Les organismes de règlementation de l’énergie et les dépassements de coûts : La décision Maritime Link de la Nouvelle-Écosse

Il va sans dire que le développement de l’infrastructure énergétique au Canada est difficile. Récemment, TransCanada a jeté l’éponge concernant le projet Énergie Est après des années de délai et d’opposition. La goutte qui a fait déborder le vase a été la décision de l’Office national de l’énergie de prendre en considération le coût des émissions de carbone pour déterminer si le projet pouvait aller de l’avant. Un tout nouveau critère qui en était trop pour TransCanada.

La décision TransCanada du 5 octobre est tombée quelques jours seulement après la décision de la Cour d’appel fédérale d’ordonner que le gouvernement fédéral réexamine des éléments de son approbation de l’oléoduc Trans Mountain. Ce projet a également été confronté à des années de délai.

Il se trouve que les défis en matière de règlementation ne sont pas terminés une fois le permis de construction octroyé. Des deux côtés du pays, les grands projets énergétiques font maintenant aux prises avec d’importants délais et dépassements de coûts.

Du côté de l’Atlantique, la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse (la Commission) est aux prises avec des problèmes à la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls et leurs implications pour la ligne de transport d’électricité Maritime Link. Du côté du Pacifique, la British Columbia Utilities Commission est aux prises avec le barrage Site C que construit BC Hydro. Le présent commentaire de cas porte sur la décision de la Nouvelle-Écosse, l’enquête en Colombie‑Britannique étant toujours devant la Commission.

Le 11 septembre 2017, la Commission a rendu sa dernière décision dans Maritime Link1. Une demande pour approuver une évaluation intérimaire des coûts commençant le 1er janvier a été prise en considération. La Commission a d’abord approuvé le projet Maritime Link en 20132. Plus tard en 2016 la Commission a approuvé le recouvrement de certains coûts dans les taux de 2018 et de 20193.

Toutefois, la dernière demande de Maritime Link fait face à un nouveau défi. Il y a d’importants dépassements de coûts et retards à la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls à Terre-Neuve4.

Les consommateurs de la Nouvelle-Écosse n’étaient pas responsables de ces dépassements de coûts5 mais le retard dans la construction de la centrale signifie que la ligne de transport d’électricité de Maritime Link n’entrera pas en service avant deux autres années, ce qui soulève une question quant à savoir si les immobilisations de Maritime Link seront « utilisées et utiles » le 1er janvier 2018 lorsque les nouveaux coûts entreront dans les taux.

Les parties

À titre indicatif, il importe de décrire les parties et les contrats entre eux. Le projet Maritime Link concerne le transport d’électricité du projet hydroélectrique de Muskrat Falls au Labrador vers la Nouvelle-Écosse en passant par les marchés du Nouveau-Brunswick et du Nord-Est des États-Unis. Le projet Maritime Link est construit par NSP Maritime Link Inc. (NSPML), une filiale d’Emera Inc. Le projet Muskrat Falls est réalisé par Nalcor, une société d’État de Terre-Neuve-et-Labrador.

Muskrat Falls

Muskrat Falls a une capacité de production de 824 MW. Il s’agit de la première phase du projet du cours inférieur de Churchill au Labrador, lequel, une fois terminé, aura une capacité de 3000 MW capable de fournir 16,7 TWh d’électricité par année.

Le projet de Muskrat Falls comprend aussi le lien du Labrador à l’île, qui transportera de l’électricité du Labrador à Terre-Neuve, et le projet ML de Terre-Neuve à la Nouvelle-Écosse. Lorsque ces deux liens seront en place, Terre-Neuve sera raccordée au réseau interconnecté de l’Amérique du Nord en passant par l’interconnexion Nouvelle-Écosse-Nouveau-Brunswick et les interconnexions du Nouveau-Brunswick avec les États-Unis.

Maritime Link

Le lien physique de Maritime Link couvre 360 km, ce qui comprend 170 km dans le détroit de Cabot se raccordant avec les lignes de transport existantes aux postes électriques de Bottom Brook à Terre-Neuve et de Woodbine en Nouvelle-Écosse.

La Commission devait approuver le projet Maritime Link si elle était convaincue que le projet serait l’option la moins coûteuse pour les contribuables de la Nouvelle-Écosse et qu’il respectait ses obligations en vertu de la loi spécifiée. Comme il a été indiqué, cette approbation a été accordée par la Commission en 2013.

Les contrats

En vertu de l’entente contractuelle, NSPML payera 20 % du coût pour le projet Muskrat Falls et recevra en contrepartie 20 % de la production de Muskrat Falls pour 35 ans. L’entente commerciale entre NSPML et Nalcor a été décrite comme le principe 20-20.

Au cours des premières années en service de Maritime Link, NSPML recevra un bloc supplémentaire d’électricité. Le bloc supplémentaire et le 20 % de la production de Muskrat Falls pour NSPML sont définis ensemble comme le bloc NS (de la Nouvelle-Écosse) à fournir à Nova Scotia Power Inc. (NSPI) pour la distribution à ses clients. Les coûts de NSPML pour le projet Maritime Link seront recouvrés auprès des consommateurs de la Nouvelle-Écosse dans les taux facturés par NSPI.

Les installations de Maritime Link devraient avoir une durée de vie utile de 50 ans. NSPML serait propriétaire des installations au cours de la première période de 35 ans, après quoi la propriété sera transférée à Nalcor. Pour compenser cet écart de 15 ans pour la première étape de l’exploitation de Maritime Link, Nalcor fournirait à NSPML 240 GW supplémentaires par année, désignés sous le nom d’énergie d’appoint.

Les délais à Muskrat Falls

Au moment de la demande de 2013, on présumait que le bloc d’énergie NS, y compris l’énergie d’appoint de même que l’énergie au prix du marché de Nalcor, commencerait à s’écouler du Maritime Link à l’automne 2017. C’est en fonction de cette représentation que la Commission a déterminé que le projet Maritime Link serait l’option à long terme la moins coûteuse pour les contribuables de la Nouvelle-Écosse.

Dans la dernière demande, NSPML souhaite commencer à recouvrer tous ses coûts au moyen d’une évaluation intérimaire comme si le projet Maritime Link était pleinement opérationnel comme prévu.

Le problème avec cette prétention est le nouveau délai repoussant l’achèvement de la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls à 2020. Initialement, la construction de la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls devait se faire en même temps que le projet Maritime Link.

La vraie question devant la Commission concernant la dernière demande est que compte tenu du délai à Muskrat Falls et du délai conséquent dans les opérations du projet Maritime Link, les immobilisations de Maritime Link pourraient ne pas être « utilisées et utiles » tel qu’il avait été prévu initialement. En d’autres mots, devrait-il y avoir une réduction dans l’évaluation intérimaire par suite du délai dans la distribution d’électricité et/ou la Commission devrait-elle approuver différents coûts liés au projet Maritime Link? Ou devrait-il y avoir une réduction dans les coûts intérimaires initialement approuvés et les contribuables de la Nouvelle-Écosse devraient-ils recevoir un remboursement?

La Commission a établi les questions suivantes pour cette instance :

  • Est-ce que le projet Maritime Link distribuera de l’énergie aux contribuables de la Nouvelle-Écosse comme prévu initialement? Si la réponse est non, le projet Maritime Link est-il utilisé et utile?
  • Devrait-il y avoir une réduction dans l’évaluation intérimaire par suite du délai dans la distribution du bloc NS?
  • La Commission devrait-elle approuver le report de certains coûts liés au projet Maritime Link?
  • Quelle évaluation intérimaire la Commission devrait-elle établir pour NSPI concernant les montants demandés par NSPML pour 2018 et 2019?
  • La Commission devrait-elle approuver les modifications aux conventions comptables demandées par NSPML?
  • Quand l’audience pour l’évaluation finale devrait-elle avoir lieu, et quelle devrait être la portée de cette audience?

La décision

L’argument juridique s’est tourné vers le principe d’utilisation et d’utilité et le principe de prudence. Ceux qui maintenaient qu’il ne devrait pas y avoir de réduction dans l’évaluation intérimaire ont fait valoir que l’investissement était prudent au moment où il a été fait et qu’aucune réduction ne s’imposait. Les groupes de consommateurs ont soutenu que le délai de deux ans signifiait que le projet Maritime Link n’était pas utilisé et utile.

La Commission, dans ses conclusions à la page 23 de la décision, a souligné que dans l’établissement traditionnel de règles, le recouvrement de coûts n’est disponible que lorsqu’il réunit deux conditions. D’abord, les coûts doivent être engagés de façon prudente, et deuxièmement, les immobilisations investies doivent être utilisées et utiles.

Aucun des intervenants n’a laissé entendre que la décision d’investissement était imprudente. Il n’était pas non plus imprudent de poursuivre la construction du projet Maritime Link à la lumière du délai annoncé dans l’achèvement de la centrale hydroélectrique de Muskrat Falls. La Commission a convenu que le coût pour stopper la construction du projet Maritime Link dépasserait clairement les avantages.

Toutefois, la question d’« utilisation » et d’« utilité » était plus compliquée. Le demandeur soutenait que l’investissement était prudent et que les immobilisations étaient donc « utilisées et utiles ». Les intervenants n’étaient pas du même avis. La Commission a examiné la jurisprudence avec soin et a conclu avoir une « discrétion considérable » pour trancher la question, déclarant ce qui suit :

[67] Kaiser et Heggie6, supra, à la p 202, déclare qu’une « latitude considérable » avait été accordée aux commissions et autres autorités règlementaires dans la détermination à savoir si des immobilisations étaient utilisées et utiles pour ce qui est de la capacité d’un service public à recouvrer ses coûts pour la construction d’immobilisations. À titre d’exemple, on renvoie au jugement de la Cour d’appel de l’Alberta dans Alberta Power Limited v. Alberta Public Utilities Board, 1990 ABCA 33 (CanLII), autorisation d’en appeler rejetée (1990), 110 A.R. 399 (note), 110 A.R. 400 (note) (S.C.C.) Dans Alberta Power, cette commission a considéré si certaines immobilisations de transport d’électricité étaient « utilisées et utiles » et si elles pouvaient être incluses dans l’assiette tarifaire, en application de la méthode d’assiette tarifaire établie à l’art. 82 de la Public Utilities Board Act, R.S.A. 1980, c. P-37, lequel prévoit : 82(1) Dans l’établissement de tarifs justes et raisonnables, de droits, de frais ou de barèmes de prix liés à ceux-ci, à être imposés, observés et suivis par la suite par un propriétaire de service public, la Commission doit déterminer une assiette tarifaire pour la propriété du propriétaire d’un service public utilisée ou requise en vue d’offrir le service au public en Alberta, et dans sa détermination d’une assiette tarifaire, elle doit fixer un rendement équitable de l’assiette tarifaire.

[68] La Commission des services publics de l’Alberta a rejeté l’inclusion de certaines immobilisations dans l’assiette tarifaire parce qu’elle a déterminé que les immobilisations n’étaient pas requises, y compris une ligne de raccordement entre la Saskatchewan et l’Alberta. La Commission a conclu que la ligne de raccordement n’était pas utilisée pour fournir une puissance de réserve supplémentaire à la Saskatchewan, appliquant le critère « utilisé et utile » :

[45] L’expression « utilisé ou devant être utilisé » est bien connue dans le domaine de la réglementation des services publics.

[46] Une bonne partie de l’argument dont nous sommes consistait à savoir si cette expression était conjonctive ou disjonctive. Qui plus est, il s’orientait vers la proposition voulant qu’une immobilisation soit en fait « utilisée ».

[47] La jurisprudence et le bon sens indiquent que des immobilisations qui ne sont pas nécessairement utilisées, comme du matériel d’appoint, pourraient être incluses dans une assiette tarifaire, et l’expression est souvent utilisée de façon disjonctive pour reconnaître cette situation. D’un autre côté, la simple utilisation ne suffit pas pour encombrer les consommateurs du coût. Clairement, le consommateur ne doit pas assumer la totalité des coûts d’une immobilisation qui est utilisée si, par exemple, elle constitue une dépense imprudente. Les immobilisations utilisées inutilement ne sont pas, du simple fait qu’elles sont utilisées, incluses dans l’assiette tarifaire. Sans trop insister sur l’interprétation, nous concluons que même si un objet est utilisé, il doit aussi être requis. S’il n’est pas réellement utilisé, il doit néanmoins être requis. L’expression peut être interprétée tant de façon disjonctive que conjonctive. Notre point de vue est soutenu par la jurisprudence américaine ainsi que par une considération de l’objet de la réglementation des tarifs de services publics.

[48] De nombreuses décisions aux États-Unis portent sur cette terminologie et une expression similaire « utilisé et utile ».

[49] L’expression « utilisé et utile » a permis d’importer une mesure de flexibilité pour déterminer quand des immobilisations peuvent être incluses dans l’assiette tarifaire. L’expression « Utilisé et utile » peut être interprétée à la fois de façon conjonctive et disjonctive : « Used and Useful: Autopsy of a Ratemaking Policy », (1987), 8 Energy Law Journal 303.

[50] L’objet de ces types de dispositions est de reconnaître le besoin des exploitants de services publics d’acquérir des biens avant qu’ils n’en aient réellement besoin, tout en reconnaissant que les contribuables ne doivent verser en retour qu’une somme pour ce bien pour lequel ils ont une garantie raisonnable de recevoir des services : Central Maine Power Company v. The Public Utilities Commission et al. (1981) 433 Atl. R. (2e) 331 (Cour suprême du Maine).

[51] Une fois l’interprétation déterminée, la question de savoir si un article particulier doit être incorporé dans l’assiette tarifaire est essentiellement une question à laisser au jugement de la Commission qui ne concerne pas une question de territoire de compétence ou de droit : B.C. Hydro and Power Authority v. The West Coast Transmission Co. Ltd, et al. (1981), 36 N.R. 33 à 56. [Caractères gras dans l’original, c’est nous qui soulignons] [Alberta Power, para 45 à 51]

[69] En ce qui concerne la question précise de la ligne de raccordement entre l’Alberta et la Saskatchewan dans ce cas, la Cour d’appel a soutenu ce qui suit :

[53] Il s’agit d’une ligne qui approvisionne la Saskatchewan Power Corporation (S.P.C.) en électricité produite en Alberta. Elle relie le réseau interconnecté de l’Alberta (A.I.S.) aux installations de la S.P.C. La S.P.C. doit payer les coûts de transport de cette ligne jusqu’à la fin de 1994. La ligne peut être utilisée pour générer des recettes pour le réseau de l’Alberta dans son ensemble, afin d’offrir un raccordement interprovincial de rechange à celui avec BC Hydro et d’assurer une certaine flexibilité.

[54] Alberta Power Limited soutient que cela entre dans le concept à l’art. 82 parce que le raccordement offre des avantages et qu’il est utilisé ou qu’il doit être utilisé pour obtenir ces avantages.

[55] La Commission n’a pas erré en décidant que le bien n’était pas utilisé ou qu’il ne devait pas nécessairement être utilisé pour offrir les services au public en Alberta. Il pourrait y avoir des avantages pour le public en Alberta mais cela, en soi, ne justifie pas l’inclusion du bien dans l’assiette tarifaire en ce moment.

 [56] Il s’agit d’un exemple classique du besoin pour l’organisme de réglementation d’équilibrer les intérêts entre les investisseurs dans les services publics et les consommateurs. Par conséquent, aucune question de droit n’est soulevée à ce point-ci.

[Alberta Power, paras. 53-56]

[70] Une autre décision évoquée par Kaiser and Heggie, supra, est British Columbia Hydro & Power Authority v. Westcoast Transmission Co. (1981), 36 N.R. 33 (Fed. C.A.); leave to appeal refused (1981), 37 N.R. 540n (S.C.C.). Dans ce cas, BC Hydro, un client de Westcoast Transmission, s’opposait aux droits devant l’Office national de l’énergie (ONE), en partie parce qu’il soutenait que certains biens qui étaient inclus dans l’assiette tarifaire n’étaient pas « utilisés et utiles ». Une fois de plus, les auteurs soulignent que la cour a accordé une « discrétion considérable » à l’ONE. Pour confirmer la décision de l’ONE, la cour a déclaré ce qui suit :

La question à savoir quels articles devraient être inclus dans l’assiette tarifaire devrait être laissée au jugement de la commission. Pour en arriver à ce jugement, la commission sans aucun doute apte à utiliser à titre de guide, si bon lui semble, le critère de l’utilisation ou de l’utilité actuelle des articles devant être inclus dans l’offre des services publics. Mais il n’y a pas de règle de droit exigeant qu’un tel critère soit utilisé ou suivi ou que ce soit le seul principe pouvant être appliqué. Il n’en va pas non plus de soi que l’utilisation d’autres principes dans la détermination d’une assiette tarifaire résultera en des droits qui ne sont pas justes et raisonnables. Par conséquent, il n’y a, selon moi, aucune raison de croire que ces objections soulèvent des questions de droit sur lesquelles la cour devrait intervenir ou sur lesquelles il conviendrait qu’elle intervienne [Traduction].

En fin de compte, la Commission a conclu que les immobilisations étaient utilisées et utiles, du moins en partie. Toutefois, la Commission a indiqué que cela ne mettait pas fin à la question. Il restait une question à savoir si les tarifs étaient « justes et raisonnables ». Une partie des coûts intérimaires se trouvait déjà dans les tarifs par suite de la décision de 2016.

Finalement, la Commission a apporté différentes modifications, dont certaines ont été proposées par le demandeur. La Commission, dans sa décision finale, a statué ce qui suit :

La Commission approuve l’évaluation intérimaire, sous réserve d’un report ou d’un remboursement aux clients des coûts de dépréciation et d’amortissement différés;

NSPI doit retenir 10 millions de dollars en 2018 et en 2019, sous réserve d’une preuve à la satisfaction de la Commission qu’un minimum de 10 millions de dollars par année en bénéfices pour le projet Maritime Link soit réalisé pour les contribuables de NSPI;

La Commission n’est pas prête à approuver l’évaluation finale tant qu’elle ne sera pas convaincue que les contribuables obtiendront le bloc NS, l’énergie d’appoint et l’énergie au prix du marché Nalcor [Traduction].

Réductions dans l’évaluation intérimaire

La Commission, dans ce cas, en est arrivée à la conclusion que compte tenu de l’absence de toute constatation d’imprudence, il n’était pas approprié de réduire arbitrairement l’évaluation intérimaire.

Toutefois, la Commission a effectivement abordé deux questions l’occupant. La première consistait à savoir si les retards privaient les contribuables de la Nouvelle-Écosse des bénéfices qui avaient été promis. Le demandeur avait pris la position selon quoi les délais n’imposaient aucun fardeau aux contribuables. La Commission a rejeté cette représentation et a conclu au paragraphe 121 qu’une estimation conservatrice suggère qu’il y a eu à tout le moins un bénéfice annuel de 10 millions de dollars pour les contribuables de NSPI. Par conséquent, la Commission a élaboré le mécanisme de retenu énoncé au paragraphe 121 :

[121] Une estimation conservatrice du bénéfice du projet Maritime Link fondé sur l’ensemble de la preuve, sans aucune comptabilisation pour les reports, consiste en un bénéfice annuel minimum de 10 millions de dollars pour les contribuables de NSPI. Les bénéfices à tirer de l’utilisation du projet Maritime Link sont ceux décrits au paragraphe 114 ci-dessus. Afin de stimuler la réalisation de ces bénéfices estimés de façon conservatrice et de prendre en considération, de façon modeste, les risques décrits au paragraphe 336 de la décision de 2013 de la Commission concernant le projet Maritime Link, NSPI est enjoint de retenir 10 millions de dollars dans l’évaluation pour chacune des années 2018 et 2019. À la fin de chaque année, NSPML et NSPI sont enjoints de fournir une preuve à la satisfaction de la Commission qu’un minimum de 10 millions de dollars par année en bénéfices a été réalisé. Si le 10 millions de dollars en bénéfices est réalisé, la Commission enjoindra NSPI de ne payer, comme l’exigera la Commission, que la portion du 10 millions de dollars qui a été réalisée et le solde sera remboursé aux contribuables dans le cadre du MAF. NSPI et NSPML ont suggéré que les bénéfices pourraient grandement dépasser les 10 millions de dollars. Bien sûr, NSPML et NSPI sont tenus de réaliser tout bénéfice dépassant 10 millions de dollars par année s’il est réalisé de façon prudente dans les intérêts des contribuables [Traduction].

L’autre modification concernait la charge d’amortissement et comprenait des concessions par le demandeur.

La demande originale comprenait des charges d’amortissement dans le montant d’évaluation intérimaire de 51 millions de dollars pour chacune des années 2018 et 2019. La Commission avait une préoccupation concernant l’équité intergénérationnelle en raison du délai de deux ans étant donné qu’il y aurait un délai dans les bénéfices pour certaines classes de contribuables.

En réponse, NSPML a accepté de reporter une charge d’amortissement de 51 millions de dollars pour chacune des années 2018 et 2019 et de reporter environ 1,5 million de dollars en charges d’amortissement différées à chacune de ces deux années.

Par conséquent, NSPML a accepté de reporter la collecte de la charge d’amortissement de Maritime Link à 2020 lorsque la distribution du bloc NS devait commencer. NSPML a réduit son évaluation intérimaire proposée de Maritime Link de 52,5 millions de dollars pour chacune des années 2018 et 2019, résultant en un montant d’évaluation révisé de 109,5 millions de dollars pour 2018 et de 111,5 millions de dollars pour 2019. NSPI a proposé de remettre ces collectes différées incluant les intérêts aux contribuables. Le crédit sur facture proposé retournerait les montants de dépréciation et d’amortissement de 2018 et 2019 du Maritime Link recueillis auprès de NSPI aux contribuables par l’intermédiaire du RPR.

Conclusion

Il s’agit d’un cas difficile pour lequel il a fallu trouver un juste équilibre des intérêts entre toutes les parties. Le plan de retenue élaboré par la Commission s’est avéré une approche intéressante et novatrice qui a permis de répondre aux préoccupations soulevées sans préjuger le résultat. Il s’agissait en fait d’un cas où les délais ne résultaient pas d’actions de NSPML et du projet Maritime Link.

Le report de l’amortissement s’explique par le fait que le terme de 35 ans de propriété pour NSPML ne commençait qu’une fois la distribution du bloc NS entamée. Le délai n’a aucune incidence sur le terme. Les Néo-Écossais obtiennent le bloc NS pour les 35 ans prévus au contrat, mais les 35 ans commenceront plus tard.

C’est une chance que le coût pour les contribuables était limité au coût du délai et ne sous-entendait pas d’assumer une partie quelconque du coût des dépassements de coûts subis à Muskrat Falls. Ces coûts, comme il a été indiqué plus haut, ont été limités dans les contrats originaux.

*Gordon E. Kaiser, arbitre et conseiller en règlement des différends, Jams Resolution Center, Toronto et Washington DC. Il est un ancien vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario et professeur auxiliaire à l’Osgoode Hall Law School, le co-président du Forum canadien sur le droit en matière d’énergie et le rédacteur en chef de la présente publication (Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie).

  1.   In the Matter of an Application by NSP Maritime Link Incorporated for Approval of an Interim Cost Assessment (11 septembre 2017), 2017 NSUARB 149.
  2.   In the Matter of the Maritime Link Act and in the Matter of an Application by NSP Maritime Link Incorporated for Approval of the Maritime Link Project (22 juillet 2013), 2013 NSUARB 154.
  3.   In the Matter of a Hearing into Nova Scotia Power Incorporated’s 2017-2019 Fuel Stability Plan and Base Cost of Fuel Reset under the Fuel Adjustment Mechanism (“FAM”) as Required under the Electricity Plan Implementation (2015) Act (19 juillet 2016), 2016 NSUARB 129. Les montants incluant la dépréciation étaient de 162 millions de dollars pour 2018 et de 164 millions de dollars pour 2019.
  4.    Les dépassements de coûts subis par Nalcor sur le cours inférieur de Churchill en date de juin 2016 avaient augmenté, passant de 7,4 milliards de dollars à 11,4 milliards de dollars. Supra note 1 à la p 12, para 31.
  5.   Les dépassements de coûts de Nalcor n’ont pas eu d’incidence sur les contribuables de la Nouvelle-Écosse parce que l’entente limitait l’exposition de NSPML à 1,5554 milliard de dollars. Supra note 1 à la p 13, para 33.
  6.   Gordon Kaiser & Bob Heggie, Energy Law and Policy, Toronto, Carswell, 2011, à la p 202.

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