements peuvent constituer une barrière à l’entrée, en particulier dans le cas d’une nouvelle technologie. Les audiences interminables avec appels ne sont pas la meilleure façon d’aborder l’incertitude réglementaire.

L’objectif du présent article n’est pas seulement d’examiner ce qui s’est passé en 2020. Il tente également de définir les meilleures pratiques. La section suivante examine les différentes questions réglementaires qui se sont posées lors des premières audiences de projets pilotes technologiques.

Le critère préliminaire

Parmi les trois décisions relatives aux projets pilotes technologiques examinées dans le présent article, celle de la Nouvelle-Écosse constitue un examen exemplaire de la nécessité d’établir dès le départ des critères significatifs concernant l’objet et le but du projet pilote technologique en question. Dans l’affaire de la Nouvelle-Écosse[17], NS Power a demandé l’approbation d’un projet pilote de quatre ans au coût de 7 millions de dollars. L’objectif du projet pilote était de mieux comprendre comment les nouveaux logiciels peuvent être utilisés pour surveiller et gérer les RED afin d’obtenir des avantages pour les clients, comme le maintien de la fiabilité et de la stabilité du réseau et la réduction des coûts. La Commission de la Nouvelle-Écosse a établi des critères de planification d’immobilisations et de justification des dépenses d’immobilisation. Les projets élaborés pour répondre à des questions émergentes ont été élaborés en vertu des critères de justification de l’innovation, critères qui sont énoncés comme suit :

[Traduction]

[5] Avant de commencer son analyse de la demande, la Commission estime qu’il est utile de présenter la base d’examen de ces projets d’immobilisation, qui s’effectue selon les critères de planification d’immobilisations et de justification des dépenses d’immobilisation (CJDI). Plus précisément, les projets élaborés pour répondre à des questions émergentes sont évalués selon les critères de justification de l’innovation des CJDI. Les critères de justification de l’innovation prévoient, en partie, ce qui suit :

17.2 Innovation

Critères de justification

Les projets d’investissement dans l’innovation sont justifiés par le fait que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils apportent une valeur pour le client dans certains domaines ou tous les domaines de la réduction de la pression à la hausse sur les besoins en revenus, de la fiabilité et de la stabilité du réseau, de la conformité aux politiques gouvernementales et de l’expérience du client, grâce au déploiement de technologies éprouvées de manière innovante. En outre, les investissements en capital d’innovation peuvent être justifiés par le fait que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils permettent d’effectuer des tests avant le déploiement à grande échelle, qu’ils fournissent des données et des apprentissages précieux ou qu’ils aident à l’élaboration d’analyses de rentabilité, le cas échéant.

Sous-critères de justification

  • Les projets d’investissement dans l’innovation peuvent être justifiés par un ou plusieurs des sous-critères suivants :
  • la réduction de la pression à la hausse sur les besoins en revenus
  • la fiabilité et la stabilité du réseau
  • la conformité environnementale et autre
  • l’amélioration de l’expérience client [c’est moi qui souligne].

La Commission de la Nouvelle-Écosse a retenu les services d’un expert pour évaluer la demande et déterminer si elle répondait aux critères nécessaires. Sur la base du témoignage de son expert, la Commission a conclu que ce n’était pas le cas, en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

[6] Dans sa demande, NS Power a affirmé que le projet pilote proposé est justifié en vertu du deuxième volet des critères de justification de l’innovation. Le projet est le premier projet d’investissement soumis en vertu des critères de justification de l’innovation des CEJC.

[7] Un projet relevant des critères de justification de l’innovation diffère de l’approbation d’ordres de travaux d’immobilisations courants pour des projets habituellement entrepris par un service public. Dans la plupart des cas, dans le cadre de ce dernier type de demandes, l’approbation est demandée sur la base d’une analyse de rentabilité pour répondre à une exigence opérationnelle normale du service public. Les projets de nature innovante se situent généralement en dehors de ce qui se passe normalement dans les opérations quotidiennes.

[8] Cependant, pour les projets relevant des critères de justification de l’innovation, la Commission exige toujours que la rigueur soit appliquée aux documents justificatifs déposés avec la demande. Dans ce cas, la Commission n’était pas satisfaite de la demande initiale déposée à l’appui de l’ordre de travaux d’immobilisations. La Commission s’attendait à ce que la demande soit plus détaillée. Étant donné que les demandes au titre des critères de justification de l’innovation sont quelque peu nouvelles, la Commission fournit les conseils suivants pour les demandes futures.

[9] En l’espèce, la demande initiale déposée auprès de la Commission manquait de documents justificatifs, notamment en ce qui concerne les avantages du projet. Comme nous le verrons plus en détail plus loin dans la présente décision, Synapse a déclaré que la proposition initiale ne fournissait pas un plan d’étude pilote complet parce qu’elle omettait de faire ce qui suit :

  • décrire clairement les lacunes en matière de connaissances que la recherche proposée vise à combler
  • déterminer si une autre conception d’étude pilote, moins coûteuse, pourrait atteindre les mêmes objectifs
  • décrire comment la méthodologie proposée est le meilleur moyen d’atteindre les objectifs
  • montrer de manière adéquate comment les critères de justification de l’innovation sont remplis

[10] De plus, Synapse a suggéré qu’il n’était pas clair si le projet pilote fournira l’information nécessaire pour décider s’il faut procéder à un déploiement complet de la plateforme de système énergétique (PSE). Elle a noté qu’il n’était pas clair que NS Power ait présenté un cas qui transmettait correctement un plan qui comparerait les coûts et les avantages avec et sans la PSE, ajoutant que NS Power était encore en train de considérer les paramètres à suivre pendant le projet pilote et que divers éléments du projet étaient encore en développement.

[11] La Commission partage les préoccupations de Synapse quant à la qualité de la demande initiale. Une grande partie du dépôt initial était de nature très générale, contenait peu de détails sur le projet proposé et s’appuyait davantage sur l’expérience d’autres territoires de compétence (la plupart sous forme d’études ou de rapports génériques) plutôt que sur une analyse de ce qui était prévu sur le terrain en Nouvelle-Écosse et avec les autres partenaires de NS Power. Il peut être tentant, dans certains cas, d’adopter des projets entrepris dans d’autres territoires de compétence ou par d’autres services publics pour tester les technologies émergentes, notamment les ressources énergétiques décentralisées et leur intégration dans une filière énergétique. Cependant, des ressources et du temps utiles pourraient être gaspillés si des résultats mesurables et des facteurs de réussite spécifiques ne sont pas clairement définis pour le contexte de la Nouvelle-Écosse. En ce qui concerne les projets à prendre en compte dans le cadre des critères de justification de l’innovation, la Commission s’attend à ce que NS Power décrive de manière suffisamment détaillée la portée et la conception du projet, ainsi que les données spécifiques, les leçons apprises et les mesures de réussite qui seront adoptées pour évaluer le projet. En outre, la Commission met en garde NS Power qu’il ne suffira pas d’extrapoler de manière générale certains résultats isolés d’un projet pilote pour justifier son déploiement ultérieur à grande échelle. Toute demande de dépenses d’immobilisation courante pour un déploiement complet devra être détaillée à tous égards en ce qui concerne la conception, l’approvisionnement, la mise en œuvre et les avantages pour les clients, au moindre coût.

[12] Dans le cas présent, diverses préoccupations des Intervenants ont été abordées par NS Power lorsqu’elle a déposé ses réponses aux demandes de renseignements (DR) et sa preuve en réponse. Cependant, le moment de la réception de ces renseignements signifie que les Intervenants, le personnel de la Commission et les consultants de l’avocat de la Commission n’ont pas pu examiner ce projet et s’engager de manière significative avec NS Power. De l’avis des consultants, ces lacunes compromettaient clairement l’approbation de cette demande. L’engagement des représentants des clients de NS Power et de la Commission est aussi important pour les projets novateurs que pour les ordres de travaux d’immobilisations courants. Comme il est indiqué plus loin dans la présente décision, les travaux en cours de NS Power sur ce projet entraîneront probablement des retards dans la mise en œuvre de certains éléments de la proposition et pourraient aboutir à des données ou des enseignements incomplets à son achèvement.

[13] La Commission espère que les futures demandes au titre des critères de justification de l’innovation seront plus complètes et mieux éclairées par les directives ci-dessus.

La Commission de la Nouvelle-Écosse a demandé à NS Power de modifier et de déposer à nouveau sa demande, ce qui est finalement prouvé par la déclaration : « La Commission espère que les futures demandes au titre des critères de justification de l’innovation seront plus complètes et mieux éclairées par les directives ci-dessus.»

Il ressort de cette brève analyse que, sans une norme et des critères exhaustifs dès le départ, un projet pilote technologique a toutes les chances d’échouer. Nous devons également nous rappeler que pour la plupart des services publics, une demande de financement d’un projet pilote technologique est probablement une nouvelle entreprise; il est important que le service public ait des indications sur ce que la demande devrait contenir et sur la norme que l’organisme de réglementation appliquera pour évaluer une demande.

Recours à des experts

Il n’y a rien d’inhabituel à ce que des experts témoignent dans le cadre de procédures réglementaires. Concernant les deux projets pilotes technologiques qui nous occupent, différentes approches ont été utilisées, le recours à de très nombreux experts dans l’affaire de la Nouvelle-Écosse et à presqu’aucun expert dans l’affaire de l’Ontario, malgré le fait qu’il s’agisse de toutes nouvelles technologies dans les deux cas.

Cependant, la raison principale en est que la Nouvelle-Écosse avait un critère préliminaire beaucoup plus élevé — la demande remplie au titre de ce critère est résolue sur la preuve de l’expert. Dans le cas de l’Ontario, l’organisme de réglementation a adopté un point de vue différent et a estimé qu’il était prématuré de se lancer dans un examen détaillé de la technologie ou même de la façon dont cette technologie se compare à une autre. Le sentiment était que le projet pilote technologique était limité et qu’il était basé sur l’hypothèse que si l’examen préliminaire de la technologie le voulait, il y aurait d’autres projets pilotes concernant la même technologie sur une base plus étendue.

Le cas de la Nouvelle-Écosse souligne également l’importance pour les organismes de réglementation de retenir les services d’experts pour les aider à évaluer la faisabilité des projets pilotes technologiques. Comme l’indique la Commission de la Nouvelle-Écosse au paragraphe 30 de la décision, l’analyse d’une demande de projet pilote peut souvent être plus compliquée qu’une demande ordinaire :

[Traduction]

[30] Bien que la Commission reconnaisse que la mesure des avantages des projets pilotes en vertu des critères de justification de l’innovation puisse être plus difficile que les projets de dépenses en capital entrepris dans le cadre des activités normales d’un service public, on pourrait soutenir que l’évaluation d’une initiative novatrice est encore plus critique. Étant donné que de nombreux projets relevant des critères de justification de l’innovation sont probablement destinés à un déploiement à grande échelle, il est essentiel que NS Power, les Intervenants et la Commission comprennent les implications de cette entreprise. Il est donc important que NS Power soit en mesure de définir les données qu’elle cherche à recueillir, les leçons qu’elle souhaite apprendre et la manière spécifique dont le succès sera mesuré. Sans ces spécificités et une comparaison de base claire par rapport aux résultats du projet pilote, les avantages anticipés du passage à un déploiement à grande échelle ne sont rien d’autre que de simples spéculations.

[31] De l’avis de la Commission, les réponses de NS Power aux NSUARB DR-25 à 29 de la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse ne fournissent pas suffisamment de détails pour déterminer comment le succès sera déterminé. Dans sa preuve en réponse, NS Power a élaboré sur ces réponses aux DR et a fourni quelques renseignements supplémentaires :

Enfin, NS Power recueillera des données de base dans le cadre du projet afin de les comparer aux résultats obtenus grâce à la surveillance et à la gestion de la plateforme de système énergétique (PSE). Les renseignements sur le profil de charge et la qualité de l’énergie sont actuellement recueillis sur les sites de clients commerciaux potentiels pour les installations solaires en toiture; les renseignements disponibles sur la charge seront recueillis à partir de l’historique de compteurs d’autres sites clients au fur et à mesure qu’ils seront identifiés par le processus de recrutement. De plus, une fois les RED installés sur les sites des clients, des mesures seront prises avant l’application du contrôle des RED par le service public, en fonction des cas d’utilisation testés et des capacités de chaque RED. Des mesures de comparaison seront également effectuées en parallèle pendant le projet avec une RED de contrôle et une RED de la PSE au même moment et dans les mêmes conditions.

[32] Tout projet pilote semblable à celui de la présente demande devrait contenir suffisamment de données de base qui pourront être utilisées ultérieurement pour comparer les résultats du projet pilote au statu quo. De l’avis de la Commission, de tels renseignements seraient précieux pour établir une analyse de rentabilité à l’appui d’un déploiement à grande échelle. Cependant, la Commission ne sait pas clairement si les données de référence de ce projet seront suffisamment complètes en termes de durée ou de robustesse pour permettre une comparaison significative avec les résultats du projet pilote. Cela devrait être expliqué plus clairement dans un dépôt de conformité.

Une demande de projet pilote technologique est importante. Une décision concernant un projet pilote peut entraîner des dépenses en capital très importantes. Il est important de prendre la bonne décision. Pour ce faire, les organismes de réglementation de l’énergie ont besoin à la fois des données et de critères soigneusement rédigés. La décision de la Nouvelle-Écosse est un bon modèle.

Le motif de la demande

Le présent article passe en revue quatre décisions. La première porte sur une demande de financement de l’innovation en général. Trois décisions concernent des demandes de financement de technologies spécifiques, appelées « projets pilotes technologiques ».

Dans chaque cas, la première question de l’organisme de réglementation qui entend la demande est la suivante : Quelle est la justification de cette dépense? Dans tous les cas, la réponse est la même. Nous devons promouvoir l’énergie propre. Ce projet n’est pas financé de manière adéquate. Et par conséquent, le Canada ainsi que la province et les municipalités que nous desservons n’atteindront pas leurs objectifs de réduction des émissions de carbone.

Le cas de la Colombie-Britannique est une demande concernant l’établissement d’un fonds d’innovation[18]. Aucune technologie spécifique n’a été désignée, bien que la catégorie générale ait été décrite comme suit à la page 145 de la décision :

[Traduction]

…le fonds est conçu pour combler les lacunes perçues dans les activités d’innovation actuelles de FortisBC. Ce fonds financera les activités de réduction des GES qui :

  • couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur des services publics;
  • sont en dehors de la GAD;
  • concernent des activités pré-commerciales et commerciales (les premières étant susceptibles de constituer la majorité);
  • sont soutenus par des niveaux de financement prévisibles.

FortisBC prévoit qu’étant donné l’objectif ambitieux concernant le gaz renouvelable dans le plan CleanBC, les mélanges d’hydrogène et de gaz renouvelable seront des priorités en matière de financement.

La technologie serait désignée par un comité spécial établi à cette fin. Le demandeur FortisBC a décrit la raison d’être du nouveau fonds comme suit à la page 145 de la décision :

[Traduction]

Le Fonds d’innovation est nécessaire pour accélérer le rythme de l’innovation dans le domaine de l’énergie propre, réaliser des percées en matière de performance et de réduction des coûts, et fournir des solutions rentables, sûres et fiables aux clients. Le Fonds d’innovation aidera FortisBC à répondre aux attentes en matière de réduction des émissions et fait partie de la stratégie proactive de FortisBC visant à soutenir la transition vers une économie à plus faible émission de carbone, tout en maximisant l’utilisation de ses réseaux de distribution d’énergie pour ses clients… Le Fonds d’innovation vient compléter et accroître les activités novatrices actuelles de FortisBC et est en définitive nécessaire pour atteindre les objectifs énergétiques de la Colombie-Britannique.

FortisBC a élaboré sur la nécessité du fonds à la page 148 de la décision :

[Traduction]

FortisBC note que, à l’échelle provinciale, le plan CleanBC vise une réduction de 25 millions de tonnes de GES d’ici 2030, dont 15 % doivent provenir de gaz renouvelable. Toutefois, selon le débit moyen récent du réseau de FortisBC Energy Inc. (FEI), 15 % de gaz renouvelable nécessiterait un approvisionnement d’environ 30 pétajoules (PJ). FortisBC affirme que l’offre renouvelable actuelle dans le système de FEI ne totalise que 0,03 PJ, ce qui nécessitera une multiplication par 100 de l’offre de gaz renouvelable pour atteindre l’objectif du plan CleanBC de 2030. Pour atteindre l’objectif de la province, FEI devra rapidement faire progresser l’innovation et développer de nouvelles sources de gaz renouvelable.

Le raisonnement de l’Ontario était similaire, tel qu’il est énoncé à la page 7 de la décision[19] :

[Traduction]

Toutefois, les parties ont également reconnu de façon générale que la réduction des émissions de carbone visée par le gouvernement provincial ne peut être atteinte sans explorer diverses approches pour y parvenir. Enbridge Gas a proposé un projet pilote visant à injecter une quantité contrôlée d’hydrogène dans son réseau de gaz naturel pour un petit nombre de clients. Ce Projet devrait fournir des informations détaillées sur l’impact du mélange d’hydrogène sur le niveau de réduction du carbone, le risque pour le réseau de distribution et l’équipement des clients, le potentiel d’expansion du mélange d’hydrogène dans d’autres zones de son réseau de distribution, et des détails sur le processus de gazéification de l’hydrogène. La CEO convient que, malgré le potentiel apparemment limité du mélange d’hydrogène, les leçons tirées du Projet proposé seraient bénéfiques et que le Projet devrait aller de l’avant.

Les organismes de réglementation de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse ont entendu des demandes visant à autoriser le financement de technologies spécifiques. NS Power a décrit la raison de son investissement comme suit :

[Traduction]

[1] Nova Scotia Power Incorporated a demandé l’approbation d’un projet d’immobilisations intitulé Smart Grid Nova Scotia Project d’un montant de 7 053 622 $. Le but de ce projet pilote de quatre ans est de mieux comprendre comment un logiciel centralisé de PSE peut être utilisé pour surveiller et gérer les RED afin d’obtenir des avantages pour les clients, comme le maintien de la fiabilité et de la stabilité du réseau, et la réduction des coûts.

[2] Les RED à utiliser dans le projet comprennent une variété de technologies plus récentes telles que la production d’énergie solaire photovoltaïque à partir d’un jardin solaire communautaire et d’installations commerciales en toiture, le stockage décentralisé sur batteries à domicile ou en entreprise, et la recharge intelligente de VE à domicile ou en entreprise. La PSE permettra de voir, de contrôler et de répartir les RED.

Dans le cadre du projet pilote technologique de l’Ontario, Enbridge Gas a offert un raisonnement similaire à celui présenté par NS Power à l’organisme de réglementation de la Nouvelle-Écosse, tel qu’il est indiqué à la page 1 de la décision :

[Traduction]

Cette première phase est une entreprise pilote conçue pour être de portée limitée afin de déterminer si le mélange d’hydrogène doit être poursuivi à grande échelle. Enbridge Gas a également demandé à la CEO, en vertu de l’article 97 de la Loi sur la CEO, d’approuver la forme d’un contrat temporaire d’utilisation des terres et, en vertu de l’article 36 de la Loi sur la CEO, d’approuver des avenants tarifaires afin d’indemniser les clients touchés par les coûts associés à la consommation accrue de carburant dans la zone de gaz mélangé (ZGM).

Lorsqu’il est brûlé, l’hydrogène est une source de carburant à zéro émission de carbone. Par conséquent, l’utilisation de gaz mélangé produirait moins d’émissions de GES par rapport à la combustion de gaz naturel standard. Enbridge Gas estime que les réductions de GES associées à l’utilisation de gaz mélangé contenant 2 % d’hydrogène par volume dans la ZGM se situeraient entre 97 et 120 tonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (t éq. CO2) par an. Le Projet pourrait éventuellement aider Enbridge Gas à se conformer aux exigences de la norme sur les carburants propres (NCP) du gouvernement fédéral, qui est en instance.

Le Projet permettrait à Enbridge Gas d’étudier les effets du gaz mélangé sur son réseau de distribution existant et sur l’équipement d’utilisation finale des consommateurs. En fonction des résultats du Projet, Enbridge Gas pourrait demander à la CEO l’autorisation d’interrompre, de poursuivre ou d’étendre sa distribution de gaz mélangé.

Ce qui est intéressant, c’est qu’en un an, en 2020, nous avons vu pour la première fois trois organismes de réglementation provinciaux au Canada approuver le financement par les contribuables d’une nouvelle technologie qui aiderait la province à respecter ses engagements en matière de réduction du carbone. Nous pouvons nous attendre à d’autres demandes de ce genre.

Partage des coûts

Une caractéristique de ces cas est que les organismes de réglementation ont un intérêt à s’assurer que quelqu’un d’autre que les contribuables aient de l’argent sur la table. La Commission de la Nouvelle-Écosse a trouvé un certain réconfort dans le fait que le financement provenait d’organismes gouvernementaux déclarant que :

[Traduction]

[40] Enfin, la Commission a pris en compte le fait que ce projet a été obtenu par NS Power à un coût considérablement réduit pour les contribuables grâce au soutien du gouvernement et à la coopération avec divers partenariats privés et gouvernementaux. Ces contributions financières signifient effectivement que les contribuables ne paieront environ qu’un tiers du coût total du projet.

Dans le cas du mélange d’hydrogène en Ontario, l’organisme de réglementation a trouvé un certain réconfort dans le fait qu’une subvention de 221 000 $ de Technologies du développement durable Canada couvrirait une partie du coût total du projet de 5,23 millions de dollars. Il ne sera pas surprenant qu’un principe s’établisse dans ces cas pour exiger que certaines contributions financières proviennent de parties extérieures. Les organismes de réglementation aiment voir que des investisseurs extérieurs bien informés voient également un certain intérêt dans l’exercice.

Qui paie?

Comme dans toutes les audiences réglementaires, la question se pose de savoir qui paie. Est-ce les contribuables ou l’actionnaire? Quel client devrait payer? Dans le cas de la Colombie-Britannique, certains ont estimé que l’actionnaire devrait payer. L’organisme de réglementation a rejeté cette proposition mais l’actionnaire était tenu de payer si le montant des dépenses dépassait le montant du fonds que la BCUC avait approuvé. Dans le cas de la Colombie-Britannique, tous les contribuables ont payé comme dans la décision de l’Ontario.

Droits de propriété intellectuelle

Comme on pouvait s’y attendre, certains intervenants ont soulevé la question de savoir qui devrait bénéficier de toute nouvelle propriété intellectuelle développée à la suite de l’approbation de l’investissement par l’organisme de réglementation. Dans la décision sur le mélange d’hydrogène d’Enbridge, la Commission a déclaré ce qui suit à la page 12 :

[Traduction]

La question du potentiel en termes de propriété intellectuelle et du titre de celle-ci a été soulevée par certains intervenants. Enbridge Gas a indiqué que si des avantages se matérialisent à partir de la propriété intellectuelle recueillie, la CEO pourrait juger approprié que les clients en partagent les bénéfices. La CEO s’attend à ce qu’Enbridge Gas l’avise si des avantages découlent de la propriété intellectuelle dans le cadre du projet, afin que la CEO détermine, lors de sa demande de remise à niveau, comment ces avantages seront traités. On s’attend également à ce qu’Enbridge Gas commente le partage proposé des avantages découlant de la propriété intellectuelle lorsqu’elle demandera des modifications ou une expansion du projet.

La Commission a toutefois assorti sa décision de la condition suivante à l’annexe B, section 5, comme suit :

[Traduction]

5. Enbridge Gas doit aviser la CEO si des avantages découlent de la propriété intellectuelle dans le cadre du projet, afin que la CEO détermine, lors de sa demande de remise à niveau, comment ces avantages seront traités. On s’attend également à ce qu’Enbridge Gas commente le partage proposé des avantages découlant de la propriété intellectuelle lorsqu’elle demandera des modifications ou une expansion du projet.

Options technologiques

Dans les deux décisions rendues en Ontario, la Commission a fait face à des arguments à savoir que le demandeur n’avait peut-être pas choisi la meilleure technologie et qu’une autre technologie pouvait être meilleure en termes de réduction du carbone. La Commission a adopté, à juste titre, comme elle le fait dans les cas de fusion et d’acquisition[20], la position selon laquelle la Commission allait examiner la proposition que le demandeur avait présentée et ne pas étudier d’autres technologies qu’il n’avait pas proposées.

La Commission a expliqué qu’il s’agissait de l’approche appropriée dans le cadre d’un projet pilote technologique qui constitue une demande unique car le demandeur n’est pas tout à fait sûr des mérites de la technologie au départ.

Exigences en matière de rapports

Dans les trois décisions, l’organisme de réglementation de l’énergie a accordé la demande sous réserve de conditions. L’une de ces conditions porte sur les exigences en matière de rapports. Dans le cas de l’Ontario — après un certain débat entre la compagnie d’électricité et les intervenants — l’organisme de réglementation a convenu qu’un rapport au bout de cinq ans serait satisfaisant.

La Commission de l’Ontario a accepté un rapport au bout de cinq ans, bien que les parties aient convenu qu’il y aurait un examen du projet lors de la prochaine audience sur les tarifs. La Commission a également insisté sur un rapport régulier concernant les communications avec les intervenants, y compris les clients. Enbridge a convenu que la production de rapports concernant les clients était appropriée afin que la Commission ait une compréhension exacte de l’expérience des clients concernant le nouveau produit.

Le rapport à la fin de la période de cinq ans devait inclure une comptabilité du coût du projet par rapport au budget, toute preuve d’impacts négatifs sur le réseau de distribution, toute communication avec les clients et une recommandation si Enbridge devait interrompre le projet ou en accroître la portée. Il y a également eu une discussion sur la confidentialité et Enbridge a averti les parties et la Commission qu’elle pourrait prétendre que certaines parties du rapport final sont confidentielles car elles représentent des informations très précieuses pour lesquelles des tiers pourraient être prêts à payer.

La période de cinq ans n’était pas satisfaisante pour l’organisme de réglementation de la Colombie-Britannique. Il a donc insisté sur un rapport annuel.

Communication avec les clients

Les décisions rendues à ce jour imposent souvent une exigence qui implique des communications avec les clients. C’était particulièrement le cas dans les deux affaires Enbridge qui impliquaient la participation des clients au projet pilote technologique. Dans l’affaire Enbridge concernant le mélange d’hydrogène, la Commission a fait la déclaration suivante à la page 14 :

[Traduction]

Enbridge Gas est d’accord avec les exigences en matière de rapports proposées par le personnel de la CEO. Enbridge Gas a convenu que certains rapports seront appropriés dans le contexte de la prochaine procédure de changement de base, fournissant à la CEO et aux parties des renseignements provisoires sur le projet avant que des rapports complets soient fournis. Un rapport sur la communication continue avec les clients est requis pour s’assurer que les clients rendent compte de leur expérience avec le gaz mélangé et de la performance de leur équipement. La CEO fait de ces engagements en matière de rapports une condition pour aller de l’avant avec le projet.

Dans la décision sur le bio-méthane d’Enbridge, la communication avec les clients était particulièrement importante car certains clients s’étaient portés volontaires et payaient une surcharge de 2 $ par mois. La Commission a déclaré à la page 17 :

[Traduction]

Enbridge Gas a déclaré qu’elle prévoyait fournir des communications annuelles aux clients participants présentant des renseignements tels que la quantité totale de gaz naturel renouvelable (GNR) achetée, les réductions d’émissions de GES connexes, les prévisions futures, la participation au programme et/ou d’autres paramètres pertinents. Un certain nombre de parties ont exprimé leurs attentes à savoir que les communications avec les clients soient exactes et complètes, et qu’elles fournissent aux clients des renseignements suffisants pour prendre une décision éclairée sur l’opportunité de s’inscrire au programme.

La Commission a également fait des commentaires à la page 18 :

[Traduction]

Il s’agit d’un programme pilote et les leçons tirées sur la meilleure façon de communiquer avec les clients restent à la disposition de la compagnie d’électricité, qui pourra les prendre en compte dans toute proposition de modification du programme. La CEO ordonne à Enbridge Gas de fournir annuellement à ses clients des renseignements exacts et suffisants, comme le propose Enbridge Gas, qui faciliteront la prise de décisions éclairées par les clients. Enbridge Gas doit rappeler aux clients, dans ces communications annuelles, qu’ils peuvent mettre fin à leur participation au programme ou y adhérer en tout temps.

Fardeau de la preuve

Le fardeau de la preuve varie selon l’organisme de réglementation. Dans l’affaire du mélange d’hydrogène en Ontario, la Commission a accordé à Enbridge une latitude considérable parce que le projet était expérimental, déclarant à la page 6 de la décision :

[Traduction]

La CEO estime qu’Enbridge Gas s’est acquittée du fardeau de la preuve en ce qui concerne la valeur de la réalisation de ce projet en tant que projet pilote de première phase. Le projet proposé est une occasion à portée limitée de déterminer si le mélange d’hydrogène devrait être poursuivi à plus grande échelle. La CEO soutient l’innovation et reconnaît que certaines initiatives pourraient ne pas produire les résultats escomptés, mais elle admet que ce projet permettra d’accroître les connaissances sur le mélange de carburant à l’hydrogène, et qu’il devrait aller de l’avant.

Compétence réglementaire

La British Columbia Utility Commission s’est heurtée à un obstacle majeur lorsque l’un des intervenants a fait valoir que la Commission n’avait pas la compétence d’ordonner des augmentations de tarifs pour financer une nouvelle technologie. Cet argument n’est pas unique. Par le passé, les organismes canadiens de réglementation de l’énergie ont souvent dû faire face à des objections concernant de nouvelles catégories de tarifs, y compris, tout récemment, des tarifs spéciaux pour les clients autochtones[21] et, auparavant, des tarifs pour les consommateurs à faible revenu[22].

L’organisme de réglementation de la Colombie-Britannique a conclu que les taux du fonds d’innovation ne contrevenait pas aux principes du coût du service en s’appuyant sur l’article 59 de la Utilities Commission Act[23] qui donne à la BCUC un large pouvoir discrétionnaire pour utiliser tout mécanisme ou méthode de fixation d’un tarif qu’elle juge utile. La Commission a conclu qu’un ajout de tarif fixe pour soutenir le fonds d’innovation constituait un tel mécanisme. Les décisions de l’Ontario — dans les affaires Natural Resource Gas[24] et Waterfront Toronto[25] — appuient une conclusion selon laquelle si le financement fait partie des activités de fixation des tarifs de la Commission, il relève de la compétence de cette dernière.

En fin de compte, tant que les demandes de financement du projet pilote technologique sont liées à des demandes tarifaires, il ne devrait pas y avoir de difficulté. L’Ontario a un avantage supplémentaire. En octobre 2020, les objectifs de la CEO en matière d’électricité ont été modifiés par des amendements à l’article 1 de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario qui ont ajouté l’objectif de « faciliter l’innovation dans le secteur de l’électricité[26] ». Cela aidera en cas de conflit de compétence.

PRATIQUES EXEMPLAIRES

L’augmentation des objectifs fédéraux et provinciaux de réduction des émissions de carbone a créé de nouveaux défis pour les organismes canadiens de réglementation de l’énergie. Le nombre de projets pilotes technologiques va augmenter dans les années à venir. Tous les organismes canadiens de réglementation de l’énergie devront élaborer de nouvelles pratiques et procédures qui s’appliqueront à ce type de demande unique.

L’importance des organismes de réglementation

Certains affirment que l’organisme de réglementation ne devrait pas choisir les gagnants et les perdants en matière de technologie[27]. Cette proposition a un certain mérite. Mais nous devons reconnaître que dans le cas des projets pilotes technologiques, l’organisme de réglementation ne choisit pas le gagnant ou le perdant. L’organisme de réglementation essaie simplement de créer un processus qui permettra une évaluation significative de la nouvelle technologie au sein du réseau électrique.

Les mots « réseau électrique » sont essentiels. Si une nouvelle technologie permet de réduire les émissions de carbone, elle doit fonctionner dans le réseau électrique. Le réseau électrique est hautement réglementé. La partie qui contrôle cette réglementation est l’organisme de réglementation de l’énergie. L’acteur principal du réseau électrique est le service public réglementé. Le service public réglementé est réglementé par l’organisme de réglementation de l’énergie. Une liaison étroite entre le service public et l’organisme de réglementation de l’énergie est essentielle à l’introduction de tout changement technologique important.

Obstacles réglementaires à l’entrée

Nous connaissons tous les plaintes selon lesquelles les organismes de réglementation de l’énergie étaient à l’origine de la lenteur dans la croissance du stockage[28] et du solaire[29]. Une récente étude du gouvernement canadien[30] ajoute :

Un système de réglementation souple et très efficace favorise l’innovation et la concurrence, mais pour assurer la croissance du marché intérieur, il faut également mettre en place une réglementation s’appliquant aux nouvelles technologies propres qui échappent souvent au système actuel.

Le secteur de l’énergie étant très réglementé, la réglementation existante peut créer des barrières à l’entrée pour les nouvelles technologies. Dans de nombreux cas, la réglementation a été mise en place bien avant que cette nouvelle technologie n’existe.

Une étude récente de la Canada West Foundation[31] a examiné ce qui faisait obstacle à l’innovation énergétique. Elle a cerné les principaux obstacles à la fois pour les innovateurs et les organismes de réglementation de l’énergie. Les facteurs suivants sont pertinents pour cette discussion.

[Traduction]

8. Manque de communication entre les organismes de réglementation de l’énergie et l’industrie

La communication bidirectionnelle entre l’organisme de réglementation de l’énergie et l’industrie est essentielle. L’organisme de réglementation de l’énergie doit aider l’industrie à comprendre ce qui est requis. Dans le même temps, l’industrie doit tenir l’organisme de réglementation de l’énergie au courant de ce qui se prépare afin qu’il puisse se préparer. Tous deux doivent avoir des conversations sur leurs rôles respectifs dans la promotion des technologies innovantes.

11. Besoin de plus d’espaces expérimentaux

Les espaces ou bacs à sable expérimentaux permettent aux organismes de réglementation de l’énergie de travailler en étroite collaboration avec le promoteur du projet sur une technologie innovante non éprouvée afin de tester son efficacité et ses impacts. À l’heure actuelle, l’utilisation des bacs à sable semble être l’exception plutôt que la norme.

14. Attentes politiques à l’égard de l’organisme de réglementation de l’énergie

L’innovation devrait être une question non partisane, mais ce n’est pas toujours le cas. Les différents gouvernements ont des attentes différentes vis-à-vis des organismes de réglementation de l’énergie ainsi que des préférences politiques différentes.

15. Les mandats des organismes de réglementation de l’énergie limitent la capacité à soutenir l’innovation.

Les mandats des organismes de réglementation de l’énergie sont définis dans les lois et, à moins que l’innovation (ou tout résultat souhaitable tel que la réduction des émissions de GES) ne soit spécifiquement soutenue, la manière dont un organisme de réglementation de l’énergie est tenu de fonctionner peut miner sa capacité à éventuellement promouvoir des approches innovantes. Compte tenu des contraintes en termes de ressources, il peut être difficile pour les organismes de réglementation de l’énergie de justifier le déploiement de ressources vers des efforts d’innovation qui ne relèvent pas de la compétence réglementaire définie dans les lois.

Il ne fait aucun doute que les obstacles décrits ci-dessus ont existé au Canada. Toutefois, un certain nombre d’entre eux ont été supprimés. Aujourd’hui, le mandat réglementaire inclut clairement l’innovation. Dans certains cas, comme en Ontario, les objectifs de la législation ont été modifiés pour refléter cela. Dans d’autres provinces, les organismes de réglementation sont tout à fait capables de déduire des déclarations des gouvernements et des objectifs en matière d’énergie propre que la réduction du carbone est la priorité absolue de tous les gouvernements. Nous n’avons pas besoin de plus d’objectifs. Ce dont nous avons besoin, ce sont des pratiques et des procédures qui permettront d’utiliser les nouvelles technologies. Il est maintenant évident que les organismes provinciaux de réglementation de l’énergie au Canada ont un rôle important à jouer pour diriger cet effort.

Les marchés concurrentiels ouverts sont conçus pour absorber les nouvelles technologies. Ce n’est pas le cas des marchés réglementés. Pour atteindre les nouveaux objectifs du Canada en matière de carbone, il faudra adopter de nouvelles technologies à un rythme beaucoup plus rapide que par le passé. Nous devons faire en sorte qu’il soit plus facile pour les nouvelles technologies de devenir opérationnelles au sein du réseau électrique.

Les bulletins d’orientation réglementaire

La procédure introduite récemment par la Commission de l’énergie de l’Ontario est très importante. En langage ordinaire, on l’appellerait un bulletin d’orientation réglementaire. En langage branché, on l’appelle l’Espace innovation. Ce que ce terme indique, c’est la nécessité d’entretenir une communication ouverte entre l’organisme de réglementation et les services publics et non publics.

Les deux bulletins cités et reproduits en annexe représentent un renversement des déclarations de politique antérieures de la Commission. La CEO a dit à Toronto Hydro qu’elle ne pouvait pas posséder et exploiter des installations de recharge de VE[32] pour ensuite renverser cette décision par un bulletin du personnel quatre ans plus tard[33]. De la même manière, la CEO a dit à Toronto Hydro qu’elle ne pouvait pas posséder de système de stockage derrière le compteur[34], avant de revenir sur sa décision par le biais d’un bulletin du personnel l’année suivante[35].

Il peut sembler étrange que le personnel de la Commission annule une décision de la Commission. Il n’y a rien de mal à cette procédure. L’avis du personnel de la Commission n’est pas contraignant pour la Commission. La Commission a été parfaitement claire à ce sujet. Ce processus n’est pas non plus unique. D’autres organismes de réglementation de l’énergie publient souvent des bulletins afin de fournir des mises à jour sur la façon dont ils interprètent et appliquent leur législation. L’avantage de cette nouvelle procédure est qu’elle offre une réglementation en temps réel. C’est ce qu’il faut pour réduire les niveaux de carbone au degré indiqué dans les plus récents objectifs établis par le gouvernement du Canada.

D’autres organismes de réglementation de l’énergie au Canada adopteront bientôt ce nouveau processus. L’expérience acquise au Canada jusqu’à présent suggère qu’il serait préférable que les organismes de réglementation offrent des procédures réglementaires claires tant pour les bulletins d’orientation réglementaire que pour les projets pilotes technologiques. Dans les deux cas, l’organisme de réglementation doit définir clairement ce que la demande doit contenir et les critères sur lesquels elle sera jugée. L’autre question que les organismes de réglementation doivent aborder est le degré de transparence du processus. Nous devons nous rappeler que l’objectif global est de promouvoir les nouvelles technologies qui aideront le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone. Cela nécessitera des rapports complets et détaillés à la fois de la part des candidats aux projets pilotes technologiques et de l’organisme de réglementation.

Projets pilotes technologiques

En 2020, il y a eu trois décisions concernant des projets pilotes technologiques au Canada. Les deux organismes de réglementation ont tenu compte d’un certain nombre de facteurs dans ces demandes. Ces demandes sont nouvelles. Le processus n’est jamais parfait dans les premiers cas. Comme dans le cas des bulletins d’orientation réglementaire, un certain nombre de questions viennent à l’esprit.

La première question est la suivante : doit-il y avoir une ligne directrice pour les projets pilotes technologiques qui définisse ce que doit contenir une demande retenue? La question suivante est : que doit-elle contenir? Par exemple, devrait-elle contenir les éléments suivants :

  1. un calcul de la réduction estimée des émissions de carbone que le projet devrait permettre d’atteindre;
  2. une contribution en capital supérieure au montant engagé par les contribuables, un partenaire technologique participant;
  3. un engagement à recueillir toutes les données pertinentes et à les mettre à la disposition du public;
  4. un engagement à élaborer une analyse de rentabilité avant le développement à grande échelle.

La ligne directrice pour les projets pilotes technologiques devrait également préciser si un rapport annuel détaillé sera exigé ou non et, dans l’affirmative, ce qu’il devrait contenir, comme les éléments suivants :

  1. une comptabilité des dépenses par rapport au budget;
  2. toute communication avec les clients concernés;
  3. toute preuve d’atteinte au réseau;
  4. toute communication avec les partenaires municipaux;
  5. un rapport sur toute propriété intellectuelle créée.

La nature de ces exigences variera selon l’organisme de réglementation. L’important est de les définir et de s’assurer que les candidats comprennent ce qui doit figurer dans la demande et quelles seront les exigences en matière de rapports.

L’importance du critère préliminaire

Le présent article examine cinq décisions, dont deux décisions sur le financement de l’innovation par la BCUC. Il y a également eu deux décisions sur des projets pilotes technologiques par la Commission de l’énergie de l’Ontario. Elles concernaient toutes deux la décarbonisation du gaz naturel, l’une par injection d’hydrogène et l’autre par injection de bio-méthane. La seule décision prise par l’organisme de réglementation de la Nouvelle-Écosse était une décision concernant un projet pilote technologique qui impliquait une proposition de NS Power de tester un nouveau logiciel qui pourrait potentiellement augmenter l’efficacité des RED exploitées par le service public.

Toutes ces décisions ont été extrêmement bien rédigées avec une analyse minutieuse. La Commission de la Nouvelle-Écosse avait toutefois un énorme avantage. Elle a pu s’appuyer sur un document de 110 pages déposé par NS Power le 5 novembre 2018, intitulé Capital Planning and Capital Expenditure Justification Criteria (critères de planification d’immobilisations et de justification des dépenses d’immobilisation). Ce document avait été déposé par NS Power avant le dépôt de la demande pour le projet pilote technologique. Il s’est avéré très utile car il contenait à la section 17.2 une définition des critères de justification des investissements en capital d’innovation. L’organisme de réglementation de l’Ontario n’avait pas l’avantage d’une telle définition.

Il s’avère que cette définition est très importante tant pour le demandeur que pour le décideur. Dans le présent article, elle est appelée le critère préliminaire. Le demandeur doit savoir à quels critères il doit répondre et l’organisme de réglementation doit s’appuyer sur le même critère pour déterminer s’il a été respecté. Dans cette section, nous avons abordé toutes les questions réglementaires qui se sont posées dans les trois projets pilotes technologiques. Les différents organismes de réglementation auront des interventions différentes, mais ces questions réglementaires devront probablement être abordées dans la plupart des cas.

Conclusion

Ce ne sont pas les capitaux qui manquent pour financer les projets d’énergie renouvelable au Canada. On ne manque pas non plus d’objectifs et d’engagements ambitieux pour réduire la quantité de carbone dans l’atmosphère. Partout au Canada, les gouvernements se tournent vers leurs organismes de réglementation de l’énergie et leur demandent d’agir et de montrer la voie à suivre. C’est la raison pour laquelle le gouvernement de l’Ontario a modifié, en octobre 2020, la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario pour indiquer clairement à la CEO qu’elle avait un nouvel objectif : « Faciliter l’innovation dans le secteur de l’électricité ». D’autres gouvernements suivront bientôt.

ANNEXE A

Commission de l’énergie de l’Ontario, Bulletin, Electric Vehicle Charging, 7 juillet 2016.

https://www.oeb.ca/oeb/_Documents/Documents/OEB_Bulletin_EV_Charging_20160707.pdf

Commission de l’énergie de l’Ontario, Bulletin, Ownership and operation of behind-the-meter energy storage assets for remediating reliability of service, 6 août 2020

https://www.oeb.ca/sites/default/files/OEB-Staff-Bulletin-ownership-of-BTM-storage-20200806.pdf

ANNEXE B

Michigan Public Service Commission, In the Matter of The Commission’s Own Motion to Establish MI Power Grid, Case No. U-20645, February 4, 2021

Exhibit A

https://mi-psc.force.com/sfc/servlet.shepherd/version/download/068t000000J90K1AAJ

ANNEXE C

Commission de l’énergie de l’Ontario, Enbridge Gas Inc., EB-2019-0294, Decision and Order, 29 octobre 2020 à la p.15. Condition of Proceeding with the Pilot Project

https://www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/691859/File/document

 

  1. Re Toronto Hydro-Electric System Limited (22 février 2012), EB-2010-0142, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/329716/File/document> [Toronto Hydro-Electric]; Re Nova Scotia Power Incorporated (4 janvier 2018), 2018 NSUARB 1, en ligne : Nova Scotia Utility and Review Board <www.canlii.org/en/ns/nsuarb/doc/2018/2018nsuarb1/2018nsuarb1.html>.
  2. Le très honorable Justin Trudeau, « Le premier ministre annonce le plan climatique renforcé du Canada pour protéger l’environnement, créer des emplois et soutenir les communautés » (11 décembre 2020), en ligne: <pm.gc.ca/fr/nouvelles/communiques/2020/12/11/premier-ministre-annonce-plan-climatique-renforce-du-canada>.
  3. Commission de l’énergie de l’Ontario, Bulletin, « Ownership and Operation of Behind-the-Meter Storage Assets for Remediating Reliability of Service » (6 août 2020), en ligne (pdf): <www.oeb.ca/sites/default/files/OEB-Staff-Bulletin-ownership-of-BTM-storage-20200806.pdf>.
  4. Re FortisBC Energy Inc. and FortisBC Inc. (22 juin 2020), G-165-20, G-166-20 aux pp 148, 154, en ligne: British Columbia Utilities Commission <www.bcuc.com/Documents/Decisions/2020/DOC_58466_2020-06-22-FortisBC-MRP-2020-2024-Decision.pdf> [FortisBC].
  5. James Coyne et al, « Les contribuables devraient-ils financer l’innovation? » (2018), 6:3 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 49.
  6. Supra note 4 à la 154 (L’innovation pour les services publics d’électricité a été rejetée en raison de l’absence d’un plan d’affaires montrant les avantages aux contribuables).
  7. Re Nova Scotia Power Incorporated (7 mai 2020), 2020 NSUARB 63, en ligne: Nova Scotia Utility and Review Board <www.canlii.org/en/ns/nsuarb/doc/2020/2020nsuarb63/2020nsuarb63.html> [Nova Scotia Power].
  8. Re Enbridge Gas Inc. (29 octobre 2020), EB-2019-0294, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/691859/File/document>.
  9. Re Enbridge Gas Inc. (24 septembre 2020), EB-2020-0066, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/687754/File/document>.
  10. Commission de l’énergie de l’Ontario, supra note 3.
  11. Re Toronto Hydro-Electric System Limited (19 décembre 2019), EB-2018-0165, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/663131/File/document> [Toronto Hydro-Electric 2019].
  12. Tous les bulletins courants sont présentés dans Brian A. Facey et Cassandra Brown, Competition Act: Commentary and Annotation, 2021, Lexis Nexis Canada, 2021 aux pp 339–57.
  13. Commission de l’énergie de l’Ontario, Bulletin, « Electric Vehicle Charging » (7 juillet 2016), en ligne (pdf): <www.oeb.ca/oeb/_Documents/Documents/OEB_Bulletin_EV_Charging_20160707.pdf>.
  14. British Columbia Utilities Commission, Rapport, « Inquiry into the Regulation of the Electric Vehicle Charging Service » (26 novembre 2018), en ligne (pdf ): <www.bcuc.com/Documents/Proceedings/2018/DOC_52916_2018-11-26-PhaseOne-Report.pdf>.
  15. Michigan Public Service Commission, Rapport, « Utility Pilot Best Practices and Future Pilot Areas » (30 septembre 2020), en ligne (pdf): <www.michigan.gov/documents/mpsc_old/MPG_Pilots_Report_Draft073120_698001_7.pdf>.
  16. In the Matter of The Commission’s Own Motion to Establish MI Power Grid (4 février 2021), U-20645, en ligne: Michigan Public Service Commission <mi-psc.force.com/sfc/servlet.shepherd/version/download/068t000000J90K1AAJ>.
  17. Nova Scotia Power, supra note 7.
  18. FortisBC, supra note 4.
  19. Enbridge Gas Inc., supra note 8.
  20. Voir Re Greater Sudbury Hydro (31 août 2005), EB-2005-0234 à la p 6, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.oeb.ca/documents/cases/RP-2005-0018/decision_310805.pdf>.
  21. Manitoba Hydro Electric Board v Manitoba Public Utilities Board, 2020 MBCA 60.
  22. Dalhousie Legal Aid Service v Nova Scotia Power, 2006 NSCA 74.
  23. Utilities Commission Act, RSBC 1996, c 473, art 459.
  24. Re Natural Resource Gas Limited (7 février 2013), EB-2012-0396 à la p 4, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/382636/File/document>.
  25. Re Enbridge Gas Inc. (22 janvier 2021), EB-2020-0198, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/700885/File/document>.
  26. Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, annexe B, art 1(1).
  27. Michael J. Trebilcock et James Wilson, « The Perils of Picking Technology Winners in Renewable Energy » dans Gordon Kaiser et Bob Heggie, eds, Energy Law and Policy, Carswell, 2011 à la p 343.
  28. Eric Wesoff, « Long-Duration Storage Makes Progress but Regulation lags Technology », PV Magazine (27 août 2020), en ligne: <pv-magazine-usa.com/2020/08/27/long-duration-energy-storage-makes-progress-but-regulation-lags-technology/>.
  29. Joshua Pearce, « Solar is Being Held Back by Regulations not Technology », Harvard Business Review (15 décembre 2016), en ligne: <hbr.org/2016/12/solar-is-being-held-back-by-regulations-not-technology>.
  30. Tables de stratégies économiques du Canada, « Technologies propres » (2018) à la p 6, en ligne (pdf): <www.ic.gc.ca/eic/site/098.nsf/vwapj/ISEDC_TechnologiesPropres.pdf/$file/ISEDC_TechnologiesPropres.pdf>.
  31. Maria Orenstein, « What Now, Innovation Meets Energy Regulation », CanadaWest Foundation – Policy Brief (avril 2019), en ligne: <cwf.ca/research/publications/what-now-when-innovation-meets-energy-regulation/>.
  32. Toronto Hydro-Electric, supra note 1.
  33. Commission de l’énergie de l’Ontario, supra note 12.
  34. Toronto Hydro-Electric 2019, supra note 11.
  35. Commission de l’énergie de l’Ontario, supra note 3.

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