Éditorial

Les formes traditionnelles de règlementation économique (qui soulèvent des débats interminables sur des questions comme le coût des capitaux, les droits intégrés comparativement aux droits supplémentaires, l’accès au réseau et le dégroupement, tout cela dans la quête du Saint Graal de « l’efficience économique ») ne sont plus prédominantes dans les activités des tribunaux canadiens de règlementation de l’énergie, du moins pas dans la même mesure qu’au cours des années 1980. Maintenant, les décideurs politiques se concentrent plutôt sur les processus d’examen de projets d’infrastructures et sur l’effet persuasif des changements climatiques auprès du public, ce qui a des conséquences directes sur les organismes de règlementation de l’énergie.

L’article de Stephen Littlechild intitulé : « Privatisation et restructuration du secteur de l’électricité en Ontario et à l’étranger : quelques leçons tirées du Royaume-Uni et d’ailleurs », présente des enseignements comparatifs en ce qui a trait à la restructuration de l’industrie. Ses observations générales sur le rôle d’une règlementation efficace ont également une résonnance particulière alors que les gouvernements au Canada continuent de mettre en place des mesures pour contrer les changements climatiques; ce qui entraînera une vaste restructuration de certains segments des industries du secteur de l’énergie, tout en ayant d’importantes répercussions sur celles-ci et sur les tribunaux qui les réglementent. Littlechild nous rappelle que, bien que les gouvernements trouveront des moyens d’exploiter la règlementation pour assouvir leurs ambitions politiques, « la règlementation ne constitue probablement pas le principal moyen par lequel le gouvernement met en œuvre ses politiques. […] On ne peut pas s’attendre à ce que le gouvernement suive la même logique à long terme », ajoute-t-il. [traduction libre].

Dans leur article intitulé : « Le réseau électrique de l’Alberta : les politiques sur le carbone et le risque de conséquences inattendues), Donna Kennedy-Glans et Brian Bietz se penchent sur les défis que pose la mise en œuvre du Climate Leadership Plan récemment annoncé par le gouvernement albertain. Ce plan est généralement considéré comme une mesure nécessaire pour composer avec l’opposition persistante aux grands projets d’oléoduc en particulier. Toutefois, la mise en œuvre de ce plan présente son lot de défis, surtout dans la conjoncture économique actuelle de l’Alberta. En raison du risque de conséquences non souhaitées, Kennedy-Glans et Bietz demandent si le moment est opportun pour évaluer les répercussions d’un retour à un système de production d’électricité pleinement réglementé dans cette province.

Dans son rapport portant sur la Politique énergétique 2030 publiée par Québec en avril dernier, Erik Richer La Flèche souligne le rôle dominant que jouent maintenant les changements climatiques dans le façonnement de la politique énergétique. Ce rapport comporte un objectif ambitieux en matière de réduction des gaz à effet de serre en vue de « décarboniser » la province.

De son côté, Nigel Bankes analyse deux cas où la Cour suprême du Canada a autorisé l’appel de décisions rendues par la Cour d’appel fédérale qui avaient trait à la compétence de l’Office national de l’énergie (ONE) et à l’obligation de l’État de procéder à des consultations. Ces deux appels seront entendus conjointement. La Cour aura alors à décider, entre autres choses, si la procédure d’un tribunal permet de satisfaire à l’obligation de procéder à une consultation. Bankes conclut qu’en dépit du fait que les deux appels découlent de décisions de l’ONE, les résultats seront pertinents pour les tribunaux de l’énergie dans tout le pays.

Nous sommes particulièrement heureux de vous présenter dans le présent numéro d’ERQ « La position de Washington », rédigée par notre fidèle collaborateur Robert Fleishman. L’interconnexion des marchés énergétiques de l’Amérique du Nord fait en sorte que l’évolution des politiques, de la règlementation et de la jurisprudence aux États-Unis a généralement un effet direct considérable sur l’industrie énergétique canadienne, peut-être bien plus aujourd’hui que par le passé. Les faits nouveaux dont traite Fleishman dans son bilan global ont trait aux exportations du gaz naturel liquéfié, à la fracturation, au transport du pétrole brut par chemin de fer et à la levée de l’embargo sur les exportations de pétrole, chacun étant typique et pertinent aussi bien pour le Canada que pour les États-Unis. Le commentaire de cas de Scott Hempling est effectivement complémentaire à « La position de Washington » de cette année puisqu’il fournit une analyse approfondie sur la manière dont la Cour suprême des États-Unis a délimité les interactions entre les États et la compétence fédérale dans la règlementation du marché de l’énergie américain.

Au moment de la mise sous presse du présent numéro d’ERQ, d’autres récents changements politiques et réglementaires indiquaient clairement que les activités de règlementation de l’énergie continueront de jouer un rôle prédominant dans les débats publics au pays. À la suite de la recommandation de l’Office national de l’énergie en faveur de l’approbation de l’expansion prévue du pipeline de TransMountain, l’attention s’est tournée vers le processus révisé intérimaire du gouvernement fédéral pour l’approbation de nouveaux grands projets de pipeline de même que vers la signification de cette démarche, non seulement pour ce projet en particulier, mais également pour les autres projets, en cours ou à venir, essentiels pour ouvrir le marché aux ressources canadiennes de pétrole et de gaz naturel. Les avancées des initiatives pour contrer les changements climatiques se poursuivent à un rythme constant, surtout en Alberta et en Ontario, qui viennent d’annoncer une entente de collaboration pour s’attaquer aux changements climatiques. Nous nous attendons à ce que les prochains numéros d’ERQ continuent à bien alimenter les débats sur le sujet.

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