Éditorial

Les initiatives visant à lutter contre le changement climatique continuent à imprégner l’évolution de la réglementation énergétique, ce qui a des conséquences importantes tant pour les organismes de réglementation que pour les industries qu’ils réglementent. Le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie se compose de trois articles qui présentent une analyse des questions actuelles et émergentes et qui illustrent l’omniprésence de diverses mesures visant à atteindre l’objectif largement adopté des « émissions nettes nulles de carbone ».

La Loi sur l’évaluation d’impact[1] fédérale (encore souvent appelée « projet de loi C-69 ») est maintenant en vigueur et, alors que la controverse qui entourait ce projet de loi se poursuit, l’attention se tourne maintenant vers l’application de la Loi et ses conséquences pour les promoteurs de projets. Comme le note David V. Wright dans l’article principal du présent numéro intitulé « Considérations relatives au changement climatique dans la Loi sur l’évaluation d’impact fédérale : progression ou statu quo? », bien que la Loi comporte des exigences importantes en matière de climat tant dans la phase d’évaluation que dans celle de la prise de décision, les dispositions législatives, elles, sont « relativement succinctes ». M. Wright discute des principales caractéristiques des orientations visant à soutenir la mise en œuvre des dispositions de la Loi relatives au changement climatique qui se trouvent dans l’Évaluation stratégique des changements climatiques du gouvernement fédéral, qui a été publiée en juillet 2020 et mise à jour en octobre.

Certaines administrations ont promulgué des lois qui tiennent explicitement compte de l’objectif des émissions nettes nulles de carbone, s’appuyant souvent sur l’Accord de Paris de 2015 pour soutenir ces mesures. Par exemple, la Sustainable Development Goals Act[2] (loi sur les objectifs de développement durable) de 2019 de la Nouvelle-Écosse précise que le gouvernement vise à atteindre des émissions nettes nulles de gaz à effet de serre dans la province d’ici 2050. En présentant la Loi, le ministre de l’environnement a déclaré à l’assemblée législative que les objectifs étaient établis parce qu’ils vont dans le sens des recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies. Melanie Gillis et James MacDuff examinent les conséquences possibles de l’établissement explicite de tels liens dans leur article intitulé « Le climat et la construction croisent le fer : Comment la législation sur les émissions nettes nulles pourrait être instrumentalisée pour faire obstacle à des projets d’infrastructure à émissions élevées ».

Dans leur article « Le nouveau monde du changement climatique et la divulgation des facteurs ESG », Elisabeth DeMarco et ses collaborateurs observent que bon nombre d’interventions politiques et d’incitatifs économiques destinés à faciliter la reprise de l’économie post-pandémique sont assortis de « conditions vertes », sous la forme d’un renforcement des obligations de divulgation en matière de changement climatique ainsi que d’environnement, de société et de gouvernance (ESG). Par exemple, les entreprises bénéficiaires du mécanisme de Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) du gouvernement fédéral doivent démontrer un engagement à long terme dans la lutte contre le changement climatique et s’engager à publier des rapports financiers annuels sur le climat conformément aux recommandations du Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD). Les auteurs estiment « qu’il ne s’agit que d’une question de temps avant que les exigences du TCFD et les normes de protection des consommateurs de carbone qui y sont liées ne deviennent obligatoires ».

Les contrats sur le marché de l’électricité font également l’objet de l’article de Nathan Lev intitulé « Permettre les contrats bilatéraux dans le marché de l’électricité de l’Ontario ». Il conclut que « le cadre d’adéquation des ressources de l’Ontario gagnerait à permettre un marché bilatéral robuste, caractérisé par une activité contractuelle accrue de la part des participants du côté de la demande […]. Cela contraste avec le modèle actuel où la SIERE est de facto la seule contrepartie contractuelle viable dans la province ».

Énergie positive est un programme de recherche et de mobilisation de l’Université d’Ottawa qui vise à renforcer la confiance du public envers le processus décisionnel canadien en matière d’énergie grâce à la mobilisation, à des mesures recommandées ainsi qu’à des recherches et analyses fondées sur des preuves.[3] Des articles portant sur des projets de recherche d’Énergie positive sont publiés de temps à autre dans la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie.[4] Le programme Énergie positive entreprend actuellement un projet de recherche en collaboration avec l’Association canadienne des membres des tribunaux d’utilité publique (CAMPUT) en vue de recenser les innovations et les opportunités fructueuses en matière de prise de décisions réglementaires sur l’énergie. Dans l’article « Quels sont les moteurs de l’innovation en matière de réglementation énergétique? », Patricia Larkin et Brendan Frank présentent les résultats d’une enquête en ligne portant sur l’innovation dans le domaine de la réglementation. L’enquête a été conçue conjointement par Énergie positive et CAMPUT.

Conformément à une directive ministérielle visant à entreprendre un examen ciblé des contrats de production existants afin de trouver des possibilités viables de réduction des coûts, la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) de l’Ontario a chargé le cabinet d’experts-conseils Boston Charles River Associates de soumettre son rapport intitulé Independent Electricity System Operator : Contract Savings Review (société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité : examen des économies réalisées sur les contrats) en février 2020. Dans le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie, Ron Clark se penche sur ce rapport. Il fait remarquer que le rapport a été soumis à la SIERE avant que la pandémie de la COVID-19 ne sévisse. Il craint que, compte tenu de la réduction probable de la consommation d’énergie dans un avenir prévisible en raison de la pandémie, certaines des possibilités présentées pourraient « très bien être encore plus coûteuses que ce qui est prévu dans le rapport. De plus, « même en utilisant les chiffres pré-COVID, il est clair que les efforts pour réduire les coûts actuels de l’électricité s’accompagneraient de coûts importants à long terme, souvent supérieurs aux bénéfices à court terme. »

La décision de 2019 de la Cour suprême du Canada, désormais connue sous le nom de l’arrêt Vavilov[5], a considérablement remodelé le droit de contrôle judiciaire des mesures administratives et s’accompagne de conséquences claires pour les futures contestations de décisions des organismes de réglementation de l’énergie. Jonathan Drance et ses collaborateurs commentent cette affaire dans leur article intitulé « L’arrêt Vavilov de la CSC : Augmentera-t-il le risque réglementaire? ».[6]

  1. LC 2019, c 28, art 1.
  2. SNS 2019, c 26.
  3. Voir Énergie positive, en ligne : <www.uottawa.ca/positive-energy>. Rowland Harrison, l’un des directeurs de dédaction de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie, est membre du programme Énergie positive.
  4. Voir par ex Michael Cleland et Monica Gattinger, « L’avenir énergétique du Canada à l’ère des changements climatiques : confiance du public et fondements institutionnels à l’égard du changement » (2019), 7:3 Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie 19.
  5. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.
  6. L’affaire Vavilov a déjà fait l’objet d’une analyse dans un numéro précédent. Voir David Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2019 »(2020), 8:1 Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie 30.

Laisser un commentaire