Rédacteurs en chef
À la fin de chaque année, il est toujours utile d’effectuer un retour en arrière et d’analyser les principaux développements survenus dans la réglementation de l’énergie et de cerner les principales difficultés à venir, ce qui, après tout, constitue l’un des objectifs de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie.
La plupart conviendront qu’en 2013, la situation n’avait rien d’habituel. Les organismes de réglementation ont vu les prix augmenter considérablement sous l’influence des énergies renouvelables coûteuses. Des quantités énormes de nouveaux gaz de schiste ont fait leur apparition sur le marché et un projet de construction d’un gigantesque pipeline a été prévu. Plus important encore, la majorité des clients ont diminué leur demande en énergie.
La révolution du schiste
Il y a cinq ans, près de la ville de Québec, un projet de construction de terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d’importants exportateurs, comme la Russie, était envisagé. Aujourd’hui, des efforts sont déployés afin de construire un gazoduc destiné à transporter le gaz naturel des gisements de schiste du nord de la Colombie-Britannique vers la côte, à Kitimat, où le gaz serait transformé en GNL, puis expédié en Asie.
Il y a une demi-décennie, le prix du gaz était de près de 14 $ par gigajoule. Mais la révolution du gaz de schiste a tout changé : les prix à la fin de 2013, tant au carrefour Dawn qu’au carrefour Henry, s’élevaient à près de 3 $ par gigajoule en raison de la production de gaz naturel à Bakken, à Eagle Ford, à Marcellus et à Barnett aux États-Unis, et à Horn River en Colombie-Britannique. Le volume de gaz de schiste il y a cinq ans était de 2 billions de pieds cubes par année. À la fin de 2013, il était de plus de 8 billions de pieds cubes.
Cet énorme changement de production et ses répercussions sont exposés en détail dans l’article (inclus dans le présent numéro) de Gordon Pickering, l’un des plus éminents spécialistes des marchés du gaz au monde.
Si le gaz de schiste crée de nouvelles possibilités importantes, il engendre également certaines difficultés à surmonter. Au Canada, la capacité de transporter cette ressource vers les marchés asiatiques est essentielle, car le prix du gaz en Asie est jusqu’à trois fois supérieur à celui en Amérique du Nord. De plus, cette capacité permet de diminuer la dépendance du Canada à l’égard des marchés américains. Toutefois, la construction de nouveaux gazoducs n’est pas chose facile. Il existe en effet d’importantes questions environnementales de même que des différends non négligeables avec les Premières nations.
En outre, l’emplacement d’importants gisements de gaz de schiste à proximité de marchés situés dans le nord-est des États-Unis a donné lieu à l’une des décisions les plus difficiles et importantes en matière de réglementation que le Canada ait eu à prendre depuis longtemps. La canalisation principale de TransCanada a été conçue pour transporter 7 milliards de pieds cubes (Gpi3) de gaz par jour. En 2013, le volume a diminué à 1,5 Gpi3 par jour, surtout en raison de l’augmentation de l’approvisionnement en gaz de schiste aux États-Unis, qui est passé de 3 Gpi3 par jour en 2006 à 29 Gpi3.
Les volumes en baisse ont forcé TransCanada à hausser les tarifs des clients restants afin de couvrir ses coûts fixes. Cela ne présageait rien de bon et l’Office national de l’énergie (ONÉ) a difficilement géré cette situation. L’un des problèmes vient du fait que les clients de TransCanada ont commencé à utiliser un service interruptible plus abordable, sachant qu’aucune interruption n’aurait lieu. Finalement, l’ONÉ a réagi en déréglementant cet aspect du service et, bien entendu, les prix ont grimpé. Toutefois, cette déréglementation a entrainé des conséquences inattendues et la question est loin d’être réglée au moment de mettre sous presse. Il est tout à fait possible que l’affaire nécessite la tenue d’une nouvelle audience basée sur une nouvelle preuve, mais cela reste à voir.
Le grand débat sur les pipelines
Au Canada, 2013 fut l’année des pipelines. Au moins cinq projets étaient en cause.
Le projet de l’oléoduc Keystone XL de TransCanada est le plus controversé. Ce projet n’engage pas directement les organismes de réglementation canadiens, puisqu’il revient actuellement au président des États-Unis de l’autoriser. Il a toutefois préparé le terrain pour le conflit qui oppose les entreprises pipelinières aux groupes environnementaux, et les organismes de réglementation du Canada prennent ce conflit très au sérieux. L’un des atouts les plus solides qu’avait TransCanada au départ, soit celui de garantir une sécurité énergétique aux Américains, a perdu de sa force en raison de l’énorme hausse de l’approvisionnement en gaz de schiste susmentionné, laquelle assure aux Américains l’autosuffisance énergétique d’ici 2035.
L’oléoduc Keystone représente un investissement de taille pour TransCanada. L’entreprise a dépensé 2,3 milliards de dollars sur la portion sud du projet et prévoit débourser une somme additionnelle de 5,4 milliards de dollars sur la portion nord. Le Final Supplemental Environmental Impact Statement du département d’État des États-Unis apporte de bonnes et de mauvaises nouvelles. Selon ce rapport paru à la fin de janvier 2014, un baril de pétrole de l’Alberta occasionne 17 % plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’un baril normal raffiné aux États-Unis. Cependant, le rapport souligne également que la construction de l’oléoduc n’aurait pas une incidence importante sur le changement climatique, car autrement, le pétrole brut d’Alberta serait probablement transporté dans les marchés soit par d’autres oléoducs, soit par train.
Cela comporte une part de vérité. Des projets majeurs de transport de pétrole brut venant des sables bitumineux de l’Alberta vers la côte de la Colombie-Britannique sont en cours. Ce pétrole serait ensuite expédié en Asie. De plus, il est désormais normal de voir des trains transportant du pétrole brut. Au Canada, à la fin de 2013, 80 000 barils par jour étaient transportés sur le réseau ferroviaire alors que deux ans plus tôt, la quantité de barils était négligeable. D’ailleurs, compte tenu des catastrophes survenues à Lac-Mégantic et ailleurs, nous commençons à constater que le transport de pétrole brut par train n’est pas une solution avantageuse pour ce qui est de la sécurité et de la pollution.
L’oléoduc Northern Gateway d’Enbridge constituait le deuxième projet en importance à l’étude au Canada en 2013. Celui-ci représente un investissement de 5,5 milliards de dollars. Ce projet vise à acheminer du pétrole brut issu des sables bitumineux vers la côte Ouest, d’où il serait expédié vers des marchés internationaux du littoral du Pacifique, lesquels pratiquent des prix plus élevés. Ce projet a également fait l’objet de sévères critiques de la part de groupes environnementaux et d’une opposition aussi importante des Premières nations de la côte. Le Rapport de la commission d’examen conjoint sur le projet Enbridge Northern Gateway, qui recommande l’autorisation du projet, est analysé par Rowland Harrison dans le présent numéro.
Les organismes de réglementation canadiens doivent répondre de plus en plus aux préoccupations des Premières nations. Au cours des dernières années, tant les organismes de réglementation que les tribunaux se sont efforcés de traiter cette question. Il s’agit là d’un enjeu constitutionnel important. L’excellent article de fond du présent numéro, rédigé par Keith Bergner, expose ces faits de façon très détaillée.
La demande de Kinder Morgan, qui vise à doubler son oléoduc actuel entre Edmonton et Burnaby en Colombie-Britannique au coût de 5,4 milliards de dollars, constitue le troisième projet digne de mention en 2013. Grâce à ce projet, la capacité de l’oléoduc augmenterait de 300 000 à 900 000 barils par jour. Comme il s’agit d’une canalisation existante, l’opposition est moins importante que dans le cas des projets Keystone XL et Northern Gateway. Toutefois, les groupes environnementaux et les Premières nations sont actifs et rien n’est garanti dans le monde de la construction de pipelines.
Une telle préoccupation se confirme par le projet Alberta Clipper d’Enbridge qui prévoit la construction d’une conduite de pétrole brut de 1 600 km entre Hardisty, en Alberta, et Superior, au Wisconsin. L’entreprise avait d’abord compris qu’un permis présidentiel autorisant l’augmentation de la capacité de la conduite de 450 000 barils par jour (capacité actuelle) à 800 000 barils par jour lui serait délivré au milieu de l’année. Cependant, le projet a été retardé à la suite d’une requête de groupes environnementaux voulant que le département d’État procède à une enquête et publie une étude d’impact environnemental supplémentaire qui tient compte des effets cumulatifs des projets Alberta Clipper et Keystone XL.
Le dernier cas et en quelque sorte le plus intéressant est le plus récent projet de TransCanada : l’oléoduc Énergie Est. Ce dernier représente un investissement de 12 milliards de dollars visant à transformer le gazoduc existant de l’entreprise en oléoduc qui s’étend de l’Alberta à la frontière du Québec, puis à construire un nouvel oléoduc parcourant le Québec et le Nouveau-Brunswick, jusqu’aux raffineries d’Irving situées sur la côte.
À certains égards, ce projet est né d’une réaction à la baisse de la demande de transport de gaz naturel sur la canalisation principale de TransCanada et de la décision récente de l’ONÉ faisant suite à la demande de TransCanada de revoir les prix du gaz transporté par cette canalisation.
Le projet Énergie Est a pris un tournant intéressant. Bien que le gouvernement fédéral et l’ONÉ détiennent une compétence exclusive sur les pipelines interprovinciaux, le ministre de l’Énergie de l’Ontario a demandé à la Commission de l’énergie de l’Ontario (CÉO) de mener une consultation à l’échelle provinciale sur les effets du projet. Le ministre a demandé à la CÉO d’examiner les effets de la canalisation sur les consommateurs de gaz naturel de la province en ce qui a trait aux tarifs, à la fiabilité et à l’accès à l’approvisionnement. Le ministre a également demandé à la CÉO d’évaluer les répercussions de l’oléoduc sur la sécurité, l’environnement, les collectivités locales et les communautés autochtones, de même que les effets à court et à long terme sur l’économie de la province. À la fin de ce processus, qui comprendra la tenue de consultations aux quatre coins de la province au cours des prochains mois, l’ONÉ présentera un rapport au ministre qui servira de source d’information pour planifier l’intervention que la province prévoit effectuer au cours de l’audience fédérale.
L’absence de croissance
Les problèmes soulevés par la baisse de la demande, comme nous l’avons vu dans le cas de la canalisation principale de TransCanada, toucheront bientôt les entreprises locales de distribution canadiennes, surtout en Ontario. À l’échelle du pays, il semble que l’Ontario soit au premier rang pour ce qui est des trois facteurs qui causent la chute de la demande en énergie, soit la hausse des prix, l’augmentation de l’efficacité de l’énergie et le passage à la production d’énergie décentralisée.
Le récent Plan énergétique à long terme (PELT) publié par le gouvernement de l’Ontario contient des informations fort intéressantes. En 2005, la demande en électricité de l’Ontario était de 155 TWh. Cette demande est passée à 141 TWh en 2013, ce qui représente une baisse de 9 %. En 2011, la consommation moyenne d’électricité d’un ménage était de 10 MWh. En 2031, elle devrait passer à 7,5 MWh. L’Energy Information Agency (EIA) prévoit qu’en 2035, l’éclairage d’un ménage sera de 827 kWh par année, c’est-à-dire 47 % sous le niveau de 2011. La consommation moyenne des clients commerciaux en 2011 était de 18 kWh par pied carré de plancher et selon les prévisions, en 2031, elle sera de 15 kWh par pied carré.
Une grande part de ces réductions de la demande est causée par la réaction des clients à la hausse des prix. En Ontario, le coût de l’offre de l’électricité du Régime de la grille tarifaire réglementée (RGTR) est passé de 5,5 cents en mai 2008 à 8,9 cents à l’automne 2013, ce qui constitue une augmentation de 63 %. Le PELT prévoit que la facture moyenne résidentielle en Ontario passera de 125 $ par mois en 2013 à 178 $ par mois en 2018, soit une augmentation de 42 %.
Le coût élevé de l’électricité renouvelable qui s’intègre actuellement au système est l’un des facteurs qui contribuent aux hausses de prix. Cette nouvelle production est coûteuse par rapport à la production traditionnelle. Le dernier rapport de l’Ontario sur le RGTR indique que le coût de l’hydroélectricité était de 4,8 cents par kWh et que celui de l’électricité nucléaire était de 6 cents par kWh. En revanche, l’électricité éolienne vaut 12 cents par kWh et l’électricité solaire, 49 cents par kWh.
L’Ontario a en outre été un chef de file en matière de conservation. La province a sollicité près de 5 millions de clients ontariens pour utiliser des compteurs intelligents permettant d’appliquer les tarifs en fonction des heures de consommation, une mesure qui s’est élevée à 1 milliard de dollars. Ainsi, la demande de pointe a chuté d’environ 3 %, ce qui équivaut à 1 000 MW. Par le passé, la conservation était l’affaire des services publics et relevait du gouvernement dans la plupart des cas.
Le rôle de la conservation et ses répercussions sur la demande ne feront que s’intensifier. D’après le PELT de l’Ontario, la province investira dans la conservation avant d’investir dans la nouvelle production. Depuis 2005, la conservation a permis de réduire la demande en électricité de 1 900 MW. Le rapport sur le PELT prévoit que la conservation entraînera des réductions de la demande de pointe de 1.500 MW en 2015 et de presque 3 000 MW d’ici 2030.
Les mesures de conservation à venir seront toutefois différentes, c’est-à-dire que les clients prendront plus de mesures eux-mêmes, sans être influencés par les services publics ou le gouvernement. Les clients touchés par la hausse des coûts prendront leurs propres décisions au moyen de technologies de pointes.
Google a récemment payé 3 milliards de dollars pour l’acquisition de Nest, un fournisseur de thermostats intelligents. Ces derniers pourraient devenir plus populaires que les compteurs intelligents, car ils ont l’avantage de se connecter à l’aide d’Internet et leur installation ne nécessite que quelques minutes plutôt que plusieurs mois. De plus, les coûts de transport sont nuls. Les appareils qui communiquent avec ces thermostats sont déjà entre les mains des clients; il s’agit des téléphones intelligents. Dans ce nouveau monde, l’intelligence est partout : compteurs intelligents, réseau intelligent, téléphones intelligents et, dorénavant, des thermostats intelligents.
D’autres technologies influenceront le comportement des clients. Les systèmes d’accumulateurs perfectionnés permettront un stockage d’énergie plus abordable pour les véhicules électriques, les résidences et les commerces. Le stockage d’électricité, qui était un objectif du ministre dans le PELT de l’Ontario, pourrait devenir la prochaine technologie perturbatrice. Ces technologies créeront certains enjeux intéressants en ce qui a trait à la réglementation de l’énergie au Canada.
Le troisième facteur responsable de la baisse de la demande est peut-être celui qui changera vraiment la donne. Les clients, surtout les consommateurs d’électricité, se retirent du réseau, encore une fois sous l’influence de la technologie –solaire cette fois. L’industrie solaire a d’abord éprouvé des problèmes, mais actuellement, les prix baissent rapidement. En 1977, le prix moyen d’un panneau solaire photovoltaïque était de 77 $ par watt. Aujourd’hui, il est possible de s’en procurer pour moins de 1 $ par watt. À l’échelle mondiale, la nouvelle capacité de production solaire surpassera bientôt la capacité éolienne. En 2013, des systèmes solaires totalisant plus de 100 milliards de dollars seront installés, ce qui représente plus de 100 GW. De nos jours, les entreprises financent l’installation de dispositifs solaires sur des toits de résidences en échange de l’énergie excédentaire produite. L’arrivée de l’énergie solaire sur le marché commercial est la prochaine étape. En 2013, Walmart a installé plus de 65 MW d’énergie solaire, Costco, 39 MW et IKEA, 21,5 MW.
La production locale ne se limite pas à l’énergie solaire. En Californie, les manufacturiers ont recours à l’autoproduction et aux microéoliennes, diminuant ainsi la part d’électricité qui leur est vendue de 33 % à 10 %. Ces tendances représentent de réels problèmes pour les services publics et les organismes de réglementation.
Les industries de la production et de la distribution d’énergie ont des coûts fixes élevés. Tant que la demande est croissante, une grande partie des revenus additionnels deviennent des bénéfices nets. Mais lorsque le contraire se produit et que la demande baisse, les profits chutent. Au fur et à mesure que des clients se retirent du réseau, ceux qui demeurent doivent payer une partie des coûts fixes de plus en plus importante moyennant des tarifs plus élevés. Comme les tarifs ne cessent d’augmenter, un plus grand nombre de clients trouvent de nouvelles possibilités. Ce phénomène représente une tendance fatale pour les services publics.
Nouvelle difficulté en matière de réglementation
Sur certains points, le cas de la canalisation principale de TransCanada survenu l’année dernière a servi d’avertissement aux organismes qui réglementent les entreprises locales de distribution et, de fait, ces organismes ont vu venir les difficultés. Par exemple, ce printemps, la CÉO publiera une étude portant directement sur le problème de baisse de volume.
Les recommandations tirées de cette étude feront probablement état d’une nouvelle prime de puissance, car dans un monde où la demande est en déclin, les tarifs ne peuvent se baser uniquement sur le volume. Toutefois, un tarif qui dépend entièrement d’une prime de puissance pourrait annuler tous les acquis provenant des vastes programmes d’efficacité énergétique établis à l’échelle nationale. L’Ontario aura toutefois une prime de puissance unique du fait que le montant dépendra de la demande maximale de la clientèle. Les clients dont la demande maximale sera plus importante auront une prime de puissance plus élevée que ceux dont la demande maximale sera plus basse. D’autres autorités sont engagées dans ce type d’analyse, notamment la California Energy Commission, récemment chargée d’entreprendre un examen des tarifs par la législature de l’État.
L’absence de croissance soulève également des problèmes réels à l’égard des mesures tarifaires d’incitation, qui sont devenues monnaie courante dans un grand nombre de territoires de compétence. Le concept est assez simple : l’augmentation du tarif se limite à une augmentation de l’indice de prix d’une industrie moins un facteur de productivité. Mais en l’absence de croissance, il n’y a pas d’augmentation de productivité. Lorsqu’il y a une baisse dans la demande d’une industrie dont les coûts fixes sont élevés, la productivité chute, et cela n’est pas causé par l’inefficacité. La baisse de la demande qui entraîne la chute de productivité est en grande partie attribuable à des facteurs qui échappent au contrôle des services publics.
Tant les services publics de distribution d’électricité que les distributeurs de gaz auront à faire face à ce problème, quoique ces derniers se trouvent en quelque sorte dans une situation différente. Leur coût énergétique, c’est-à-dire le gaz naturel qu’ils achètent, a également chuté de façon spectaculaire en Amérique du Nord à cause du gaz de schiste. Les services publics de distribution d’électricité, pour leur part, se situent à l’autre bout de l’échelle : leur coût énergétique est haussé par les énergies renouvelables et par la construction de nouvelles installations de production traditionnelle coûteuses.
La solution à long terme à la tendance fatale pour les services publics pourrait nécessiter davantage qu’une nouvelle tarification. Si les services publics de distribution d’électricité veulent survivre, ils devront peut-être devenir des entreprises de services énergétiques intégrées. Pour que cela soit possible, les organismes de réglementation et les législateurs auront à récrire les règles du jeu. Le débat tient au fait que, pour survivre, les services publics doivent être en mesure de participer sur les nouveaux marchés. Les décideurs et les organismes de réglementation devront supprimer les limites artificielles qui, au cours des années, ont été mises en place tant sur les marchés de produits que sur les marchés géographiques.
Faut-il interdire aux entreprises locales de distribution de participer à la production? Cette question ne s’applique pas qu’à la production : les organismes de réglementation devront s’occuper d’une panoplie d’autres «.nouveaux » services sous peu, notamment le stockage d’énergie, l’efficacité énergétique et la recharge de véhicules électriques. Sans oublier que les services publics soutiendront qu’ils devraient être en mesure de chercher à établir de nouveaux partenariats uniques et, après tout, qu’ils devraient profiter de règles de jeu équitables leur permettant de rivaliser avec les nouveaux concurrents qui pénètrent leur marché.
Le fait de revoir la situation des services publics pourrait présenter des avantages importants. En premier lieu, cela pourrait sauver ces entreprises, ce qui, il va sans dire, est une bonne chose. En second lieu, cela pourrait stimuler le développement de nouvelles technologies. Les services publics ont accès à des capitaux et à des connaissances et peuvent mettre à profit les relations étroites qu’ils entretiennent avec leurs clients. La possibilité que les services publics utilisent des revenus tirés de marchés monopolistiques pour subventionner des activités sur des marchés concurrentiels demeurera toujours une préoccupation, mais la distinction entre ces marchés n’est peut-être pas si claire.
Le temps est peut-être révolu pour les règlements d’exclusion systématique qui établissent des limites entre les services qui semblent peu judicieuses dans le monde de la technologie moderne.
La situation n’est pas simple à régler et les organismes de réglementation et les législateurs devront se démener. L’équilibre est fragile. Mais il suffit de considérer la décision rendue dans l’affaire de la canalisation principale de TransCanada et d’autres articles du présent numéro de la Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie pour se rendre compte que la prochaine difficulté à surmonter en matière de réglementation se profile à l’horizon.