L’Ontario a amorcé le processus de privatisation de Hydro One. Quelle est la meilleure façon d’y arriver? Quel rôle la restructuration devrait-elle jouer? Est-ce que d’autres privatisations devraient suivre? Le présent document vise à examiner certaines leçons apprises des expériences vécues au Royaume-Uni et ailleurs au cours des trente dernières années. Les thèmes discutés comprennent les motifs invoqués pour la privatisation, l’importance de la propriété, les implications de la règlementation, la promotion de la concurrence, le rôle de la restructuration, la situation particulière des compagnies de transport d’électricité, le fonctionnement des marchés par suite de la privatisation, les avantages et les coûts de la privatisation, la nature et les limitations de la règlementation, l’évolution de la règlementation, l’émergence de l’« engagement de la clientèle » dans le processus de règlementation et le rôle du gouvernement.
1. Pourquoi privatiser?
Au cours des années 1980, le gouvernement de Margaret Thatcher a accordé une grande priorité à la privatisation dans son programme politique. Pourquoi? Il s’agissait certainement d’une décision controversée. Son prédécesseur, le premier ministre conservateur Harold MacMillan, l’a accusée de vendre l’argenterie familiale. Est-ce que la privatisation était effectuée uniquement pour l’obtention des profits générés? Il est indéniable que ces revenus étaient utiles : tous les gouvernements ont besoin de sources de revenus. Il y avait cependant beaucoup d’autres motifs. Margaret Thatcher a prétendu que le gouvernement n’avait aucune autre solution de rechange : la survie économique du Royaume-Uni était en jeu.
Certaines industries particulières pouvaient en tirer des avantages particuliers. Par exemple, British Telecoms visait principalement à améliorer son service à la clientèle, à assurer la disponibilité des téléphones sur demande plutôt que de voir son nom figurer sur une longue liste d’attente et à encourager l’innovation. Pour ce qui est du secteur de l’eau, il était impératif de financer un programme d’investissement massif pour satisfaire les nouvelles normes européennes sur la qualité de l’eau. Dans les industries du charbon et de l’acier, il était important de limiter les pertes financières et de réduire les coûts pour le reste de l’industrie du Royaume-Uni.
Par contre, l’industrie de l’électricité était bien exploitée et n’accusait aucune perte. Quel motif pourrait-on invoquer pour en justifier la privatisation? En 1988, le livre blanc sur la privatisation du secteur de l’électricité mentionnait que les « décisions devraient être motivées par les besoins de la clientèle ». Qu’est-ce que cela voulait vraiment dire? Le gouvernement planifiait de restructurer la Central Electricity Generating Board (CEGB), le fournisseur monopoliste pour l’ensemble de la production, du transport de l’électricité, dans le but de favoriser la concurrence. Cela serait plus efficient : les résultats de récents rapports démontraient d’importants dépassements de temps de coûts et des retards liés à la construction de nouvelles centrales électriques. En plus, une règlementation serait adoptée pour favoriser la concurrence et protéger les clients.
Leçon 1 : Même si le Royaume-Uni avait de nombreuses raisons pour justifier la privatisation de différentes industries, l’objectif d’efficience accrue était un motif central qui s’appliquait dans toutes les situations.
2. Est-ce que la propriété est importante?
La réponse est Oui. Plus particulièrement pour les marchés concurrentiels, notamment le marché de la production et plus tard celui du commerce de détail. La propriété influence les mesures d’incitation, à des fins de concurrence et d’exploitation efficace, ce qui est tout aussi applicable dans les secteurs concernés par un monopole. Nous avons appris la leçon suivante : la règlementation axée sur des mesures d’incitation fonctionne uniquement si les compagnies y réagissent et la réaction est plus importante lorsqu’il s’agit d’une entreprise du secteur privé.
Par exemple, les compagnies du réseau de l’énergie et de l’eau du secteur privé ont réagi à une série de contrôles des prix en réduisant les coûts de façon appréciable et constante au cours des vingt-cinq dernières années. Par contre, lorsque la Royal Mail appartenait au gouvernement, elle n’avait pas été en mesure de réagir à un contrôle strict des prix et ses pertes avaient simplement continué de s’accumuler. Par suite de sa privatisation, l’entreprise a amorcé une importante réduction des coûts et une rationalisation.
En fait, la propriété gouvernementale compromet la règlementation, parce que l’organisme de règlementation ne se préoccupe pas des objections des actionnaires privés, l’entreprise peut toujours en appeler à son propriétaire et un organisme de règlementation ne peut pas lutter contre un gouvernement. Par exemple, à Guernsey et en Irlande du Nord, les organismes de règlementation ont imposé des mesures qui me semblaient déraisonnables et qui ne respectaient pas un processus équitable; l’entreprise gouvernementale a fait appel au gouvernement et l’organisme de règlementation a effectivement été contournée.
De plus, les compagnies privées sont en général plus innovatrices et souples. L’exemple de la National Grid Company sera discuté plus loin dans le texte. Scottish Water, une autre entité gouvernementale, a aussi été particulièrement innovatrice et souple en termes d’engagement de la clientèle et d’amélioration de la qualité des services.
Certains pays favorisent la propriété conjointe (partenariat public-privé). Est-ce que les participations gouvernementales majoritaires ou minoritaires fonctionnent? Est-ce qu’elles offrent le meilleur des deux mondes? Ou le pire des deux? Au Royaume-Uni, la propriété conjointe est perçue comme un risque, une situation dans laquelle les propriétaires privés sont exposés aux décisions primordiales et habituellement non commerciales d’un gouvernement. Par conséquent, ces types d’arrangements ont été seulement temporaires – par exemple dans le cadre d’une privatisation par étapes parce que la bourse ne pourrait pas composer avec la privatisation de toute l’industrie en même temps (la valeur de l’émission des actions de British Telecom était presqu’égale à celle de toutes les compagnies émises dans un an).
Leçon 2 : La propriété est importante, en ce qui concerne l’efficience et la concurrence; la règlementation des compagnies appartenant au gouvernement est moins efficace que celle des compagnies privées.
3. Élaborer une règlementation
Dans le cadre du processus de privatisation, il est primordial d’adopter les mesures nécessaires pour rassurer les clients et les éventuels investisseurs. Le Royaume-Uni a été confronté à cette question lors de la privatisation de British Telecommunications (BT). À l’époque, il y avait peu ou pas de concurrence dans le secteur des télécommunications; par conséquent, les clients craignaient naturellement que BT exerce son emprise sur le marché et augmente les prix. Comme aux États-Unis, la réponse à cette question pourrait être la règlementation. Mais la règlementation américaine semblait problématique : nous l’avons caractérisée comme une règlementation « à prix coûtant majoré », non favorable à l’efficience dans un contexte où l’efficience accrue était un des principaux objectifs visés par la privatisation. Cependant, toute forme différente et inconnue de règlementation pourrait effrayer les investisseurs. J’ai été invité à formuler des conseils sur le type de règlementation le plus approprié.
En 1983, j’ai recommandé au gouvernement d’adopter un plafonnement du tarif des mesures incitatives que l’on a appelé règlementation RPI-X. BT pourrait automatiquement augmenter son prix moyen en fonction du taux d’inflation (l’acronyme RPI signifie indice des prix de vente au détail), moins un nombre spécifié X qui serait établi par le gouvernement (le gouvernement a fixé X à 3). Autrement dit, après avoir pris en compte l’inflation, BT devait réduire son prix moyen à 3 % par année. Cette formule protégeait donc les investisseurs contre l’inflation – le risque qu’un organisme de règlementation leur interdise d’augmenter les prix selon le taux d’inflation était réel dans cette période où un taux d’inflation à deux chiffres n’était pas inhabituel – et la réduction de prix réelle de 3 % par année constituait un avantage concret pour les clients concernés par une privatisation.
Que nous réserve l’avenir? Est-ce que les investisseurs seront exposés à un risque d’expropriation des actifs ou d’imposition de coûts ou de restrictions déraisonnables? Le cadre réglementaire a été élaboré pour veiller à ce que la règlementation soit indépendante du gouvernement : l’organisme de règlementation rendait compte au Parlement, et non à un ministre. Il incombait à l’organisme de règlementation de favoriser la concurrence et de protéger les clients. Les obligations de l’entreprise réglementée et les restrictions qui lui étaient imposées (c.-à-d. le contrôle des prix) étaient précisées dans une licence. Qu’est-ce qui pourrait empêcher l’organisme de règlementation de modifier les conditions de la licence par suite de l’achat de l’entreprise par les investisseurs? Les conditions d’une licence ne pourraient pas être modifiées sans l’accord de l’entreprise. Est-ce que cela voulait dire que l’entreprise pourrait simplement refuser d’accepter toute modification et que l’organisme de règlementation aurait les mains liées? Non, parce qu’une disposition permettait à l’organisme de règlementation de renvoyer toute modification de licence contestée à la Competition Commission qui en effectuerait l’examen et serait habilitée à imposer les modifications appropriées aux conditions de la licence.
L’imminente privatisation a donc forcé le gouvernement à créer un système réglementaire qui protège les clients et les investisseurs. En pratique, ce système a été appliqué à tous les secteurs réglementés et a très bien fonctionné. Les organismes de règlementation et les compagnies ont constaté les types de modifications aux conditions d’une licence que la Competition Commission était disposée à accepter – en grande partie à l’égard des contrôles des prix révisés. La Commission a surtout appuyé l’organisme de règlementation, mais elle n’a pas hésité à imposer à l’entreprise des conditions plus ou moins lourdes. Par conséquent, les compagnies ne s’opposent pas d’emblée aux modifications des conditions d’une licence proposées par les organismes de règlementation, et ces dernières ne proposent aucune modification mal évaluée qui ne pourrait pas être justifiée devant la Commission, si nécessaire.
Par conséquent, au cours des dernières années, très peu d’appels ont été interjetés devant la Commission. La règlementation a procédé par entente. En fait, certaines personnes ont suggéré que la règlementation était devenue trop douillette et que trop peu d’appels avaient été interjetés. Les modifications récemment apportées aux arrangements d’appel pourraient effectivement stimuler une augmentation du nombre d’appels interjetés – certains craignent le contraire. Nous verrons bien.
Leçon 3 : La privatisation a forcé l’élaboration d’une forme de règlementation pour protéger les clients et les investisseurs.
4. Créer une concurrence
La concurrence a été décrite comme un processus de découverte d’une rivalité qui se manifeste au fil du temps. Le nombre de concurrents dans une industrie à tout moment est peut-être moins important que la capacité des nouveaux producteurs à entrer dans l’industrie, surtout si les concurrents existants ne répondent pas aux besoins des clients ou le font en imposant des prix abusifs. La privatisation permet de supprimer les obstacles à toute nouvelle entrée (notamment les entrées statutaires) et de restructurer l’industrie existante (souvent un monopole) pour former plusieurs compagnies remplaçantes concurrentielles.
Les privatisations initiales dans les services publics – télécommunications, aéroports et British Gas – ont servi à supprimer les principaux obstacles à toute nouvelle entrée. Cependant, la possibilité de restructurer l’industrie n’a pas été saisie. Les critiques ont commencé à déplorer le manque de concurrence, en prétendant que les investisseurs, et non les clients, tiraient les avantages de la privatisation.
Par contre, le Secrétaire d’état a décidé que la concurrence serait une caractéristique essentielle de la privatisation du secteur de l’électricité. Pour y arriver, le plan initial mentionnait le retrait du réseau de distribution du contrôle de la CEGB pour former une National Grid Company distincte et indépendante qui traiterait tous les producteurs, toutes les compagnies de distribution et tous les fournisseurs du commerce de détail, sans discrimination quelconque. Les centrales électriques seraient réparties dans deux (2) compagnies : ce qu’on appelle Big G qui posséderait environ 70 % de la capacité de production (plus précisément environ 70 % de la production totale) et Little G qui aurait l’autre 30 %. Big G et Little G sont devenus le Duopole.
Quel était le raisonnement derrière cet arrangement quelque peu étrange? Le problème résidait dans le fait que même si la majorité des centrales électriques étaient alimentées au charbon, environ 15 % de la production totale provenait des centrales nucléaires qui étaient considérées comme posant un plus grand risque, plus particulièrement parce qu’on ignorait leurs éventuels coûts de mise hors service et même leurs actuels coûts d’exploitation. Il était donc justifié de ne pas les inclure dans la privatisation initiale, même si la première ministre a insisté pour les inclure en raison de l’importance de les rendre viables sur le plan commercial. La perception initiale démontrait que les investisseurs seraient réticents à acheter des centrales nucléaires, mais que ces dernières pourraient être vendues comme une portion relativement faible d’une plus grande entreprise. Ainsi, Big G à 70 % devait être assez importante pour cacher les centrales nucléaires et Little G a obtenu le reste pour créer une entreprise suffisamment importante pour entrer en concurrence avec Big G.
Au fur et à mesure de l’évolution des préparations pour la privatisation, les éventuels coûts et risques des centrales nucléaires sont devenus encore plus apparents. À la dernière minute, les centrales nucléaires ont été retirées de la privatisation, laissant Big G (plus tard renommée National Power) avec 55 % de la capacité de production, Little G (renommée PowerGen) avec 30 % et une nouvelle entreprise gouvernementale (Nuclear Electric) avec 15 %.
Au fil du temps, de nouvelles compagnies sont entrées dans le marché en construisant des centrales électriques alimentées au gaz. Le rythme d’entrée a été si rapide qu’on l’a surnommé Dash for Gas (ruée vers le gaz). Néanmoins, les compagnies titulaires National Power et PowerGen possédaient toujours une importante emprise sur le marché. Une préoccupation réglementaire et publique croissante était présente. À titre d’organisme de règlementation, j’ai pris des mesures pour encourager/obliger les deux (2) importants producteurs d’électricité à vendre des centrales électriques à d’autres acteurs. Cette initiative n’était pas si simple : elle exigeait un mélange de récompenses (permission d’acheter des compagnies de transport, de distribution et d’approvisionnement) et de pénalités (menace de renvoi devant la Competition Commission). Il est évident qu’il aurait été préférable et beaucoup plus facile de restructurer l’industrie plus radicalement au moment de la privatisation, lorsque le gouvernement pouvait simplement diviser la compagnie à sa guise. Ce genre d’approche a subséquemment été adopté en Argentine et dans l’état de Victoria en Australie.
Leçon 4 : Restructurer une entreprise ou une industrie ciblée pour la privatisation pour créer une certaine concurrence lorsque l’opportunité se présente.
5. Est-ce que le transport est ennuyeux?
Hydro One est un service de transport et distribution d’électricité. Certains peuvent prétendre qu’une privatisation pourrait être pertinente pour une entreprise qui participe activement dans le marché concurrentiel, mais qu’elle serait inutile ou inappropriée pour une entreprise de transport et distribution. L’expérience du Royaume-Uni suggère autrement.
La National Grid Company (NGC) a été créée pour devenir propriétaire du réseau national de transport de l’électricité de l’Angleterre et du Pays de Galles. À titre de mesure de transition, étant donné qu’elle ne possédait pas son propre bilan financier à titre d’entité indépendante, la NGC a initialement été la propriété des 12 compagnies de distribution. Quelques années plus tard, la compagnie a été cotée en bourse à titre d’entreprise distincte.
Au cours des années suivantes, la NGC a acheté la compagnie du réseau national de transport et distribution du gaz Transco. Le concept de propriétaire unique pour les réseaux de distribution de l’électricité et du gaz a soulevé certaines préoccupations; certains ont prétendu que la NGC était plus efficace que Transco et qu’elle améliorerait l’efficience de la deuxième entreprise. La NGC a cependant été invitée à vendre un certain nombre de ses réseaux régionaux de distribution du gaz, ce qui a permis une règlementation comparative : l’ Office of Gas and Electricity Markets (Ofgem), l’organisme de règlementation, a été en mesure de comparer les efficiences des divers réseaux de propriété différente. Il se trouve que la NGC a amorcé la vente volontaire de tous ses autres réseaux régionaux de distribution du gaz.
Pour maximiser la pression exercée par la concurrence, Ofgem a proposé que tout nouvel investissement en transport d’une valeur supérieure à 100 M£ soit soumis à un appel d’offres. Dans le cadre de l’actuel examen du contrôle des prix, Ofgem procède à la mise en application de cette proposition.
La NGC a investi dans des réseaux américains et dans de nouveaux interconnecteurs au Royaume-Uni. L’étendue accrue de ses activités a soulevé une question de possibilité de conflit entre ses rôles à titre d’exploitant du transport et d’exploitant du système. La division de ces rôles dans deux (2) entités de propriété distincte est présentement à l’étape de considération.
Leçon 5 : Les compagnies de transport peuvent également être des acteurs importants dans un monde en évolution rapide; pour y arriver efficacement, elles ont cependant besoin de la souplesse et du contrôle inhérents de la propriété privée.
6. Compagnies de transport, de distribution et de commerce de détail
Avant la privatisation, le secteur d’électricité nationalisé en Angleterre et au Pays de Galles comptait 12 compagnies d’électricité régionales (CER) qui avaient la responsabilité de la distribution locale et de l’approvisionnement du commerce de détail. Est-ce qu’une restructuration s’imposait avant leur privatisation? Certains suggéraient de les fusionner pour former une seule compagnie, dans le but de fournir un contrepoids plus efficace à la CEGB, si cette dernière avait été privatisée pour créer une seule entité. Mais la décision de diviser la CEGB a mis fin à cette suggestion de fusion. D’autres ont suggéré de les fusionner pour former six (6) compagnies deux fois plus importantes. Toutefois, le gouvernement a plutôt décidé de privatiser les 12 compagnies existantes : il n’existait aucun fondement adéquat pour décider de la possibilité et de l’ampleur des économies d’échelle dans le nouvel environnement plus concurrentiel, en plus d’une préférence pour un plus grand nombre de décideurs.
Le gouvernement a cependant décidé de restructurer chaque CER pour former des compagnies distinctes de distribution et d’approvisionnement du commerce de détail. Ainsi, au fil des ans, chaque compagnie pourrait décider de se spécialiser dans le marché de l’ingénierie (distribution) ou celui de l’approvisionnement du commerce de détail. Pour une période initiale de cinq (5) ans, chaque compagnie avait une « action privilégiée » qui appartenait au gouvernement et que ce dernier utiliserait pour prévenir toute modification de propriété. Après cette période, les fusions et les prises de contrôle étaient cependant permises. Certaines compagnies voulaient se développer; dans d’autres cas, les investisseurs préféraient vendre. Au fil du temps, le marché a établi un « prix courant » pour les compagnies de distribution et d’approvisionnement du commerce de détail. Il est intéressant de préciser que les éventuels acheteurs et vendeurs en reconnaissaient la grande importance pour bien évaluer leurs décisions.
Après avoir apporté diverses modifications, les organismes de règlementation du Royaume-Uni ont continué d’utiliser le système réglementaire par mesures d’incitation RPI-X. Ainsi, il était important d’évaluer la portée des éventuelles améliorations d’efficience. Les organismes de règlementation ont élaboré des concepts de concurrence comparative : en comparant les efficiences des 12 compagnies de distribution et en établissant des objectifs pour les compagnies moins efficaces afin que ces dernières se comparent aux compagnies les plus efficaces au cours de la période de contrôle des prix des cinq (5) prochaines années.
La capacité d’acheter et de vendre des compagnies de distribution et d’approvisionnement du commerce de détail et la pression exercée par les contrôles des prix par mesures d’incitation ont mené à plusieurs prises de contrôle et fusions dans le secteur. Les plus importantes compagnies de production ont acheté des compagnies de distribution et d’approvisionnement du commerce de détail, en partie pour stabiliser leurs recettes et en partie comme moyen de réaliser des économies et réduire les risques par intégration verticale. Les nouveaux acteurs provenant des États-Unis, de France, d’Espagne et d’Allemagne ont pris le contrôle d’autres compagnies. Les compagnies ont été vendues et revendues. La propriété a donc évolué comme dans d’autres marchés. Dans une certaine mesure, cette situation reflétait une recherche d’économies d’échelle : il existe maintenant quatre (4) compagnies de distribution, chacune comptant trois (3) ou quatre (4) réseaux; l’approvisionnement est principalement concentré dans les détaillants du Big 6, même si les nouveaux arrivants des dernières années représentent désormais plus de 10 % de l’approvisionnement destiné aux clients domestiques. Des phénomènes semblables ont été observés dans d’autres marchés concurrentiels qui réussissent ailleurs dans le monde, notamment à Victoria (Nouvelle-Zélande) et au Texas.
Leçon 6 : Laisser le marché, et non le gouvernement ou un organisme de règlementation, déterminer la structure de l’industrie la plus efficace et en constante évolution.
7. Impact global de la privatisation
La privatisation visait principalement à améliorer l’efficience et à mieux répondre aux besoins des clients. Est-ce qu’il a été démontré que la privatisation de l’industrie de l’électricité au Royaume-Uni a permis de réaliser ces objectifs?
Les résultats d’un examen réalisé par le National Audit Office2 en 2002 démontrent que la règlementation régissant le plafonnement des prix pour les réseaux avait produit d’importants avantages, en offrant d’alléchantes mesures d’incitation pour améliorer l’efficience. Par exemple, les résultats démontrent des coupures dans les frais d’exploitation d’environ 25 % pour la période 1994-1995 à 1997-1998, en plus de coupures d’environ 50 % dans les frais d’exploitation contrôlables pour le transport depuis 1990. Les résultats démontrent également d’autres avantages, notamment une fiabilité accrue.
En 1997, les résultats d’une analyse universitaire des coûts-avantages de la privatisation de l’industrie de la production et du transport de la CEGB ont démontré que la valeur nette totale actuelle variait entre quatre (4) et dix (10) milliards de £, selon les hypothèses précises, mais il a été estimé que tout cet argent est allé aux investisseurs. Avec l’aide d’un collègue de travail, j’ai effectué3 une étude semblable en 2004, en tenant compte des plus récents développements dans l’industrie et en avançant d’autres hypothèses pour une situation contrefactuelle (ce qui serait arrivé sans privatisation).4 Nous avons calculé que la valeur nette actuelle était d’environ 23 milliards de £, dont environ la moitié était allée aux clients. Dans un cas comme dans l’autre, la privatisation5 a été une politique avantageuse et, au fil des ans, les clients en ont profité encore plus qu’initialement prévu.
Mon propre souvenir est une mesure beaucoup plus simple et plus frappante. Dans la dizaine d’années qui ont suivi la privatisation, la population active totale dans l’industrie a diminué d’environ le deux tiers (en partie en raison de l’impartition de la fonction de lecture des compteurs). On aurait pu s’attendre à une certaine résistance de la part de la population active, mais ce ne fut pas le cas. Les syndicats ont négocié de bonnes modalités de départ et de nombreux employés avaient hâte de quitter leur emploi pour travailler ailleurs. Les employés qui sont demeurés dans l’industrie ont remarqué que leur carrière devenait plus satisfaisante et variée, par exemple en raison des fonctions plus polyvalentes et des meilleures relations de travail à l’intérieur de compagnies de plus petite taille et plus souples, comparativement à un monopole à l’échelle nationale.
Leçon 7 : La privatisation peut être profitable pour les clients et les employés, ainsi que pour les investisseurs.
8. Examen du contrôle des prix de l’énergie au Royaume-Uni
Ofgem, l’organisme de règlementation du secteur de l’énergie, a effectué un examen de la règlementation du réseau (Review of Network Regulation – appelé RPI-X@20)6 en 2008. Ofgem a observé un certain nombre d’importantes réalisations, notamment des améliorations d’efficience, en plus de réductions des prix du réseau de l’ordre de 30 %, d’une fiabilité accrue de 30 %, d’une augmentation des investissements et de bons dividendes pour les actionnaires.
Ofgem a également remarqué certaines faiblesses notables. Les examens du contrôle des prix étaient longs, coûteux et complexes. L’innovation était bonne, mais étroite et axée sur l’efficience des frais d’exploitation et d’un financement à coût moindre. La situation n’était pas très bonne en termes de conception de réseaux, d’exploitation et d’établissement des prix, ce dernier serait à l’avenir plus important en raison de l’arrivée des technologies sobres en carbone. Les compagnies n’étaient aucunement motivées à proposer de bons plans d’affaires, ayant déjà participé au même processus d’examen fastidieux, peu importe la qualité. Enfin, les compagnies ont été invitées à se concentrer sur l’organisme de règlementation au lieu de leurs clients.
Leçon 8 : La règlementation peut être efficace à bien des égards, mais elle pourrait conduire à des pertes et elle devra peut-être faire l’objet d’un réexamen au fil des ans.
9. Nouvelle approche règlementaire
Ofgem a décidé qu’à l’avenir, les réseaux devraient être plus innovateurs et souples pour collaborer avec leurs clients et répondre à leurs besoins. Cela nécessiterait d’autres mesures d’incitation pour favoriser encore plus d’innovation. Par exemple, Ofgem a proposé de financer des compétitions pour récompenser les compagnies pour leurs innovations.
L’accent devrait être placé sur les extrants et non les intrants. Par exemple, la règlementation et les revenus devraient être fondés sur la capacité et la fiabilité réelle fournie, et non sur les dépenses engagées et les investissements. L’accent devrait également être mis sur les coûts totaux et non sur les dépenses d’exploitation et les dépenses en capital séparément.
Ofgem a proposé un examen accéléré du contrôle des prix pour les compagnies qui possédaient des plans d’affaires bien documentés et qui jouissaient d’un bon engagement de leurs clients. Ces compagnies pourraient compléter l’examen du contrôle des prix dans six (6) mois au lieu de 18 mois.
Leçon 9 : La règlementation peut évoluer suffisamment pour traiter des préoccupations antérieures et mieux composer avec les éventuels nouveaux problèmes.
10. Règlements négociés en Amérique du Nord
Que signifie exactement l’expression « bon engagement des clients » et d’où vient cette idée? Ce phénomène a été observé en Amérique du Nord et plus récemment dans la règlementation sur les aéroports du Royaume-Uni.
Aux États-Unis, un soi-disant règlement négocié entre une compagnie réglementée et ses clients a originalement été conclu pour réduire la période, le coût et le risque d’un litige présenté à l’organisme de règlementation de l’administration fédérale ou d’état. Les parties acceptaient de présenter à l’organisme de règlementation une proposition d’augmentation du taux. Il semble que cette proposition avait été initiée par la Federal Power Commission (FPC) au cours des années 1960, mais elle a eu lieu ailleurs, plus particulièrement en Floride au cours des années 1990. Entre autres règlements, l’Office of Public Counsel et les compagnies d’électricité se sont entendus sur des réductions de tarif d’une valeur supérieure à 4 milliards de dollars.
À la Federal Energy Regulatory Commission (FERC), si une compagnie proposait une augmentation des taux au cours des années 2000, le personnel de la FERC proposait, dans les trois (3) mois, une alternative à l’augmentation des taux fondée sur leurs propres hypothèses d’une hausse qui leur semblait raisonnable. Le personnel coordonnait ensuite les discussions entre les compagnies et leurs clients. Les parties arrivaient souvent à un règlement au cours des six (6) mois suivants.
L’Office national de l’énergie (ONE) du Canada considérait que l’établissement d’une formule du coût du capital éviterait les audiences prolongées. Par conséquent, les oléoducs et leurs clients pouvaient en général négocier un règlement. En fait, depuis 1997, presque toutes les affaires concernant un taux d’oléoduc ont été réglées. Ces règlements ont également mené à la création de systèmes d’incitatifs pluriannuels, en plus d’exiger souvent la prestation de renseignements et l’établissement d’obligations en termes de qualité de service, produisant dans l’industrie une meilleure information et des relations rehaussées avec la clientèle. La politique de l’ONE précisait qu’en présence d’un processus de négociation solide, l’Office accepterait le résultat et ne substituerait pas son propre point de vue de l’intérêt public.
D’autres compétences canadiennes, y compris l’Ontario, ainsi qu’en Australie et en Allemagne, ont aussi utilisé des règlements négociés.
Leçon 10 : Il n’est pas nécessaire que les organismes de règlementation prennent toutes les décisions : la règlementation peut fonctionner en « soutenant » les parties et en leur permettant de négocier.
11. Premier engagement constructif au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, les examens du contrôle des prix sont habituellement plus complexes que ceux qui sont effectués en Amérique du Nord. Les prix ne sont pas fondés sur les coûts réels pour une récente année d’essai. L’examen cherche plutôt à évaluer le niveau efficient des frais d’exploitation pour la prochaine période quinquennale et le plan le plus efficient pour les prochains investissements en capitaux. Ce processus peut être extrêmement difficile, car les compagnies réglementées contestent habituellement la majorité ou toutes les hypothèses de l’organisme de règlementation.
Ce fut le cas pour la règlementation des aéroports. L’examen des frais réalisé en 2003 s’est avéré particulièrement conflictuel, les aéroports et les lignes aériennes étaient en désaccord, ce qui a obligé l’autorité de l’aviation civile (Civil Aviation Authority – CAA) à prendre toutes les décisions d’importance pour lesquelles elle n’était pas préparée.
La CAA a modifié son approche en 2005 en proposant ce qu’elle appelait un processus d’« engagement constructif ». La CAA a suggéré que chaque aéroport réglementé et ses lignes aériennes devraient essayer de s’entendre sur un certain nombre d’éléments majeurs qui sous-tendent le contrôle des prix, notamment les prévisions de trafic, la qualité souhaitée des normes de rendement et le programme d’investissements à venir. La CAA avancerait ensuite des hypothèses sur d’éventuels dépenses d’exploitation efficaces, en plus de décider du coût des hypothèses d’investissement de capitaux et de financement et d’établir le contrôle du prix final.
Initialement, toutes les parties ont démontré des doutes et de la réticence, et le processus ne s’est pas déroulé sans difficultés. Cependant, en 2007, ces objectifs avaient en grande partie été atteints dans les deux (2) principaux aéroports de Londres (Heathrow et Gatwick). Au début, il a été impossible d’arriver à une entente au troisième aéroport de Londres (Stansted), mais le processus a de nouveau été répété avec succès (sous la compétence de la Competition Commission), suite au retrait des négociations sur l’épineuse question d’une nouvelle piste. En plus, l’organisme de règlementation a signalé une amélioration des relations et de la compréhension entre les parties.
À compter de 2009, la CAA, à titre d’organisme de règlementation, a continué d’utiliser cette approche. Par suite des conseils de la Competition Commission, la CAA a amélioré la structure du processus de négociation, dans l’optique de mieux la faciliter. Par exemple, la CAA a précisé l’information à fournir, par qui et quand, en plus de créer et surveiller un calendrier sur la réalisation d’une entente, avec rapports périodiques des parties concernées.
Leçon 11 : La règlementation peut être ajustée pour permettre aux clients éclairés de jouer un rôle plus important dans le processus d’établissement d’un contrôle des prix en négociant certains éléments précis avec la compagnie réglementée.
12. Plus récents développements en termes d’engagement de la clientèle au Royaume-Uni
Le processus d’engagement constructif dans la règlementation des aéroports concernait un nombre relativement faible de clients assez bien éclairés. Est-ce qu’un processus semblable peut fonctionner pour un réseau de transport et distribution d’électricité qui dessert deux (2) millions de clients résidentiels?
Tel que mentionné plus haut dans le texte, Ofgem a décidé, suite à son examen de la règlementation en 2008, d’offrir des examens accélérés aux compagnies qui fournissaient des plans d’affaires bien documentés et qui jouissaient d’un bon engagement de la part de leurs clients. Ofwat, l’organisme de règlementation de l’eau, a adopté une politique semblable. Ces examens, amorcés en 2012, visaient à déterminer des plafonnements de prix pour la période débutant en 2015 (Ofgem avait auparavant tenté une approche similaire avec les réseaux de transport de l’électricité et du gaz qui l’a encouragée à étendre l’idée).
Les compagnies du réseau réglementées et les représentants de leurs clients étaient très intéressés et ils ont participé activement et de façon constructive. Les plans d’affaires des compagnies ont fait l’objet d’un examen minutieux en raison de cette interaction et les clients les ont soutenus. Cependant, les organismes de règlementation ont accéléré le processus pour seulement une compagnie de chaque secteur, en expliquant que les plans d’affaires des autres compagnies comportaient d’éventuelles réductions des coûts insuffisantes. Ces autres compagnies ont donc été contraintes à utiliser la voie plus lente et conventionnelle du processus, l’organisme de règlementation leur indiquant le niveau acceptable des éventuelles réductions des coûts.
Est-ce que cela doit être interprété comme un échec de l’approche? Est-ce que cette situation découragera l’engagement des compagnies et des représentants des clients à l’avenir? Est-ce que le processus devrait être exécuté de façon différente la prochaine fois? Toutes ces questions ont fait l’objet d’une discussion au Royaume-Uni, au fur et à mesure que les organismes de règlementation et les compagnies préparaient leur réflexion pour le prochain processus d’examen. Entre-temps, il est également important de considérer une version alternative de l’approche.
La Water Industry Commission for Scotland (WICS) était également intéressée par une nouvelle approche pour l’examen stratégique des frais qui invitait les clients à collaborer étroitement et de façon constructive avec la seule compagnie des eaux appartenant au gouvernement écossais; la compagnie était disposée à accepter une nouvelle approche. WICS, Scottish Water et Consumer Futures (renommée Citizens Advice Scotland, l’organisme statutaire des consommateurs) ont collaboré à la création d’un forum de consommateurs. Le forum avait un rôle officiel : collaborer avec Scottish Water à l’exécution d’une étude sur les préférences des clients, représenter ces préférences auprès de la compagnie et de l’organisme de règlementation et tenter d’obtenir le meilleur résultat possible pour les clients dans l’examen stratégique.
À mi-chemin durant le processus, l’organisme de règlementation a invité le forum à tenter de s’entendre avec la compagnie sur un plan d’affaires, conformément à une série de notes d’orientation réglementaire fournies par l’organisme de règlementation. Ces notes couvraient une variété de thèmes pertinents, notamment des opinions sur le coût et l’efficience, ainsi que des niveaux d’investissement. Le processus s’est bien déroulé, l’engagement a été bon et constructif, y compris la participation très active de l’organisme de règlementation. Les parties se sont entendues sur un plan d’affaires qui a servi de fondement au contrôle des prix établi par l’organisme de règlementation. Le processus est généralement considéré comme une grande réussite.
La discussion au Royaume-Uni inclut la question à savoir si une certaine version du « modèle écossais » devrait être appliquée en Angleterre et au Pays de Galles. Est-ce que leurs organismes de règlementation peuvent formuler une orientation formelle et informelle – disons sur d’éventuelles efficiences de coût acceptables – à une douzaine de compagnies et leurs groupes de consommateurs? Dans quelle mesure les organismes de règlementation devraient-elles déléguer leurs responsabilités aux groupes de consommateurs? Quelles lignes directrices devraient être proposées pour la composition des groupes de consommateurs? Dans quelle mesure chaque compagnie et son groupe de consommateurs devraient rendre compte de leurs réflexions, accords/désaccords pour considération par d’autres compagnies et groupes de consommateurs? De nombreuses questions doivent être prises en compte, mais on s’entend en général pour dire que l’engagement du client a été une réussite qualifiée et qu’il devrait être poursuivi à l’avenir, et même prolongé selon certains.
Leçon 12 : Les organismes de règlementation des secteurs de l’énergie et de l’eau peuvent également réaliser encore plus, en encourageant les compagnies et les groupes de clients à négocier, sous réserve d’une orientation réglementaire, qu’en prenant elles-mêmes toutes les décisions.
13. Gouvernement et règlementation au Royaume-Uni
Est-ce qu’un gouvernement a un impact sur une industrie réglementée, et en fait sur une règlementation elle-même? Lors de la privatisation de l’industrie de l’électricité en 1989, la politique énergétique du gouvernement conservateur était de ne pas avoir de politique énergétique. Le gouvernement ne considérait pas qu’il devait planifier l’évolution du secteur. Le marché concurrentiel représentait le moyen le plus efficace de veiller à ce que l’approvisionnement puisse répondre à la demande, de la façon la plus efficace possible. Les responsabilités du gouvernement et de l’organisme de règlementation étaient relativement simples : favoriser la concurrence et protéger les intérêts des clients.
Au cours de la période 1997-2008, les gouvernements travaillistes successifs ont modifié ces responsabilités réglementaires, principalement pour mettre plus l’accent sur les considérations environnementales, ainsi que sur l’équité pour les différents types de clients. La responsabilité réglementaire a été modifiée pour favoriser la concurrence « lorsque approprié». Une des nouvelles responsabilités visait à contribuer à la réalisation du développement durable. Le gouvernement a pris le pouvoir pour donner à l’organisme de règlementation une orientation sur les politiques sociales et environnementales.
Entre 2008 et 2010, le gouvernement a modifié encore plus les responsabilités réglementaires, dans les mêmes directions. Par exemple, il précisait alors que les intérêts des clients comprenaient leur intérêt pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et avant de favoriser la concurrence, l’organisme de règlementation devrait considérer la question à savoir s’il était possible que d’autres moyens de règlementation puissent mener au même résultat. En plus, le gouvernement appuyait l’intervention d’Ofgem pour supprimer les « écarts de prix injustes » dans le marché du détail.
En 2013, le gouvernement de coalition a indiqué son intention de produire une stratégie et un énoncé politique, en plus de la nouvelle responsabilité pour Ofgem de promouvoir la prestation de cette politique gouvernementale. L’organisme de règlementation a également été invitée à expliquer, au début de chaque année, sa façon d’exécuter cette attribution. À la fin de chaque année, Ofgem devrait expliquer son niveau de réussite ou d’échec; si elle avait échoué, elle devait expliquer comment elle remédierait à la situation l’année suivante. En fait, le gouvernement de coalition n’a publié aucun énoncé avant son départ; il reste à voir si le gouvernement actuel le fera.
Leçon 13 : Les gouvernements trouveront des façons d’utiliser la règlementation pour arriver à leurs fins politiques, même si la règlementation n’est probablement pas le principal mécanisme d’un gouvernement pour mettre ses politiques en application.
14. Politique énergétique du gouvernement du Royaume-Uni
En 2008, le gouvernement travailliste a annoncé une réécriture complète de sa politique énergétique. Le ministre a indiqué que « d’importantes décisions ne peuvent pas être laissées au marché ». En 2010, il a présenté une politique de réforme du marché de l’énergie qui comportait des objectifs d’énergie renouvelable, des contrats pour des énergies sobres en carbone, un contrat de 35 ans pour une nouvelle centrale nucléaire pour la production d’électricité (à environ deux fois le prix du marché de gros) et un mécanisme de capacité. Le gouvernement de coalition a conservé une approche semblable au cours de la période 2010-2015.
En 2015, le nouveau gouvernement conservateur donnait, dans une certaine mesure, l’impression qu’il voulait reconsidérer la politique énergétique. Il a réduit certaines subventions pour l’énergie renouvelable, tout en continuant de soutenir l’énergie nucléaire et l’énergie éolienne offshore. La réorientation stratégique non contraignante du gouvernement vers le bureau de la concurrence et des marchés a accentué la dérèglementation, sans que cette dernière soit remarquable dans le secteur de l’énergie. Certains ont prétendu que la politique du gouvernement augmentait le risque, en plus de s’interroger sur la question à savoir si tout investissement non subventionné demeurait viable.
Leçon 14 : On ne peut pas s’attendre à ce qu’un gouvernement suive un plan d’action constant au fil du temps; en plus, les gouvernements successifs modifient leur politique, peu importe le type de propriété. La privatisation signifie que le gouvernement doit plutôt agir explicitement et que le Parlement peut ainsi lui demander des comptes.
15. Leçons d’autres juridictions
La privatisation a été une initiative politiquement litigieuse dans de nombreux secteurs et pays, notamment au Royaume-Uni. L’expérience suggère qu’elle présente de nombreux avantages d’efficience possibles. Mais il s’agit d’un important début pour un programme de réforme, et non la fin de l’histoire.
La privatisation offre une excellente possibilité de restructurer une industrie pour mieux faciliter la concurrence et la comparaison entre un plus grand nombre de compagnies qui ont succédé. Dans le secteur de l’électricité, la concurrence est effectivement possible dans le domaine de la production et l’approvisionnement du commerce de détail. Il sera en plus nécessaire de trouver des arrangements efficaces pour les réseaux monopolistes de transport et distribution. Dans les deux cas, il sera avantageux de permettre au marché de poursuivre son évolution par l’intermédiaire de fusions et d’acquisitions.
Initialement, la règlementation des compagnies du réseau visait à encourager et inciter toute augmentation d’efficience, laquelle a en effet été réalisée, en dépit des examens longs et lourds concernant le contrôle des prix. De plus en plus, l’accent a été placé sur l’encouragement et l’incitation des compagnies à découvrir ce que leurs clients recherchent et à innover et s’adapter à un monde en pleine évolution. Au départ, il était plus important de concevoir le rôle réglementaire pour protéger les clients et les investisseurs. Il est également de plus en plus important de veiller à ce qu’une règlementation soit souple, innovatrice et réactive.
Il est primordial d’accepter que les préoccupations politiques auront un impact sur toute industrie réglementée et sur la règlementation elle-même. Je préciserais cependant qu’une intervention gouvernementale et politique serait pire en absence de privatisation. J’espère que ces leçons aideront d’une certaine façon à concevoir une voie à suivre en Ontario.
*Stephen Littlechild, professeur émérite à l’Université de Birmingham et membre de la Judge Business School de l’Université de Cambridge.
- Cet article est basé sur la présentation «Electricity Privatisation and Restructuring in Ontario and Abroad: Lessons from the UK and elsewhere», présentée à la Ivey Business School, Toronto, 30 novembre 2015.
- Royaume-Uni, Chambre des communes, National Audit Office, Pipes and Wires, par le contrôleur général et le vérificateur général, dans HC 723 Session 2001-2002 (10 avril 2002).
- David M Newbery & Michael G Pollitt, «The Restructuring and Privatisation of Britain’s CEGB – was it worth it?» (1997) 45:3 Journal of Industrial Economics 269; voir Stephen Littlechild, «Competition and Regulation in the UK Electricity Market» (2004) 14(1) Économie Publique 3 aux para 8-10 [Competition and Regulation in the UK Electricity Markets].
- Competition and Regulation in the UK Electricity Markets, ibid.
- Ibid à la p 10.
- Voir Alistair Buchanan, «OFGEM’s ‘RPI at 20’ Project» présentée à SBG, 8 mars 2008, en ligne: OFGEM <https://www.ofgem.gov.uk/ofgem-publications/64130/sbgi-6-march.pdf>.