Les luttes d’idées à propos de la facturation nette de l’énergie1

Dans le cadre de la facturation nette de l’énergie (FNE), l’achat et la vente d’électricité se font au même tarif. La FNE est un accord en matière de tarification qui vise les consommateurs d’énergie ayant installé des panneaux solaires sur leur toit qui leur permet à la fois d’acheter de l’électricité auprès du réseau et d’en vendre à celui-ci. Ces consommateurs sont souvent appelés prosommateurs (prosumers). Lorsque ceuxci relient leurs panneaux solaires à un système de stockage sur batterie, ils sont appelés des « prosumagers ».

La FNE est très répandue aux États-Unis, comme en témoigne le graphique 1.

Graphique 1 : États ayant adopté la politique de la FNE en juin 2020

Source : DSIRE NC Clean Energy Technology Center. Les États en bleu foncé sont ceux qui ont adopté la FNE pour les clients résidentiels ayant des panneaux solaires photovoltaïques.

La pratique de la FNE a évolué au fil des ans. Dans la plupart des cas, on utilise sa forme la plus simple. On y recourt généralement, mais pas toujours, dans les zones où la saturation en panneaux solaires est relativement faible. Surnommée FNE 1.0, cette forme de base fait référence à une situation dans laquelle le service public compense au plein tarif de détail sur une base individuelle les consommateurs ayant installé des panneaux solaires sur leur toit pour leurs exportations d’énergie vers le réseau. La plupart des tarifs résidentiels sont des tarifs volumétriques fondés sur les coûts intégrés (et non sur les coûts marginaux) qui ne varient pas avec le temps. Ces tarifs sont également assortis d’un modeste frais fixe et sont suffisamment élevés pour récupérer la plupart des coûts fixes du réseau. Ces tarifs volumétriques élevés motivent certains consommateurs à installer des panneaux solaires. Pour sa part, la FNE raccourcit le délai de récupération de l’investissement dans les panneaux solaires et contribue à accélérer la conversion des consommateurs en prosommateurs. Selon les services publics, la FNE crée un transfert de coûts des « clients solaires » vers les « clients non-solaires », et doit donc être modifiée. Les défenseurs des consommateurs et certains groupes environnementaux ont également avancé cet argument, tandis que les représentants de l’industrie solaire estiment qu’un tel transfert de coûts ne se produit pas.

Les tentatives de réforme de la FNE se sont heurtées à une opposition farouche dans tous les cas. Hawaii a réussi à éliminer entièrement la FNE, affirmant que le réseau électrique n’avait pas la capacité d’absorber davantage d’exportations d’énergie provenant des panneaux solaires. On y a donc remplacé la FNE par l’auto-approvisionnement ou l’approvisionnement auprès du réseau. Dans le premier cas, les prosommateurs utilisent les panneaux solaires pour répondre à leurs propres besoins. Ils ne fournissent donc pas d’électricité au réseau. Essentiellement, ils se comportent comme des consommateurs à haute efficacité énergétique qui réduisent drastiquement leurs achats auprès du réseau en installant un équipement d’utilisation finale écoénergétique. Dans le second cas, ils fournissent leur surplus énergétique au réseau, mais ne sont rémunérés pour leur énergie qu’au prix de gros de l’électricité.

Dans d’autres cas, comme au Michigan, la FNE a été remplacée par un modèle d’entrée/sortie où les achats d’électricité se font au tarif de détail et les exportations au tarif de gros. D’autres États encore, comme l’Arizona, le Nevada, l’Utah et le Vermont, ont institué la facturation nette.

Certains États ont été en défaveur, puis en faveur de la nécessité de modifier la FNE, et ont finalement décidé de laisser les choses comme elles étaient au début. Ces États comprennent l’Idaho, le Kansas et le Montana. Dans ces cas, l’industrie solaire a fait valoir qu’il n’y avait pas de transfert de coûts entre les prosommateurs et les consommateurs.

Enfin, d’autres États ont laissé le concept général du FNE tel quel, mais ont envisagé d’apporter des modifications à la structure tarifaire sous-jacente en adoptant une ou plusieurs des mesures suivantes : augmentation des frais fixes, instauration d’une facture minimale, adoption de frais énergétiques variables dans le temps, adoption de frais de demande ou de frais d’accès au réseau. Dans ces États, l’industrie solaire a fait valoir que l’application de tarifs différents aux prosommateurs et aux consommateurs est discriminatoire et nullement justifiée.

Tout récemment, dans l’État de la Caroline du Sud, l’un des services publics est parvenu à un accord avec l’industrie solaire. Les conditions de cet accord englobent des frais fixes plus élevés, des frais énergétiques en fonction de l’heure de consommation, une facture minimale et des frais d’accès au réseau pour les panneaux solaires d’une puissance supérieure à 15 kW. Les clients bénéficieront d’une encouragement financier de 39 cents par watt pour installer des panneaux solaires (c.-à-d. environ 2 500 $ pour un panneau de 6 kW) s’ils acceptent de souscrire à un tarif de pointe de 25 cents par kWh pendant un maximum de 60 heures durant l’hiver et d’installer un thermostat intelligent. Les détails de cette structure tarifaire sont présentés ci-dessous.

Tableau 1 : Strucure tarifaire proposée par Duke Energy pour les clients visés par la FNE en Caroline du Sud[2]

R-STOU-61
Temps d’utilisation solaire
R-STOU (SC)
Temps d’utilisation solaire
1 Frais d’installation de base par mois 14,630 $ 13,090 $
2 Frais énergétiques
Heures de pointe critiques (par kWh) 0,253 $ 0,250 $
Heures de pointe (par kWh) 0,162 $ 0,152 $
Heures creuses (par kWh) 0,099 $ 0,088 $
Heures très creuses (par kWh) 0,073 $ 0,060 $
3 Frais non contournables par mois 0,490 $ 0,420 $
4 Frais d’accès au réseau par mois (par kW au-dessus de 15 kW) 3,950 $ 5,860 $
5 Frais énergétiques pour les clients et la distribution
Heures de pointe (par kWh) 0,029 $ 0,037 $
Heures creuses (par kWh) 0,023 $ 0,025 $
Heures très creuses (par kWh) 0,019 $ 0,018 $
6 Facturation minimum 30,000 $

 

En règle générale, chaque fois que des modifications sont proposées à la FNE, on vise à étendre la période de récupération des coûts auprès des futurs prosommateurs potentiels et à réduire ainsi la probabilité que des clients deviennent des prosommateurs. En modifiant la FNE, on veut atténuer le transfert de coûts qui, selon les services publics, se produit entre les clients visés par la FNE et ceux qui ne le sont pas, tout en s’assurant que les consommateurs reçoivent de bons signaux de prix au sujet de la consommation énergétique et du déploiement de l’énergie solaire photovoltaïque.

La situation en Californie

Environ la moitié des 2,2 millions d’installations de panneaux solaires sur toit aux États-Unis se trouvent en Californie. Depuis 2016, on applique la FNE 2.0. Dans le cadre de cette politique, les « clients solaires » doivent payer un tarif énergétique obligatoire en fonction de l’heure de consommation, qui s’accompagne également d’une facture minimale d’environ 10 dollars par mois. Le tarif auquel ils importent de l’électricité du réseau varie selon l’heure de la journée, mais leurs exportations énergétiques vers le réseau se font au même prix. Sur le plan financier, tout ce qui compte, c’est la consommation nette par période tarifaire. Les heures de pointe se situent en fin de journée, ce qui reflète le phénomène de la courbe en canard [c.-à-d. dont la silhouette ressemble à un canard]. Pour l’un de ces tarifs, la période de pointe s’étend de 16 heures à 21 heures, soit la période pendant laquelle l’énergie propre n’est généralement pas disponible sur le réseau.

En revanche, les consommateurs qui ne sont pas des prosommateurs ont jusqu’à récemment payé un tarif volumétrique fixe pour les trois services publics appartenant à des investisseurs. Pour deux de ces trois services publics, il n’y a pas eu de frais fixes du tout. Pour la troisième, les frais mensuels fixes ont été d’environ un dollar par client.

La California Public Utilities Commission (CPUC) a lancé une procédure pour envisager le remplacement de la FNE 2.0 par la FNE 3.0.[3] Son personnel a publié une étude rétrospective qui a conclu à un transfert de coûts de trois milliards de dollars des prosommateurs vers les consommateurs. Le 15 mars 2021, plusieurs parties ont déposé des rapports auprès de la CPUC. Les services publics appartenant à des investisseurs ont déposé un rapport conjoint axé sur les points suivants[4] :

  • La FNE 2.0 est trop généreuse. Les coûts d’installation des panneaux solaires ont baissé, ce qui fait que la compensation liée à la FNE s’est accrue. Ils prétendent que la période de récupération est maintenant réduite à trois ou quatre ans, alors que la compensation liée à la FNE est encore prévue pour une période de 20 ans.
  • La FNE 2.0 fait en sorte qu’on transfère les coûts aux non-participants. Or, le fait de facturer des prix plus élevés aux non-participants entraînent une diminution de la consommation d’électricité.
  • Ce sont les clients à revenu élevé qui adoptent l’énergie solaire de façon disproportionnée, et cela crée un problème d’accessibilité pour les clients au revenu admissible.
  • La FNE ne fournit pas de signaux de prix pour promouvoir l’électrification.

Les services publics ont proposé une modification à plusieurs volets de la FNE 2.0 qui réduirait considérablement la compensation d’exportation pour les prosommateurs et leur imposerait trois nouveaux types de frais : des frais fixes, une facture minimale plus élevée et, surtout, des frais d’accès au réseau. Par rapport aux propositions soumises ailleurs par les services publics, cette proposition est de loin la plus ambitieuse. Elle aura un impact négatif sur l’économie des panneaux solaires sur toiture. Selon les propres calculs des services publics, la période de récupération sera probablement prolongée de dix ans.[5]

La FNE 3.0 proposée par les services publics vise à :

  • supprimer les subventions pour les nouveaux clients qui n’en ont pas besoin;
  • encourager les clients de l’énergie solaire à relier leurs panneaux solaires à un système de stockage sur batterie;
  • éliminer le transfert de coûts aux non-participants en basant les valeurs d’exportation sur le calcul des coûts évités par la CPUC et en faisant payer aux clients leur part des coûts facturés à la clientèle ainsi que des coûts du réseau et des programmes d’intérêt public;
  • encourager la distribution de l’énergie solaire au sein des communautés sous-représentées au moyen de subventions transitoires et d’un rabais sur la redevance pour profiter des avantages du réseau;
  • éliminer les vérifications annuelles, tout en assurant la transparence au sujet de la compensation des exportations et de la responsabilité de l’entretien du réseau;
  • fournir une compensation facultative du tarif lié à la valeur de l’énergie distribuée;
  • imposer une structure tarifaire uniforme entre les services publics;
  • promouvoir l’ajout d’un système de stockage sur batterie aux panneaux solaires en offrant une compensation plus élevée pour les moments de la journée à valeur plus élevée;
  • assurer la neutralité entre les entités d’approvisionnement énergétique en définissant les crédits et les frais qui sont fixés par ces entités et ceux fixés par le service public de distribution;
  • faire en sorte que les nouveaux clients de la production décentralisée (PD) soient desservis à des tarifs par défaut fondés sur les coûts en tenant compte d’éléments tels que les tarifs standards en fonction de l’heure de consommation et les frais d’utilisation.

Comme prévu, l’industrie solaire et les défenseurs de l’énergie propre contestent vivement l’ampleur et parfois même l’existence d’un tel « transfert de coûts ». L’industrie solaire entend démontrer que le transfert de coûts des 10 GW des systèmes de FNE 1.0 et 2.0 existants visant les panneaux solaires installés sur les toits n’est pas plus important que les coûts supérieurs au marché de la production à l’échelle du service public établis à ce jour dans le cadre du programme de normes du portefeuille d’énergie renouvelable (NPER). Donc, si la Californie n’avait pas de programme pour les panneaux solaires installés sur les toits, elle aurait été obligée de produire plus d’énergies renouvelables conformément aux NPER à l’échelle des services publics, ce qui aurait produit un « transfert de coûts » comparable aux coûts supérieurs au marché. Dans tous les cas, les contribuables n’auraient donc pas échappé à ces coûts supérieurs au marché! Ces coûts supérieurs au marché (tant ceux associés aux NPER qu’aux panneaux solaire installés sur les toits) sont en grande partie attribuables à la baisse rapide des coûts des technologies associées aux énergies renouvelables au cours des 15 dernières années.

L’industrie solaire est d’accord pour réduire la compensation d’exportation énergétique de 50 % sur cinq ans et pour faire passer les futurs clients de la FNE aux tarifs en fonction de l’heure de consommation, mais refuse d’apporter d’autres changements. Plus précisément, elle a proposé les éléments suivants[6] :

  • En vertu du nouveau tarif proposé, les clients profitant d’une production décentralisée d’énergie renouvelable paieraient un tarif différent pour l’énergie tirée du service public et pour la production excédentaire d’énergie exportée vers le service public.
  • Les clients de Pacific Gas & Electric (PG&E) et de San Diego Gas & Electric (SDG&E) seraient tenus de prendre le service à partir de l’un des tarifs standards en fonction de l’heure de consommation offerts par le service public, ce qui inciterait davantage de clients à se doter d’un système de stockage sur batterie. Les clients de Southern California Edison (SCE) pourraient continuer à utiliser les tarifs résidentiels en fonction de l’heure de consommation par défaut et le tarif d’électricité.
  • On procéderait à une réduction progressive sur cinq ans de la compensation, axée sur la réduction du taux d’exportation d’énergie.
  • On utiliserait les tarifs en fonction de l’heure de consommation récemment adoptés par la Commission. Il y aurait un écart important entre les tarifs d’activation et de désactivation, qui se rapprocheraient des coûts marginaux, entraînant ainsi une compensation plus faible pour les panneaux solaires uniquement, ce qui encouragerait les clients à doter leurs panneaux solaires sur toit d’un système de stockage sur batterie.
  • On intégrerait d’autres types de ressources énergétiques décentralisées (DER). Il y aurait un programme fondé sur une plateforme de tarifs en fonction de l’heure de consommation qui ne serait pas propre à l’énergie solaire ou à la FNE.
  • On continuerait à offrir les avantages secondaires aux clients. Il y aurait une exemption des frais d’approvisionnement de départ, des frais de veille et des frais de mise à niveau de l’interconnexion.
  • Il y aurait des modalités et des règles de facturation. On mettrait à jour les tarifs de compensation de l’excédent net pour utiliser une moyenne mobile sur 12 mois des valeurs adoptées du Avoided Cost Calculator (calculateur de coûts évités). Les clients seraient autorisés à surdimensionner leurs systèmes solaires jusqu’à 50 %, la production excédentaire étant compensée aux taux de compensation de l’excédent net basés sur les coûts évités.
  • On utiliserait une facture mensuelle par défaut, avec une mise à jour annuelle en avril.

L’industrie solaire soutient que son analyse porte sur les coûts et les avantages du cycle de vie des panneaux solaires sur les toits, contrairement à la proposition des services publics appartenant à des investisseurs. Un résumé des propositions des services publics et de l’industrie solaire est fourni dans les tableaux 2 et 3.

Tableau 2 : Frais proposés par PG&E[7],[8]

Été Hiver Frais au profit du réseau Frais pour le client Coût de l’excédent net
Types de tarifs Heures de pointe Heures partiellement de pointe Heures hors pointe Heures de pointe Heures partiellement de pointe Heures hors pointe
$/kWh $/kWh $/kWh $/kWh $/kWh $/kWh $/*kWh/mois $/mois $/kWh
Tarif de compensation des exportations 0,13 0,08 0,06 0,06 0,05 0,05
Tarif résidentiel par défaut (E-DER) 0,40 0,27 0,22 0,23 0,21 0,20
Autres frais 10,93 20,66 0,03

 

Tableau 3 : Frais proposés par vote solar et SEIA pour les clients de PG&E[9]

Été Hiver California Climate Approvisionnement minimal Coût de l’excédent net
Heures de pointe Heures partiellement de pointe Heures hors pointe Heures de pointe Heures partiellement de pointe Heures hors pointe
$/kWh $/kWh $/kWh $/kWh $/kWh $/kWh $ $/jour $/kWh
Tarif de compensation des exportations, 2023 0,50 0,39 0,18 0,37 0,35 0,18
Tarif de compensation des exportations, 2027 0,25 0,19 0,09 0,18 0,18 0,09
Tarif résidentiel par défaut (EV2A) 0,50 0,39 0,18 0,37 0,35 0,18
Autres frais (17.20) 0,33 0,059

Remarque : Le California Climate Credit est un paiement semestriel par ménage.
Le montant minimum de la facture d’approvisionnement en énergie est facturé par compteur électrique.

La CPUC a organisé un atelier de deux jours les 23 et 24 mars pour examiner les propositions. Les audiences de présentation de preuves auront lieu à la fin juillet et au début août.

Quel sera l’impact probable de la proposition des services publics sur l’adoption par les clients de panneaux solaires sur leur toit?

Nous nous sommes fondés sur des modèles économétriques de demande pour prédire l’adoption de l’énergie solaire en utilisant les données de 27 États sur une période allant de 2008 à 2018.[10] Nous constatons que l’élasticité croisée de la demande d’installations de panneaux solaires par rapport au prix de l’électricité est élevée. D’après notre analyse, une baisse de 10 % du prix de l’électricité réduirait la demande d’installations de panneaux solaires de 10 à 20 %. Nous trouvons également des preuves d’une élasticité de la demande d’installations de panneaux solaires par rapport au revenu, et que l’existence de la FNE donne un coup de pouce significatif aux installations de panneaux solaires. En termes de retour sur investissement, nous constatons qu’une augmentation d’un an de la période de retour sur investissement fait baisser le nombre d’installations de panneaux solaires de 6 %. Ainsi, une augmentation de la période de récupération de 10 ans, telle que celle proposée par les services publics, ferait chuter le nombre d’installations de panneaux solaires de plus de la moitié.

Post-scriptum

La Californie consacre 1,5 milliard de dollars annuellement à ses programmes d’efficacité énergétique. Cet argent est versé sous forme d’incitations financières, telles que des remises et des financements à faible taux d’intérêt aux propriétaires afin de réduire la période de remboursement de leur éventuelle adoption d’un équipement à haut rendement énergétique. Une fois cet équipement installé, celui-ci réduit considérablement la consommation d’énergie de son propriétaire. Comme les coûts marginaux sont inférieurs aux coûts moyens, une telle réduction de la consommation d’énergie crée un transfert de coûts des clients non efficaces sur le plan énergétique vers les clients efficaces à cet égard. Étonnamment, aucune voix ne s’est élevée pour demander qu’une étude rétrospective soit réalisée afin de quantifier le transfert de coûts et de modifier les politiques d’efficacité énergétique de l’État pour atténuer l’incitation des clients à devenir plus efficace sur le plan énergétique.

L’EXPÉRIENCE CANADIENNE

Le mesurage net a commencé au Canada le 9 mars 2004, lorsque la British Columbia Utility Commission a établi le premier tarif[11]. Elle avait été demandée dans le plan énergétique de 2002 du gouvernement de la Colombie-Britannique, publié en novembre 2002, intitulé Energy for the Future. Ce document indiquait en partie que la British Columbia Hydro Power Authority, connue sous le nom de BC Hydro, élaborerait des politiques comme le mesurage net pour appuyer l’objectif volontaire d’acquérir 50 % du nouvel approvisionnement en électricité auprès de sources propres en Colombie-Britannique au cours des 10 prochaines années. L’Ontario a emboîté le pas deux ans plus tard. Aujourd’hui, l’ensemble des neuf provinces et des trois territoires du Canada offrent le mesurage net. En Alberta et au Yukon, on appelle ce type d’approvisionnement la microgénération et non le mesurage net. En Alberta et en Ontario, le programme est établi par les règlements du gouvernement provincial.

De façon générale, le mesurage net est partout le même au pays. Les clients peuvent exploiter leur propre installation de production pour autant qu’il s’agisse d’énergie renouvelable et qu’ils vendent leur surplus d’énergie au réseau au même prix qu’ils l’achètent. La taille de l’équipement de production d’énergie varie. Au Manitoba, elle est limitée à 200 kW, en Ontario, à 500 kW et au Nunavut, à 10 kW. Il y a toutefois une exception. En 2020, la Colombie-Britannique a sorti des rangs et a supprimé la restriction sur la quantité après des consultations et un rapport approfondis sur la question. Auparavant, la limite de capacité nominale de la Colombie-Britannique était de 100 kW, par comparaison à 500 kW en Ontario.

Vous trouverez ci-dessous une description détaillée des programmes de mesurage net en Colombie-Britannique, en Ontario et en Alberta, rédigée par des experts en la matière de ces provinces. Ces trois provinces représentent 95 % de la production solaire au Canada, dont l’Ontario, pour sa part, produit 85 %.

Perspective de la Colombie-Britannique[12]

La British Columbia Utilities Commission (BCUC) possède une vaste expérience du mesurage net (MN), ayant approuvé son premier programme de MN en 2004. Auparavant, les jours chauds et ensoleillés où les panneaux solaires sur le toit de la propriété d’un client produisaient plus d’électricité que ce dont le client avait besoin, celui-ci ne recevait aucune compensation pour l’énergie retournée dans le réseau (elle était en fait « donnée » au service public). De toute évidence, cette situation désavantageait la production décentralisée (PD) à petite échelle par rapport à la production d’énergie connectée au réseau, et c’était un problème que nous voulions régler.

Un tarif de MN offrait une solution simple à ce problème : l’énergie fournie au réseau par un client serait déduite des volumes qu’il a achetés du service public, et la différence nette seulement serait facturée au client. Cette méthode de facturation simplifiée ne s’est pas traduite par une subvention, car le tarif de détail résidentiel (6,05 c/kWh) à ce momentlà se rapprochait de la valeur marchande de la production (5,4 c/kWh). De plus, en appliquant le tarif de MN, si un client produisait plus d’électricité qu’il n’en avait utilisé au cours de la même année, le surplus était compensé au prix (5,4 c/kWh).

La BCUC a reconnu que ces intrants clés pouvaient changer au fil du temps, et a donc déclaré que le tarif de MN était conditionnel à une production et à une distribution qui n’entraînent pas de coûts importants pour le service public et qui n’imposent pas d’obstacles démesurés pour les contribuables qui désirent participer au programme de facturation nette. La taille du générateur permettant de participer au programme a été plafonnée à 50 kW[13].

Quelques années plus tard, en 2009, la BCUC a examiné une demande d’un intervenant visant à augmenter le prix payé aux clients du programme de MN afin d’encourager davantage l’investissement dans la production décentralisée. Cette demande a été rejetée parce qu’elle était considérée comme relevant de la politique gouvernementale :

[Traduction]

La province n’a pas encore émis de directive à la Commission en ce qui concerne la tarification incitative et le rôle précis du programme de mesurage net dans l’atteinte des objectifs de conservation. Jusqu’à ce qu’une telle directive soit émise, la Commission ne peut présumer des détails d’une éventuelle politique gouvernementale. La Commission n’est donc pas convaincue qu’elle devrait enjoindre à BC Hydro d’inclure une composante incitative dans le prix du mesurage net pour le moment[14].

En 2012, la British Columbia Hydro and Power Authority (BC Hydro) a déposé une demande de modification du tarif de MN. La BCUC a reconfirmé les objectifs du programme dans la décision qui en a résulté, en déclarant :

[Traduction]

Pour que le programme de mesurage net contribue de façon plus significative à aider BC Hydro à respecter ses obligations, des objectifs clairs qui mettent l’accent sur l’efficacité et l’efficience économiques devraient être fixés pour le programme… Le comité consultatif estime qu’il est important de définir clairement le succès afin d’évaluer les progrès et d’apporter les changements nécessaires… Le comité consultatif est d’avis que les obstacles économiques inutiles et d’autres natures à l’investissement dans la PD propre à petite échelle devraient être atténués, pour autant que les mesures d’atténuation n’entraînent pas de coûts importants pour le service public ou ne transfèrent pas inutilement les coûts à d’autres contribuables[15].

En 2012, des changements à la fois dans la valeur de gros estimée de l’énergie et dans le tarif de détail avaient été observés. La valeur de gros de l’énergie est passée de 5,4 c/kWh à 9,99 c/kWh (selon le Programme d’offre standard [POS][16] de BC Hydro). Le tarif de MN a donc été mis à jour pour utiliser cette valeur plus élevée afin de compenser toute production d’énergie des clients qui dépasse leur consommation annuelle retournée dans le réseau.

Cependant, le tarif de détail résidentiel (auparavant de 6,05 c/kWh) avait également augmenté — il s’agissait maintenant d’un tarif à paliers, le premier se situant à 6,67 c/kWh et le deuxième devant augmenter à 12,96 c/kWh. Ainsi, il n’était pas clair si le programme de MN surcompensait ou sous-compensait les 116 clients du programme de MN pour l’énergie retournée dans le réseau et utilisée pour compenser la consommation différentielle d’un client. La décision indiquait l’exprimait en ces mots :

[Traduction]

Cela soulève deux préoccupations pour le tribunal. La première est que le fait de payer un prix plus élevé que le prix POS [le prix payé aux plus gros producteurs] aux clients du programme de mesurage net signifie que le prix payé pour l’énergie dans le cadre du programme de facturation nette pourrait être indûment préférentiel, ce qui contrevient à l’article 59 de la Loi. Pourquoi les clients du programme de mesurage net devraient-ils bénéficier d’un tarif plus élevé pour l’énergie qu’ils produisent que les producteurs du POS? Toutefois, à cet égard, la Commission a déclaré dans l’ordonnance G‐26‐04 que [traduction] « le déplacement limité des coûts aux clients non participants était justifié pour appuyer la mise en œuvre du mesurage net pour la production d’énergie renouvelable distribuée ». La deuxième préoccupation est que les clients qui reçoivent un prix inférieur au tarif du POS subventionnent l’énergie qu’ils fournissent à BC Hydro. Ils font ainsi face à un facteur de dissuasion, comparativement aux autres producteurs décentralisés qui ne sont pas dans la même situation[17].

Pour répondre à cette préoccupation, la BCUC a demandé à BC Hydro de fournir une analyse du crédit à l’énergie estimé versé aux clients du programme de FMN dans son prochain rapport d’évaluation du mesurage net.

De plus, la BCUC a examiné la demande d’un client qui désirait augmenter la limite de la taille des générateurs de 50 kW à 100 kW, afin que ces plus grands groupes électrogènes puissent également ouvrir droit à une compensation pour l’énergie retournée dans le réseau. La BCUC a reconnu que le programme de MN n’était pas la seule solution possible à ce problème et a donc demandé à BC Hydro de consulter les participants du marché touchés afin de cerner les obstacles à la participation pour les petits producteurs d’énergie propre distribués de 2 MW, d’élaborer et d’évaluer des options pour éliminer ces obstacles et de présenter les résultats de cette consultation dans leur prochain rapport d’évaluation du programme de mesurage net[18].

BC Hydro a par la suite augmenté la taille des générateurs qui pouvaient participer au programme de mesurage net de 50 kW à 100 kW[19].

Le programme de MN a évolué récemment en 2020 — à ce moment-là, le marché s’était transformé en profondeur. La C.B. prévoit maintenant demeurer en situation de surplus d’énergie pendant de nombreuses années, de sorte que le prix du MN payé pour la production excédant la consommation annuelle a été rajusté pour refléter la valeur annuelle des exportations d’énergie de BC Hydro (4,0 c/kWh en 2021), avec une mise en œuvre graduelle sur cinq ans pour les clients actuels du programme de MN. La BCUC a également demandé à BC Hydro de présenter un rapport d’évaluation du programme de mesurage net à jour afin d’estimer, entre autres choses, le déplacement des coûts entre les participants et les non-participants et de proposer des options pour régler le problème des déplacements de coûts[20].

La BCUC a également examiné une demande de BC Hydro visant à limiter la taille de l’installation de production à la consommation annuelle des clients. Cette demande a été rejetée, car la BCUC a conclu que la restriction proposée pourrait empêcher les clients d’installer le générateur de la taille la plus économique possible et que le prix de l’énergie fondé sur le marché payé pour la production dépassant la consommation annuelle atténuerait suffisamment toute préoccupation liée au déplacement des coûts.

Le rapport d’évaluation du MN de 2020 déposé récemment par BC Hydro montre que la valeur de l’énergie retournée dans le réseau est maintenant passée de 9,99 c/kWh en 2012 à 3,2 c/kWh pour l’année fiscale  2020, tandis que le tarif de détail moyen reçu par les clients du programme de MN pour cette énergie est passé à 10,71 c/kWh (pour l’année fiscale 2019). De plus, le coût des panneaux solaires photovoltaïques a considérablement diminué au cours de la dernière décennie, et la participation au programme de MN a augmenté considérablement, passant de 116 clients en 2011 à plus de 2 600 en 2021. Le rapport de BC Hydro sur le MN concluait qu’il fallait modifier le tarif de MN, car on prévoyait une augmentation de la participation au programme de MN, pour tenir compte de l’interfinancement et établir un tarif économiquement efficient[21].

En résumé, le programme de MN a évolué au fil du temps à mesure que les intrants fondamentaux ont changé : il y a eu des changements dans les tarifs de détail, la valeur de la production d’énergie retournée dans le réseau, le nombre de participants au programme de MN et la maturité de l’industrie de la PD. De plus, les améliorations apportées aux compteurs et à la facturation ont également atténué les avantages liés à la simplicité obtenus lors de la mise en place du programme.

Cependant, en examinant l’historique du programme de MN de la Colombie-Britannique depuis sa création en 2004, on constate que l’objectif clé du tarif est demeuré le même : fournir des signaux de prix efficaces aux clients qui désirent à investir dans la production décentralisée.

Il ne faut donc pas s’étonner que différentes administrations aient des approches différentes en matière de mesurage net — la situation à Hawaï ou en Ontario est différente de celle de la Colombie-Britannique. Il ne faut pas non plus s’étonner qu’un programme de MN évolue avec le temps, et il pourrait y avoir d’autres changements à mesure que l’industrie se développe.

Dans tous ces changements, la BCUC demeure déterminée à jouer son rôle d’organisme de réglementation économique — neutre sur les plans politique et technologique — en mettant l’accent sur les avantages pour les contribuables. Pour promouvoir l’efficacité économique, la production décentralisée devrait être sur un pied d’égalité avec d’autres options comme la production d’énergie reliée au réseau et l’efficacité énergétique; le tarif de MN a été mis en place à cette fin. Notre objectif est de continuer à cerner et à éliminer les obstacles du marché et à soutenir l’innovation afin que tous les clients puissent tirer parti de la transformation du marché de l’énergie.

Une perspective ontarienne[22]

Le programme de fracturation nette de l’Ontario est entré en vigueur en 2006 avec l’adoption du Règlement sur la facturation nette[23]. Le Règlement exigeait que les distributeurs d’électricité permettent aux clients admissibles de produire et de livrer de l’électricité au distributeur et de recevoir un remboursement. Le client ne paierait que sa consommation nette d’électricité. De cette façon, la compensation pour l’électricité retournée au réseau serait la même que le coût pour recevoir de l’électricité du réseau. Les participants ne seraient pas compensés pour l’énergie produite et retournée dans le réseau qui dépasse la quantité reçue du réseau à d’autres moments. Les clients admissibles étaient ceux qui produisaient de l’électricité uniquement à partir de sources renouvelables (solaire, hydroélectrique, biomasse ou éolienne) aux fins de leur propre consommation avec une capacité inférieure à 500 kW.

Une deuxième option, plus populaire, pour les producteurs-consommateurs était le programme microFIT. Le programme microFIT a été lancé en 2009, à la suite de l’adoption de la Loi sur l’énergie verte et l’économie verte. Dans le cadre du programme microFIT, les producteurs-consommateurs reçoivent une compensation au titre d’un système tarifaire où toute l’électricité produite par le consommateur participant est vendue au réseau électrique. La popularité du programme pourrait s’expliquer par le prix généreux (jusqu’à 0,802 $/kWh pour les panneaux solaires installés sur le toit et 0,443 $/kWh pour les installations solaires au sol au moment de la création du programme)[24]. Le consommateur n’utilise pas directement l’électricité produite. Le programme microFIT, comme le programme actuel de fracturation nette, vise les projets de petite échelle (moins de 10 kW) qui dépendent uniquement de sources renouvelables. Le programme microFIT a cessé d’accepter de nouveaux participants en 2017, mais les détenteurs de contrats avec le programme microFIT (dont la durée peut atteindre 20 ans) continuent d’être compensés pour l’électricité produite.

Après la fin du programme microFIT, l’Ontario a indiqué qu’il élargirait et améliorerait son programme de fracturation nette. Plusieurs modifications ont été apportées au Règlement sur la facturation nette et ont été mises en œuvre dans les dernières années[25]. Parmi les principaux éléments à noter, mentionnons les suivants :

  • La limite de capacité de 500 kW a été éliminée afin de permettre aux plus gros clients d’adapter la taille de leurs systèmes d’énergie renouvelable à leur charge. Pour devenir admissibles au programme de fracturation nette, les clients doivent encore produire de l’électricité principalement pour leur propre usage.
  • Les générateurs d’énergie à facturation nette continuent d’ouvrir droit à une compensation au même tarif que celui de la consommation d’électricité en tant que consommateurs. Bien qu’on ait envisagé d’octroyer aux consommateurs un crédit établi selon un tarif de compensation « fondé sur la valeur », les intervenants ont exprimé des préoccupations quant au fait qu’un tel tarif ne serait pas aussi transparent que l’utilisation des tarifs de détail[26].
  • Les participants au programme de fracturation nette seront autorisés à reporter des crédits, jusqu’à un an, lorsque la quantité d’électricité envoyée au réseau dépasse la consommation d’énergie qu’ils reçoivent du réseau au cours d’une période de facturation donnée. Ainsi, un participant ne peut pas générer plus d’énergie que celle nécessaire à sa propre consommation dans une année, mais il peut le faire pendant certaines périodes de l’année.
  • Un participant au programme de fracturation nette peut utiliser le stockage d’énergie en combinaison avec la production d’énergie renouvelable et acheminer l’électricité du générateur ou du dispositif de stockage au réseau.

Les modifications proposées récemment au Règlement sur la facturation nette par le ministère de l’Énergie de l’Ontario permettraient, si elles étaient adoptées, de proposer [traduction]« des projets de démonstration de fracturation nette communautaire[27] ». La fracturation nette communautaire serait un arrangement permettant le transfert ou le partage de crédits des installations de production d’électricité d’une collectivité à l’aide de comptes regroupant des compteurs multiples. Les installations de production d’énergie renouvelable et potentiellement de stockage d’énergie intégrées seraient utilisées pour approvisionner la collectivité et envoyer au réseau toute production dépassant les besoins de celle-ci. En approvisionnant en électricité le réseau, les comptes participants de la collectivité recevraient des crédits d’électricité qu’ils pourraient utiliser pour compenser les coûts de consommation d’électricité provenant du réseau.

À l’heure actuelle, rien n’indique si ou quand l’Ontario procédera à des projets de démonstration de fracturation nette communautaire, ni les règles et exigences particulières qui s’appliqueront.

Facturation nette en Alberta[28]

En vertu des dispositions du Micro-generation Regulation[29], la méthode de facturation nette, plutôt que le mesurage net, est utilisée pour calculer les crédits d’énergie et les frais de livraison. La facturation nette est la méthode prescrite par la législation de l’Alberta pour compenser les clients pour le surplus d’énergie électrique livrée au réseau de distribution et pour facturer au client sa consommation d’énergie électrique provenant du réseau.

Le Micro-generation Regulation permet à un client de recevoir un crédit sur sa facture d’électricité pour l’énergie électrique qu’il livre au réseau de distribution (production) pendant sa période de facturation (habituellement un mois). Le crédit est égal à la quantité d’énergie électrique fournie au réseau de distribution moins la quantité d’énergie électrique utilisée par le client au cours de la période de facturation, multipliée par le tarif d’électricité du client. Ce tarif peut varier selon que le client utilise un tarif de détail réglementé ou qu’il détient contrat concurrentiel fourni par son détaillant.

Pour faciliter le calcul, il faut un compteur bidirectionnel ayant deux registres distincts; le premier mesure la quantité totale d’énergie électrique fournie au client par le réseau de distribution et le second mesure la quantité totale d’énergie électrique livrée au réseau de distribution par le client pendant la période de facturation. Les frais de livraison sont calculés à partir de la quantité totale d’énergie mesurée dans le premier registre.

Une fois que le détaillant a accordé le crédit au client, le Micro-generation Regulation oblige l’Alberta System Operator (AESO) à compenser les détaillants pour les crédits accordés à leurs clients. À son tour, l’AESO récupère le montant versé en compensation aux détaillants par le biais de son tarif de transport. De cette façon, tous les contribuables financent les crédits de la facturation nette.

La facturation nette diffère du mesurage net, ce qui permettrait à un client de réduire la mesure de la consommation du consommateur par la quantité de production fournie au réseau de distribution, ce qui se traduit par de plus grandes économies d’énergie et en frais de livraison.

Selon l’Alberta Electric System Operator, qui recueille les données provinciales sur la micro-génération, on dénombrait environ 6 700 sites de micro-génération, dont 95 % étaient de type solaire. La puissance installée totale était d’environ 103 000 kW. Le Micro-generation Regulation fixe la limite à 5 MW. Cependant, la micro-installation doit être dimensionnée de manière à répondre à la totalité ou à une partie de la consommation annuelle totale d’énergie du client sur le site du client, c’est-à-dire que la capacité totale nominale ne peut dépasser le moindre de 5 MW ou la consommation annuelle du client. Il n’y a pas de limite quant à la quantité d’énergie que la micro-installation peut vendre au réseau à condition que la micro-installation ait la taille appropriée au moment de l’approbation et de la construction.

La capacité maximale est de 5 MW, et elle doit être adaptée à la consommation du site (c.-à-d. qu’elle ne peut pas être surdimensionnée de sorte qu’elle approvisionne constamment le réseau). Techniquement, une installation de panneaux solaires domestique pourrait vendre jusqu’à 5 MW si telle est la consommation d’énergie du site. Il n’y a pas de limite de puissance maximale. Il y a une différence dans la façon dont elle est compensée selon la taille de la micro-installation. Pour une installation de moins de 150 kW, le site obtient un compteur cumulatif bidirectionnel et le tarif d’énergie au détail. Les sites de 150 kW et plus obtiennent un compteur de mesurage d’intervalles bidirectionnel et le prix commun applicable à la période de facturation. La puissance installée des 6 630 sites solaires est de 94 572 kW. Cela représente 14 kW par site. Par conséquent, bon nombre des sites résidentiels ont une puissance de moins de 150 kW.

Le portrait national

Le mesurage net au Canada n’a pas connu un succès retentissant. Une décision récente de la BCUC[30] indique à la page 13 que de 2004 à 2014, seulement 400 clients ayant une capacité installée de 2,5 MW ont été inscrits. Au 1er mars 2019, la participation totale était passée à 1 850 clients ayant une capacité installée de 13 MW.

Sur son site Web, BC Hydro explique en partie la raison de cette faible croissance. Un client résidentiel typique de la Colombie-Britannique consomme 11 000 kWh par année. Une installation solaire typique sur un toit résidentiel offre une puissance de 4 kW avec 16 panneaux qui, en Colombie-Britannique, génèrent 4 400 kWh d’électricité sur un an. Un système solaire de cette taille coûte en moyenne 14 500 $, ce qui, selon la structure tarifaire de la Colombie-Britannique, exige 23 ans avant de récupérer son investissement.

À la fin de 2020, on dénombrait 43 000 installations solaires au Canada, comparativement à 2 millions aux États-Unis la même année. Les États-Unis avaient une puissance installée de 75 000 MW en 2020 comparativement à 3 000 MW au Canada.

Plus de la moitié des installations américaines se trouvaient dans l’État de la Californie, tandis que 90 % des installations canadiennes se trouvaient dans la province de l’Ontario. Les chiffres de l’Ontario ont été établis en fonction du Programme de tarifs de rachat garantis (TRG) que le gouvernement de l’Ontario a mis en place en 2009 et qui a été utilisé jusqu’à ce qu’il soit abandonné en 2016.

Lorsque le Programme de TRG a été lancé en Ontario, l’Ontario était un chef de file mondial dans le domaine de l’énergie éolienne. En octobre 2010, la plus grande centrale solaire au monde, d’une puissance de 97 MW, était située à Sarnia, en Ontario. Ces dernières années, la production canadienne d’énergie solaire a été relativement stagnante. En 2018, la capacité solaire du Canada était de 3 115 MW, et elle a atteint 3 325 MW en 2020. Les États-Unis, par comparaison, avaient une capacité solaire de 53 184 MW en 2018, laquelle a atteint 75 572 MW en 2020. En 2019, la capacité solaire du Canada avait chuté au 19e rang mondial.

Les efforts de réforme

Les organismes de réglementation du Canada et des États-Unis ont essayé de réformer le mesurage net. L’un des principaux objectifs était de déterminer si le mesurage net pouvait être étendu d’un seul client à un groupe de clients. L’attrait politique du mesurage net était qu’il pouvait promouvoir l’énergie renouvelable tout en réduisant le coût de l’électricité pour les contribuables. L’opposition venait des services publics peu chauds à l’idée de perdre de la demande ou des clients.

Le programme le plus ambitieux a été mis en œuvre en Colombie-Britannique. Le 20 avril 2019, BC Hydro a présenté une demande à la British Columbia Utilities Commission (BCUC) pour modifier son programme de mesurage net. Celle-ci a soulevé les protestations de 14 parties, généré plus de 200 lettres de commentaires et mené à une décision finale de 52 pages rendue un an plus tard, en juin 2020[31]. La partie la plus litigieuse de ce qui précède a été la demande de BC Hydro de limiter la taille de l’installation de production à la charge annuelle des clients. Les services publics de toute l’Amérique du Nord soutiennent depuis longtemps que les clients qui utilisent le mesurage net ne devraient pas être en mesure de générer un profit. L’idée de base était que les clients devraient pouvoir compenser le coût de l’électricité qu’ils ont achetée du service public par les revenus qu’ils ont tirés de la vente d’électricité au service public. Selon les données de la Colombie-Britannique, certains clients réalisaient des profits importants, mais ils ne représentaient qu’un faible pourcentage du total. En fin de compte, la BCUC a rejeté la proposition de BC Hydro et a refusé d’adopter un volume maximal de production.

En 2014, la Commission de l’énergie de l’Ontario a mené des consultations pour déterminer si tous les tarifs de distribution résidentielle devraient être remplacés par des frais fixes. Auparavant, la facturation était divisée entre des frais fixes et des frais variables. La raison invoquée était que le désir croissant des clients de produire leur propre électricité pourrait créer des problèmes pour les distributeurs d’électricité. La Commission a signifié clairement son appui à la nouvelle technologie d’autogénération convoitée par les clients.

Le 2 avril 2015, la Commission a lancé un processus visant à effectuer la transition du mesurage net à la facturation nette communautaire. Le 19 août 2016, le gouvernement de l’Ontario a proposé une forme de facturation nette communautaire ou de mesurage net virtuel. Cette proposition découlait du Plan énergétique à long terme de 2013 du gouvernement, dans lequel celui-ci avait indiqué qu’il examinerait la possibilité que le programme de microproduction passe d’un programme d’achat de production à un programme de mesurage net. La proposition du 19 août comprenait les éléments suivants :

  • L’exigence selon laquelle l’équipement utilisé pour produire de l’électricité ne doit pas dépasser 500 kW en fonction de la capacité nominale maximale de l’équipement sera supprimée.
  • Le stockage et l’envoi d’électricité à partir du réseau de distribution d’électricité et d’un réseau d’énergie renouvelable seront autorisés.
  • Les producteurs seront compensés selon la même base que les consommateurs pour leur consommation d’électricité.
  • Les transferts de crédit du mesurage net virtuel d’une même entité entre plusieurs comptes d’électricité détenus par la même personne ou société seront autorisés, à condition que les titulaires des comptes soient situés dans le même territoire desservi par les distributeurs d’électricité et à une distance maximale de 3 km.

Le gouvernement a déclaré que le projet de règlement révisé entrerait en vigueur le 1er juillet 2017. Toutefois, le 22 décembre 2016, le gouvernement a décidé de retirer la proposition de mesurage net communautaire virtuel.

Le 8 octobre 2020, le gouvernement de l’Ontario a de nouveau lancé des consultations sur la fracturation nette virtuel en déclarant ce qui suit :

Le ministère de l’Énergie, du Développement du Nord et des Mines propose d’apporter des modifications au règlement sur le Programme de facturation nette de l’Ontario afin de permettre de faire la démonstration de projets de facturation nette communautaire qui s’appuient sur le cadre actuel de facturation nette. La facturation nette communautaire appuiera la création de projets novateurs comme les collectivités à énergie zéro, en utilisant des ressources énergétiques distribuées.

Le gouvernement a demandé aux parties intéressées de présenter des observations au plus tard le 22 novembre 2020, sur des questions telles que : Qu’est-ce qui constitue une communauté? Comment les crédits devraient-ils être structurés et comment les services publics devraient-ils récupérer les coûts engagés? À ce jour, aucun rapport n’a été publié par le gouvernement ou la Commission de l’énergie de l’Ontario.

Un appel au réveil

Le 22 avril 2021, lors d’un sommet international sur le climat, le Canada s’est engagé à réduire les émissions de carbone de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. L’objectif que le Canada s’était fixé lors des pourparlers de Paris en matière de climat en 2015 était une réduction de 30 % d’ici 2030. À la même réunion, l’administration Biden s’est engagée à réduire les émissions des É.-U. de 50 à 52 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. C’était le double de ce que le président Barack Obama s’était engagé à faire durant la même période.

En décembre 2020, le Canada a annoncé un nouveau plan de lutte contre les changements climatiques intitulé Un environnement sain et une économie saine, afin d’accélérer les initiatives de lutte contre les changements climatiques partout au pays[32]. Le plan comprenait 64 programmes différents visant à réduire la pollution et à bâtir une économie propre au coût de 15 milliards de dollars. En avril 2021, l’administration Biden a annoncé qu’elle investirait 2 billions de dollars dans l’énergie propre au cours des quatre prochaines années.

L’investissement mondial dans les énergies renouvelables atteindra un sommet en 2021 et atteindra 16 billions de dollars d’ici 2030. Qu’est-ce que cela signifie pour la fracturation nette? En bref, cela signifie que les jours d’inaction sont terminés. Les organismes de réglementation des provinces et des États et les organismes de réglementation du gouvernement qui relèvent d’eux se concentreront sur la raison d’être originale de cet instrument de politique — la réduction du carbone. Ils vont abandonner les restrictions artificielles mises en place durant la dernière décennie.

Le 18 mai 2021, l’Agence internationale de l’énergie, ou AIE, a publié un important rapport[33] intitulé Net Zero by 2050 : A Roadmap for the Global Energy Sector. Il soulignait ce que doit faire le monde pour atteindre l’objectif de zéro émission d’ici 2050. Ce ne sera pas facile. Cela est plus difficile que la plupart des gens ne le pensent. En ce qui concerne la production d’électricité à partir de l’énergie solaire, le rapport disait notamment ceci :

[Traduction]

À court terme, le rapport décrit une trajectoire nette zéro qui exige le déploiement immédiat et massif de toutes les technologies énergétiques propres et efficaces disponibles, combiné à un effort mondial majeur pour accélérer l’innovation. La voie à suivre prévoit des ajouts annuels de panneaux solaires photovoltaïques pour atteindre 630 gigawatts d’ici 2030 et de systèmes d’énergie éolienne pour atteindre 390 gigawatts. Ensemble, cela représente quatre fois le niveau record établi en 2020. En ce qui concerne l’énergie solaire photovoltaïque, cela équivaut à installer chaque jour le plus grand parc solaire au monde.

La véritable solution

Si l’Agence internationale de l’énergie a raison et qu’une augmentation rapide de la production d’énergie solaire est essentielle si le Canada espère atteindre son objectif de décarbonisation, nous avons besoin d’une nouvelle stratégie solaire. La production communautaire ne nous permettra pas d’y arriver. En revanche, l’énergie solaire des entreprises locales de distribution (ELD) pourrait permettre d’atteindre cet objectif. Pourquoi ne pas laisser les entreprises locales de distribution produire de l’énergie solaire? Pas tous les types de production — seulement la production d’énergie solaire. Depuis 100 ans, il y a une ligne dure entre la production et la distribution. Il en est ainsi parce qu’au début, la production d’énergie était un monopole naturel. Elle s’appuyait sur d’énormes centrales hydroélectriques et, plus tard, d’énormes centrales nucléaires.

La production d’énergie solaire n’est pas un monopole naturel. Il s’agit d’une production de nature locale. Elle a besoin d’un réseau de distribution local, mais dans le cas de la plupart des systèmes, il n’y a pas de besoin de transport. Les distributeurs d’électricité locaux disposent de ressources considérables dans leurs collectivités. Si les ELD étaient autorisées à posséder et à exploiter la génération solaire, elles mettront en œuvre le capital. Tout récemment, la Commission de l’énergie de l’Ontario a accepté de laisser les ELD inclure la recharge des véhicules électriques dans la base tarifaire parce qu’elles ont déclaré qu’il s’agissait d’une offre concurrentielle[34]. La production d’énergie solaire est également concurrentielle.

Une politique solaire nationale

L’approche fragmentée, découlant des politiques de mesurage net à l’échelle du Canada, n’a pas été couronnée de succès. Le Canada continue de prendre du retard par rapport aux autres pays en matière de production d’énergie solaire. Si le Canada veut augmenter sa production d’électricité solaire, il lui faudra une politique nationale cohérente. Ce n’est pas si difficile. Il doit toutefois répondre aux quatre questions suivantes : qui sont les principaux clients? Qui sont les fournisseurs potentiels? Quels sont les obstacles réglementaires et financiers?

Les quatre clients stratégiques de la production d’énergie solaire sont les propriétaires de toits résidentiels et commerciaux, propriétaires de bornes de recharge pour véhicules électriques, les titulaires d’ententes d’achat d’énergie d’entreprise et les services publics locaux.

Installation solaire sur le toit : Il n’y a rien de mal à produire de l’énergie solaire sur le toit. Ce n’est pas une mauvaise idée. Les toits sont déjà disponibles et sous eux, il y a un client. Ce qui manque, c’est un soutien financier adéquat. De toute évidence, le mesurage net ne convient pas. Il y a trop de restrictions réglementaires et pas assez de retour financier.

Recharge des VE : Personne ne remet en question l’adoption rapide des véhicules électriques. Les voitures, les autobus et les camions à essence contribuent de façon importante à la quantité de carbone rejeté dans l’atmosphère. Des bornes de recharge pour véhicules électriques sont en cours de construction partout au pays. Elles auront besoin d’électricité. Cette électricité peut être fournie par la production d’énergie solaire.

Accords d’achat d’énergie : Les grandes entreprises s’engagent maintenant à acheter leur électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’ici 10 ou 20 ans. Il s’agit de contrats d’achat d’électricité de 20 ans. Ces entreprises, qu’il s’agisse de Bloomberg, d’Amazon ou de Microsoft, ne veulent pas posséder ou exploiter un parc éolien ou solaire. Elles aimeraient toutefois acheter de l’énergie solaire dans le cadre de contrats à long terme auprès d’un fournisseur de bonne réputation.

Services publics : Dans tous les marchés au Canada, il y a un service public de distribution d’électricité. Ceux-ci sont appelé une entreprise de distribution locale ou ELD. Dans chaque province, elles sont réglementées par un organisme provincial de réglementation de l’énergie. Bientôt, les actionnaires qui possèdent ces services publics, qu’il s’agisse de gouvernements provinciaux, de municipalités ou d’investisseurs privés, demanderont aux services publics d’acheter la majeure partie de leur électricité auprès de sources d’énergie renouvelables. Pourquoi ne pas laisser ces services publics posséder et exploiter leur propre système de production d’énergie solaire?

La prochaine question qu’une politique nationale de l’énergie solaire doit aborder est la suivante : qui deviendra un fournisseur d’énergie solaire? Une possibilité serait que ce soit l’ELD desservant le territoire où réside un client. Aujourd’hui, cela est interdit par règlement.

La question suivante est de savoir quels sont les obstacles réglementaires. L’obstacle réglementaire à la production d’énergie solaire tient au fait qu’il est interdit au fournisseur naturel, l’entreprise de distribution locale ou ELD, de fournir le service. Cette interdiction est fondée sur la vision séculaire selon laquelle il existe une ligne rouge entre la distribution et la production.

La production d’énergie solaire exige un traitement différent. Contrairement aux grandes centrales hydroélectriques ou nucléaires, la production d’énergie solaire n’est pas un monopole naturel. Il s’agit d’une petite production locale offerte dans un marché concurrentiel. La nouvelle politique pourrait en fait exacerber cette concurrence.

Les obstacles réglementaires

La production d’électricité au moyen de l’énergie solaire augmenterait considérablement au Canada si deux obstacles réglementaires étaient éliminés. Le premier est l’interdiction pour les ELD de posséder et d’exploiter des installations de production d’énergie solaire et les installations de stockage connexes. Le deuxième est le refus des ELD de donner accès à leur réseau de distribution local à d’autres producteurs d’énergie solaire moyennant des frais d’accès justes et raisonnables.

Les organismes provinciaux de réglementation de l’énergie ont refusé d’éliminer ces obstacles ces 20 dernières années. Il est peu probable qu’ils corrigent le tir dans un proche avenir. Toutefois, elles seraient probablement plus enclines à le faire si elles étaient autorisées à posséder et à exploiter elles-mêmes des installations de production d’énergie solaire et à utiliser cette électricité non seulement pour elles-mêmes, mais aussi à la fournir à des tiers.

Il n’y a rien de nouveau au sujet des frais d’accès. Dans le secteur de l’électricité de l’Ontario, nous avons une longue expérience sous la forme de frais d’accès aux poteaux. Les entreprises de câblodistribution ont été les premières à souscrire à ce régime[35]. Les compagnies de téléphone cellulaire ont ensuite emboîté le pas[36]. La première décision rendue en Ontario reposait sur un principe de l’application du droit de la concurrence qui avait d’abord été appliqué dans l’industrie de l’électricité. Il s’agit du « essential facilities principle » (principe des installations essentielles) énoncé dans l’arrêt Otter Tail Power[37] de la Cour suprême des États-Unis. Le principe est que les entités qui contrôlent les installations essentielles doivent donner accès à ces installations à des prix justes et raisonnables.

Il ne s’agit pas de permettre aux concurrents des ELD de pénétrer leur marché. Les ELD n’ont jamais fourni de télévision par câble ou de service cellulaire. Le même problème s’est présenté dans le secteur des télécommunications lorsque des services de lignes directes concurrentielles se sont développés au Canada et aux États-Unis. L’organisme de réglementation a accordé l’accès au réseau de distribution local du transporteur monopolistique, que ce soit Bell Canada[38] ou AT&T[39]. Il n’y a pas beaucoup de différence entre une compagnie de téléphone locale et un distributeur d’électricité local.

Les entreprises d’installation solaire existantes peuvent se plaindre d’une concurrence déloyale. Mais ce problème peut être réglé par l’organisme de réglementation. La décision de la California Public Service Commission en 2015[40] a créé ce régime lorsqu’elle a adopté le premier tarif des Distributed Energy Resource Services. Le service public, Southern California Gas, connu sous le nom de SoCal, a été autorisé en vertu de ce tarif à posséder et à exploiter une installation technologique appelée « combined heat and power » (centrale de cogénération), sur les lieux du client ou à proximité. Le service public a également été autorisé à fournir de l’énergie aux clients à un tarif réglementé.

Le service public a également été autorisée à fournir la production aux clients à un tarif réglementé[41]. La demande de la SoCal débutait en faisant référence à une politique californienne qui fixait un objectif de 4000 MW pour les nouvelles centrales de cogénération à l’échelle de l’État d’ici 2020[42]. Le service public a fait référence à l’étude de la California Energy Commission, qui a conclu que le développement des centrales de cogénération en Californie stagnait depuis un certain temps et que l’État ne réussirait pas à atteindre la moitié de l’objectif fixé au départ. À l’aide de diverses exigences en matière de rapports et d’établissement des tarifs, l’organisme de réglementation s’est assuré que la SoCal n’allait pas se livrer à des pratiques de prix d’éviction qui donneraient à la SoCal un avantage concurrentiel injuste. Ce n’est pas un modèle difficile à reproduire.

Obstacles financiers

Il y a des obstacles réglementaires, mais il y a aussi des obstacles financiers. Toute tentative d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de carbone du Canada exigera que le gouvernement fédéral dépense beaucoup d’argent. Personne ne remet en question le fait que des investissements importants visant à réduire la quantité de carbone dans l’atmosphère sont dans l’intérêt public.

Bien que le mesurage net n’ait pas été couronné de succès au Canada, il ne fait aucun doute que les contrats de TRG pour l’énergie solaire en Ontario et en Alberta ont connu un franc succès.

Une politique nationale sur l’énergie solaire devrait envisager de financer une partie des coûts de la construction de systèmes à panneaux solaires sur les toits, de la construction de panneaux solaires et de stockage dans les bornes de recharge pour véhicules électriques, ainsi que des coûts de la construction de fermes solaires pouvant servir à la fois les principaux clients et les services publics. Les service public sont important. La production d’énergie solaire à l’échelle des services publics est l’une des formes les plus efficaces de production d’énergie solaire. L’organisme de réglementation de l’État de Géorgie a réussi à réduire considérablement les coûts de l’énergie en encourageant le service public Georgia Power à passer à la production d’énergie solaire à grande échelle.

UNE NOUVELLE STRATÉGIE

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) allègue, à juste titre, que l’énergie solaire est un « incontournable » en matière d’énergie renouvelable si l’on veut atteindre les nouveaux objectifs climatiques. Les nouvelles technologies ont un rôle important à jouer. Toutefois, cela prendra du temps, et cette perspective est incertaine. Or, les coûts de production de l’énergie solaire ont chuté de façon spectaculaire, et de récentes études révèlent que 34 % des nouvelles installations solaires sont désormais couplées à un système de stockage sur batteries, ce qui augmente considérablement leur efficacité.[43]

L’énergie solaire est produite localement et, dans la plupart des cas, elle ne nécessite pas de réseaux de transmission coûteux et difficiles à construire, comme c’est le cas pour l’énergie éolienne. Plus important encore, le marché solaire s’est orienté vers l’énergie solaire à l’échelle des services publics, qui est 20 % plus rentable que les panneaux solaires installées sur les toits.

Il faut cependant se doter d’une nouvelle stratégie en matière d’énergie solaire. Il n’y a aucune raison de délaisser les panneaux solaires installés sur les toits. Toutefois, ce marché ne prend pas d’ampleur, et cette situation ne changera pas. Il est important de s’attaquer au marché solaire en croissance, soit l’énergie solaire à l’échelle des services publics. Ce service est maintenant, de loin, le type de production d’énergie solaire dominant aux États-Unis. Le gouvernement fédéral devrait donc se pencher sur ce mode de production d’énergie.

Le gouvernement fédéral devrait inciter les entreprises locales de distribution au Canada à investir dans l’énergie solaire à l’échelle des services publics. Les ELD sont présentes sur tous les marchés canadiens. Les gouvernements municipaux et provinciaux en sont propriétaires dans la plupart des cas. Or, ces gouvernements vont bientôt établir des exigences rigoureuses pour faire en sorte que ces services publics locaux n’achètent que de l’énergie renouvelable, comme certains États américains l’ont fait.[44] Il convient d’ajouter que si les propriétaires municipaux et provinciaux des ELD unissent leurs forces pour acheter des biens d’équipement, ils réaliseront des économies substantielles.

Aux États-Unis, le crédit d’impôt fédéral a joué un rôle déterminant dans l’essor des installations solaires. Une politique similaire pourrait être adoptée au Canada. Comme solution de rechange, il pourrait y avoir une contribution fédérale aux coûts de construction initiaux. Ce serait une stratégie beaucoup plus rentable que les contrats de tarif de rachat garanti (TRG) qui existent en Ontario et en Alberta. Ces provinces ont produit beaucoup d’énergie solaire, mais à forts coûts.

Un engagement national du gouvernement fédéral à financer la construction d’un réseau national de production d’énergie solaire aidera non seulement le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone, mais aussi à rétablir l’emploi à son niveau d’avant la pandémie.

  1. Nous remercions Shivangi Pant de son aide à la recherche dans la préparation du présent document. Une version antérieure de ce document a été présentée le 29 mars 2021 au Bank of America Securities Group.
    *Ahmad Faruqui et Agustin J. Ros sont économistes du Brattle Group, où ils occupent le poste Associé principal. Agustin J. Ros est également professeur auxiliaire à Brandeis University. Les opinions exprimées dans le présent document sont entièrement les leurs et non celles de leurs employeurs. Gordon Kaiser est arbitre et avocat chez Energy Arbitration LLP à Toronto et Washington DC. Il a été vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario. Veuillez adresser vos commentaires à ahmad.faruqui@brattle.com.
  2. Ahmad Faruqui, « Rebuttal Testimony of Ahmad Faruqui for Duke Energy Carolinas, LCC and Duke Energy Progress, LLC » (22 février 2021) à la p 18, en ligne (pdf) : Public Service Commission of South Carolina <dms.psc.sc.gov/Attachments/Matter/d16b5e79-5aa3-41fe-b69b-76580def3e14>.
  3. Re Order Instituting Rulemaking to Revisit Net Energy Metering Tariffs Pursuant to Decision D.1601044, and to Address Other Issues Related to Net Energy Metering (3 septembre 2020), R.20-08-020, en ligne (pdf) : California Public Utilities Commission <docs.cpuc.ca.gov/PublishedDocs/Published/G000/M346/K286/346286700.PDF>.
  4. « Joint Proposal of Pacific Gas and Electric Company (U 39-E), San Diego Gas & Electric Company (U 902-E) and Southern California Edison Company » (U 338-E) (15 mars 2021), en ligne (pdf) : California Public Utilities Commission <docs.cpuc.ca.gov/PublishedDocs/Efile/G000/M371/K711/371711892.PDF>.
  5. Le Natural Resources Defense Council a proposé de réduire la compensation pour l’exportation énergétique à un niveau qui maintiendrait la période de remboursement à 10 ans.
  6. «Proposal of the Solar Energy Industries Association and Vote Solar for a Net Energy Metering Successor General Market Tariff » (15 mars 2021), en ligne (pdf) : California Public Utilities Commission <docs.cpuc.ca.gov/PublishedDocs/Efile/G000/M371/K664/371664442.PDF>.
  7. PG&E, « Electric Schedule EV2 » (21 juin 2019), (dernière consultation le 5 mai 2021), en ligne (pdf) : <www.pge.com/tariffs/assets/pdf/tariffbook/ELEC_SCHEDS_EV2%20(Sch).pdf>
  8. « Joint Proposal of Pacific Gas and Electric Company (U 39-E) San Diego Gas & Electric Company (U 902-E) and Southern California Edison Company (U 338-E) » (15 mars 2021), en ligne (pdf) : California Public Utilities Commission <docs.cpuc.ca.gov/PublishedDocs/Efile/G000/M371/K711/371711892.PDF>
  9. Supra, note 6.
  10. Les résultats que nous citons dans cette section proviennent du travail de consultation effectué à ce jour ainsi que d’un document de travail intitulé « Residential Rooftop Solar Demand and the Impact of NEM Compensation and Residential Electricity Prices ». Veuillez communiquer avec l’auteur pour obtenir une copie de ce document.
  11. Re British Columbia Hydro and Power Authority (10 Mars 2004), G-26-04, en ligne: British Columbia Utilities Commission <www.ordersdecisions.bcuc.com/bcuc/orders/en/115431/1/document.do> [BC Hydro].
  12. David Morton, président et directeur général, British Columbia Utilities Commission
  13. BC Hydro, supra note 11.
  14. Re British Columbia Hydro and Power Authority (29 janvier 2009), G-4-09, Appendix A à la p 2, en ligne: British Columbia Utilities Commission <www.ordersdecisions.bcuc.com/bcuc/orders/en/117003/1/document.do>.
  15. Re British Columbia Hydro and Power Authority (14 mai 2012), G-57-12, Appendix A aux pp 12, 20–21, en ligne: British Columbia Utilities <www.ordersdecisions.bcuc.com/bcuc/orders/en/118517/1/document.do> [BC Hydro 2].
  16. Le Programme d’offre standard (POS) fournit un contrat d’achat d’énergie simplifié pour les exploitants de générateurs propres admissibles de 100 kW à 15 MW. Le programme a été suspendu en 2019.
  17. BC Hydro 2, supra note 15, Appendix A aux pp 7, 44, 48, 50.
  18. Ibid, Appendix A aux pp 43–50.
  19. Re British Columbia Hydro And Power Authority (23 juin 2020), G-168-20 à la p 7, online: British Columbia Utilities <www.ordersdecisions.bcuc.com/bcuc/decisions/en/481549/1/document.do> [BC Hydro and Power].
  20. Ibid aux pp 29, 32, 35, 47, 53
  21. BC Hydro, “Net Metering Evaluation Report No. 5” (30 octobre 2020) aux pp 4, 18, 42, 64; BC Hydro 2, supra note 15, Appendix A à la p 16.
  22. David Stevens, Associé, Aird & Berlis, Toronto
  23. Règl de l’Ont 541/05 établi en vertu de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, annexe B.
  24. Ce prix est considérablement plus élevé que le montant crédité aux fins de la fracturation nette, qui est fondé sur un prix à l’échelle du réseau pour toute l’électricité (y compris la production hydroélectrique et nucléaire relativement peu coûteuse).
  25. Voir Registre environnemental de l’Ontario, « Modifications proposées au Règlement de l’Ontario 541/05 : (Net metering) ou adoption d’un nouveau règlement (à déterminer) pris en application de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario » (8 mai 2018), en ligne : <ero.ontario.ca/fr/notice/013-1913>.
  26. Voir par ex Ontario Sustainable Energy Association (OSEA), « RE: Feedback to the Ministry of Energy’s Consultation on Net Metering/Self-Consumption Concept Proposal » (23 octobre 2015), en ligne (pdf): <ontario-sea.org/resources/Documents/Old%20Website%20files/7465_OSEA_Feedback_Net_Metering_Self-Consumption_FIN.pdf>.
  27. Voir Registre environnemental de l’Ontario, « Modifications apportées au règlement sur le Programme de facturation nette de l’Ontario afin de soutenir les systèmes d’énergie communautaires » (8 octobre 2020), en linge : <ero.ontario.ca/fr/notice/019-2531>.
  28. Bob Heggie, directeur général, Alberta Utilities Commission.
  29. Micro-generation Regulation, Alta Reg 27/2008.
  30. BC Hydro and Power, supra note 19.
  31. Ibid.
  32. Le très honorable Justin Trudeau, « Le premier ministre annonce le plan climatique renforcé du Canada pour protéger l’environnement, créer des emplois et soutenir les communautés » (11 décembre 2020), en ligne: <pm.gc.ca/fr/nouvelles/communiques/2020/12/11/premier-ministre-annonce-plan-climatique-renforce-du-canada>.
  33. International Energy Agency, « Net Zero by 2050: A Road Map for the Global Energy Sector » (mai 2021), en ligne (pdf): <iea.blob.core.windows.net/assets/4482cac7-edd6-4c03-b6a2-8e79792d16d9/NetZeroby2050-ARoadmapfortheGlobalEnergySector.pdf>.
  34. Commission de l’énergie de l’Ontario, Bulletin, « Electric Vehicle Charging » (7 juillet 2016), en ligne (pdf): <www.oeb.ca/oeb/_Documents/Documents/OEB_Bulletin_EV_Charging_20160707.pdf>.
  35. Re Canadian Cable Television Association (7 mars 2005), RP-2003-0249, online: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.oeb.ca/documents/communications/pressreleases/2005/press_release_ccta_decision_080305.pdf>; In re Ottawa Cablevision Ltd. et al. and Bell Canada, (1973) CTC 522 autorisation de pourvoi à la CAF refusée (1974) 1 FC 373; Re Bell Canada, Tariff for Use of Support Structures by Cable Television Licensees (27 mai 1997), Telecom decision CRTC 77-6.
  36. « Report of the Ontario Energy Board Wireline Pole Attachment Charges » (22 mars 2018), EB-2015-0304, en ligne: Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/603122/File/document>; Rogers Communication Canada Inc. v Ontario Energy Board, 2020 ONSC 6549.
  37. Otter Tail Power Co. v United States, 410 US 366 (1973); voir aussi United States v Terminal Railroad Association, 224 US 383 (1912).
  38. Re CNCP Telecommunications, Interconnection with Bell Canada (1979), CRTC 79-11 au pp 277–78.
  39. MCI Communications v AT&T, 708 F.2d 1081 aux pp 1132–33 (7e cir) Cert. denied 464 US 891 (1983).
  40. Re Application of Southern California Gas Company, Distributed Energy Resource Tariff (22 octobre 2015), 14–08-007, en ligne: California Public Utilities Commission <docs.cpuc.ca.gov/PublishedDocs/Published/G000/M155/K368/155368743.PDF>.
  41. Voir Gordon Kaiser, « La décision Southern California Gas : le premier tarif de Miniréseau » (2015) 3:4 Publication Trimestrielle sur la réglementation de l’énergie 61.
  42. ICF International, Inc., «Combined Heat and Power: Policy Analysis, and 2011-2030 Market Assessment» (février 2012), en ligne (pdf ): <www.ourenergypolicy.org/wp-content/uploads/2014/05/icf.pdf>.
  43. À la fin de l’année 2020, les propriétaires de panneaux solaires représentant 462 GW avaient fait une demande d’interconnexion au réseau électrique, auxquelles s’ajoutaient 200 GW de capacité de stockage sur batteries. Or, 34 % de la production solaire (159 GW) était associée au stockage au moyen d’une application hybride. Un an plus tôt, 28 % de la production solaire proposée était couplée à du stockage sur batteries; Joseph Rand et al, « Characteristics of Power Plants Seeking Transmission Interconnection at the End of 2020 » (mai 2021), en ligne (pdf) : <escholarship.org/content/qt5jd5x0q9/qt5jd5x0q9_noSplash_b3df6e4c091ce068e60a195dc94e3271.pdf>.
  44. La Clean Energy Transformation Act adoptée par l’État de Washington exige que tous les services publics d’électricité de l’État atteignent la carboneutralité d’ici 2030 et qu’ils produisent de l’électricité entièrement propre d’ici 2045.

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