Éditorial

La poursuite de l’objectif primordial de nombreux gouvernements, à savoir la transition vers une économie à faible émission de carbone, dépend fortement de l’innovation, soit l’innovation technologique, l’innovation dans le traitement réglementaire des développements technologiques et l’innovation par les responsables de la réglementation eux-mêmes dans leur approche face à de nouveaux défis. Ce numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie porte sur ce thème.

Dans « Les organismes canadiens de réglementation de l’énergie et les nouvelles technologies », Gordon Kaiser observe que les organismes canadiens de réglementation de l’énergie ont été réticents à financer au moyen de tarifs des projets expérimentaux ou de recherche, citant comme exemple le refus de demandes de financement pour la recharge des véhicules électriques. En 2020 cependant, les organismes de réglementation de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse ont pris des mesures pour promouvoir de nouvelles technologies à l’aide de projets pilotes. M. Kaiser passe en revue ces développements. Il note que les gouvernements se tournent vers leurs organismes de réglementation de l’énergie pour « montrer la voie », soulignant la récente modification de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario pour inclure parmi les objectifs de la Commission celui de « [f]aciliter l’innovation dans le secteur de l’électricité[1] ».

L’innovation technologique sous la forme d’installations toujours plus nombreuses de panneaux solaires sur les toits par les consommateurs est également à l’origine des défis réglementaires abordés par Ahmad Faruqui et al. dans « Les luttes d’idées à propos de la facturation nette de l’énergie ». Bien que le corps de l’article traite du sujet dans le contexte de la mise en œuvre généralisée de la FNE aux États-Unis, on y aborde aussi les perspectives notables de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.

En plus des défis réglementaires que posent les développements technologiques, il faudra également innover dans les approches des organismes de réglementation pour relever ces défis. La recherche en cours dans le cadre du projet Énergie positive de l’Université d’Ottawa vise à aider les organismes de réglementation, et d’autres organismes, à relever ces défis. En particulier, Énergie positive a entrepris un projet de recherche en collaboration avec l’Association canadienne des membres des tribunaux d’utilité publique (CAMPUT), dans le cadre duquel plusieurs innovations réussies et possibilités « pour favoriser davantage l’innovation dans la prise de décisions réglementaires visant le secteur de l’énergie » ont été dégagées. Deux études de cas réalisées au cours de ce projet sont abordées dans l’ouvrage de Patricia Larkin intitulé « Que pouvons-nous apprendre des innovations dans le milieu de la réglementation de l’énergie? Études de cas d’accords réglementaires formels et de processus de participation publique ».

Les défis présentés par ces innovations technologiques et réglementaires s’inscrivent dans un cadre politique/juridique plus large — la recherche d’un juste équilibre entre les rôles respectifs des décideurs politiques et des organismes de réglementation continue de représenter un défi permanent. Dans « Le rôle élargi des dirigeants politiques dans l’examen des projets de pipelines fédéraux proposés : une étude de cas », Rowland Harrison examine une procédure récente dans laquelle le Cabinet fédéral a ajouté à son approbation d’un projet une condition qui avait été expressément rejetée par la Régie de l’énergie du Canada (REC) dans sa recommandation au Cabinet. Le Cabinet a conclu qu’il pouvait améliorer et renforcer les recommandations de la REC sur une question qui ne semblait pas être une question d’intérêt national primordial et qui relevait sans doute de l’expertise de la REC.

Le récent avis de renvoi de la Cour suprême du Canada sur les contestations de la constitutionnalité de la loi du gouvernement fédéral sur la taxe sur le carbone a des implications fondamentales évidentes pour le développement continu des initiatives politiques et législatives visant la transition vers une économie à faible émission de carbone. Dans leur analyse exhaustive de l’avis intitulée « La Cour suprême du Canada réécrit le critère de l’intérêt national et confirme la constitutionalité des lois fédérales sur les gaz à effet de serre », Nigel Bankes et al. concluent que l’avis est « particulièrement importante dans la mesure où elle reconnaît une nouvelle matière d’intérêt national dans le contexte de l’élaboration de mesures législatives appropriées au sein de la fédération canadienne face à une menace existentielle — les changements climatiques mondiaux. » L’avis confirme que « le Parlement fédéral ne se limite pas aux instruments grossiers du pouvoir en matière de droit pénal et du pouvoir d’imposition et qu’il peut également élaborer des lois moins intrusives, en l’occurrence sous forme de redevances réglementaires appliquées de façon sélective. »

  1. LO 1998, c 15, annexe B, art 1(1).

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