Éditorial

Le cadre règlementaire canadien de l’énergie continue de prendre de l’essor, mais se trouve de plus en plus caractérisé par de l’imprévisibilité. Les articles du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie comprennent, fort à propos, un examen de la tournure de plusieurs événements importants survenus récemment à l’échelle provinciale et fédérale.

L’enjeu au cœur de nombre de ces événements est, il va de soi, le changement climatique et la réponse rapide de la tarification sur l’émission des gaz à effet de serre (GES). La scène canadienne sur laquelle se joue actuellement cet enjeu pourrait à juste titre être décrite comme contribuant au tumulte, les mesures législatives du gouvernement fédéral (la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre1) imposant un « filet de sécurité » à la taxe sur le carbone pour les émetteurs de GES des compétences provinciales qui n’auront pas mis en œuvre un système de tarification d’ici 2019, tandis qu’au même moment, l’Ontario annulait sa participation au système de plafond et d’échange Californie-Québec-Ontario. L’Ontario a également annoncé qu’elle comptait remettre en question la constitutionnalité de l’initiative du gouvernement fédéral et qu’elle unirait ses forces à celles de la Saskatchewan dans sa contestation constitutionnelle.

Dans leur analyse approfondie de ces événements, présentée dans un article sur la tarification canadienne du carbone et ce qui en découle,  Lisa DeMarco et Jonathan McGillivray décrivent l’initiative coup de fouet de l’Ontario qui donne lieu à diverses questions de droit.

Le nouveau gouvernement de l’Ontario a également annoncé l’annulation des contrats d’énergie éolienne et solaire qui avaient fait la une des efforts de la province pour passer à une économie à faible émission de carbone et faire en sorte que la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité abaisse le tarif de subventionnement, aux termes du programme lancé en 2009. Gordon Kaiser aborde donc à juste titre la question épineuse de l’annulation par l’Ontario des contrats d’énergie éolienne et solaire.

Dans l’intervalle, le Parlement canadien poursuit son examen du Projet de loi C-692, (Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois). Comme nous le décrivions dans le numéro précédent de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, le Projet de loi C-69 est « l’initiative fédérale la plus importante dans le domaine de la règlementation de l’énergie depuis, à tout le moins, l’avènement du Programme énergétique national en 1980 ». Les changements considérables proposés en vertu du Projet de loi C-69 comprennent les répercussions de l’examen des projets fédéraux et leur incidence sur les calendriers d’exécution. Jonathan Drance et al., dans leur article sur l’examen des projets énergétiques fédéraux et l’aspect pratico-pratique des échéanciers, font part de recherches empiriques précieuses qui devraient sous-tendre le débat à mesure que le Projet de loi C-69 va de l’avant. Les auteurs concluent qu’il est vraisemblable que les promoteurs « ne tirent qu’un mince réconfort des délais législatifs que renferme le Projet de loi C-69. »

Bien que l’attention du public soit actuellement axée sur les gazoducs, les répercussions du  Projet de loi C-69 sur la règlementation des projets énergétiques sont plus vastes encore. Dans son article sur le rôle de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact proposée, Andrew Dusevic décrit en quoi la CCSN n’aurait plus la responsabilité de mener des évaluations environnementales, pas plus qu’elle n’aurait l’occasion de participer activement au processus, en dépit du fait qu’« il s’agit du seul organisme gouvernemental qui possède le savoir-faire technique requis pour évaluer pleinement la portée des activités nucléaires. »

Les conséquences des initiatives législatives et stratégiques axées sur le changement climatique peuvent toutefois aller bien au-delà des objectifs immédiats. Ainsi, il existait de fortes chances que la mise en œuvre, en 2015, du plan sur le leadership en matière de changement climatique du gouvernement de l’Alberta ait une incidence notable sur la dynamique du marché de l’énergie de l’Alberta.  Selon l’article de Martin Ignasiak et al., qui porte sur la nouvelle législation sur l’électricité de l’Alberta, cette situation a mené à la transition proposée en vertu du Projet de loi 13, An Act to Secure Alberta’s Electricity Future3,  vers un marché de capacité.

La discussion des enjeux auxquels font face les décisionnaires et les règlementateurs du secteur de l’énergie porte souvent sur les procédés visant à examiner les nouveaux projets de développement, en raison de la controverse publique qu’ils génèrent souvent dans le contexte actuel. Cependant, le développement dynamique des industries énergétiques, et plus particulièrement celui qui découle de l’innovation technologique, soulève d’importantes questions sur le plan de la règlementation et des politiques. Un rapport récent, commandé par l’Association canadienne du gaz et l’Association canadienne de l’électricité et portant sur « l’innovation financée par les payeurs de taux », examine le cas de l’innovation financée par les payeurs de taux et menée par les services publics. Adonis Yatchew commente le fait que les auteurs présentent un examen précieux et cohérent de modèles d’innovation pour les industries de l’électricité et du gaz naturel, axé sur les compétences où des payeurs de taux (ou contribuables) participent au financement d’initiatives novatrices.

Comme on pourra le constater dans l’aperçu du contenu du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie, l’interface entre les termes « politique » et « règlementation » est souvent au cœur des enjeux de règlementation de l’énergie et du débat sur le rôle des régulateurs. Stephen Bird aborde ce défi dans son article sur le noyau des politiques règlementaires dans le secteur décisionnaire de l’énergie au Canada. Cet article est le plus récent d’une série d’articles qui paraîtront dans la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie et qui découlent du projet d’énergie positive lancé à l’Université d’Ottawa.

  1. Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, Partie 5 du PL C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, 1re sess, 42e lég, 2018 (sanctionnée le 21 juin 2018).
  2. PL C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, 1re sess, 42e lég, 2018.
  3. PL 13, An Act to Secure Alberta’s Electricity Future, 4e sess, 29e lég, Alberta, 2018.

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