Cette année, le Nova Scotia Utility and Review Board (« UARB ») a rendu une décision dans deux contestations liées à des projets de production d’énergie éolienne réalisés dans le cadre du programme de tarifs de rachat garantis pour les collectivités de la Nouvelle-Écosse (encore appelé programme COMFIT pour Community Feed-In Tariff Program).
Le programme COMFIT a été créé par la Province de la Nouvelle-Écosse (« Province ») en 2010 pour aider cette dernière à atteindre les objectifs dans le domaine de l’énergie renouvelable fixés dans son Plan en matière d’électricité renouvelable1. Selon le Renewable Electricity Regulations2 adopté en vertu de l’Electricity Act de la Nouvelle-Écosse3, les centrales qui respectaient certaines exigences communautaires d’admissibilité pouvaient demander au ministre de l’Énergie (« Ministre ») l’approbation de certains projets dans le domaine de l’énergie renouvelable, y compris les projets de production éolienne4.
Décision dans l’affaire Friends of Harmony
Dans la décision rendue dans l’affaire Re Friends of Harmony, Camden, Greenfield and Surrounding Areas, l’UARB a maintenu l’approbation délivrée par le ministre de l’Énergie pour un projet dans le cadre du programme COMFIT, à la société en commandite Affinity Wind Limited Partnership (« Affinity ») concernant un projet de production d’énergie éolienne de 3,2 MW à Greenfield en Nouvelle-Écosse5.
La norme de contrôle applicable
Le recours intenté contre la décision du Ministre a été déposé devant l’UARB par le groupe Friends of Harmony conformément à la disposition législative d’appel figurant dans le Renewable Electricity Regulations6. L’UARB devait examiner le type d’audition de la preuve ainsi que la norme de contrôle qui devaient s’appliquer à une décision contestée devant un tribunal administratif d’appel (dans le cas qui nous occupe, l’UARB) concernant la décision d’un décideur administratif de première instance (dans le cas qui nous occupe, le Ministre). Bref, il s’agissait de décider si l’audition concernant la décision du Ministre devant l’UARB devait être :
- fondée sur le dossier, s’apparentant à un contrôle judiciaire, la décision du Ministre étant soumise au principe de déférence ainsi qu’à la norme de la décision raisonnable;
- une audience de novo avec des preuves extrinsèques admissibles et la décision du Ministre soumise à la norme de la décision correcte;
- une autre formule, comme une approche hybride (traduction) « en fonction de laquelle l’Office attache une grande importance au dossier présenté devant le Ministre ainsi qu’à la décision du Ministre, à condition qu’il soit complété par des preuves pertinentes et utiles qui peuvent être présentées par les parties »7.
Faisant remarquer que cette question est « un nouveau domaine de jurisprudence »8, l’UARB a conclu que l’« approche hybride » était appropriée9, en s’appuyant sur des décisions rendues par des tribunaux canadiens, où l’approche hybride avait été appuyée10.
L’UARB a tenu compte du fait que selon un certain nombre de facteurs, le principe de déférence devait être appliqué à la décision du Ministre, notamment le fait que la question de l’approbation d’un projet dans le domaine de l’énergie renouvelable relevait (traduction) « carrément du champ d’action dans lequel il devait normalement relever dans le présent mandat ministériel » et que « le Ministre se trouve mieux placé que l’Office pour évaluer la demande »11 .
L’UARB était donc d’avis qu’[traduction] « il fallait accorder une déférence particulière à la décision du Ministre et à la preuve (au dossier)» et que[traduction] « la norme de la décision raisonnable doit s’appliquer »12. Cependant, étant donné que l’UARB jugeait qu’une audience de novo ne convenait pas, il était effectivement d’avis qu’[traduction] « il faudrait peut-être développer la preuve au dossier dans certains cas afin d’élargir le contexte en vue de rendre une décision »13. Il en est donc venu à la conclusion suivante :
[traduction] […] l’Office accordera une grande importance à la preuve au dossier devant le Ministre et à sa décision. Cependant, il permettra que d’autres preuves soient admises le cas échéant en vue d’élargir le contexte dans lequel s’inscrit le contrôle de l’Office14.
L’UARB a également souligné que le fardeau de la preuve revenait à l’appelant, suivant la prépondérance des probabilités, d’établir que le Ministre a eu tort de délivrer l’approbation du projet dans le cadre du programme COMFIT15.
L’obligation d’obtenir l’appui des collectivités
Dans l’affaire Friends of Harmony, les demandeurs ont invoqué comme principal motif le fait que le Ministre n’aurait pas dû approuver le projet parce que le Ministre n’avait pas reçu les preuves établissant que [traduction] « les collectivités avaient donné à l’égard du projet l’appui » requis par le Renewable Electricity Regulations16. L’UARB a examiné la politique d’appui dans les collectivités (Community Support Policy)17 du ministère de l’Énergie (« Ministère »), qui établit un système de notation permettant de déterminer si le projet proposé satisfait aux exigences en matière d’appui dans les collectivités en vertu du règlement.
Bien que les demandeurs contestent la politique d’appui dans les collectivités du Ministère, l’UARB a maintenu que la politique était recevable en vertu du Renewable Electricity Regulations et qu’il était convaincu, sur l’ensemble de la preuve, que le projet [traduction] « dépassait largement » le seuil minimum de notation en vertu de la politique18.
L’UARB a fait remarquer qu’au moment où le Ministre a délivré l’approbation du programme, celui-ci ainsi que le personnel du Ministère était pleinement conscient de l’opposition des demandeurs au projet, certains d’entre eux ayant écrit au Ministre et au personnel du Ministère et les ayant rencontrés19. Voici ce que l’UARB a déclaré :
[traduction] […] rien dans la loi ne stipule que le Ministre doit rejeter la demande en cas d’opposition de la collectivité au projet proposé dans le cadre du programme COMFIT et rien n’indique que l’appui dans les collectivités doit être plus fort que l’opposition de la collectivité pour justifier l’approbation d’un projet par le Ministre. Selon l’Office, le Ministre a adopté une interprétation raisonnable du règlement, de sorte que si le projet proposé reçoit des appuis de la part de la collectivité, c’est suffisant, au sens du règlement, pour que le Ministre puisse approuver ce projet. L’Office conclut qu’il s’agissait d’une interprétation que le règlement pouvait raisonnablement supporter20. »
Les commentaires qui précèdent, formulés par l’Office sont particulièrement pertinents parce que la question de l’« approbation sociale » revient de plus en plus à l’avant-plan quand il s’agit de projets de production d’énergie, proposés dans l’ensemble des provinces de l’Atlantique et ailleurs.
Décision dans l’affaire Friends of River Road
Tout récemment, l’UARB a rendu une décision dans l’affaire Friends of River Road21 (« Friends of River Road »). L’UARB a rejeté le recours déposé par le groupe, qui contestait la décision du Ministre d’accepter que la date de l’entrée en service des installations de production d’énergie éolienne de 7,05 MW de Chebucto Terence Bay Windfield Limited (« Chebucto ») soit repoussée en faisant valoir que le recours était discutable.
À la suite du contrôle du programme COMFIT en août 2015, la Province a annoncé que le programme COMFIT n’accepterait plus de demandes de nouveaux projets22. Cette modification à la politique a été apportée en vertu de la Electricity Plan Implementation (2015) Act23, qui ajoutait des alinéas à l’article 4A de l’ Electricity Act, dont l’un se lit comme suit :
[traduction] (14) Nonobstant les modalités de l’approbation d’un programme de tarifs de rachat garantis pour les collectivités pour une centrale, délivrée par le Ministre en vertu du présent article et du règlement avant et après l’entrée en vigueur du présent paragraphe, l’approbation expire si la centrale n’est pas construite ou si elle n’est pas prête à être raccordée au réseau d’électrification dans le délai suivant :
(a) dans les trois ans à partir de la date à laquelle une approbation du programme de tarifs de rachat garantis pour les collectivités est délivrée pour des installations de production d’énergie éolienne; […]
La décision, par le Ministre, d’approuver le report de l’entrée en service du projet de Chebucto a été rendue le 3 novembre 2015. Entre cette date et celle à laquelle le groupe Friends of River Road ont contesté le projet devant l’UARB le 4 décembre 2015, la Province avait déposé, le 1er décembre 2015, l’Electricity Plan Implementation (2015) Act pour la première lecture24. L’Electricity Plan Implementation (2015) Act a reçu la sanction royale le 18 décembre 2015.
Chebucto faisait valoir que les modalités de l’approbation du projet Chebucto dans le cadre du programme COMFIT stipulant que le projet soit en service à une date donnée, reportée par le Ministre, avaient été remplacées par l’alinéa 4A(14)a) de l’Electricity Act25. Chebucto a fait valoir que la date d’entrée en service pour le projet, fixée par la loi, n’était pas une décision du Ministre qui pouvait faire l’objet d’un recours en vertu du Renewable Electricity Regulations26. Chebucto tout comme la Province ont fait valoir que la décision du Ministre était devenue discutable à la suite de l’adoption des modifications apportées à l’Electricity Act27.
L’UARB s’est demandé si la date à partir de laquelle la période de trois ans débutait au sens de l’alinéa 4A(14)a) de l’Electricity Act devait se calculer à partir de la date de l’approbation initiale du projet Chebucto en mars 2012 ou de la nouvelle date annoncée, soit le 10 juin 2015. L’UARB avait déjà examiné la possibilité de présenter une nouvelle demande et de délivrer à nouveau les approbations du programme COMFIT dans une décision préliminaire dans l’affaire Friends of Harmony28. Dans cette décision préliminaire, l’UARB a établi que l’approbation délivrée de nouveau pour Affinity était en fait une nouvelle approbation qui pouvait faire l’objet d’un recours en vertu du Renewable Electricity Regulations, qui a finalement amené à prendre une décision fondée sur les mérites décrits dans le présent article.
En se fondant sur la décision préliminaire rendue dans l’affaire Friends of Harmony, l’UARB en est venu à la conclusion que, dans l’affaire Friends of River Road, (traduction) « l’approbation initialement donnée en 2012 était remplacée par la nouvelle approbation donnée par le Ministre le 10 juin 2015 », qui n’avait pas été contestée par le groupe Friends of River Road29. L’UARB a donc maintenu que [traduction] « la date d’entrée en service pour le projet Chebucto est le 10 juin 2018 selon la loi » et qu’[traduction] « elle ne dépend plus de la décision du Ministre conformément au règlement »30. L’UARB a tenu compte du fait qu’il (traduction) « n’avait pas la compétence en vertu du règlement pour recevoir un recours sur la date d’entrée en service proclamée par la loi, qui s’applique actuellement » et il en a conclu qu’ [traduction] « il n’y avait pas d’autre question à trancher dans ce recours entre les parties »31.
Il convient de souligner que la contestation présentée par le groupe Friends of River Road était en fait la deuxième opposition au projet Chebucto par ce groupe, ce dernier avait déjà contesté le projet en 2013, concernant la délivrance de l’approbation initiale du projet Chebucto dans le cadre du programme COMFIT en mars 2012, recours que l’UARB avait rejeté en invoquant le fait qu’il avait été déposé en dehors de la période prévue par la loi ».32
Conclusion
Les organismes de règlementation, les promoteurs de projets et leurs avocats doivent être au courant de ces dernières modifications parce que les contestations judiciaires de ce genre, bien qu’elles aient été rejetées, peuvent représenter un lourd fardeau à supporter pour les projets. Comme l’affaire Friends of River Road le démontre, même les projets qui ont été approuvés et qui ont évité la contestation initialement peuvent faire l’objet d’une contestation ultérieurement à l’étape de l’exécution si l’organisme de règlementation concerné prend ce qui peut être considéré conformément à la disposition législative d’appel comme une « décision pouvant faire l’objet d’un recours » par rapport au projet.
La série de jugements qui sont décrits dans le présent article démontre que, nonobstant leur nature communautaire, ces projets de production d’énergie renouvelable peuvent quand même rencontrer de l’opposition et susciter une contestation par certains membres des collectivités où ils sont réalisés. Ces affaires font ressortir l’influence du régime législatif et règlementaire sur la façon dont ces types de projets peuvent se dérouler et à quel moment. Il s’agit, entre autres, d’établir les paramètres du type et du niveau d’appui que ce genre de projet doit obtenir de la part des collectivités (préalablement définies) où ces projets ont lieu, de même que les possibilités qui s’offrent aux personnes qui souhaitent les contester.
Bien que le programme COMFIT en Nouvelle-Écosse ne soit plus ouvert à de nouvelles demandes et que les décisions rendues dans les affaires Friends of Harmony et Friends of River Road soit fondées sur le cadre législatif particulier de la Nouvelle-Écosse, les considérations dans ses affaires, y compris les questions concernant la norme de contrôle et d’appui dans les collectivités, demeureront sans de l’ombre d’un doute des considérations pertinentes lorsque d’autres projets de production d’énergie seront mis en place dans la région de l’Atlantique et ailleurs et qu’ils feront inévitablement face à des contestations judiciaires.
Cette année, le Nova Scotia Utility and Review Board (« UARB ») a rendu une décision dans deux contestations liées à des projets de production d’énergie éolienne réalisés dans le cadre du programme de tarifs de rachat garantis pour les collectivités de la Nouvelle-Écosse (encore appelé programme COMFIT pour Community Feed-In Tariff Program).
Le programme COMFIT a été créé par la Province de la Nouvelle-Écosse (« Province ») en 2010 pour aider cette dernière à atteindre les objectifs dans le domaine de l’énergie renouvelable fixés dans son Plan en matière d’électricité renouvelable1. Selon le Renewable Electricity Regulations2 adopté en vertu de l’Electricity Act de la Nouvelle-Écosse3, les centrales qui respectaient certaines exigences communautaires d’admissibilité pouvaient demander au ministre de l’Énergie (« Ministre ») l’approbation de certains projets dans le domaine de l’énergie renouvelable, y compris les projets de production éolienne4.
Décision dans l’affaire Friends of Harmony
Dans la décision rendue dans l’affaire Re Friends of Harmony, Camden, Greenfield and Surrounding Areas, l’UARB a maintenu l’approbation délivrée par le ministre de l’Énergie pour un projet dans le cadre du programme COMFIT, à la société en commandite Affinity Wind Limited Partnership (« Affinity ») concernant un projet de production d’énergie éolienne de 3,2 MW à Greenfield en Nouvelle-Écosse5.
La norme de contrôle applicable
Le recours intenté contre la décision du Ministre a été déposé devant l’UARB par le groupe Friends of Harmony conformément à la disposition législative d’appel figurant dans le Renewable Electricity Regulations6. L’UARB devait examiner le type d’audition de la preuve ainsi que la norme de contrôle qui devaient s’appliquer à une décision contestée devant un tribunal administratif d’appel (dans le cas qui nous occupe, l’UARB) concernant la décision d’un décideur administratif de première instance (dans le cas qui nous occupe, le Ministre). Bref, il s’agissait de décider si l’audition concernant la décision du Ministre devant l’UARB devait être :
Faisant remarquer que cette question est « un nouveau domaine de jurisprudence »8, l’UARB a conclu que l’« approche hybride » était appropriée9, en s’appuyant sur des décisions rendues par des tribunaux canadiens, où l’approche hybride avait été appuyée10.
L’UARB a tenu compte du fait que selon un certain nombre de facteurs, le principe de déférence devait être appliqué à la décision du Ministre, notamment le fait que la question de l’approbation d’un projet dans le domaine de l’énergie renouvelable relevait (traduction) « carrément du champ d’action dans lequel il devait normalement relever dans le présent mandat ministériel » et que « le Ministre se trouve mieux placé que l’Office pour évaluer la demande »11 .
L’UARB était donc d’avis qu’[traduction] « il fallait accorder une déférence particulière à la décision du Ministre et à la preuve (au dossier)» et que[traduction] « la norme de la décision raisonnable doit s’appliquer »12. Cependant, étant donné que l’UARB jugeait qu’une audience de novo ne convenait pas, il était effectivement d’avis qu’[traduction] « il faudrait peut-être développer la preuve au dossier dans certains cas afin d’élargir le contexte en vue de rendre une décision »13. Il en est donc venu à la conclusion suivante :
L’UARB a également souligné que le fardeau de la preuve revenait à l’appelant, suivant la prépondérance des probabilités, d’établir que le Ministre a eu tort de délivrer l’approbation du projet dans le cadre du programme COMFIT15.
L’obligation d’obtenir l’appui des collectivités
Dans l’affaire Friends of Harmony, les demandeurs ont invoqué comme principal motif le fait que le Ministre n’aurait pas dû approuver le projet parce que le Ministre n’avait pas reçu les preuves établissant que [traduction] « les collectivités avaient donné à l’égard du projet l’appui » requis par le Renewable Electricity Regulations16. L’UARB a examiné la politique d’appui dans les collectivités (Community Support Policy)17 du ministère de l’Énergie (« Ministère »), qui établit un système de notation permettant de déterminer si le projet proposé satisfait aux exigences en matière d’appui dans les collectivités en vertu du règlement.
Bien que les demandeurs contestent la politique d’appui dans les collectivités du Ministère, l’UARB a maintenu que la politique était recevable en vertu du Renewable Electricity Regulations et qu’il était convaincu, sur l’ensemble de la preuve, que le projet [traduction] « dépassait largement » le seuil minimum de notation en vertu de la politique18.
L’UARB a fait remarquer qu’au moment où le Ministre a délivré l’approbation du programme, celui-ci ainsi que le personnel du Ministère était pleinement conscient de l’opposition des demandeurs au projet, certains d’entre eux ayant écrit au Ministre et au personnel du Ministère et les ayant rencontrés19. Voici ce que l’UARB a déclaré :
[traduction] […] rien dans la loi ne stipule que le Ministre doit rejeter la demande en cas d’opposition de la collectivité au projet proposé dans le cadre du programme COMFIT et rien n’indique que l’appui dans les collectivités doit être plus fort que l’opposition de la collectivité pour justifier l’approbation d’un projet par le Ministre. Selon l’Office, le Ministre a adopté une interprétation raisonnable du règlement, de sorte que si le projet proposé reçoit des appuis de la part de la collectivité, c’est suffisant, au sens du règlement, pour que le Ministre puisse approuver ce projet. L’Office conclut qu’il s’agissait d’une interprétation que le règlement pouvait raisonnablement supporter20. »
Les commentaires qui précèdent, formulés par l’Office sont particulièrement pertinents parce que la question de l’« approbation sociale » revient de plus en plus à l’avant-plan quand il s’agit de projets de production d’énergie, proposés dans l’ensemble des provinces de l’Atlantique et ailleurs.
Décision dans l’affaire Friends of River Road
Tout récemment, l’UARB a rendu une décision dans l’affaire Friends of River Road21 (« Friends of River Road »). L’UARB a rejeté le recours déposé par le groupe, qui contestait la décision du Ministre d’accepter que la date de l’entrée en service des installations de production d’énergie éolienne de 7,05 MW de Chebucto Terence Bay Windfield Limited (« Chebucto ») soit repoussée en faisant valoir que le recours était discutable.
À la suite du contrôle du programme COMFIT en août 2015, la Province a annoncé que le programme COMFIT n’accepterait plus de demandes de nouveaux projets22. Cette modification à la politique a été apportée en vertu de la Electricity Plan Implementation (2015) Act23, qui ajoutait des alinéas à l’article 4A de l’ Electricity Act, dont l’un se lit comme suit :
(a) dans les trois ans à partir de la date à laquelle une approbation du programme de tarifs de rachat garantis pour les collectivités est délivrée pour des installations de production d’énergie éolienne; […]
La décision, par le Ministre, d’approuver le report de l’entrée en service du projet de Chebucto a été rendue le 3 novembre 2015. Entre cette date et celle à laquelle le groupe Friends of River Road ont contesté le projet devant l’UARB le 4 décembre 2015, la Province avait déposé, le 1er décembre 2015, l’Electricity Plan Implementation (2015) Act pour la première lecture24. L’Electricity Plan Implementation (2015) Act a reçu la sanction royale le 18 décembre 2015.
Chebucto faisait valoir que les modalités de l’approbation du projet Chebucto dans le cadre du programme COMFIT stipulant que le projet soit en service à une date donnée, reportée par le Ministre, avaient été remplacées par l’alinéa 4A(14)a) de l’Electricity Act25. Chebucto a fait valoir que la date d’entrée en service pour le projet, fixée par la loi, n’était pas une décision du Ministre qui pouvait faire l’objet d’un recours en vertu du Renewable Electricity Regulations26. Chebucto tout comme la Province ont fait valoir que la décision du Ministre était devenue discutable à la suite de l’adoption des modifications apportées à l’Electricity Act27.
L’UARB s’est demandé si la date à partir de laquelle la période de trois ans débutait au sens de l’alinéa 4A(14)a) de l’Electricity Act devait se calculer à partir de la date de l’approbation initiale du projet Chebucto en mars 2012 ou de la nouvelle date annoncée, soit le 10 juin 2015. L’UARB avait déjà examiné la possibilité de présenter une nouvelle demande et de délivrer à nouveau les approbations du programme COMFIT dans une décision préliminaire dans l’affaire Friends of Harmony28. Dans cette décision préliminaire, l’UARB a établi que l’approbation délivrée de nouveau pour Affinity était en fait une nouvelle approbation qui pouvait faire l’objet d’un recours en vertu du Renewable Electricity Regulations, qui a finalement amené à prendre une décision fondée sur les mérites décrits dans le présent article.
En se fondant sur la décision préliminaire rendue dans l’affaire Friends of Harmony, l’UARB en est venu à la conclusion que, dans l’affaire Friends of River Road, (traduction) « l’approbation initialement donnée en 2012 était remplacée par la nouvelle approbation donnée par le Ministre le 10 juin 2015 », qui n’avait pas été contestée par le groupe Friends of River Road29. L’UARB a donc maintenu que [traduction] « la date d’entrée en service pour le projet Chebucto est le 10 juin 2018 selon la loi » et qu’[traduction] « elle ne dépend plus de la décision du Ministre conformément au règlement »30. L’UARB a tenu compte du fait qu’il (traduction) « n’avait pas la compétence en vertu du règlement pour recevoir un recours sur la date d’entrée en service proclamée par la loi, qui s’applique actuellement » et il en a conclu qu’ [traduction] « il n’y avait pas d’autre question à trancher dans ce recours entre les parties »31.
Il convient de souligner que la contestation présentée par le groupe Friends of River Road était en fait la deuxième opposition au projet Chebucto par ce groupe, ce dernier avait déjà contesté le projet en 2013, concernant la délivrance de l’approbation initiale du projet Chebucto dans le cadre du programme COMFIT en mars 2012, recours que l’UARB avait rejeté en invoquant le fait qu’il avait été déposé en dehors de la période prévue par la loi ».32
Conclusion
Les organismes de règlementation, les promoteurs de projets et leurs avocats doivent être au courant de ces dernières modifications parce que les contestations judiciaires de ce genre, bien qu’elles aient été rejetées, peuvent représenter un lourd fardeau à supporter pour les projets. Comme l’affaire Friends of River Road le démontre, même les projets qui ont été approuvés et qui ont évité la contestation initialement peuvent faire l’objet d’une contestation ultérieurement à l’étape de l’exécution si l’organisme de règlementation concerné prend ce qui peut être considéré conformément à la disposition législative d’appel comme une « décision pouvant faire l’objet d’un recours » par rapport au projet.
La série de jugements qui sont décrits dans le présent article démontre que, nonobstant leur nature communautaire, ces projets de production d’énergie renouvelable peuvent quand même rencontrer de l’opposition et susciter une contestation par certains membres des collectivités où ils sont réalisés. Ces affaires font ressortir l’influence du régime législatif et règlementaire sur la façon dont ces types de projets peuvent se dérouler et à quel moment. Il s’agit, entre autres, d’établir les paramètres du type et du niveau d’appui que ce genre de projet doit obtenir de la part des collectivités (préalablement définies) où ces projets ont lieu, de même que les possibilités qui s’offrent aux personnes qui souhaitent les contester.
Bien que le programme COMFIT en Nouvelle-Écosse ne soit plus ouvert à de nouvelles demandes et que les décisions rendues dans les affaires Friends of Harmony et Friends of River Road soit fondées sur le cadre législatif particulier de la Nouvelle-Écosse, les considérations dans ses affaires, y compris les questions concernant la norme de contrôle et d’appui dans les collectivités, demeureront sans de l’ombre d’un doute des considérations pertinentes lorsque d’autres projets de production d’énergie seront mis en place dans la région de l’Atlantique et ailleurs et qu’ils feront inévitablement face à des contestations judiciaires.
*McInnes Cooper était le cabinet représentant les producteurs d’électricité indépendants dans les deux décisions dont il est question dans le présent article.
**Sara Mahaney est avocate adjointe chez McInnes Cooper situé à Halifax, Nouvelle-Écosse. Mme Mahaney conseille ses clients sur les aspects règlementaires de l’industrie de l’énergie et des ressources naturelles, incluant l’énergie renouvelable. Elle co-enseigne également le cours de droit de l’énergie à la Schulich School of Law de l’Université Dalhousie.