Tandis que nous publions le troisième numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie (Publication), la controverse entourant l’énergie continue à prendre de l’ampleur et à prédominer dans de nombreux titres et programmes politiques du jour. La nécessité d’une tribune objective pour rendre compte des questions réglementaires associées, les analyser et en discuter ne pourrait être plus évidente.
Le 28 avril, le département d’État des États Unis a annoncé subitement que la période d’examen menant à une décision finale à l’égard du permis présidentiel pour le projet Keystone XL proposé par TransCanada serait prolongée. Aucune date n’a été précisée, ce qui amène les observateurs à conclure qu’une décision finale ne sera probablement pas prise avant les élections de mi parcours du Congrès, prévues en novembre 2014. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’au Canada, ainsi que dans certains milieux américains, l’ajournement a été accueilli avec incrédulité.
Au Canada, on s’attend à ce que d’ici que le présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie ne soit publié, le gouvernement fédéral ait annoncé sa décision à l’égard du projet Northern Gateway proposé par Enbridge. La recommandation de la commission d’examen conjoint (CEC), en décembre 2013, que le projet soit approuvé, a été examinée par Rowland Harrison dans le second numéro de la Publication. En vertu des modifications apportées en 2012 à la Loi sur l’Office national de l’énergie, le gouvernement fédéral peut accepter la recommandation d’approuver (sous réserve des 209 conditions proposées par la CEC) ou de refuser le projet. (Le gouvernement fédéral peut également opter pour renvoyer la question à la CEC pour qu’elle la réexamine. Toutefois, le ministre des Ressources naturelles a expliqué qu’il s’attend à ce qu’une décision finale soit annoncée à la mi juin, ce qui donne à penser qu’il est improbable que l’on demande à la commission d’examen conjoint de procéder à un nouvel examen de son rapport).
Les résultats des processus Keystone XL et Northern Gateway auront des conséquences importantes sur l’avenir de la mise en valeur du pétrole au Canada, du moins à court terme.
Entre temps, on peut déjà tirer des leçons importantes de la comparaison des deux processus d’examen et, surtout, se pencher sur le défi inévitable, voire impossible, de laisser la politique en dehors de la détermination de l’intérêt public ou national sur les questions liées à l’énergie. Les modifications apportées en 2012 à la Loi sur l’Office national de l’énergie ont été largement critiquées parce que, entre autres, l’investissement direct du pouvoir de décision finale à l’égard des projets fédéraux de pipeline au Cabinet, politiserait inévitablement le processus. Jusqu’ici, au moins, la politisation ouverte du processus ne semble pas s’être concrétisée. Aux États Unis, par contre, pour un observateur externe, le processus peut sembler complètement lié à la politique. Outre l’intérêt évident à l’égard des résultats, les organismes de réglementation de l’énergie suivront sans doute les progrès de très près en vue d’expliquer ce qui semble être, du moins jusqu’ici, des expériences très différentes avec chacun des deux processus.
La dynamique en évolution de l’approvisionnement en pétrole de l’Amérique du Nord, qui façonne des projets tels que Keystone XL et Northern Gateway, est en grande partie dictée par les innovations technologiques. La mise en valeur des sables bitumineux est possible en améliorant continuellement la technologie d’extraction, qui accroît les taux de récupération, réduit les coûts et atténue les impacts environnementaux. De plus, des gisements de gaz de schiste sont maintenant créés en raison des innovations technologiques. (Le pétrole provenant des gisements de gaz de schiste Bakken au Dakota du Nord, de même que celui provenant des sables bitumineux de l’Alberta, seraient transportés par l’intermédiaire de Keystone XL.)
La situation changeante en matière d’approvisionnement en pétrole est également la raison de la récente approbation de l’inversion de la canalisation 9 d’Enbridge entre Sarnia et Montréal, qui permet le transport du pétrole provenant de sources dans l’Ouest (y compris la région de Bakken) vers Montréal, et à partir de là vers le Québec et le Canada atlantique. Il est intéressant de noter que le projet ramènera l’oléoduc 9 au service pour lequel il avait été proposé au départ, il y a près de 40 ans, en 1976. Le commentaire de Rowland Harrison dans le présent numéro de la Publication analyse la décision de l’Office national de l’énergie (ONÉ) d’approuver la proposition d’inversion. Il laisse entendre que la décision offre un certain encouragement au fait que les projets controversés de pipeline peuvent quand même être soumis au processus de réglementation, même en dépit de la forte opposition publique perturbatrice.
Toutefois, les innovations technologiques ne sont pas confinées à l’exploration pétrolière, à la mise en valeur du pétrole et à son transport. En fait, tel qu’il a été abordé dans l’éditorial du second numéro de la Publication, les innovations technologiques s’insinuent dans l’offre d’énergie, la demande d’énergie et l’utilisation de l’énergie. Il y a tout lieu de croire que cela perdurera – et que l’on continuera de demander au monde de la réglementation en matière d’énergie de s’adapter et de ne pas nuire à l’introduction de nouvelles technologies qui peuvent aider à atteindre les objectifs de politique publique, tout en servant les intérêts des consommateurs. L’excellent article de Lisa DeMarco et de Lauren Heuser dans le présent numéro de la Publication, intitulé « Stockage d’énergie : La solution à l’énergie verte? » présente un exemple intéressant. L’article d’Adam White, intitulé « Un argument en faveur de la réglementation systématique des dépenses des services publics liées réseaux intelligents », est également axé sur les questions découlant de l’accessibilité aux nouvelles technologies et à leur introduction.
Les initiatives actuelles en matière de réglementation et de politiques de l’énergie sont évidemment largement influencées par le débat entourant le réchauffement climatique et divers objectifs des gouvernements fédéral et provinciaux, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Mark Rodger explore l’expérience de l’Ontario dans son article intitulé « Regard vers le passé : cinq ans après l’adoption de la Loi sur l’énergie verte de l’Ontario ». On remarquera que les innovations technologiques sous tendent de nombreuses mesures présentes dans la Loi sur l’énergie verte.
Les innovations technologiques ne sont pas les seules innovations qui jouent un rôle important dans la définition de l’environnement réglementaire de l’énergie actuel. Les stratégies de commercialisation continuent également d’évoluer, en particulier sur les marchés de l’électricité largement « déréglementés » de l’Ontario et de l’Alberta. L’article de Neil Campbell, intitulé « Le jeu des marchés de l’électricité – L’expérience de l’Ontario », présente une étude importante de la surveillance du marché de gros par la Market Assessment and Compliance Division de l’Independent Electricity System Operator et le Comité de surveillance du marché de la Commission de l’énergie de l’Ontario.
À titre de rédacteurs de la Publication, nous estimons que ces articles aideront à mieux comprendre le contexte en évolution de la réglementation de l’énergie, et en particulier le rôle crucial joué par les innovations technologiques continues et d’autres innovations, peu importe le stade où elles en sont, de la production d’énergie à la distribution et à la consommation. La Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie continuera d’offrir une tribune pour analyser et discuter de manière éclairée des défis liés à la réglementation qui se présentent, dans le but d’identifier et de promouvoir des solutions à ces défis.