Système en crise : la prise de décisions en matière d’énergie au Canada et la réforme éclairée nécessaire

Introduction : l’avenir de l’énergie du Canada

De nombreux facteurs détermineront l’avenir de l’énergie du Canada au cours des prochaines décennies. La tarification du carbone et les engagements en matière de climat, l’évolution constante des marchés énergétiques internationaux, les avancées technologiques potentiellement radicales allant de l’électricité, aux véhicules et à la production d’hydrocarbures ainsi que la restructuration du réseau électrique se démarquent. Un autre enjeu arrive presque en tête de liste — un enjeu étroitement lié à tous les autres — la question de la confiance du public à l’égard du processus décisionnel en matière d’énergie.

La question de la confiance du public ne date pas d’hier, mais elle a beaucoup évolué au fil des décennies, notamment en passant du « pas dans ma cour » condescendant et péjoratif à l’acceptation sociale étrangement antidémocratique (ou du moins l’antidémocratie représentative). Le terme « confiance public » est utilisé ici volontairement pour éviter les notions inutiles sous-entendues par les deux autres termes. En outre, l’attention est passée de la notion que la responsabilité première de répondre aux préoccupations du public incombe aux promoteurs de projets à l’idée qu’une plus grande part de la responsabilité incombe aux autorités publiques.

En 2015, l’Université d’Ottawa a lancé le projet intitulé « Énergie positive » (EP) dont le mandat consiste à renforcer la confiance du public à l’égard des politiques, de la règlementation et du processus décisionnel en matière d’énergie au moyen d’une recherche et d’une analyse fondée sur des données probantes, d’une mobilisation et de recommandations de mesures. Le texte qui suit présente un aperçu des principales activités menées dans le cadre du projet Énergie positive et des résultats des études menées au cours des trois dernières années. Il s’inspire d’un vaste corpus de rapports de recherche, d’études et de processus de mobilisation, présentés tout au long de l’article, et jette les fondements d’une série d’articles sur la confiance du public dans la prise de décisions en matière d’énergie, qui sera publiée dans les prochains numéros de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie. Le premier article est forcément un résumé de haut niveau. On invite les lecteurs qui souhaitent obtenir d’autres détails à consulter les documents de base et à rester à l’affût des prochains articles qui exploreront plus en détail bon nombre d’enjeux abordés ci-après.

L’approche du projet Énergie positive comporte plusieurs caractéristiques. Elle est axée sur les solutions, est empirique, pragmatique et appliquée. Les activités de recherche ont été entreprises par des chercheurs éminents (notamment des chercheurs reconnus et une liste croissante d’étudiants de cycles supérieurs et du premier cycle1) au Canada et aux États-Unis, qui travaillent en étroite collaboration avec les spécialistes de l’énergie — des dirigeants de sociétés énergétiques, d’organisations non gouvernementales (qu’il s’agisse d’organisations non gouvernementales de l’environnement [ONGE], d’associations commerciales ou de groupes de réflexion), d’organisations autochtones, de municipalités ainsi que d’organismes gouvernementaux chargés des politiques et de la règlementation.

Le principe directeur d’EP a été que l’on peut aller au-delà du raisonnement simpliste et de la polarisation derrière des termes tels que « pas dans ma cour » et « acceptation sociale » avec un engagement à l’égard des faits et une collaboration entre toutes les parties. Les travaux sont marqués par une vaste mobilisation de critiques extérieures et d’analystes de tous les secteurs, appuyés par des ateliers axés sur la pratique et des mesures de sensibilisation. Ces ateliers visent un approfondissement de la compréhension collective de la source et de la nature des difficultés liées à la confiance du public. Et surtout, on cherche des manières de les aborder et, finalement, à contribuer aux mesures visant à atteindre un consensus sur les réformes souhaitées aux systèmes de prises de décisions en matière d’énergie au Canada. Il s’agit assurément d’un défi de taille. Trouver des solutions que l’on peut appliquer au monde réel de la politique, des réalités administratives, des préoccupations des investisseurs et des perceptions souvent ignorées des collectivités et des citoyens est une tout autre histoire.

Dans cette optique, le projet, parti de zéro, visait d’abord à mieux faire comprendre les réponses des collectivités canadiennes aux propositions de projets énergétiques de toutes sortes. Ces travaux, entrepris en partenariat avec la Canada West Foundation et présentés en série d’études de cas, sont à la fois qualitatifs et — lorsque le nombre de participants était suffisant pour effectuer une étude statistiquement valide — quantitatifs. À partir des commentaires découlant de l’étude et d’une connaissance approfondie des écrits dans ce domaine (dont la majeure partie est axée sur les pratiques des promoteurs plutôt que celles des autorités politiques et règlementaires), des courants de pensée ont été dégagés. Ces courants sont orientés par plusieurs thèmes ou principes fondamentaux, qui mènent tous vers des idées pratiques de plus en plus abondantes.

Des thèmes principaux recensés, plusieurs ressortent. Il faut surtout rappeler que le rôle des autorités publiques pour gagner la confiance du public et la confiance des investisseurs a été négligé, mais il sera un élément central du succès ou de l’échec à venir du développement énergétique au Canada, y compris le développement de l’énergie renouvelable. Ensuite, il ne s’agit pas seulement des organismes de règlementation, mais plutôt de l’ensemble du système de prise de décisions en matière d’énergie, de la politique jusqu’à la règlementation, en passant par la planification. Il s’agit d’un système, et le fait d’en réformer une partie et d’en ignorer d’autres peut purement renforcer les problèmes. Par ailleurs, les études de cas dans les collectivités ont révélé que le système n’est pas « brisé », mais qu’il doit subir une réforme, quoique parfois une vaste réforme. Il existe de nombreux exemples au Canada d’organismes et d’approches dont les lacunes requièrent une attention immédiate, mais les bonnes approches efficaces sont généralement méconnues du public parce qu’elles n’entraînent pas la controverse. Enfin, pour être efficace, la réforme doit être entreprise en s’appuyant sur de bonnes connaissances, la reconnaissance des besoins des divers acteurs, des limites et des possibilités ainsi que les réalités des systèmes d’énergie physique et de marché de l’énergie. C’est ce que l’équipe d’Énergie positive appelle une « réforme éclairée ».

Le monde entourant le processus de décision en matière d’énergie

La question de la confiance du public est centrée sur le processus de décision en matière d’énergie ou du moins sur les éléments de celui-ci, qui relèvent des autorités publiques (principalement fédérales, provinciales et territoriales). Bon nombre des débats récents se sont concentrés sur les organismes de règlementation, notamment l’Office national de l’énergie (ONE), mais accordaient peu d’attention à ce que l’on pourrait appeler le processus en amont, les éléments dont les décisions précèdent les projets et leurs promoteurs. Il s’agit de la politique au sens large et de la planification, un élément de la politique, mais dont l’objectif et les mécanismes sont distincts, sous-développé au Canada et probablement l’un des éléments les plus importants et les plus complexes du casse-tête.

Ce processus et ses éléments s’inscrivent dans une culture politique, économique et sociale beaucoup plus vaste, dont la majeure partie dépasse largement la portée des mesures de réforme du processus de décision en matière d’énergie, mais qui revêt une importance cruciale si l’on vise une réforme éclairée. On pourrait peut-être mieux comprendre cette culture au moyen d’une métaphore zoologique étendue de chevaux (changement social et des valeurs), d’éléphants (lacunes dans les politiques touchant la confiance du public à l’égard des organismes de règlementation et du développement énergétique) et de canards assoupis (les processus de décision en matière d’énergie, notamment les organismes de règlementation)2.

Commencez avec les chevaux qui ont quitté l’écurie. L’enjeu de la confiance du public illustre les vastes changements sociaux et de valeurs observés après la période de la Seconde Guerre mondiale, qui touchent toutes les sphères de l’économie et de la société. Ils font partie de la réalité des responsables des décisions en matière d’énergie, et personne n’a le contrôle sur ces changements. La perte de respect de l’autorité est un phénomène qui dure depuis des décennies, qui rend les citoyens et les collectivités beaucoup moins disposés à se faire dicter leurs comportements. Ce phénomène a été accompagné d’une perte correspondante de la confiance à l’égard des autorités et des experts de toutes sortes. La fragmentation sociale est peut-être un phénomène plus récent, certainement un phénomène dont l’importance a explosé dans un monde de populisme et de « localisme » (à diverses échelles allant du nationalisme aux quartiers individuels), qui rend les notions d’intérêt public à grande échelle de plus en plus plus difficiles à accepter. De même, les citoyens et les collectivités ont pris l’habitude d’insister pour faire partie des décisions publiques qui les touchent. Parallèlement, on a observé une baisse marquée de la tolérance individuelle au risque, ce qui illustre peut-être le changement de valeurs (par exemple les cultures communautaires traditionnelles contre le développement économique moderne), mais combinée à une tendance grandissante chez les personnes de percevoir les risques d’une manière qui diffère — parfois beaucoup — des perspectives des experts. À tout cela s’ajoute le nouveau monde des réseaux sociaux, capable autant d’habiliter les démunis et de donner accès à l’information que de présenter de l’information erronée et d’exagérer les risques.

Tout cela est évident, mais on ne le comprend pas toujours bien. Une chose est certaine, les chevaux ont quitté l’écurie. Aucun retour en arrière possible sur le plan des changements sociaux et de valeurs.

En même temps, touchant plus précisément l’énergie, il y a beaucoup d’éléphants dans la pièce, soit les enjeux politiques à grande échelle à l’égard desquels les responsables des politiques sont à la traîne. Les premiers enjeux, et les plus évidents, sont le changement climatique et le carbone. Dans les décisions relatives aux projets énergétiques, le gouffre immense entre les aspirations et les déclarations du gouvernement sur la gestion du carbone et l’application de politiques pratiques et le suivi laissent la place à une opposition pour des raisons politiques, plutôt qu’en raison des projets, les citoyens confus et encore plus méfiants, et les investisseurs plus prudents que jamais. Un enjeu tout aussi important, peut-être encore moins à la veille d’être réglé, est la réconciliation avec les citoyens autochtones, où l’histoire fait planer une ombre immense de méfiance, de promesses brisées ainsi que de discrimination et d’abus systémiques. Les relations du Canada avec les citoyens autochtones, dans le domaine de l’énergie, ne se résument pas aux projets énergétiques individuels, mais les projets et les processus de décision associés se trouvent au centre de ces débats et enjeux beaucoup plus importants. Il s’agit notamment des attentes des collectivités autochtones à l’égard du progrès social et économique, associées au désir de prendre les décisions qui les touchent, ou du moins de participer à la prise de décisions, et ce, dans un contexte légal à la fois habilitant et ambigu sur le plan des conséquences. Enfin, on trouve la question complexe, plus diffuse mais non moins importante, de déterminer la meilleure manière de gérer les effets combinés de toutes sortes de projets dans une région ou une collectivité donnée. Il s’agit d’une question qui émerge de nombreuses études de cas examinées dans les recherches menées dans les collectivités, présentées précédemment et décrites ci-après, chose que les promoteurs individuels de projets et les responsables des processus d’approbations règlementaires ne peuvent régler eux-mêmes, pas moins que les lacunes dans les politiques et la réconciliation autochtone.

Dans le contexte des chevaux qui ont quitté l’écurie et des éléphants dans la pièce, les processus décisionnels en matière d’énergie, et les organismes de règlementation de l’énergie en particulier, sont des canards assoupis, la cible d’une opposition, d’une critique et d’une polarisation importantes. Il n’y a plus rien à dire à ce sujet, mais il reste beaucoup à faire, comme il est établi ci-dessous.

Pour conclure cette courte analyse du monde qui entoure la prise de décisions en énergie, force est d’aborder rapidement un sujet connexe ignoré dans la plupart des débats publics. Il s’agit de la pénible vérité que les sociétés complexes incarnent une myriade de contradictions et de tensions. Ces tensions qui font toutes parties de la vie moderne des sociétés démocratiques en particulier touchent manifestement toutes les décisions, y compris celles visant l’énergie et les projets énergétiques.

Il est cliché de caractériser l’énergie comme étant une histoire à long terme, mais c’est le cas, et les décisions comportant des conséquences à long terme représentent un enjeu croissant dans un monde de plus en plus dominé par des contraintes de vision à court terme et les demandes de la politique électorale. Les problèmes de gestion d’une grande complexité ne concordent pas facilement avec un monde abêti où la simplicité constitue le parangon et les revendications de complexité servent à laisser entendre l’aveuglement de l’élite. Une autre tension inhérente est le fait que les intérêts sociaux à grande échelle sont la plupart du temps contraires aux intérêts et aux valeurs des collectivités locales. Nous vivons dans un monde où la responsabilité démocratique est devenue en quelque sorte une valeur absolue, mais cette valeur doit être conciliée avec la nécessité d’avoir un processus décisionnel objectif, fondé sur des données probantes. Parallèlement, les institutions sur lesquelles nous comptons pour prendre les décisions s’appuient essentiellement sur l’intégrité des procédures pour contrebalancer le manque de responsabilité démocratique directe. Mais, pour de nombreux citoyens et de nombreuses collectivités, la procédure semble un moyen de taire la voix des citoyens. Et, finalement, même si bon nombre de pistes intéressantes de réforme mènent à la nécessité de planifier, il est difficile de concilier avec les décisions en temps réel des acteurs du marché, des organismes de règlementation des projets et des politiciens, une vision à long terme dans une planification orientée, complexe et fondée sur des données probantes.

Tout ce qui précède risque de sembler un cri de désespoir. Mais, la vie doit continuer, et des décisions doivent être prises d’une manière ou l’autre. Et si les efforts de réforme ne les dirigent pas vers ces tensions, les décideurs risquent de se heurter contre les écueils de la réalité pratique. Une réforme éclairée doit s’attaquer à toutes les tensions. Les données probantes découlant des six études de cas font ressortir les nombreuses manières possibles de le faire.

Six études de cas sur le rôle des collectivités dans le processus de décision en matière d’énergie

Le projet d’études de cas, entrepris en partenariat avec la Canada West Foundation, a été réalisé entre le printemps 2015 et novembre 2016. À la suite d’une recension préliminaire des écrits3 et de deux douzaines d’entrevues auprès de chefs de file en matière d’énergie partout au pays4, les responsables de l’étude se sont penchés exclusivement sur sept projets dans sept collectivités (l’une des études de cas était une analyse comparative de deux projets similaires en Ontario). Le choix des collectivités a été déterminé par un désir d’avoir un échantillon large et diversifié, de partout au Canada, notamment des collectivités autochtones, non autochtones, urbaines et rurales, traitant de projets bien situés ou non, linéaires et non linéaires, portant sur l’énergie fossile et non fossile (énergie électrique, énergie éolienne). Le tableau ci-dessous présente un aperçu des six études de cas.

Six études de cas sur le rôle des collectivités dans le processus de décision en matière d’énergie

Projet et collectivité Approuvé ou non, construit ou non (si construit, quand) Principale compétence responsable Linéaire/ régional/ local Énergie/carburant; fossile/renouvelable
Projet d’oléoduc Northern Gateway
– Kitimat et nation Haisla, ColombieBritannique
Approuvé par l’organisme de règlementation  mais renversé par la Cour suprême et le gouvernement fédéral Gouvernement fédéral Linéaire Transport de carburant;
fossile
Western Alberta Transmission Line (WATL) – Eckville-Rimbey, Alberta Approuvé, construit et en service, décembre 2015 Gouvernement de l’Alberta Linéaire Ligne de transport d’énergie;
fossile et renouvelable
Centrale hydroélectrique de Wuskwatim –

Nation crie Nisichawayasihk (NCN), Manitoba

Approuvé, construit et en service, juin 2012 Gouvernement du Manitoba Local Électricité; renouvelable
Centrales au gaz naturel en milieu urbain –

Comté d’Oakville et de King, Ontario

Oakville — non approuvé.
King – approuvé et en service, mai 2012
Gouvernement de l’Ontario Local Électricité;
fossile
Parc d’éoliennes

– St-Valentin, Québec

Non approuvé Gouvernement du Québec Local / régional Énergie;
renouvelable
Exploration de gaz de schiste

– Comté de Kent et nation Elsipogtog, Nouveau-Brunswick

Non approuvé Gouvernement du  Nouveau- Brunswick Régional Carburant;
fossile

Voici la stratégie utilisée pour chacune des études de cas :

  • reconnaissance initiale, dont un examen complet des dossiers publics;
  • entrevues avec 6 à 20 informateurs, menées entre mars et juin 2016;
  • études quantitatives réalisées entre juillet et septembre 2016 dans cinq collectivités dont la taille de la population est suffisante pour obtenir un échantillon statistiquement valide (Kitimat/nation Haisla, Eckville/Rimbey, Oakville, comté de King, comté de Kent/Première nation Elispogtog);

synthèse et analyse des résultats, présentées dans un rapport intitulé Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, publié en novembre 20165. Des rapports détaillés pour chaque étude de cas ont également été préparés6.

Le sommaire de l’étude, présenté ci-dessous, passe inévitablement à côté des subtilités du rapport final et encore plus des études de cas elles-mêmes, mais de nombreuses observations de haut niveau ressortent.

La plupart du temps, les échecs des politiques ont joué un rôle important. Des échecs des politiques de toutes sortes sont mis en cause tant pour les projets bien situés que ceux qui ne l’étaient pas. Dans la section précédente, nous avons invoqué trois enjeux politiques importants, soit le changement climatique, la réconciliation avec les citoyens autochtones ainsi que la planification régionale efficace et la gestion des effets cumulatifs. Étonnamment, dans aucun des cas le changement climatique n’était un facteur dominant de quelque façon que ce soit. Les répercussions sur l’environnement et la santé (réels ou peut-être uniquement perçus, et dans certains cas, seulement des exemples de ce que l’on pourrait appeler un « échec » des politiques) étaient beaucoup plus importantes. Trois des cas portaient sur l’expérience historique avec les traités et les revendications territoriales, et l’on peut probablement caractériser la majeure partie de cette expérience comme étant un échec politique.

Mais surtout, il existait ce que l’on pourrait appeler des échecs des processus : l’incapacité de traduire l’intention du gouvernement en un processus de mobilisation cohérent et stable avec les collectivités touchées, qui mènerait à un processus règlementaire perçu comme étant légitime, stable et clair. Ces échecs ont eu différents effets. Certains ont été maîtrisés au moyen d’une adaptation créative (Première nation Nisichawayasihk) ou d’une détermination inébranlable (Eckville/Rimbey, comté de King). Un projet qui avait été approuvé (Kitimat/nation Haisla) s’est retrouvé sans légitimité politique et, finalement, juridique. Enfin, en raison de ces effets, trois projets n’ont pas été approuvés (Oakville, St-Valentin, comté de Kent/Première nation Elsipogtog).

Le contexte est important. Le contexte interne des collectivités touchées en fait évidemment partie — parfois en fonction des économies traditionnelles dépendantes des ressources renouvelables locales, dans d’autres cas, des collectivités urbaines s’opposant aux intrusions perçues comme ayant des répercussions importantes potentielles sur la santé. Le contexte externe était tout aussi important, même s’il n’était pas — comme on l’a souvent reproché — lié aux communications de célébrités de l’extérieur sur le changement climatique, mais plus souvent attribuable à l’absence de conviction de la collectivité en question que le projet était justifié dans un contexte plus large. Le legs des évènements passés a peut-être eu une incidence directe sur la collectivité (surtout les collectivités autochtones), ou l’on a peut-être jugé que ces évènements présentaient des risques (par exemple des fuites de pipelines), que la collectivité n’était pas prête à tolérer. Ce qui semble important ici pour les décideurs et les organismes de règlementation (et les promoteurs de projets), c’est que toutes les diverses dimensions du contexte doivent être examinées attentivement et abordées dès le début du processus, la plupart du temps avant qu’on en arrive à l’étape de processus décisionnel officiel du projet.

Aucune collectivité n’est monolithique. Les études quantitatives ont révélé une divergence d’opinions importante d’un cas à l’autre (c’était au milieu de 2016; ce qu’aurait pu révéler une étude entreprise au moment de la controverse de chaque projet est une autre question). La majorité s’est opposée au projet dans seulement deux des cinq collectivités examinées, et l’opposition était écrasante (70 %) seulement dans une collectivité (comté de Kent/Première nation Elsipogtog). Mais même où l’on relève l’appui de la majorité, dans les résultats de 2016, les projets n’ont finalement pas été entrepris (Northern Gateway) ou ont entraîné une controverse importante et coûteuse sur le plan politique (Eckville/Rimbey, comté de King). Étonnamment, on a dénoté beaucoup moins de divergence dans les réponses à la question suivante : « faites-vous confiance aux pouvoirs publics pour prendre des décisions sur des projets énergétiques? » Dans quatre des collectivités étudiées, les niveaux de méfiance variaient entre 60 et 70 %. Curieusement, vu le résultat final, la collectivité Kitimat/nation Haisla affichait le niveau de méfiance le plus faible à l’égard des pouvoirs publics, à environ 50 %. On devra relever l’éternel défi de trouver exactement comment dégager et comprendre les attitudes de la « collectivité » en vue de mieux gérer le processus.

Les intérêts, bien qu’ils soient importants, semblaient jouer un rôle secondaire par rapport aux valeurs. Dans les études de cas, les facteurs négociables, comme les emplois, l’investissement communautaire et les bénéfices tirés des ressources jouaient au plus des rôles secondaires. En comparaison, les valeurs profondément enracinées, tant les valeurs fondamentales (telles que l’attachement au milieu naturel ou les modes de vie traditionnels) que les valeurs procédurales (être traité avec ouverture et équité) étaient importantes et constituaient de grandes sources de controverse. Il semble évidemment que les aspects économiques ne suffiront pas à ébranler les valeurs auxquelles souscrivent les intéressés, et toute tentative de le faire s’avérera probablement nuisible.

L’information importe, mais l’éducation énergétique n’est pas nécessairement le problème. Dans l’ensemble, les collectivités dont il est question dans les études de cas s’informent activement et abordent les enjeux avec au moins une certaine part d’objectivité; toutefois, le facteur temps, les voies de communication, les sources, la nature et la qualité de l’information exercent une influence sur la confiance de la collectivité à l’égard du processus décisionnel. Plus particulièrement, lorsque le processus était accompagné d’une instabilité institutionnelle (Eckville/Rimbey); ou d’une incohérence apparente entre les responsabilités politiques et règlementaires (Oakville, comté de King); caractérisé par une réticence des responsables à échanger de l’information (Oakville, comté de King); ou révélait que les pouvoirs publics n’étaient simplement pas prêts à aborder les enjeux (comté de Kent/Première nation Elsipogtog), le résultat, quelque peu prévisible, était des niveaux élevés de méfiance.

La mobilisation doit être réelle et intervenir tôt durant le processus. Dans les six cas étudiés, la mobilisation a pris de nombreuses formes, mais elle a été négligée à l’égard de plusieurs aspects. Le cas le plus familier a été dans la collectivité de Kitimat/nation Haisla où, selon l’opinion de la Cour suprême du Canada, le processus de mobilisation des Premières Nations a été négligé. Lorsqu’il était jugé qu’un projet était le résultat d’un besoin découlant de l’extérieur (Eckville/Rimbey, Oakville, comté de King, St-Valentin, comté de Kent/Première nation Elsipogtop), dont la collectivité locale n’était pas convaincue, il en a découlé des controverses, des retards et souvent des échecs. La progression est importante. Lorsque la collectivité estimait qu’un projet était précipité pour répondre à un besoin politique ou gouvernemental (Eckville/Rimbey, Oakville, comté de King, St-Valentin, comté de Kent/Première nation Elsipogtop), il était certain qu’une controverse allait suivre. Le projet de Wuskwatim (Première nation Nisichawayasihk) contraste avec la plupart des autres projets. Pour ce projet, la collectivité et le promoteur (une société d’État) se sont mobilisés rapidement et ont considérablement transformé le projet afin de réduire ses impacts environnementaux et d’améliorer les avantages pour la collectivité.

La planification est importante et doit souvent être entreprise dans un contexte régional. Bon nombre des enjeux décrits ci-dessus peuvent, en principe, être mieux abordés au moyen de processus de planification régionaux (qui précéderaient habituellement un projet) qu’au moyen de processus règlementaires officiels pour chaque projet. À l’évidence, la planification entraîne son lot de difficultés, mais lorsqu’une collectivité est confrontée à la possibilité d’un projet dans le cadre de mécanismes règlementaires officiels, ce projet et le processus règlementaire pourraient bien être sur la voie de la controverse et peut-être de l’échec.

En somme, les études de cas apportent un précieux éclairage sur la manière dont les collectivités réagissent aux projets énergétiques, notamment des conseils utiles à l’égard des processus visant la réforme de la prise de décision. Il s’agit du fondement de la section suivante du présent article. Les gouvernements qui explorent une transition rapide vers une économie à très faible émission de carbone devraient peut-être surtout se rappeler que, dans aucun des cas, ni le climat ni le carbone n’ont été un facteur important pour la collectivité. La confiance du public dans le processus décisionnel est fondée sur de nombreux facteurs, et un processus décisionnel qui n’en tient pas compte (avec le ralentissement inévitable du processus et les augmentations ultimes des coûts) est aux prises avec une lutte difficile.

Système en crise : une réforme éclairée nécessaire7

Comme il a été mentionné, nous ciblons ici les pouvoirs publics — le processus public de prise de décisions en matière d’énergie dans son ensemble. La nécessité d’aborder l’ensemble du processus décisionnel public est essentielle. Les études de cas ont révélé clairement que les problèmes découlent non seulement de retards des promoteurs de projets ou des organismes officiels de règlementation, mais au moins tout autant de retards en amont dans les domaines de la politique et de la planification. Cela soulève la nécessité de mieux tracer le système et ses parties composantes.

En général, le « système » est composé de deux ensembles d’acteurs institutionnels et de trois étapes principales dans les processus décisionnels.

Le premier ensemble d’acteurs est constitué des décideurs — les autorités gouvernementales composées d’organes législatifs, d’organes exécutifs élus (cabinets) et de représentants élus conformément à l’autorité de l’organe exécutif. Cet élément est caractérisé par une responsabilité démocratique directe ainsi que les caractéristiques presque inévitables, mais moins positives telles que la fixation sur le court terme motivée par les politiques électorales, une très forte confidentialité et aversion au risque ainsi qu’une tendance vers ce qui apparaît de l’extérieur comme étant de l’inconséquence et de l’incohérence.

En ce monde, une politique claire et stable — qui peut-être une condition sine qua non d’une réforme efficace — est pour le moins ambitieuse. Mais, ce qui est encore plus difficile et peut-être même plus important pour la confiance du public à l’égard de la localisation des projets futurs est la planification. Celle-ci est un aspect distinct de la politique en raison de sa portée vers les lieux physiques qui peuvent prendre la forme de collectivités individuelles ou, plus souvent, de régions et de corridors où se trouvent une infrastructure linéaire telle que des pipelines et des lignes électriques. La planification comporte une mobilisation beaucoup plus directe des collectivités touchées que les autres processus politiques habituels.

Les controverses liées à la localisation des projets sont le plus souvent centrées sur le deuxième ensemble d’acteurs institutionnels — les organismes indépendants de règlementation et leurs processus officiels. Il ne s’agit pas de diminuer le rôle des décideurs, mais simplement de faire ressortir que les processus règlementaires — qui commencent habituellement uniquement lorsqu’une proposition de projet est lancée — sont souvent la partie la plus visible du processus, du point de vue des collectivités, et donc inévitablement, la cible la plus probable de controverse. La manière dont ces organismes travaillent avec d’autres autorités et processus gouvernementaux ainsi qu’avec les collectivités locales, voilà des questions qui nécessitent une attention urgente et sérieuse.

Bien que cet article soit axé sur les processus décisionnels publics, il est essentiel de se rappeler que ces processus sont entrepris non seulement dans les réalités sociologiques et culturelles décrites à la section précédente, mais également dans les systèmes physiques et de marché qui constituent l’activité réelle d’approvisionnement en énergie. Les systèmes physiques et leurs technologies imposent de nombreuses contraintes, qu’il s’agisse de l’emplacement physique des ressources appropriées (p. ex. hydrocarbures, régimes hydroélectriques, régimes éoliens), de l’inévitable nécessité de lier les ressources à des marchés parfois éloignés, du fait que la durée de vie de la majeure partie de l’infrastructure énergétique se mesure en décennies ou des nombreuses exigences liées au maintien, à la sécurité, à la fiabilité et au fonctionnement en temps réel où l’équilibre entre l’offre et la demande est essentiel. La réalité physique n’est pas seulement une source de difficultés, cependant. Les technologies émergentes et les modèles commerciaux peuvent également créer des occasions de rendre le système beaucoup plus respectueux de l’environnement ou d’ouvrir la voie à des installations locales. Ces stratégies pourraient être plus efficaces et respectueuses de l’environnement et créer la possibilité de donner un plus grand contrôle aux collectivités et aux clients.

Une grande incertitude plane sur la manière dont tout cela évoluera et la vitesse à laquelle l’évolution pourra se faire, et c’est une incertitude que tous les acteurs devront apprendre à gérer. Cette incertitude teintera nécessairement les processus décisionnels, peu importe la qualité de leur élaboration. La majeure partie de ce qui se passe actuellement sera déterminée non pas par les politiques publiques ou les désirs des collectivités, mais par le changement technologique qui échappe au contrôle du Canada ainsi que par les marchés et les décisions des investisseurs. On le verra surtout si une plus large portion des activités de production et de transport de l’énergie est donnée à des entreprises privées ou si le fonctionnement quotidien est moins déterminé par la règlementation gouvernementale sur les monopoles et plus par les marchés fonctionnant librement.

Aussi évident que tout cela puisse paraître, il est moins évident que les responsables des décisions publiques ou les collectivités saisissent pleinement la mesure dans laquelle ils n’ont aucune incidence sur les résultats et que la confiance à l’égard du système règlementaire est aussi importante pour les investisseurs et les dirigeants d’entreprises du secteur de l’énergie qu’elle l’est pour les collectivités. L’élaboration de processus décisionnels publics est inévitablement formée par ces réalités.

L’analyse d’Énergie positive mène à la conclusion qu’il existe trois points de tension dans le système. Ils sont présentés ci-dessous.

Le lien entre les politiques et la règlementation : les deux solitudes du secteur de l’énergie?

La relation entre les responsables des politiques et les organismes de règlementation pourrait représenter le casse-tête le plus important auquel sont aux prises les personnes qui élaborent les processus décisionnels. En effet, ces personnes doivent jongler avec la nécessité de garantir une responsabilité démocratique appropriée lorsque les décisions touchent au cœur des choix politiques à grande échelle et tout à fait légitimes, opposés aux questions plus techniques que l’on doit régler à partir de données probantes objectives et de procédures ouvertes, justes et équilibrées. Quant à qui fait quoi à quel moment, les acteurs politiques ont une tendance naturelle à vouloir garder leurs options ouvertes, ce qui tend à engendrer un manque de clarté et de stabilité. Et pourtant, il semble probable que tout système auquel les citoyens, les collectivités et les investisseurs font confiance devra à l’avenir s’appuyer sur la clarté et la stabilité à l’égard des rôles exercés par chaque organe.

Le revers de la médaille dans la relation entre les décideurs et les organismes de règlementation, ce sont les rôles que les organismes de règlementation de toutes sortes devraient jouer dans le processus de conception et de planification des politiques en amont. Les organismes de règlementation occupent une place unique dans le système. Ils demandent souvent des sources d’information importantes et disposent également de ressources d’analyse pour interpréter cette information. Ils ont une perspective unique parce qu’ils sont près du terrain, et ils sont capables de voir et de comprendre dans les nombreuses dimensions physiques, économiques et sociologiques les régions et les collectivités locales où sont construits les projets. Ils possèdent également une vaste expérience du processus « d’audience », de l’organisation d’enquêtes ainsi que de la consolidation et de la synthèse des perspectives de sources multiples, locales ou autres. Ces ressources, toutes essentielles au processus décisionnel officiel en lien avec les projets, peuvent également être déployées en tant qu’aides directes dans les processus politiques et de planification. Si les activités sont menées dans la transparence et dans des limites bien définies, il n’y a aucune raison, en principe, que les organismes de règlementation ne puissent pas jouer des rôles plus importants en amont sans compromettre leur légitimité au cours des étapes plus officielles du processus.

Qui décide? L’équilibre entre les autorités décisionnelles locales et de haut niveau

Le rôle des autorités locales est une question qui redoublera certainement d’importance et imposera d’autres dilemmes dans la prise de décisions en matière d’énergie. Cette question se distingue de celles qui entourent la consultation communautaire de manière plus générale. Le terme « autorités » est d’une importance capitale ici. Les autorités locales disposent de pouvoirs légaux établis de toutes sortes, qui pourraient bien gagner en importance à mesure que les solutions énergétiques décentralisées évoluent et, contrairement à la société civile, elles sont assujetties à la responsabilité démocratique. À l’évidence, les autorités municipales sont concernées, mais on l’observe plus nettement avec les autorités autochtones en raison de leur position légale unique, chose qui évolue rapidement vers un plus grand contrôle local. L’enjeu à venir est d’accroître le rôle des autorités locales en tant que parties légitimes du processus décisionnel, rôle qui tient compte des besoins locaux et les défend, mais également de déterminer la manière d’équilibrer ce rôle avec l’intérêt social général.

Comment décider : mobilisation, information et capacité

Outre le rôle officiel des autorités locales, il reste les nombreuses difficultés que comporte une plus vaste transmission d’information aux collectivités locales et leur mobilisation. Cela met en jeu une série de questions de longue date et une source d’expérience riche, positive ou négative, de laquelle on peut tirer des leçons. Les études de cas décrites ci-dessus illustrent une grande partie de ces éléments, et quelques points ressortent.

L’un de ces points porte sur la question de la mobilisation précoce, de la création de relations et de la compréhension mutuelle, ce qui doit presque toujours précéder les processus officiels entourant les projets individuels, mais qui doit également se poursuivre une fois lancés les processus officiels. Ce point fait ressortir l’importance d’accorder une plus grande attention aux possibilités de planification ou de mécanismes régionaux tels que l’évaluation environnementale stratégique, et que ces mécanismes peuvent s’appuyer sur des manifestations évidentes de politique gouvernementale.

Les responsables des processus de mobilisation doivent également être ouverts à la possibilité que la collectivité participe à la conception des processus décisionnels. Il peut s’agir de la manière dont les collectivités locales peuvent participer aux questions plus stratégiques telles que la planification régionale, de la manière d’élaborer les mécanismes de consultation ou d’établir des systèmes de surveillance qui donnent aux collectivités une fenêtre directe sur le suivi une fois que les projets sont construits et fonctionnels.

Tout cela doit s’appuyer sur de bien meilleurs systèmes d’information. Les sources d’information doivent être fiables, accessibles, appropriées et crédibles. Il est difficile d’y arriver pour de nombreuses raisons, notamment le coût, si le besoin d’information empiète sur les questions de confidentialité commerciale ou personnelle ou parce que l’information n’est tout simplement pas accessible ou fait l’objet de diverses sources d’incertitude. Quoi qu’il en soit, le processus de réforme au Canada reposera sur un fondement de systèmes d’information beaucoup plus sophistiqués, sans quoi il sera voué à l’échec.

Enfin, la capacité constitue également un enjeu qui touche tant la question générale de la mobilisation que le rôle des autorités locales. Le temps et d’autres priorités, pour les personnes ou les autorités locales, posent les limites les plus importantes. Les ressources représentent également une limite connexe. En effet, dans quelle mesure est-il utile aux collectivités locales de disposer de ressources d’analyse et de mobilisation? Un jour ou l’autre, on en viendra à la réalité que les décisions doivent être entre les mains d’autorités bien éclairées et spécialisées. Ce qui nous ramène exactement aux rôles et aux responsabilités des décideurs et des organismes de règlementation et à la manière dont leurs actions sont représentatives d’une vision globale à long terme de l’avenir énergétique du Canada, qui s’appuie sur un consensus politique solide.

Conclusion — Orientations futures

Il semble évident que le processus de prise de décisions en matière d’énergie se heurtera ultérieurement à des obstacles tout aussi colossaux, peut-être encore plus importants. Les systèmes fondés sur les hydrocarbures seront nécessaires pendant de nombreuses autres années, mais seront exploités sous le poids des préoccupations grandissantes à l’égard des gaz à effet de serre. Les systèmes renouvelables et les lignes électriques, aussi souhaitables qu’ils soient aux yeux des personnes principalement préoccupées par le changement climatique, apporteront leur lot de difficultés en lien avec une variété de préoccupations prioritaires dans les collectivités locales, beaucoup plus diversifiées et complexes que le seul désir de réduire les émissions de carbone. Ces difficultés seront atténuées au moyen d’innovations qui échapperont largement au contrôle des gouvernements ou des collectivités locales. Les nouvelles sciences, les nouvelles technologies, les nouveaux modèles commerciaux et les promoteurs de projets dont les actions sont beaucoup mieux adaptées aux complexités que comporte la tentative de garantir la confiance du public devraient, dans l’ensemble, faciliter la tâche.

Cela dit, l’enjeu de la confiance du public à l’égard des processus décisionnels publics restera présent. Cet enjeu sera centré sur deux questions fondamentales : de quelle manière les collectivités locales, de manière officieuse ou officielle par l’intermédiaire des autorités locales, peuvent-elles participer de manière constructive aux processus décisionnels qui doivent maintenir l’intégrité procédurale, la rentabilité et le caractère opportun? Finalement, de quelle manière peut-on rétablir la confiance à l’égard du système complet de processus décisionnels — des politiques aux projets en passant par la planification — afin d’agir équitablement et dans l’intérêt de tous les membres de la société?

Ces questions inversent d’une certaine façon la liste des trois points de tension de la section précédente. La question « comment décider » lancerait la discussion du point de vue des collectivités locales, ce qui constitue probablement le bon endroit où commencer. Un ensemble important d’idées de réforme évolue rapidement, et cet ensemble devra faire l’objet d’une réflexion réaliste approfondie et de discussions de toutes les parties concernées et, idéalement, d’une vaste expérimentation de laquelle tirer des leçons. La question « qui décide » aborde les rôles des collectivités dans leurs fonctions légalement constituées à titre d’autorités locales. Elle s’avère sur de nombreux plans une question beaucoup plus complexe, surtout compte tenu le rôle grandissant des autorités autochtones et le défi constant d’arriver à des conclusions qui servent le mieux l’intérêt public dans son ensemble. Cette question fait également l’objet d’un ensemble d’idées qui demandent également une réflexion, des discussions et une expérimentation approfondies. Enfin, le lien entre les décideurs et les organismes de règlementation ainsi que les questions entourant la configuration appropriée des responsabilités en matière de politiques, de planification et de règlementation officielle doivent être abordés à partir, dans une certaine mesure, des réponses qui découlent des deux premières questions.

Une confiance et la confiance du public devront, au bout du compte, être accordées aux mécanismes de décisions finales, qui dans l’ensemble, surpassent toute collectivité individuelle. La confiance découlera uniquement d’une vision globale et d’une orientation pour les systèmes énergétiques du Canada, combinées à un certain consensus social à l’égard des trois questions ci-dessus, où diverses mesures et méthodes interagissent de manières complexes et parfois contradictoires. Il s’agit, tel qu’il a été mentionné, d’un système, et si l’on veut une réforme réellement éclairée, on doit adopter une perspective systémique.

Les articles à venir dans la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie approfondiront la recherche d’Énergie positive sur les questions soulevées ici et mettront en évidence plus précisément les voies et les recommandations de réforme.

* Michael Cleland est un professionnel en résidence, qui fait partie de l’équipe du programme Énergie positive à l’Université d’Ottawa. La professeure Monica Gattinger est directrice de l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique et présidente du projet Énergie positive de l’Institut.

  1. En font partie les praticiens de niveau supérieur, les chercheurs et les universitaires qui suivent : Loleen Berdahl (professeure, University of Saskatchewan), Stephen Bird (professeur, Clarkson University), Michael Cleland (professionnel en résidence, Université d’Ottawa), Shawn Denstedt (associé, Osler, Hoskin & Harcourt), Stewart Fast (associé principal de recherche, Université d’Ottawa), Monica Gattinger (présidente, Énergie positive, Université d’Ottawa), Guy Holburn (professeur, University of Western Ontario), Lawrence Keyte (attaché de recherche, Université d’Ottawa), Dan McFadyen (cadre supérieur, University of Calgary), Trevor McLeod (Canada West Foundation), David Mullen (professeur émérite, Queen’s University), Nik Nanos (président-directeur général, Nanos Research), Shafak Sajid (Canada West Foundation), Kim Scott (ancienne conseillère sur l’énergie et le climat pour le chef national de l’Assemblée des Premières Nations), Louis Simard (professeur, Université d’Ottawa) et Adonis Yatchew (professeur, University of Toronto). L’équipe se compose également des étudiants des cycles supérieurs et du premier cycle qui suivent : Rafael Aguirre (candidat au doctorat, Université d’Ottawa), Marisa Beck (chercheure postdoctorale, Université d’Ottawa), Josh Giesbrecht (étudiant au premier cycle, Université d’Ottawa), Erik Koskela (étudiant au premier cycle, Université d’Ottawa), Kyae Lim Kwon (étudiante au premier cycle, Université d’Ottawa), Laura Nourallah (candidate au doctorat, Université d’Ottawa), Acacia Paton Young (étudiante à la maîtrise, Université d’Ottawa), Katherine Pietroniro (étudiante à la maîtrise, Université d’Ottawa), Chris Robillard (étudiant à la maîtrise, Université d’Ottawa), Melanie Vien-Walker (étudiante au premier cycle, Université d’Ottawa) et Caroline Woodward (étudiante au premier cycle, Université d’Ottawa).
  2. Pour obtenir une description complète de la métaphore des chevaux, des éléphants et des canards assoupis, voir Michael Cleland & Monica Gattinger, System Under Stress: Energy Decision-Making in Canada and the Need for Informed Reform, Ottawa, Université d’Ottawa (Énergie positive), 2017, aux pp 11-17.
  3. Voir Laura Nourallah, Communities in Perspective: Literature Review of the Dimensions of Social Acceptance for Energy Development and the Role of Trust, Ottawa, Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016.
  4. Voir Michael Cleland, Laura Nourallah & Stewart Fast, Fair Enough: Assessing Community Confidence in Energy Authorities, Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016.
  5. Voir Michael Cleland et al, Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016.
  6. Voir Stephen Bird, Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, Étude de cas : Centrales au gaz naturel en milieu urbain – comtés d’Oakville et de King (Ontario), Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016; Cleland, Fast et Nourallah, supra note 4; Shafak Sajid, Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, Étude de cas : Oléoduc du Northern Gateway – Nations Kitimat et Haisla (Colombie-Britannique), Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016; Shafak Sajid, Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, Étude de cas : Projet Western Alberta Transmission Line (WATL) – Eckville et Rimbey (Alberta), Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016; Shafak Sajid, Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, Étude de cas : Centrale hydroélectrique de Wuskwatim – Nation crie de Nisichawayasihk (Manitoba), Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016; Louis Simard, Une question de confiance : le rôle des communautés dans le processus de décision en matière d’énergie, Étude de cas : Parc d’éoliennes – St-Valentin (Québec), Calgary et Ottawa, Canada West Foundation et Université d’Ottawa (Énergie positive), 2016.
  7. Cette section résume Cleland & Gattinger, supra note 2.

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