Faire en sorte que les entreprises canadiennes puissent fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, est un bien public essentiel fourni par le secteur de l’électricité du pays. Cependant, comme dans d’autres secteurs, les services publics d’électricité doivent innover pour répondre aux exigences de l’ère moderne.
Plus précisément et maintenant plus que jamais, les considérations environnementales sont prises en compte dans les attentes des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à l’égard des services publics d’électricité. Le secteur a répondu à ces préoccupations, grâce à une forte croissance soutenue et une production non polluante de plus de 80 %. Cependant, il doit également faire face à un certain nombre de forces perturbatrices. La baisse de la consommation finale moyenne, la prolifération des ressources énergétiques distribuées et l’intensification de la concurrence sont autant de défis pour le secteur de l’électricité.
Pour s’adapter à ces défis, de nombreux organismes de réglementation assument des responsabilités et des rôles législatifs mais les outils disponibles pour faire face aux changements et aux perturbations varient considérablement d’une administration à l’autre. En résumé, nous avons le sentiment que le cadre réglementaire dans lequel les entreprises d’électricité évoluent a été lent à promouvoir le niveau d’innovation nécessaire pour relever les défis actuels et émergents.
En effet, il existe des procédures d’essai réglementaires qui cherchent à équilibrer ces intérêts concurrents (c.-à-d. les cadres d’analyse avantages-coûts), qui existent aujourd’hui dans l’industrie et qui pourraient servir de modèle. Cependant, ce sont les détails qui posent problème lorsqu’il s’agit de définir les avantages et les coûts qui sont inclus lorsque des impératifs intergouvernementaux existent.
Il est également vrai que les régulateurs sont eux-mêmes confrontés à des pressions contrastées. Par exemple, je n’ai pas encore rencontré d’organisme de réglementation qui ne reconnaît pas le bien public qui pourrait découler de l’innovation dans les services publics ou encore, un organisme de réglementation qui ne se rende pas compte que nous devons ajuster les modèles et les pratiques réglementaires afin que les services publics puissent relever les défis de l’heure. Toutefois, les organismes de réglementation se disent également confrontés à des pressions visant à faire en sorte que les coûts pour les consommateurs des services publics demeurent aussi bas que possible. Étant donné cette dimension politique, les régulateurs ont également tendance à ne pas approuver ou encourager l’innovation ou les idées qui sortent des sentiers battus; ils se trouvent plutôt à diriger les services publics de façon à remplacer ceci par cela, comme par le passé et au moindre coût possible. Ainsi, de nombreux intervenants du secteur ont le sentiment qu’il faut adopter une vision holistique à plus long terme qui tienne compte de l’incidence du statu quo sur les coûts pour les consommateurs.
Compte tenu de ces discussions, en 2017, l’Association canadienne de l’électricité a chargé Navigant Consulting (Navigant) d’entreprendre des recherches dans le but d’amorcer une discussion avec les organismes de réglementation sur la façon dont ils peuvent utiliser certains outils réglementaires pour promouvoir l’innovation et la modernisation des services publics. Navigant a identifié onze leviers et actions identifiés à la Figure 1 ci-dessous que les régulateurs doivent prendre en compte lorsqu’ils cherchent à faire face aux perturbations technologiques auxquelles notre secteur est confronté. Navigant les a divisés en deux grandes catégories : les réformes des processus et les réformes du cadre. Une troisième catégorie, la « concurrence », a également été identifiée.
Figure 1 : Leviers et mesures réglementaires1
Navigant a ensuite évalué la validité réglementaire des options de la trousse d’outils dans chacun des treize territoires et provinces du Canada, en vertu du cadre législatif actuel (voir la figure 2). L’admissibilité des organismes de réglementation pour chacun des treize leviers de réglementation varie considérablement d’un bout à l’autre du Canada, allant de la Saskatchewan et du Nunavut avec une admissibilité minimale, au Québec, en Alberta et en Nouvelle-Écosse avec une admissibilité considérable. L’admissibilité est représentée graphiquement à l’aide de cercles ombrés, où l’étendue de l’ombrage représente l’étendue du pouvoir discrétionnaire de l’organisme de réglementation en vertu de la loi actuelle.
Figure 2 : Admissibilité des leviers réglementaires2
Il ressort clairement de la recherche de Navigant que ce sont les organismes de réglementation qui disposent de la plus grande marge de souplesse dans leurs actions et leurs leviers pour ce qui est de la catégorie des processus, suivie du cadre et de la concurrence. En outre, la plupart des organismes de réglementation semblent également disposer d’une grande marge de souplesse dans la conception des tarifs et de la structure tarifaire en ce qui concerne l’introduction et la modification des politiques. Bref, la législation actuelle de la plupart des provinces et des territoires offre une certaine souplesse pour permettre aux organismes de réglementation de s’adapter aux perturbations du secteur de l’énergie. Étant donné les différences entre les circonstances propres à chaque administration, les options d’adaptation et d’évolution devraient être évaluées de façon plus approfondie à l’avenir.
En publiant cette recherche, le secteur de l’électricité vise à amorcer une conversation sur la façon dont les services publics d’électricité peuvent être incités à mettre de l’avant les investissements et les activités non traditionnels nécessaires pour s’adapter aux pressions décrites ci-dessus. Il s’agira aussi de déterminer comment les organismes de réglementation peuvent utiliser l’ensemble de leurs outils de réglementation pour permettre au secteur de l’électricité de relever les défis du moment.
Comme on pouvait s’y attendre, les recherches de Navigant n’ont pas permis de découvrir une « solution miracle » uniformément accessible aux organismes de réglementation de tout le pays pour permettre l’innovation et la modernisation des services publics. Toutefois, le rapport montre que la plupart des provinces et des territoires disposent de certains outils, qui varient d’une administration à l’autre et que les organismes de réglementation peuvent utiliser à cette fin.
L’ACÉ espère que ces travaux contribueront à faire avancer le débat sur la façon dont les organismes de réglementation peuvent utiliser pleinement ces outils pour favoriser l’innovation et la modernisation que tant d’intervenants du secteur de l’énergie reconnaissent comme étant dans le meilleur intérêt des Canadiens.
En entamant cette conversation, nous espérons trouver une solution et assurer l’avenir énergétique du Canada.
* Francis Bradley est chef de l’exploitation de l’Association canadienne de l’électricité.
- L’Association canadienne de l’électricité (ACÉ), « Existe-t-il une certaine souplesse pour adapter le paysage actuel de la réglementation des services publics au Canada? De la nécessité d’entamer une conversation » (2018), en ligne : <https://electricity.ca/wp-content/uploads/2018/10/Navigant-Flexibility-to-Adapt-Regulation.pdf>, aux pp i-ii.
- Ibid aux pp ii-iii.