L’avenir des services publics du gaz dans un monde à faible émission de carbone : Le premier fonds d’innovation vert administré par un service public au Canada

INTRODUCTION

Les distributeurs de gaz naturel au Canada subissent des pressions croissantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les politiques à tous les niveaux de gouvernement imposent des objectifs ambitieux de réduction des émissions de GES qui appellent directement à une réduction de l’utilisation du gaz naturel. Par exemple, le plan CleanBC prévoit une réduction de 40 % au cours des dix prochaines années et encourage l’électrification[1]. Les municipalités ont également imposé des objectifs de décarbonisation stricts[2]. Si ces politiques constituent une menace existentielle pour les distributeurs de gaz naturel, elles offrent également aux services publics la possibilité d’investir, d’innover et de faire partie de la solution. La capacité à transformer cette menace en une opportunité dépend toutefois du succès des nouvelles technologies et approches innovantes qui permettront à un service de distribution de gaz de s’adapter pour fonctionner dans un monde à faibles émissions de carbone.

Reconnaissant la nécessité d’innover pour répondre aux politiques de décarbonisation, en mars 2019, FortisBC Energy Inc. (FEI) a demandé à la British Columbia Utilities Commission (BCUC) d’approuver un fonds d’innovation pour la croissance propre de 24,5 millions de dollars (ou « Fonds d’innovation ») qui sera financé par les clients et administré par FEI de 2020 à 2024. En juin 2020, la BCUC a approuvé le Fonds d’innovation pour FEI[3]. La décision de la BCUC représente une étape clé pour le financement de l’innovation par les services publics. Bien que les services publics, y compris FEI, aient contribué au financement de l’innovation dans le passé, cela a représenté des montants relativement faibles et a été limité, en grande partie en raison de contraintes législatives et réglementaires. La décision de la BCUC constitue une percée dans l’activité d’innovation financée par les services publics, car l’organisme de réglementation a reconnu la nécessité d’un financement accru de l’innovation (par un service de gaz) et a approuvé un fonds administré par le service public et financé par les clients. La BCUC a conclu : « Dans l’ensemble, le Panel estime que FortisBC a démontré qu’il doit accélérer ses activités d’innovation pour FEI, compte tenu de l’augmentation des politiques climatiques gouvernementales visant la décarbonisation et l’électrification[4] » [traduction].

Le présent article décrira la proposition de FortisBC pour le Fonds d’innovation, les questions soulevées dans la procédure de la BCUC et la décision de la BCUC d’approuver le Fonds d’innovation. Nous conclurons également par un examen des implications potentielles du Fonds d’innovation pour d’autres services publics au Canada.

APERÇU DU FONDS D’INNOVATION DE FORTISBC

FEI et sa société sœur FortisBC Inc. (FBC) (collectivement « FortisBC ») ont déposé une demande conjointe auprès de la BCUC en mars 2019 en vue d’obtenir l’approbation du Fonds d’innovation pour chacune des entreprises de services publics[5]. FEI est un service de distribution de gaz naturel desservant la majeure partie de la Colombie-Britannique, et FBC est un service d’électricité qui dessert les communautés de l’intérieur de la Colombie-Britannique. La demande a été faite dans le cadre des plans tarifaires pluriannuels 2020–2024 de FortisBC (les « PTP »), qui combinent des éléments de tarification basés sur la performance et le coût du service qui, ensemble, fournissent un cadre pour fixer les tarifs de FortisBC sur cinq ans. Le Fonds d’innovation a été proposé dans ce cadre quinquennal.

Les objectifs du Fonds d’innovation, tel qu’il est énoncé par FortisBC, était « d’accélérer le rythme de l’innovation en matière d’énergie propre, de réaliser des percées en matière de performance et de réduction des coûts, et de fournir des solutions rentables, sûres et fiables à nos clients[6] » [traduction]. FortisBC a proposé d’y parvenir en utilisant le Fonds d’innovation pour investir dans des activités d’innovation au niveau pré-commercial et commercial tout au long de la « chaîne de valeur » des services publics, y compris aux niveaux de l’approvisionnement, du transport, de la distribution, et des utilisations finales. Les principes directeurs de FortisBC pour le Fonds comprenaient l’utilisation d’une approche de portefeuille pour diversifier les risques et la mise à profit de partenariats avec d’autres organisations.

FortisBC a désigné des domaines d’investissement qui comprennent le mélange d’hydrogène, le gaz naturel renouvelable, la réduction des émissions fugitives et le captage du carbone (pour le service de gaz) et les véhicules électriques et les bornes de recharge (pour le service d’électricité)[7]. Le Fonds d’innovation a été proposé en vue de soutenir les initiatives qui étaient prêtes pour la recherche de faisabilité, plutôt que la recherche technologique de base. L’objectif était de se concentrer sur des activités dont les bénéfices potentiels étaient relativement plus courts et plus certains, ce qui augmentait la probabilité d’avantages pour les clients.

La taille du Fonds pour l’innovation a été proposée à 24,5 millions de dollars pour FEI et à 2,5 millions de dollars pour FBC sur une période de cinq ans. Ce montant était basé sur un financement annuel de 4,9 millions de dollars pour FEI et de 0,5 million de dollars pour FBC[8]. FortisBC a demandé ce montant sur la base d’une évaluation « ascendante » des activités d’innovation disponibles pour chaque service public à financer.

FortisBC a proposé de percevoir les fonds auprès des clients par le biais d’un avenant à un taux fixe qui s’appliquerait de manière égale à tous les clients (0,40 $/mois pour les clients du gaz de FEI et 0,30 $/mois pour les clients de l’électricité de FBC). FortisBC a également proposé d’enregistrer les montants perçus comme des crédits sur un compte de report du Fonds d’innovation, les dépenses des services publics étant enregistrées comme débits sur le même compte. À la fin de la période de cinq ans, tout solde inutilisé du compte serait restitué aux clients[9].

Pour soutenir le Fonds, FortisBC a présenté son projet de modèle de gouvernance, qui vise à garantir que les fonds sont distribués avec prudence afin de poursuivre les innovations présentant un fort avantage pour le client[10].

FortisBC a proposé un processus par étapes pour évaluer les propositions de projets d’innovation et déterminer le niveau de financement des projets. Les critères de sélection comprenaient le montant du cofinancement obtenu, la réduction estimée des émissions et la réduction des coûts énergétiques.

Comme cadre de responsabilité, FortisBC a proposé de présenter un rapport annuel à la BCUC dans le cadre de son processus annuel de tarification. FortisBC a promis d’établir des jalons de progrès pour chaque initiative et de communiquer des informations qui permettraient à la BCUC et aux clients d’évaluer le succès d’une initiative.

PROCESSUS RÉGLEMENTAIRE ET POSITIONS DES INTERVENANTS

Les PTP proposés par FortisBC, y compris le Fonds d’innovation, ont été examinés par la BCUC dans le cadre d’un processus écrit approfondi. Six intervenants ont participé activement à la procédure, représentant un éventail de groupes de clients et de parties prenantes : le Movement of United Professionals (MoveUP), la BC Sustainable Energy Association et le Sierra Club BC (BCSEA), les British Columbia Municipal Electric Utilities (BCMEU), l’Industrial Customers Group (ICG), la Commercial Energy Consumers Association of British Columbia (CEC) et la British Columbia Old Age Pensioners’ Organization et al. (BCOAPO)[11].

Les intervenants étaient divisés sur la proposition. Dans leurs soumissions écrites, MoveUP (représentant les travailleurs syndiqués de FortisBC) et la BCSEA (un groupe de défense de l’environnement) ont exprimé leur soutien à l’approbation du Fonds. La CEC (représentant les clients commerciaux) a également soutenu l’approbation du Fonds, bien que sous certaines conditions, notamment en ce qui concerne l’analyse coûts-avantages des initiatives d’innovation. L’ICG (représentant les clients industriels de FBC) et la BCOAPO (représentant les clients à faible revenu ou à revenu fixe) ont contesté la nécessité du Fonds d’innovation, la compétence de la BCUC pour l’approuver et d’autres aspects de la proposition de FortisBC. Les BCMEU n’ont pas pris position.

Bien qu’elles ne soient pas des intervenants actifs, diverses organisations, dont l’Institut Pembina, l’Université de Victoria, Fort Capital Partners et Foresight, ont déposé des lettres de soutien pour le Fonds d’innovation de FortisBC.

QUESTIONS ET DÉTERMINATIONS DE LA BCUC

Les demandes d’information (DI) et les exposés dans le cadre de la procédure ont permis d’examiner une série de questions liées au Fonds d’innovation, notamment sa nécessité, l’avantage pour les clients, la compétence de la BCUC, la pertinence d’une redevance fixe et la question de savoir si le financement d’une activité devrait être soumis à l’approbation de la BCUC. Ces questions et les décisions de la BCUC sont examinées ci-dessous.

Nécessité du Fonds pour l’innovation

Une question fondamentale de la procédure concernait la nécessité du Fonds d’innovation. La position de FortisBC était que le Fonds d’innovation était nécessaire « pour poursuivre l’innovation et l’adoption de nouvelles technologies afin d’aider à atténuer les risques liés à la demande induite par les politiques et à gérer de manière proactive les impacts des tarifs, tout en soutenant les réductions d’émissions de GES et en aidant les clients à atteindre leurs objectifs en matière d’énergie et d’émissions[12] » [traduction].

La preuve essentielle pour FortisBC a été l’orientation politique de tous les échelons de gouvernement vers la décarbonisation et les attentes des clients, notamment :

  1. L’engagement du Canada à réduire les émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et de 80 % d’ici 2050[13].
  2. Le renouvellement par la Colombie-Britannique de ses objectifs de réduction des émissions de GES en 2018 en légiférant une réduction de 40 % d’ici 2030, de 60 % d’ici 2040 et de 80 % d’ici 2050.
  3. La déclaration d’urgences climatiques par les administrations municipales et les régions du Canada et de la Colombie-Britannique, y compris la ville de Vancouver, et leur adoption de politiques et d’objectifs de décarbonisation[14].

FortisBC a fait valoir à la BCUC que les gouvernements fédéral et provincial comptaient sur l’innovation pour atteindre leurs objectifs climatiques. FortisBC a affirmé qu’au niveau fédéral, plus d’un quart des réductions de GES (79 Mt) requises pour atteindre les objectifs du Canada pour 2030 devaient être réalisées grâce à une combinaison d’innovation et de politiques provinciales supplémentaires. Au niveau provincial, l’objectif du plan CleanBC de 15 % de gaz renouvelable devrait permettre d’atteindre 75 % des réductions totales d’émissions recherchées dans le secteur du bâtiment. FortisBC a fait remarquer que cet objectif fait de l’approvisionnement en gaz renouvelable de FortisBC et de l’infrastructure de production et de distribution associée des éléments centraux de la stratégie provinciale de réduction des émissions de GES. Selon FortisBC, l’atteinte de l’objectif de la province exige que FortisBC fasse rapidement progresser l’innovation et développe de nouvelles sources de gaz renouvelable dans le cadre de la réglementation et des politiques de soutien élaborées par la BCUC et la province[15].

Les preuves de FortisBC sur la politique gouvernementale n’ont pas été contredites et se sont avérées convaincantes. La BCUC a conclu :

[Traduction]

Dans l’ensemble, le groupe d’experts estime que FortisBC a démontré qu’il doit accélérer ses activités d’innovation pour FEI compte tenu des politiques climatiques gouvernementales croissantes visant la décarbonisation et l’électrification.

… FEI doit intensifier ses efforts d’innovation afin d’atteindre les objectifs ambitieux concernant le gaz renouvelable décrits dans le plan CleanBC. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’accent mis sur la décarbonisation et l’électrification augmente le profil de risque de FEI en tant que société gazière. Des efforts d’innovation accrus sont nécessaires au sein de FEI si l’on veut que le gaz naturel reste un combustible viable à long terme à la lumière de ces objectifs climatiques. FEI a expliqué que les lacunes existantes dans son financement de l’innovation demeurent non comblées, ce que son Fonds d’innovation est censé faire[16].

La BCUC a également convenu avec FortisBC que les solutions de rechange existantes pour l’innovation (y compris le fonds Gaz naturel financement innovation (GNFI)[17] et le programme de gestion de la demande de FortisBC) laissaient des lacunes importantes :

[Traduction]

Le Panel note que FortisBC s’est engagé dans des initiatives d’innovation depuis 2007 et a l’intention de continuer à poursuivre l’innovation en vue de s’adapter aux initiatives climatiques même en l’absence d’un fonds d’innovation approuvé. Toutefois, la portée limitée des activités d’innovation actuelles de FEI signifie que ce dernier n’est pas en mesure de suivre le rythme des objectifs ambitieux en matière de gaz renouvelable fixés dans le plan CleanBC. Dans ces circonstances, le Panel estime qu’un financement supplémentaire de FEI pour la poursuite de ces initiatives est justifié et nécessaire[18].

Toutefois, la BCUC a estimé que le cas du financement de l’innovation n’était pas convaincant dans le contexte d’un service public d’électricité et a rejeté le Fonds d’innovation pour FBC :

[Traduction]

FBC n’a pas plaidé en faveur d’un financement supplémentaire des contribuables pour l’innovation. Le Panel est d’accord avec l’ICG pour dire que si le cas peut être convaincant pour FEI, il n’en va pas de même pour FBC. La décarbonisation en tant qu’objectif climatique affecte principalement, voire exclusivement, les activités de la société gazière (FEI), qui s’efforce de réduire, voire d’éliminer, la dépendance à l’égard des sources de combustible émettant des GES, comme le gaz naturel. La décarbonisation est un objectif qui peut faire baisser la demande en gaz naturel des consommateurs, augmentant ainsi un risque pour la société gazière et sa viabilité financière à long terme. En revanche, l’électrification est potentiellement bénéfique pour le service public d’électricité (FBC) en faisant augmenter la demande des clients en énergie alimentée par de l’hydroélectricité propre. Ainsi, les politiques d’électrification et de décarbonisation peuvent servir à réduire le profil de risque de FBC. En revanche, des efforts d’innovation plus importants sont nécessaires au sein de FEI si le gaz naturel doit rester un combustible viable à court et à long terme compte tenu des objectifs climatiques actuels…[19].

Ces conclusions montrent clairement que la BCUC a trouvé l’orientation de la politique (qui pose un risque existentiel direct pour la société de gaz naturel) persuasive. Comme la politique du gouvernement ne posait pas un tel risque pour la compagnie d’électricité, la BCUC n’a pas pu approuver le Fonds pour FBC.

Avantages du Fonds pour l’innovation et qui doit en assumer le coût

Une deuxième question clé était de savoir si FortisBC a fait valoir que les clients bénéficieraient du Fonds d’innovation de telle sorte qu’il serait raisonnable que les clients en assument les coûts.

La position de FortisBC était que le Fonds d’innovation apporterait « un avantage direct aux clients en améliorant la façon dont ils utilisent les produits énergétiques de FortisBC et en bénéficient et en accélérant le rythme des innovations en matière d’énergie propre[20] » [traduction]. FortisBC a fait valoir que la priorité accordée au rôle de l’innovation faisait partie de son activité principale et que les investissements viseraient à « accroître la rentabilité, la sécurité et la fiabilité globales des solutions que FortisBC offre à ses clients[21] » [traduction].

Toutefois, il est intrinsèquement difficile de démontrer que l’investissement dans l’innovation a des avantages, car les technologies sont par définition nouvelles et comportent toujours un certain risque.

Pour surmonter ce défi, FortisBC a démontré que d’autres secteurs de compétence (avec des programmes structurés de manière similaire) avaient tiré profit d’avantages mesurables[22]. Par exemple, une évaluation indépendante d’un Low Carbon Networks Fund par l’Office of Gas and Electricity Markets (Ofgem) a révélé que le Fonds « encourageait [les services publics] à inclure l’innovation comme activité principale » avec « des bénéfices actuels estimés à environ un tiers du coût total de financement » et « le bénéfice net futur… est significatif et est estimé entre 4,5 et 6,5 fois le coût de financement du système[23] » [traduction]. FortisBC a fait valoir que le Fonds d’innovation était structuré de la même manière que d’autres fonds d’innovation et qu’il devrait donc être en mesure d’offrir des avantages similaires.

FortisBC a également fait valoir une vue d’ensemble, en invoquant l’argument suivant :

[Traduction]

Il est dans le meilleur intérêt des clients, des services publics et de la société que les services publics poursuivent des projets qui répondent aux questions stratégiques et émergentes ainsi qu’aux besoins des clients et qui assurent le maintien de la santé à long terme des services publics. À cet égard, les intérêts de FortisBC sont alignés sur ceux de ses clients. Les clients, qui consomment quotidiennement les produits et services énergétiques de la société, bénéficient directement des avantages de l’innovation. Les actionnaires en bénéficieront indirectement, à long terme, puisque les services publics restent viables et continuent de prospérer, ce qui leur permet d’obtenir un juste rendement du capital investi[24].

En fin de compte, la BCUC a déterminé qu’il était raisonnable que les clients supportent le coût du Fonds d’innovation, car les bénéfices reviendront aux clients « en garantissant des solutions gazières rentables, sûres et fiables à court et à long terme » [traduction]. La BCUC a déterminé que les avantages seraient les suivants :

  • Améliorer les inspections des gazoducs et réduire les coûts d’inspection;
  • Fournir des sources d’énergie plus propres et plus abordables;
  • Atténuer le risque de futures augmentations des tarifs;
  • Assurer la viabilité à long terme de la société gazière en réduisant le risque d’immobilisation des actifs grâce au développement de nouvelles technologies[25].

La BCUC a conclu : « On devrait raisonnablement s’attendre à ce que les contribuables financent les activités d’innovation qui sont conçues pour leur procurer des avantages[26] » [traduction].

COMPÉTENCE POUR L’APPROBATION

Le groupe de clients industriels de FBC, l’ICG, a remis en question la compétence du BCUC pour approuver le Fonds d’innovation. Cependant, la BCUC s’est finalement rangée du côté de FortisBC, estimant qu’elle pouvait approuver l’avenant de taux fixe comme un taux juste et raisonnable en vertu de l’Utilities Commission Act (UCA) :

[Traduction]

Quant à savoir si le Fonds d’innovation et l’avenant de taux fixe équivalent à des taux justes et raisonnables au sens des articles 59 et 60 de l’UCA, le Panel note que l’article 60(1)(b.1) de l’UCA donne à la BCUC le pouvoir discrétionnaire « d’utiliser tout mécanisme, formule ou autre méthode de fixation du taux qu’elle juge utile ». Un avenant de taux fixe est un de ces mécanismes…

Le Panel est en désaccord avec le point de vue de l’ICG selon lequel le Fonds d’innovation enfreint les principes du coût du service. Comme indiqué, FEI a déjà mis en place un autre fonds d’innovation, le GNFI national, qui traite des activités d’innovation dans le domaine du gaz. Le Fonds d’innovation n’est qu’une itération plus large de ce fonds, bien qu’il soit financé par les contribuables dans le cadre des PTP proposés. Le Panel convient en outre qu’il n’y a rien de mal en soi à prévoir les coûts susceptibles d’être encourus par ce fonds pendant la durée des PTP proposés, en utilisant une approche ascendante basée sur les propositions actuelles comme estimation raisonnable des dépenses prévues. Le Panel note également que toute somme non dépensée dans le Fonds d’innovation à la fin de la période de validité de la proposition de PTP sera remboursée aux contribuables. En bref, les coûts du Fonds d’innovation seront limités au montant des dépenses réelles[27].

Modèle de gouvernance et cadre de responsabilisation

Les intervenants ont également contesté le modèle de gouvernance et le cadre de responsabilité de FEI. La BCOAPO a fait valoir que tous les projets d’innovation devraient être approuvés chaque année par la BCUC. La CEC a fait valoir qu’il devrait y avoir une analyse coûts-avantages à l’appui de tous les investissements. En réponse, FortisBC a fait valoir qu’un processus d’approbation annuel ne serait pas possible et que, bien qu’il prenne en compte les avantages de chaque initiative, la nature des investissements ne se prêtait pas au type de simple analyse coûts-avantages demandée par la CEC. La BCUC n’a pas contesté le modèle de gouvernance de FortisBC, se satisfaisant des preuves à savoir que la proposition de FortisBC était conforme aux meilleures pratiques dans d’autres secteurs de compétence :

[Traduction]

En ce qui concerne la structure de gouvernance et le cadre de responsabilité proposés pour le Fonds d’innovation, le Panel n’y voit aucun problème. La structure de gouvernance semble concorder avec celle utilisée pour des fonds similaires dans d’autres secteurs de compétence et refléter les meilleures pratiques acceptées. De même, le Panel ne considère pas qu’il soit nécessaire que FEI demande l’approbation annuelle de projets spécifiques avant leur lancement. Le Panel convient qu’un tel processus d’approbation serait source d’incertitude, de retard dans la mise en œuvre des projets et d’occasions manquées qui iraient à l’encontre de l’objectif du Fonds. Nous sommes convaincus que le processus d’examen annuel offre suffisamment de possibilités à la BCUC et aux intervenants de recevoir et d’examiner les rapports d’avancement des projets individuels et de surveiller le fonctionnement du Fonds[28].

Frais fixes par rapport aux frais variables

La BCUC a également approuvé l’approche de FortisBC en matière de frais fixes, rejetant l’argument de la BCOAPO qui préconisait une approche volumétrique, vraisemblablement pour imposer davantage de coûts aux clients à volumes plus élevés. FortisBC a préféré un taux fixe par client, en se basant sur le fait que les coûts des activités du Fonds d’innovation étaient passablement fixes et ne varieraient pas en fonction du volume, et que la réduction des émissions de GES résultant d’une recherche et d’un développement réussis profiterait à tous les clients. La BCUC a donné son accord[29].

IMPLICATIONS ET CONCLUSION

L’approbation du Fonds d’innovation par la BCUC pourrait signaler une volonté croissante de la part des organismes de réglementation de reconnaître les défis importants auxquels sont confrontés les services de gaz naturel au Canada et le besoin urgent d’innovation pour répondre aux politiques climatiques. Cela pourrait inciter d’autres services publics à demander des fonds similaires.

Étant donné la marée montante de politiques énergétiques visant la décarbonisation, on peut s’attendre à ce que d’autres services publics suivent l’approche de FortisBC en développant leurs propres fonds d’innovation qui répondent aux défis et aux objectifs politiques particuliers de leur secteur. Le Fonds d’innovation de FortisBC fournit un modèle pour de tels fonds, et la décision de la BCUC constitue un précédent pour soutenir ces fonds. À mesure que FortisBC acquerra de l’expérience avec les projets de son Fonds d’innovation, les avantages des investissements dans l’innovation seront probablement prouvés, ce qui assurera un soutien supplémentaire pour un financement accru.

Avant l’approbation du Fonds d’innovation, les investissements des sociétés gazières dans l’innovation étaient principalement concentrés dans le fonds GNFI (créé par l’Association canadienne du gaz). Ces dernières années, FEI a contribué au GNFI à hauteur d’environ 400 000 dollars par an. Avec l’approbation du Fonds d’innovation, le financement de FEI pour l’innovation a été multiplié par plus de dix, pour atteindre environ 5 millions de dollars par an. Si des changements de financement de cette ampleur sont reproduits dans d’autres services publics au Canada, le rythme de l’innovation en matière de croissance propre pourrait être radicalement transformé. Cette innovation est essentielle pour atteindre les objectifs du gouvernement en matière de réduction des émissions en proposant aux clients de nouveaux services énergétiques innovants à faible teneur en carbone par le biais des actifs gaziers existants au Canada.

Bien que de nombreuses entreprises de services publics financent le GNFI, avant la décision de la BCUC, elles avaient du mal à trouver une décision de l’organisme de réglementation déterminant que ce financement était nécessaire et qu’il profiterait aux contribuables, encore moins qu’il devrait être accru. La décision de la BCUC fournit un exemple clair d’un organisme de réglementation économique approuvant explicitement et ouvertement la nécessité d’investissements dans l’innovation financés par les contribuables. Cela pourrait ouvrir la porte à des décisions similaires de la part d’autres organismes de réglementation afin d’accroître les investissements dans ce domaine nécessaire.

De plus, si le financement de l’innovation devient plus courant, les services publics pourront adopter leurs propres objectifs de réduction des émissions. Un exemple récent est l’objectif 30BY30 de FortisBC, qui vise à réduire les émissions de ses clients de 30 % d’ici 2030. Si les perspectives d’innovation deviennent plus prometteuses, les services publics peuvent se montrer plus audacieux en ciblant des réductions plus agressives qui reposent sur l’innovation, comme de nouvelles sources d’approvisionnement, de nouvelles méthodes de réduction des émissions fugitives ou des solutions réalisables de captage du carbone.

Comme l’a reconnu la BCUC, un des principaux avantages de l’investissement dans l’innovation est un moyen d’assurer la viabilité à long terme d’une société gazière en réduisant le risque d’immobilisation des actifs grâce au développement de nouvelles technologies. Par exemple, grâce à l’innovation, il est possible d’augmenter le nombre de sources de gaz naturel renouvelable et de faire accepter le mélange d’hydrogène dans l’approvisionnement au Canada comme une option sûre, fiable et économique. Ce type d’innovation pourrait considérablement « verdir » le contenu de l’approvisionnement pour les clients, en réduisant les émissions et en permettant la viabilité à long terme des services de gaz naturel dans un monde à faibles émissions de carbone.

*Christopher Bystrom est associé chez Fasken Martineau DuMoulin LLP et a comparu en tant qu’avocat de FortisBC dans le cadre de cette demande.

Madison Grist est avocate chez Fasken Martineau DuMoulin LLP et a comparu en tant qu’avocate de FortisBC dans le cadre de cette demande.

  1. Voir par ex CleanBC, « CleanBC Plan » (2019) aux pp 43, 52, en ligne (pdf) : <blog.gov.bc.ca/app/uploads/sites/436/2019/02/CleanBC_Full_Report_Updated_Mar2019.pdf> (le plan CleanBC appel à un accroissement de l’électrification des immeubles par le remplacement de combustible qui passe des appareils au gaz naturel aux thermopompes électriques).
  2. Par exemple, la Ville de Vancouver et d’autres municipalités ont déclaré des urgences climatiques et adopté des objectifs de décarbonisation (voir par ex City of Vancouver, « Climate Emergency Response » (16 avril 2019), en ligne (pdf) : <council.vancouver.ca/20190424/documents/cfsc1.pdf>).
  3. Re FortisBC Energy Inc. and FortisBC Inc. Application for Approval of a Multi-Year Rate Plan for the years 2020 through 2024 (22 juin 2020), G-165-20 & G-166-20, en ligne (pdf) : BCUC <www.bcuc.com/Documents/Decisions/2020/DOC_58466_2020-06-22-FortisBC-MRP-2020-2024-Decision.pdf> [BCUC Decision].
  4. Ibid à la p 154.
  5. FortisBC Energy Inc. et FortisBC Inc., « Application for Approval of a Multi-Year Rate Plan for 2020 through 2024 » (11 mars 2019), en ligne (pdf) : BCUC <www.bcuc.com/Documents/Proceedings/2019/DOC_53564_B-1-FortisBC-2020-2024-Multi-YearRatePlan-Application.pdf> [FortisBC Application] (Tous les documents déposés dans le cadre de la procédure sont disponibles sur le site Web de la BCUC à : www.bcuc.com/ApplicationView.aspx?ApplicationId=667).
  6. Ibid à la p C-142.
  7. FortisBC Energy Inc. et FortisBC Inc., « Application for Approval of a Multi-Year Rate Plan for 2020 through 2024 – Appendices » (11 mars 2019), Appendix C6-4, en ligne (pdf ) : BCUC <www.bcuc.com/Documents/Proceedings/2019/DOC_53565_B-1-1-FortisBC-2020-2024-Multi-YearRatePlan-Appendices.pdf> [FortisBC Appendices] (FortisBC a fourni des détails des principales activités d’innovation appelées à être financées).
  8. FortisBC Application, supra note 5 à la p C-120.
  9. Ibid aux pp C-120–C-121.
  10. BCUC Decision, supra note 3 aux pp 146–47 (la section 5.2 résume les principaux éléments de la structure de gouvernance, ce qui comprend un comité directeur de gestion et un groupe de travail sur l’innovation (composé de personnel de services publics) ainsi qu’un conseil consultatif externe (composé de parties prenantes externes choisies parmi les intervenants)).
  11. Ibid à la p 4.
  12. FortisBC Energy Inc. et FortisBC Inc., « Final Submission » (10 janvier 2020) au para 507, en ligne (pdf) : BCUC <www.bcuc.com/Documents/Arguments/2020/DOC_56783_2020-01-10-FortisBC-Final-Argument.pdf> [FortisBC Final Submission].
  13. Nous soulignons qu’après le dépôt de la preuve, le gouvernement fédéral a rehaussé son engagement de prévoir des émissions nettes zéro d’ici 2050.
  14. FortisBC Final Submission, supra note 12 au para 508.
  15. Ibid aux para 509–10.
  16. BCUC Decision, supra note 3 aux pp 154–55.
  17. Le GNFI a été créé par l’Association canadienne du gaz.
  18. BCUC Decision, supra note 3 à la p 155.
  19. Ibid à la p 154.
  20. FortisBC Final Submission, supra note 12 au para 548.
  21. Ibid.
  22. Cette preuve comprenait :
    1. Un rapport préparé par Ron Edelstein intitulé « History of U.S. Natural Gas RD&D », qui a conclu qu’au cours d’une période de 40 ans d’activités de la Gas Research Institute aux États-Unis, les avantages pour les consommateurs de gaz ont rapporté plus de quatre fois ce que la R et D a coûté;
    2. Un examen de l’innovation financée par les clients dans d’autres secteurs menée par Concentric Energy Advisors et intitulé « Regulator Rationale for Ratepayer Funded Electricity and Natural Gas Innovation »;
    3. Des études de cas du RIIO Framework du Royaume-Uni, du Millennium Fund de l’État de New York et du Low Carbon Initiative Fund de l’Ontario.

    (Voir FortisBC Appendices, supra note 7, Appendices C6-1 et C6-2).

  23. Pöyry, « An independent evaluation of the LCNF – A report to Ofgem » (octobre 2016) à la p 2, en ligne (pdf) : Ofgem <www.ofgem.gov.uk/system/files/docs/2016/11/evaluation_of_the_lcnf_0.pdf>.
  24. FortisBC Final Submission, supra note 12 au para 524.
  25. BCUC Decision, supra note 3 aux pp 155–56.
  26. Ibid à la p 156.
  27. Ibid.
  28. Ibid.
  29. Ibid.

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