Preuve électronique, traitement électronique des ligites et tribunaux de réglementation

Introduction

Sont décrites dans le présent document un éventail de pratiques, priorités, tendances et aspirations de tribunaux administratifs sélectionnés, surtout de l’Ontario, concernant la preuve électronique et le traitement électronique des litiges, le fruit de constatations dégagées d’un sondage informel récent1.

Ce qui ressort clairement de ce sondage c’est que les tribunaux en sont à des étapes fort différentes de leur adaptation aux défis et aux occasions que présente l’administration de la justice à l’ère numérique. Ce qui est moins aisé, c’est de comprendre ce qui motive ces différences, à savoir les circonstances et priorités propres aux différents tribunaux, les raisons qui ont mené à la réalisation des initiatives les mieux réussies dans le domaine, et les éléments communs constatés en vue de baliser les efforts continus à déployer pour favoriser l’innovation.

Il existe une littérature abondante traitant de ces questions dans le contexte d’instances judiciaires, particulièrement au titre de la communication préalable de documents électroniques dans le cas d’instances civiles et des activités de fouille, de perquisition et de saisie électroniques dans le cas d’instances criminelles. On dispose dorénavant de compendiums de lois, de règles, de lignes directrices et de jurisprudence pour éclairer le règlement de différends dans ces deux domaines distincts. Cependant, fort peu d’ouvrages ou de jurisprudence aborde l’élargissement ou l’application de ces règles et principes émergents dans le contexte des tribunaux. Et on y aborde encore moins les domaines où les tribunaux devancent de plus en plus nos cours de justice en matière de traitement électronique des litiges, dont la divulgation électronique de la preuve lors de procédures d’exécution, l’accès en ligne aux procès-verbaux d’audience et les audiences électroniques. Mais avant tout, il faut cerner les politiques qui sous-tendent (et qui entravent) ces initiatives au niveau des tribunaux – accès à la justice, équité, coût de l’innovation, économies au titre du processus juridictionnel, principe de la « transparence de la justice » et efficacité des tribunaux, pour n’en nommer que quelques-uns – afin de pouvoir évaluer les initiatives existantes et établir des priorités d’amélioration continue.

La contribution de ce document à la réalisation de ces tâches est fort préliminaire et modeste.

Dans un premier temps, on y présente quelques modifications législatives, règles de tribunal et précédents fort récents, ainsi que des innovations aux pratiques administratives de tribunaux sélectionnés de l’Ontario, qui illustrent les possibilités d’innovation numérique dans le traitement des litiges devant les tribunaux, sans négliger certaines embûches. Cet examen est structuré selon les étapes suivantes qui sont communes au processus emprunté par de nombreux tribunaux :

  1. Enquêtes et documents électroniques;
  2. Divulgation électronique de la preuve dans le cas de procédures d’exécution;
  3. Production et échange de documents électroniques (communication préalable des documents électroniques);
  4. Audiences électroniques et preuve électronique;
  5. Délibération, collaboration et prise de décisions par les tribunaux;
  6. Accès électronique aux dossiers et aux documents de procédure des tribunaux.

En second lieu, il ressort de l’analyse de ces initiatives des solutions importantes quant à la façon dont ont été appliqués ou dont pourraient être appliqués, dans le contexte des tribunaux, les principes observés dans des instances judiciaires, ainsi que les différentes façons dont certains tribunaux particuliers procèdent déjà. L’analyse révèle que bon nombre des innovations les plus récentes sont le fait de tribunaux qui élargissent leurs activités d’exécution et de conformité; sont aussi mis en relief certains des thèmes et défis communs mentionnés par les membres et employés des tribunaux et les gens de loi qui ont participé au sondage. On y fait enfin état des incidences pour les avocats et parajuristes qui officient devant les tribunaux.

1. Enquêtes et documents électroniques

Plusieurs tribunaux ont récemment actualisé ou sont en voie d’actualiser leur régime électronique d’enquête, entre autres, leurs ressources, techniques, politiques et règles, voire même leurs lois habilitantes.

On observe surtout ce phénomène chez les grands organismes de réglementation économique investis d’une compétence considérable en matière d’exécution et de conformité, par exemple, les commissions de valeurs mobilières et les commissions d’énergie, mais aussi chez d’autres qui ne sont investis que de fonctions strictement administratives. En matière d’emploi, les enquêtes en milieu de travail peuvent être lancées aux premières étapes d’un processus d’arbitrage ou d’examen par un tribunal, ou encore il peut s’agir d’une entreprise purement privée et contractuelle. Cela englobe un vaste éventail de contextes juridiques, chacun, évidemment, influant tant sur la nature et les formalités des enquêtes à mener que sur leur analyse juridique.

À l’extrémité « exécution » de ce spectre, l’analyse juridique devrait d’abord être entreprise à la lumière des orientations de plus en plus détaillées énoncées dans le Code criminel et de la jurisprudence pertinente. La jurisprudence criminelle émergente est orientée par la protection de la vie privée contre des perquisitions, fouilles et saisies déraisonnables en vertu de l’article 8 de la Charte. La Cour suprême reconnaît depuis fort longtemps que la vie privée pourrait être moins protégée dans le contexte d’entreprises réglementées2. En outre, de nombreuses mesures administratives d’enquête sont moins intrusives que ne le sont les mesures équivalentes du Code criminel. Néanmoins, j’estime que des principes importants dégagés d’affaires et de lois criminelles peuvent s’appliquer dans le contexte des tribunaux, particulièrement en ce qui concerne le traitement des données et dispositifs électroniques.

Par exemple, dans l’affaire R. c. Morelli3, il a été établi, nul ne s’en étonnera, que les attentes en matière de vie privée sont très élevées lors de la saisie d’un ordinateur personnel dans une résidence. Le juge Fish a déclaré que [Traduction] « il est difficile d’imaginer une atteinte plus intrusive, extensive ou invasive à la vie privée d’une personne que la fouille et la saisie de son ordinateur personnel ». Puis, dans l’affaire R. c. Cole4, cette même préoccupation a été soulevée lorsqu’un employeur a saisi l’ordinateur portable fourni à un employé pour son travail ainsi que des disques compacts renfermant des images et des fichiers Internet temporaires. La Cour a statué qu’un employé peut prétendre à des attentes raisonnables en matière de vie privée relativement à l’utilisation personnelle d’un ordinateur portable fourni pour son travail car la nature des renseignements qui y sont sauvegardés pourraient être significatifs, intimes et avoir trait à l’ensemble de ses renseignements biographiques. Bien que les politiques, lignes directrices et règles en matière de personnel de l’employeur puissent restreindre la protection de la vie privée, on estime qu’elles n’éliminent pas complètement cette protection5. Ces principes sont de nature générale et on peut sûrement s’attendre à ce qu’ils s’appliqueront quand des questions similaires seront soulevées dans le cadre d’enquêtes ou d’inspections administratives.

La jurisprudence criminelle concernant l’autorisation de fouilles d’ordinateurs semble aussi aisément applicable aux tribunaux. Par exemple, dans l’affaire R. c. Jones6, on a exigé un niveau très élevé de précision dans le mandat de fouille de l’ordinateur. L’autorisation doit non seulement indiquer que l’ordinateur est la chose qui doit être saisie mais elle doit aussi et surtout préciser ce qui peut faire l’objet d’une fouille dans l’ordinateur, une fois ce dernier entre les mains des enquêteurs. La Cour a donné à entendre que l’autorisation devrait préciser le type de preuves recherchées, plutôt que les types de fichiers et de dossiers pouvant être examinés.

De même, dans l’affaire R. c. Vu7, le juge a statué que le mandat de perquisition d’un lieu doit être explicite afin d’autoriser la fouille d’un ordinateur s’y trouvant. Tout en admettant que, règle générale, le mandat de perquisition d’un lieu donné englobe l’autorisation d’examiner tout contenant ou tout objet s’y trouvant susceptible de contenir les preuves recherchées, le juge a fait valoir que « nos règles de droit régissant les fouilles, les perquisitions et les saisies [ne devraient pas] traiter les ordinateurs comme s’il s’agissait de classeurs ou de placards ». Les enquêteurs doivent faire la démonstration que la fouille d’un ordinateur est justifiée, dont préciser les motifs qu’ils ont de penser que l’ordinateur contient l’information recherchée. La Cour suprême a statué que, « en effet, en raison des intérêts en matière de vie privée que soulève la fouille d’un ordinateur, un tel appareil doit, dans une certaine mesure, être traité comme un lieu distinct ». Comme, dans ce cas, les descriptions du matériel et des documents pouvant être saisis figurant dans le mandat ne décrivaient ni les deux ordinateurs ni le téléphone cellulaire en cause, alors on a estimé que la preuve dérivée de ces dispositifs avoir été obtenue illégalement.

Il faut assurément s’attendre à ce que les tribunaux devront aussi fonder leur décision sur une autorisation législative claire et expresse, ainsi que sur un libellé spécifique définissant les paramètres régissant la fouille d’ordinateurs ou de dispositifs électroniques similaires susceptibles de contenir des renseignements personnels, comme l’ordinateur portable fourni par un employeur dans l’affaire R. c. Cole, des tablettes iPad et des téléphones intelligents. Or, les organismes de réglementation pourraient vouloir intégrer des mesures dans leurs règles et pratiques pour écarter expressément certains systèmes informatiques, à savoir ceux qui devraient être dédiés aux activités de l’entreprise réglementée, par exemple, parce que l’entreprise doit en disposer pour obtenir une licence. Si un régime de réglementation approprié existe, on pourrait faire valoir que la situation ne soulève aucune question au titre de la protection de la vie privée ou des questions de beaucoup moindre importance, et que l’inspection de certains systèmes d’entreprise ou de données produites au moyen de ces systèmes pourraient se faire sans devoir obtenir un mandat.

Une autre question d’application générale est abordée dans l’affaire TELUS Communications Inc. c. R.8, instruite par la Cour suprême, quoique tous les points n’aient pas fait l’unanimité. Cette affaire concerne l’accès à des courriels et à des messages textes chez un fournisseur de services de télécommunications. La Cour examine si ces messages sont des « communications privées » au sens de l’article 183 du Code criminel, et comment on peut procéder à leur « interception » (ou « acquisition ») en plus d’un endroit, dont chez le fournisseur de services de télécommunications qui sert « d’agent » pour leur transmission. Malheureusement, n’est pas abordée dans la décision si « l’interception » englobe l’acquisition une fois les messages sauvegardés. Encore une fois, les enquêteurs et tribunaux administratifs doivent s’assurer que le libellé de leurs pouvoirs et autorisations législatifs les habilitent à procéder à « l’interception » de tels messages, au besoin. Dans un cas récent fort intéressant, la Cour supérieure de justice de l’Ontario, en se fondant sur des critères de common law, a refusé d’émettre une « ordonnance de type Norwich » en vue d’obliger un fournisseur de services de télécommunications à fournir des relevés de téléphone cellulaire et des messages textes. On soutenait que ces documents étaient pertinents à la procédure disciplinaire d’un organisme caritatif fournissant des soins de santé et concernaient une allégation de relation sexuelle inappropriée entre un de ses employés et un de ses clients9.

La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) mène tant des enquêtes criminelles qu’administratives, d’où le besoin de contrôles internes additionnels pour assurer le cloisonnement approprié des deux. Elle est à actualiser ses méthodes au titre de ces deux types d’enquête. Dans le cas des enquêtes administratives, un élément clé de l’initiative concerne des modifications aux règles en vue d’imposer les formats dans lesquels les documents électroniques pourront être soumis à la CVMO par les participants réglementés aux marchés de valeurs mobilières. On s’attend à ce que les nouvelles règles s’inspirent d’initiatives de la Alberta Securities Commission (ASC) et de la US Commodities Futures Trading Commission (CTFC).

Dignes de mention tant dans les règles de l’ASC que de la CTFC10, et élément critique à l’étape de l’enquête, sont les diverses exigences concernant la production des documents électroniques dans leur format « d’origine » et, plus précisément, en préservant les « métadonnées » des documents originaux qui, le plus souvent, sont pertinentes aux instances instruites par les tribunaux. Cela englobe, par exemple, les dates et heures d’enregistrement de fichiers audio d’appels téléphoniques concernant des activités liées au marché de valeurs mobilières. Ces dispositions sont équivalentes aux dispositions similaires des lignes directrices et la jurisprudence de droit civil régissant la communication préalable de documents électroniques et concernant la préservation et la production des métadonnées dans le cadre de différends au civil.

À d’autres égards, ces règles intègrent et élargissent des exigences figurant ailleurs, par exemple, dans les dispositions du paragraphe 487 (2.1) du Code criminel.

(2.1) La personne autorisée à perquisitionner des données contenues dans un ordinateur se trouvant dans un lieu ou un bâtiment peut :

  1. utiliser ou faire utiliser tout ordinateur s’y trouvant pour vérifier les données que celui-ci contient ou auxquelles il donne accès;
  2. reproduire ou faire reproduire des données sous forme d’imprimé ou toute autre forme intelligible;
  3. saisir tout imprimé ou sortie de données pour examen ou reproduction;
  4. utiliser ou faire utiliser le matériel s’y trouvant pour reproduire des données.

Au paragraphe 487 (2.2), il est stipulé que la personne responsable dudit ordinateur doit permettre à la personne exécutant la perquisition d’utiliser ou de faire utiliser l’ordinateur « pour vérifier les données que celui-ci contient ou auxquelles il donne accès », données précisées dans le mandat, « de reproduire ou faire reproduire des données sous forme d’imprimé », « de saisir tout imprimé ou sortie de données », et de reproduire les données en version électronique.

Ce genre de dispositions est nécessaire dans de nombreuses circonstances pour que les enquêteurs aient accès aux données électroniques dans les ordinateurs où elles ont été créées et sauvegardées. Pour être efficaces, les enquêteurs doivent savoir quel genre de données ils cherchent et ils doivent pouvoir faire appel à leur propre personnel technique ou à la collaboration du personnel technique sur place afin d’avoir directement accès aux données pour les examiner et les copier. Cependant, dans de nombreuses lois en vigueur où sont définis les pouvoirs consentis aux tribunaux au titre des inspections et des enquêtes, ces pouvoirs sont plus limités. Par exemple, il a résulté de modifications récentes à la Loi sur la Commission d’énergie de l’Ontario11 des dispositions distinctes habilitant d’une part les inspecteurs (articles 105 à 112) et d’autre part les enquêteurs (par. 112.01 à 112.06), même si les deux sont nommés par la Commission d’énergie de l’Ontario (CEO). Dans ce contexte, un inspecteur est autorisé à « faire une copie ou exiger qu’une copie lui soit remise sur papier ou sous une forme lisible par machine ou sous les deux formes ». A contrario, seul l’enquêteur est investi du pouvoir de recourir directement « aux dispositifs ou systèmes de stockage, de traitement ou d’extraction des données utilisés pour exploiter une entreprise en vue de produire, sous quelque forme que ce soit, des renseignements ou des éléments de preuve », mais seulement sous réserve de ce qui est précisé dans le mandat obtenu12. Il serait regrettable que la disposition expresse du « pouvoir de recourir » aux systèmes dans le cas des enquêtes soit interprétée comme excluant la possibilité d’user du même « pouvoir de recourir » aux systèmes de base d’une entreprise lors d’inspections réglementaires régulières.

Tous les tribunaux, mais encore davantage ceux qui sont investis de pouvoirs considérables en matière d’enquête à des fins d’exécution ou de conformité, doivent examiner attentivement la pertinence et la façon d’intégrer des exigences, protocoles de format et capacités similaires dans leur régime réglementaire, leurs règles, leurs pratiques d’autorisation et leurs ressources d’enquête.

Les mêmes éléments complexes au titre du format des documents électroniques et de la preuve qui se présentent dans le cadre d’enquêtes formelles peuvent aussi se présenter dans le cas des travaux de tribunaux ou d’organismes investis de pouvoirs moins intrusifs et se situant à l’extrémité purement administrative du spectre. Par exemple, le Syndic du Barreau du Haut-Canada (BHC) doit dorénavant composer avec une diversité de documents électroniques lorsqu’il reprend les dossiers et les comptes du cabinet de membres décédés ou inaptes. Dans les demandes d’ordonnance que présente régulièrement le BHC à cette fin, il doit fournir de plus en plus de détails à cet égard. Des ordonnances récentes autorisent et obligent le BHC à prendre possession de [Traduction] « tous les documents concernant la pratique et de tous les biens appartenant à des clients », dont « les données électroniques et les dispositifs contenant de telles données ». Les ordonnances imposent aussi aux institutions financières et aux tiers de produire les registres financiers du membre [Traduction] « qu’ils soient en format imprimé, électronique, magnétique ou autre ». Elles imposent à toute personne ayant en sa possession ou sachant où trouver de l’information ou comment accéder à des données électroniques ou à des dispositifs électroniques contenant de l’information à propos de clients ou de registres financiers de collaborer avec le BHC. L’expression « dispositifs électroniques » est définie et englobe [Traduction] « des ordinateurs, des supports externes de stockage, des téléphones intelligents et tout autre dispositif où peuvent être sauvegardés de tels renseignements de façon électronique, que ces dispositifs renferment aussi ou non des données personnelles du membre. Ces ordonnances confèrent au BHC de vastes pouvoirs pour gérer, stocker et distribuer tous lesdits documents et(ou) fermer la pratique du membre sans devoir obtenir une autre ordonnance de la cour.

Afin de pouvoir consulter, stocker, analyser et gérer de façon appropriée ces ensembles de données électroniques, tous les tribunaux, sans égard à leur vocation, doivent de plus en plus pouvoir compter sur des employés experts et de l’équipement spécialisé. La décision critique de se doter de ressources internes ou de faire appel au cas pas cas à des fournisseurs semble être motivée par divers facteurs. Le nombre de cas administrés par la CVMO et leur complexité a incité la Commission à se doter de compétences expertes internes. La nature spécialisée de la TI des cabinets juridiques, ainsi que l’importance du secret professionnel et des comptes de fiducie, sont des facteurs qui ont pesé lourd dans la décision du BHC de miser sur des ressources internes. A contrario, à la CEO, qui doit traiter moins d’instances de conformité et qui sont habituellement moins complexes, on a décidé de recourir à des fournisseurs externes.

Dans un cas récent, la CEO a fait appel aux services d’un groupe d’experts en analyse technico-légale informatique oeuvrant ailleurs au sein du gouvernement de l’Ontario. La constitution de ce genre de groupe qui peut être mis au service d’organismes et de tribunaux de plus petite taille pourrait s’avérer une option intéressante, une façon de surmonter les obstacles financiers à l’innovation avec lesquels doivent composer de nombreux tribunaux. Or, cela pourrait aussi soulever des questions à propos de la propriété, de la confidentialité et de la protection des données recueillies, de la conservation des dossiers, et de la capacité d’établir la chaîne de possession et l’intégrité des données de leur saisie jusqu’à leur production en tant qu’éléments de preuve. Ces questions devraient être abordées dans un protocole ou dans le texte de loi.

2. Divulgation de la preuve électronique dans le cas de procédures d’exécution

Le recours accru des tribunaux à des règles visant à favoriser la production et la saisie de documents en format électronique, notamment dans leur format d’origine pour préserver les métadonnées pertinentes en prévision d’une audience éventuelle d’examen de la preuve, se répercute sur le processus de divulgation subséquent.

Dans le cadre de procédures d’exécution et de conformité, tant la CVMO que la CEO ont déjà opté pour une divulgation essentiellement en format électronique. Dans le cas de la CEO, les documents en format papier recueillis dans le cadre de l’inspection ou de l’enquête sont habituellement convertis en format PDF consultable, de sorte que tout le processus de divulgation se fait en format électronique. Il s’agit d’un dérivé des régimes de la CEO privilégiant la production et l’échange de documents électroniques, les audiences électroniques, et l’accès Internet aux procès-verbaux des procédures, le tout étant décrit ci-dessous. Dans ces procédures, c’est pour de nombreuses raisons que l’on mise sur le format PDF consultable. Ce format combine à la fois une image du document et du texte consultable : on peut lire le document au moyen de nombreux logiciels, y compris des programmes qui sont gratuits; et il peut être chargé directement ou facilement converti pour être chargé dans la plupart des systèmes de soutien au traitement des litiges.

Les règles et pratiques tant de la CVMO que de la CEO intègrent, à tout le moins implicitement, une exigence au titre de la divulgation de toutes les métadonnées recueillies électroniquement que l’on estime pertinentes à la procédure. Cela découle directement des règles actuelles des deux tribunaux où, entre autres, dans la définition des « documents » devant être divulgués figurent les documents électroniques en tout genre13 . Si la conversion d’un document de son format d’origine à un format normalisé, par exemple en format PDF, devait omettre ou détruire des métadonnées pertinentes, alors le document devrait être divulgué dans son format d’origine ou les métadonnées pertinentes devraient être divulguées par d’autres moyens. Dans la pratique et dans les cas appropriés, les deux tribunaux tiennent compte de cette exigence.

Or, ces processus très perfectionnés reflètent le fait que tant la CVMO que la CEO, dans les procédures d’exécution, traitent surtout avec des participants au marché très évolués qui sont habituellement représentés par des avocats compétents. A contrario, le BHC doit souvent composer avec des membres individuels ou de petits cabinets, ainsi qu’avec des plaignants qui n’ont pas l’intérêt ou la capacité de participer à une divulgation en format électronique. Même si des changements sont à l’étude, dans l’immédiat, le processus de divulgation du BHC se déroule surtout en format papier. Cela est aussi vrai, en autant que je sache, de la plupart sinon de la totalité des tribunaux disciplinaires des ordres professionnels en Ontario, quoique qu’il semble, selon des indications récentes, que certains soient en voie de transition.

Je présume que les changements dans ce domaine seront d’abord motivés par l’utilisation accrue de méthodes d’enquête électroniques. De nos jours, cela ne sert à rien d’imprimer tous les documents produits dans le cadre d’une enquête aux fins de divulgation, surtout si l’organisme de réglementation n’est pas tenu de le faire. Cependant, un autre facteur important tiendra fort probablement aux changements au processus préalable à l’audience et au processus d’audience adoptés par les tribunaux et qui font l’objet d’une analyse ci-dessous. Pour être efficaces, toutes les méthodes qui seront adoptées devront être compatibles avec la procédure introductive d’instance ou les premières étapes de l’enquête, avec le processus préalable à l’audience et le processus d’audience, et avec les étapes ultimes de prise de décision et de conservation des dossiers.

3. Production et échange de documents électroniques

Habituellement, il y a production et échange de documents quand un tribunal est appelé à trancher un différend dans le cadre d’un processus impliquant au moins deux parties. Dans le contexte d’un tribunal, l’inclusion de documents électroniques dans ce processus peut soulever les mêmes questions que celles propres au processus de divulgation, abordé dans une section précédente du présent document, et au processus de communication préalable de documents électroniques de nos tribunaux civils.

Il existe une jurisprudence et une littérature abondantes à propos des questions liées à la communication préalable de documents électroniques dans le contexte d’une cour; nous ne les examinerons pas dans la présente. Notre but est plutôt de déterminer s’il est possible d’aborder et de régler certains des problèmes résultant de ces questions dans le contexte d’un tribunal.

À cet égard, le problème le plus évident est la possibilité d’un échange préalable de documents électroniques d’une ampleur disproportionnée, ce qui s’est produit dans certaines affaires civiles et qui tenait à l’obligation de satisfaire une exigence bien précise avant le procès, à savoir fouiller toutes les sources électroniques de données pertinentes possibles. La dimension la plus intéressante concerne les moyens mis en oeuvre dans le cadre de deux processus très différents de production et d’échange de documents de tribunaux ontariens de niveau supérieur pour éviter ce problème.

À la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), l’exigence de base pour la production de documents est énoncée à la règle 8.3 de ses Règles de procédure. Elle stipule tout simplement que chacune des parties doit échanger et produire, au plus tard 10 jours avant l’audience, une copie [Traduction] « de tous les documents auxquels chacune se reportera durant l’audience ». Évidemment, même si cette dimension n’est pas mentionnée dans la règle, ladite exigence pourrait viser tous les documents électroniques, y compris les métadonnées, auxquels une partie pourrait vouloir se reporter. En conséquence, la décision d’inclure de tels documents ou non est laissée, en première instance, aux parties produisant des documents. Cependant, le processus de la CRTO autorise les deux parties à présenter une requête pour directives en vue d’exiger la production de documents additionnels de l’autre partie. Étant donné le délai dont est assortie l’obligation de production de la règle 8.3, à savoir juste avant l’audience, ces requêtes pour production sont habituellement entendues par le jury d’audition de la CRTO. Ce jury est bien en mesure de procéder à une évaluation éclairée de la pertinence (ou non) de la requête, de même que de tenir compte des répercussions, entre autres, sur le calendrier de l’audience d’un fardeau disproportionné en statuant sur la requête14.

La CEO emprunte une approche quelque peu différente, mais l’effet est le même. Dans les instances assujetties à ses Règles de pratique et de procédure15, le demandeur doit produire au préalable et par écrit les éléments de preuve à l’appui de ses allégations. La production d’autres documents par une autre partie ou un autre intervenant passe par le dépôt d’interrogatoires par écrit en vertu des règles 26 et 27. Les éléments de preuve produits au préalable, les questions et les réponses aux interrogatoires, le tout doit être déposé auprès de la CEO, tant en format papier qu’électronique (PDF), à l’étape de la procédure préalable à l’audience. Quand une demande est rejetée, sans égard au motif, ou acceptée sous réserve de conditions (p. ex., confidentialité), il est possible de présenter une requête pour forcer la production de documents ou pour imposer des conditions appropriées et, cette fois encore, elle est habituellement entendue par le jury qui, ultimement, sera appelé à trancher l’affaire à la lumière du bien-fondé des arguments présentés.

La procédure de la CRTO est conçue pour régler des différends contractuels, le plus souvent entre deux parties privées. La procédure du CRTO peut aussi servir dans le cas d’enquêtes diverses et, souvent, de grande envergure auxquelles peuvent participer de nombreuses parties et de nombreux intervenants aux intérêts très variés. Il n’en demeure pas moins qu’en confiant le contrôle de la production de documents aux jurys d’audition, les deux régimes de production adoptés par ces tribunaux semblent avoir largement permis d’éviter les problèmes d’ampleur disproportionnée des documents à produire et des coûts observés à l’étape de la communication et de l’échange de documents électroniques dans des affaires civiles au Canada. Le tribunal qui instruira l’affaire est habituellement le mieux placé pour évaluer la pertinence, de même que les autres facteurs de l’analyse de l’ampleur des documents à produire. Un facteur additionnel, peut-être, est le fait que les avocats qui officient régulièrement devant ces tribunaux sont des avocats spécialisés, qui souvent se connaissent bien et qui sont aussi bien connu des tribunaux. Il en résulte une pression à aborder les questions de façon raisonnable en vue de favoriser la résolution des problèmes, plutôt que de tenter d’exploiter lesdits problèmes.

Les autres tribunaux intéressés à élargir leur recours à l’échange et à la communication de documents électroniques dans le cadre de leurs procédures devraient examiner attentivement ces modèles, voire d’autres encore.

4. Audiences électroniques et preuve électronique

La première façon dont la technologie numérique influe de plus en plus sur les audiences des tribunaux, c’est au titre du processus d’audience.

En vertu des paragraphes 5.1 et 5.2 de la Loi sur l’exercice des compétences légales16, un tribunal dont les règles le prévoient peut tenir des « audiences sur pièces » ou des « audiences électroniques ». Dans le cas des audiences « électroniques », le paragraphe 5.2(4) stipule que « toutes les parties et tous les membres du tribunal qui participent à l’audience doivent être capables de s’entendre les uns les autres, ainsi que d’entendre les témoins, pendant l’audience ». Le plus souvent, l’utilisation par les tribunaux de l’Ontario de l’autorisation de tenir des audiences « électroniques » semble revêtir la forme de conférences téléphoniques. La plupart des tribunaux sondés ne semblent pas user de cette autorisation, hormis l’audience occasionnelle par conférence téléphonique concernant habituellement des questions de procédure.

Les Règles et pratiques de la CEO concernant les audiences par écrit et orales sont fort typiques à presque tous les égards, mais son recours à la technologie des audiences électroniques est à la hausse.

En vertu des règles de la CEO, la définition de « par écrit » englobe les médias électroniques et la définition de « audience électronique » englobe les audiences par conférence téléphonique [Traduction] « ou toute autre forme de technologie électronique permettant à des personnes de communiquer entre elles ». Il ressort de ces dispositions un certain chevauchement entre les audiences par écrit et les audiences électroniques. Est aussi reconnue dans ces règles l’existence de moyens électroniques de communication autres que la conférence téléphonique.

À mon avis, est implicite, dans ces définitions, un nombre important de choix au titre des audiences qui ne sont pas abordés, à ce que je sache, dans les règles d’aucun tribunal, entre autres :

  1. y aurait lieu de limiter une « audience » aux documents déposés au préalable, y compris les mémoires;
  2. y aurait lieu que les documents déposés au préalable englobent des enregistrements audio ou audiovisuels de conférences préparatoires à l’audience, par exemple, des conférences techniques en vertu de la règle 25 de la CEO ou des interrogatoires de témoins préalables à l’audience;
  3. y aurait lieu de prévoir des dispositions pour des communications de vive voix additionnelles des avocats, des témoins et des membres du jury d’audience concernant la preuve, les mémoires ou les deux;
  4. y aurait lieu de prévoir aussi des dispositions concernant des connexions visuelles entre les avocats, les témoins et le jury d’audience durant l’examen de la preuve, des mémoires ou des deux;
  5. y aurait lieu d’autoriser l’interrogatoire de témoins soit avant l’audience en en intégrant la transcription dans les preuves écrites déposées, soit dans le cadre du processus d’audience en audio ou en audiovisuel, ou encore les deux;
  6. comment, s’il y a lieu, devrait-on donner accès au public à la procédure d’audience.

Dans la pratique, l’autorisation prévue en vertu de la règle 4 de la CEO, permettant aux jurys d’audience d’adapter les ordonnances de procédure aux circonstances particulières d’un cas donné, a servi à créer un vaste éventail de procédures d’audience. Ces dernières prévoient un recours accru aux technologies de communication électronique, surtout aux étapes préalables à l’audience. Or, lors d’une audience récente de la CEO, le jury a pris des arrangements pour entendre par vidéoconférence le témoignage de vive voix d’un expert qui se trouvait alors à l’extérieur de la province.17 Dans le cadre de procédures disciplinaires du BHC, des arrangements similaires ont été autorisés, dont l’autorisation d’une partie se trouvant à l’extérieur de la province de témoigner de vive voix au moyen de Skype. Dans une autre ordonnance de procédure fort récente du BHC, il a été prévu qu’une journée d’une audience prochaine de longue durée se tiendrait dans un endroit gardé secret là où des témoins s’étaient réfugiés pour éviter d’être déportés. On y prévoyait aussi que cette procédure « sera transmise par vidéoconférence ou webdiffusion à une salle d’audience » du BHC18.

La seconde façon dont la technologie numérique pourrait influer sur les audiences des tribunaux, c’est au titre de la preuve numérique. Dans le sondage, on n’a pas recensé d’exemples de décisions rendues par des tribunaux traitant de cette question. Or, rien ne donne à penser que l’expérience des tribunaux sera vraiment différente de celle des cours, que ce soit quant aux problèmes éprouvés ou à la fréquence à laquelle se posent ces problèmes (ce qui, dans les deux contextes, semble être rarement).

Règle générale et dans les faits, les documents électroniques ne sont pas différents des documents en format papier pour ce qui est de leur valeur probante ou de leur utilisation. À titre d’exemple, reportons-nous à la jurisprudence récente concernant l’utilisation de messages affichés dans Facebook, tout particulièrement dans le cas de litiges concernant l’assurance contre les dommages corporels. Même si les cas existants ont, pour la plupart, été révélés à l’étape de la communication et de l’interrogatoire préalables19, l’utilisation prévue de ce genre de preuve dans le cadre d’un procès est assurément simple : des captures d’écran des messages pertinents seront imprimés et présentés au plaignant en contre-interrogatoire comme étant une série d’aveux contre son intérêt20. La même approche s’appliquera, par exemple, relativement à la plupart des publications diffamatoires dans Internet, et à la plupart des questions concernant les preuves électroniques soulevées21. Les questions clés pour l’avocat qui interroge et le tribunal consisteront à expliquer pourquoi le document est pertinent; comment les aspects pertinents du document peuvent être reliés à et identifiés par un ou plusieurs témoins dans l’affaire; si les aspects pertinents du document peuvent être établis à l’aide d’une copie papier du document ou seulement en en déposant une version électronique en guise de preuve; et s’il est nécessaire de recourir à des experts soit pour établir que le document électronique constitue une preuve, soit pour faire la démonstration de ses qualités probantes.

Dans la plupart des cas, c’est seulement s’il faut certifier la copie électronique que des problèmes particuliers pourraient se présenter. Par exemple, dans le cas d’un site Web diffamatoire, si le site Web est doté de fonctions interactives qui contribuent à l’effet diffamatoire du texte publié, alors l’avocat pourrait devoir présenter le site Web en mode interactif (s’il s’agit toujours d’un site actif) ou recréer ses caractéristiques interactives pertinentes dans la salle d’audience (si le site n’est plus actif). Le cas des métadonnées pertinentes est similaire : il y a fort à parier que l’avocat devra produire en tant que preuve une copie identique du document électronique (de préférence dans son format d’origine assorti de métadonnées manifestement intactes) et afficher les métadonnées pertinentes en faisant appel à un témoin expert approprié (habituellement, l’enquêteur ou l’expert judiciaire qui les a saisies ou copiées dans l’ordinateur où elles se trouvaient). Un autre exemple fréquemment cité concerne des données supprimées qui ont été récupérées par un expert judiciaire dans l’ordinateur où elles avaient été créées puis supprimées. Tous ces exemples, dans une mesure plus ou moins large, exige de l’expertise de la part du témoin qui présente le document afin de confirmer que la copie présentée en tant que preuve est une copie ou une représentation exacte et complète de l’original, et de faire la démonstration des caractéristiques pertinentes ou du contenu pertinent du document au juge des faits.

Dans certains cas, un tribunal sera avantagé par rapport à nos cours au titre de l’évaluation et de l’utilisation de ce genre de preuve. Cela tiendra soit à sa connaissance experte du domaine ou du contexte dans lequel le document a été initialement créé, soit à accepter une preuve qui ne serait peut être pas admissible devant une cour22. En outre, les tribunaux peuvent prévoir que des types de preuve électronique identiques ou similaires seront pertinents dans leurs procédures. Par conséquent, ils auront la possibilité, dans certains cas, d’élaborer des règles ou des critères de décision à propos des éléments de certification de types particuliers de preuve électronique auxquels ils s’attendent ou qu’ils exigeront dans certains cas.

5. Délibération, collaboration, et prise de décisions par des tribunaux

La preuve et les processus électroniques pourraient aussi engendrer un certain nombre d’avantages potentiels pour les membres de tribunal aux étapes de la délibération et de la prise de décisions.

Dans le cas de nombreux tribunaux où des membres résident et travaillent dans différentes régions de la province, l’électronique rend les dossiers davantage portables. Cela permet également le recours à diverses ressources électroniques pour échanger des documents et travailler en collaboration à la prise de décisions à partir d’endroits éloignés. À un niveau plus élémentaire, cela permet de faire des économies de coûts, d’éviter des inconvénients, et d’atténuer l’impact environnemental de devoir faire de nombreuses copies papier et, ultimement, de devoir les conserver. Il en résulterait aussi une plus grande sécurité des dossiers et des documents destinés à l’audience de l’imposition de moyens électroniques. Cela pourrait aussi se traduire par une réduction des frais de déplacement et des délais de prise de décision en facilitant la participation des membres de tribunal à toutes les étapes du processus postérieur à l’audience au moyen d’une connexion électronique à distance.

On présume, afin d’obtenir ces avantages, que les membres de tribunal peuvent bien collaborer en empruntant des moyens électroniques, et qu’ils sont disposés à apprendre à utiliser les programmes et techniques les autorisant à le faire. Le niveau d’intérêt des tribunaux à cet égard peut varier selon leur composition et leur processus actuel de prise de décisions.

6. Accès électronique aux dossiers et documents de procédure des tribunaux

À mon avis, les avantages du traitement électronique des litiges qui sont les plus faciles à obtenir et, peut-être, les plus appréciables pour les parties, les avocats, les tribunaux et le grand public, concernent l’accès électronique aux procès-verbaux de procédure.

La CEO est, à mon avis, l’un des chefs de file du traitement électronique des litiges. La clé de son succès semble tenir à trois innovations relativement simples. En premier lieu, la CEO a adopté une directive concernant le dépôt de tous les documents devant être produits23. Cette directive impose le format normalisé de document lisible PDF, décrit précédemment, et elle est régulièrement appliquée par ordonnance de procédure tant aux documents déposés à l’avance et aux pièces déposés durant les audiences devant les jurys de la CEO. En second lieu, la CEO fait produire, à ses frais, des transcriptions quotidiennes de toutes les séances d’audience et en fournit des copies électroniques en format standard par courriel à toutes les parties et à tous les intervenants. En troisième lieu, la CEO rend tous ses documents accessibles au public dans son site Web; elle le fait en temps réel à mesure que l’audience se déroule.

Les arrangements pris par la CEO concernant les audiences englobent aussi habituellement la diffusion en continu en direct des débats de vive voix à même son site Web.

Évidemment, ces arrangements ont exigé des investissements de la part de la CEO dans son site Web et, plus précisément, dans un portail pour le dépôt de documents électroniques, ainsi que dans des services structurés de publication Web de tous les documents concernant une procédure donnée. Elle doit aussi accepter et régler les coûts des transcriptions quotidiennes. Cependant, les avantages dont bénéficient les parties et leurs avocats, et les membres du public et autres intervenants souhaitant suivre une procédure donnée, sont fort appréciables.

Ce système est bien adapté aux types d’audience de la CEO qui sont souvent assortis de délais, relativement complexes et d’un grand intérêt public. Importe aussi le fait que la CEO est largement financée par une industrie à but lucratif très réglementée qu’elle régit. L’industrie est constituée de nombreuses grandes entreprises, exploitées sous la forme de monopoles ou de quasi-monopoles ou en tant que participants à des marchés concurrentiels. Par conséquent, la CEO est en mesure d’absorber les coûts des procédures qu’elle instruit et de les répartir parmi les membres du secteur énergétique réglementé ou, tout simplement, de les affecter directement aux demandeurs réglementés qui sont à l’origine de bon nombre des procédures qu’elle instruit.

Dans ce contexte, le système de la CEO semble bien fonctionner et, règle générale, il bénéficie de l’appui tant des intervenants que des avocats qui participent régulièrement à ses procédures. La CVMO est à se donner un système similaire, un modèle que devrait envisager sérieusement tous les autres tribunaux qui régissent des entreprises réglementées ou un secteur de services professionnels. Évidemment, les coûts seront un facteur important mais de moins en moins à mesure que le coût de la technologie diminue, surtout pour ce qui est des systèmes éprouvés. Un autre enjeu pourrait bien être l’accès du public, de nombreux ordres professionnels, plus précisément, continuant à résister à l’examen du public et à minimiser les avantages découlant d’un processus ouvert et public.

Un autre avantage secondaire, ce sont les économies de coûts au titre de la préservation et de l’entreposage des documents des procédures des tribunaux. La solution, dans la plupart des cas, consiste à utiliser l’Internet comme lieu d’archivage permanent des documents de chaque procédure et de les déplacer dans un site d’archivage hors ligne (accessible ou non via Internet) à mesure que s’atténue l’intérêt du public. Dans certains cas, c’est devenu la norme interne de fonctionnement de tribunaux, de sorte que les documents non publics des avocats du tribunal ou de ses membres peuvent aussi être stockés électroniquement, s’il y a lieu.

Conclusions

En Ontario, de nombreux tribunaux semblent opérer un virage vers une utilisation accrue de la preuve électronique et des méthodes électroniques de soutien juridique à toutes les étapes de leurs procédures.

Même s’il y a eu peu de coordination et que les priorités courantes de chaque tribunal ne sont pas les mêmes, les innovations actuelles les plus fructueuses semblent pouvoir être adoptées et appliquées plus largement par les autres tribunaux. Les avantages potentiels dont pourraient profiter les tribunaux concernent toutes les étapes du processus, de la collecte de la preuve à l’information du public à propos du rôle des tribunaux. Et ces avantages profiteront aux parties, aux avocats et autres juristes qui se présentent devant des tribunaux, aux membres de tribunal, au public et aux autres intervenants.

Il ressort de ce sondage que le moment est bien choisi pour échanger davantage d’information et mieux coordonner l’évaluation et l’adoption de ces innovations, pour surmonter les obstacles d’ordre financier et optimiser les avantages qui en découlent.

* Philip Tunley est un associé chez Stockwoods et sa pratique couvre un large éventail de litiges commerciaux et de droit public. Sa pratique en droit public est basé sur quatre années en tant qu’avocat au ministère du Procureur général de l’Ontario. Tout en agissant en tant qu’avocat auprès du procureur général, Phil s’est spécialisé dans le contentieux constitutionnel et les poursuites réglementaires. Finalement, Phil a plaidé devant toutes les cours fédérales, celles de l’Ontario et devant la Cour suprême du Canada, ainsi que devant une variété de tribunaux administratifs et dans des procédures ADR (règlement extrajudiciaires des litiges) .

  1. Merci aux membres, employés et praticiens des tribunaux à qui tout le mérite revient. Ils ont pris le temps de partager avec moi leurs connaissances, leur expérience et leurs idées à propos de ces enjeux. Vous savez qui vous êtes. Quant aux vues et analyses, elles sont le fait de l’auteur et ne représentent d’aucune façon les vues et les analyses des tribunaux mentionnés. Enfin, les omissions et les erreurs dans les analyses sont exclusivement imputables à l’auteur.
  2. Voir, par exemple, Comité paritaire de l’industrie de la chemise c Potash, [1994] 2 RCS406.
  3. R c Morelli, [2010] 1 RCS 253.
  4. R c Cole, [2012] JCS No 53.
  5. Voir R c Gomboc, [2010] 3 RCS 211.
  6. R c Jones, 2011 ONCA 632.
  7. R c Vu, 2013 RCS 60.
  8. TELUS Communications Inc. c R, 2013 CSC 16.
  9. Community Living v TBay Tel et al., 2011 ONSC 2734.
  10. Vous trouverez le texte de la règle de l’ASC et un avis explicatif au personnel à :<http://www.albertasecurities.com/Regulatory%20Instruments/4731765-v1-ASC_Notice_15-503Final-Package.pdf>.Pour consulter la règle de la CFTC :

    <http://www.cftc.gov/ucm/groups/public/@lrenforcementactions/documents/file/enfdatadeliverystandards030614.pdf>.

  11. Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, Annexe B.
  12. Ibid art 108(6), 112.02(1).
  13. Voir, par exemple, la définition de « document » à la Règle 1 des Rules of Practice and Procedure for Enforcement Proceeding de la CEO.
  14. Un processus similaire est aussi appliqué lors de l’arbitrage de conflits en milieu de travail conformément au paragraphe 49(12(b) de la Loi sur les relations de travail, LO 1995 c 1, Annexe A.
  15. Commission de l’énergie de l’Ontario, eRules of Practice and Procedure(Revised November 16, 2006, July 14, 2008, October 13, 2011, January 9, 2012, January 17, 2013 amd April 24, 2014), en ligne: CEO <http://www.ontarioenergyboard.ca/oeb/_Documents/Regulatory/OEB_Rules_of_Practice_and_Procedure.pdf>. La Commission dispose aussi de règles distinctes concernant les procédures d’exécution qui peuvent être consultées ici : <http://www.ontarioenergyboard.ca/oeb/_Documents/Regulatory/Rules_Practice_Procedure_Enforcement_Proceedings.pdf>.
  16. Loi sur l’exercice des compétences légales, LRO 1990, c. S 22, comme modifié.
  17. Horizon Utilities Corporation, EB-2014-0002.
  18. LSUC v Hohots, l’ordonnance datée du 19 novembre 2014 et les motifs de la décision datés du 21 novembre 2014 peuvent être consultés en ligne à : <https://www.canlii.org/en/on/onlst/doc/2014/2014onlsth220/2014onlsth220.html?searchUrlHash=AAAAAQAITNOMjIvMTQAAAAAAQ>.
  19. Vous trouverez un résumé à la fois excellent et pratique dans l’article de David Campbell : “#OMG-Evidence! The law of discovery of social media in personal injury cases”, (Fall 2014), The Advocates’ Journal, 29.
  20. Voir l’exemple d’une affaire criminelle récente où une telle preuve a été acceptée au procès dans l’affaire R v Nde Soh, 2014 NBQB 20 (CanLII).
  21. Règle générale, dans le cas de questions liées à la preuve électronique, le texte de Underwood et Pennerxt, Electronic Evidence in Canada, est une ressource utile; la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada a préparé la « Loi uniforme sur la preuve électronique, 1998 » où sont abordées certaines de ces questions. Vous en trouverez le texte ici : <http://ulcc.ca/fr/lois-uniformes-nouvelle-structure/lois-uniformes-moins-courantes/750-preuve-electronique/1930-loi-uniforme-sur-la-preuve-electronique-1998>.
  22. Par exemple, en vertu du para 15(1) de la Loi sur l’exercice des compétences légales.
  23. La version courante peut être consultée ici : <http://www.ontarioenergyboard.ca/oeb/_Documents/e-Filing/RESS_Document_Guidelines_final.pdf>.

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