Le nouvel ALENA et les organismes de réglementation de l’énergie au Canada

Le 1er juillet 2020, on signait le nouvel Accord de libre-échange nord-américain[1] et l’ALENA prenait fin. Après 24 ans, l’ALENA a été remplacé par un nouvel accord appelé l’Accord Canada-États-Unis-Mexique[2]. Le principal impact en ce qui concerne le secteur de l’énergie a été l’élimination de la fameuse disposition de règlement des différends du chapitre 11. Le chapitre 11 de l’ALENA donnait aux investisseurs privés le droit de déposer des plaintes directement et unilatéralement dans le pays d’accueil. C’était unique à l’époque où le monde de l’arbitrage était dominé par les procédures d’État à État. Le chapitre 11 stipule ce qui suit :

  1. le pays d’accueil doit réserver à l’investisseur étranger et à ses investissements « un traitement non moins favorable que le traitement le plus favorable accordé […] dans des circonstances analogues, aux investisseurs […] de la Partie sur le territoire de laquelle est situé l’État ou la province[3] » ou « aux investisseurs de toute autre Partie ou d’un pays tiers[4] »;
  2. le pays d’accueil doit accorder aux investissements le meilleur des traitements accordés à ses propres investisseurs ou aux investisseurs de tout autre pays[5];
  3. le pays d’accueil doit assurer aux investissements un « traitement juste et équitable ainsi qu’une protection et une sécurité intégrales[6] »;
  4. il est interdit à l’hôte d’imposer certaines exigences de performance faussant les échanges, telles que l’exigence d’un niveau donné de contenu national[7];
  5. Le pays d’accueil ne doit pas, directement ou indirectement, nationaliser ou exproprier un investissement par des mesures équivalant à une nationalisation ou à une expropriation, sauf exception exigeant une compensation à la juste valeur marchande[8].

Les procédures d’État à État se poursuivent dans le cadre du nouvel accord[9]. Cependant, la possibilité pour les entreprises privées de porter plainte a disparu au profit de dispositions transitoires. Les investisseurs lésés avant le 1er juillet 2020 ont trois ans pour intenter une action[10].

Le chapitre 11 a eu un impact majeur sur le secteur de l’énergie au Canada. Pour mettre les choses en perspective, il y a eu 40 décisions de l’ALENA à ce jour. Parmi celles-ci, 17 étaient contre le Canada, 11 contre les États-Unis et 12 contre le Mexique. Le Canada a perdu neuf affaires. Le Mexique en a perdu cinq, tandis que les États-Unis n’en ont perdu aucune.

Quatre des 17 procédures engagées contre le Canada concernent le secteur de l’énergie[11] — et trois autres sont actuellement devant les tribunaux[12]. L’objectif de l’ALENA était de promouvoir les investissements étrangers. Le secteur énergétique canadien en a certainement été un bénéficiaire majeur. L’exploration pétrolière et gazière canadienne ainsi que les pipelines sont dominés par les investissements américains.

L’accord initial de l’ALENA a été négocié sur une période de cinq ans. Un accord de principe a été signé par le président Reagan et le premier ministre Mulroney lors du Sommet de Shamrock à Québec en 1985. Il a été appelé le Sommet de Shamrock parce que les deux Irlandais ont offert à leurs invités une belle interprétation de la chanson « When Irish Eyes are Smiling ». Vingt-quatre ans plus tard, lorsque le premier ministre Trudeau et le Président Trump ont signé le nouvel accord à Buenos Aires, personne ne chantait.

Une chose sur laquelle les Canadiens et les Américains étaient d’accord était la suppression du chapitre 11. Le Canada estimait avoir perdu trop d’arbitrages dans le cadre de l’ALENA. Mais les deux pays n’aimaient pas que les investisseurs étrangers puissent utiliser l’ALENA pour passer outre à la législation nationale que les deux gouvernements jugeaient dans l’intérêt du public. En octobre 2017, pas moins de 230 professeurs de droit et d’économie ont demandé au président Trump de retirer de l’ALENA la disposition relative au règlement des différends du chapitre 11.[13] Cette lettre faisait référence à la dissidence du juge en chef John Roberts dans l’affaire BG Group, PLC contre la République d’Argentine[14] prétendant que les juges-arbitres de l’ALENA détenaient des pouvoirs préoccupants pour réviser les lois et « annuler de fait les lois de son corps législatif et judiciaire » [traduction]. Les arbitres de l’ALENA, a déclaré le juge en chef, « peuvent se réunir littéralement n’importe où dans le monde et statuer sur les actes souverains de notre pays » [traduction]. La lettre d’octobre 2017 est présentée à l’annexe A. Il s’agit d’une analyse intéressante.

Nulle part ce conflit n’a été plus clair que dans le secteur canadien de l’énergie, où les décisions des organismes canadiens de réglementation de l’énergie et les lois promulguées par les gouvernements provinciaux sont constamment contestées par les investisseurs américains.

Dans l’affaire Mobil Investments Canada Inc. (Mobil) et Murphy Oil Corporation (Murphy), deux entreprises américaines ont remis en question une décision de l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers[15]. Ces deux sociétés se sont présentées devant les tribunaux canadiens[16]. Lorsque cela a échoué, ils ont déposé une plainte auprès de l’ALENA, où ils ont eu gain de cause. Dans les affaires Mesa Power Group LLC et Windstream Energy LLC, des investisseurs américains ont contesté l’administration par le gouvernement de l’Ontario de son programme de tarifs de rachat garantis qui était utilisé pour promouvoir les énergies renouvelables[17]. Cela a donné lieu à la plus importante sentence arbitrale de l’ALENA contre le Canada. Dans l’affaire Mercer International Inc. une société américaine a déposé une plainte de 250 M$ (CAD) contre le Canada en vertu de l’ALENA, sur la base des actions de la British Columbia Utilities Commission et de BC Hydro, une entreprise gouvernementale de services publics desservant toute la province[18]. Là encore, les investisseurs se sont d’abord adressés à la Commission. Face à leur échec, ils se sont tournés vers l’ALENA et ont obtenu gain de cause.

Dans l’affaire Lone Pine Resources Inc, une société d’exploration basée aux États-Unis a déposé une plainte contre la décision de la province de Québec de suspendre l’exploration pétrolière et gazière sous les eaux du fleuve Saint-Laurent[19]. Cette affaire est toujours devant le tribunal. Une autre affaire en instance s’intitule Westmoreland Mining Holdings LLC[20]. Dans cette affaire, une société américaine a introduit une réclamation de 470 M$ (CAD) contre la décision du gouvernement de l’Alberta d’éliminer la production d’électricité par le charbon. L’investisseur ne remet pas en cause la législation, mais l’absence d’indemnisation par suite de cette décision.

Les Canadiens ont également utilisé les dispositions du chapitre 11 de l’ALENA pour promouvoir leurs propres intérêts. La réclamation la plus célèbre et la plus importante de l’histoire est celle de 15 milliards de dollars US que TransCanada a déposée contre les États-Unis lorsque le président Barack Obama a refusé d’accorder à TransCanada un permis pour la construction du pipeline Keystone XL[21]. Cette poursuite a été retirée après l’élection du président Trump. Dès son premier jour de travail, le président Trump a accordé l’indispensable permis présidentiel à TransCanada. Un permis présidentiel était nécessaire pour Keystone XL car le pipeline traversait une frontière internationale. Cette cause n’est pas réglée. Une élection présidentielle est prévue en novembre. Le candidat en tête, Joe Biden, a indiqué qu’il annulerait Keystone XL s’il était élu. Une histoire à suivre.

En fin de compte, la question est de savoir si la suppression du chapitre 11 crée des problèmes pour l’industrie énergétique canadienne. C’est une question importante et nous l’aborderons dans la conclusion. Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. Cela dépend du type d’investisseur concerné. S’agit-il d’un investisseur canadien ou d’un investisseur américain? L’investissement est-il au Canada ou aux États-Unis? Avant d’aborder cette question, il est utile de passer en revue les arbitrages de l’ALENA dans le secteur énergétique canadien à ce jour.

LES ARBITRAGES DE L’ALENA DANS LE SECTEUR DE L’ÉNERGIE

À ce jour, quatre décisions de l’ALENA ont été prises concernant le secteur énergétique canadien. Trois autres affaires sont en instance. Elles concernent toutes des réclamations d’investisseurs américains qui contestent les décisions des organismes canadiens de réglementation de l’énergie ou les lois adoptées par les gouvernements provinciaux. Il s’agit notamment des décisions de l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers de modifier sa réglementation, de la British Columbia Utilities Commission de fixer le prix de l’électricité, d’une décision du gouvernement de l’Ontario de ne pas accorder de contrats d’éoliennes terrestres, d’une décision du gouvernement de l’Ontario de suspendre les programmes d’éoliennes extracôtiers, d’une décision du gouvernement du Québec d’interdire la fracturation hydraulique sous le fleuve Saint-Laurent et d’une décision du gouvernement de l’Alberta d’éliminer la production d’électricité tirée du charbon. Toutes ces décisions ont été prises par les gouvernements provinciaux ou par leurs organismes de réglementation de l’énergie. En vertu de l’ALENA, le gouvernement du Canada est tenu de se défendre. Si le Canada perd, il envoie la facture à la province.

Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corporation

En août 2007, deux sociétés américaines, Mobil Investments Canada (Mobil) et Murphy Oil Corporation (Murphy) ont déposé une réclamation de 60 M$ (CAD) contre le Canada dans le cadre de l’ALENA[22]. Les deux sociétés américaines étaient partenaires dans un projet de forage au large des côtes de Terre-Neuve, qui était réglementé conjointement par le gouvernement fédéral et la province par l’intermédiaire de l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers.

Afin d’obtenir une licence de forage, les sociétés avaient dû soumettre des propositions à l’Office afin d’obtenir l’approbation de leur plan de développement. Ce plan comprenait des engagements en matière de recherche et de développement. L’Office a fourni des directives, dont aucune n’exigeait de montants de dépenses précis. La Commission a modifié cette pratique en 2004 et a introduit de nouvelles lignes directrices avec des exigences précises en matière de dépenses. Les requérants se sont opposé aux nouvelles lignes directrices en faisant valoir qu’elles représentaient un changement fondamental de la réglementation, un changement qui compromettait le projet. Mobil et Murphy se sont d’abord adressés aux tribunaux[23]. Lorsque cela a échoué, elles ont déposé une réclamation au titre de l’ALENA. En mai 2012, un tribunal a conclu à la majorité des juges que le Canada avait violé l’article 1106 de l’ALENA[24]. Trois ans plus tard, le tribunal a ordonné des dommages-intérêts de 13,9 M$ (CAD)[25]. Un recours en appel du Canada a été rejeté par les tribunaux[26].

Mobil a amorcé un deuxième recours en dommages et intérêts pour la période allant de 2012 à 2015. Ce point n’était pas couvert dans la décision initiale en dédommagement[27]. Malgré les objections du Canada selon lesquelles la deuxième réclamation était prescrite par le délai de trois ans prévu par l’ALENA et la doctrine de l’autorité de la chose jugée, le tribunal a autorisé la poursuite de la réclamation[28]. Les parties ont ensuite prolongé le délai de réparation jusqu’en 2036, date à laquelle les projets de Mobil oil au Canada prendraient fin. Les parties sont alors parvenues à un accord. Il a été intégré dans une ordonnance par consentement rendue par le tribunal le 4 février 2020, accordant des dommages-intérêts supplémentaires de 35 M$ (CAD)[29].

Mesa Power

En 2011, Mesa Power Group LLC (Mesa), une société américaine détenue à l’époque par le défunt magnat du pétrole texan T. Boone Pickens, a déposé une réclamation de 775 M$ (CAD) contre le Canada concernant les décisions de la province de l’Ontario d’attribuer des contrats d’achat d’électricité dans le cadre du programme de tarifs de rachat garantis (TRG) de l’Ontario[30]. Il s’agissait d’accords d’une durée de 20 ans en vertu desquels le gouvernement acceptait d’acheter une quantité fixe d’électricité à des prix fixes. L’objectif était d’augmenter l’approvisionnement en énergie renouvelable.

Mesa a allégué que le Canada avait adopté des mesures discriminatoires, imposé des exigences minimales en matière de contenu national et n’avait pas accordé à Mesa le traitement minimum requis, en violation des dispositions de l’ALENA relatives aux investissements. En fin de compte, le tribunal a rejeté toutes les demandes de Mesa et a ordonné à Mesa de supporter le coût de l’arbitrage, 2,2 M$ (CAD), ainsi que les frais de justice du Canada de près de 1,9 M$ (CAD).

Mesa a fait valoir que la raison pour laquelle elle n’a reçu aucun contrat du programme de TRG parce qu’il était mal géré. Mesa s’est dite victime de discrimination lorsque l’Ontario a accordé des préférences injustifiées à deux autres soumissionnaires.

L’Office de l’électricité de l’Ontario (OEO) avait lancé le programme de TRG en octobre 2009. Au cours de la première série de contacts, l’OEO a examiné 337 offres de service et accordé 184 contrats, pour un total de 2500 MW de capacité. La deuxième série de contrats a été accordée en février 2011. Quarante contrats du programme de TRG ont été attribués, pour un total de 872 MW. La troisième série a été attribuée en juillet 2011 et a donné lieu à 14 contrats, pour un total de 749 MW.

Mesa a déposé six propositions dans le cadre du programme de TRG. Aucune n’a été retenue lors des trois cycles. Le problème découle du fait que tous les projets de Mesa étaient situés dans Bruce County. Afin d’obtenir un contrat, tout ce que les soumissionnaires devaient démontrer était qu’ils avaient le droit de se connecter au réseau de transport électrique. Mesa n’a pas pu obtenir l’autorisation de se connecter au réseau en raison des contraintes de transmission dans Bruce County. Mesa a également fait valoir que son incapacité à se connecter au réseau découlait des failles dans le processus d’attribution des contrats et aux préférences accordées à deux autres soumissionnaires, à savoir NextEra Energy (une filiale de Florida Power and Light) et le consortium coréen dirigé par Samsung.

Mesa a fait valoir que cette façon de procéder constituait une violation de l’article 1105(1) de l’ALENA, qui se lit comme suit : « Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie un traitement conforme au droit international, notamment un traitement juste et équitable ainsi qu’une protection et une sécurité intégrales ».

Le tribunal a rejeté l’allégation selon laquelle l’OEO avait mal géré le programme et n’avait pas traité tous les candidats de manière équitable, notant que l’OEO avait retenu les services d’un contrôleur indépendant pour administrer le programme de TRG. Le tribunal a également écarté l’accusation selon laquelle NextEra Energy avait influé sur le processus en rencontrant des représentants du gouvernement, notant que c’était une pratique courante dans l’industrie et que ces rencontres ne constituaient en aucun cas une preuve d’une quelconque préférence.

La partie la plus litigieuse des allégations de Mesa concernait l’accord passé avec le consortium coréen. Mesa a fait valoir que l’accord entre l’Ontario et le consortium coréen réduisait injustement les perspectives d’autres investisseurs tels que Mesa, qui participaient déjà au programme d’énergie renouvelable, en réservant au consortium coréen une capacité de transmission destinée aux soumissionnaires du programme de TRG.

Mesa a également fait valoir que l’Ontario n’a pas fait preuve de transparence dans la négociation de l’accord et a fourni des informations inexactes et incomplètes. Le Canada a répondu qu’il n’y avait rien de manifestement arbitraire ou injuste lorsqu’un gouvernement conclut un accord d’investissement qui accorde des avantages à un investisseur en échange d’engagements d’investissement. Il s’est avéré que Samsung avait accepté de construire des usines de fabrication en Ontario.

Windstream Energy

En octobre 2012, Windstream Energy LLC (Windstream) a déposé une réclamation contre le gouvernement du Canada pour un montant de 475 M$ (CAD). Après une audience de 10 jours en 2016, un tribunal composé de trois arbitres a prononcé une indemnité de près de 26 M$ (CAD) concernant la décision de l’Ontario de suspendre tout développement d’énergie éolienne extracôtiers[31]. Windstream s’est penché sur la question de la légitimité du moratoire émis par l’Ontario pour reporter toute production d’énergie éolienne extracôtières et sur la conduite du gouvernement de l’Ontario après l’annonce de ce moratoire. Le tribunal a accepté l’argument de Windstream selon lequel la décision du gouvernement l’empêchait d’obtenir les retombées du contrat de 2010 qu’elle avait signé avec l’OEO[32].

En novembre 2009, Windstream a soumis 11 propositions au programme de TRG pour des projets d’énergie éolienne, y compris une proposition pour un projet d’énergie éolienne extracôtières de 300 MW et 130 turbines près de Wolfe Island dans le lac Ontario. En mai 2010, l’OEO a proposé à Windstream un contrat du programme de TRG, que la société a signé en août de la même année. En vertu de ce contrat, l’OEO paierait à Windstream un prix fixe pour l’électricité pendant 20 ans. Au total, le contrat s’élevait à 5,2 G$ (CAD).

Au cours de cette période, le gouvernement de l’Ontario a procédé à un examen de ses politiques afin d’élaborer le cadre réglementaire des projets d’éoliennes extracôtières, y compris une proposition de zone d’exclusion du littoral de 5 km. L’examen de la politique a pris fin le 11 février 2011, lorsque le gouvernement de l’Ontario a décidé de suspendre tout développement d’éoliennes extracôtières jusqu’à ce que des recherches supplémentaires soient menées.

Le principal motif de la réclamation de Windstream était que la décision de l’Ontario était arbitraire et était basée sur des préoccupations politiques voulant que les contrats éoliens fassent augmenter les tarifs d’électricité. Windstream a fait valoir que le gouvernement n’avait pas vraiment l’intention de poursuivre des recherches scientifiques. Le Canada, en guise de réponse, a déclaré que l’Ontario était en droit de procéder avec prudence en ce qui concerne le développement des éoliennes extracôtières et que l’ALENA n’interdit pas les délais réglementaires raisonnables. Windstream a fait un certain nombre de réclamations dans le cadre de l’ALENA. La plus importante (et la seule qui a abouti) était une violation de l’article 1105(1), la disposition relative à la norme minimale de traitement, qui stipule que « Chacune des Parties accordera aux investissements d’une autre Partie un traitement conforme au droit international, y compris un traitement juste et équitable et une protection et une sécurité intégrales ». En concluant à une violation de cette disposition, le tribunal s’est demandé si les travaux de recherche scientifique supplémentaires étaient vraiment nécessaires et justifiaient le moratoire. Le tribunal a aussi conclu que l’Ontario avait fait peu d’efforts, voire aucun, pour accommoder Windstream, et semblait délibérément garder Windstream dans l’ignorance.

Windstream a également fait valoir que l’Ontario avait violé l’article 1102 de l’ALENA en accordant à Windstream un traitement moins favorable que celui accordé à d’autres soumissionnaires dans des circonstances similaires. On a soutenu que le traitement de Windstream était moins favorable que celui que l’Ontario avait accordé à TransCanada (maintenant TC Energy).

TransCanada et Windstream étaient toutes deux parties à des accords d’achat d’électricité avec l’OEO qui garantissaient un prix fixe pour l’électricité. Les deux contrats ont été résiliés. Toutefois, lorsque l’Ontario a mis fin au contrat avec TransCanada, il a attribué à cette dernière un nouveau projet et l’a indemnisée pour les frais d’annulation. En revanche, l’Ontario n’a pas fait la même chose pour Windstream à la suite du moratoire sur les activités en mer. Le tribunal a conclu que TransCanada n’était pas dans des circonstances similaires.

Il ne fait aucun doute que le projet TransCanada est différent du projet Windstream. TransCanada avait un contrat avec l’OEO pour construire une centrale de production de gaz à Mississauga, près de Toronto. Les résidents locaux n’étaient pas satisfaits et le gouvernement libéral a annulé le projet dans le feu de l’action lors des élections provinciales. Pour ne pas déplaire à TransCanada, l’OEO a négocié un accord qui lui a remboursé ses frais et lui a attribué un nouveau contrat dans un autre domaine.

Le tribunal a conclu que les deux projets étaient totalement différents et n’étaient pas « dans des circonstances similaires ».

Mercer International

En 2012, Mercer International (Mercer), une société américaine, a déposé une réclamation de 250 M$ (CAD) contre le Canada, dans le cadre de l’ALENA[33]. La réclamation concernait l’investissement de la société dans une usine de pâte à papier située à Castlegar, en Colombie-Britannique. L’usine exploitait également une installation de production d’énergie alimentée par la biomasse, qui était considérée comme une énergie renouvelable en vertu de la réglementation de la Colombie-Britannique.

La plainte portait sur les actions de BC Hydro, une entreprise de services publics, qui fournissait de l’électricité à la majeure partie de la Colombie-Britannique, et de la British Columbia Utilities Commission, qui réglementait la distribution de l’électricité dans cette province. Deux services publics fournissaient de l’électricité en Colombie-Britannique. La première était BC Hydro, qui dessert la plus grande partie de la Colombie-Britannique. La seconde était FortisBC, qui fournit de l’électricité à une petite partie de la province, dont l’usine de pâte à papier Mercer à Castlegar.

La question centrale était que Mercer était engagé dans l’arbitrage de l’électricité et que BC Hydro et la Commission des services publics de la Colombie-Britannique avaient pris des mesures pour lui nuire.[34] Mercer avait besoin d’une quantité importante d’électricité pour son propre usage dans son usine. Pendant un certain temps, Mercer a été autorisée à acheter cette électricité à FortisBC à des tarifs bas fondés sur les coûts. Dans le même temps, Mercer a pu vendre l’électricité renouvelable produite dans son usine à partir de la biomasse aux taux du marché.

Mercer a allégué que BC Hydro et la British Columbia Utilities Commission, par leur action conjointe, avaient créé un nouveau régime réglementaire qui obligeait Mercer à utiliser d’abord sa propre électricité autoproduite avant de vendre l’électricité au réseau aux prix du marché[35]. Cela a supprimé le bénéfice de l’arbitrage. Mercer a fait valoir que les autres usines de pâte à papier de Colombie britannique faisaient la même chose et qu’elle était victime de discrimination, en violation des articles 1102, 1103 et 1503 de l’ALENA. Le tribunal a condamné Mercer à verser 9 M$ (CAD) au Canada.

Cette affaire était complexe. Tout d’abord, le Canada a fait valoir que les actions menées par BC Hydro étaient protégées par les dispositions de l’article 1108(7) de l’ALENA relatives aux marchés publics. Le tribunal s’est également demandé si la décision de la Commission était discriminatoire et contraire aux articles 1102, 1103 et 1503 de l’ALENA[36]. Il s’est avéré que Mercer était la seule usine de pâte à papier à acheter de l’électricité à FortisBC, les autres étant desservies par BC Hydro. Elles n’étaient donc pas sur un pied d’égalité ni soumises à la même réglementation.

Il s’agissait également de savoir si Mercer était en retard dans le dépôt de sa réclamation et si elle avait violé le délai de trois ans prévu aux articles 1116 et 1117 de l’ALENA. Le délai de prescription impliquait un réexamen de la décision antérieure de l’ALENA dans l’affaire Grand River[37]. La question était de savoir à quelle date l’investisseur a eu ou aurait dû avoir connaissance de la violation alléguée et des dommages qui en ont résulté. Le Panel ont finalement conclu que certaines des réclamations étaient prescrites[38].

Il convient de noter que Mercer a d’abord porté cette réclamation devant la British Columbia Utilities Commission, qui l’a rejetée[39]. La Commission a en effet décidé que les clients autoproducteurs devaient d’abord satisfaire leurs besoins à partir de leur propre production avant de pouvoir acheter de l’électricité à bas prix de FortisBC.

Le Panel a estimé que les faits ne permettaient pas de conclure à un traitement discriminatoire, rejetant la demande et condamnant Mercer à payer les dépens.

Lone Pine Resources

En septembre 2013, Lone Pine Resources Inc. (LPRI), une société américaine de gaz et d’exploration, a déposé une réclamation de 119 M$ (USD) contre le Canada dans le cadre de l’ALENA[40]. La réclamation porte sur la suspension par la province de Québec de l’exploration pétrolière et gazière sous le fleuve Saint-Laurent. Ce moratoire s’inscrit dans le cadre d’une suspension plus large de la fracturation hydraulique au Québec, une forme de forage horizontal qui a déjà été suspendue dans différents États américains et plusieurs provinces canadiennes.

Le Québec a déclaré le moratoire en 2011, afin de mener des études d’impact environnemental concernant l’utilisation des produits chimiques concernés et l’impact sur les eaux souterraines. Cela est d’autant plus préoccupant que les permis que Lone Pine a acquis couvrent des terres situées directement sous le fleuve Saint-Laurent.

LPRI a allégué que le moratoire contrevient aux articles 1105 (norme minimale de traitement) et 1110 (expropriation)[41]. Pour être plus précis, la plaignante a fait valoir que l’adoption de la législation qui a créé le moratoire était arbitraire, injuste et inéquitable, et qu’elle était fondée sur des motifs politiques et populistes plutôt que sur de véritables recherches environnementales. La plaignante prétend que la révocation de la licence a mis fin à son investissement sans compensation.

Le gouvernement du Canada a répondu que l’action est une mesure légitime dans l’intérêt public qui s’applique sans discrimination à tous les détenteurs de permis d’exploration qui sont situés sous ou près du fleuve Saint-Laurent[42]. Le Canada soutient que la loi a été adoptée par une institution démocratique du Québec et a été précédée de nombreuses études qui ont établi la nécessité d’atteindre un important objectif de politique publique, à savoir la protection du fleuve Saint-Laurent.

Le Canada fait valoir que le traitement standard minimum garanti par l’article 1105 de l’ALENA ne protège pas les attentes légitimes des investisseurs. Même si c’était le cas, le Canada affirme qu’aucun représentant du gouvernement du Québec n’a communiqué au demandeur une garantie, une promesse ou une assurance spécifique qui pourrait créer des attentes légitimes en matière de développement des réserves et des ressources d’hydrocarbures qui pourraient se trouver sous le fleuve Saint-Laurent.

Le Canada a également fait valoir que la mesure contestée ne prive pas substantiellement la LPRI de son investissement, car la législation ne révoque qu’une des cinq licences de prospection accordées[43]. Enfin, le Canada souligne que la loi est un exercice légitime du pouvoir de protection du gouvernement du Québec et que, par conséquent, la mesure ne peut constituer une expropriation.

Keystone XL

Dans la plupart des arbitrages de l’ALENA sur l’énergie, les États-Unies sont les demandeurs et le Canada joue la défense. La seule exception a eu lieu en 2016, lorsque TransCanada (aujourd’hui TC Energy), une société basée à Calgary, Alberta, a déposé une réclamation de 15 G$ (USD) contre les États-Unis après que l’ancien président Barack Obama ait rejeté sa demande de permis présidentiel pour approuver la construction du pipeline Keystone XL[44].

En janvier 2015, la Chambre et le Sénat ont tous deux adopté une loi qui approuvait Keystone XL, mais n’a pas obtenu la majorité des deux tiers requise pour passer outre au veto présidentiel[45]. Lorsque le président Obama a exercé son veto, TransCanada a déposé une plainte dans le cadre de l’ALENA, arguant que le refus du permis présidentiel pour Keystone XL était arbitraire, injustifié, et violait les obligations de l’administration américaine au titre de l’ALENA. Un permis présidentiel était nécessaire pour Keystone XL parce que le pipeline traversait une frontière internationale.

Tout a changé lorsque Donald J. Trump a remporté les élections suivantes et a emménagé à la Maison Blanche. L’un des premiers actes du nouveau président a été de signer un décret approuvant la conduite de 1897 kilomètres[46]. Deux jours plus tard, TransCanada a retiré sa réclamation à l’ALENA.

Westmoreland Mining

En août 2019, la société américaine Westmoreland Mining Holdings LLC (Westmoreland) a déposé une réclamation de 470 M$ (CAD) contre le gouvernement du Canada pour violation par la province de l’Alberta des articles 1102 et 1105 de l’ALENA[47]. En 2013, Westmoreland a acquis un certain nombre de mines de charbon, y compris les exploitations « mine-mouth » en Alberta qui sont en cause dans ce litige. Les exploitations de charbon mine-mouth sont des mines de charbon situées à côté de centrales électriques afin que le charbon puisse être livré à la centrale de manière économique.

La valeur de l’investissement de Westmoreland a été menacée en novembre 2015 lorsqu’un nouveau gouvernement provincial de l’Alberta a annoncé son « Climate Leadership Plan ». L’Alberta, qui, historiquement, s’était principalement appuyée sur son abondante offre de charbon pour alimenter ses centrales électriques, a décidé qu’elle voulait éliminer toute l’énergie émanant du charbon d’ici 2030. L’Alberta a accepté de verser près de 1,4 G$ (CAD) à trois compagnies d’électricité consommatrices de charbon, toutes des entreprises albertaines. Deux des trois, TransAlta et Capital Power, possédaient également des intérêts dans des mines de charbon « mine-mouth » et la compensation correspondait à l’évaluation de ces actifs. Westmoreland, contrairement aux trois sociétés albertaines, n’a pas été indemnisée pour la fermeture anticipée de ses mines.

Lorsque les paiements pour le charbon ont été versés aux entreprises, le ministre de l’Énergie de l’Alberta a déclaré qu’ils étaient destinés à compenser la « perturbation économique de leurs investissements en capital » [traduction] causée par le changement soudain de politique et à « donner confiance aux investisseurs et les encourager à participer à la transition de l’Alberta visant à délaisser le charbon » [traduction]. Westmoreland a fait valoir que le plan de l’Alberta visant à « compenser les exploitants de mines de charbon albertains pour la perte de leurs investissements, à l’exclusion du seul exploitant de mines de charbon américain, a privé Westmoreland du traitement national prévu à l’article 1102 et a traité la société de manière injuste et inéquitable, en violation de l’article 1105 de l’ALENA [48]» [traduction].

Dans sa défense, le Canada conteste l’allégation du demandeur selon laquelle les exploitants de mines de charbon de l’Alberta ont reçu des millions de dollars pour leurs pertes économiques alors que rien n’a été payé au seul exploitant de mines de charbon américain. Le Canada affirme qu’aucune entreprise ou individu n’a reçu de paiement du gouvernement de l’Alberta en ce qui concerne un intérêt dans une mine dans le cadre du plan 2015 du gouvernement pour le leadership climatique, conçu en partie pour éliminer la production d’électricité par le charbon.

Le Canada affirme en outre que le plan ne comprend aucune prise de position politique sur la poursuite de l’exploitation du charbon dans la province. Le Canada affirme plutôt que les paiements en question étaient des paiements que le gouvernement de l’Alberta a versés volontairement en 2016 pour inciter les propriétaires de six unités de production d’électricité au charbon dans la province à réduire les émissions de carbone en passant de la production d’électricité par le charbon à la production par le gaz naturel. Le Canada fait valoir que les paiements avaient deux objectifs. Le premier était de réduire les émissions dues à la production d’électricité. Le second objectif était de garantir que les centrales électriques continueraient à fonctionner et à fournir de l’électricité au réseau de l’Alberta. La province estimait que cet objectif pouvait être atteint en convertissant les centrales au charbon en centrales au gaz. En d’autres termes, le Canada affirme que Westmoreland n’était pas une unité de production et ne remplissait pas les conditions requises. En bref, Westmoreland n’était pas « dans la même situation » que les producteurs d’électricité qui ont reçu les paiements.

C’est un argument similaire à celui que le Canada a fait valoir dans l’affaire Windstream[49]. Windstream y avait fait valoir que le Canada avait traité TransCanada plus favorablement lorsque l’Ontario avait effectué des paiements importants pour encourager TransCanada à mettre fin à ses activités alors qu’en même temps aucun paiement n’était effectué à Windstream. Le Canada a fait remarquer que TransCanada était très différente de Windstream. Windstream est un générateur éolien. TransCanada est une usine à gaz. Il s’agit d’opérations totalement différentes et la justification des paiements est totalement différente. Le tribunal de Windstream a accepté la distinction. Cet argument sera sans doute central dans l’affaire Westmoreland.

Tennant Energy

Le dernier arbitrage en matière d’énergie contre le Canada dans le cadre de l’ALENA est celui de Tennant Energy (Tennant)[50]. Cette affaire fait suite à l’affaire Mesa et repose sur une grande partie des preuves développées dans cette affaire. Tennant, basé à Napa en Californie, a déposé une réclamation en juin 2017 contre le Canada pour un montant de 116 M$ (CAD) en raison d’une violation de l’article 1105 de l’ALENA.

Comme dans l’affaire Mesa, la demande portait sur les actions de la province de l’Ontario en matière d’attribution de contrats dans le cadre des contrats de TRG élaborés en vertu de la Loi de 2009 sur l’énergie verte[51]. Comme Mesa, Tennant affirme que le processus de contact du programme de TRG a été injustement manipulé pour favoriser le consortium coréen au détriment de tous les autres candidats.

Tennant soutient que non seulement il y a eu une manipulation injuste, mais que la province a délibérément omis de divulguer des informations qui auraient mis toutes les parties sur un pied d’égalité. Ces actions, selon Tennant, étaient incompatibles avec les obligations du Canada au titre de l’ALENA, notamment l’article 1105 du chapitre 11. Tennant a déposé une plainte pour actions fautives :

  1. L’Ontario a injustement manipulé l’attribution de l’accès au réseau de transport d’électricité, ce qui a entraîné un traitement inéquitable pour les investisseurs.
  2. L’Ontario a injustement manipulé la diffusion de l’information sur le programme dans le cadre du programme de TRG.
  3. L’Ontario a injustement manipulé l’attribution de contrats dans le cadre du programme de TRG.
  4. De hauts fonctionnaires ont indûment détruit des preuves liées à leurs actions illégales dans le but d’éviter d’avoir à faire face à leurs responsabilités dans ce dossier.

Les dommages-intérêts demandés se composaient d’un élément unique. Sur les 116 M$ (CAD) réclamés, 35 M$ (CAD) étaient liés à des « dommages moraux » que l’investisseur estimait avoir subis en raison « des actions inappropriées du défendeur, notamment des mesures inappropriées prises pour éliminer les preuves de sa conduite illicite, et de la conduite grossièrement déraisonnable de l’Ontario dans la mauvaise administration du programme, qui a entraîné un abus de procédure et un préjudice pour l’investissement et l’investisseur » [traduction]. C’est la première affaire de l’ALENA concernant des dommages moraux. Il semble qu’il s’agisse de la version arbitrale des dommages-intérêts punitifs. Non seulement cette affaire s’appuie sur les preuves de Mesa, mais elle s’appuie également sur les preuves de Trillium[52], une affaire de délit civil en common law examinée dans la section suivante. Trillium, Mesa et Tennant sont tous dans le même bateau. Ils contestent les actes arbitraires du gouvernement de l’Ontario en rapport avec les projets éoliens. Il est particulièrement intéressant de noter que dans l’affaire Trillium, la plaignante a intenté une action en dommages et intérêts pour spoliation, alléguant que de hauts fonctionnaires du gouvernement de l’Ontario ont détruit des documents constituant des preuves dans cette affaire. Tennant s’appuie également sur ces preuves pour étayer son allégation de conduite fautive et d’abus de procédure. L’affaire est actuellement en instance devant le tribunal.

LES RECOURS DE LA COMMON LAW

L’expropriation déguisée

Le Chapitre 11 appartient désormais à l’histoire, mais personne ne pleure sa mort. En fait, un recours créé par la Cour suprême du Canada en 2018 pourrait offrir aux investisseurs une protection encore plus grande que celle prévue par le chapitre 11 de l’ALENA. Dans l’affaire Lorraine (Ville) c 2646-8926 Québec inc, la Cour suprême a créé un recours de common law pour l’expropriation de facto ou déguisée[53]. Contrairement au recours du chapitre 11, ce recours peut être utilisé par les investisseurs tant étrangers que locaux. En fait, la première demande est une affaire d’énergie impliquant LGX Oil and Gas (LGX). LGX y a introduit une réclamation de 60 M$ (CAD) contre le Canada au motif qu’une ordonnance rendue deux ans plus tôt par Environnement Canada avait dévalué ses puits de pétrole et de gaz dans le sud de l’Alberta[54]. Cette ordonnance interdisait les activités de construction et le bruit en avril et mai de chaque année, soit la saison des amours du tétras des armoises.

La notion d’expropriation concerne le pouvoir d’une autorité publique de priver un propriétaire de sa propriété et des bénéfices qui en découlent. Dans l’affaire Lorraine, la Cour suprême du Canada a défini de manière assez détaillée ce qu’elle a appelé « l’expropriation déguisée » ou « l’expropriation de facto ». En substance, l’expropriation déguisée implique un abus de pouvoir. Cela se produit lorsqu’une autorité publique exerce son pouvoir réglementaire d’une manière incompatible avec l’objectif de la législation qu’elle applique. En fin de compte, le tribunal doit évaluer la raison pour laquelle le gouvernement a agi de cette manière. En ce sens, la cour exerce une fonction similaire à celle d’un arbitre dans une affaire de l’ALENA. Rappelons que dans l’affaire Windstream, le tribunal s’est demandé si la véritable raison du moratoire que la province a imposé sur les projets d’éoliennes extracôtières était la nécessité d’une recherche scientifique plus poussée. Il est significatif, selon le tribunal, que l’Ontario ait fait peu d’efforts, voire aucun, pour accommoder Windstream et semble avoir délibérément maintenu Windstream dans l’ignorance. Le mot « délibérément » est important.

Dans le cas d’une expropriation déguisée, le tribunal doit déterminer si l’acte est discriminatoire ou injuste. En bref, il doit y avoir un constat d’abus de pouvoir et/ou de mauvaise foi.

Dans l’affaire Lorraine, la Cour suprême a examiné si la réglementation environnementale en question était légitime. Le plaignant avait acheté un terrain dans une zone résidentielle de la ville de Lorraine au Québec dans l’intention de subdiviser la propriété pour y construire des logements. Quelques années plus tard, la ville a adopté un règlement qui a transformé la moitié de la propriété en zone de conservation, empêchant le demandeur de construire des propriétés résidentielles.

Le tribunal a indiqué que le demandeur disposait de deux recours, confirmant une décision antérieure de la Cour suprême dans l’affaire Canadian Pacific Railway Co. c Vancouver (Ville)[55]. Là, le chemin de fer a échoué parce que le tribunal a estimé que la Ville de Vancouver n’avait pas agi de mauvaise foi, et avait agi dans le respect de ses compétences. Le résultat dans l’affaire Lorraine a cependant été différent. Le tribunal a en effet estimé que la ville avait agi de mauvaise foi et a déclaré que la plaignante pouvait soit demander une déclaration selon laquelle la ville avait agi en dehors de son autorité, soit — à titre subsidiaire — demander une indemnité ou un paiement pour refléter le montant de ses pertes. Il y avait cependant un problème en ce sens que la requérante n’avait pas respecté le délai de prescription, néanmoins, la déclaration du tribunal en ce qui a trait au respect de la loi et des droits de la requérante dans le cas d’une expropriation déguisée est très claire. Les droits de la common law sont tout aussi forts que les droits que les investisseurs étrangers ont ou avaient dans le cadre de l’ALENA. La différence ici, cependant, est que les recours sont offerts tant aux investisseurs étrangers qu’aux investisseurs locaux.

La bonne foi dans l’exécution des contrats

En 2014, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Bhasin c Hrynew[56], une décision sans précédent qui a reconnu un devoir de bonne foi découlant de la common law dans l’exécution des contrats. Cinq ans plus tard, le 19 décembre 2019, la même cour a entendu deux appels ensemble sur la même question. L’un d’entre eux concernait la Colombie britannique[57], l’autre l’Ontario[58]. La décision n’a pas encore été publiée, mais l’opinion générale est qu’elle fera avancer ce domaine important du droit. La Cour a noté que le devoir d’honnêteté n’exige pas qu’une partie divulgue des informations aux parties contractantes, mais qu’une partie ne peut pas tromper ou induire en erreur l’autre partie contractante en ce qui concerne l’exécution du contrat. Voici ce qu’a déclaré le juge Cromwell :

Ce qui signifie simplement que les parties ne doivent pas se mentir ni autrement s’induire intentionnellement en erreur au sujet de questions directement liées à l’exécution du contrat. Cette obligation n’impose pas un devoir de loyauté ou de divulgation ni n’exige d’une partie qu’elle renonce à des avantages découlant du contrat; il s’agit d’une simple exigence faite à une partie de ne pas mentir à l’autre partie ni de la tromper au sujet de l’exécution de ses obligations contractuelles.

La décision de la Cour suprême dans l’affaire Bhasin est inédite. Elle a reconnu une nouvelle obligation de common law qui s’applique à tous les contrats. Cette nouvelle obligation est celle de l’exécution honnête, ce qui signifie que les parties ne doivent pas mentir ou s’induire sciemment en erreur sur des questions liées à l’exécution d’un contrat. Le tribunal a reconnu que la common law n’est pas autorisée à passer outre aux clauses contractuelles expresses. En d’autres termes, les défendeurs ne peuvent pas être condamnés en vertu de la doctrine de la bonne foi pour avoir exécuté un contrat d’une manière entièrement conforme à ses clauses expresses. Le droit dans ce domaine au Canada progresse. Le concept n’est pas aussi fort en droit américain où la bonne foi et les obligations implicites se limitent à combler les lacunes contractuelles[59].

Faute dans l’exercice d’une charge public

Au cours de la dernière décennie, le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique est devenu monnaie courante. Au Canada, cette cause d’action remonte à 1959, depuis la célèbre affaire Roncarelli v Duplessis[60] de la Cour suprême du Canada. Là, le premier ministre du Québec a indûment ordonné au directeur de la Société des alcools du Québec de révoquer le permis d’alcool de Roncarelli parce que ce dernier avait fourni une caution à plusieurs témoins de Jéhovah arrêtés par le premier ministre. La Cour suprême du Canada a estimé que le premier ministre n’avait aucun motif d’ordonner cette mesure et avait agi avec malveillance.

Il ne s’est pas passé grand-chose jusqu’à la décision de la Chambre des Lords dans l’affaire Conseil du district de Three Rivers District Council v Bank of England[61] en 2001. La Cour suprême du Canada a suivi deux ans plus tard dans la même veine dans l’affaire Succession Odhavji[62].

Dans l’affaire Three Rivers, les plaignants étaient 6000 déposants de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI) à Londres qui avaient subi des pertes en raison de la fraude et de la liquidation de la BCCI. Les déposants ont intenté une action pour fautes contre les hauts fonctionnaires de la Banque d’Angleterre qui, selon eux, avaient agi de mauvaise foi en accordant à la BCCI une licence d’établissement de dépôt. Les créanciers estimaient que les fonctionnaires de la Banque d’Angleterre auraient dû prendre des mesures pour fermer la BCCI étant donné que « des faits connus appelaient des mesures » [traduction].

Le principal problème dans l’affaire Three Rivers était de prouver la mauvaise foi du défendeur ou ce qui est généralement décrit comme de la malveillance. L’opinion générale était que la malveillance exigeait un certain degré de partialité ou de mauvaise volonté à l’encontre du plaignant ou ce que l’on a appelé la malveillance ciblée. Dans l’affaire Roncarelli, par exemple, le demandeur avait établi que le premier ministre du Québec avait l’intention délibérée de nuire au restaurateur pour son implication auprès des Témoins de Jéhovah. Il a spécifiquement ordonné la révocation de la licence d’alcool du demandeur afin de lui causer un préjudice financier.

Nous passons ensuite à la Cour suprême du Canada et à la décision dans l’affaire Succession Odhavji. La Cour d’appel de l’Ontario était divisée sur la question de savoir si la simple violation de la loi était suffisante pour fonder une plainte pour faute dans l’exercice d’une charge publique ou si le délit nécessitait un abus de pouvoir ou d’autorité. La majorité a conclu que la simple violation d’une obligation légale n’était pas suffisante pour justifier la plainte et a rejeté cette dernière. La Cour suprême du Canada a annulé et rétabli la plainte. Le juge Iacobucci, s’exprimant au nom d’une cour unanime, a conclu que le délit n’était pas limité à l’abus de pouvoir légal, mais qu’il était « plus largement toute conduite illégitime dans l’exercice des fonctions publiques ». Il a déclaré que le délit civil « pouvait être inclus dans un large éventail d’inconduites » et que la question essentielle était de savoir si « l’inconduite alléguée revêt un caractère illégitime et délibéré ». En outre, il a souligné que les autorités publiques n’avaient pas tenu compte de l’intérêt du demandeur :

L’insouciance flagrante à l’égard d’une fonction officielle n’emporte pas responsabilité; seul le fonctionnaire public qui, en plus, fait sciemment preuve d’insouciance devant les intérêts de ceux qui seront touchés par l’inconduite en question verra sa responsabilité retenue. Cette exigence établit le lien requis entre les parties.

À la même époque, une autre décision importante a été rendue en Angleterre. En 2006, dans l’affaire Watkins v Home Office & Ors[63], la Chambre des Lords a établi que les faute commises dans l’exercice d’une charge publique ne pouvaient donner lieu à une action en justice, sauf en cas de dommage. En 2008, une autre décision importante de la Cour d’appel de l’Ontario a été rendue dans l’affaire Ontario Racing Commission v O’Dwyer[64]. Le juge Rouleau, s’exprimant au nom du tribunal, a donné raison au plaignant en déclarant que la Commission s’était engagée dans une « correspondance inutile et trompeuse avec le plaignant » [traduction] et que les fonctionnaires de la Commission étaient « imprudents, indifférents ou délibérément aveugles à l’illégalité de leurs actions et au préjudice éventuel pour le plaignant » [traduction]. Ce type de langage est remarquablement similaire à ce que le tribunal de l’ALENA a trouvé dans l’affaire Windstream.

Le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique a également été utilisé dans un certain nombre d’affaires canadiennes concernant l’énergie. Dans l’affaire Granite Power Corp. v Ontario[65], la Cour d’appel de l’Ontario a autorisé le plaignant à poursuivre une action en justice pour infraction contre le gouvernement de l’Ontario pour les actes qu’il a commis dans le cadre de la privatisation de l’industrie électrique de l’Ontario. Le demandeur, Granite Power, était une petite société privée de services publics située à Gananoque, en Ontario. Depuis 1885, Granite Power fournissait de l’électricité à Gananoque. La société avait un accord d’exclusivité pour fournir de l’électricité à la ville de 1994 à 2014. Toutefois, en 1997, le gouvernement de l’Ontario a modifié la politique énergétique provinciale pour permettre une nouvelle concurrence. La loi qui a créé ce régime a permis à la province d’accorder des exemptions aux fournisseurs privés comme Granite pour qu’ils puissent poursuivre leurs accords exclusifs avec les petites municipalités. Granite Power a demandé au gouvernement une telle exemption.

L’Ontario a accordé l’exemption demandée en 2002. Cependant, entre 1998 et 2002, la communication du gouvernement avait été non contraignante et ambiguë. Le gouvernement a autorisé la publicité qui suggérait que le monopole de Granite Power pour desservir la ville était susceptible de disparaître. Pour ajouter l’insulte à l’injure, la ville a utilisé la nouvelle politique provinciale pour contester l’accord exclusif qu’elle avait conclu avec Granite Power. Granite Power a fait valoir que les retards et le manque de franchise du gouvernement avaient rendu son accord d’approvisionnement sans valeur et a demandé des dommages et intérêts au gouvernement provincial pour cette perte.

La Cour d’appel de l’Ontario a autorisé Granite Power à poursuivre sa plainte pour une faute du gouvernement dans l’exercice de sa charge publique, estimant qu’il y avait suffisamment d’allégations selon lesquelles la province avait agi de manière malveillante et de mauvaise foi. Plus précisément, il a été allégué que la province avait délibérément retardé sa décision d’accorder ou non une dérogation à Granite Power. Il était donc difficile pour Granite Power de prendre des décisions d’affaires cruciales. La province a également été accusée de promouvoir sa nouvelle politique énergétique d’une manière qui permettait à de nouveaux détaillants de prendre pied dans la communauté. La Cour d’appel a conclu que ces allégations, si elles étaient prouvées, permettraient d’obtenir gain de cause dans le cadre d’une plainte pour faute commise dans l’exercice d’une charge publique.

La décision suivante en matière d’énergie impliquant cette cause d’action a été rendue en 2007 dans l’affaire Saskatchewan Power Corporation v Swift Current (City)[66]. Dans cette affaire, le plaignant s’est plaint que Saskatchewan Power, une entreprise publique, avait utilisé sa position de monopole pour pratiquer des prix d’éviction et avait modifié unilatéralement les conditions de service de son contrat de fourniture. Le plaignant a fait valoir que cela constituait une faute dans l’exercice d’une charge publique.

Le défendeur a introduit une requête en annulation de la réclamation au motif que le demandeur n’avait identifié aucun être humain comme ayant la mauvaise foi ou la malveillance requise pour constituer le délit. Le défendeur a fait valoir que la société était incapable d’avoir la malveillance ou l’intention nécessaire. La Cour d’appel du Saskatchewan a estimé que cela ne constituait pas un motif de rejet de la réclamation. La Cour a donné une interprétation large de la notion de charge publique, déclarant qu’il n’y avait aucune raison de faire une distinction entre le titulaire de la charge et la charge elle-même[67]. La réclamation a été autorisée.

Nous arrivons ensuite à l’affaire Trillium en Ontario[68]. Cette affaire est composée de faits semblables à ceux des arbitrages de l’ALENA dans les affaires Mesa et Windstream.

Trillium Power Wind Corporation (Trillium), un promoteur basé à Toronto qui construit des éoliennes au large du lac Ontario, a demandé à louer des terres provinciales dans le cadre de la politique de l’Ontario en matière d’énergie éolienne et s’est vu accorder le statut de requérant inscrit par le ministère des Ressources naturelles. Ce statut a donné à Trillium trois ans pour tester l’énergie éolienne. Après cela, la société a pu procéder à une évaluation environnementale et obtenir l’autorisation d’exploiter le parc éolien.

Trillium a ensuite informé le ministère des Ressources naturelles de l’Ontario que la société avait l’intention de lever un financement de 26 M$ (CAD) pour le projet. Le même jour, le gouvernement de l’Ontario a décrété un moratoire sur le développement de l’énergie éolienne extracôtières, y compris par des promoteurs comme Trillium qui avaient le statut de fournisseur officiel. Le gouvernement a publié un communiqué de presse déclarant que les projets étaient annulés en attendant les résultats de nouvelles recherches scientifiques.

Trillium a intenté un certain nombre de poursuites contre le gouvernement de l’Ontario, réclamant 2 G$ (CAD) en dommages et intérêts. Les réclamations portaient sur la rupture de contrat, l’enrichissement sans cause, les fausses déclarations par négligence, les fautes dans l’exercice d’une charge public et les préjudices économiques intentionnels. La province a présenté une motion visant à rejeter la réclamation de Trillium au motif qu’elle n’avait pas révélé une cause d’action raisonnable. La motion a été acceptée. Le juge des requêtes a estimé que la décision du gouvernement de fermer les parcs éoliens était une décision politique et qu’elle ne pouvait donc pas faire l’objet d’un procès.

Le juge des requêtes a également estimé que le fait que Trillium ait obtenu le statut de requérant inscrit n’équivalait pas à une relation contractuelle entre Trillium et le gouvernement. Le juge des requêtes a conclu que la réclamation devait être rejetée parce qu’il était évident qu’elle n’avait aucune chance de succès au procès.

Trillium a interjeté appel sous deux motifs : premièrement, la faute dans l’exercice d’une charge publique était une réclamation recevable en droit; et deuxièmement, la réclamation avait été adéquatement plaidée. La Cour d’appel de l’Ontario a donné son accord. Il n’était pas évident qu’une poursuite pour faute dans l’exercice d’une charge publique échouerait. De plus, Trillium avait correctement plaidé que les actions de la province avaient été prises de mauvaise foi dans un but illégitime. La Cour a également conclu que la décision du gouvernement avait été prise pour nuire spécifiquement à Trillium. La Cour d’appel a certes approuvé le juge des requêtes selon lequel une décision du gouvernement impliquant des facteurs politiques n’était pas le fondement d’une cause d’action, mais il y avait une exception pour les actions irrationnelles de mauvaise foi. Les faits dans cette affaire étaient uniques. Il était clair que l’annonce de Trillium révélant un nouveau financement avait déclenché l’action du gouvernement. Et, comme l’a conclu le tribunal, Trillium devrait avoir le droit de poursuivre sur la base des allégations selon lesquelles le gouvernement a spécifiquement ciblé Trillium. Le tribunal a clairement indiqué que les décisions motivées par l’opportunisme politique ne constituent pas de la mauvaise foi aux fins d’une action en responsabilité civile délictuelle, en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

Les décisions politiques ministérielles prises sur la base de l’« opportunisme politique » font partie intégrante du processus d’élaboration des politiques et, sans plus, il n’y a rien d’illégal ou de « mauvaise foi » à ce qu’un gouvernement tienne compte de la réaction du public à une question politique et réagisse en conséquence.

Le tribunal a estimé que pour établir la « mauvaise foi » aux fins du délit de faute professionnelle dans une fonction publique, l’Ontario devait avoir agi délibérément d’une manière qui était « incompatible avec les obligations de sa fonction » [traduction].

Le procès de Trillium n’a jamais eu lieu, mais Capital Solar Power Corporation v The Ontario Power Authority[69] a été entendu. Le plaignant, Capital Solar Power, était une petite entreprise qui a soumis des propositions dans le cadre du programme microTRG géré par l’OEO, une agence du gouvernement de l’Ontario. Ces propositions ont été présentées au nom de leurs clients. En soumettant ces propositions, Capital Solar Power s’est appuyée sur les règles du microTRG et sur le barème de prix fourni par l’OEO.

Le 31 octobre 2011, l’OEO a annoncé un nouveau barème de prix. Les règles exigeaient que l’OEO donne un préavis de 90 jours pour tout changement. L’OEO n’a pas donné ce préavis.

Suite aux nouveaux changements de prix, Capital Solar Power a perdu tous ses clients potentiels. Capital Solar Power a alors déposé une plainte contre l’OEO pour faute dans l’exercice d’une fonction publique parce que l’OEO avait modifié le programme microTRG sans un préavis de 90 jours.

Le tribunal a rejeté la réclamation, estimant que OEO n’avait pas travaillé dans un but illégitime et qu’il n’y avait aucun élément de mauvaise foi ou de malhonnêteté dans ses actions. Le tribunal a estimé que l’OEO avait effectué les changements conformément aux instructions du ministre de l’Énergie et que l’OEO s’efforçait d’atteindre un équilibre entre les intérêts communs.

Il a également été question des dommages et intérêts. Le tribunal a réduit la demande de dommages-intérêts de 3 M$ à 450 000 dollars (CAD). En fin de compte, le tribunal n’a pas accordé de dommages et intérêts parce que le demandeur n’avait pas établi la responsabilité de l’OEO en ce qui concerne les fautes commises dans l’exercice d’une charge publique. L’affaire renforce l’importance de la proposition selon laquelle, lorsqu’il s’agit du délit d’abus de pouvoir, un élément essentiel est que le demandeur doit établir une intention claire de la part de l’agent public de nuire au défendeur ou au moins qu’il aurait dû savoir que ce préjudice en résulterait. C’est ce que l’on appelle l’« absence d’égards ».

LES RÉCLAMATIONS D’UN ÉTAT ENVERS UN AUTRE ÉTAT

Il ne fait aucun doute que l’ALENA a eu un impact significatif sur le secteur énergétique canadien. Il a certainement stimulé l’investissement dans ce secteur. Et les investisseurs américains ont profité du chapitre 11 pour remettre en question la politique énergétique et les décisions réglementaires prises en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador. L’Ontario a été le mauvais garçon avec trois dossiers à ce jour remettant en question la gestion par les provinces du programme de contrats à TRG dans le cadre de la Loi de 2009 sur l’énergie verte.

À l’avenir, les choses seront différentes. Les investisseurs privés des États-Unis n’ont plus le droit d’intenter de leur propre chef une action en justice dans le cadre de l’ALENA au Canada. Les investisseurs canadiens ont perdu un droit similaire aux États-Unis. C’est sur les investisseurs américains que cette perte a le plus d’impact. Ce sont eux qui ont déposé le plus de réclamations dans le cadre du chapitre 11 de l’ALENA.

Si le droit d’intenter une action privée a disparu, l’action d’État à État se poursuit. Cela exige bien sûr que l’investisseur convainque le gouvernement d’engager une action, ce qui n’est pas toujours facile.

Le nouveau régime de l’ALENA est compliqué en ce sens qu’il crée deux catégories d’investisseurs, les investisseurs prioritaires et les investisseurs non prioritaires. Les investisseurs prioritaires sont les investisseurs qui sont parties à un contrat gouvernemental dans l’un des cinq secteurs suivants : pétrole et gaz, production d’électricité, télécommunications et infrastructures. La protection offerte aux investisseurs prioritaires dans le cadre du nouvel ALENA est en grande partie la même que dans l’ancien ALENA.

Pour les investisseurs non prioritaires, le nouvel ALENA est loin d’être aussi attrayant que l’ancien. Tout d’abord, ces investisseurs doivent épuiser toutes les voies de recours devant les tribunaux locaux avant de pouvoir introduire une réclamation dans le cadre du nouvel ALENA. Ces investisseurs ne peuvent pas introduire une demande au titre de l’ALENA avant d’avoir obtenu une décision finale des tribunaux locaux ou avant que 30 mois se soient écoulés. Cela peut toutefois ne pas être très préoccupant pour le secteur de l’énergie. Les investisseurs dans les secteurs du pétrole et du gaz et de la production d’électricité sont considérés comme des investisseurs prioritaires et ne seront pas soumis à cette restriction.

Conclusion

Le fait que le règlement des différends du chapitre 11 ait été aboli entre le Canada et les États-Unis pourrait ne pas être si important. Les affaires de common law dans le cadre de l’action en responsabilité délictuelle pour faute professionnelle n’ont pas eu beaucoup de succès. Mais il semble que les affaires relevant des nouvelles actions de common law, l’expropriation déguisée et la bonne foi dans l’exécution des contrats soient beaucoup plus prometteuses. Il n’y a aucune raison de croire que les investisseurs américains ne tireront pas parti de cette loi qui se développe. En fait, les investisseurs non prioritaires seront tenus de le faire. En ce qui concerne les organismes de réglementation et les gouvernements canadiens, ils devraient être attentifs au fait que ces nouvelles causes d’action, contrairement à l’ALENA, ne se limitent pas aux investisseurs étrangers et incluent les investisseurs nationaux. Alors que la publicité entourant l’ALENA s’est concentrée sur les investisseurs étrangers parce qu’ils étaient les seuls à pouvoir exercer ce recours, le fait est que les investissements dans les énergies renouvelables au Canada proviennent tout autant des investisseurs nationaux que des investisseurs étrangers. Autrement dit, la surveillance et le contrôle des décisions politiques douteuses qui sont discriminatoires à l’égard de certaines parties ne disparaîtront pas. Au contraire, elles vont s’accentuer.

Une dernière remarque s’impose. Bien que les investisseurs puissent continuer à bénéficier d’une protection sous la forme des recours offerts en common law, il reste qu’un traité est un traité. La responsabilité du gouvernement est claire. Les recours en common law restent toutefois soumis aux restrictions législatives, et la plupart des administrations disposent d’une législation formelle établissant les diverses formes d’immunité de l’État. Cet argument est soulevé devant les tribunaux de l’Ontario dans l’affaire Trillium. Il s’agira d’une décision importante.

ANNEXE A

[Traduction]

230 professeurs de droit et d’économie exhortent le président Trump à retirer le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) de l’ALENA et d’autres accords

Le 25 octobre 2017

Monsieur le président Trump:

L’année dernière, plus de 200 professeurs de droit et d’économie américains ont envoyé une lettre demandant instamment au Congrès de s’opposer au Partenariat Trans-Pacifique (PTP) parce qu’il inclut le régime controversé de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) qui est également au cœur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). La lettre comprenait des partisans éminents du libre-échange qui considéraient les conséquences négatives que le RDIE pose pour notre système juridique comme des motifs primordiaux pour s’opposer au PTP.

Nous vous écrivons pour vous demander instamment de retirer le RDIE de l’ALENA, et de laisser le RDIE en dehors de tout futur accord commercial ou d’investissement.

Le RDIE accorde aux entreprises et aux investisseurs étrangers le droit de contourner les tribunaux nationaux et d’engager des procédures contre des gouvernements souverains devant un tribunal composé de trois avocats du secteur privé. Dans le cadre de ces procédures, les investisseurs étrangers peuvent demander aux contribuables une indemnisation pour les lois, les décisions de justice et les autres actions gouvernementales qui, selon eux, violent des droits mal définis prévus par un accord commercial ou un traité d’investissement. Le bien-fondé de ces décisions n’est pas sujet à un recours en appel, mais est pleinement opposable au gouvernement américain devant les tribunaux américains.

Comme l’a noté le juge en chef John Roberts dans son opinion dissidente dans l’affaire BG Group PLC contre la République d’Argentine, l’arbitrage du RDIE permet de réviser les lois d’une nation et « d’annuler les lois découlant de ses pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ». Les juges d’arbitrage du RDIE, a-t-il poursuivi, « peuvent se réunir littéralement n’importe où dans le monde » et « juger » les « lois souveraines » d’une nation.

Le problème du RDIE n’est pas qu’il permet aux entreprises privées de poursuivre le gouvernement pour des comportements qui nuisent aux intérêts économiques des entreprises. En effet, le droit interne américain reconnaît déjà l’importance d’accorder aux citoyens et aux entités privées (y compris les sociétés étrangères) le pouvoir de poursuivre le gouvernement en justice afin de contribuer à la promotion d’une mise en œuvre efficace de la loi et du respect de la Constitution.

Cependant, par le biais du RDIE, le gouvernement fédéral accorde aux investisseurs étrangers — et aux investisseurs étrangers seuls — la possibilité de contourner le cadre juridique américain, qui est robuste, nuancé et démocratiquement responsable. Les investisseurs étrangers sont en mesure de formuler des questions de droit constitutionnel et administratif sous la forme de revendications de traité et de soumettre ces revendications à un groupe de trois juges étrangers du secteur privé, en contournant les organes administratifs et les tribunaux locaux, étatiques ou fédéraux. Le RDIE sape ainsi les rôles importants de nos institutions nationales et démocratiques, menace la souveraineté nationale et affaiblit l’État de droit.

Au cours des deux derniers siècles, les États-Unis ont établi un cadre juridique qui régit les poursuites contre le gouvernement et les affine continuellement par le biais de processus démocratiques. Il s’agit notamment des règles relatives aux procédures judiciaires et à la preuve, qui visent à garantir l’équité, la légitimité et la fiabilité des procédures. Elles permettent aussi de déterminer qui peut intenter un procès et dans quelles circonstances. Elles visent à trouver un équilibre entre le droit d’intenter un procès et la nécessité de veiller à ce que l’action du gouvernement ne soit pas rendue impossible en raison d’un nombre illimité de litiges. Sur le plan du pouvoir des tribunaux, elles visent à garantir que les juges ne s’immiscent pas de manière excessive dans les décisions politiques légitimes prises par les assemblées législatives élues ou les responsables de l’exécutif. Elles influent sur les recours acceptables, qui sont conçus pour atteindre des objectifs politiques tels que la dissuasion, la sanction et la compensation, et sur l’indépendance et la responsabilité des juges.

Libérées des règles du droit procédural et fondamental américain qui auraient autrement régi leurs procès contre le gouvernement, les sociétés étrangères peuvent obtenir gain de cause dans les réclamations devant les tribunaux de RDIE même lorsque le droit national aurait clairement conduit au rejet de ces réclamations. Les sociétés peuvent même reprendre des procès qu’elles ont déjà perdus devant les tribunaux nationaux. Ce sont les arbitres du RDIE, et non les tribunaux nationaux, qui sont en fin de compte en mesure de déterminer les limites d’une conduite administrative, législative et judiciaire correcte aux États-Unis.

Outre le problème central de l’établissement d’un ensemble parallèle et privilégié de droits et de recours juridiques pour les acteurs économiques étrangers opérant ici, les procédures de RDIE manquent de beaucoup des protections et procédures de base normalement disponibles dans un tribunal. Il n’existe pas de mécanismes permettant aux citoyens ou aux entités nationales concernés par les affaires entendues d’intervenir ou de participer de manière significative aux litiges; il n’existe pas de procédure d’appel et donc aucun moyen de remédier aux erreurs de droit ou de fait commises dans les décisions arbitrales; et il n’y a pas de surveillance ou de responsabilité des avocats privés qui servent comme juges, dont beaucoup alternent entre leur rôle d’arbitre et celui d’avocat intentant des procès pour des entreprises contre des gouvernements.

Actuellement, l’ALENA est le seul accord en vigueur à utiliser le RDIE entre les États-Unis et une grande nation exportatrice de capitaux. Cela signifie que seule une part relativement faible des investissements étrangers directs aux États-Unis — environ 10 % — fait l’objet de réclamations au moyen du RDIE. Pourtant, le RDIE est inclus dans le projet de texte du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement et dans le modèle américain de traité bilatéral d’investissement (TBI), qui est le modèle utilisé dans les négociations entre les États-Unis et la Chine par l’administration précédente. Le Partenariat transatlantique TTIP et le TBI avec la Chine augmenteraient considérablement la part des investissements étrangers directs faisant l’objet de réclamations au moyen du RDIE aux États-Unis — on parle d’une augmentation minimale de 360 %. Bien que nous ayons évité de perdre une réclamation en RDIE jusqu’à présent, nous savons que les tribunaux ont statué contre les États-Unis, ce qui signifie que ce n’est qu’une question de temps avant que nous perdions une affaire, surtout si le concept de RDIE est inclus dans le nouvel ALENA et dans de nouveaux accords.

Les États-Unis ont généralement accepté un arbitrage supranational uniquement dans des cas exceptionnels et après avoir résolu une série de considérations complexes sur l’étendue et la profondeur de l’autorité supranationale sur les politiques intérieures et les recours disponibles pour les parties lésées. L’inclusion du RDIE dans les accords américains en matière de commerce et d’investissement écarte ces préoccupations complexes et menace de diluer les protections constitutionnelles, d’affaiblir le pouvoir judiciaire et d’externaliser notre système juridique national vers un système d’arbitrage privé qui est isolé des contrôles et équilibres essentiels.

Des experts de tous les horizons politiques — de Daniel Ikenson du Cato Institute à Jared Bernstein, économiste en chef de l’ancien vice-président Joe Biden — ont estimé que le RDIE n’était pas nécessaire. Les entreprises américaines qui cherchent à délocaliser leurs investissements vers des lieux qui ne disposent pas de systèmes juridiques nationaux fiables peuvent souscrire une assurance contre les risques ou rechercher des juridictions plus sûres; les questions restantes peuvent être traitées par le biais de la résolution des litiges entre États, comme c’est la norme dans tous les autres domaines du droit économique international. En outre, notent-ils, le fait d’exposer le Trésor américain et notre système juridique aux décisions du RDIE a également l’effet pervers de subventionner la délocalisation vers des pays dont les systèmes juridiques sont plus risqués ou moins développés ou d’y investir en abaissant la prime de risque de la délocalisation des investissements.

Pour ces raisons, nous vous demandons instamment de mettre fin à toute expansion du concept de RDIE — notamment dans le cadre du TBI avec la Chine et du Partenariat transatlantique — et d’éliminer le RDIE des accords commerciaux passés avec les États-Unis, à commencer par l’ALENA.

Nous vous remercions de votre attention.

*L’affiliation organisationnelle de tous les signataires est incluse à des fins d’identification uniquement; les individus ne représentent qu’eux-mêmes, et non les institutions où ils enseignent ou les autres organisations dans lesquelles ils sont actifs.*

Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, Professeur d’université, Université de Columbia

Jeffrey D. Sachs, professeur d’économie, directeur de l’Institut de la Terre de l’Université de Columbia, Université de Columbia

Robert B. Reich, professeur de politique publique du Chancelier, Université de Californie à Berkeley

Pour la liste complète des auteurs, veuillez vous référer à : www8.gsb.columbia.edu/faculty/jstiglitz/sites/jstiglitz/files/2017%20Letter%20to%20Pres.pdf

 

* Gordon Kaiser est arbitre et conseiller auprès de Energy Arbitration Chambers à Toronto et Washington DC. Il a été vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario.

  1. Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d’Amérique, 17 décembre 1992, RT Can 1994 n° 2 (entré en vigueur : 1er janvier 1994) [ALENA].
  2. Accord Canada-États-Unis-Mexique, 30 novembre 2018, RT Can 2020 n° 5 (entré en vigueur : 1er juillet 2020) [ACEUM].
  3. Ibid, article 1102.
  4. Ibid, article 1103.
  5. Ibid, article 1104.
  6. Ibid, article 1105.
  7. Ibid, article 1106.
  8. Ibid, article 1110.
  9. Voir Ibid, au chapitre 31.
  10. Voir Ibid, au chapitre 14, annexe 14-C.
  11. Mobil Investment Canada Inc. and Murphy Oil Corp. c Canada (2015), ARB(AF)/07/4 (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) [Mobil]; Mesa Power Group LLC v Gouvernement du Canada (2016), 2012-17 (Cour permanente d’arbitrage) [Mesa]; Windstream Energy LLC v Gouvernement du Canada (2016), 2013-22 (Cour permanente d’arbitrage) [Windstream]; Mercer International Inc. v Gouvernement du Canada (2018), ARB(AF)12/3 (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) [Mercer].
  12. Lone Pine Resources Inc., « Notice of Arbitration Under the Arbitration Rules of the United Nations Commission on International Trade Law and Chapter Eleven of the North American Free trade Agreement » (6 septembre 2013) au para 14, (ICSID Case No. UNCT/15/2) [Lone Pine Resources]; Westmorland Mining Holdings LLC, « Notice of Arbitration and Statement of Claim Under the Arbitration Rules of the United Nations Commission on International Trade Law and Chapter Eleven of the North American Free trade Agreement » (12 août 2019), (ICSID Case No. UNCT/20/3) [Westmorland Mining]; Tennant Energy LLC, « Notice of Arbitration Under the Arbitration Rules of the United Nations Commission on International Trade Law and Chapter Eleven of the North American Free trade Agreement » (1er juin 2017), (PCA Case No. 2018-54) [Tennant].
  13. Joseph Stiglitz et al., « 230 Law and Economics Professors Urge President Trump to Remove Investor-State Dispute Settlement (ISDS) From NAFTA and Other Pacts » (25 octobre 2017), en ligne (pdf): Columbia University <www8.gsb.columbia.edu/faculty/jstiglitz/sites/jstiglitz/files/2017%20Letter%20to%20Pres.pdf>.
  14. 572 US 25 (2014).
  15. Mobile, supra note 11 au para 1.
  16. Hibernia Management and Development Co. v Canada-Newfoundland Offshore Board, 2008 NLCA 46, confirmant 2017 NLTD 14 [Hibernia].
  17. Mesa, supra note 11 au para 207; Windstream, supra note 11 au para 5.
  18. Mercer, supra note 11 aux para 2.3–2,27, 2,68.
  19. Lone Pine Resources, supra note 12 au para 10.
  20. Westmoreland Mining, supra note 12.
  21. Trans Canada Corporation et Trans Canada Pipelines Limited, « Under the Convention on the Settlement of Investment Disputes Between States and Nationals of Other States and the Institution Rules and Arbitration Rules of the International Centre for Settlement of Investment Disputes and Chapter 11 of the North American Free Trade Agreement – Request for arbitration » (24 juin 2016) aux para 15, 91.
  22. Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corporation, « Request for Arbitration » (1er novembre 2007) aux para 1–4,
  23. Hibernia, supra note 16.
  24. Mobil Investments Canada Inc. and Murphy Oil Corp. v Canada (2012), ARB (AF)/07/4 at 490 (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements).
  25. Mobil, supra note 11 au para 178.
  26. Attorney General of Canada v Mobil et al., 2016 ONSC 790.
  27. Mobil Investments Canada Inc. v Canada (2018), ARB/15/6 (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements).
  28. Ibid au para 100.
  29. Mobil Investments Canada Inc. v Government of Canada (2020), ARB/15/6 au para 20 (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements).
  30. Mesa Power Group LLC, « Notice of Arbitration Under the Arbitration Rules of the United Nations Commission on International Trade Law and the North American Free Trade Agreement » (4 octobre 2011) aux para 6, 72.
  31. Windstream, supra note 11 au para 515.
  32. Ibid au para 380.
  33. Mercer International Inc, « Notice Of Intent To Submit A Claim To Arbitration Under Chapter Eleven And Articles 1503(2) And 1502(3)(A) Of The North American Free Trade Agreement » (26 janvier 2012) au para 91.
  34. Mercer, supra note 11 aux para 2.6–2.7.
  35. Ibid au para 7.53.
  36. Ibid au para 7.40.
  37. Grand River Enterprises Six Nations Ltd v United States of America (2011), UNCITRAL (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements).
  38. Mercer, supra note 11 au para 8.3.
  39. Re An Application by British Columbia Hydro and Power Authority to Amend Section 2.1 of Rate Schedule 3808 (“RS 3808”) Power Purchase Agreement (6 mai 2009), G-48-09, en ligne (pdf) : BCUC <www.bcuc.com/Documents/Proceedings/2011/DOC_27267_A2-3_05-06-09_G-48-09_BCH_Amend%20Section%2021%20RS%203808%20PPA.pdf>.
  40. Lone Pine Resources, « Claimant’s Memorial » (10 April 2015) au para 408, (ICSID Case No. UNCT/15/2).
  41. Lone Pine Resources, supra note 12 au para 14.
  42. Gouvernement du Canada, « Réponse à l’avis d’arbitrage » (27 février 2015) au para 86, (ICSID Case No. UNCT/15/2).
  43. Ibid aux para 16–17.
  44. Trans Canada Corporation et Trans Canada Pipelines Limited, « Request for Arbitration » (24 juin 2016) au para 91.
  45. É-U, The White House, Message from the President of the United States returning without my approval S. 1, The Keystone XL Pipeline Approval Act (S Doc no 114-2) (Washington, DC : US Government Publishing Office).
  46. É-U, The White House, January 24, 2017 Presidential Memorandum Regarding Construction of the Keystone XL Pipeline (Federal Register 82:18) (Washington, DC) à la p 8663.
  47. Westmorland Mining, supra note 12 au para 111.
  48. Ibid au para 13.
  49. Windstream, supra note 11.
  50. Tennant, supra note 12.
  51. Loi de 2009 sur l’énergie verte, LO 2009, c 12, Annexe A.
  52. Trillium Power Wind Corporation v Ontario (Natural Resources), 2013 ONCA 683 [Trillium].
  53. Lorraine (Ville) c 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35 [Lorraine].
  54. LGX Oil + Gas Inc et al. v Attorney General of Canada (3 décembre 2015), Calgary, Alta, ABQB 1401-10147 (Déclaration); Voir aussi LGX Oil + Gas Inc (Receiver of) v Attorney General of Canada (16 mai 2018), Calgary, Alta, ABQB 1501-14562 (Déclaration modifiée) (Les plaignantes sont LGX Oil & Gas Inc., par son mandataire judiciaire et son gérant Ernst & Young Inc.; Ville de Medicine Hat; Lintus Resources Limited; Swade Resources Ltd.; WF Brown Exploration Ltd.; Barnwell of Canada Ltd.; Spyglass Resources Corp. La demande d’indemnisation modifiée a fait passer le montant initial des dommages et intérêts de 60 M$ à 123,6 M$); Voir aussi Ville de Medicine Hat et al. c Procureur général du Canada et al. (3 janvier 2014), Calgary, Alta, FC T-12-14 (S 18,1 Requête en révision judiciaire, LGX Oil and Gas et Ville de Medicine Hat, qui avait des intérêts dans le site de production pétrolière Manyberries touché par l’ordonnance sur le tétras des armoises, a déposé une requête en révision judiciaire et une contestation constitutionnelle de l’ordonnance sur le tétras des armoises devant la Cour fédérale du Canada).
  55. 2006 CSC 5
  56. 2014 CSC 71 [Bhasin].
  57. Greater Vancouver Sewerage and Drainage District v Wastech Services Ltd., 2019 BCCA 66.
  58. CM Callow Inc. v Zollinger, 2018 ONCA 896.
  59. Stephen Burton, «Breach of Contract and Common Law Duty to Perform in Good Faith» (1980) 94 Harv L Rev 369.
  60. Roncarelli v Duplessis, [1959] SCR 121, 16 DLR (2d) 689.
  61. Three Rivers District Council v Bank of England, [2000] UKHL 33.
  62. Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69.
  63. [2006] UKHL 17.
  64. 2008 ONCA 446.
  65. [2004] OJ No 3257; 72 OR (3d) 194.
  66. 2007 SKCA 27.
  67. Voir aussi Georgian Glen Development v Barrie, [2005] OJ No 3765; 13 MPLR (4e) 194 (affaire dans laquelle le tribunal a estimé qu’une municipalité pouvait considéré comme un fonctionnaire public aux fins du délit).
  68. Trillium, supra note 52.
  69. 2019 ONSC 1137.

Laisser un commentaire