Décision de l’Alberta sur l’aliénation des actifs de services publics

I Introduction

Le 13 novembre 2013, l’Alberta (Utilities Commission (AUC)) a rendu sa décision sur l’Aliénation d’actifs de service public (Utility Asset Disposition (UAD)) à la suite d’une procédure générale visant à établir les principes à adopter lors de l’aliénation d’actifs de service public en Alberta, notamment pour le risque associé aux droits d’actifs délaissés, à la suite du jugement de la Cour suprême du Canada de 2006 dans le dossier ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), le dossier Stores Block de Calgary1.

Avant la décision relative au cas Stores Block, le régulateur de l’Alberta avait abordé la question d’affecter tout gain de la vente d’un actif de services publics en dehors du cadre normal des affaires, à savoir les aliénations pour lesquelles il faut son approbation, selon la loi, en fonction de deux hypothèses :

si l’aliénation proposée causait un dommage aux clients du service public, le gain pourrait être utilisé, en tout ou en partie, comme crédit sur les tarifs ou, autrement, distribué aux clients afin d’atténuer le dommage;

si l’aliénation ne causait aucun dommage aux clients, tous les gains de la vente par rapport au coût initial de l’actif seraient partagés selon une formule de base entre les clients et les actionnaires du service public.

La décision dans le dossier Stores Block a donné lieu à des changements. Dans sa décision de 4 contre 3 de rejeter l’appel de la Cour d’appel de l’Alberta, la Cour suprême a abordé la question de la compétence en matière de tarification de l’Alberta Energy and Utilities Board (AEUB)2. La Cour a déterminé que lorsque l’aliénation d’un actif de service public de l’Alberta d’ATCO Gas en dehors du cours normal des activités ne cause pas de dommage aux clients, le régulateur n’a aucune compétence, explicite ou accessoire, relativement à l’affectation d’une portion des profits de la vente aux clients. L’essence de ce jugement repose sur la conclusion principale, c’est-à-dire que les clients d’un service public réglementé n’ont aucun intérêt de propriété sur l’actif qui sera aliéné et qui a servi à leur offrir le service public.

Depuis la décision Stores Block, le régulateur de l’Alberta et la Cour d’appel de l’Alberta ont réfléchi à plusieurs questions soulevées relativement à ce dossier, qui ont fait l’objet de fréquents commentaires variés3. Entre autres, certains concernaient l’inclusion continue des actifs dans l’échelle de tarification du service public; qu’est-ce qui est jugé une aliénation pour laquelle il faut obtenir une approbation réglementaire; la question qui se pose est de savoir si les aliénations d’actifs dans le cadre normal des affaires sont différentes et le traitement des coûts d’un actif lorsqu’il ne fait plus partie d’un service.

En cours de route, la Cour d’appel de l’Alberta a déterminé, du moins pour les services publics de gaz, qu’il n’y avait pas d’échelle de tarification « dédiée » en ce qui a trait à l’exigence relative selon laquelle les actifs servent ou doivent servir pour un service public (Carbon4); qu’un actif qui n’est plus requis pour un service public soit retiré de l’échelle de tarification (Harvest Hills5); qu’il faut qu’une vente ou qu’un transfert d’intérêt ait lieu pour le service public afin qu’une approbation réglementaire pour la vente soit accordée (Harvest Hills) et que c’est au régulateur qu’incombe la responsabilité de déterminer les actifs qui servent ou doivent servir dans un service public et ainsi, être inclus dans l’échelle de tarification (Salt Caverns #16).

Au cours de la même période, l’Alberta Utilities Commission (AUC ou Commission), dans le cadre de l’exercice de son autorité sur les tarifs de service public, a conclu qu’il ne serait pas raisonnable qu’un service public transfère tout coût d’un actif ne servant pas ou ne devant pas servir pour offrir un service public de gaz7.

C’est dans ce contexte que la Commission a abordé la question des aliénations d’actifs de service public.

II Jugement sur l’UAD8

Principes

L’AUC a amorcé la procédure sur l’UAD en avril 2008, avant la plupart des décisions mentionnées précédemment sur l’hypothèse selon laquelle, dans le cadre de Stores Block « [Traduction], il faut reconsidérer certains aspects des méthodes réglementaires classiques en ce qui a trait à l’acquisition et à l’aliénation d’actifs de service public et pour l’établissement de tarifs justes et raisonnables ».

Selon l’opinion de la Commission, cela faisait en sorte de garantir que toutes les parties intéressées participeraient à une seule procédure pour discuter de leurs interprétations du dossier Stores Block et de présenter leurs opinions par rapport à ses répercussions sur la réglementation de l’Alberta, et pour assister l’AUC dans l’élaboration d’une méthode uniforme et fondée sur des principes pour son application.

La procédure a été suspendue en novembre 2008, étant donné que certaines questions relatives à Stores Block ont alors été présentées devant la Cour d’appel de l’Alberta. L’une de ces questions ayant trouvé réponse dans les dossiers Harvest Hills et Salt Caverns #1, la procédure générale de l’UAD s’est poursuivie.

Avant la reprise de la procédure, l’AUC a rendu sa décision sur le rendement des capitaux propres génériques approuvé pour les services publics de 20119. La Commission a rejeté la suggestion que les contribuables du service public étaient à risque relativement à la transmission de droits de service public délaissés. En fonction de la décision Stores Block, la Commission a jugé que tout actif délaissé n’étant pas requis pour fournir un service ne doit pas être conservé dans l’échelle de tarification, et que ce service risque d’engendrer d’autres coûts relativement à ces actifs.

Dans la décision de l’UAD, l’AUC a d’abord sondé les dossiers Stores Block et de nombreux autres jugements de l’Alberta ou d’autres cours afin d’en tirer un nombre de principes qui, selon elle, ont été établis par ces décisions. Il faut noter que Stores Block et les autres décisions de l’Alberta soutenant les principes de l’AUC concernaient le modèle réglementaire en vertu de la Gas Utilities Act (GUA) (loi sur les services publics de gaz) de l’Alberta.

En résumé, l’AUC a déterminé les principes pertinents suivants :

L’autorité de la Commission est dérivée de ses lois habilitantes et elle est limitée par son mandat ou sa fonction d’établissement de tarifs.

La vente d’un bien de service public de gaz en dehors du cadre normal des affaires est régie par le test « no harm », assurant qu’il n’y aura aucun dommage.

Les actifs de service public sont la propriété du service; les actionnaires sont ceux qui prennent les risques et ont ainsi droit au produit net de leur vente.

Des conditions peuvent être imposées s’il y a un lien étroit et immédiat entre la vente et le besoin de remplacer le bien.

L’expression « servant ou devant servir » de la GUA se traduit par l’utilisation opérationnelle et fait référence aux actifs actuellement et raisonnablement utilisés et qui seront probablement utilisés à l’avenir pour fournir les services publics. L’utilisation passée ne garantit pas l’inclusion continue dans l’échelle de tarification.

L’AUC n’a pas l’autorité d’inclure les actifs dans l’échelle de tarification ne servant pas ou ne devant pas servir, et les revenus générés ne justifient pas de le faire.

L’AUC a la responsabilité de déterminer la tarification et les actifs qui en font partie ou qui sont un investissement pertinent pour lequel un retour peut être gagné.

Les services publics de gaz peuvent retirer un actif de leur échelle de tarification s’il ne sert pas ou ne doit pas servir, et respectent la décision de l’AUC ne permettant pas de récupérer les répercussions financières d’un tel retrait s’il était fait de manière imprudente.

Les actifs de ces services n’ayant aucune fin opérationnelle et qui ne servent pas ou ne doivent pas servir pour fournir un service public, peu importe l’utilisation historique, doivent être retirés de l’échelle de tarification et ne pas être reflétés dans les tarifs des clients, avant la date de l’avis relatif au service public à l’AUC ou de la détermination de cette dernière que tel bien n’est pas requis.

Conclusions

En gardant ces principes en tête, la Commission a alors abordé différentes questions qui ont été soulevées aux fins de discussion durant la procédure de l’UAD.

(i) Application de Stores Block

Les services publics10 ont argumenté que Stores Block n’abordait pas l’aliénation d’actifs dans le cadre normal des affaires, ou la mise hors service, et les systèmes de comptabilité uniformes de la Commission pour tous les services publics traitaient de telles aliénations, pas plus qu’elles ne traitaient de ces éléments : à la vente ou à la mise hors service d’un actif dans le cadre normal des affaires, les contribuables ont des droits sur le gain ou la perte de la portion amortissable du capital investi, et les actionnaires, à la portion non amortissable.

L’AUC a conclu que la propriété ainsi que les principes de propriété de l’actif de service public établis dans Stores Block s’appliquaient à tous les actifs de service public, qu’ils soient aliénés à l’intérieur ou à l’extérieur du cadre normal des affaires. Cela n’a rien de surprenant, comme l’a noté l’AUC : les clients ne peuvent raisonnablement avoir aucun intérêt dans certains biens selon le caractère de leur aliénation. Comme  l’a mentionné la Commission, toute autre conclusion voudrait dire, ou au moins supposerait, que les clients ont acquis une certaine forme d’intérêt dans un actif de service public, contrairement au dossier Stores Block.

La Commission a également conclu que de tels principes s’appliquent également aux aliénations d’actifs par les services publics d’électricité de l’Alberta.

(ii) Inclusion des biens dans l’échelle de tarification

L’AUC a conclu que différentes décisions ayant établi que les actifs de service public devraient être inclus dans l’échelle de tarification uniquement s’ils continuent de servir ou de devoir servir pour le service public. La Commission a par contre argumenté que les services publics d’électricité ne sont pas régis par ce régime, car l’Electric Utilities Act (EUA) exige qu’un service doit avoir l’occasion de récupérer les frais engagés de manière prudente et d’en tirer un retour sur le capital investi raisonnable, peu importe si un actif respecte le critère de « servir ou doit servir ». La Commission a rejeté cet argument, concluant qu’il entre en conflit avec les principes de droit de propriété établis dans Stores Block. 

Comme c’est le cas ici, la Commission n’avait pas de difficulté à ce que les décisions dont on fait référence ainsi que leurs justifications s’appliqueraient également aux services publics d’électricité, et que ces derniers ne devaient pas inclure dans leur tarification les coûts des actifs ne servant plus ou ne devant plus servir pour offrir un service public.

La prochaine question abordée consiste à savoir si la Commission pouvait traiter les gains ou les pertes sur des actifs de manière différente, selon les circonstances qui font en sorte qu’ils cessent d’offrir le service public.

(iii) Amortissement

L’AUC a répété que le but de l’amortissement consiste à retourner au service public les coûts des actifs utilisés pour fournir le service public sur la période de temps qu’il est utilisé, et que la méthodologie actuelle de l’Alberta comprend une disposition pour la récupération des coûts des actifs d’un service public désuet ou mis hors service et des biens dont on dispose dans le cadre normal des affaires. Cette conclusion prend racine sur l’hypothèse selon laquelle la fonction de tarification de l’AUC s’étend à l’établissement des méthodes d’amortissement concernant un investissement de service public prudent.

Les seules préoccupations consistaient alors à savoir si cette méthode était conforme à la décision Stores Block et aux dossiers subséquents, et à savoir si l’autorité d’établissement de la tarification de l’AUC allait aussi loin que d’inclure une disposition qui faisait en sorte de facturer ou de rembourser les ajustements de l’amortissement résultant de la récupération des surplus ou des pertes de l’amortissement de l’année précédente.

En ce qui a trait à la première question, la Commission a répondu par l’affirmative, mais elle a également trouvé que la méthodologie d’amortissement utilisée par la majorité des services publics de l’Alberta suivait les principes de la décision Stores Block. Ainsi, l’AUC a noté que l’effet de cette méthode consiste à retirer l’amortissement de l’échelle de tarification ainsi que les actifs amortissables des tarifs de clients ne servant plus ou ne devant plus servir pour offrir le service public.

En ce qui concerne la deuxième question, l’AUC est venue à la conclusion que le fait de faire payer les différences de la réserve d’amortissement par les clients est conforme aux principes du risque pour les actionnaires et l’élimination de biens d’un service, car cela se traduit par les clients qui paient « un juste prix » et que les services publics récupèrent « un juste prix » pour les coûts des actifs utilisés pour fournir un service public sur la durée de période de ce service.

(iv) Coûts d’actifs échoués

La Commission s’est ensuite tournée sur la question importante touchant la récupération des coûts associés aux actifs échoués ainsi que le capital investi pour ces biens ne servant plus ou ne devant plus servir pour fournir un service public de gaz ou d’électricité.

Dans le cas de la mise hors service ordinaire d’un actif à la fin de sa durée de vie utile, c’est-à-dire un résultat raisonnablement envisageable relativement aux dispositions d’amortissement et de dépréciation, il est retiré de la tarification étant donné que son coût aura été récupéré par les clients durant cette période, ou selon son ajustement après les faits.

Dans le cas d’une mise hors service extraordinaire et de l’enlèvement du bien dans la tarification avant qu’il ne soit totalement amorti, pour des raisons qui ne pouvaient pas raisonnablement être anticipées ou prévues par rapport aux dispositions d’amortissement et de dépréciation applicables utilisées pour établir les tarifs (comme une propriété en surplus, surdéveloppée, abandonnée ou désuète), la récupération du surplus ou de la perte de l’investissement en capital pour ce genre de mise hors service est réservée au service public et à ses actionnaires. En d’autres mots, les mises hors service extraordinaires doivent être traitées de la même manière que les actifs aliénés par les services publics en dehors du cadre normal des affaires.

(v) But opérationnel

La Commission a sollicité des commentaires des parties pour savoir comment elle peut obtenir une assurance périodique que les actifs servent ou doivent service du point de vue opérationnel, c’est-à-dire qu’ils seront raisonnablement utilisés ou probablement utilisés ultérieurement pour fournir le service public.

Étant donné la conclusion de la Cour d’appel de l’Alberta dans la décision Carbon selon laquelle l’expression « servant ou devant servir » sous-entend une utilisation du point de vue opérationnel, et la directive est claire dans la décision Salt Caverns #1 que les investissements de service public pertinents seront déterminés par la Commission, l’AUC a ordonné à chaque service d’examiner son échelle de tarification et de confirmer dans le prochain calcul de tarification ce qui suit :

(a) Tous les actifs utilisés dans l’échelle de tarification continuent de respecter l’exigence d’utilisation opérationnelle, c’est-à-dire qu’ils servent ou doivent servir pour fournir le service public;

(b) Aucun bien amortissable n’est inclus; ces biens doivent être traités comme des réformes extraordinaires et doivent être retirés, car il s’agit d’une propriété qui est désuète, doit être abandonnée, est surdéveloppée et en surplus par rapport aux besoins futurs, est utilisée à des fins autres que celles du service public ou doit être retirée en raison d’un problème inhabituel, d’une obsolescence totale ou imprévue ou d’une mise hors service totale ou inattendue d’un actif entier, dont les coûts sont alors la responsabilité du service public et de ses actionnaires.

III DÉVELOPPEMENT SUIVANT LA DÉCISION DE L’UAD

Demandes d’interjeter appel

Les services publics ont bougé rapidement pour contester le jugement de l’UAD en interjetant appel devant la Cour d’appel de l’Alberta sur plusieurs points de loi ou de compétence11. AltaGas and ATCO Gas, ainsi que les services d’électricité AltaLink, ATCO Electric, ENMAX, EPCOR et FortisAlberta, contestent différents aspects de la décision de l’UAD12. Les demandes ont été entendues le 17 avril 2014 et, comme au moment de la rédaction, sont toujours sous réserve.

Parmi les moyens d’appel détaillés présentés par les services publics, ces dernières ont argumenté que la Commission a erré dans sa décision de l’UAD pour les raisons suivantes :

La common law et le droit reconnu par la loi d’un service pour récupérer ses frais engagés prudemment, y compris au moins le retour sur le capital investi, relativement à l’obligation de servir, ne sont pas touchés par la décision Stores Block.

L’EUA a spécialement révoqué le paradigme de l’échelle de tarification et de la norme de « servir ou devant servir » pour les services publics d’électricité en faveur du principe de récupération des frais engagés prudemment, peu importe si les biens continuent de servir ou de devoir servir. L’application de cette norme aux services publics d’électricité ne respecte pas l’EUA.

Stores Block concernait uniquement l’affectation des profits de la vente à la suite de l’aliénation d’actifs de service public de gaz en dehors du cadre normal des affaires, le jugement ne tenant aucunement compte du régime de l’EUA, et n’ayant aucun lien avec la récupération des frais engagés prudemment par un service public.

Les propriétaires de centrale de transmission d’électricité de l’Alberta sont obligés, en vertu de l’EUA, de construire des usines en respectant les directives ISO de la province (une fois l’approbation réglementaire obtenue), peu importe leur portée. Les propriétaires de centrale de distribution d’électricité de l’Alberta sont obligés, en vertu de l’EUA, de brancher et de servir les clients. Les tarifs de ces deux types de propriétaires qui ne comprennent pas la récupération des frais engagés prudemment sont ainsi ni justes ni raisonnables. Des tarifs justes et raisonnables pour les services publics de gaz doivent comprendre la récupération de leurs frais engagés prudemment.

La reconnaissance de l’AUC en 2011 de la décision GCOC concluant que l’exigence de retirer des biens de l’échelle de tarification pourrait poser un risque additionnel pour les services publics a été prise sans fournir aux services publics une occasion de présenter la preuve de leur retour juste à la suite de cette obligation. Ainsi, la décision et la justesse de l’UAD ont obligé la réouverture du dossier de cette procédure afin de donner une occasion juste aux services publics de s’assurer que le retour juste pour ces années reflète ce risque additionnel.

Les services publics de l’Alberta ne pouvaient être régis par une loi qui assure une occasion raisonnable de récupérer des frais engagés prudemment, tout en étant exposés à ce que cette occasion soit déraisonnablement restreinte par leur régulateur.

Salt Caverns #2

Peu après la publication de la décision de l’UAD et avant que les demandes d’appels ne soient entendues, la Cour d’appel de l’Alberta, dans une décision qui traitait encore des biens de Salt Cavern d’ATCO Gas, a essentiellement confirmé certains aspects importants concernés par l’AUC et la décision de l’UAD.

La Cour a confirmé à nouveau que des actifs ne servant pas ou ne devant pas servir à l’exploitation d’un service public ne devraient pas être inclus dans l’échelle de tarification, et que la décision finale de cette question fait exactement partie du mandat de l’AUC. En outre, la Cour a conclu que si les clients d’un service ne pouvaient participer au partage des bénéfices des ventes de biens, il n’y a aucune raison de les protéger en s’assurant que seuls les actifs pertinents sont inclus dans l’échelle de tarification. Citation tirée de la décision majoritaire de la Cour :

« [Traduction] étant donné que les autorités ont établi que les contribuables ne participent pas au partage de toute vente d’actifs, il est convenu que de conserver la propriété dans le calcul de l’échelle de tarification, une fois qu’elle n’est plus utilisée, se fait au détriment du contribuable. Les récents principes établis dans les décisions Stores Block et Carbon indiquent clairement que les contribuables n’ont pas l’occasion d’obtenir leur part lorsque la valeur des terres augmente, alors il est important de protéger le contribuable en s’assurant que seuls les actifs pertinents demeurent inclus dans l’échelle de tarification. En jugeant de l’aspect raisonnable, il est important de ne pas oublier qu’étant donné que les contribuables n’obtiennent pas leur part des profits de la vente de biens de service public, leur protection, pour qu’ils soient traités justement, repose dans l’exclusion des biens qui ne servent pas à l’exploitation d’un service dans l’échelle de tarification ».

Étant donné que la Cour d’appel semble s’être entendue sur certains principes clés relatifs à l’aliénation d’actifs par les services publics en Alberta, et les conséquences de la même décision, fondée initialement mais pas totalement sur la décision Stores Block, il peut arriver que certains arguments soulevés dans les demandes d’appel dans le dossier de l’UAD n’obtiennent pas la faveur de la Cour.

Cela dit, au moins les préoccupations et les questions suivantes semblent demeurer :

Quel est le niveau de solidité du principe de récupération de frais prudents et éclipse-t-il le régime législatif des services publics en Alberta, au moins en ce qui a trait à l’interprétation de l’AUC?

Les régimes législatifs des services publics de gaz et d’électricité diffèrent selon certains aspects matériels. Est-ce vrai qu’il y a une différence suffisante pour garantir une forme différente d’accord réglementaire pour chacun? Cela devrait-il être le cas et à quoi ressembleraient-ils?

IV Conclusion

La décision de l’UAD est récente, mais, contrairement au dernier chapitre de l’évolution de la surveillance réglementaire en ce qui concerne le traitement des actifs de service public en Alberta, elle inclut leur aliénation selon différentes circonstances. Cette évolution, commençant avec Stores Block, s’étend bien au-delà du point étroit de compétence décidé dans ce dossier relativement au régulateur de l’Alberta qui affecte les profits de la vente de l’aliénation d’un service public de gaz en dehors du cadre normal des aaffaires.

Sans surprise, la décision de l’UAD confirme et adopte un grand nombre des conclusions et des principes juridiques de la Cour d’appel de l’Alberta pris en considération. Par contre, au-delà de ces décisions, la détermination de la Commission stipulant que les services publics et leurs actionnaires sont à risque des conséquences en matière de coûts des enlèvements extraordinaires, qui ne sont pas reflétés ou autrement anticipés dans les dispositions d’amortissement sur lesquelles les tarifs des clients sont établis, est une question importante.

Si jamais la demande d’appel des services publics au sujet de ses contestations de la décision de l’UAD, n’est pas acceptée, alors un changement important en matière de régulation des services publics de l’Alberta devra avoir lieu, ce que certains commentateurs ont particulièrement défendu13. L’AUC ne prendra plus en considération le traitement des actifs de service public uniquement au moment de leur aliénation; elle fera plutôt un examen continu de ces actifs, selon ce qui est prescrit dans la décision de l’UAD et de la réglementation en matière de tarification de service dans le cadre normal des affaires.

Mais si jamais l’appel est entendu, alors, il nous faudra à nouveau nous tourner vers la Cour d’appel de l’Alberta, peut-être même la Cour suprême du Canada, pour connaître la prochaine étape de cette évolution continue. 

Mise à jour

Il semblerait que la situation continue d’évoluer. Le 20 août, le juge Bruce McDonald de la Cour d’appel de l’Alberta a accordé l’autorisation d’interjeter appel quant à la décision UAD présentée par les services publics de l’Alberta.

Le juge McDonald a d’abord reconnu que les demandes avaient été déposées par deux « catégories » de demandeurs : les services de gaz et les services d’électricité. À cet égard, il était « moins convaincu » par les arguments et les demandes des services de gaz et a confessé avoir quelques « réserves » à leur sujet.

Néanmoins, puisque le critère relatif à l’autorisation d’appel a été satisfait, à savoir si la question de droit ou de compétence soulève un motif important défendable, le juge McDonald a autorisé les services d’électricité et de gaz d’interjeter appel quant aux questions suivantes :

Services publics d’électricité 

« L’AUC (Alberta Utilities Commission) a-t-elle commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence dans son interprétation de la EUA en soutenant que les actionnaires des services publics d’électricité assument les risques selon lesquels les services d’électricité ne pourraient pas recouvrer les coûts d’actifs prudemment engagés qui ne sont plus utilisés ou qui ne doivent plus être utilisés par les services d’électricité? »

Ici, les différences apparentes entre les dispositions pertinentes des lois sur les services d’électricité et du gaz (GUA et EUA) en vigueur étaient suffisamment convaincantes pour décider d’accueillir une demande d’autorisation.

Services publics de gaz

« L’AUC (Alberta Utilities Commission) a-t-elle commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence en concluant qu’elle doit refuser aux services de gaz l’occasion de recouvrer leurs coûts prudemment engagés dans la prestation de services publics autorisés lorsque ces actifs sont retirés des services publics selon les circonstances décrites au paragraphe 327 de la décision UAD? »14

Ayant pris acte de l’acceptation par les services de gaz qu’il existe des différences entre la GUA et l’EUA, le juge McDonald a soutenu qu’il était au moins fortement discutable que la question du recouvrement des coûts engagés prudemment justifiait un examen en séance plénière.

Services publics d’électricité et de gaz 

« L’AUC (Alberta Utilities Commission) a-t-elle commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence  dans le cadre de l’instance relative au GCOC et/ou celle de l’UAD en refusant aux services publics de l’Alberta ou autres l’occasion de fournir des éléments probants et des observations sur les répercussions de l’imposition par l’AUC d’un nouveau risque lié au recouvrement des coûts engagés prudemment sur leur rendement équitable pour les années 2011 et 2012, à la lumière de l’augmentation des risques? »14

Compte tenu de la complexité de cette question, il est intéressant de noter que la Cour, tout au moins pour ce qui est de l’appel, semble avoir accepté le fait que dans la décision UAD, l’AUC a créé un « nouveau risque lié au recouvrement des coûts engagés prudemment ». Pour ce qui est des détails, il convient peut-être de noter que l’appel concernant cette décision a été accordé malgré les arguments de l’UCA selon lesquels il n’existait aucun manquement à l’équité dans la procédure de la part d’AUC ou que la décision relative au GCOC imposait un nouveau risque sur ces derniers.

Que le risque lié au recouvrement prudent des coûts découle de la décision relative au GCOC ou de la décision relative à la disposition UAD, il semblerait pour le moment du moins que ce risque existe bien et qu’il constitue une question qui pourrait en fait faire partie de la réglementation des taux des services publics de l’Alberta.

* Jim Smellie est un associé principal chez Gowling Lafleur Henderson LLP, au bureau de Calgary, où il pratique principalement dans le domaine de la réglementation de l’énergie. Les points de vue exprimés dans ce commentaire sont les siens, et ne reflètent pas nécessairement ceux de sa firme ou de ses clients.

  1. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 RCS 140 [Stores Block].
  2. L’Alberta Utilities Commission est l’organisme de réglementation actuel, le successeur de l’AEUB.
  3. Par exemple, voir l’analyse du cas Stores Block et de ses répercussions, réalisée par la professeure Alice Woolley dans l’Alberta Law Review, 2006 Volume 44, No 2.
  4. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Energy and Utilities Board), 2008 ABCA 200 (autorisation d’interjeter appel auprès de la CSC refusée).
  5. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Energy and Utilities Board), 2009 ABCA 171 (autorisation d’interjeter appel auprès de la CSC refusée).
  6. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Energy and Utilities Board), 2009 ABCA 246 (autorisation d’interjeter appel auprès de la CSC refusée).
  7. Albert Utilities Commission, ATCO Gas 2011-2012 General Rate Application Phase I, Decision 2011-450, (5 décembre), aux para 319-320, en ligne : AUC <http://www.auc.ab.ca/applications/decisions/Decisions/2011/2011-450.pdf >.
  8. Alberta Utilities Commission, Utility Asset Disposition Decision 2013-417, (26 novembre 2013), en ligne : AUC <http://www.auc.ab.ca/applications/decisions/Decisions/2013/2013-417.pdf>.
  9. Alberta Utilities Commission, 2011Generic Cost of Capital, Decision 2011-474 (8 décembre 2011), en ligne : AUC <http://www.auc.ab.ca/applications/decisions/Decisions/2011/2011-474.pdf>.
  10. AltaGas Utilities Inc., AltaLink Management Ltd., ATCO Utilities, ENMAX Power Corporation, EPCOR Distribution & Transmission Inc., FortisAlberta Inc.
  11. En vertu du paragraphe 29(1) de l’Alberta Utilities Commission Act, SA 2007, c A37.2
  12. La Ville de Calgary et l’Utilities Consumer Advocate se sont opposés aux demandes d’appel.
  13. Voir le commentaire de la professeure Alice Woolley sur Harvest Hills, A Rock and a Hard Place (19 mai 2009), en ligne : ABlawg.ca <http://ablawg.ca/2009/05/19/a-rock-and-a-hard-place/>.
  14. Au paragraphe 327 de la décision UAD, l’AUC a exposé les circonstances dans lesquelles les actifs doivent être retirés du service public comme réformes exceptionnels.

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