Introduction
L’automne prochain, le 18 novembre 2014, dix années se seront écoulées depuis que la Cour suprême du Canada a rendu deux décisions sources : Nation haïda c. Colombie-Britannique (ministre des forêts), 2004 CSC 73 et Première nation tlingit de Taku River c. Colombie Britannique (Directeur d’évaluation de projet), 2004 CSC 74. Il s’agissait d’un moment décisif dans l’une des évolutions les plus importantes du droit qui s’applique aux organismes de réglementation fédéraux et provinciaux canadiens en matière d’énergie ces dernières années — et sans doute parmi les plus importantes évolutions du droit canadien en général ces dernières années — à savoir, l’émergence et la clarification continue de l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones et, le cas échéant, de trouver des accommodements à leurs préoccupations.
Il y a dix ans, les questions rattachées aux droits ancestraux et titre aborigène et à l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones n’occupaient seulement que la périphérie du droit et de la pratique en matière de réglementation et d’énergie. Aujourd’hui, pour de nombreux organismes de réglementation en matière d’énergie, promoteurs de projets, groupes autochtones et intervenants, ces questions sont devenues cruciales dans les processus d’approbations réglementaires des projets de grande (et de moins grande) envergure. Comme la Cour suprême du Canada l’a fait remarquer à juste titre dans une décision plus récente :
« Depuis lors [depuis la décision Haïda], la consultation des Autochtones par le gouvernement constitue un volet important du processus d’exploitation des ressources2… »
Compte tenu de l’importance des organismes de réglementation en matière d’énergie dans le processus d’exploitation des ressources, les questions rattachées à l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones constituent également un volet important du processus de réglementation. Toutefois, le rôle et la fonction de ces organismes dans les consultations avec les Autochtones et l’examen des consultations avec les Autochtones menées par d’autres — et la façon dont ces questions s’intègrent dans le processus de réglementation — sont souvent encore mal compris et restent insuffisamment étudiés. Les organismes de réglementation ont eu du mal à définir leur rôle et à comprendre leur compétence en ce qui a trait aux enjeux juridiques, historiques et sociaux complexes soulevés par ces questions.
La réunion du droit des Autochtones (et de ses praticiens) et du droit réglementaire/de l’énergie (et de ses praticiens) ne se fait pas toujours sans heurts. Dans les salles d’audience des organismes de réglementation en matière d’énergie d’aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des praticiens et avocats en droit des Autochtones (qui connaissent bien le droit relatif aux droits ancestraux et titre aborigène et à l’obligation de la Couronne de consulter) citer une foule de décisions de la jurisprudence autochtone à un organisme de réglementation (souvent un peu perplexe), tout en accordant souvent une importance négligeable aux questions concernant le rôle et la fonction véritables de l’organisme de réglementation en matière d’énergie visé. Il n’est pas rare non plus de voir ces organismes aux prises avec de tels arguments et de tenter de concilier ces arguments avec leur rôle et leur fonction d’ordre législatif, sans trouver d’indications importantes dans les descriptions de leur mandat législatif.
Objectif et aperçu
Cet article entend démontrer qu’une grande partie de la confusion qui prévaut dans ce domaine du droit est le fait de ne pas établir une distinction appropriée entre (i) les divers contextes juridiques dans lesquels l’obligation de consulter peut s’appliquer; (ii) les différents types de structures décisionnelles dans lesquelles les organismes de réglementation en matière d’énergie exercent leurs activités et (iii) les différents types de parties (privées ou représentantes de la Couronne) qui peuvent être demandeurs ou parties devant ces mêmes organismes. Ce qu’il faut, ce n’est pas une recherche de réponses universelles qui conviendront à tous les organismes de réglementation en matière d’énergie et en toutes circonstances. Il faut plutôt un cadre d’analyse qui aidera à préciser la nature des obligations de consultation et le rôle d’un tel organisme de dans le contexte d’un cadre législatif, d’une demande et d’un demandeur précis.
Dans un effort pour commencer la discussion au sujet d’un tel cadre analytique, cet article entend démontrer ce qui suit :
- Il y a trois contextes juridiques distincts au Canada qu’il importe de comprendre.: (i) les traités historiques; (ii) les traités modernes ou les revendications territoriales globales; et (iii) les secteurs non couverts par traité.
- L’obligation de la Couronne de consulter peut s’appliquer dans ces trois contextes, mais le but, la portée et l’étendue de l’obligation de consulter peuvent être différents dans chaque contexte. Certains organismes de réglementation en matière d’énergie peuvent se retrouver dans plus d’un de ces contextes (parfois dans le cadre d’une seule demande de projet) et doivent être attentifs aux différences éventuelles dans les façons dont l’obligation de consulter peut s’appliquer.
- L’obligation de l’organisme de réglementation en matière d’énergie de se pencher sur la consultation et sur la portée de celle-ci dépend du mandat que lui confère la loi constitutive du tribunal. Le législateur peut ne déléguer aucun ou déléguer les deux pouvoirs pour s’acquitter de l’obligation de la Couronne de consulter ou déterminer si une consultation adéquate a eu lieu, l’exercice de ce pouvoir faisant dès lors partie de son processus décisionnel.
- Le rôle précis de l’organisme de réglementation en matière d’énergie peut varier selon la nature de la demande, la nature de la structure décisionnelle en place pour de telles demandes et le demandeur qui comparaît, en particulier si ce demandeur est une entreprise privée ou un représentant de la Couronne.
Le présent article tente de présenter un aperçu du point de vue du croisement du droit des Autochtones et du droit réglementaire. Les personnes qui ont des connaissances spécialisées en droit des Autochtones trouveront peut-être que le traitement du principe et de la jurisprudence riches et variés est assez élémentaire. Les personnes qui ont des connaissances spécialisées en droit de la réglementation, quant à elles, considéreront peut-être qu’il en va de même du traitement des principes et du droit de la réglementation. Peut-être est-ce là une conséquence de la tentative de s’adresser à deux auditoires assez différents à la fois. Comme c’est le cas pour une bonne partie du droit des Autochtones (et avec cette partie de l’histoire du Canada), ce dialogue constitue nécessairement une discussion «.interculturelle.», et certaines subtilités et nuances (au moins au départ) risquent d’être sacrifiées en cours de route.
Plus précisément, l’objectif de cet article est de situer et d’examiner le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie en ce qui a trait à l’obligation de la Couronne de consulter. Compte tenu du nombre et de la diversité des organismes de réglementation en matière d’énergie dans le paysage canadien, cet article ne tente pas et n’a pas la prétention d’examiner de façon exhaustive chaque organisme de réglementation en matière d’énergie ni d’examiner sa législation. Il vise plutôt l’objectif plus modeste de tenter de définir et de préciser les principes directeurs et un cadre analytique qui s’appliquent pour définir le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie. J’espère que cet effort pourra avoir une certaine utilité pour les organismes de réglementation canadiens du secteur de l’énergie et la myriade de parties qui comparaissent devant eux, notamment les promoteurs de projets, les groupes autochtones et les autres intervenants qui veulent en savoir plus sur le rôle important (mais souvent mal compris) des organismes de réglementation canadiens du secteur de l’énergie.
Cet article s’articule autour des trois parties suivantes :
- La partie I contient des notions élémentaires sur les droits ancestraux et titre aborigène et décrit trois contextes juridiques distincts qui existent dans le Canada contemporain : les traités historiques, les traités modernes et les secteurs non couverts par traité;
- La partie II traite des sources, du but et des principes applicables à l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones et comporte un examen de la façon dont cette obligation s’applique dans chacun des trois contextes juridiques susmentionnés;
- La partie III traite de l’objectif premier de cet article en examinant le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie en ce qui a trait à l’obligation de la Couronne de consulter;
L’aperçu des droits ancestraux et titre aborigène (Partie I) et de l’obligation de la Couronne de consulter (Partie II) sert de fondement pour comprendre et constater l’interrelation qui existe entre les principes du droit des Autochtones et le droit réglementaire/administratif applicable aux organismes de réglementation en matière d’énergie (Partie III).
Partie 1 : Notions élémentaires sur les droits ancestraux et le titre autochtone au Canada
Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 19823 précise ce qui suit :
« Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés ».
Derrière cette simple phrase se cache un concentré de diversité et de complexité.
Au Canada, on compte plus de 600 Premières nations, de même que de nombreux groupes et organismes des Inuits et des Métis. Au sein de ces groupes, on retrouve de nombreuses traditions linguistiques et culturelles riches et variées. On y retrouve également une grande diversité de circonstances historiques et contemporaines et un éventail tout aussi diversifié de perspectives, d’orientations et d’approches. Toute tentative de classer une telle diversité dans un nombre artificiellement bas de cadres juridiques risque d’être accusée de n’être rien de plus qu’une généralisation à grande échelle. La tentative d’établir un classement de ces cadres juridiques n’est nullement un manque de respect envers la diversité qui existe parmi et entre les groupes autochtones, elle constitue simplement un effort pour rendre une telle diversité gérable pour les non-spécialistes de l’histoire et des affaires autochtones.
En gardant à l’esprit la mise en garde susmentionnée, il semble y avoir, de façon générale, trois cadres juridiques applicables aux peuples autochtones au Canada :
- les traités historiques;
- Les traités modernes ou les revendications territoriales globales;
- les secteurs non couverts par traité.
Chacun de ces cadres juridiques est décrit plus en détail ci-dessous.
Traités historiques dans des secteurs qui font partie de ce qui est aujourd’hui le Canada
Dans certaines régions du Canada, il est de plus en plus courant d’entendre l’affirmation suivante.: «.nous sommes tous visés par les traités.». Il est vrai que des traités entre la Couronne et les peuples autochtones ont été conclus dans bon nombre de régions du Canada qui couvrent la plus grande partie de la masse territoriale canadienne. Toutefois, dans certaines parties importantes du Canada, la conclusion des traités n’est pas encore achevée. Malheureusement, il n’est pas rare que des Canadiens non autochtones vivent de nombreuses années ou même pendant leur vie entière dans une région du Canada sans connaître ou comprendre les dispositions des traités qui auraient pu amorcer ou accompagner le peuplement non autochtone dans cette région.
Un examen approfondi de ces traités (et des règles d’interprétation qui s’appliquent à eux) dépasse la portée du présent article, mais les traités historiques existants peuvent généralement être regroupés dans les catégories suivantes :
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Traités de paix et de neutralité (1701-1760)
Ces traités ont été préparés par les Britanniques et les Français qui cherchaient à établir des alliances militaires avec les Premières nations dans le contexte de la lutte pour gagner le contrôle de l’Amérique du Nord. Par exemple, le traité de Swegatchy et le traité Huron-Britannique — tous deux conclus en 1760, à la fin de la Guerre de Sept Ans —abordaient, entre autres, des questions comme la protection du territoire traditionnel des Premières nations, le droit de commerce avec les Britanniques et le maintien des pratiques traditionnelles.
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Traités de paix et d’amitié(1725-1779)
Ces traités ont été conclus entre l’autorité britannique en Nouvelle-Écosse et les Mi’kmaq et les Maliseet dans les Maritimes.
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Cessions de terres du Haut-Canada et les traités Williams (1781-1862/1923)
Ces traités portaient sur des cessions de terre dans la région des Grands Lacs. Pour la plupart, ces traités comportaient le paiement d’un montant unique avec des obligations permanentes. En 1923, les traités Williams portaient sur des cessions de terre (contre le paiement d’un montant unique fixe) dans la région située entre la baie Géorgienne, la rivière des Outaouais, le lac Simcoe et les terres à l’ouest de la baie de Quinte.
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Les traités Robinson et les traités Douglas (1850-1854)
Les traités Robinson de 1850 ont été conclus entre William Robinson et les habitants autochtones, surtout des Ojibwa, de la région du nord des Grands Lacs. Le traité Robinson-Supérieur visait la région de la rive nord du lac Supérieur. Le traité Robinson-Huron visait les régions du lac Huron et de la baie Georgienne. Ces traités — contrairement aux traités négociés antérieurement — proposaient d’assurer la réserve de terres pour les signataires, le paiement d’annuité en perpétuité et la conservation des droits de chasse et pêche.
Les traités Douglas — 14 en tout — ont été conclus, de 1850 à 1854, entre James Douglas (facteur en chef de la Compagnie de la Baie d’Hudson et plus tard gouverneur de la colonie de l’île de Vancouver) et certaines Premières nations de l’île de Vancouver. Ces traités prévoyaient la cession de terres près des postes de la Compagnie de la Baie d’Hudson sur l’île de Vancouver en échange de réserves, de paiements et du maintien des droits de chasse et pêche.
Cette nouvelle approche (reconnaissant le maintien des droits de chasse et de pêche) sera développée plus loin dans de nombreux traités (examinés ci-dessous).
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Les traités numérotés (1871-1921)
Entre 1871 et 1921, le Canada a entrepris la signature de 11 traités « numérotés » (soit le Traité no 1, le Traité no 2, etc.) qui visaient les prairies, les vallées de la rivière de la Paix et de la rivière Mackenzie, et le nord de l’Ontario. Ces traités prévoyaient la cession de terres en échange de réserves, de paiements et du maintien des droits de chasse et pêche4.
L’autre classement souvent employé pour ces traités historiques est de les considérer dans les regroupements suivants : (i) les traités datant d’avant la Confédération et (ii) les traités datant d’après la Confédération — avec la ligne de division tracée à 1867. Le domaine d’application et le contenu des traités historiques font l’objet de débats et d’incertitudes considérables. Par exemple, la «.clause relative au commerce » du traité de paix et d’amitié de 1760 et 1761 a fait l’objet d’une célèbre contestation devant la Cour suprême du Canada en 1999 dans l’affaire R. c. Marshall5. Une jurisprudence abondante et détaillée s’est développée concernant l’interprétation de ces importants traités historiques6.
La carte suivante7 indique la localisation et les frontières approximatives des traités historiques au Canada.
Comme on peut le voir sur la carte, lorsque le processus d’établissement de traités historiques s’est conclu au début des années 1900, de vastes sections du Canada actuel n’étaient pas visées par des traités, notamment la majeure partie de la Colombie-Britannique, le Québec, Terre-Neuve, Labrador, le Yukon, l’est des Territoires-du-Nord-Ouest et le territoire de ce qui est maintenant le Nunavut8.
Comme on le verra ci-après, certains de ces secteurs non couverts par traité ont par la suite fait l’objet de négociations de traités modernes. De plus, dans certaines régions où les traités historiques n’ont jamais été pleinement mis en œuvre (notamment, par exemple, en ce qui concerne le Traité no 11 et certaines des régions nordiques du Traité no 8), la Couronne et les groupes autochtones concernés ont également entrepris des négociations de traités modernes et dans certains cas ont conclu des accords modernes.
Établissement des traités modernes au Canada
Le processus des traités modernes sert à terminer la conclusion des traités qui n’est pas encore achevée dans des régions du Canada où des traités historiques n’ont pas été signés. Le paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982, précise ce qui suit :
« Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités…, les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis ».
Il n’y a pas de ligne de démarcation nette entre les traités « historiques » et « modernes ». La distinction artificielle est faite ici pour une simple raison pratique. Dans la plupart des tentatives de catégorisation, le premier traité dit moderne est censé être la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, signée en 1975. Ce qui distingue peut-être le plus les traités modernes des traités historiques est leur longueur et leur précision; ils se présentent généralement sous la forme de centaines de pages et comportent de nombreuses annexes et cartes détaillées.
Le juge Binnie, de la Cour suprême du Canada, a souligné ce qui suit :
« Par leur complexité et leur caractère détaillé, les traités récents marquent un énorme progrès, à la fois par rapport aux traités historiques antérieurs à la Confédération… et par rapport aux traités postérieurs à la Confédération tel le Traité no 8 (1899)… Les traités historiques, habituellement formulés en termes nobles d’une grande généralité, étaient souvent ambigus. Les tribunaux se sont ainsi vus forcés de recourir à des principes généraux (comme l’honneur de la Couronne) pour pallier les lacunes et parvenir à un résultat équitable. En revanche, si les ententes récentes sur des revendications territoriales globales — que l’on pourrait sans doute faire remonter à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (1975) — doivent elles aussi être interprétées et appliquées en conformité avec l’honneur de la Couronne, elles étaient néanmoins censées de procurer une certaine précision quant aux droits et obligations relatifs à la propriété et à la gouvernance. Au lieu d’instituer des mécanismes ponctuels facilitant la réconciliation, les traités récents visent à inscrire les relations entre Autochtones et non Autochtones dans le système juridique général, avec les avantages que cela présente sur le plan de la continuité, de la transparence et de la prévisibilité »9.
Établissement de traités modernes au nord du 60e parallèle
Le processus d’établissement de traités modernes demeure, à ce jour, beaucoup plus prolifique dans le nord du Canada. Depuis 1973, 16 revendications territoriales globales ont été conclues dans les territoires du Nord (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut).
- Au Yukon, on compte 14 Premières nations. À ce jour, des ententes sur des revendications territoriales ont été conclues avec 11 de ces Premières nations et sont appliquées. Voici ces 11 Premières nations avec la date à laquelle leur entente a été appliquée : les Premières nations de Champagne et d’Aishihik (1993); le conseil des Tlingits de Teslin (1993); la Première Nation des Gwitchin Vuntut (1993); la Première Nation des Nacho Nyak Dun (1993); la Première Nation de Little Salmon/Carmacks (1997); la Première Nation de Selkirk (1997); la Première Nation des Tr’ondek Hwech’in (1998); la Première Nation des Ta’an Kwach’an (2002); la Première Nation de Kluane (2003); la Première Nation des Kwanlin Dun (2005) et la Première Nation Carcross Tagish (2005)10.
- Dans les Territoires du Nord-Ouest, à ce jour, des ententes sur des revendications territoriales ont été conclues et sont appliquées avec les groupes autochtones suivants : les Inuvialuits (1984), les Gwich’in (1992), les Dénés et les Métis du Sahtu (1994) et les Tlichos (2005). Dans la partie sud des Territoires du Nord-Ouest, les négociations sur les revendications territoriales se poursuivent avec un certain nombre de groupes des Premières nations et des Métis.
- Au Nunavut, l’Accord définitif du Nunavut conclu en 1993 a conduit à la division des (jadis plus grands) Territoires du Nord-Ouest et à la création du nouveau territoire du Nunavut en 1999.
Les traités modernes au Canada comportent généralement deux volets : (i) les ententes sur des revendications territoriales globales et (ii) les ententes sur l’autonomie gouvernementale. Certaines ententes portent sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale. Toutefois, certaines ententes portent uniquement sur les revendications territoriales, et laissent les négociations sur l’autonomie gouvernementale aboutir séparément. Par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest, l’accord définitif des Tlichos (2005) porte sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale; toutefois, les ententes antérieures conclues dans ce territoire (avec les Inuvialuits, les Gwich’in et du Sahtu) portent uniquement sur les revendications territoriales globales et laissent la question de l’autonomie gouvernementale à des négociations ultérieures (en cours).
Établissement de traités modernes au sud du 60e parallèle
Dans le reste du Canada (au sud du 60e parallèle) au cours de la même période, un nombre relativement restreint d’autres ententes sur les revendications territoriales globales et sur l’autonomie gouvernementale ont été conclues :
- Au Québec, il y a eu la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (1977) susmentionnée et la Convention du Nord-Est québécois (1978).
- Les îles au large et les zones marines adjacentes au Québec ont fait l’objet de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Nunavik (2008) et de l’Accord sur les revendications territoriales concernant la région marine d’Eeyou (2012).
- Le nord du Labrador a fait l’objet de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador (2005).
- En Colombie-Britannique, il y a eu l’Accord définitif Nisga’a (2000), l’Accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen (2009) et l’Accord définitif des Premières nations maa-nulthes (2011). Des ententes sur l’autonomie gouvernementale ont également été conclues avec la bande indienne sechelte11 (1986) et dans le cadre de l’Accord d’autonomie gouvernementale de la Première Nation de Westbank (2005).
La carte suivante montre les régions du pays où des traités modernes ont été conclus, notamment les ententes sur les revendications territoriales globales et sur l’autonomie gouvernementale12.
Processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique est la province où se retrouve sans doute la plus grande concentration de traités au Canada où la conclusion est restée inachevée. Comme on l’a vu précédemment, il n’y a pas de traités historiques ou modernes qui couvrent la majeure partie de la Colombie-Britannique. Toutefois, les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique ont négocié des traités avec de nombreuses Premières nations, conformément au processus établi par la Commission des traités de la C.-B. La Commission des traités et le processus des traités ont été établis en 1992 en vertu d’une entente entre le gouvernement du Canada, le gouvernement de la C.-B. et le Sommet des Premières nations.
La carte suivante illustre les nombreuses revendications (se chevauchant) soumises dans le cadre du processus établi par la Commission des traités de la C.-B.13 :
Certaines bandes indiennes en Colombie-Britannique négocient individuellement, alors que d’autres bandes se sont alliées pour former de plus grands groupes de négociation de traités. Sur les plus de 200 bandes indiennes en Colombie-Britannique, il y un peu plus de 100 d’entre elles qui participent au processus de la Commission des traités de la C.-B., regroupés dans environ 60 tables de négociation des traités14. Sur ces 60 groupes de négociation de traités :
- Deux (les Premières nations maa-nulthes et de Tsawwassen) sont en train de mettre en œuvre des ententes relatives à un traité;
- Trois ont conclu des accords définitifs qui n’ont pas encore été appliqués;
- Cinq ont entrepris la négociation d’ententes définitives ou ont conclu des ententes de principe;
- Dix sont bien avancés dans les négociations relatives à une entente de principe;
- Vingt poursuivent activement des négociations relatives à une entente de principe;
- Vingt ne négocient pas actuellement de traité.
De nombreux observateurs ont exprimé leur frustration devant la lenteur relative des négociations de traités et le fait — après plus de vingt ans d’existence du processus de la Commission des traités de la C.-B. — qu’il n’y ait qu’une poignée d’accords définitifs conclus. On estime toutefois que la situation actuelle s’est imposée depuis quelques centaines d’années, et il est peut-être irréaliste d’espérer ou d’attendre que des négociations de traités soient conclues rapidement. Ces dernières années, en C.-B., un certain nombre de Premières nations ont signé des ententes « progressives » qui confèrent un titre ou donnent accès à un nombre limité de parcelles de terres de la Couronne avant la conclusion d’une entente relative à un traité complet.
Revendications territoriales modernes – caractéristiques communes
Étant donné que le processus de négociation des traités modernes au Canada s’étend déjà sur quatre décennies, il n’est pas étonnant de constater une variation importante dans l’approche et dans les détails des traités modernes mentionnés précédemment. Encore une fois, au risque d’être accusé de généralisation, l’analyse qui suit sera axée sur des éléments communs. Une approche commune à l’égard de ces ententes, qui ont chacune leurs propres dispositions structurales et procédurales, est la suivante :
- Une parcelle de terre particulière est désignée et confirmée comme étant détenue en fief simple par un groupe autochtone;
- Une parcelle de terre plus vaste est désignée comme zone de gestion, dans laquelle le groupe autochtone, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ou territorial participent à la planification de l’aménagement du territoire, à la délivrance des permis et aux autorisations d’utilisation des terres;
- Une étendue plus vaste dans laquelle certains droits relatifs aux terres, comme les droits de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette, continuent de s’appliquer. Cette étendue plus vaste chevauche souvent les zones de gestion ou d’autres zones dans lesquelles les groupes autochtones voisins ont des droits et les exercent.
Il est évident que les décisions concernant les projets sur les terrains et les ressources des terres en fief simple en vertu de ces ententes relèvent du groupe autochtone, sous réserve des lois et règlements de ce groupe autochtone, ainsi que des lois et règlements en matière d’évaluation environnementale et de protection de l’environnement généralement applicables. Le problème le plus complexe et délicat est de déterminer le degré de contrôle exercé par le groupe autochtone dans les deuxième et troisième catégories de terres susmentionnées. Cette question sera examinée de façon plus approfondie dans la Partie II ci-après.
Secteurs non couverts par traité au Canada
Malgré les efforts de négociation des traités historiques et modernes, il reste encore des parties importantes du Canada où des traités n’ont jamais été signés. Par exemple, en Colombie-Britannique, où il y a plus de 200 Premières nations (sur un peu plus de 600 dans l’ensemble du Canada), la grande majorité des groupes autochtones n’ont pas de traité en vigueur15. En l’absence de traités, les principaux développements au chapitre des droits ancestraux et titre aborigène découlent de décisions judiciaires. Dans le monde hiérarchique des tribunaux, il n’y a pas de décisions judiciaires plus importantes que celles qui ont été prises par la Cour suprême du Canada. C’est pourquoi les paragraphes qui suivent porteront sur les étapes et les décisions judiciaires importantes de cette Cour.
Le jugement Calder
À la fin des années 1960, Frank Calder, le conseil tribal des Nisga’as et quatre bandes indiennes ont intenté une action contre le procureur général de la Colombie-Britannique en vue d’obtenir une déclaration « suivant laquelle le titre aborigène, autrement dit titre indien, que les demandeurs détiennent sur leur ancien territoire tribal… n’a jamais été juridiquement éteint ». La demande reposait en partie sur la Proclamation royale du 7 octobre 1763. L’action a été rejetée en première instance, et la Cour d’appel a rejeté l’appel de la décision.
Un comité de sept juges de la Cour suprême du Canada a entendu l’appel et, dans un jugement inhabituel sur le plan procédural, la décision a été partagée : 3-3-116.
- Trois juges (Hall, Spence et Laskin) auraient accueilli l’appel et rejeté comme « entièrement erronée » la proposition selon laquelle « après la conquête ou la découverte, les peuples aborigènes n’ont aucun droit à l’exception de ceux qui leur sont par la suite accordés ou reconnus par le conquérant ou le découvreur ». Ils ont conclu que le titre aborigène a continué d’exister et qu’il n’a pas été cédé.
- Trois juges (Martland, Judson et Ritchie) ont voté pour rejeter l’appel en fondant leur opinion sur les termes mêmes de la Proclamation ainsi que « sur l’histoire de la découverte, de la colonisation et de l’établissement de ce qui est maintenant la Colombie-Britannique ». Comme la région en question n’a été soumise à la souveraineté britannique qu’en 1846, les appelants ne faisaient pas partie de l’une des diverses bandes ou tribus indiennes soumises à la protection britannique en 1763 et n’étaient pas visés par la Proclamation.
- Le septième juge (Pigeon) a refusé de trancher et a plutôt conclu que la Cour n’est pas compétente (à défaut d’une autorisation du lieutenant-gouverneur de cette province) pour faire la déclaration demandée, puisqu’il s’agit de la revendication d’un titre contre la Couronne du chef de la province de la Colombie-Britannique.
Étant donné la nature inhabituelle de cette décision partagée 3-3-1, la décision finale n’était pas concluante, mais elle est généralement reconnue pour avoir relancé le processus de négociation des traités modernes au Canada. (L’accord définitif Nisga’a est entré en vigueur en 2000.)
Jurisprudence relative à l’article 35
À la suite de l’introduction du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, la Cour suprême du Canada en a examiné la portée dans l’affaire R. c. Sparrow, [1990] 1 RCS 1075 [Sparrow]. Elle a estimé qu’il y a lieu d’interpréter le paragraphe 35(1) « en fonction de l’objet qu’il vise » et qu’une interprétation généreuse et libérale s’impose étant donné que cette disposition vise à confirmer les droits ancestraux. Un texte législatif qui touche l’exercice de droits ancestraux sera valide s’il satisfait au critère applicable pour justifier une atteinte à un droit reconnu et confirmé au sens du paragraphe 35(1).
À la suite de l’arrêt Sparrow en 1990, un nombre croissant des litiges relatifs au droit applicable aux Autochtones au cours des années 1990 ont porté sur les droits ancestraux et titre aborigène, y compris le contenu de tels droits et comment ces droits peuvent être établis. À la fin des années 1990, ces questions ont été débattues jusqu’à la Cour suprême du Canada dans une série d’appels. Incontestablement, deux des plus importants appels de cette époque étaient les suivants :
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R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507.
Cet appel, entendu de concert avec les appels connexes R. c. N.T.C. Smokehouse Ltd., [1996] 2 R.C.S. 672, et R. c. Gladstone, [1996] 2 R.C.S. 723, a soulevé la question que la Cour suprême du Canada n’a pas tranchée dans l’arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, à savoir : Comment faut-il s’y prendre pour définir les droits ancestraux reconnus et confirmés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982? Pour constituer un droit ancestral, une activité doit être un élément d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone qui revendique le droit en question. Constituent des droits ancestraux les coutumes, pratiques et traditions qui marquent la continuité avec les coutumes, pratiques et traditions qui existaient avant le contact avec les Européens.
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Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010 [Delgamuukw].
Cet appel a porté sur le contenu du titre aborigène, la façon dont l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 protège le titre aborigène et les éléments de preuve requis pour établir le titre aborigène. La Cour a jugé que le titre aborigène comprend le droit d’utiliser et d’occuper de façon exclusive les terres détenues en vertu de ce titre pour différentes fins qui ne doivent pas nécessairement être des aspects de coutumes, pratiques et traditions autochtones faisant partie intégrante d’une culture autochtone distinctive. Pour établir le bien fondé de la revendication d’un titre aborigène, le groupe autochtone qui revendique le titre doit démontrer qu’il occupait les terres en question au moment où la Couronne a affirmé sa souveraineté sur ces terres.
La Cour n’a toutefois pas déterminé avec précision le lieu, les droits ancestraux ou le titre aborigène s’appliquent et n’a pas défini avec précision leur contenu. On a laissé le soin de les définir dans le cadre de nouvelles actions en justice ou de les établir dans le cadre de négociations de traités. Comme il a été mentionné précédemment, un certain nombre de groupes autochtones dans la province participent actuellement à des négociations de traité avec la Couronne, alors que d’autres groupes autochtones cherchent à faire valoir le titre aborigène ou les droits ancestraux devant les tribunaux. Dans l’intervalle, le lieu d’application précis du titre aborigène en Colombie-Britannique et dans d’autres régions reste indéfini. En l’absence d’une telle définition, ces groupes autochtones ont revendiqué un titre et des droits ancestraux sur de vastes étendues de terre de la Couronne. Bon nombre de ces « territoires traditionnels.» revendiqués empiètent sur les revendications territoriales des voisins.
La définition de droits ancestraux et de titre aborigène est toujours en cours d’élaboration :
- En ce qui a trait aux droits ancestraux, la Cour suprême du Canada a examiné un certain nombre de revendications particulières visant des droits précis. Par exemple, la Cour s’est penchée récemment sur un certain nombre de revendications visant les droits de pêche commerciale17.
- En ce qui a trait au titre aborigène, la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de se prononcer sur cette question18, et elle a actuellement une affaire très importante à délibéré qui est susceptible d’offrir l’occasion de préciser davantage la nature du titre aborigène19.
- La Cour suprême du Canada a également rendu une série de décisions sur les droits des Métis20.
Le message fondamental de la partie I est que, pour bien commencer, il faut que tous les participants (organismes de réglementation en matière d’énergie et parties qui comparaissent devant eux) comprennent le contexte juridique applicable des groupes autochtones qui peuvent participer aux processus réglementaires. Les organismes de réglementation en matière d’énergie, dont la compétence est restreinte aux frontières provinciales, territoriales et canadiennes, peuvent entendre les groupes autochtones dans ces trois contextes juridiques. Certains groupes peuvent avoir des droits issus de traités (fondés sur des accords historiques ou modernes) alors que de nombreux autres ont revendiqué ou établi des droits ancestraux. Comprendre le contexte peut permettre d’éviter les erreurs qui pourraient se produire dans l’application de la jurisprudence, des pratiques ou des principes qui ont été élaborés ou analysés dans un contexte juridique différent. La bonne compréhension du contexte juridique des droits ancestraux et issus de traités est importante lorsque l’on tient compte de l’obligation de la Couronne de consulter, qui est examinée dans la partie II.
Partie II : L’obligation de consulter21
L’obligation de consulter – Origine et aperçu de la jurisprudence
Une des premières constatations au sujet de l’obligation de consulter est qu’elle trouve ses origines principalement dans le droit jurisprudentiel (et demeure une loi faite par les juges). Contrairement à bon nombre des enjeux auxquels font face les organismes de réglementation en matière d’énergie (qui sont fondés sur une loi, un règlement ou une politique gouvernementale), la loi relative à l’obligation de la Couronne de consulter est essentiellement le fruit de la jurisprudence. Même si les politiques de consultation et (récemment) la législation ont commencé à jouer un rôle plus important, c’est encore la jurisprudence qui joue les accords dominants.
L’obligation de consulter a d’abord été soumise à maintes reprises à l’examen des tribunaux dans le cas des secteurs non couverts par un traité du Canada, particulièrement en Colombie-Britannique. On a fait référence à la consultation de la Couronne dans le contexte de la discussion sur les droits ancestraux22 et le titre aborigène23, mais la portée et l’étendue de toute obligation juridique restait indéterminée. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, le débat a fait rage dans les tribunaux inférieurs pour déterminer quand, le cas échéant, la Couronne a une « obligation de consulter » dans les circonstances où les droits ancestraux et le titre aborigène ont été revendiqués, mais non encore prouvés.
Cette question a été traitée par la Cour suprême du Canada en 2004 lorsqu’elle a rendu deux arrêts de principe sur l’obligation de la Couronne de consulter : Nation haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts), 2004 CSC 73 et Première Nation Tlingit de Taku c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet), 2004 CSC 74. Ces deux affaires sont survenues dans des régions de la Colombie-Britannique où des traités n’ont jamais été signés historiquement entre la Couronne (les gouvernements fédéral et/ou provincial) et les Premières nations.
Dès le début, il est apparu clairement pour la Cour suprême du Canada (et de nombreux observateurs) que la compréhension de l’obligation de consulter ne faisait que commencer. Dans l’arrêt Haïda, la Cour a indiqué ce qui suit :
« Il s’agit de la première affaire du genre à être soumise à la Cour. Notre tâche se limite modestement à établir le cadre général d’application, dans les cas indiqués, de l’obligation de consultation et d’accommodement avant que les revendications de titre et droits ancestraux soient tranchées. Au fur et à mesure de l’application de ce cadre, les tribunaux seront appelés, conformément à la méthode traditionnelle de la Common Law, à préciser l’obligation de consultation et d’accommodement. » (paragraphe 11)
Ce travail de « préciser » l’obligation de consultation se poursuit depuis, y compris les décisions occasionnelles rendues par la Cour suprême du Canada. Les étapes importantes comprennent les suivantes :
- En 2005, la Cour suprême du Canada a appliqué ce nouveau cadre de l’obligation de la Couronne de consulter dans le contexte d’un traité historique (Traité no 8 signé en 1899). Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 6924.
- En 2010, la Cour suprême du Canada a appliqué ce cadre dans le contexte d’un traité moderne (signé en 1997). Beckman c. Première Nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 5325.
- Également en 2010, la Cour suprême du Canada a réaffirmé comment ce cadre fonctionne dans un contexte de secteurs non couverts par traité, en s’attachant en particulier à déterminer si des violations passées des droits ancestraux peuvent faire naître l’obligation de consulter et (plus important encore pour le sujet de cet article) à examiner le rôle que joue un tribunal administratif dans la consultation et le contrôle de celle-ci. Rio Tinto Alcan Inc. et BC Hydro c. Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43.
- Plus récemment en 2013, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de savoir à qui est due l’obligation de consultation de la Couronne — y compris si des particuliers peuvent revendiquer une obligation de consulter ou invoquer des droits issus de traités — et quelle est la procédure appropriée pour soulever des allégations de consultation inadéquates. Behn c. Moulton Contracting Ltd, 2013 CSC 26.
L’analyse qui suit examinera les principaux aspects de cette jurisprudence, en mettant l’accent sur les questions qui sont d’un intérêt primordial pour les organismes de réglementation en matière d’énergie.
Le cadre de l’obligation de consultation dans les secteurs non couverts par traité – Haïda
Dans l’arrêt Haïda, la Cour a jugé que le gouvernement est tenu à une obligation de consulter les peuples autochtones et que cette obligation découle du principe de « l’honneur de la Couronne ». En attendant le règlement des revendications des Autochtones, la Cour suprême du Canada a déterminé que l’obligation de la Couronne « prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui ci »26.
La portée et l’étendue de l’obligation de consulter et d’accommoder varient selon les circonstances. En termes généraux, l’étendue de l’obligation dépend de l’évaluation préliminaire de deux variables : la solidité de la preuve étayant l’existence du droit ou du titre revendiqué et la gravité des effets préjudiciables potentiels sur le droit ou le titre revendiqué27. Cela produit un « continuum » de consultation. À une extrémité du continuum, on retrouve les cas où la revendication de titre est peu solide, le droit ancestral limité ou le risque d’atteinte faible. Dans ces cas, les seules obligations seraient d’aviser les intéressés, de leur communiquer des renseignements et de discuter avec eux des questions soulevées par suite de l’avis28. À l’autre extrémité du continuum, on retrouve les cas où la revendication repose sur une preuve à première vue solide, où le droit et l’atteinte potentielle sont d’une haute importance pour les Autochtones et où le risque de préjudice non indemnisable est élevé. Dans de tels cas, il peut s’avérer nécessaire de tenir une «.consultation approfondie » en vue de trouver une solution provisoire acceptable29. Bien que les exigences précises puissent varier selon les circonstances, la consultation requise dans ces cas pourrait comporter la possibilité de présenter des observations, la participation officielle à la prise de décisions et la présentation de motifs montrant que les préoccupations des Autochtones ont été prises en compte et de préciser quelle a été l’incidence de ces préoccupations sur la décision. Cette liste n’est pas exhaustive et ne doit pas nécessairement être suivie dans chaque cas. D’autres cas se situent entre ces deux extrêmes. Il faut procéder au cas par cas. Il faut également faire preuve de souplesse, car le degré de consultation nécessaire peut varier à mesure que se déroule le processus et que de nouveaux renseignements sont mis au jour. La Cour suprême du Canada a déterminé que la « question décisive » dans toutes les situations consiste à déterminer « ce qui est nécessaire pour préserver l’honneur de la Couronne et pour concilier les intérêts de la Couronne et ceux des Autochtones »30.
Des consultations menées de bonne foi peuvent donc faire naître « l’obligation d’accommoder.». Lorsque la revendication repose sur une preuve à première vue solide et que la décision que le gouvernement entend prendre risque de porter atteinte de manière appréciable aux droits visés par la revendication, l’obligation d’accommodement pourrait exiger « l’adoption de mesures pour éviter un préjudice irréparable ou pour réduire au minimum les conséquences de l’atteinte jusqu’au règlement définitif de la revendication sous jacente »31.
Le droit d’être consulté au sujet des activités proposées sur les terres de la Couronne ne donne pas aux groupes autochtones un droit de « veto »32. Il n’y a pas obligation de parvenir à un accord.
Les tierces parties, comme les entreprises pétrolières et gazières ou les sociétés minières et forestières privées, n’ont pas d’obligation juridique de consulter. Cela ne signifie toutefois pas qu’elles n’ont aucun rôle à jouer :
« La Couronne demeure seule légalement responsable des conséquences de ses actes et de ses rapports avec des tiers qui ont une incidence sur des intérêts autochtones. Elle peut déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à des acteurs industriels qui proposent des activités d’exploitation; cela n’est pas rare en matière d’évaluations environnementales »33. [Le soulignement a été ajouté.]
La portée et l’étendue de la délégation des «.aspects procéduraux » de la consultation (et la façon dont une telle délégation s’effectue) sont une source de débat constant. En pratique, il arrive souvent que la majeure partie de l’obligation de consultation incombe aux promoteurs industriels.
Comme il en est question dans la partie III, cette observation est particulièrement importante dans le contexte du rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie, lorsque le demandeur est le plus souvent un «.promoteur industriel qui cherche à effectuer un développement particulier ». La capacité de la Couronne de déléguer des «.aspects procéduraux.» de la consultation aux promoteurs industriels qui cherchent à effectuer un développement particulier est importante dans le contexte de la détermination du rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie, qui pourraient avoir un rôle à jouer dans l’évaluation du caractère adéquat de la consultation menée par un promoteur (privé), mais qui pourraient, ou non, avoir un rôle à jouer dans l’évaluation du caractère adéquat de la consultation menée par la Couronne à l’égard du même projet.
Le cadre prévoit un processus administratif
La décision en cause dans l’affaire Haïda n’était pas le fruit d’un tribunal administratif (encore moins d’un organisme de réglementation en matière d’énergie quasi judiciaire). La Cour a néanmoins formulé quelques observations sur la façon dont un régime administratif pourrait constituer un forum approprié pour traiter de l’obligation de la Couronne de consulter :
Dans les affaires complexes ou difficiles, le gouvernement peut décider de recourir à un mécanisme de règlement des différends comme la médiation ou un régime administratif mettant en scène des décideurs impartiaux34.
La Cour a également déclaré qu’il incombe au gouvernement de choisir la manière de structurer un tel processus :
Il est loisible aux gouvernements de mettre en place des régimes de réglementation fixant les exigences procédurales applicables aux différents problèmes survenant à différentes étapes, et ainsi de renforcer le processus de conciliation et réduire le recours aux tribunaux35.
Tout en soulignant que « la province n’a pas encore établi de mécanisme à cette fin », la Cour a toutefois décrit sommairement quelle norme de contrôle devrait s’appliquer à tout processus administratif qui pourrait être instauré à cette fin36. La Cour a conclu cette analyse avec une autre référence qui semble indiquer des parallèles entre ce domaine du droit des Autochtones et du droit réglementaire/administratif : « l’élément central n’est pas le résultat, mais le processus de consultation et d’accommodement »37.
Cette analyse sera reprise et précisée dans des affaires ultérieures (notamment dans l’affaire Carrier Sekani). En premier lieu, il convient cependant d’examiner l’arrêt connexe d’Haïda — Taku River — pour en tirer des enseignements concernant le rôle des processus administratifs et du processus décisionnel.
Le cadre appliqué à un processus administratif (non quasi judiciaire) – Taku River
Le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Première Nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet), 2004 CSC 74 a été rendu en même temps que le jugement Haïda. À la différence de la décision gouvernementale en cause dans l’affaire Haïda, le processus décisionnel examiné dans l’affaire Taku découlait d’une recommandation résultant d’un processus d’évaluation environnementale se déroulant sous un régime administratif reconnu sur le plan législatif, même s’il ne comportait pas une audience d’un tribunal réglementaire quasi judiciaire, comme c’est habituellement le cas pour les organismes de réglementation en matière d’énergie. Le projet en cause concernait la réouverture d’une ancienne mine et la construction d’une route d’accès. Même si la demande a été examinée, elle est devenue assujettie à la Environmental Assessment Act, R.S.B.C. 1996, ch. 119, qui venait alors d’être adoptée38. Un des buts de l’Environmental Assessment Act (tel qu’il était énoncé à l’époque), au sens du paragraphe 2(e), était de « permettre, lors des évaluations effectuées en vertu de la présente loi, la participation… des Premières nations… ». La Première Nation Tlingit de Taku River a été invitée à participer au « comité d’examen du projet » et à divers sous-comités et a accepté de le faire. Finalement, la majorité des membres du comité d’examen du projet ont préparé un rapport écrit faisant état des recommandations pour renvoyer la demande de certificat d’approbation de projet aux ministres pour décision. La Première nation a exprimé son désaccord avec les recommandations contenues dans le rapport et a préparé son propre rapport faisant état de ses préoccupations à l’égard du processus et de la proposition. Les ministres ont approuvé le projet proposé et un certificat d’approbation de projet a été émis, sous réserve de conditions détaillées.
La Cour suprême du Canada a statué que la province avait l’obligation de consulter la Première Nation Tlingit de Taku River avant de décider de rouvrir la mine39. Elle a estimé que l’acceptation de la revendication de titre de la Première Nation Tlingit de Taku River en vue de la négociation d’un traité dans le cadre du processus de la Commission des traités de la C.-B. constituait une preuve prima facie du bien-fondé de ses revendications d’un titre et de droits ancestraux et que le risque de conséquences négatives sur les revendications de la Première Nation Tlingit de Taku River était élevé40. La Cour a conclu que la Première Nation Tlingit de Taku River « avait le droit de s’attendre à des consultations plus poussées que le strict minimum et à une volonté de répondre à ses préoccupations qui puisse être qualifiée d’accommodement »41.
Toutefois, après examen du processus qui a donné lieu à l’évaluation environnementale, la Cour a conclu que la consultation menée par la province a été suffisante42. La Cour a notamment confirmé que la province n’était pas tenue d’établir un processus de consultation distinct pour répondre aux préoccupations des Autochtones, mais que cette consultation pouvait se faire dans le cadre du processus administratif existant.
« La province n’était pas tenue de mettre sur pied, pour l’examen des préoccupations de la PNTTR [Première Nation Tlingit de Taku River], une procédure spéciale de consultation différente de celle établie par l’Environmental Assessment Act, qui requiert expressément la consultation des Autochtones concernés »43.
En examinant la large participation de la Première Nation Tlingit de Taku River à plusieurs étapes de l’évaluation, la Cour a estimé, qu’à la fin de l’évaluation, les préoccupations de la PNTTR avaient été bien comprises et qu’elles avaient été analysées en profondeur. Par conséquent, la Couronne « s’est pleinement acquittée de son obligation de consultation »44.
La Cour a indiqué que de nouvelles consultations plus détaillées seraient tenues à l’étape d’approbation du permis pour le projet, qui permettrait également à la Couronne de continuer de s’acquitter de son obligation de consulter les Autochtones et, s’il y a lieu, de trouver des accommodements aux préoccupations des Autochtones.
« Le comité d’examen du projet a conclu que certaines préoccupations non encore examinées pourraient être étudiées de façon plus efficace à l’étape du permis, dans le contexte plus large de la négociation de traités ou lors de la planification d’une stratégie d’utilisation du territoire. … Il ne fait donc aucun doute que le comité d’examen du projet, et par voie de conséquence les ministres, ont examiné la question de savoir dans quelle mesure les préoccupations de la PNTTR devaient faire l’objet d’accommodements à ce stade du projet et dans quelles autres instances celle-ci pourrait continuer de participer au processus. On s’attend à ce que, à chacune des étapes (permis, licences et autres autorisations) ainsi que lors de l’élaboration d’une stratégie d’utilisation du territoire, la Couronne continue de s’acquitter honorablement de son obligation de consulter la PNTTR et, s’il y a lieu, de trouver des accommodements aux préoccupations de celle-ci »45.
Il ressort clairement de l’analyse des arrêts Haïda et Taku que le cadre de l’obligation de consulter comprenait, dès le début, la prévision d’un rôle important pour la prise de décisions administratives dans le processus d’examen environnemental et réglementaire existant, même si ce processus ne règle pas tous les problèmes en suspens. Une meilleure clarification du rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie pourrait prendre encore quelques années. Toutefois, les grandes lignes de l’approche qui se dégage étaient visibles dans les décisions antérieures rendues par la Cour.
L’obligation de consultation dans les secteurs couverts par traité historique – Mikise
Après l’établissement du cadre de l’obligation de consultation en 2004, une des premières questions a été de déterminer comment l’obligation de consulter s’applique dans le contexte des droits issus de traités. En 2005, la Cour s’est penchée sur l’obligation de consulter dans le contexte d’un traité historique : le Traité no 8 signé en 1899.
Cette affaire portait sur la contestation de l’approbation ministérielle d’une proposition visant le rétablissement d’une route d’hiver à travers le parc national Wood Buffalo. La Première nation crie Mikisew, une nation signataire du Traité no 8, s’opposait à la construction de la route proposée parce qu’elle porterait atteinte aux droits de chasse et de piégeage issus du Traité no 8. Parcs Canada a fourni une trousse d’information standard sur cette route à la Première nation, et cette dernière a été invitée à participer à des journées portes ouvertes d’information avec le grand public. Parcs Canada n’a tenu une consultation directe avec la Première nation au sujet de cette route et au sujet des moyens d’atténuer les répercussions de cette route sur les droits issus du traité qu’une fois que des décisions importantes au sujet de cette route avaient déjà été prises. La Première nation a contesté la décision du ministre du Patrimoine canadien et du ministre responsable de Parcs Canada d’autoriser la construction de la route parce que le ministre n’a pas consulté de façon appropriée la Première nation au sujet de cette route.
Le Traité no 8 contient la clause suivante (qui est incluse dans des termes similaires dans la plupart des autres traités numérotés)46 :
« Et Sa Majesté la Reine convient par les présentes avec les dits indiens qu’ils auront le droit de se livrer à leurs occupations ordinaires de la chasse au fusil, de la chasse au piège et de la pêche dans l’étendue de pays cédée telle que ci-dessus décrite, subordonnées à tels règlements qui pourront être faits de temps à autre par le gouvernement du pays agissant au nom de Sa Majesté et sauf et excepté tels terrains qui de temps à autre pourront être requis ou pris pour des fins d’établissements, de mine, de commerce de bois, ou autres objets ». [Le soulignement a été ajouté.]
La Cour a confirmé que le Traité no 8 prévoyait la « prise » de terres cédées pour différentes fins, mais a constaté que le traité n’a pas précisé le processus par lequel une telle prise devait se faire. La Cour s’est servie de l’obligation de consulter pour combler cette lacune procédurale :
Tant le contexte historique que les inévitables tensions sous jacentes à la mise en œuvre du Traité no 8 commandent un processus par lequel des terres peuvent être transférées d’une catégorie (celle des terres sur lesquelles les Premières nations conservent des droits de chasse, de pêche et de piégeage) à l’autre (celle des terres sur lesquelles elles n’ont pas ces droits). Le contenu du processus est dicté par l’obligation de la Couronne d’agir honorablement47.
La Cour a estimé que le Traité no 8 confère aux Cris Mikisew des droits substantiels (de chasse, de pêche et de piégeage) ainsi que le droit de nature procédurale d’être consultés par rapport aux atteintes aux droits substantiels. La Cour suprême a déclaré qu’étant donné que la prise a un effet préjudiciable sur le droit de chasser et de piéger issu du traité de la Première nation, Parcs Canada était tenu de consulter les Cris Mikisew avant de prendre une décision.
La Cour a signalé qu’une échelle variable des obligations de consultation s’applique dans un contexte lié à un traité aussi bien que dans un contexte non lié à un traité. Toutefois, au lieu de la « solidité de la revendication » (pour un droit revendiqué, mais non encore prouvé) la Cour parle de la « spécificité de la promesse faite dans le traité ». La seconde variable (l’effet préjudiciable) reste à peu près la même, avec la Cour déclarant que « l’effet préjudiciable, comme l’étendue de l’obligation de la Couronne, est une question de degré ».
Le traité historique modifie clairement la façon dont l’obligation de consultation s’applique. La Cour a jugé que même si la route d’hiver est susceptible d’avoir un effet sur les droits de chasse et de piégeage issus du traité des Mikisew, il s’agit d’une route d’hiver relativement peu importante sur des terres « cédées » par les Cris Mikisew lorsqu’ils ont signé le Traité no 8. En conséquence, l’autre extrémité du continuum de consultation était prise en compte. Cela signifie que Parcs Canada aurait dû aviser les Mikisew et aurait dû les faire participer directement pour solliciter leurs points de vue et s’efforcer de réduire au minimum les effets préjudiciables du projet sur leurs droits. Comme Parcs Canada a déterminé unilatéralement des questions importantes comme le tracé de la route avant de rencontrer les Cris Mikisew, la Cour a jugé que l’obligation de la Couronne de consulter n’a pas été satisfaite adéquatement.
L’obligation de consultation dans les secteurs couverts par traité moderne – Little Salmon
Les décisions de 2004-2005 énoncent comment l’obligation de consultation s’applique dans les secteurs non couverts par traité et les secteurs couverts par traité historique. En 2010, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Beckman c. Première Nation de Little Salmon/Carmacks qui traite de la façon dont l’obligation de la Couronne de consulter les groupes autochtones au sujet de ses décisions s’applique dans le contexte des ententes modernes sur les revendications territoriales.
L’affaire a pour origine l’Entente définitive de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks («.l’entente définitive ») de 1997, que la Première Nation Little Salmon/Carmacks a conclue avec les gouvernements du Yukon et du Canada48. En 2001, le gouvernement a reçu une demande pour une concession de terres agricoles de quelque 65 hectares des terres de la Couronne du Yukon dans le territoire traditionnel visé par l’entente définitive. Cette entente prévoyait que les membres de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks aient des droits d’accès aux terres de la Couronne dans leur territoire traditionnel aux fins de récolte de subsistance à l’exception de celles faisant l’objet d’un contrat de vente, comme c’est le cas de cette demande. La demande a été examinée dans le cadre d’une série de processus d’examen administratifs, notamment :
- Un « examen préliminaire » effectué par la Direction de l’agriculture et la Direction des terres ainsi que le Secrétariat des revendications territoriales;
- Un examen technique plus approfondi effectué par le Comité d’examen des demandes concernant les terres agricoles (« CEDTA »), un organisme antérieur au traité et qui n’a rien à voir avec celui ci; (Le CEDTA a recommandé au demandeur de redélimiter sa parcelle de terre pour des raisons liées aux caractéristiques du sol et à des préoccupations non précisées concernant l’environnement, la faune et la flore ainsi que le piégeage. Le demandeur s’est conformé à cette recommandation.)
- Un palier d’examen supérieur effectué par le Comité d’examen des demandes d’aliénation de terres (« CEDAT »), un comité composé de représentants d’organismes fédéraux, territoriaux et provinciaux ainsi que de Premières nations, dont la Première Nation de Little Salmon/Carmacks. Le CEDAT est également antérieur au traité et n’a rien à voir avec celui ci.
Dans une lettre envoyée au CEDAT, la Première Nation de Little Salmon/Carmacks a exprimé ses préoccupations à l’égard de la demande. Cependant, aucun représentant de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks n’a pris part à la réunion et n’a demandé l’ajournement de l’examen. Les préoccupations soulevées dans la lettre ont été prises en compte par le CEDAT, mais celui-ci a finalement approuvé la demande. Le directeur de la Direction de l’agriculture du gouvernement du Yukon (le « directeur ») a examiné et confirmé l’approbation du CEDAT.
La Première Nation de Little Salmon/Carmacks a demandé un contrôle judiciaire de la décision du directeur d’approuver la demande. Deux questions principales se posaient : 1. Le gouvernement du Yukon avait-il l’obligation de consulter la Première Nation de Little Salmon/Carmacks et, s’il y a lieu, de l’accommoder au-delà de ce qui était expressément requis par l’entente définitive? 2. Si oui, quelle portée de consultation s’avérait nécessaire et le gouvernement s’est-il acquitté de cette obligation?
La Cour suprême du Canada a rendu deux jugements : un appuyé par sept juges et l’autre par deux juges. Bien que ces deux jugements soient techniquement des motifs « concordants.» (car il y a eu entente sur la décision à l’égard de cette affaire donnée), ils représentent des points de vue fondamentalement différents sur la façon dont l’obligation de consulter doit s’appliquer dans le contexte des traités modernes.
La décision majoritaire
S’exprimant au nom des sept juges de la majorité, le juge Binnie a souligné que l’entente définitive présente un « juste équilibre des intérêts » et que les traités du Yukon visent notamment à substituer à des procédures ponctuelles coûteuses en temps et en argent des mécanismes juridiques mutuellement acceptés qui sont efficaces tout en étant équitables.
Relativement à la première question (si l’obligation de consulter s’applique), les juges majoritaires ont conclu que « l’obligation de consulter découle du principe de l’honneur de la Couronne, qui s’applique indépendamment de l’intention expresse ou implicite des parties.». Selon la majorité :
… il fallait remédier à la lacune procédurale suscitée par l’absence de mise en œuvre du chapitre 12, et la Première nation a eu tout à fait raison à mon avis d’invoquer l’obligation de consulter et d’établir un cadre de procédure approprié49.
Les juges majoritaires ont déclaré ce qui suit.: «.Les parties ont la possibilité de s’entendre sur les modalités de la consultation, mais la Couronne ne peut pas se soustraire à son obligation de traiter honorablement avec les Autochtones »50.
« Lorsqu’un traité récent a été conclu, la première étape consiste à en examiner les dispositions et à tenter de déterminer les obligations respectives des parties et l’existence, dans le traité lui même, d’une forme quelconque de consultation. Si un processus de consultation a été établi dans le traité, les dispositions du traité indiqueront la portée de l’obligation de consulter ».
Ils ont souligné que « l’honneur de la Couronne peut ne pas toujours exiger la consultation. Les parties peuvent, dans leur traité, négocier un mécanisme différent qui permet malgré tout, dans son résultat, de préserver l’honneur de la Couronne »51. Toutefois, dans cette affaire, les juges majoritaires ont conclu que l’entente définitive n’exclut pas l’obligation de consulter et, au besoin, d’accommoder.
Relativement à la deuxième question (à savoir la portée de la consultation qui s’avérait nécessaire et si l’obligation de consulter a été respectée), les juges majoritaires ont examiné la définition négociée de consultation contenue dans l’entente définitive et ont estimé qu’elle constitue un énoncé raisonnable du contenu de la consultation « au bas du continuum ». Ils ont conclu que « la consultation a effectivement été rendue possible et a bel et bien eu lieu dans le cadre du processus du CEDAT »52. Les juges majoritaires ont confirmé que « la participation à un forum créé pour d’autres besoins peut tout de même satisfaire à l’obligation de consulter si, pour l’essentiel, un niveau approprié de consultation a été rendu possible »53. Les juges majoritaires ont conclu que selon les faits les exigences de l’obligation de consulter ont été respectées.
La Première nation a fait valoir qu’il y avait une obligation juridique non seulement de tenir une consultation au plan procédural, mais d’offrir des « mesures concrètes d’accommodement.». Dans cette affaire, l’accommodement doit inévitablement, à ses yeux, entraîner le rejet de la demande. Les juges majoritaires ont fermement rejeté cet argument et ont conclu que « le traité lui même ou l’ensemble des circonstances ne donnent en aucun cas ouverture à une obligation d’accommodement »54.
La décision minoritaire
S’exprimant au nom des deux juges minoritaires, la juge Deschamps était d’accord avec les conclusions, mais pour des raisons différentes. Les juges minoritaires ont souligné que l’entente définitive était le fruit d’intenses négociations entre les deux parties.
C’est faire affront à l’objectif même de la négociation d’un traité que d’ajouter à ces dispositions une obligation additionnelle de consultation. Une telle approche constitue un recul, qui a pour effet de saper les engagements pris par les parties l’une à l’égard de l’autre et de miner l’objectif de réconciliation par la négociation. Cet affront met en péril les processus de négociation actuellement en cours dans l’ensemble du pays.
Les juges minoritaires ont indiqué que « les tribunaux doivent toutefois veiller à ce que cette obligation de consultation ne soit pas dénaturée et invoquée d’une manière qui compromette la négociation au lieu de la favoriser ».
La différence fondamentale entre la position des juges majoritaires et des juges minoritaires était que les juges minoritaires rejetaient la thèse de l’existence d’un « hiatus procédural » dans cette affaire et ne souscrivaient pas à la surimposition au traité du régime jurisprudentiel de l’obligation de consultation.
La juge Deschamps (au nom des juges minoritaires) a convenu en principe que s’il y avait une lacune procédurale dans un traité récent, l’obligation jurisprudentielle de consultation pourrait s’appliquer pour combler cette lacune. Les juges minoritaires ont examiné les dispositions provisoires du traité et conclu qu’aucune lacune de ce genre n’a pu être constatée dans le traité en question55.
La juge Deschamps semblait faire une distinction entre l’obligation de consulter dans le contexte de droits revendiqués, mais non encore prouvés et l’obligation de consulter dans le contexte d’un traité, en allant jusqu’à déclarer qu’il serait « trompeur » de considérer l’obligation de consulter comme étant la même obligation dans ces deux contextes :
Par ailleurs, lorsque, comme dans l’affaire Mikisew, l’obligation de consultation de régime jurisprudentiel doit être mobilisée afin de combler une lacune du traité, cette obligation connaît alors un phénomène de différenciation. En effet, en présence d’un traité, l’obligation jurisprudentielle de consultation remplit une fonction bien distincte de celle de l’obligation de consultation en cause dans les affaires Nation haïda et Taku River, si bien qu’il serait trompeur d’assimiler ces deux obligations. Certes, il s’agit dans les deux cas d’une obligation constitutionnelle, fondée sur le principe de l’honneur de la Couronne qui doit présider aux relations entre celle-ci et les peuples autochtones lorsque les droits constitutionnels — ancestraux ou issus de traités — des seconds sont en jeu. Cependant, il est important de bien distinguer, d’une part, l’obligation de consultation qui s’impose à la Couronne préalablement à la prise de mesures ou dispositions qui risquent d’enfreindre les droits ancestraux d’un peuple autochtone et, d’autre part, l’obligation minimale en matière de consultation de la partie autochtone qui s’applique impérativement à la Couronne relativement à l’exercice par celle-ci des droits que la première lui a reconnus par traité56.
Les juges minoritaires ont examiné les dispositions de l’entente définitive elle-même — en particulier le processus d’évaluation convenu dans l’entente définitive qui s’applique à la demande — et ont conclu que des dispositions dans l’entente définitive régissent précisément la question de savoir si la Couronne est tenue de consulter la Première nation avant d’exercer son droit de céder des terres.
Ces processus prévoyaient non seulement la consultation de la nation autochtone concernée, mais aussi sa participation à l’évaluation du projet. Une telle participation impliquait un niveau de consultation supérieur à celui qui aurait été fondé sur l’obligation faite par la jurisprudence à cet égard. En conséquence, rien, en l’espèce, ne saurait justifier le recours à une obligation externe à celle prévue par l’Entente définitive.
Les juges minoritaires ont conclu que le processus qui a mené à la décision concernant la demande respectait les dispositions de l’entente définitive et qu’il n’existait aucun motif juridique permettant de conclure que l’obligation de consultation de la Couronne a été violée.
Répercussions de la décision
La décision dans l’affaire Little Salmon/Carmacks de même que la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Moses57 ont constitué pour la Cour suprême les premières occasions d’appliquer la jurisprudence sur l’obligation de la Couronne de consulter dans le contexte des ententes sur les revendications territoriales et des traités modernes.
Pour bon nombre des ententes modernes sur les revendications territoriales existantes, particulièrement les ententes précédentes et celles conclues au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut (susmentionnées), le résultat de la décision des juges majoritaires est qu’il y aura une incertitude persistante quant à savoir si le gouvernement a l’obligation de consulter les groupes autochtones lors de la prise de décisions de gestion des terres et des ressources et l’étendue de cette obligation. Même si l’arrêt Little Salmon/Carmacks indique que les gouvernements peuvent, dans le cadre de la négociation des traités, mieux cerner et définir l’étendue de l’obligation de consultation, il n’en demeure pas moins que, lorsque cela n’a pas été fait dans les traités existants, l’obligation jurisprudentielle de consultation continuera de s’appliquer et d’être une source éventuelle de conflits entre les gouvernements et les signataires autochtones des traités à savoir si l’obligation est déclenchée et ce qu’elle exige des gouvernements.
Certains traités modernes récents, comme l’Accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen en Colombie-Britannique, comportent des dispositions précisant que les traités contiennent une « liste exhaustive des obligations de consultation qui incombent au Canada et à la Colombie-Britannique.»58. L’arrêt Little Salmon/Carmacks reconnaît que les tribunaux doivent s’en remettre aux intentions des parties lorsqu’elles sont clairement exprimées dans le traité et lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec l’honneur de la Couronne. On peut s’attendre à ce que les futurs traités continuent d’indiquer avec plus de précision la manière dont les parties souhaitent que l’obligation de consulter qui incombe à la Couronne s’applique.
En ce qui a trait au respect de l’obligation de consulter, il est à noter que les neuf juges de la Cour suprême du Canada étaient unanimes pour conclure que les mesures prises par le gouvernement du Yukon étaient adéquates pour s’acquitter de l’obligation de la Couronne de consulter. De toute évidence, donner la possibilité aux Premières nations de participer à un forum créé pour d’autres besoins peut tout de même satisfaire à l’obligation de consulter si, pour l’essentiel, un niveau approprié de consultation a été rendu possible. Au regard des faits de cette affaire : la Première nation n’a pas pris part à la réunion, a fait part de ses préoccupations par lettre et ces préoccupations ont été prises en compte par le décideur, la Cour a conclu que les exigences de l’obligation de consulter ont été respectées.
Questions particulières – Les erreurs du passé
En plus de préciser la façon dont l’obligation de consulter s’applique différemment selon les contextes juridiques (secteurs non couverts par traité, couverts par traité historique et couverts par traité moderne), la jurisprudence a également été aux prises avec un certain nombre de questions relatives à la détermination de la portée. Deux d’entre elles seront examinées dans le cadre de cet article étant donné leur importance pour les organismes de réglementation en matière d’énergie : (i) la question des violations passées et (ii) la question de savoir à qui est due l’obligation de consultation.
Dans l’affaire Rio Tinto, la Cour a formulé des observations sur la signification de griefs passés ou de violations passées dans le contexte de ce qui est requis pour établir la possibilité que la mesure de la Couronne ait un effet sur une revendication autochtone ou un droit ancestral.:
« La [Première nation] doit établir un lien de causalité entre la mesure ou la décision envisagée par le gouvernement et un effet préjudiciable éventuel sur une revendication autochtone ou un droit ancestral. Un acte fautif commis dans le passé, telle l’omission de consulter, ne suffit pas…
Une atteinte sous jacente ou continue, même si elle ouvre droit à d’autres recours, ne constitue pas un effet préjudiciable lorsqu’il s’agit de déterminer si une décision gouvernementale particulière emporte l’obligation de consulter…
Il faut déterminer si une revendication ou un droit est susceptible d’être compromis par la mesure ou la décision actuelle du gouvernement. L’atteinte antérieure et continue, y compris l’omission de consulter, ne fait naître l’obligation de consulter que si la décision actuelle risque d’avoir un nouvel effet défavorable sur une revendication actuelle ou un droit existant »59.
Cette clarification du droit concernant l’obligation de consultation a permis de préciser davantage l’objet des audiences devant les organismes de réglementation en matière d’énergie. Avant cette décision, un débat important intervenait dans les audiences réglementaires quant à savoir si la portée de l’obligation de consulter nécessitait une consultation en ce qui a trait aux installations déjà en place que l’on associait d’une certaine manière à l’objet de la demande portée devant l’organisme de réglementation en matière d’énergie. On peut trouver deux exemples relativement à une procédure engagée devant la British Columbia Utilities Commission :
- Dans la procédure concernant le transport d’électricité des terres intérieures aux basses terres continentales (Interior to Lower Mainland [projet ILM]) de la British Columbia Transmission Corporation (BCTC), une question primordiale pendant la consultation et dans les éléments de preuve et les arguments des intervenants des Premières nations présentés devant la Commission était l’affirmation que BCTC/BC Hydro ont manqué à leur obligation de consulter sur les lignes de transport d’électricité, les emprises et d’autres actifs associés aux lignes construites dans les années 1960 et 1970 (les « actifs existants.»). La violation historique des droits ancestraux revendiqués a alimenté les discussions entre BCTC/BC Hydro et les Premières nations. Toutefois, à la suite de la publication de la décision de la Cour dans l’affaire Rio Tinto, les intervenants de la Première nation ont retiré leurs prétentions sur les actifs existants60.
- Cette question a également été soulevée dans la procédure concernant la proposition de BC Hydro (un représentant de la Couronne) d’acquérir auprès de Teck Metals Ltd. un tiers d’une participation indivise dans le barrage Waneta et les actifs connexes. Le barrage Waneta est une installation hydroélectrique déjà existante qui a été construite dans les années 1950 et qui est fonctionnelle depuis. BC Hydro exigeait l’approbation de la British Columbia Utilities Commission (BCUC) dans le but de déterminer si cette acquisition était dans l’intérêt public. Dans sa décision datée du 12 mars 2010, la BCUC a admis que (i) BC Hydro avait une obligation de consulter et (ii) que la BCUC devait examiner le caractère adéquat de cette consultation. La BCUC a cependant rejeté la position des Premières nations qui était que BC Hydro avait une obligation de consultation et d’accommodement par rapport à des violations et des griefs passés61. Les trois groupes des Premières nations ont demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Commission devant la Cour d’appel de la C.-B. au motif notamment que la Commission a commis une erreur dans son examen de la question des violations passées. Ces demandes d’autorisation d’appel étaient en examen (et donnent un aperçu des questions qui restent en suspens) lorsque la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Rio Tinto. Après la décision de la Cour suprême, les trois demandes d’autorisation d’appel ont été abandonnées.
À la lumière de la décision dans l’affaire Rio Tinto, manifestement les organismes de réglementation en matière d’énergie concentreront leurs efforts sur le projet et la demande qui leur sont présentés, l’analyse portera exclusivement sur les effets préjudiciables découlant de la décision actuelle, non sur les effets préjudiciables plus vastes du projet qui s’y rattachent. Des décisions judiciaires subséquentes62 ont clarifié ou précisé ce principe, mais ne l’ont pas modifié.
Questions particulières – À qui est due l’obligation de consultation?
L’incertitude quant à la détermination du groupe autochtone à consulter peut survenir dans un contexte lié à un traité comme dans un contexte non lié à un traité.
Dans la décision Behn c. Moulton Contracting Ltd, 2013 CSC 26 rendue en mai 2013, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les questions visant à savoir à qui est due l’obligation de consultation et la procédure à suivre pour contester le caractère adéquat d’une consultation. Les Behn sont des membres individuels de la Première Nation de Fort Nelson. Aucune partie n’a soumis de contestation judiciaire de la validité de certains permis d’exploitation forestière délivrés à Moulton Contracting Ltd. Toutefois, lorsque Moulton a tenté d’accéder à l’un des sites, les Behn ont érigé un camp qui, dans la pratique, bloquait l’accès aux sites d’exploitation forestière de l’entreprise. Moulton a intenté une action en justice. En défense à cette action, les Behn ont allégué l’invalidité des permis parce qu’ils auraient été délivrés sans que soit respectée l’obligation de la Couronne de consultation et qu’ils violeraient leurs droits de chasse et de piégeage issus du Traité no 8.
La première question abordée par la Cour était de savoir si les Behn, en tant que membres de la collectivité autochtone, pouvaient invoquer un manquement à l’obligation de consultation. La Cour a confirmé que l’obligation de consultation existe pour la protection des droits collectifs des peuples autochtones et qu’elle est due au groupe autochtone qui en est titulaire. Un groupe autochtone peut autoriser un individu ou un organisme à le représenter en vue de faire valoir ses droits ancestraux ou issus d’un traité, mais en l’espèce une telle autorisation n’a pas été accordée.
De nombreux organismes de réglementation en matière d’énergie, d’autres décideurs de la Couronne et promoteurs de projets ont consacré des efforts pour tenter d’établir « qui parle au nom de la nation » dans un processus de consultation. De nombreux observateurs espéraient que cette décision offrirait une plus grande certitude quant à savoir à qui est due l’obligation de consultation de la Couronne. La conclusion de la Cour selon laquelle l’obligation « est due au groupe autochtone titulaire des droits protégés par l’article 35, qui sont par nature des droits collectifs » fournit des précisions63. Il reste toutefois une certaine incertitude juridique quant à la détermination du groupe autochtone qui détient les droits protégés par l’article 35.
La détermination du titulaire réel des droits est également un sujet qui a donné lieu à de longs litiges. Par exemple, dans l’affaire William v. British Columbia, 2012 BCCA 285, la Cour d’appel de la C.-B. a reconnu que lorsque qu’il n’y a personne qui possède le pouvoir de parler au nom de la collectivité (ou pire, lorsqu’il y a des instances concurrentes qui soutiennent avoir un tel pouvoir), cela peut nuire à la consultation64. Néanmoins, la Cour d’appel a confirmé la conclusion du juge de première instance selon laquelle la définition du titulaire réel des droits est une question qui est déterminée principalement du point de vue du collectif autochtone lui-même65. La Cour suprême du Canada a entendu un appel de cette affaire en novembre 2013, mais la décision n’a pas encore été rendue. Par conséquent, tant sur le plan juridique que factuel, des incertitudes demeurent concernant la façon de déterminer, selon les termes de l’affaire Behn, « le groupe autochtone titulaire des droits protégés par l’article 35 » à qui est due l’obligation de consultation.
Dans l’affaire Behn, la Cour a également traité d’une question connexe : à savoir si les droits issus de traités peuvent être invoqués par les membres individuels d’une collectivité autochtone. La Cour a indiqué que certains droits ancestraux ou issus de traités peuvent posséder des attributs à la fois collectifs et individuels, et il se peut fort bien que, lorsque les circonstances s’y prêtent, des membres d’une collectivité puissent les invoquer à titre individuel. Toutefois, la Cour a jugé qu’il n’était pas nécessaire de « trancher de façon définitive et complète » dans le contexte de cette affaire. La réticence de la Cour à résoudre définitivement cette question est quelque peu décevante (bien que compréhensible) et laisse (pour le moment) sans réponse la question de ce qui pourrait constituer des « circonstances s’y prêtant » dans lesquelles un membre individuel peut invoquer des droits ancestraux ou issus de traités (et si de telles circonstances peuvent en outre nécessiter une consultation avec ces membres individuels). La Cour avait déjà envoyé des signaux comme quoi les membres individuels n’étaient pas des parties nécessaires à une consultation. Dans l’affaire Little Salmon, la Cour a examiné la situation d’un trappeur individuel et a conclu que le droit du trappeur « constituait un avantage dérivé qu’il tenait de l’intérêt collectif de la première nation dont il était membre » et qu’il « n’était pas, à titre individuel, une partie nécessaire à la consultation.»66. L’analyse non exhaustive de la Cour dans l’affaire Behn fait en sorte que d’autres actions en justice sur ce point sont inévitables.
Conclusion de la partie II
En résumé, même si des réponses à de nombreuses importantes questions et bon nombre de précisions ont été apportées sur l’obligation de consultation et d’accommodement de la Couronne, de nombreuses questions tout aussi vastes et importantes restent à résoudre. Ces précisions supplémentaires ne seront probablement apportées — « conformément à la méthode traditionnelle de la Common Law.» — que graduellement, par petites touches. Bien qu’il soit encore trop tôt pour déterminer si les dix prochaines années de jurisprudence seront aussi intenses que les dix dernières années, il subsiste un grand nombre d’importantes questions qui attendent encore que la Cour se prononce de manière définitive à leur sujet.
La prochaine partie traitera du rôle d’un organisme de réglementation en matière d’énergie à l’égard de l’obligation de consultation de la Couronne. Le champ d’action de l’organisme de réglementation est déterminé et circonscrit par le gouvernement (fédéral ou provincial) qui l’a créé, la compétence de nombreux organismes de réglementation en matière d’énergie est donc limitée ou différenciée par les frontières politiques provinciales ou territoriales. Toutefois, tel qu’il est mentionné dans les parties I et II du présent article, les différents contextes juridiques applicables aux groupes autochtones (traités historiques, traités modernes ou secteurs non couverts par traité) ne sont pas restreints ou limités aux frontières provinciales ou territoriales. Une seule province peut compter (et donc un seul organisme de réglementation en matière d’énergie peut entendre) des groupes autochtones sans traité ou pour lesquels un traité historique ou un traité moderne a été conclu.
Partie III – Le rôle d’un organisme de réglementation en matière d’énergie à l’égard de l’obligation de consultation de la Couronne67
Le principal argument invoqué dans cette partie est qu’il n’y a pas de réponse universellement applicable à la question suivante : Quel est le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie? La réponse dépendra du mandat statutaire confié à l’organisme de réglementation en matière d’énergie dans le contexte de la demande examinée. Comme on le verra plus loin, on pourrait tirer des indications de l’examen de la manière dont le processus de réglementation s’inscrit dans tout le processus décisionnel. Par ailleurs, le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie peut varier selon la nature du demandeur qui comparaît devant lui, en particulier si ce demandeur est un représentant de la Couronne ou une partie privée. La présente partie exposera d’abord les grandes lignes des principes généraux, puis se penchera sur trois études de cas pour examiner comment ces principes s’appliquent dans le contexte d’un certain nombre d’organismes de réglementation en matière d’énergie canadiens.
Le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie – principaux généraux
Dans l’arrêt Rio Tinto, la Cour a abordé directement les principes juridiques sous-jacents au rôle d’un organisme de réglementation en matière d’énergie par rapport à l’obligation de la Couronne de consulter :
« L’obligation du tribunal administratif de se pencher sur la consultation et sur la portée de celle ci dépend de la mission que lui confie sa loi constitutive. Un tribunal administratif doit s’en tenir à l’exercice des pouvoirs que lui confère sa loi habilitante. …le rôle d’un tribunal administratif en ce qui a trait à la consultation tient à ses obligations et à ses attributions légales.
Le législateur peut décider de lui déléguer l’obligation de la Couronne de consulter. Comme le signale la Cour dans l’arrêt Nation haïda, il est loisible aux gouvernements de mettre en place des régimes de réglementation fixant les exigences procédurales de la consultation aux différentes étapes du processus décisionnel relatif à une ressource.
Sinon, il peut lui confier le seul pouvoir de décider si une consultation adéquate a eu lieu, l’exercice de ce pouvoir faisant dès lors partie de son processus décisionnel. En pareil cas, le tribunal administratif ne participe pas à la consultation. Il s’assure plutôt que la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter une Première nation en particulier sur un éventuel effet préjudiciable de la décision en cause sur ses droits ancestraux.
Le tribunal administratif appelé à examiner une question ayant trait à une ressource et ayant une incidence sur des intérêts autochtones peut n’avoir ni l’une ni l’autre de ces obligations, n’avoir que l’une d’elles ou avoir les deux, selon les attributions que lui confère le législateur…»68.
Ce droit du législateur de déterminer le mandat d’un tribunal débouche sur l’un des quatre scénarios suivants :
- l’organisme de réglementation en matière d’énergie remplit le rôle qui consiste à mener une consultation;
- l’organisme de réglementation en matière d’énergie remplit le rôle qui consiste à évaluer le caractère adéquat de la consultation;
- l’organisme de réglementation en matière d’énergie remplit les deux rôles susmentionnés;
- l’organisme de réglementation en matière d’énergie ne remplit aucun des rôles susmentionnés.
Lorsqu’il fait face à des questions relatives à l’obligation de consulter, la première tâche de l’organisme de réglementation en matière d’énergie (et de ceux qui doivent comparaître devant lui) devrait être de déterminer lequel des scénarios susmentionnés s’applique. Trop souvent le débat — dans les universités et les salles d’audience — s’est concentré sur le rôle que l’organisme de réglementation en matière d’énergie devrait jouer et la légitimité ou l’efficacité des autres moyens par lesquels la Couronne peut mener une consultation ou évaluer son caractère adéquat. Un passage souvent invoqué à cet égard est la déclaration de la Cour selon laquelle : « un tribunal spécialisé jouissant à la fois de l’expertise et du pouvoir requis pour trancher une question de droit est le mieux placé pour trancher une question constitutionnelle se rapportant à son mandat légal »69. Peu importe toutefois qui peut être dans la meilleure position pour trancher (et il s’agit souvent d’une question d’opinions à savoir qui est le mieux placé), il est clair que lorsqu’il est question du rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie et de l’obligation de consulter, le choix appartient au gouvernement. L’enquête judiciaire appropriée dépend de l’intention du législateur.
Alors que la question juridique peut être claire, malheureusement la réponse n’est pas toujours évidente. Dans la grande majorité des cas, les fondements législatifs des organismes de réglementation en matière d’énergie d’aujourd’hui ont été établis à une époque où l’obligation de consulter n’était pas (comme elle l’est aujourd’hui) une question qui retenait beaucoup l’attention. En l’absence d’indications claires, les organismes de réglementation en matière d’énergie devront essayer de trouver des indices dans leur cadre législatif actuel.
Deux indices clés sont (i) le pouvoir d’examiner les questions de droit et (ii) le pouvoir de réparation accordé à l’organisme de réglementation en matière d’énergie.
« Tant son pouvoir légal d’examiner une question de droit que celui d’accorder réparation sont pertinents pour circonscrire sa compétence.: Conway. Ils sont donc aussi pertinents pour déterminer si un tribunal administratif particulier est tenu d’effectuer une consultation ou de se pencher sur la consultation, ou s’il n’a aucune obligation en la matière.
… Pour qu’il puisse consulter une Première nation au sujet d’une ressource avant le règlement définitif de revendications, il doit y être expressément ou implicitement autorisé. Le pouvoir de consulter, qui est distinct du pouvoir de déterminer s’il existe une obligation de consulter, ne peut être inféré du simple pouvoir d’examiner une question de droit. La consultation comme telle n’est pas une question de droit. Il s’agit d’un processus constitutionnel distinct, souvent complexe, et dans certaines circonstances, d’un droit mettant en jeu : faits, droit, politique et compromis. Par conséquent, le tribunal administratif désireux d’effectuer lui même la consultation doit avoir le pouvoir de réparation nécessaire pour faire ce à quoi on l’exhorte relativement à la consultation…
Le tribunal administratif doté du pouvoir de se prononcer sur le caractère adéquat de la consultation, mais non du pouvoir d’effectuer celle ci, doit accorder la réparation qu’il juge indiquée dans les circonstances, conformément aux pouvoirs de réparation qui lui sont expressément ou implicitement conférés par sa loi habilitante.»70.
Il n’est pas pertinent à l’enquête de se demander s’il y a ou non un autre tribunal administratif ou réglementaire qui peut ou qui va exercer ce rôle. La Couronne ne peut se soustraire à son obligation envers les peuples autochtones simplement en choisissant de ne pas assigner l’une de ces fonctions ou les deux (à savoir, mener une consultation et/ou évaluer le caractère adéquat de la consultation) à un organisme de réglementation en matière d’énergie particulier. La Cour a précisé, dans l’arrêt Rio Tinto, que l’honneur de la Couronne ne peut être décliné.
« On peut craindre en effet qu’en privant un tribunal administratif du pouvoir d’examiner les questions relatives à la consultation ou en répartissant le pouvoir de statuer en la matière entre plusieurs tribunaux administratifs de manière qu’aucun d’eux ne puisse se pencher sur l’obligation de consulter que font naître certaines mesures gouvernementales, le gouvernement se soustraie de fait à cette obligation.
…l’obligation de consulter les peuples autochtones, qui naît lorsque le gouvernement prend une décision susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur leurs intérêts, est une obligation constitutionnelle qui fait intervenir l’honneur de la Couronne et qui doit être respectée. Si le régime administratif mis en place par le législateur ne peut remédier aux éventuels effets préjudiciables d’une décision sur des intérêts autochtones, les Premières nations touchées doivent alors s’adresser à une cour de justice pour obtenir la réparation voulue : Nation haïda, paragraphe 51 »71.
Même s’il peut encore subsister un débat d’orientation légitime quant à savoir où ou par qui l’obligation de consulter doit être assumée ou jugée, un tel débat d’orientation devrait être séparé de tout débat juridique à savoir si l’organisme de réglementation en matière d’énergie joue un rôle pour mener à bien la consultation ou évaluer le caractère adéquat de la consultation. La question juridique qu’il faut poser est la suivante : Quel rôle le législateur a-t-il assigné à l’organisme de réglementation en matière d’énergie?
La situation n’est pas différente de la situation qui est survenue après l’adoption de la Charte, alors que des questions avaient été soulevées au sujet du rôle des tribunaux administratifs dans l’application de la Charte. En effet, par suite de l’adoption de la Charte, de longs débats juridiques et d’orientation ont eu lieu (devant les tribunaux et à l’extérieur des tribunaux) au sujet du rôle des tribunaux administratifs dans l’application et l’interprétation de la Charte. Finalement, la Cour suprême du Canada a précisé que le principe directeur était de déterminer l’intention du législateur72. Ce faisant, la Cour a indiqué clairement qu’elle était ouverte à ce que les législateurs expriment plus clairement leur intention. L’Alberta73 et la Colombie-Britannique74 ont accepté l’invitation de la Cour et ont adopté des lois précisant le rôle des tribunaux administratifs à l’égard des questions constitutionnelles. Il subsiste certaines difficultés de définition de « question constitutionnelle » attribuables à la manière dont ce terme est défini dans cette législation, et un débat est déjà en cours concernant la mesure dans laquelle l’obligation de consulter invoque de telles « questions constitutionnelles.»75. Il est néanmoins maintenant clair dans la loi que l’intention du législateur est le principe directeur, et les législateurs sont invités à exprimer clairement leur intention concernant le rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie. Comme nous en traiterons ci-après (concernant l’Alberta), certains législateurs ont donné suite à l’invitation faite par la Cour et définissent expressément le rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie à l’égard de l’obligation de consulter.
Différentes structures décisionnelles en matière de réglementation
Des orientations supplémentaires pourraient être obtenues en examinant comment le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie s’inscrit dans la prise de décisions globale ou le processus d’approbation d’un projet. Il est utile d’établir une distinction entre quelques scénarios de base :
- Certains organismes de réglementation en matière d’énergie prennent la décision finale qui permet à un promoteur d’aller de l’avant avec un projet. Par exemple, il peut revenir à l’organisme de réglementation en matière d’énergie d’accorder un certificat d’utilité publique, une licence, un permis ou une autorisation.
- Certains organismes de réglementation en matière d’énergie prennent une «.décision.» relative à une telle autorisation; cette décision est toutefois soumise à l’approbation ou à la confirmation du gouverneur en conseil (ou du lieutenant-gouverneur en conseil) ou du ou des ministres avant que la décision de l’organisme de réglementation en matière d’énergie ne devienne effective76. Par ailleurs, certains organismes de réglementation en matière d’énergie formulent une « recommandation » à l’égard d’une telle autorisation; la décision finale est toutefois prise par le gouverneur en conseil (ou le lieutenant-gouverneur en conseil) ou le ou les ministres.
Il est important de mentionner qu’un seul organisme de réglementation en matière d’énergie peut compter plus d’une variante de structure décisionnelle dans sa loi constitutive. En effet, l’organisme de réglementation en matière d’énergie peut prendre des décisions finales relativement à certains types de demandes, alors que ses décisions prises (ou recommandations formulées) en vertu d’autres articles de sa loi constitutive peuvent être liées uniquement au premier stade du processus décisionnel et être soumises à d’autres dispositions prises par le (lieutenant) gouverneur en conseil.
Comme nous le verrons ci-dessous, ces différentes structures décisionnelles peuvent entraîner différentes exigences concernant l’obligation de consulter à différentes étapes du processus.
Différents types de demandeurs
Un autre facteur dont il faut tenir compte est la question de savoir si la partie qui comparaît devant l’organisme de réglementation en matière d’énergie est un représentant de la Couronne ou une partie privée. Le rôle d’un organisme de réglementation en matière d’énergie peut différer d’un scénario à l’autre. Tel qu’il est mentionné à la partie II, la Couronne a l’obligation juridique de consulter, bien que la Couronne puisse déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à des promoteurs industriels. Le rôle propre de l’organisme de réglementation en matière d’énergie peut être bien différent au cours de l’examen d’une demande provenant d’un promoteur industriel (privé) par rapport à une demande de la Couronne ou d’un agent de celle-ci.
Comme nous le verrons dans l’analyse ci-dessous, certains organismes de réglementation (et tribunaux) ont correctement établi une distinction claire entre le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie lors de l’examen d’une demande présentée par un représentant de la Couronne et d’une demande présentée par une partie privée.
Le rôle de l’organisme de réglementation : trois études de cas
On doit garder à l’esprit les facteurs susmentionnés lorsqu’on examine la jurisprudence ci-dessous. Il est facile de commettre une erreur lorsqu’on tente de transposer les constatations d’une affaire (relative à une mesure législative différente, à une structure décisionnelle différente ou à un type de demandeur différent) à une autre situation. Les études de cas présentées ci-dessous permettront d’examiner la jurisprudence existante et en cours d’élaboration relative à la British Columbia Utilities Commission (BCUC), l’Office national de l’énergie et le Alberta Energy Regulator77.
La British Columbia Utilities Commission
La Cour suprême du Canada a appliqué ses critères à la BC Utilities Commission après avoir énoncé les principes généraux dans l’arrêt Rio Tinto. Le premier facteur pris en compte a été la Utilities Commission Act qui confère à la Commission le pouvoir de trancher des questions de droit.
« Le pouvoir d’un tribunal administratif de statuer en droit emporte celui de trancher une question constitutionnelle dont il est régulièrement saisi, sauf lorsqu’il est clairement établi que le législateur a voulu le priver d’un tel pouvoir… »78.
De plus, la disposition législative en litige (à l’époque) a aussi habilité la Commission à tenir compte de « tout autre élément jugé pertinent à l’égard de l’intérêt public ».
« L’aspect constitutionnel de l’obligation de consulter fait naître un intérêt public spécial qui écarte la prédominance de l’angle économique dans la consultation prévue par la Utilities Commission Act »79.
Enfin, la Cour a conclu que « l’intention du législateur de soustraire à la compétence de la Commission la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter les titulaires des droits ancestraux en cause ne ressort ni de l’Administrative Tribunals Act ni de la Constitutional Question Act »80.
La Cour a donc jugé que (i) la Commission avait le pouvoir de déterminer si une consultation adéquate a eu lieu, toutefois, (ii) la Commission n’était pas autorisée à entreprendre elle même la consultation et à s’acquitter de l’obligation constitutionnelle de la Couronne81. Certains commentateurs semblent estimer qu’il s’agit d’une conclusion qui s’applique avec la même force à tous les organismes de réglementation en matière d’énergie dans toutes les circonstances. Cependant, loin de constituer des conclusions universellement applicables, les conclusions de la Cour dans l’arrêt Carrier Sekani concernant la BCUC étaient fermement fondées sur le contexte particulier de l’affaire. Il est important de souligner que la demande devant la BCUC était une demande dont la décision finale lui revenait82. Il ne s’agissait pas d’une demande pour laquelle la décision de la BCUC était soumise à l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil ou d’une autre autorité décisionnelle. Il n’y a pas eu d’autre arrêt dans le processus décisionnel par lequel la décision finale a été prise ou qui aurait pu permettre de déterminer le caractère adéquat de la consultation à l’égard de cette décision.
Il est également important de souligner que la Commission examinait une demande de BC Hydro, un représentant de la Couronne. Cela eu une incidence directe sur l’examen de la Cour.
« BC Hydro est une société d’État qui agit au nom de la Couronne. Nul ne prétend sérieusement que le CAÉ de 2007 n’équivaut pas à une mesure projetée par la province de la Colombie-Britannique »83.
La consultation (ou l’absence de consultation) menée par le demandeur (un représentant de la Couronne) relevait clairement de la portée de la demande devant la Commission. (Cette situation diffère de celle analysée ci-dessous dans laquelle le demandeur est une partie privée, et la Couronne [et la preuve de ses efforts de consultation] ne comparait pas devant l’organisme de réglementation en matière d’énergie.)
Nigel Bankes a fait valoir avec vigueur le contraire et a laissé entendre que rien ne laisse croire que « l’intérêt public spécial » est attribuable au fait que le demandeur de l’approbation statutaire dans Carrier Sekani était un représentant de la Couronne84. Avec le plus grand respect (et j’ai beaucoup de respect pour Nigel Bankes), ce dont ce commentaire et d’autres commentaires semblables ne semblent pas tenir compte est qu’un organisme de réglementation en matière d’énergie a le pouvoir de trancher des questions constitutionnelles qui se posent à l’égard de la demande qui lui est soumise, non des questions constitutionnelles en général. Si la Couronne n’est pas une partie devant l’organisme de réglementation en matière d’énergie, il n’y a pas de fondement pour élargir le mandat de l’organisme de réglementation en matière d’énergie en ce qui a trait à l’évaluation du caractère adéquat de la consultation par la Couronne.
La BCUC a clairement reconnu l’importance d’avoir un représentant de la Couronne comme demandeur. En mars 201085, la Commission a publié le document « 2010 First Nations Information Filing Guidelines for Crown Utilities86 ». L’accent mis sur les demandes et les documents déposés par une entreprise de service public de la Couronne témoigne de la situation unique qui se produit lorsqu’un représentant de la Couronne est également le promoteur industriel qui comparaît devant l’organisme de réglementation en matière d’énergie.
Le contexte particulier de l’arrêt Rio Tinto et de la loi constitutive de la BCUC ne peut être ignoré. Les conclusions de la Cour relatives à la BCUC ne peuvent être appliquées universellement à tous les organismes de réglementation en matière d’énergie. Cela peut facilement conduire à des erreurs que de tenter de transposer les conclusions de la Cour relatives à la BCUC dans un contexte différent sur le plan de la loi constitutive, de la structure décisionnelle ou du type de demandeur. Ce contraste peut apparaître si l’on examine un scénario où il y a une structure décisionnelle différente (comme dans le cas de l’Office national de l’énergie) et une partie privée (qui n’est pas un représentant de la Couronne).
Office national de l’énergie
Dix ans avant que l’obligation de la consultation soit énoncée par la Cour suprême du Canada (en 2004 dans les arrêts Haïda et Taku), cette dernière a examiné les processus réglementaires et administratifs de l’Office national de l’énergie (ONÉ) en ce qui a trait à l’obligation fiduciaire du gouvernement à l’égard des Premières nations dans certaines circonstances. Dans l’affaire Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie), la Cour a formulé des observations au sujet du processus d’audience de l’ONÉ :
Lors des plaidoiries, les avocats des appelants ont reconnu que l’on ne pouvait soutenir que les cours de justice, en tant que création du gouvernement, avaient une telle obligation dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires. À mon avis, les facteurs qui servent à déterminer si une telle obligation régit le processus décisionnel de l’Office en matière de délivrance de licences d’exportation diffèrent peu de ceux qui sont appliqués aux cours de justice. L’Office remplit à cet égard une fonction quasi judiciaire : Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 385. Bien que cette caractérisation ne soit peut être pas assortie de toutes les exigences de nature procédurale et autres applicables à une cour de justice, elle est en soi incompatible avec l’exigence voulant qu’il existe des rapports d’une extrême bonne foi entre l’Office et une partie qui comparaît devant lui…
En conséquence, je conclus que les rapports fiduciaires entre l’État et les appelants n’imposent pas à l’Office une obligation de prendre des décisions dans l’intérêt des appelants, ou encore de modifier son processus d’audience de façon à imposer des exigences additionnelles de divulgation. Lorsque l’on définit ainsi l’obligation fiduciaire, elle n’incombe pas davantage à ces tribunaux qu’aux cours de justice. Ainsi, l’Office n’avait aucune obligation de cette nature dans l’exercice de son pouvoir décisionnel.
En outre, même si notre Cour devait supposer que l’Office, dans le cadre de son analyse, aurait dû tenir compte de l’existence de rapports fiduciaires entre l’État et les appelants, je suis convaincu, pour les motifs que j’ai mentionnés relativement à la procédure suivie par l’Office, que les mesures qu’il a prises auraient permis de satisfaire aux exigences d’une telle obligation. Rien n’indique que les appelants n’ont pas eu pleinement l’occasion d’être entendus. Ils ont eu accès à tous les éléments de preuve déposés devant l’Office, ont pu présenter des arguments et une réplique et ont également eu le droit de contre interroger les témoins assignés par l’intimée Hydro Québec87…
Dans la foulée des affaires Haïda, Taku et Mikisew, certains commentateurs éclairés ont laissé entendre que la décision de 1994 pourrait ne plus s’appliquer. Cet avis semble être né de la conclusion que les organismes de réglementation en matière d’énergie (comme l’ONÉ) devaient eux-mêmes être assimilés à la Couronne dont les décisions pouvaient déclencher une obligation de consultation. Je crois humblement que ce point de vue est erroné. Bien que l’obligation fiduciaire et l’obligation de consulter servent des fins différentes et surviennent dans des circonstances différentes88, ces deux obligations (l’obligation fiduciaire et l’obligation de consulter) trouvent leur origine dans l’honneur de la Couronne. Il n’est plus nécessaire d’imposer à un organisme de réglementation en matière d’énergie l’obligation de consulter, comme cela était de lui imposer une obligation fiduciaire. Tel qu’il est précisé ci-dessous, la décision dans l’affaire Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie) recèle encore des enseignements utiles dans l’examen du rôle de l’ONÉ par rapport à l’obligation de consulter — particulièrement dans les circonstances où (contrairement à l’affaire Rio Tinto) le demandeur est une partie privée et non un représentant de la Couronne.
L’ONÉ a (et avait) également une structure décisionnelle différente de celle du processus de la BCUC pris en compte dans l’affaire Rio Tinto. Avant les modifications récentes (examinées ci-dessous), l’Office national de l’énergie était un exemple d’un organisme de réglementation en matière d’énergie qui, dans le cadre de certaines demandes, a pris des décisions qui devaient être approuvées par le gouverneur en conseil. L’ancienne version de l’article 52 de la Loi sur l’Office national de l’énergie stipulait ce qui suit :
« Sous réserve de l’agrément du gouverneur en conseil, l’Office peut, s’il est convaincu de son caractère d’utilité publique, tant pour le présent que pour le futur, délivrer un certificat à l’égard d’un pipeline; ce faisant, il tient compte de tous les facteurs qu’il estime pertinents… »
Cette structure décisionnelle en deux étapes ouvrait deux avenues possibles pour une contestation juridique. Au titre de l’ancienne version de l’article 52 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, ces deux avenues étaient les suivantes :
- un appel (avec autorisation) de la décision de l’ONÉ;
- un contrôle judiciaire de l’approbation du gouverneur en conseil.
Ces deux contestations ont été soulevées à la suite de trois décisions distinctes de l’ONÉ en 2007-2008 à l’égard de trois pipelines différents et des trois approbations subséquentes octroyées par décret pour la délivrance de trois certificats d’utilité publique pour les projets suivants : le projet de pipeline Keystone89, le projet de pipeline Southern Lights90 et le projet d’agrandissement du pipeline Alberta Clipper91.
i. Décisions de l’Office national d’énergie
Dans chacune de ces trois instances, l’ONÉ a entendu de nombreux groupes autochtones, dont certains qui lui ont demandé de se pencher sur une question de compétence, à savoir si l’obligation de la Couronne de consulter a été remplie conformément aux critères établis dans l’arrêt Haïda. L’Office a estimé, en statuant sur les demandes visant un pipeline dont il était saisi, qu’il n’avait pas l’obligation de déterminer si l’honneur de la Couronne a été sauvegardé au sens de l’arrêt Haïda, mais il a estimé que la consultation organisée par le promoteur auprès des Premières nations s’est déroulée conformément aux directives de dépôt et au processus réglementaire. Par exemple, dans la décision relative au projet de Southern Lights, l’Office a déclaré ce qui suit :
« L’Office n’est pas d’accord avec la position de Standing Buffalo selon laquelle, avant que l’Office ne puisse examiner le fond de la demande de certificat, il doit déterminer la solidité de la revendication de Standing Buffalo et évaluer le caractère adéquat de la consultation de la Couronne. La procédure de l’Office vise à ce que l’Office comprenne pleinement les préoccupations des peuples autochtones à l’égard d’un projet, avant de rendre sa décision. Les Autochtones qui ont des intérêts à l’égard d’un projet ont la possibilité de participer à la procédure réglementaire à plusieurs niveaux. L’Office pèse et analyse la nature des préoccupations autochtones et les effets qu’un projet pourrait avoir sur ces intérêts dans le cadre de son évaluation globale de l’intérêt public du projet. L’Office est d’avis que la procédure qu’il a suivie dans l’évaluation du Projet de Southern Lights donne l’assurance que ses décisions à l’égard du Projet seront prises dans le respect de tous les impératifs légaux.»92.
L’ONÉ a rendu une décision favorable concernant les trois pipelines et par la suite le gouverneur en conseil a donné son approbation (sous la forme d’un décret) à l’égard des trois pipelines.
ii. Litiges portés devant la Cour fédérale – contestation de l’approbation du gouverneur en conseil
Plusieurs Premières nations93 qui n’ont pas participé aux audiences de l’Office national de l’énergie ont présenté des demandes de contrôle judiciaire94 contestant les trois décrets (qui ont permis d’approuver les trois décisions de l’ONÉ). La Cour fédérale a rejeté les demandes de contrôle judiciaire. Dans l’affaire Brokenhead Ojibway, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :
La Couronne, lorsqu’elle détermine si elle a l’obligation de consulter les groupes autochtones et dans quelle mesure elle doit consulter relativement à des projets ou à des opérations qui peuvent avoir des effets sur les intérêts de ces groupes, peut tenir compte des occasions de consultation offertes dans le cadre des processus d’examen réglementaire ou environnemental existants : …Ces processus d’examen peuvent se révéler suffisants pour répondre aux préoccupations des groupes autochtones et la Couronne a toujours l’obligation de déterminer s’ils sont adéquats dans une situation donnée. Il ne s’agit pas d’une délégation de l’obligation de la Couronne de consulter, mais uniquement d’une qui permet à la Couronne de dire qu’elle est convaincue que les préoccupations des groupes autochtones ont été prises en considération et, s’il y a lieu, ont fait l’objet d’accommodements : voir Haïda, ci-dessus, au paragraphe 53 et Taku, ci-dessus, au paragraphe 4095.
Même lorsque la décision finale appartient au gouvernement, le processus de l’organisme de réglementation en matière d’énergie peut jouer un rôle de soutien si ce n’est pas un rôle central. De nombreux groupes autochtones n’ont pas tenu compte du rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie (et d’autres processus et tribunaux administratifs) sous prétexte qu’ils avaient droit à un processus distinct qui se concentrait exclusivement sur leurs intérêts. Ils l’ont fait souvent en se fondant sur un passage de l’arrêt Première nation crie Mikisew, indiquant que, dans les circonstances de l’espèce, la Couronne « devait aviser les Mikisew et amorcer un dialogue directement avec eux et non… après coup lorsqu’une consultation publique générale a été tenue auprès des utilisateurs du parc »96. Dans l’affaire Brokenhead, la Cour a indiqué clairement que le processus de l’organisme de réglementation en matière d’énergie (dans ce cas l’ONÉ) a un rôle important à jour et qu’il ne faut pas laisser échapper cette occasion.
« Le fait que les Premières nations du Traité 1 ne se soient pas prévalues entièrement de l’occasion qui leur était offerte de se faire entendre devant l’ONÉ ne justifie pas leur demande pour une consultation distincte par la Couronne, ou à sa discrétion. Dans la mesure où les collectivités autochtones ont facilement accès aux instances réglementaires pour soumettre leurs préoccupations au sujet de projets comme celui-ci, elles ont la responsabilité d’y participer. Les Premières nations ne peuvent pas se plaindre de l’absence de consultations par la Couronne lorsqu’elles négligent d’utiliser les options offertes pour obtenir réparation. … Ceci présuppose bien entendu que les processus réglementaires existants sont accessibles et adéquats et qu’ils offrent aux Premières nations une véritable possibilité de participation »97.
Cela ne veut pas dire que le processus de l’ONÉ (ou d’un autre organisme de réglementation en matière d’énergie) permettra toujours de s’acquitter à lui seul de l’obligation de consulter qui découle de la décision du gouverneur en conseil. Il s’agissait d’un cas où il a été constaté que les projets de pipeline avaient une incidence assez mineure — étant donné qu’ils étaient localisés sur des terres qui, dans la majeure partie, sont privées et ont été perturbées dans le passé — et où la Cour a jugé que la preuve était insuffisante pour indiquer des effets nocifs importants. De plus, les terres en question étaient visées par un traité historique (le Traité n 1). Dans ces circonstances, le processus de l’ONÉ à lui seul était suffisant pour s’acquitter de cette obligation, même en l’absence de toute nouvelle consultation pour appuyer la décision du gouverneur en conseil. Toutefois, La Cour a reconnu qu’il peut y avoir des circonstances où le processus de l’Office peut être, à lui seul, insuffisant.
« Toutefois, je n’ai aucun doute que si l’un des projets de pipeline avait traversé ou avait eu des effets considérables sur des terres publiques non allouées visées par une revendication territoriale non réglée, une obligation de consulter beaucoup plus grande aurait été déclenchée. Puisqu’il s’agit là du type de questions que le processus de l’ONE n’est pas conçu pour traiter, la Couronne aurait sans doute eu une obligation indépendante de consulter dans un tel contexte »98.
La décision de la Cour fédérale n’a pas été portée en appel.
En résumé, ce que la Cour semble dire c’est que la Couronne peut s’appuyer sur des processus d’examen réglementaire ou environnemental existants (comme ceux de nombreux organismes de réglementation en matière d’énergie) dans sa prise de décisions. Il est important de noter que la décision de la Couronne en cause ici était le décret, non la décision de l’Office. Dans certaines circonstances, ces processus existants peuvent s’avérer suffisants pour respecter les exigences de consultation, sans qu’il soit nécessaire pour la Couronne de mener une consultation additionnelle indépendante. Toutefois, dans d’autres circonstances (particulièrement lorsque les effets préjudiciables potentiels du projet sont plus importants), la Couronne peut être tenue de mener une consultation supplémentaire des groupes autochtones pour éclairer son propre processus décisionnel.
iii. Litiges portés devant la Cour fédérale d’appel – contestation de décisions de l’Office national de l’énergie
Parallèlement, un certain nombre de groupes autochtones qui avaient participé au processus de l’ONE pour ces trois mêmes pipelines ont interjeté quatre appels distincts99 qui contestaient trois décisions de l’Office national de l’énergie de délivrer des certificats d’utilité publique. Ces quatre appels ont été entendus en même temps par la Cour d’appel fédérale.
La décision de la Cour dans l’affaire Première nation dakota de Standing Buffalo c. Enbridge Pipelines Inc. (« Standing Buffalo »)100, a soulevé la « nouvelle question » à savoir :
s’il fallait qu’avant de statuer sur les demandes, l’ONÉ détermine si la Couronne, qui n’était pas partie aux demandes et n’a pas pris part aux audiences, avait l’obligation, en vertu de l’arrêt Nation haïda, de consulter les Premières nations au sujet des effets préjudiciables que les projets pourraient avoir sur elles et, le cas échéant, si elle s’était bien acquittée de cette obligation101 ?
La Cour a conclu que l’ONÉ lui-même n’avait pas à mener une consultation :
« …que l’ONÉ lui-même n’assume pas d’obligation de type de l’arrêt Nation haïda et que même les appelants n’ont pas prétendu qu’il était assujetti à une telle obligation. L’ONÉ est un organisme quasi judiciaire (voir Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, page 184), et, selon moi, il n’agit pas comme entité ou mandataire de la Couronne lorsqu’il exerce ses fonctions quasi judiciaires.»102.
La Cour a fait observer (citant la décision rendue dans l’affaire Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie) que, dans l’exercice de sa fonction décisionnelle, l’ONÉ doit se conformer aux règles constitutionnelles et, notamment, à l’article 35. La Cour n’a guère eu de mal à conclure qu’elle l’avait fait :
« …l’ONÉ devait statuer sur trois demandes de certificat d’utilité publique. Chaque demande constitue un processus distinct, dans lequel un demandeur donné cherche à obtenir une approbation visant un projet déterminé. Le processus met l’accent sur le demandeur, auquel l’ONÉ impose d’importantes obligations de consultation. Chaque demandeur doit consulter les groupes autochtones, définir leurs préoccupations et tenter d’y répondre, à défaut de quoi l’ONÉ peut imposer des mesures d’accommodement. Ce processus fait, à mon avis, en sorte que le demandeur prenne dûment compte des droits ancestraux existants qui sont reconnus et confirmés au paragraphe 35(1) de la Constitution. En veillant à ce que le demandeur respecte ces droits ancestraux, l’ONÉ démontre, à mon avis, qu’il exerce sa fonction décisionnelle conformément aux règles de cette disposition constitutionnelle.»103.
Néanmoins, la Cour a conclu que l’exigence d’exercer sa fonction décisionnelle conformément aux règles constitutionnelles ne faisait pas en sorte que l’ONÉ était tenu de déterminer si la Couronne assumait une obligation de type Nation haïda et s’en était acquittée avant de rendre une décision à l’égard de la demande dont elle était saisie dans les cas où le demandeur est un acteur privé (et non un représentant de la Couronne). La Cour a jugé que ces questions peuvent être tranchées par un tribunal judiciaire compétent.
En ce qui a trait à l’affaire Standing Buffalo, la Cour d’appel a formulé des observations sur le rôle du processus de l’ONÉ (et a insisté sur son utilité) d’une manière qui rappelle les commentaires de la Cour fédérale dans l’affaire Brokenhead :
« … la capacité d’un groupe autochtone de saisir le tribunal judiciaire compétent de questions relatives à l’existence d’une obligation de type de l’arrêt Nation haïda à l’égard de l’objet d’une demande de certificat d’utilité publique et, le cas échéant, sur la portée et l’exécution de cette obligation fasse conclure que ce groupe devrait refuser de comparaître devant l’ONÉ à l’égard du processus d’examen de cette demande. Nous le répétons, ce processus met l’accent sur les obligations du demandeur du certificat d’utilité publique; il établit un cadre pratique et efficace au moyen duquel le groupe autochtone peut demander des assurances à l’égard des incidences du projet sur des questions qui le touchent. Bien que le groupe autochtone soit libre de décider de ce qu’il fera, il serait malheureux qu’il ne se prévale pas de la possibilité offerte par ce processus de faire examiner les questions qui le préoccupent de façon directe et concrète.»104.
iv. Embouteillage à la Cour suprême du Canada – Standing Buffalo et Rio Tinto
La Cour d’appel fédérale (par les juges Noël, Layden-Stevenson et Ryer) a rejeté les appels de Standing Buffalo le 23 octobre 2009. Moins de deux semaines plus tard, le 5 novembre 2009, la Cour suprême du Canada a accordé la permission d’en appeler de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de la C-B. dans l’appel de l’affaire Rio Tinto105. Les Premières nations concernées par l’affaire Standing Buffalo ont demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada et ont également demandé que l’appel soit examiné selon une procédure accélérée et entendu en même temps que l’appel de Rio Tinto. La Cour suprême du Canada a plutôt choisi de laisser les demandes d’autorisation d’appel en suspens jusqu’à ce que l’appel de l’affaire Rio Tinto soit entendu et jugé. Certaines des Premières nations requérantes (la Première nation dakota de Standing Buffalo et la Première nation de Moosomin) et des compagnies pipelinières touchées (Enbridge Pipelines Inc. et TransCanada Keystone Pipeline GP Ltd.) ont demandé et ont obtenu le droit de se joindre à l’appel de Rio Tinto à titre d’intervenants. Ainsi, la portée des questions soulevées dans l’appel de Standing Buffalo s’est retrouvée devant la Cour suprême du Canada lorsqu’elle a examiné et jugé l’appel de Rio Tinto.
La Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’appel Rio Tinto (susmentionné) le 28 octobre 2010. Quelques semaines plus tard, le 2 décembre 2010, la Cour a rejeté la demande d’autorisation d’aller en appel dans l’affaire Standing Buffalo106. (Il est également à noter que, dans l’intervalle, le 19 novembre 2010, la Cour a rendu sa décision relativement à l’appel de Little Salmon [susmentionné].)
À la suite du rejet par la Cour suprême de la demande d’interjeter appel dans l’affaire Standing Buffalo, on ne peut bénéficier de l’opinion de la Cour suprême du Canada sur le rôle de l’ONÉ, comme elle est exposée dans la décision rendue par la Cour d’appel fédérale107. Certains commentateurs ont déploré que l’autorisation d’en appeler ait été refusée et sont d’avis que cela laisse planer de l’incertitude sur le droit108.
Ce qui est clair, c’est que la Cour suprême du Canada — ayant récemment donné des indications claires sur le rôle des tribunaux de réglementation dans l’arrêt Rio Tinto — était soulagée de ne pas avoir à réexaminer cette question aussi rapidement dans le contexte particulier de l’ONÉ.
Étant donné que la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Standing Buffalo a été rendue avant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Rio Tinto, il n’est pas surprenant que la terminologie employée et l’analyse faite dans l’arrêt Standing Buffalo ne correspondent pas précisément à l’analyse faite dans l’arrêt Rio Tinto. Cependant, en résumé, ce que les tribunaux semblent avoir conclu au sujet du processus réglementaire de l’ONÉ et du processus d’approbation du gouverneur général (comme on l’appelait à l’époque) est que :
- L’ONÉ (comme la BCUC) ne remplit pas le rôle qui consiste à mener la consultation par la Couronne;
- L’ONÉ remplit le rôle qui consiste à évaluer le caractère adéquat de la consultation menée par la partie (privée);
- L’ONÉ ne remplit pas le rôle qui consiste à évaluer le caractère adéquat de la consultation menée par la Couronne (lorsque la Couronne n’est pas une partie entendue et lorsque la décision de la Couronne [à savoir, le décret] est prise après le processus réglementaire de l’ONÉ);
- L’approbation du gouverneur en conseil de la décision de l’ONÉ peut s’appuyer sur le processus réglementaire existant, comme se libérer (en tout ou en partie) de l’obligation de consulter. Dans certaines circonstances, le processus réglementaire peut être suffisant en soi, mais dans d’autres circonstances, la Couronne peut devoir mener une autre consultation directe afin d’acquitter l’obligation de consulter.
Certains se demandent comment le processus de l’organisme de réglementation en matière d’énergie qui ne remplit pas le rôle qui consiste à consulter ou à évaluer le caractère adéquat de la consultation peut ensuite s’appuyer sur la Couronne pour se libérer (en tout ou en partie) de l’obligation de la Couronne de consulter. La réponse est assez simple. Si le tribunal n’est pas chargé de consulter et/ou d’évaluer le caractère adéquat de la consultation par la Couronne, le processus suivi devant l’organisme de réglementation en matière d’énergie et sa décision peuvent néanmoins aider la Couronne à respecter son obligation d’agir honorablement si le mandat statutaire de l’organisme de réglementation en matière d’énergie exige qu’il tienne suffisamment compte des intérêts des Premières nations dans ces circonstances. Le processus d’un organisme de réglementation en matière d’énergie peut fournir un soutien procédural important en faisant en sorte que les Premières nations obtiennent :
- un avis suffisant d’une proposition;
- toute l’information nécessaire en temps utile;
- la possibilité d’entreprendre une consultation directe avec le demandeur ou d’assister aux audiences des instances réglementaires et de présenter ou d’obtenir des éléments de preuve;
- la possibilité d’exprimer leurs intérêts et leurs préoccupations, en soumettant des présentations à l’organisme de réglementation en matière d’énergie;
- une prise en considération complète, équitable et sérieuse de ces présentations dans la formulation d’une décision, d’une recommandation ou des conditions à imposer à l’égard d’un projet.
Ces éléments contribuent à satisfaire aux exigences relatives à l’obligation de consulter de la Couronne109. S’il est bien mené, le processus d’un organisme de réglementation en matière d’énergie peut fournir ces éléments et contribuer à préserver l’honneur de la Couronne. Dans certaines circonstances, ce processus peut être suffisant en soi pour appuyer une décision de la Couronne; dans certains cas, cependant, il en faudrait peut-être plus.
Cela semble cohérent avec la façon dont l’ONÉ a compris et décrit son rôle par la suite. Par exemple, dans la décision de mars 2010 de l’ONÉ à l’égard du projet de pipeline Keystone XL, l’Office a exposé plus en détail son opinion sur la façon dont son processus s’inscrit dans le respect de l’obligation qu’a la Couronne de consulter.
« L’Office est régi par diverses exigences législatives et exigences de Common Law, et il constitue un tribunal d’archives autonome et indépendant du gouvernement du Canada. Il n’équivaut pas à la « Couronne.», car il s’agit d’un tribunal indépendant non assujetti aux directives de la Couronne… En ce qui touche l’obligation qu’a la Couronne de consulter les Autochtones, cette structure législative présente des problèmes particuliers auxquels ne sont pas exposés les ministères fédéraux dirigés par des ministres de la Couronne. Compte tenu de la structure législative particulière que le Parlement a établie en 1959 aux termes de la Loi sur l’Office national de l’énergie, la Couronne a décidé qu’elle comptera sur le processus de l’ONÉ comme moyen de satisfaire à certaines de ses obligations de consulter relativement à des questions qui relèvent du mandat de l’ONÉ, ou à l’ensemble de celles-ci. Cela ne signifie pas que la Couronne a délégué son devoir de consulter à l’Office. L’Office a compétence pour examiner si un projet est conforme à l’intérêt public et, dans le cadre de cet examen, il soupèse les coûts et les avantages du projet, y compris ses effets éventuels sur les intérêts des Autochtones.»110.
Ces observations à l’égard de l’ONÉ ne constituent pas non plus des conclusions universellement applicables à l’ensemble des organismes de réglementation en matière d’énergie. Encore une fois, il est essentiel d’examiner le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie tel qu’il est stipulé dans la loi. L’obligation d’un organisme de réglementation en matière d’énergie de se pencher sur la consultation et sur la portée de celle ci dépend de la mission que lui confie sa loi constitutive ou habilitante. Ce rôle peut différer selon la nature de la structure décisionnelle et de la nature du demandeur (représentant de la Couronne ou partie privée) qui comparaît devant lui.
v. Office national de l’énergie – législation actuelle
Depuis que les décisions examinées ci-dessus ont été rendues par les tribunaux, des articles pertinents de la Loi sur l’Office national de l’énergie ont été modifiés. Ces modifications récentes changent légèrement les rôles respectifs de l’ONÉ et du gouverneur en conseil, bien que la portée des facteurs dont tient compte l’Office reste inchangée. Le tableau ci-dessous présente un comparatif de l’ancienne version de l’article 52 (prise en compte par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Standing Buffalo) et de la version révisée (que l’on retrouve actuellement dans la Loi sur l’Office national de l’énergie) avec les modifications mises en évidence.
Alors que l’Office national de l’énergie anciennement « délivrait » un CUP « sous réserve de l’agrément » du gouverneur en conseil, l’Office formule maintenant une « recommandation » motivée à savoir si le certificat devrait être délivré. L’article 54 de la Loi sur l’Office national de l’énergie actuelle stipule que, une fois que l’Office a présenté son rapport en application des articles 52 ou 53, le gouverneur en conseil peut, par décret (a) donner à l’Office instruction de délivrer un certificat ou (b) donner à l’Office instruction de rejeter la demande de certificat. Ensemble, les articles 52 et 54 de la loi actuelle clarifient les rôles respectifs de l’Office et du gouverneur en conseil. Manifestement, la décision de donner à l’Office « instruction » de délivrer un certificat ou de rejeter la demande de certificat incombe au gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 54(1) de la Loi. L’article 55 de la loi prévoit que tout décret pris en vertu du paragraphe 54(1) peut être contesté (avec l’autorisation de la Cour) par voie de contrôle judiciaire par la Cour d’appel fédérale.
Compte tenu de l’établissement de lignes de responsabilité claires (et de lignes claires pour contester les décisions qui en résultent), il est entendu que tout jugement concernant la légitimité ou la constitutionnalité d’une décision que le gouverneur en conseil peut prendre dépasse clairement le mandat d’une commission d’examen de l’ONÉ. La commission d’examen conjoint qui a examiné la demande du projet Enbridge Northern Gateway est demeurée fidèle à cette approche dans sa décision rendue le 9 avril 2013 :
La commission ne peut se prononcer sur la constitutionnalité des décisions qui ne relèvent pas de son mandat. Cela englobe la décision finale du GEC de donner ou non à l’Office instruction de délivrer un certificat et de déterminer comment l’Office appliquera la législation relative à la délivrance d’un certificat. La décision du GEC et de la délivrance éventuelle d’un certificat sera prise bien après la publication du rapport de la commission. Ces décisions et mesures dépassent le mandat de la commission. Conformément à l’article 55 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, toute décision du GEC peut être contestée devant la Cour d’appel fédérale par voie de contrôle judiciaire111. [Traduction]
La commission d’examen conjoint a publié son rapport final le 19 décembre 2013 et a décrit son rôle comme suit sous la rubrique « Participation de groupes autochtones à l’audience ».
Notre processus d’audience a offert une occasion à la population autochtone de se renseigner davantage sur le projet et de faire en sorte que soient consignés au dossier :
- leurs connaissances traditionnelles rela-tivement aux effets environ-nementaux;
- les répercussions que tout changement au milieu découlant du projet pourrait avoir sur leur utilisation actuelle des terres et des ressources à des fins traditionnelles;
- la nature et la portée de leurs droits ancestraux et issus de traités, potentiels ou établis, les effets du projet sur ces droits et les mesures appropriées pour éviter ou atténuer ces effets.
Les peuples autochtones ont participé au processus d’audience final à titre d’intervenants et par l’entremise de la preuve orale, des exposés oraux et des lettres de commentaires. Ils ont été nombreux à assister aux séances d’information et d’audience.
Selon l’entente concernant l’examen conjoint du projet, le processus a permis de recueillir des renseignements sur la nature et la portée des droits ancestraux et issus de traités, potentiels ou établis, susceptibles d’être touchés par le projet, ainsi que sur les répercussions que le projet pourrait entraîner sur ces droits. Les groupes autochtones et d’autres parties nous ont transmis un nombre considérable d’éléments de preuve à ce sujet »112,113.
En vertu des versions ancienne et nouvelle de son mandat législatif, le processus de l’Office est bien conçu pour obtenir et entendre les éléments de preuve relatifs aux intérêts des Autochtones et aux répercussions éventuelles d’un projet proposé et en tenir compte. L’Office examinera également le processus de consultation mené par les demandeurs (privés) qui comparaissent devant lui. Ce processus peut être suivi par la Couronne lorsqu’elle prend sa propre décision, p. ex., pour déterminer si l’on donne à l’Office instruction de délivrer un certificat. Dans certaines circonstances, la Couronne peut avoir acquis la conviction que la consultation directe entre le promoteur et les groupes autochtones, associé à l’accès des groupes autochtones au processus de l’organisme de réglementation, a préservé l’honneur de la Couronne. Dans d’autres circonstances (notamment lorsque les répercussions éventuelles d’un projet ont un plus grand potentiel d’effets préjudiciables), la Couronne peut choisir d’entreprendre d’autres consultations afin de s’assurer que l’honneur de la Couronne est préservé114. Le caractère adéquat de la décision finale de la Couronne peut être contesté, avec l’autorisation de la Cour, par voie de contrôle judiciaire par la Cour d’appel fédérale. Cela est tout à fait conforme aux principes établis par la décision de la Cour dans l’affaire Carrier Sekani.
Organisme de réglementation en matière d’énergie de l’Alberta
Même si l’espace et le temps qui restent ne permettent pas une analyse approfondie, un bref commentaire s’impose sur les développements récents (et continus) concernant la pratique réglementaire et en matière d’énergie en Alberta.
Les questions au sujet du rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie par rapport à l’obligation de consulter ont été soulevées un certain nombre de fois en lien avec l’Energy Resources Conservation Board (ERCB) (ancien organisme de réglementation en matière d’énergie ) de l’Alberta.
Dans la décision Osum115, l’ERCB a estimé ne pas avoir la compétence pour déterminer si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter la Première Nation de Cold Lake et de trouver des accommodements à ses préoccupations concernant les effets préjudiciables découlant d’un projet de sables bitumineux. L’ERCB a établi une distinction fondée sur le fait que le demandeur qui comparaît devant lui n’est pas un représentant de la Couronne:
L’ERCB n’est pas convaincu que dans cette affaire, pour laquelle le promoteur n’est ni la Couronne ni un représentant de la Couronne et n’a donc pas à s’acquitter d’une obligation constitutionnelle, son mandat de veiller à l’intérêt public s’étend à l’évaluation du caractère adéquat de la conduite de la Couronne (consultation) qui n’est pas encore effectuée116. [Traduction]
Après la décision de l’ERCB, la Première nation a conclu une entente avec le promoteur et a retiré son objection au projet. Néanmoins, la Première nation a demandé l’autorisation d’en appeler de la décision de l’ERCB au motif que la question était de portée générale. La Cour d’appel de l’Alberta a rejeté la demande d’appel, au motif que la question était théorique. La Cour a également souligné que cette question allait bientôt être soumise à l’ERCB dans le contexte d’un litige concret qui, à première vue, concerne la même question que celle que le demandeur cherche à faire valoir devant cette Cour117. [Traduction]
Le litige pendant auquel la Cour d’appel faisait référence était l’avis de question constitutionnelle déposée par la Première Nation Chippewan d’Athabasca dans le cadre du projet de la mine Jackpine de Shell. L’entente concernant l’établissement d’une commission d’examen conjoint pour ce projet stipulait clairement que la commission d’examen conjoint peut recevoir de l’information des groupes autochtones sur la nature et la portée des droits ancestraux ou issus de traités, potentiels ou établis, dans la région du projet, ainsi que de l’information sur les effets environnementaux négatifs éventuels que le projet est susceptible d’avoir sur les droits ancestraux ou issus de traités, potentiels ou établis118 et qu’elle peut utiliser cette information pour formuler des recommandations qui ont trait à la manière dont le projet pourrait avoir des effets préjudiciables sur les droits ancestraux ou issus de traités revendiqués par les participants (section 6.2) [Traduction]119. Il est toutefois ressorti clairement de l’entente ce qui suit :
Nonobstant les articles 6.1 et 6.2, la commission d’examen conjoint n’est pas tenue en vertu de cette entente de trancher en ce qui a trait à :
- la validité des droits ancestraux ou issus de traités revendiqués par un participant ou la légitimité de telles revendications;
- la portée de l’obligation de la Couronne de consulter un groupe autochtone;
- savoir si la Couronne s’est acquittée de ses obligations de consulter ou d’accommoder en ce qui concerne les droits reconnus et confirmés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Dans la décision Jackpine120, la commission d’examen conjoint constituée en vue d’examiner la demande du projet d’expansion de la mine Jackpine a rendu une décision interlocutoire dans laquelle elle conclut qu’elle n’avait pas compétence pour décider si la Couronne a respecté son obligation de consulter les peuples autochtones.
Certains commentateurs ont laissé entendre que les décisions de l’ERCB dans les affaires Osum et Jackpine témoignent d’une certaine réticence à traiter de l’obligation de consulter comme des autres questions de droit constitutionnel121. Je suis plutôt d’avis que l’ERCB a bien cerné la différence découlant de la présence d’un demandeur privé (non un représentant de la Couronne) et bien compris les limites expresses imposées à la commission d’examen conjoint. Jusqu’à maintenant, les tribunaux semblent d’accord.
La Première Nation Chippewan d’Athabasca et la Nation métisse de la région 1 de l’Alberta ont demandé l’autorisation d’en appeler de la décision Jackpine. La Cour d’appel de l’Alberta a encore une fois rejeté la demande d’appel.
Même si les questions de compétence soulevées par les demandeurs sont intéressantes dans l’abstrait, il n’est pas justifié d’accorder l’autorisation d’en appeler, car les réponses à ces questions n’auront pas d’incidence sur le résultat de cette audience. La commission d’examen conjoint n’est pas tenue de se prononcer sur la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de ses obligations de consulter. La commission d’examen conjoint a manifestement décidé de ne pas traiter de cette question, du moins à cette étape des délibérations. Elle a le droit de le faire122. [Traduction]
Une demande d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada a été rejetée123.
i. Nouvelle loi albertaine
Depuis le 17 juin 2013, un nouvel organisme de réglementation en matière d’énergie de l’Alberta, l’Alberta Energy Regulator, remplace l’ERCB. L’article 21 de la Responsible Energy Development Act, SA 2012, c R-17.3 précise que le nouvel organisme de réglementation n’aura ni l’obligation de consulter ni l’obligation d’avoir accès aux consultations de la Couronne en ce qui concerne :
« Les consultations de la Couronne avec les peuples autochtones. L’organisme de réglementation n’a pas compétence en matière d’évaluation du caractère adéquat de la consultation par la Couronne liée aux droits autochtones tels qu’ils sont reconnus et affirmés au titre de la partie II de la Loi constitutionnelle de 1982 ».
Certains commentateurs ont décrié le retrait des questions liées à l’obligation de consulter du forum de réglementation. Par exemple, selon Nigel Bankes :
Cela mènera-t-il à la certitude et à une approbation accélérée ou à plus de délais et d’incertitude? Je soupçonne que les réponses seront différentes selon les lecteurs, mais j’ai de la difficulté à voir comment cela pourrait nous mener à une prise de décisions éclairée et intégrée. En fait, cela ressemble à un guichet unique pour tout, sauf les décisions qui mettent en jeu l’obligation de consulter124. [Traduction]
Bien qu’il y ait certainement un débat d’orientation légitime à tenir autour de la question à savoir si un organisme de réglementation en matière d’énergie devrait jouer un rôle dans l’exercice de l’obligation de consulter ou dans l’évaluation du caractère adéquat de cette consultation, le débat juridique a été réglé. La Cour suprême du Canada a indiqué clairement que « l’obligation du tribunal administratif de se pencher sur la consultation et sur la portée de celle-ci dépend de la mission que lui confie sa loi constitutive.»125. Le législateur albertain répond clairement à cette invitation et énonce clairement le mandat que la loi confère (et ne confère pas) à l’Alberta Energy Regulator. Étant donné l’absence de contestation de la loi, la réponse du législateur est déterminante126.
Malgré la clarté de l’énoncé concernant l’intention du législateur, il semble encore y avoir des problèmes de transition et de définition à régler concernant la portée adéquate des questions constitutionnelles à prendre en compte. Le 18 octobre 2013, la Première Nation de Fort McKay a obtenu l’autorisation d’en appeler de la décision de l’Alberta Energy Regulator relativement au projet de Dover Operating Corp. (aujourd’hui Brion Energy)127. La Cour d’appel (par le juge Frans Slatter) a accordé l’autorisation d’en appeler relativement à deux questions:
- L’Energy Resources Conservation Board ou l’Alberta Energy Regulator a-t-il commis une erreur de droit ou de compétence justifiant l’annulation dans l’évaluation du type de questions constitutionnelles qu’il pouvait ou devait examiner en vertu de sa compétence générale sur les questions de droit, ou en vertu de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act?
- Et dans l’affirmative, une telle erreur justifiant l’annulation dans la définition de la portée des questions constitutionnelles a-t-elle un effet, justifiant l’annulation, sur l’approbation définitive du projet par l’Alberta Energy Regulator128?
Cette décision aurait clairement été une à surveiller de près, puisqu’elle aurait pu fournir plus de précision sur le rôle de l’EAR dans l’examen des droits ancestraux et issus de traités au sens de l’Administrative Procedures and Jurisdiction Act129. Cependant, alors qu’on arrive à la conclusion de cet article, la Première nation et le promoteur de projet ont conclu une entente de règlement, et l’appel qui était en attente a été abandonné. Les questions de définition en vertu de la législation de l’Alberta demeureront non résolues pour le moment.
Comme on l’a vu précédemment (dans l’analyse de la législation de la C.-B. en lien avec l’affaire Rio Tinto), le traitement législatif des «.questions constitutionnelles » dans la loi n’est pas toujours rédigé d’une manière qui considère expressément (et clarifie) le rôle de l’organisme de réglementation en ce qui concerne l’obligation de consulter. Toutefois, étant donné l’énoncé très clair à l’article 21 de la Responsible Energy Development Act, le rôle de l’Alberta Energy Regulator par rapport à l’obligation de consulter semble être établi130.
Conclusion
Dans le débat portant sur l’obligation de consulter et le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie, ce qu’il faut, ce n’est pas une réponse unique et universelle qui convient à toutes les situations et qui s’est révélée difficile à obtenir dans le contexte du droit des Autochtones et du droit réglementaire/administratif. Il faut plutôt une plus grande connaissance (i) des différents contextes juridiques qui s’appliquent aux groupes autochtones (traité historique, traité moderne ou secteur non couvert par traité); (ii) des différences qui en résultent dans l’objet et la portée de l’obligation de la Couronne de consulter dans chaque contexte juridique; et (iii) du mandat précis confié à l’organisme de réglementation en matière d’énergie par sa loi constitutive.
Les organismes de réglementation en matière d’énergie pourraient être tenus de s’acquitter de l’obligation de consulter, de l’obligation d’évaluer le caractère adéquat de la consultation menée par d’autres, de ces deux obligations ou d’aucune des deux. Deux indices clés sont le pouvoir d’examiner les questions de droit et le pouvoir de réparation accordé à l’organisme de réglementation en matière d’énergie. On peut tirer des indications par un examen de la manière dont le processus de réglementation s’inscrit dans tout le processus décisionnel. Par ailleurs, le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie peut varier selon la nature du demandeur qui comparaît devant lui, en particulier si le demandeur est un représentant de la Couronne ou une partie privée. Les diverses combinaisons et permutations de ces différents facteurs ne prêtent pas à des solutions universelles qui s’appliquent à tous les organismes de réglementation en matière d’énergie. Au contraire, le message clé en est un que les praticiens en droit administratif devraient connaître : cela dépend. En effet, cela dépend du statut et de la nature de la demande et même de la nature du demandeur. Cette diversité ne doit pas être décriée, mais pleinement acceptée, car les organismes de réglementation en matière d’énergie trouvent leur juste place dans le processus décisionnel et leur propre rôle à l’égard de l’obligation de la Couronne de consulter.
1 Keith Bergner, associé au sein du cabinet d’avocats Lawson Lundell, LLP, pratique le droit autochtone, le droit réglementaire et le droit de l’énergie. http://www.lawsonlundell.com/team-Keith-Bergner.html
La publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie a pour politique de déclarer le fait qu’un collaborateur agit à titre d’avocat ou d’avocat adjoint dans le cadre d’affaires judiciaires ou d’audiences réglementaires évoquées dans un article ou un commentaire d’arrêt. Dans un esprit de totale transparence, il convient de noter que Lawson Lundell et Keith Bergner agissent à titre d’avocats ou, dans la plupart des cas, à titre d’avocats adjoints d’une partie ou d’un participant des audiences réglementaires et des procédures judiciaires en appel énumérées ci dessous et évoquées dans le présent article.
Décisions judiciaires :
Rio Tinto Alcan Inc. c Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, [2010] 2 RCS 650. (Chris Sanderson, c.r., Keith Bergner et Laura Bevan représentent l’intimé British Columbia Hydro and Power Authority.)
Beckman c Première Nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53. (Brad Armstrong, c.r., et Keith Bergner de Lawson Lundell et Penelope Gawn et Lesley McCullough du ministère de la Justice du Yukon représentent l’appelant le gouvernement du Yukon.)
Première nation dakota de Standing Buffalo c Enbridge Pipelines Inc., 2009 CAF 308; l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada a été rejetée en décembre 2010. (Lewis Manning et Keith Bergner représentent l’intimé l’Association canadienne des producteurs pétroliers.)
Conseil tribal Carrier Sekani c British Columbia Utilities Commission, 2009 BCCA 67, affaire portée en appel devant la Cour suprême du Canada. (Chris Sanderson, c.r., Keith Bergner représentent l’intimé British Columbia Hydro and Power Authority.)
Première Nation de Kwikwetlem c British Columbia Utilities Commission, 2009 BCCA 68. (Keith Bergner et Angela Bespflug représentent l’intimé British Columbia Hydro and Power Authority.)
Première Nation ojibway de Brokenhead c Canada (procureur général), 2009 FC 484. (Lewis Manning et Keith Bergner représentent l’intervenant l’Association canadienne des producteurs pétroliers.)
Instances réglementaires :
Rapport de la commission d’examen conjoint du projet pipelinier Northern Gateway, décembre 2013. (Keith Bergner représente l’intervenant l’Association canadienne des producteurs pétroliers.)
Projet de transport d’électricité des terres intérieures aux basses-terres continentales, British Columbia Transmission Corporation, British Columbia Utilities Commission, décision rendue après réexamen le 3 février 2011. (Keith Bergner et Michelle Jones représentent British Columbia Hydro and Power Authority.)
2 Rio Tinto Alcan Inc. c Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43 au para 2, [2010] 2 RCS 650 [Rio Tinto].
3 Édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.
4 Pour obtenir de plus amples renseignements sur la conclusion de traités au Canada, y compris sur les textes et les cartes des traités, consultez les documents d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, en ligne : <http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100028574/1100100028578>.
5 R c Marshall, [1999] 3 RCS 456 [Marshall]; la demande d’une nouvelle audience a été rejetée R c Marshall, [1999] 3 RCS 533.
6 Voir par exemple : R c Badger, [1996] 1 RCS 771 aux para 52-58.
7 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, en ligne : <http://www.aadnc-aandc.gc.ca/DAM/DAM-INTER-HQ/STAGING/texte-text/htoc_1100100032308_fra.pdf>.
8 Il n’est pas rare dans le cas des traités historiques d’entendre le terme « couvrent » une partie de la province. Par exemple, on vous dira que le Traité no 8 « couvre » des parties du nord-est de la C.-B., le nord de l’Alberta, la Saskatchewan et la partie sud des Territoires du Nord-Ouest. Toutefois, étant donné que dans de nombreuses régions, particulièrement dans les provinces des Prairies, la conclusion des traités a précédé la création des provinces des Prairies, il serait plus exact de dire que ces provinces « couvrent » le territoire des traités.
9 Beckman c Première Nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53 au para 12, [2010] 3 RCS 103 [Beckman] [Little Salmon].
10 Les modalités principales des ententes sur des revendications territoriales avec les Premières nations du Yukon sont énoncées dans l’Accord-cadre définitif (l’« ACD »). Entre autres, l’ACD comprend des dispositions relatives à la propriété des terres par les Premières nations du Yukon (« terres visées par le règlement ») et à la gestion des terres et des ressources au Yukon. Les ententes définitives mises en œuvre jusqu’à présent englobent les dispositions de l’ACD.
11 L’entente d’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte se distingue quelque peu des nombreuses ententes décrites ci-dessus, puisqu’elle a été établie par une loi. Consultez : Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, LC 1986, c 27.
12 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, en ligne : <http://www.aadnc-aandc.gc.ca/DAM/DAM-INTER-HQ-AI/STAGING/texte-text/mprm_pdf_modrn-treaty_1383144351646_fra.pdf>.
13 Commission des traités de la C.-B., en ligne : <http://www.bctreaty.net/files/negotiations.php>.
14 L’observateur attentif de la carte constatera, que même s’il y a de nombreuses revendications territoriales issues de traités qui se chevauchent, il y a également de vastes étendues qui ne sont pas visées par des revendications territoriales issues de traités. Il y a un grand nombre de Premières nations de la C.-B. qui ont choisi de poursuivre le règlement de leurs revendications hors du contexte du processus établi par la Commission des traités de la C.-B.
15 Comme il a été mentionné précédemment, les principales exceptions sont (i) de petites parties de l’île de Vancouver qui sont visées par les traités Douglas signés avant la Confédération; (ii) la partie nord-est de la province, qui est visée par le Traité no 8 signé après la Confédération; (iii) le traité moderne des Nisga’a (2000) et le nombre relativement modeste des traités modernes achevés jusqu’à ce jour dans le cadre du processus de la Commission des traités de la C.-B., notamment l’Accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen (2009) et l’Accord définitif des Premières nations maa-nulthes (2011).
16 Calder et a.l c Procureur général de la Colombie-Britannique, [1973] RCS 313 [Calder].
17 Consultez l’affaire Bande indienne des Lax Kw’alaams c Canada (Procureur général), 2011 CSC 56, [2011] 3 RCS 535. Consultez également l’affaire Bande indienne Ahousaht c Canada (Procureur général), 2012 BCCA 404, dont la demande d’autorisation d’interjeter appel a été rejetée par la Cour suprême du Canada le 30 janvier 2014.
18 Voir Marshall, supra note 5; R c Bernard, 2005 CSC 43, [2005] 2 RCS 220.
19 Consultez la décision de la Cour d’appel de la C.-B. dans l’affaire William c Colombie-Britannique, 2012 BCCA 285. La Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’interjeter appel, et l’appel a été entendu en novembre 2013. La décision est en délibéré.
20 R c Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 RCS 207; Manitoba Metis Federation Inc. c Canada (Procureur général), 2013 CSC 14; R c Hirsekorn, 2013 ABCA 242, la demande d’autorisation d’interjeter appel a été rejetée dans l’affaire Hirsekorn c Sa Majesté la Reine, 2014 CanLII 2421.
21 Certaines sections de la partie II et de la partie III s’inspirent d’idées mises de l’avant au départ dans un article de Chris W. Sanderson, c.r., K. Bergner et Michelle S. Jones « The Crown’s Duty to Consult Aboriginal Peoples: Towards an understanding of the source, purpose and limits of the duty » (l’obligation de la couronne de consulter les peuples autochtones : vers une compréhension de la source, de l’objectif et des limites de cette obligation) (2012) 49:1 Alberta LJ, .
22 Par exemple, dans la décision de 1990 rendue dans Sparrow, l’examen de la Cour de la « justification » pour la violation des droits ancestraux a dégagé certaines des questions à prendre en compte, notamment si le groupe autochtone concerné a été consulté au sujet des mesures mises en œuvre.
23 Par exemple, dans la décision de 1997 rendue dans Delgamuukw au para 168, l’examen de la Cour de la « justification » de l’atteinte au titre aborigène comprenait les observations suivantes : « Il y a toujours obligation de consultation. La question de savoir si un groupe autochtone a été consulté est pertinente pour décider si l’atteinte au titre aborigène est justifiée, au même titre que le fait pour la Couronne de ne pas consulter un groupe autochtone au sujet des conditions auxquelles des terres d’une réserve sont cédées à bail peut constituer un manquement à l’obligation de fiduciaire de celle-ci en Common Law ».
24 Première nation crie Mikisew c Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69 (dans le respect du Traité no 8 signé en 1899) [Mikisew].
25 Beckman, supra note 9 (dans le respect d’un traité signé en 1997).
26 Nation haïda c Colombie-Britannique (ministre des Forêts), 2004 CSC 73 au para 35 [Haïda]. Dans l’arrêt Rio Tinto, supra note 2 au para 31, la Cour a confirmé que cette condition lorsque l’obligation de consulter prend naissance (dans les secteurs non couverts par traité) comporte trois éléments : (1) la connaissance par la Couronne, réelle ou imputée, de l’existence possible d’une revendication autochtone ou d’un droit ancestral; (2) la mesure envisagée de la Couronne; et (3) la possibilité que cette mesure ait un effet préjudiciable sur une revendication autochtone ou un droit ancestral.
38 La Environmental Assessment Act de la C.-B. de 1996 a ultérieurement été modifiée en 2002 (SBC 2002, c 43).
39 Premère nation Tlinglit de Taku River c Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet), 2004 CSC 74 aux para 23-28 [Taku].
46 Certains des traités numérotés utilisent des termes légèrement différents, même si l’importance de cette différence n’est pas une question qui a été résolue. La Cour suprême du Canada a accordé une autorisation d’appel relativement au Traité no 3. Consultez : Keewatin c Ontario (ministre des Ressources naturelles), 2013 ONCA 158; l’autorisation d’interjeter appel est accordée dans l’affaire Keewatin c Ministre des Ressources naturelles, 2013 CanLII 59883.
47 Mikisew, supra note 24 au para 33.
48 En vertu de cette entente définitive, Little Salmon/Carmacks a reçu certains avantages, notamment un titre à l’égard d’une superficie de 2 589 kilomètres carrés de terres, une indemnisation pécuniaire excédant 34 millions de dollars, une possibilité de partage des redevances, des mesures de développement économique et des droits relatifs à la récolte des ressources halieutiques, fauniques et forestières. De plus, la Première Nation de Little Salmon/Carmacks, avec d’autres Premières nations du Yukon, a obtenu l’autorisation de nommer des membres à des conseils de cogestion traitant de la gestion des pêches et de la faune, de l’évaluation des activités de développement, de l’aménagement du territoire et d’autres questions liées à la gestion des ressources renouvelables dans leurs territoires traditionnels.
49 Little Salmon, supra note 9 au para 38.
54 Nigel Bankes a critiqué la décision des juges majoritaires, il a indiqué qu’à son avis le contenu de l’obligation de consultation énoncée par la Cour dans cette affaire n’est pas supérieur à celui qui serait obtenu par l’application des principes normalisés du droit administratif. Cette vue étriquée de l’obligation de consulter ne contribue guère à l’objectif constitutionnel de réconciliation intersociétale. Consulter l’article « Little Salmon and the juridical nature of the duty to consult and accommodate » (en anglais seulement) affiché le 10 décembre 2010 sur le site à l’adresse suivante.: <http://ablawg.ca/2010/12/10/little-salmon-and-the-juridical-nature-of-the-duty-to-consult-and-accommodate/>.
55 Little Salmon, supra note 9 au para 124, juge Deschamps.
57 Québec (Procureur général) c Moses, 2010 CSC 17.
58 Consultez, par exemple, les articles 45 et 46 de l’Accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen, 8 décembre 2006.
59 Rio Tinto, supra note 2 aux para 45, 48-49.
60 British Columbia Transmission Corporation (BCTC), Reconsideration of the Interior to Lower Mainland (ILM) Transmission Project, Decision, 3 février 2011 (en anglais seulement). Cette procédure était un « réexamen » d’une décision antérieure (5 août 2008) de la British Columbia Utilities Commission d’accorder un certificat d’utilité publique (CUP) à la BCTC pour le projet ILM. Au cours de cette procédure, la Commission a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner le caractère adéquat des efforts de consultation et d’accommodement des Premières nations relativement au projet ILM. Cette décision a été portée en appel, et le 18 février 2009, la Cour d’appel de la C.-B. a rendu sa décision dans l’affaire Kwikwetlem First Nation v British Columbia (Utilities Commission), 2009 BCCA 68 (décision rendue au même moment que la décision de la Cour d’appel de la C.-B. dans l’affaire Carrier Sekani, qui a ensuite été portée en appel devant la Cour suprême du Canada). Dans l’affaire Kwikwetlem, la Cour a suspendu le CUP et a enjoint la Commission de réexaminer la question de la consultation des Premières nations et de déterminer si l’obligation de la Couronne de consulter et d’accommoder les Premières nations a été respectée le 5 août 2008, la date à laquelle le CUP a été accordé. Consultez également : Upper Nicola Indian Band v British Columbia (Environment), 2011 BCSC 388 (en anglais seulement), qui traite d’une contestation du certificat d’évaluation environnementale pour le projet ILM.
61 BCUC Order G-12-10, Reasons for Decision page 28. Voir : <http://www.bcuc.com/Documents/Orders/2010/DOC_24485_G-12-10_BCH_Waneta-Decision.pdf> (en anglais seulement). Le 5 août 2010, la BCUC a rejeté une demande de réexamen. BCUC G-126-10. Voir : <http://www.bcuc.com/Documents/Decisions/2010/DOC_25967_Sinixt-Nation_BCH-Waneta-Reconsideration-Decision-Web.pdf> (en anglais seulement). Dans un esprit de totale transparence : Lawson Lundell a représenté BC Hydro dans la procédure de la BCUC et les appels connexes.
62 Voir par ex : Upper Nicola Indian Band v British Columbia (Environment), supra note 60; West Moberly First Nations v British Columbia (Chief Inspector of Mines), 2011 BCCA 247, autorisation d’interjeter appel rejeté Sa Majesté la Reine c les Premières nations de West Moberly, 2012 CanLII 8361; et Louis v British Columbia (Minister of Energy, Mines, and Petroleum Resources), 2013 BCCA 412 (en anglais seulement), autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée 204 CanLII 8257.
63 Behn c Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26 au para 30 [Behn].
64 William, supra note 19 au para 142.
66 Beckman, supra note 9 au para 35.
67 À diverses occasions au cours de ces dernières années, j’ai eu l’immense privilège d’avoir plusieurs discussions avec David Mullan au sujet de l’obligation de la Couronne de consulter et du rôle des organismes de réglementation en matière d’énergie. Il a partagé généreusement ses connaissances encyclopédiques du droit administratif et son enthousiasme et son intérêt marqué à l’égard de la pratique (et avant cette pratique) des organismes de réglementation en matière d’énergie. Ces discussions et ses écrits sur le sujet m’ont poussé et m’ont aidé à développer une réflexion sur ces questions. Consultez : D. Mullan, « The Supreme Court and the Duty to Consult Aboriginal Peoples: A Lifting of the Fog? » 24 C.J.A.L.P 233 (en anglais seulement) et D. Mullan, « Droit administratif et réglementation en matière d’énergie – éviter les pièges – les dix règles – perspective sur dix ans », Vol. 1 publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 13, particulièrement la section 14 : « Obligation de consulter les peuples autochtones ».
68 Rio Tinto, supra note 2 aux para 55-58.
69 R c Conway, 2010 CSC 22 au para 6, [2010] 1 RCS 765.
70 Rio Tinto, supra note 2 aux para 58-61.
72 Voir : Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Martin, 2003 CSC 54, [2003] 2 RCS 504; Paul c Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission), 2003 CSC 55, [2003] 2 RCS 585.
73 Voir : Administrative Procedures and Jurisdiction Act, RSA 2000, c A-3, article 16 et Designation of Constitutional Decision Makers Regulation, Alta Reg 69/2006 (en anglais seulement).
74 Voir : Administrative Tribunals Act, SBC 2004, c 45, articles 43-45 (en anglais seulement).
75 Dans l’affaire Rio Tinto, supra note 2 au para 72, la Cour s’est penchée sur la demande du législateur de la C.-B. en ce qui concerne la BCUC et a conclu que cela n’empêche pas la BCUC de déterminer le caractère adéquat de la consultation liée à la demande dont il est saisi. La Cour a constaté que « l’intention du législateur de soustraire à la compétence de la Commission la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consulter les titulaires des droits ancestraux en cause ne ressort ni de l’Administrative Tribunals Act ni de la Constitutional Question Act ».
76 Il existe une variante de cette structure lorsque l’organisme de réglementation en matière d’énergie prend une décision qui est finale sous réserve de la capacité d’un ministre (ou d’un autre intervenant gouvernemental) d’annuler cette décision.
77 Ces trois organismes de réglementation en matière d’énergie ont été choisis parce que la question de leur droit à l’égard de l’obligation de consulter a suscité plus de contestations judiciaires, ou du moins je connais davantage la jurisprudence existante relative à ces trois organismes de réglementation.
78 Rio Tinto, supra note 2 au para 69.
82 La Commission devait, en application de la version actuelle de l’article 71 de la Utilities Commission Act, RSBC 1996, c 473, déterminer si la vente d’électricité était dans l’intérêt public. La Commission avait le pouvoir de déclarer inapplicable le contrat de vente d’électricité qui, selon elle, n’était pas dans l’intérêt public compte tenu de la liste précise de facteurs, dont « tout autre élément jugé pertinent eu égard à l’intérêt public ». L’article 71 de la Utilities Commission Act, RSBC 1996, c 473 a été modifiée depuis.
83 Rio Tinto, supra note 2 au para 8.
84 Nigel Bankes « Who decides if the Crown has met its duty to consult and accommodate? » (6 septembre 2012), à la p 5, en ligne : <http://ablawg.ca/wp-content/uploads/2012/09/Blog_NB_Who_Decides_Sept-20123.pdf> (en anglais seulement).
85 À la suite des décisions du 18 février 2009 de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Carrier Sekani Tribal Council v British Columbia (Utilities Commission), 2009 BCCA 67 et Kwikwetlem First Nation v British Columbia (Utilities Commission), 2009 BCCA 68.
86 BCUC Order G‐51‐10 (18 mars 2010) : <http://www.bcuc.com/Documents/Guidelines/2010/DOC_25327_G-51-10_2010-First-Nations-Information-Filing-Guidelines.pdf> (en anglais seulement).
87 Québec (Procureur général) c Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 RCS 159, 1994 CanLII 113 (CSC), 31.
88 Voir l’analyse de Sanderson et coll., supra note 2 à la p 835.
89 Motifs de décision OH-1-2007 de l’ONE (6 septembre 2007) et décret no CP 2007-1786 (22 novembre 2007).
90 Motifs de décision OH-3-2007 de l’ONE (19 février 2008) et décret no CP 2008-856 (8 mai 2008).
91 Motifs de décision OH-4-2007, de l’ONE (22 février 2008) et décret no CP 2008-857 (8 mai 2008).
92 Voir, Enbridge Southern Lights LP (Re), 2008 LNCNEB 1 (No OH-3-2007), aux para 56-57.
93 Nation ojibway de Brokenhead, Première nation Long Plain, Première nation de Swan Lake, Première nation de Fort Alexander, Première Nation anishinabe de Roseau River, Première nation de Peguis et Première nation de Sandy Bay (collectivement, les « Premières nations du Traité no 1 »).
94 Il y a eu un contrôle judiciaire pour chaque décret, pour un total de trois. Voir les dossiers de la Cour fédérale : T-225-08, T-921-08 et T-925-08.
95 Brokenhead Ojibway First Nation v Canada (Attorney General), 2009 FC 484 au para 25 [Brokenhead Ojibway]. Cette déclaration a été adoptée par la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Tsuu T’ina Nation v Alberta (Environment), 2010 ABCA 137 au para 104.
96 Mikisew, supra note 24 au para 64.
97 Brokenhead Ojibway, supra note 95 au para 42.
99 La Première nation dakota de Standing Buffalo a lancé trois contestations judiciaires distinctes découlant de trois décisions de l’Office national de l’énergie de délivrer des certificats d’utilité publique (CPCN) relativement à trois projets de pipeline : le projet de pipeline Keystone, le projet de pipeline Southern Lights et le projet de pipeline Alberta Clipper. Les Premières nations de Sweetgrass et de Moosimin ont lancé une contestation supplémentaire découlant d’une décision de l’ONE liée au projet Alberta Clipper — pour un total de quatre appels. Consultez les dossiers de la Cour d’appel fédérale : 08-A-25, 08-A-28, 08-A-29 et 08-A-30.
100 Première nation dakota de Standing Buffalo c Enbridge Pipelines Inc., 2009 CAF 308 [Standing Buffalo].
105 Rio Tinto Alcan Inc. c Conseil tribal Carrier Sekani – et – British Columbia Utilities Commission, 2009 CanLII 61380.
106 La demande d’autorisation d’appel dans l’affaire Standing Buffalo a été examinée et rejetée par le même groupe de juges de la Cour qui avait accordé l’autorisation de l’appel de Rio Tinto. Consultez 2010 CanLII 70763 (CSC), 2010 CanLII 70737 (CSC), 2010 CanLII 78628 (CSC), 2010 CanLII 74561 (CSC) et 2010 CanLII 70764 (CSC). Lorsqu’elle rejette des demandes en autorisation d’appel, la Cour suprême du Canada n’en précise pas les raisons.
107 Peut-être parce que la demande d’autorisation d’interjeter appel était toujours pendante au moment où la décision à l’égard de l’appel de Rio Tinto a été prise, la Cour suprême du Canada n’a pas fait mention de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Standing Buffalo et n’a pas formulé d’observations à son sujet (même si de nombreuses parties de l’appel Standing Buffalo ont participé à l’appel de Rio Tinto à titre d’intervenants).
108 D. Mullan, supra note 67, 24 CJALP 233 à 259 : « … la Cour suprême, dans un souci de clarifier les choses sur la question de la consultation dans le cadre des tribunaux, aurait dû accorder l’autorisation d’en appeler dans l’affaire Standing Buffalo. L’arrêt Carrier Sekani, supra note 2, n’a pas permis de résoudre toutes les questions soulevées par la décision de la Cour d’appel fédérale. » [Traduction]
109 Voir Mikisew, supra note 24 au para 64; citant l’opinion exprimée par le juge Finch dans l’arrêt Halfway River First Nation v British Columbia (Ministry of Forests) 999 BCCA 470 aux para 159-160, [1999] 64 BCLR (3d) 206.
110 TransCanada Keystone Pipeline GP Ltd. (Re), 2010 LNCNEB 2 (No OH-1-2009) au para 87.
111 Décision de la commission d’examen conjoint rendue le (9 avril 2013) à la p 6 (en anglais seulement).
112 Voir le rapport de la commission d’examen conjoint sur le projet Enbridge Northern Gateway, Volume 1 «.Connexions », section 2.2.1.
113 Il est à noter qu’un certain nombre de groupes autochtones et environnementaux ont intenté une poursuite à la cour fédérale d’appel pour contester ou annuler le rapport de la commission d’examen conjoint. Étant donné qu’on n’en est qu’aux premières étapes de ce litige et compte tenu de la participation de l’auteur à titre de conseiller d’un intervenant dans le processus d’examen conjoint, je dois malheureusement m’abstenir de formuler tout commentaire sur ce litige en cours dans le présent article.
114 Une analyse semblable du processus de l’Office (en vertu de l’ancienne version de la loi) a déjà été faite dans l’article de Sanderson et. coll., supra note 20 aux p 848-849, publié dans la revue Alberta Law Review (en anglais seulement).
115 Projet Taiga de la société Osum Oil Sands Corp., raisons de la décision du 17 juillet 2012 de l’ERCB de déposer un avis d’une question de droit constitutionnel.
117 Cold Lake First Nations v Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2012 ABCA 304 au para 6 (en anglais seulement).
118 Entente concernant la constitution d’une commission d’eamen conjoint pour le projet d’epansion de la mine Jackpine, en ligne: Agence canadienne d’évaluation environnementale <http://www.ceaa.gc.ca/050/documents/52084/52084E.pdf> au para 6.1.
120 Projet d’expansion de la mine Jackpine, Décision de la commission d’examen conjoint rendue le 26 octobre 2012.
121 Voir J. Promislow, « Irreconcilable? The Duty to Consult and Administrative Decision Makers », 26 CJALP aux p 251-266 (en anglais seulement).
122 Métis Nation of Alberta Region 1 v Joint Review Panel, 2012 ABCA 352 au para 20 (en anglais seulement).
123 Première Nation des Chipewyans d’Athabasca c Energy Resources Conservation Board, agissant en sa qualité de partie de la commission d’examen conjoint et commission d’examen conjoint, 2013 CanLII 18847.
124 Nigel Bankes, Ablawg, « Bill 2 the Responsible Energy Development Act and the Duty to Consult » (19 novembre 2012), en ligne : <http://ablawg.ca/wp-content/uploads/2012/11/Blog_NB_Bill2_Duty_to_Consult_Nov2012.pdf> (en anglais seulement).
125 Rio Tinto, supra note 2 au para 55.
126 Dans l’arrêt Rio Tinto, la Cour s’est délibérément abstenue de répondre à la question de savoir si une mesure gouvernementale qui peut faire naître l’obligation de consulter s’entend aussi d’une mesure législative au para 44. Donc, la question de savoir si la loi établissant le processus de réglementation peut être contestée de la sorte reste à déterminer.
127 Demande de la Dover Operating Corp. pour un projet d’extraction du bitume dans la région des sables bitumineux d’Athabasca : Dover Operating Corp. Application for a Bitumen Recovery Scheme Athabasca Oil Sand Area 2013 ABAER 014, 6 août 2013. Fort McKay First Nation v Alberta Energy Regulator, 2013 ABCA 355 (en anglais seulement). Il convient de noter que la décision de l’AER doit être soumise à l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil.
128 L’autorisation d’en appeler a été refusée relativement à deux autres questions soulevées par les demandeurs, qui étaient définies comme suit dans leur avis d’appel :
Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit ou de compétence en raison de son interprétation restrictive de sa compétence d’enquête et de sa compétence réparatrice lui permettant d’examiner et de trancher, respectivement, la question des effets cumulatifs sur l’environnement?
Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit ou de compétence en raison de la procédure par laquelle il visait à tirer des conclusions relatives aux effets du projet sur les droits issus de traités de la Première nation de Fort McKay qui sont protégés par la Constitution?
130 La question de l’obligation de consulter peut être encore susceptible de recours en ce qui concerne la décision (qui se fait encore attendre) du lieutenant-gouverneur en conseil, semblable au scénario de l’affaire Brokenhead Ojibway (susmentionnée).