A Guide to Energy Market Manipulation

Malgré son titre, The Guide to Energy Market Manipulation1 (le guide sur la manipulation du marché de l’énergie) n’est pas un guide pratique pour les entrepreneurs dans le commerce de l’énergie! Plutôt, comme le note Joseph Kelliher dans l’avant-propos, il s’agit de la toute première enquête du genre sur la loi en évolution relativement à la manipulation du marché entre les différentes nations et les secteurs de l’énergie qui combine des contributions de la part d’experts reconnus dans chaque domaine2. L’éditeur et la force motrice derrière le livre est Gordon Kaiser, ancien vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) et coprésident de longue date du Forum canadien annuel sur le droit de l’énergie. Le livre a été publié avec des valeurs de production élevées par Law Business Research.

Législation et jurisprudence

La partie centrale du livre consiste en huit chapitres qui expliquent les cadres  règlementaires et la jurisprudence applicables aux marchés de l’énergie au États-Unis, au Canada, dans l’Union européenne et en Australie.

Aux États-Unis, les portées juridictionnelles qui se chevauchent entre la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) sont décrites en détail dans les chapitres par Robert Fleishman et Paul Varnado et par Anthony Mansfield, respectivement3. De façon utile, Fleischman et Varnado vont au-delà du cadre juridique et cernent différentes questions non résolues concernant d’importantes normes juridiques ainsi que des aspects controversés des pratiques de la FERC. La contribution de Mansfield est moins particulière aux marchés de l’énergie, reflétant le vaste éventail de marchés de produits de base assujettis au contrôle de la CFTC. Toutefois, elle offre aux joueurs dans le marché de l’énergie et à leurs conseillers juridiques, ainsi qu’aux organismes de règlementation de l’énergie, de précieuses perspectives comparatives d’autres marchés de produits de base.

Les marchés européens de l’énergie et les régimes de règlementation afférents seront moins familiers aux auditoires nord-américains. Le chapitre par Peter Willis contient un exposé détaillé du Règlement concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie de l’Union européenne (RITME)4 ainsi que les activités d’application de diverses autorités nationales de règlementation et le rôle coordonnateur de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER)5. Il comprend des résumés utiles de cas importants découlant de l’application de la loi européenne sur la concurrence et du RITME. Un rapport afférent par James Jameson et Nenad Njegovan de la Competition and Market Authority (CMA) du Royaume-Uni, qui décrit les résultats de l’enquête sur le marché de l’énergie de la CMA réalisée en 2014, ne se retrouve probablement pas au bon endroit dans la partie un du livre puisqu’il ne traite pas du cadre règlementaire. Toutefois, il s’agit d’une contribution particulièrement intéressante qui explique « tant pour le pouvoir du marché de gros que les contrats sur différence (CFD), comment se produit la manipulation, comment nous pouvons l’évaluer et quelles sont nos conclusions6 ».

Les marchés de l’Ontario et de l’Alberta ont généré relativement peu de cas jusqu’ici, mais les cadres juridiques distinctifs applicables sont bien décrits dans ce volume. Le survol de l’Alberta tire pleinement profit de l’expérience récente des coauteurs à titre de conseillers juridiques pour le Market Surveillance Administrator (MSA) dans l’affaire TransAlta7 pour faire le point sur des questions particulières soulevées dans les cadre des procédures dont a été saisie l’Alberta Utilities Commission (AUC)8. Bien que les questions de procédure soient examinées de façon efficace, une moins grande attention est portée aux importantes questions du pouvoir de marché et de la règlementation du marché découlant du « régime de concurrence juste, efficiente et ouverte » (RCJEO) de l’Alberta9. La discussion du régime règlementaire de l’Ontario apportée par Glenn Zacher retrace le développement historique des responsabilités d’application de la division de la conformité de la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) et du Comité de surveillance du marché (CSM) de la CEO, y compris la « règle de conduite générale », récemment élaborée et non encore mise à l’essai, qui présente d’importantes différences pour les modèles de la FERC et du RCJEO10. Un chapitre parallèle par George Vegh reprend quelque peu les mêmes idées, mais en mettant un accent tout particulier sur les questions de conception institutionnelle et des processus d’enquête qu’il considère comme préoccupantes11. Fait intéressant, le professeur en droit administratif canadien David Mullan dresse un portrait beaucoup plus favorable des régimes de règlementation de l’Ontario et de l’Alberta dans son chapitre traitant des principes du droit administratif12.

La contribution australienne par Peter Adams et des collègues de l’Australian Energy Regulator est particulièrement intéressante parce qu’elle comprend un exposé sur la fonction de surveillance dans les marchés de l’énergie13. On y tient également compte des défis que pose l’interface « entre la surveillance des produits dérivés de l’énergie dans les marchés financiers et les produits physiques dans les marchés de l’énergie14 ». Il s’agit bien sûr d’une des questions centrales dans les cas de manipulation du marché de l’énergie. Les commerçants prennent des décisions liées aux incitations économiques générales dans les marchés physiques et financiers, et les autorités d’application doivent avoir une portée juridictionnelle et des pouvoirs d’enquête efficaces pour s’occuper de tels agissements de façon intégrée.

Pratiques d’application

La deuxième partie du livre contient des contributions plutôt variées sur des sujets se rapportant plus ou moins aux pratiques d’application. Les chapitres sur la pratique et les procédures devant la FERC et découlant du RITME dans l’UE15 reprennent en quelque sorte les chapitres de survol de la FERC et du RITME. Toutefois, ils abordent plus en profondeur les questions de procédure et présentent des points pratiques utiles pour les conseillers juridiques travaillant sur de tels cas.

Les chapitres sur les sanctions et les actions privées présentent des comparaisons multijuridictionnelles systématiques de ces deux domaines. JP Mousseau de l’AUC fait un tour d’horizon concis et facile à assimiler des cadres d’imposition de sanctions et de règlement applicables aux États-Unis (pour la FERC mais non la CFTC), en Alberta, en Ontario et en Australie16. Toutefois, une analyse des résultats réels de sanctions et de règlements dans ces territoires de compétence aurait été utile. Le chapitre sur les actions privées adopte cette approche avec de brefs résumés de cas survenus aux ÉtatsUnis, dans l’Union européenne et au Canada17.

Preuves d’experts

La partie qui clôt le livre comprend deux très intéressants chapitres sur les preuves d’experts. Philip Tunley met en contraste l’approche réceptive de l’AUC aux preuves économiques et techniques d’experts dans le cas TransAlta et la tendance des tribunaux canadiens d’appliquer une sélection plus rigoureuse relativement à l’admissibilité des preuves d’experts18 (bien qu’elle puise sembler inoffensive pour les conseillers juridiques familiers avec la contestation « Daubert » aux États-Unis)19. Un chapitre sur l’analyse économique par Brian Rivard, Chris Russo et des collègues de l’ARC est moins axé sur le territoire de compétence et offre de très intéressants (bien que brefs) tours d’horizon des types de théories de manipulation qui ont été abordées aux ÉtatsUnis, en Europe et au Canada ainsi que des aboutissements de ces cas20.

Conclusion

L’une des forces du livre se retrouve dans la participation d’un bon nombre de spécialistes qualifiés au sein du groupe d’auteurs, ce qui donne une plus grande crédibilité et un certain équilibre au volume. Contrairement à certains livres de référence multijuridictionnels, l’éditeur n’a pas prescrit de modèle à suivre pour les auteurs, ce qui permet aux auteurs de chapitres de se concentrer sur les domaines qu’ils considèrent les plus intéressants et importants, mais qui donne lieu à des oublis dans les sujets couverts (p. ex. les contributions sur le droit administratif et les preuves d’experts se limitent au droit canadien) et qui rend l’analyse comparative plus compliquée.

Mousseau traite brièvement de l’importance des programmes de conformité comme mécanisme pour atténuer de possibles sanctions, plus particulièrement en vertu des lignes directrices sur l’imposition de sanctions de la FERC où une réduction allant jusqu’à 60% peut s’appliquer21. Les programmes de conformité sont en quelque sorte une stratégie de prévention essentielle, et si une deuxième édition de ce livre est préparée dans l’avenir, un chapitre sur la conception et la mise en œuvre de programmes de conformité en matière de commerce de produits énergétiques par un spécialiste maison des questions juridiques ou de la conformité s’avèrerait des plus utile22.

Kaiser souligne, en toute modestie dans son exposé introductif, que « ce livre est en quelque sorte une première tentative d’enquêter sur une forme nouvelle et complexe de règlementation qui s’applique à l’une des plus importantes industries au monde23 ». Le livre atteint cet objectif et sera une ressource indispensable pour les organismes de règlementation et les conseillers juridiques dans le domaine – non parce qu’il apporte des réponses définitives à toutes les questions dans ce domaine complexe, mais parce qu’il offre des points de référence détaillés qui faciliteront l’exécution d’analyses intérieures et comparatives efficaces lorsque des questions se présenteront.

*  Dr. A. Neil Campbell est un partenaire des groupes du droit de la concurrence, du commerce et de l’énergie chez McMillan LLP à Toronto. Il a été président du Comité de surveillance du marché de la Commission de l’énergie de l’Ontario entre 2007 et 2012 [Energy Market Manipulation].

  1. Gordon E. Kaiser (éd.), The Guide to Energy Market Manipulation (London : Global Competition Review, Law Business Research, 2018).
  2. Joseph T Kelliher, « avant-propos » dans Energy Market Manipulation, à 12.
  3. Robert S Fleishman et Paul C Varnado, « Perspectives on FERC’s Enforcement Programme as it relates to Energy Market Manipulation », ch. 2; Anthony M Mansfield, « Commodity Futures Trading Commission Enforcement », ch. 3, dans Energy Market Manipulation.
  4. Commission européenne, Règlement 1227/2011, 28 décembre 2011.
  5. Peter Willis, « REMIT Energy Market Manipulation », ch. 6, dans Energy Market Manipulation.
  6. James Jameson et Nenad Njegovan, « Testing Energy Market Manipulation in Great Britain », ch. 7, dans Energy Market Manipulation, à 80.
  7. Re Market Surveillance Administrator Allegations Against TransAlta Corporation et al, décisions de l’Alberta Utilities Commission 3110D012015, phase 1 (27 juillet 2015).
  8. Randall W Block, John D Blair et Laura M. Poppel, « Energy Market Manipulation in Alberta », ch. 5, dans Energy Market Manipulation.
  9. The Electric Utilities Act, SA 2003, ch. E-5.1, art. 6, impose à tous les joueurs dans le marché une obligation d’appuyer l’exploitation du marché de l’électricité de l’Alberta selon le régime de concurrence juste, efficiente et ouverte. Cette obligation est étoffée dans le Fair, Efficient and Open Competition Regulation (règlement sur la concurrence juste, efficiente et ouverte), Alta Reg 159/2009 (FEOC Regulation).
  10. Glenn Zacker, « Compliance and Enforcement in the Ontario Electricity Sector », ch. 3, dans Energy Market Manipulation.
  11. George Vegh, « Investigating Energy Market Activity in Ontario », ch. 4, dans Energy Market Manipulation.
  12. David J. Mullan, « Administrative Law Principles », ch. 13, dans Energy Market Manipulation.
  13. Peter Adams, Kate Murphy et Jeremy Llewellyn, « Australia », ch. 8, dans Energy Market Manipulation.
  14. Ibid à 95.
  15. David A Applebaum, Todd L Brecher et J Porter Wisman, « FERC Practice and Procedure », ch. 9; Mark J Mills, « Energy Market Manipulation in the EU: Practice and Procedure », ch. 10, dans Energy Market Manipulation.
  16. JP Mousseau, « Fines, Sanctions and Settlements », ch. 11, dans Energy Market Manipulation.
  17. Randall Hofley, Justine Johnston et Joseph J Bial, « Private Actions in the United States, Canada and Europe », ch. 12, dans Energy Market Manipulation.
  18. M Philip Tunley, « The Use of Expert Evidence », ch. 14, dans Energy Market Manipulation.
  19. Daubert v Merrell Dow Pharmaceuticals, Inc, 509 US 579.
  20. Robin Cohen, David Hunger, Brian Rivard et Christopher Russo, « Economic Evidence of Market Power and Market Manipulation in Energy Markets », ch. 15, dans Energy Market Manipulation.
  21. Mousseau, supra note 16 à 130; Revised Policy Statement on Penalty Guidelines, 132 FERC ¶ 61,216 (17 septembre 2010).
  22. Les lignes directrices de la FERC à ce sujet sont un bon point de départ : FERC, « Staff White Paper on Effective Energy Trading Compliance Practices » (novembre 2016), en ligne : <https://www.ferc.gov/legal/staff-reports/2016/tradecompliancewhitepaper.pdf>.
  23. Gordon E. Kaiser, « Energy Market Manipulation: A New Regulatory Regime », dans Energy Market Manipulation, à 10.

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