Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2014

 

Introduction

Mon mandat, au titre de la rédaction de cet article, est d’examiner les volets de l’évolution du droit administratif en 2014 qui sont d’intérêt pour la collectivité de la réglementation du secteur de l’énergie. Plutôt que de tenter d’évaluer l’impact de l’ensemble des changements au droit administratif susceptibles d’être appropriés dans le cadre de la réglementation de l’énergie, j’ai plutôt décidé de m’en tenir, dans une large mesure, aux changements et précédents issus du contexte réglementaire de l’énergie. De fait, j’ai restreint encore davantage mon champ d’action et je n’aborderai de façon relativement détaillée que trois sujets au lieu d’examiner de façon superficielle un plus vaste éventail de questions de droit administratif découlant du processus réglementaire. Quels sont ces sujets? Les droits de participation aux audiences réglementaires sur l’énergie, des questions à propos de la norme de contrôle judiciaire découlant de demandes de contrôle judiciaire et d’appels prévus par la loi visant des décisions d’organismes de réglementation du secteur énergétique, et l’évolution de l’obligation constitutionnelle de consulter et, le cas échéant, d’accommoder des groupes autochtones.

Droits de participation aux audiences réglementaires sur l’énergie

a. Le nouveau régime fédéral

Jusqu’à tout récemment, les régimes de réglementation de l’énergie de l’Alberta ont été les principaux modèles dont on s’est inspiré en matière de droit régissant la participation à des audiences publiques sur des questions portant sur l’énergie2. Cadrant dans une très large mesure avec les régimes prescrits par la loi qui subordonnent la participation des parties et des intervenants à ces audiences publiques au fait qu’ils soient « directement et défavorablement touchés »3 ou encore que leurs « droits »4 soient touchés, tant les organismes de réglementation que les tribunaux se sont donné un ensemble de principes balisant la prise de décisions à cet égard. Ce serait mentir que d’affirmer que les résultats ont été cohérents et qu’ils ont fait l’unanimité, mais il existe, néanmoins, de la jurisprudence d’où dégager des conseils généraux et, parfois, précis.

Or, l’attention est dorénavant centrée sur le secteur fédéral de la réglementation, plus particulièrement, sur l’Office national de l’énergie. Le facteur déclenchant, comme l’a précédemment mentionné Rowland Harrison dans ces pages5, a été l’article 55.2 de la Loi sur l’Office national de l’énergie6. Ces dispositions faisaient partie des modifications à la Loi figurant dans la loi omnibus, fort critiquée, de 2012, la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable7. En réaction au grand nombre de demandes de participation à la Commission d’examen conjoint de la demande relative au projet pipelinier Northern Gateway, le gouvernement avait clairement l’intention de fournir à l’Office (et aux prochaines commissions d’examen) des outils réglementaires pour limiter les possibilités de participation.

Néanmoins, compte tenu de l’expérience albertaine, le libellé de l’article 55.2 est intéressant. On y stipule que sur présentation d’une demande de certificat :

… l’Office étudie les observations de toute personne qu’il estime directement touchée par la délivrance du certificat ou le rejet de la demande et peut étudier les observations de toute personne qui, selon lui, possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée. La décision de l’Office d’étudier ou non une observation est définitive8.

D’une certaine façon, il est évident qu’il n’est plus (si cela l’a déjà été) possible que le grand public puisse obtenir des droits de participation lors d’une audience de l’ONE à propos d’une demande de certificat. Cependant, en conférant à l’Office le pouvoir discrétionnaire d’étudier les observations de quiconque « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée », il s’ensuit la possibilité d’une participation plus large que ne l’autorisent certains des divers régimes de l’Alberta.

Subséquemment, l’Office a émis des lignes directrices traitant de la façon dont il interpréterait les deux catégories ouvrant droit à participation aux audiences concernant une demande de certificat9. Comme l’a fait valoir Harrison, le premier test du nouveau régime (si l’on fait abstraction des critiques virulentes de la loi par divers groupes d’intérêt public) a été la demande d’Enbridge Pipelines Inc. visant le Projet d’inversion d’un tronçon de la canalisation 9B dans le cadre du Projet d’accroissement de la capacité sur toute la longueur de la canalisation 9, et de transport de pétrole brut lourd dans la canalisation 9B inversée.

b. Le nouveau régime à l’oeuvre – L’audience sur la canalisation 9 d’Enbridge

Dans le cadre du processus ayant mené à l’audience publique de ces demandes, l’Office s’est donné une procédure pour déterminer si une personne satisfait à l’une ou l’autre des deux catégories de l’article 55.2. Quiconque souhaitant obtenir un droit de participation devait produire un formulaire où il fallait répondre à des questions qui, de l’avis de l’Office, lui permettrait de disposer de renseignements pertinents pour déterminer la qualité du demandeur. À cette fin, l’Office a créé deux classes de participants : les intervenants jouissant d’un droit de participation à l’audience et les participants seulement autorisés à soumettre des observations. Aussi, les demandeurs devaient indiquer sur le formulaire à quel titre ils souhaitaient participer à l’audience, l’Office se réservant le droit de ne pas tenir compte de ce souhait, à tout le moins dans la mesure où il pouvait classer les participants réclamant la qualité d’intervenant dans la catégorie des auteurs de lettre de commentaires10.

Au total, 177 individus et organisations ont présenté une demande de participation. Contre toute attente, peut-être, chez ceux s’attendant à une approche très restrictive quant à l’interprétation et à l’application de l’article 55.2, l’Office a accueilli 158 demandes telles que présentées. En outre, 11 demandeurs réclamant la qualité d’intervenant ont dû s’en tenir au dépôt d’une lettre de commentaires. Seulement huit demandes ont été refusées11. Néanmoins, il y a eu des critiques, comme le reflète le titre d’un article dans le site Web du Centre canadien de politiques alternatives : [Traduction] : Les opposants à l’inversion du pipeline muselés; l’ONE restreint la participation du public à toutes les audiences sur l’inversion du pipeline12.

À part les plaintes quant à l’exclusion de huit demandes et à la réaffectation à la catégorie des lettres de commentaires de certains demandeurs réclamant la qualité d’intervenant, l’auteure, Joyce Nelson, a souligné le faible nombre de demandes de participation, l’attribuant non seulement à la perception du public d’une intention de restreindre sa participation mais aussi au court délai de production des demandes de participation et au formulaire complexe et non convivial à remplir à cette fin. De fait, l’article a été rédigé au moment du dépôt d’une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour d’appel fédérale visant trois décisions interlocutoires de l’Office à propos de demandes relatives à la canalisation 9.

c. Le processus de la Cour d’appel fédérale dans le cas de la canalisation 9

Les auteurs de la demande de contrôle judiciaire étaient la Forest Ethics Advocacy Association, une organisation environnementale fondée en 2000 ayant des liens avec les Friends of Clayoquot Sound et comptant maintenant des bureaux à San Francisco et à Bellingham, Washington, ainsi qu’en Colombie-Britannique, et Donna Sinclair, l’une des huit personnes n’ayant pas obtenu la qualité d’intervenant13. Les décisions visées étaient les suivantes :

  1. L’exclusion par l’Office de la portée de l’audience des « effets environnementaux et socioéconomiques associés aux activités en amont, la mise en valeur des sables bitumineux et l’utilisation en aval du pétrole devant être transporté par pipeline »;
  2. Le processus emprunté pour attribuer les droits de participation et, plus précisément, les exigences propres au formulaire de demande de participation; et
  3. Le rejet de la demande de participation de Donna Sinclair apparemment à titre d’auteur d’une lettre de commentaires14 et non en qualité d’intervenant.

Les demandeurs ont invoqué deux arguments au titre de chacune de ces contestations : la liberté d’expression garantie en vertu de l’article 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés et le caractère déraisonnable du droit administratif. De fait, à la contestation de la seconde décision était liée une demande visant à faire déclarer inconstitutionnel l’article 55.2 au motif qu’il porte atteinte à la garantie de l’article 2b).

Lors de l’instruction de cette demande de contrôle judiciaire, les audiences de la canalisation 9 étaient terminées et une décision avait été rendue autorisant les demandes d’Enbridge sous réserve de conditions15. Néanmoins, la Cour d’appel a entendu l’affaire et, le 31 octobre 2014, quatre jours après la fin de l’audience, elle rendait son jugement, rejetant les trois volets de la demande.

Dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association c. Office national de l’énergie16, c’est le juge Stratas qui a prononcé le jugement. Avant d’aborder le bien-fondé des décisions interlocutoires, il a formulé quelques observations « procédurales » dignes de mention.

D’abord, il a rejeté la demande de comparaître de l’Association, qualifiant cette dernière de « fouineuse » classique17. Compte tenu des antécédents de participation de l’Association à des causes environnementales, cela peut sembler, à première vue, un commentaire exagéré ou un rejet beaucoup trop prompt de la qualité pour agir et des compétences de l’Association. Or, dans les faits, elle n’était intervenue d’aucune façon et à aucun titre dans la procédure devant l’Office. En outre, d’après le juge Stratas, rien n’indiquait dans les documents déposés par l’Association qu’il y avait matière à invoquer l’article 2b) comme elle le faisait maintenant. En ce qui concerne le second volet du test de la Cour suprême relativement à la qualité pour agir dans l’intérêt public18, les antécédents de l’Association ne faisaient pas état d’un « intérêt réel ou véritable »19 au titre des questions qu’elle soulève maintenant; une histoire générale de la défense des droits dans le cadre de causes environnementales ne suffisait évidemment pas. Qui plus est, le juge Stratas a ensuite souligné que, à tout le moins en ce qui concerne les droits de participation, il y a avait quelqu’un qui avait qualité pour agir devant la cour : madame Sinclair. Par conséquent, l’Association n’a pas non plus obtenu gain de cause au titre du troisième critère relatif à la capacité d’agir dans l’intérêt. En bref, la leçon à dégager est que la capacité d’agir ne sera pas attribuée aisément aux organisations qui se pointent à la dernière minute et qui, sans avoir participé ou tenté de participer au processus réglementaire, déposent une demande de contrôle judiciaire en faisant valoir qu’elles devraient être partie à un litige d’intérêt public.

En deuxième lieu, le juge a affirmé que ni l’Association ni madame Sinclair ne pouvaient fonder leur demande sur l’allégation que les trois décisions interlocutoires ou les dispositions de l’article 55.2 portaient atteinte à l’article 2b) de la Charte. Il s’agissait de questions à l’égard desquelles l’Office aurait dû avoir l’occasion de se prononcer. Non seulement l’Office a-t-il la compétence pour se pencher sur de telles questions liées à la Charte20 mais dans un précédent21 de la Cour suprême, il est indiqué que l’invocation de cette compétence constituait une condition préalable quasi-immuable au dépôt d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur des assertions d’atteinte à la Charte. De fait, il semble que les demandeurs, au courant de cette possibilité, ont tenté d’esquiver de façon prématurée ce genre d’argument en demandant l’ajournement de l’audience sur la demande de sorte qu’ils puissent y adjoindre une demande de contrôle judiciaire des décisions de l’Office à propos des droits de participation, décisions rendues dans le cadre d’une autre affaire (demande concernant le Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain de Kinder Morgan) où l’Office avait statué que, en l’instance, ses décisions concernant l’article 55.2 où les droits de participation ne portaient pas atteinte à l’article 2b) de la Charte22. La Cour d’appel a rejeté cette demande d’ajournement.

Quant au besoin d’invoquer devant l’Office de tels arguments liés à la Charte, la décision de la Cour devrait éclairer les organismes de réglementation tant du secteur de l’énergie que d’autres secteurs qui ont la compétence pour se prononcer sur des questions liées à la Charte :

[Traduction]

Si la question constitutionnelle avait été soulevée devant l’Office, ce dernier aurait pu accepter des preuves pertinentes, dont des preuves de justification en vertu de l’article  1 de la Charte. L’Office aurait pu aussi tirer profit de contre-interrogatoires et de mémoires sur le sujet, ainsi que de l’occasion d’interroger toutes les parties sur le sujet. Puis, fort de ces avantages, il aurait pu réfléchir aux arguments et les soupeser, puis exprimer ses points de vue dans ses motifs. Dans ces derniers, il aurait pu énoncer son appréciation des faits, les enseignements tirés de son action spécialisée, au fil de nombreuses années, au terme de l’instruction d’une foule d’affaires complexes, et son interprétation des politiques pertinentes. C’est alors munie d’une analyse bien riche et bien développée qu’une partie aurait pu déposer auprès de la présente Cour une demande de contrôle judiciaire23.

Le juge Stratas a ensuite fait valoir que les principes habituels exigeant qu’une question doive d’abord faire l’objet d’un débat contradictoire devant l’organisme n’avaient pas été respectés au moment du dépôt d’une demande de déclaration d’inconstitutionnalité, une mesure que seule la Cour et non un organisme peut autoriser officiellement. De tout cela se dégage un thème général qui sous-tend la décision dans son ensemble : le respect des impératifs de prise de décision de l’Office, ainsi que de sa compétence et de son expertise spécialisées. En conséquence, cependant, l’une des principales questions soulevées dans la demande n’a pas été réglée et doit maintenant faire l’objet d’une autre décision de la Cour dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire des décisions de l’Office relativement à la demande de Kinder Morgan.

Une fois les motifs de contestation liés à la Charte expurgés de la demande, ne restait à la Cour qu’à trancher les motifs invoqués au titre du droit administratif – à savoir que chacune des trois décisions étaient déraisonnables –, une situation où l’on semblait accepter que, dans chaque cas, le caractère déraisonnable plutôt que la décision correcte constituait la norme du contrôle judiciaire en se référant aux présomptions et aux critères énoncés dans l’affaire Dunsmuir c. New Brunswick24 et les décisions qui en découlent.

(i) La portée de la décision

Figure, à l’annexe I – Liste des questions – de l’ordonnance d’audience datée du 19 février 2013 de l’ONE, ce qui suit :

L’Office n’examinera pas les effets environnementaux et socioéconomiques associés aux activités en amont, à la mise en valeur des sables bitumineux et l’utilisation en aval du pétrole devant être transporté par pipeline »25.

Il demeure que l’Office a sollicité des suggestions de modification à la Liste de questions. Il en a résulté de cet exercice un certain nombre de réponses et quelques révisions26. Or, il n’y a eu aucune modification aux questions particulièrement exclues de l’examen. Dans sa lettre du 4 avril 2013, l’Office a justifié ces exclusions en faisant référence à un éventail de points et, plus particulièrement, à l’absence de lien entre certaines des questions exclues et le projet que l’on voulait faire approuver, l’absence de compétence de l’Office, les responsabilités en matière de réglementation et de politiques d’autres secteurs de compétence que l’Office, et les incertitudes ou la nature spéculative des pistes d’interrogation concernant certaines des questions exclues27.

En statuant que n’étaient déraisonnables ni la portée initiale de la décision de l’Office ni son rejet subséquent de la demande de participation du demandeur souhaitant soulever la question des changements climatiques, le juge Stratas a accepté la concession des demandeurs, à savoir que la norme de contrôle judiciaire appropriée était le caractère déraisonnable. En l’instance, l’Office a interprété la loi l’habilitant et, en particulier, l’article 52(2) traitant des facteurs qui sont ou qui, à la discrétion ou de l’avis de l’Office, pourraient être pertinents en vue de faire une recommandation au gouverneur en conseil au terme de l’audience d’une demande. Depuis Dunsmuir et Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association28, il y avait une forte présomption de contrôle judiciaire déraisonnable dans de telles situations, y compris lors des décisions de tribunal ou d’office concernant des questions de pertinence. Qui plus est, il a aussi soutenu, en faisant allusion à un certain nombre de facteurs, qu’il s’agissait d’une situation où la marge appropriée d’appréciation de la norme de la décision raisonnable était large. Au nombre des facteurs soulevés, il y avait le libellé de nature discrétionnaire ou subjective dans l’article 52(2) des facteurs pertinents à l’examen de la demande et, dans les faits, la nature diffuse du mandat de l’Office. Il a aussi établi un lien entre l’article 52(2) et la version de 2012 de l’article 55.2 ajoutée à la Loi dans le but de :

[Traduction]

… habiliter l’Office à régir de façon plus stricte et rigoureuse la portée des procédures et des parties qu’il entend29.

Lors de l’examen du caractère raisonnable des exclusions à l’étape de la décision relative à la portée préliminaire, ces objectifs ont pesé lourd. Parallèlement à la perception de l’Office de l’étendue et des limites de sa compétence, compte tenu de la nature de la demande particulière qu’il devait entendre, il n’y avait pas d’arguments motivant le rejet pour caractère déraisonnable d’aucun des éléments de la décision sur la portée.

(ii) L’établissement des droits de participation

Quand la Cour en est arrivée à l’étape de l’établissement du processus d’attribution des droits de participation, dont au formulaire que les demandeurs devaient remplir, la question de la norme de contrôle judiciaire n’était pas aussi évidente en dépit de l’acceptation par les demandeurs de la norme de la décision raisonnable. Le juge Stratas a caractérisé la question comme en étant une de procédure et puis il a examiné la controverse qui avait cours, à savoir si la norme de la décision correcte était la norme universelle de contrôle judiciaire dans les cas d’équité procédurale30. En dernier ressort, il a statué que le choix de l’Office quant à la façon de déterminer les droits de participation était assujettie à une marge appréciable d’appréciation ou de déférence. Au nombre des facteurs qualifiés comme étant pertinents figuraient l’expérience et l’expertise de l’Office en vue de concevoir des procédures appropriées aux fins de la tenue d’audiences réglementaires complexes où il fallait assurer l’équilibre entre la participation du public et le besoin de traiter les demandes reçues en temps opportun et de façon efficiente. Il a aussi fait allusion à la nature ouverte et texturée des critères législatifs visant l’attribution de droits de participation comme justifiant aussi la latitude à consentir au titre de la nature de l’information que l’Office pourrait réclamer des demandeurs en vue d’évaluer s’ils ont droit ou non de participer. Aussi, la décision de l’Office dans de tels cas est assujettie à la clause privative de la Loi31.

En passant ensuite à une évaluation du caractère raisonnable ou déférentiel du contenu du formulaire et des exigences qu’il imposait, le juge Stratas a souligné le lien nécessaire entre la demande de renseignements et la décision sur la portée. Dans la mesure où l’Office avait droit à une marge d’appréciation au titre de la portée de l’audience, cette marge s’appliquait aussi à son évaluation des renseignements qu’il devrait exiger des demandeurs relativement à leurs liens avec les questions à examiner ou la portée de l’audience. Cela dit, de toute évidence, il n’a pas été impressionné par les arguments selon lesquels le formulaire à remplir était compliqué et excessivement long et, par conséquent, décourageait les parties qui, autrement, auraient peut-être songé à présenter une demande de participation. Rendre la participation tributaire d’un effort et faire en sorte que les participants ne perçoivent pas les audiences comme une occasion d’aborder les points qu’ils souhaitent sans tenir compte de leur pertinence et de leur degré d’adéquation constituaient des objectifs louables et non déraisonnables. Il a aussi estimé que les exigences de l’Office cadraient bien avec les objectifs de l’article 55.2. Le projet de tenir des audiences plus ciblées et efficientes justifiait la rigueur de l’Office quant à l’information exigée des participants, tout particulièrement de ceux qui, comme madame Sinclair réclamaient le droit de participer non en tant que personnes directement touchées mais en tant que personnes possédant des « renseignements pertinents et une expertise appropriée ».

De ce fait, il y avait des questions sérieuses qui auraient pu être soulevées à propos du processus d’attribution des droits de participation et qui ne sont pas abordées dans la décision du juge  Stratas, par exemple, le délai de quinze jours pour la production des demandes de participation à compter de la date de la divulgation du questionnaire. Il s’agit aussi d’une utilisation discutable des ressources de l’Office que d’exiger puis d’évaluer des réponses détaillées à un vaste éventail de questions auxquelles doivent répondre des personnes qui ne sollicitent pas la qualité d’intervenant mais seulement le droit de déposer une lettre de commentaires auprès de l’Office32. Par ailleurs, les allégations que le questionnaire était trop compliqué sont presque à coup sûr exagérées, à tout le moins pour ceux qui connaissent l’anglais ou le français et qui savent utiliser Internet. Ces difficultés alléguées sont, dans tous les cas, atténuées dans une large mesure par une caractéristique de processus qui est aussi passée sous silence dans la décision du juge Stratas : la désignation d’un membre du personnel de l’Office en tant que conseiller au processus au profit des gens envisageant de présenter une demande de participation33.

(iii) Rejet de la demande de participation de Donna Sinclair

La demande de participation de Donna Sinclair révèle qu’elle vit à North Bay, donc pas à proximité de la canalisation 9. Sa demande de présenter sous une forme quelconque des observations écrites était motivée par ses préoccupations quant aux antécédents de déversements d’Enbridge, sa foi fondée sur une croyance en la nature sacrée des terres et une certaine connaissance des peuples autochtones, sans oublier de l’empathie à leur égard et à l’égard de leurs croyances et ambitions, le tout se reflétant dans son travail de journaliste et d’auteure de nombreux ouvrages34. Dans les motifs de rejet de sa demande35, l’Office a catégorisé « l’intérêt de Mme Sinclair à l’égard du projet [comme n’allant] pas au delà de l’intérêt public général » et a précisé qu’elle ne vit pas à proximité du projet. De façon plus générale, l’Office a fait valoir que les principes en vertu desquels il évaluerait les demandes de participation reposeraient sur la « possession de renseignements pertinents et d’une expertise appropriée ». Le premier impératif était que l’intervention proposée devait être pertinente aux questions que l’Office avait définies comme étant appropriées à la demande. En deuxième lieu, l’Office évaluerait si l’attribution d’un droit de participation [Traduction] « apporterait de la valeur ajoutée à l’évaluation de l’Office »36. En d’autres termes, pour ce qui est de son pouvoir discrétionnaire quant aux droits de participation des personnes possédant des renseignements pertinents ou une expertise appropriée, l’Office indiquait qu’une participation ne serait pas autorisée si les renseignements et/ou l’expertise dédoublaient la contribution d’autres parties ou correspondaient aux connaissances spécialisées ou expertes de l’Office. Quand à la structure du pouvoir discrétionnaire de l’Office, il n’y a rien d’offensant dans les principes généraux de fonctionnement et rien d’étonnant à propos de la décision de l’Office de rejeter la demande de participation de madame Sinclair.

En fait, c’est ainsi que le juge Stratas a abordé la question. D’abord, il a fait valoir qu’une décision concernant une demande de participation comptait des volets tant de fond que de procédure. Un volet de fond, car la décision tenait en partie à une évaluation du caractère pertinent ou substantiel de la nature de la participation à l’examen des questions mené par l’Office. Un volet de procédure, parce qu’il s’agissait de déterminer si l’on pouvait entendre le demandeur en tant qu’intervenant ou qu’auteur d’une lettre de commentaires. Après avoir de nouveau abordé, en l’instance, la question jurisprudentielle à propos de la norme de contrôle judiciaire applicable, il a accepté que, sans égard à la façon de caractériser la question, l’évaluation par l’Office des demandes individuelles soit assortie « d’une importante marge d’appréciation »37.

[Traduction] L’Office a entrepris une évaluation des faits, puisant à cette fin dans son expérience de la conduite d’audiences de ce genre et de l’évaluation du type de parties qui font ou ne font pas une contribution utile à ses décisions38.

Il a ensuite fait valoir que les motifs invoqués par l’Office révélaient qu’il était très sensible au fait qu’il devait, lors de la prise de telles décisions, assurer un juste équilibre entre l’importance d’offrir des possibilités de participation et l’obligation de mener des audiences ciblées et efficientes. Qui plus est, dans la mesure où la décision concernant la participation était, entre autres, fondée sur les valeurs sous-jacentes des dispositions garantissant la « liberté d’expression » de l’article 2b) de la Charte, même si l’article 2b) n’avait pas été mentionné, l’approche empruntée par l’Office pour se prononcer à propos des demandes de participation était cohérente avec une appréciation de ces valeurs et l’obligation, à cet égard, d’assurer un juste équilibre avec les intérêts qui s’y opposent39. Faisant directement allusion à l’exclusion de madame Sinclair, il a estimé que la justification mise de l’avant par l’Office était un « résultat acceptable et valable »40.

d. Conclusions

En tant qu’exercice de conception d’un processus et d’une demande, la décision de l’Office à propos des droits de participation aux audiences de la canalisation 9 a été jugée valable par la Cour d’appel fédérale, à tout le moins au plan du droit administratif et, par voie de référence, au plan de l’interprétation et de l’application de l’un des deux volets de l’article  55.2, le volet régissant l’accès au processus des parties possédant « des renseignements pertinents ou une certaine expertise ». Même si les décisions de l’Office ont été assujetties à la norme de la décision raisonnable – une norme faisant appel à de la retenue – plutôt qu’à la norme de la décision correcte, il ressort certes du jugement de la Cour une assurance appréciable pour l’Office quant à la marge de manoeuvre considérable dont il jouit dans l’élaboration de processus et de principes visant à baliser les droits de participation aux audiences assujetties à l’article 55.2.

Cependant, l’affaire n’est pas définitivement réglée pour autant. Reste encore à déterminer si les modifications pertinentes à la Loi, de même que les processus et les normes d’interprétation adoptés par l’Office, vont à l’encontre de la garantie de « liberté d’expression » à l’article 2b) de la Charte. De fait, tel que mentionné, la décision détaillée de l’Office à l’égard de ces questions et découlant d’une requête interlocutoire déposée dans le cadre de la demande de Kinder Morgan fait présentement l’objet de demandes de contrôle judiciaire.

Demeure aussi irrésolue, même du strict point de vue du droit administratif, la question des normes établies et appliquées par l’Office dans le cas de la demande de la canalisation 9 en vue de déterminer si un demandeur se qualifiait de plein droit pour participer à l’audience du seul fait qu’il était « touché directement »; la demande de madame Sinclair n’a pas été produite en vertu de ce volet de l’article 55.2. Dans ces décisions, l’Office a fait valoir que :

… tient compte des activités de celui-ci dans la zone où le projet sera situé, de l’incidence du projet sur l’environnement et des répercussions de cette incidence sur les activités du demandeur. Plus ces éléments sont interreliés (plus grande est la proximité), plus la personne pourrait être directement touchée. Une incidence qui serait trop éloignée ou hypothétique, ou pour laquelle des répercussions sur les intérêts du demandeur seraient improbables, ne pourrait être à l’origine d’une conclusion selon laquelle la personne est directement touchée41.

Dans l’affaire de la canalisation 9, par exemple, il a résulté de l’application de ce critère la non-attribution de la qualité d’intervenant à des personnes ayant fait valoir dans leur demande que leur lieu de résidence à Toronto était susceptible d’être touché par un déversement42. Cependant, elles ont été autorisées à déposer une lettre de commentaires. De la même façon, les demandeurs ayant réclamé le droit de participer en faisant valoir des intérêts commerciaux qu’une approbation de projet favoriserait n’ont aussi été autorisés qu’à produire une lettre de commentaires43.

Encore une fois, les litiges découlant des décisions au titre de la participation dans l’affaire de la demande de Kinder Morgan devraient assurément faciliter l’examen des critères visant à déterminer si une personne est « directement touchée » ou non. Aux fins de cette audience, 2 118 demandes de participation ont été reçues, dont 468 ont été purement et simplement rejetées44.

Un autre élément important concernant la demande de Kinder Morgan est de savoir si les exclusions à la portée de l’audience dans l’affaire de la canalisation 9, où il est question de la conversion de l’utilisation d’un pipeline existant, peuvent être reprises telles quelles dans le cas d’une demande d’agrandissement d’une canalisation. Dans un contexte d’agrandissement, existe-il une justification raisonnable d’exclure de l’examen les « effets environnementaux et socioéconomiques associés aux activités en amont, la mise en valeur des sables bitumineux ou l’utilisation en aval du pétrole devant être transporté par pipeline »? Est-ce que la question des changements climatiques devrait aussi être exclue de la portée de l’audience? En fait, il semble évident que la décision45 concernant la portée de l’affaire Kinder Morgan est aussi liée à des questions soulevées par certaines des parties ayant obtenu la qualité d’intervenant à l’audience publique de cette demande : le refus apparent de l’Office d’exiger de Trans Mountain qu’elle réponde à plus de cinq pour cent des questions des intervenants46 et la suppression de l’étape du contre-interrogatoire oral lors de l’audience47. Il s’agit, évidemment, de questions de procédure qui débordent de beaucoup des décisions initiales concernant la qualité d’agir et qui donneront encore lieu à un contrôle judiciaire additionnel par la Cour fédérale.

Normes de contrôle judiciaire des décisions des organismes de réglementation du secteur énergétique

La décision dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association marque un jalon important de l’évolution du droit régissant la norme de contrôle judiciaire à observer dans le cas des décisions des organismes de réglementation du secteur de l’énergie. Assurément, en acceptant que la norme de la décision raisonnable devienne la norme quasi-immuable à observer par les organismes de réglementation du secteur énergétique lors de l’interprétation de leur loi constitutive, la Cour ne fait que réitérer ce qui est apparent depuis Dunsmuir et Alberta Teachers. Cependant, en élargissant l’application de la norme de la décision raisonnable à l’interprétation et à l’application des dispositions de loi constitutive qui concernent soit des questions de nature procédurale, soit un mélange de questions de procédure et de fond, le juge Stratas naviguait dans des eaux un peu plus turbulentes mais reflétant néanmoins la jurisprudence de plus en plus abondante rejetant l’adoption d’une norme de la décision correcte universelle aux fins du contrôle judiciaire de questions d’équité procédurale. Un autre élément important de l’approche empruntée par la Cour, c’est sa prétention que, au titre de la conception émergente (ou ayant émergé) assimilant la norme de la décision correcte à une enquête qui tient grand compte du contexte, l’organisme de réglementation devait avoir droit dans ses trois décisions interlocutoires, au plan des dispositions législatives, à une marge d’appréciation plus large (plutôt que plus restreinte). Enfin, la Cour n’a pas cédé à l’argument que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, pour ce qui est de la décision de l’Office sur la portée de l’audience, devrait être mené à la lumière des motifs nommés usuels de contrôle judiciaire et, en particulier, en fonction de ce qui, dans les faits, constituerait un contrôle selon la norme de la décision correcte en vue de déterminer si l’Office, dans sa décision sur la portée de l’audience ou la liste des questions, n’avait pas exclu de façon inadmissible un point légalement (et, de fait, obligatoirement) pertinent.

Voilà qui devrait considérablement rassurer les organismes de réglementation partout au pays, mais pas les gens qui contestent les décisions des organismes de réglementation; pour ces derniers, la perspective d’obtenir gain de cause lors d’une demande de contrôle judiciaire ou d’un appel prévu par la loi est de plus en plus décourageante. En fait, la décision met en lumière la dimension réparatrice du contrôle judiciaire qui sous-tend à la fois l’intégrité des processus de prise de décision des organismes de réglementation et, règle générale, restreint les requêtes de contrôle judiciaire aux décisions finales (par opposition aux décisions interlocutoires) de ces organismes. Le premier message a déjà été mis en évidence dans la section précédente de cette analyse : ne venez pas faire valoir devant la Cour des motifs au titre de la Charte pour contester la loi habilitante d’un organisme ou son interprétation et application de ladite loi sans avoir d’abord abordé la question auprès de l’organisme. Le deuxième message, même s’il ne s’applique pas en l’instance, en partie parce que ce point n’a pas été abordé par l’Office ou Enbridge, c’est que même la contestation de décisions visant à exclure les droits de participation devrait règle générale être reportée jusqu’à ce que l’organisme de réglementation ait rendu sa décision finale à propos d’une demande. Demander un contrôle judiciaire des décisions interlocutoires rendues par des organismes et des tribunaux fragmente le processus administratif et est, par conséquent, vraisemblablement visé par l’élément de la prématurité.

Faire preuve de déférence à l’égard des organismes de réglementation du secteur énergétique pour ce qui est de l’exécution de leurs fonctions de base ne se limite pas aux questions d’approbation des installations et d’établissement des tarifs, comme en atteste les deux affaires instruites par la Cour suprême du Canada le 3 décembre 2014 et qui sont toujours en délibéré. Dans les deux cas – ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Utilities Commission)48 et Commission de l’énergie de l’Ontario c. Ontario Power Generation Inc.49, les cours d’appel respectives ont reconnu que les organismes de réglementation pertinents avaient droit au bénéfice déférent d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable au titre de l’interprétation et de l’application des dispositions leur conférant le pouvoir de fixer les tarifs des services publics réglementés dans la mesure où ils sont « justes et raisonnables ». Au fil des ans, cependant, diverses méthodes ont été élaborées aux fins d’établir une réglementation du taux de rendement. Pour certains, ces méthodes sont un régime de la common law qui sous-tendent les dispositions législatives pertinentes. Dans cette perspective, toute dérogation aux méthodes perçues de common law est interprétée comme étant obligatoirement déraisonnable ou doit être neutralisée seulement si cela est justifié de façon appropriée par l’organisme de réglementation. De fait, c’est ainsi que la Cour d’appel de l’Ontario a traité ce qu’elle a perçu comme une dérogation de la Commission de l’énergie à la méthode acceptée d’évaluation de la pertinence des coûts subis par les services publics réglementés. Par conséquent, la Cour, infirmant une décision majoritaire de la Cour divisionnaire, a soutenu que cet élément de l’exercice d’établissement des tarifs était déraisonnable. Il s’agit d’une démarche fort différente de la démarche davantage fluide empruntée par la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire ATCO en vue d’évaluer la méthode utilisée par la Alberta Utilities Commission pour déterminer si les coûts propres au régime de pension des services publics réglementés avaient été engagés de façon judicieuse.

Du reste, même si la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Ontario Power Generation a indiqué expressément qu’elle menait un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, une analyse de la décision donne à penser que, dans les faits, il s’agissait d’une démarche déguisée, d’un contrôle selon la norme de la décision correcte dans la mesure où la Cour a qualifié d’injustifiable la méthode empruntée par la Commission pour évaluer le caractère judicieux des coûts d’indemnisation des services publics par rapport aux précédents établis par la Commission qui les avait qualifiés de raisonnables dans une instance antérieure devant la Cour d’appel50. S’agissait-il d’une caractérisation exacte tant des précédents que du traitement des coûts par la Commission dans les circonstances particulières, voilà manifestement une question que devra trancher la Cour suprême du Canada. Cependant, en acceptant cette caractérisation, ce qu’a fait la Cour, par rapport à la décision du juge Stratas dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association, est d’appliquer une version faisant grand cas du contexte du contrôle de la norme de la décision raisonnable où l’éventail des options parmi lesquelles la Commission peut choisir n’est pas large mais plutôt restreint ou limité considérablement par ses propres précédents.

Il reste à savoir comment la Cour suprême du Canada départagera tout cela dans le contexte des deux cas de contrôle judiciaire les plus importants de décisions d’organismes de réglementation du secteur énergétique entendues par la Cour depuis l’affaire Strores Block, affaire controversée datant de 2006 (ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board))51. En l’instance, la majorité des juges de la Cour suprême du Canada avaient abordé une question dans la perspective de la norme de la décision correcte, question qui semblait alors au coeur même des pouvoirs conférés à la Energy and Utilities Board, à savoir si les contribuables avaient droit à une part des recettes de la vente d’un bien auparavant inclus dans la base tarifaire. Dans le cadre du contrôle, la majorité des juges ont traité la question comme s’il s’agissait d’une question de compétence engendrant automatiquement l’application de la norme de la décision correcte. A contrario, une minorité de juges étaient d’avis, dans cette ère pré-Dunsmuir, que la norme de contrôle judiciaire devrait être la dorénavant norme de décision manifestement déraisonnable.

Depuis, au moins un juge (la juge Fraser) de la Cour d’appel de l’Alberta a analysé les ramifications de la décision Stores Block au plan de la norme de contrôle judiciaire : ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Utilities Commission)52. De l’avis de la juge Fraser, les appels des ordonnances de frais des offices de services publics dans deux instances distinctes d’organismes de réglementation en ont été réduits à une confrontation entre deux conceptions du droit des services publics réglementés de recouvrer leurs frais juridiques. La Commission était d’avis que les dispositions traitant des frais dans la loi pertinente s’appliquaient aux services publics réglementés et justifiaient la démarche de la Commission visant à déterminer les dépens imputables à sa participation à cette procédure, dépens calculés selon une échelle de coûts établie à partir de l’une de ses règles. Par contraste, les services publics réglementés soutenaient qu’ils n’étaient visés ni par les dispositions de la loi concernant les dépens ni la règle pertinente mais plutôt par le principe usuel de droit réglementaire selon lequel les services publics avaient le droit de recouvrer tous les coûts (y compris les frais juridiques) judicieusement engagés dans le cadre de leurs activités réglementées, y compris ceux résultant de leur participation à des instances réglementaires.

D’une part, l’affaire est très sensible au contexte et tient essentiellement à l’interprétation du régime des frais applicable à la Alberta Utilities Commission : article 21(1) de la Alberta Utilities Commission Act53. Cependant, la décision de la juge Fraser est, de façon générale, plus importante à au moins trois égards. En premier lieu, on y trouve un historique utile de la réglementation des services publics du secteur de l’énergie en Alberta, des secteurs du gaz et de l’électricité en particulier. En deuxième lieu, dans sa décision figure une analyse détaillée de ce qu’elle a perçu comme un conflit ou une tension entre, d’une part, l’accord de réglementation (élaboré initialement en vertu de la common law) établissant les principes de recouvrement des frais des services publics réglementés, habituellement dans le cadre de la réglementation du taux de rendement et, d’autre part, l’interprétation des dispositions législatives en matière de réglementation susceptibles de déroger des principes énoncés dans ledit accord. En troisième lieu, sont réévalués dans la décision, tel que mentionné précédemment, la décision Stores Block et la catégorisation des questions comme étant de « véritables » questions de compétence commandant un examen selon la norme de la décision correcte, même en cette ère post-Dunsmuir.

À propos de la norme de contrôle, la juge Fraser a refusé de qualifier la question des frais de « véritable » question de compétence. La Commission devait interpréter sa loi habilitante ou constitutive ce qui, par conséquent, devait vraisemblablement commander la norme de la décision raisonnable. Dans ce contexte, elle a de fait traité la décision Stores Block comme constituant un précédent insatisfaisant que l’on ne pouvait plus invoquer sans risque dans la foulée de la décision Dunsmuir et des décisions qui en ont découlé. En d’autres termes, la décision majoritaire dans Stores Block qualifiant de question de compétence la répartition du profit net de la vente d’un bien de la base tarifaire ne devrait plus être considérée comme exécutoire maintenant que la Cour suprême a indiqué que la catégorisation d’une question comme étant une véritable question de compétence devait être un cas exceptionnel et qui, règle générale, ne devrait pas se produire lorsque des tribunaux et organismes sont appelés à interpréter leur loi constitutive. Dans ce contexte, elle a mis en contraste la question en cause dans cette affaire et la question abordée par la Cour d’appel dans Shaw c. Alberta (Utilities Commission)54. Dans ce dernier cas, selon la juge Fraser, la question était une véritable question de compétence au sens où, ce qui était en jeu, c’était de déterminer si des modifications à la loi avaient eu pour effet de transférer de l’organisme de réglementation au pouvoir législatif ou exécutif du gouvernement le pouvoir d’examiner l’intérêt public supérieur lors de l’évaluation des besoins en lignes de transmission. En d’autres termes, dans la perspective de Dunsmuir, cette question pourrait être classifiée comme en étant une où il faut régler une question de compétence concurrente ou multiple habituellement assujettie à la norme de la décision correcte.

Si cela fait dorénavant partie des principes généraux d’analyse de la norme de contrôle reconnus et appliqués par la Cour d’appel de l’Alberta, il n’en résulte pas pour autant une définition plus précise et étroite du concept de la compétence véritable dans cette province. Que cela le soit ou non tient dans une large mesure à l’interprétation faite des deux autres décisions de la Cour d’appel de l’Alberta. Il est certes difficile de traiter la décision concordante du juge Martin comme s’il souscrivait à l’analyse du juge en chef car il semblait procéder à une analyse du contrôle selon la norme de la décision correcte des volets juridiques de l’adjudication des dépens de chacune des instances. Le juge Côté, tout en étant d’accord avec le résultat obtenu par la juge Fraser, quoique à une échelle plus restreinte, y est néanmoins parvenu en observant la norme de la décision raisonnable. Cependant, cette norme a été appliquée aux motifs de la décision d’adjudication des dépens de la Commission et non à la question de savoir si l’article 21 visait le pouvoir de la Commission au titre des frais juridiques des services publics réglementés. Alors que l’acceptation de l’existence de cette capacité était implicite dans la décision (et explicite dans la décision du juge Martin), il est malaisé de déterminer si le juge Côté en est venu à cette conclusion en appliquant la norme de la décision raisonnable ou correcte, la juge Fraser s’étant penché ultimement sur le bien-fondé de cette question en se reportant tant aux normes de la décision raisonnable que correcte.

En ce qui concerne l’analyse de l’accord de réglementation, il est aussi nébuleux de déterminer ce qui est ressorti de cette décision. D’une part, la juge Fraser semble estimer que les dispositions législatives régissant les frais et la règle ont libéré la Commission des entraves que lui imposait l’accord de réglementation et lui ont conféré une plus grande marge de discrétion quant aux critères à partir desquels décider des dépens à attribuer. Cependant, à la fin de sa décision, elle a bien pris soin de préciser que les deux instances d’où sont issus les appels étaient des audiences entreprises par la Commission visant des questions et des approches de réglementation plus larges et non une audience conventionnelle sur le taux de rendement ou une audience visant une demande d’un service public réglementé. Comment devraient s’appliquer les dispositions législatives et la règle sur les frais dans ces contextes n’a pas été abordé dans le cadre de ces appels.

La perspective du juge Côté a été encore davantage modérée, le juge doutant qu’il était approprié d’interpréter les dispositions et la règle sur les frais comme justifiant, dans tous les cas, le recours à une approche en matière d’adjudication des dépens non restreinte par l’accord de réglementation et le critère des frais juridiques judicieusement engagés. Plutôt, son adhésion à la décision était plus particulièrement limitée au caractère raisonnable des dépens attribués dans les instances particulières entendues par la Commission, instances qui ne visaient, d’aucune façon, l’établissement d‘un taux de rendement. Dans ces contextes, il n’était pas disposé à qualifier de déraisonnable l’approche de la Commission.

Dans une opinion dissidente, le juge Martin a semblé adopter une approche qui différait, en principe, de celle du juge en chef. D’une certaine façon, il estimait que les dispositions de la Loi et la règle devaient être interprétées systématiquement à la lumière de l’accord de réglementation et du droit des services publics réglementés de recouvrer les coûts raisonnables engagés. Afin de définir les frais juridiques des services juridiques réglementés, peu importe le cas (y compris les procédures découlant de politiques et entreprises par la Commission), il faut appliquer le critère des coûts judicieusement engagés. Cependant, dans la mesure où, en l’instance, la règle de la Commission l’autorisait et l’application de la règle le permettait, exception faite du refus d’attribuer les dépens propres à une phase antérieure de l’une des deux instances, il fallait considérer la démarche comme étant compatible avec les exigences de l’accord de réglementation et il n’y avait aucune raison motivant l’annulation des décisions.

Évidemment, le recours à des approches différentes par les trois juges reporte à plus tard l’adoption d’un régime de traitement global de la compétence de la Commission en matière de coûts dans la mesure où elle concerne les services publics réglementés.

L’obligation de consulter les peuples autochtones

(a) Définir et préciser le rôle des organismes de réglementation55

Les paramètres de l’obligation faite à la Couronne de consulter et, le cas échéant, d’accommoder des groupes autochtones sont d’une très grande importance pour les organismes de réglementation du secteur énergétique, les ministères et organismes gouvernementaux investis de pouvoirs législatifs influant sur les droits et les intérêts des peuples autochtones, ainsi que les promoteurs sollicitant l’approbation par des organismes de réglementation ou des ministères et organismes gouvernementaux de projets qui pourraient avoir une incidence sur ces droits et intérêts. Concevoir des procédures appropriées et des approches formelles pour s’acquitter de cette obligation passe par un processus complexe. Au nombre des défis de conception figure la position actuelle de la Cour suprême du Canada, à savoir qu’en l’absence d’un pouvoir explicite conféré par la loi, les organismes de réglementation n’ont pas la capacité de s’acquitter de l’obligation constitutionnelle de la Couronne56, même s’il semble que la Couronne pourrait faire valoir que les processus de consultation de ces organismes et, par leur entremise, les promoteurs lui permettent de s’acquitter en partie de ses obligations. Vient s’ajouter une couche additionnelle de complexité découlant du fait que, alors que les organismes de réglementation ont au moins, dans certaines circonstances, la capacité d’évaluer, dans le cadre du processus d’approbation d’une demande, si la Couronne s’est acquitté de son obligation de consulter57, il s’agit d’une responsabilité qui peut leur être retirée comme dans le cas de l’organisme de réglementation du secteur de l’énergie de l’Alberta58.

En conséquence, l’une des caractéristiques de l’évolution en 2014 du droit et de la pratique de l’obligation de consulter a été la façon dont le tout nouveau Alberta Aboriginal Consultation Office (l’Office) s’est employé à nouer une relation juridiquement compatible et conforme avec l’organisme de réglementation du secteur énergétique de l’Alberta pour ce qui est de l’obligation de consulter, dans le cadre des audiences de l’organisme de réglementation, à propos de la gestion de terres et de ressources naturelles touchant aux droits et intérêts des Autochtones59. De fait, cela n’a pas été laissé entièrement aux soins de l’Office et de l’organisme de réglementation en ce sens que, en octobre, les ministres de l’Énergie et de l’Environnement et du Développement durable ont diffusé une ordonnance ministérielle révisée en vertu de la loi constitutive de l’organisme de réglementation, la Responsible Energy Development Act60, instruisant l’organisme de réglementation du secteur énergétique de ses responsabilités en matière de consultation et, en particulier, de coordination avec le Aboriginal Consultation Office61. Déjà, des questions ont été soulevées à propos du sens et de la portée de cette Directive62 et, sans aucun doute, on peut s’attendre à d’autres améliorations et précisions à mesure que prendra forme la relation entre l’organisme de réglementation et l’Office. Ultimement, bien sûr, la principale question sera si, avec l’appui des ministères pertinents, ils pourront réussir à établir une relation de travail et des protocoles qui seront non seulement viables (au sens de pratiques et efficients) mais qui seront aussi conformes aux obligations légales énoncées dans une jurisprudence sans cesse croissante.

(b) Évolution de la jurisprudence

Tandis que les gouvernements et les participants à divers processus réglementaires s’emploient à régler des questions de conception de procédures, le nombre de litiges dans le domaine de l’obligation de consulter ne se dément pas. Dorénavant, un bon nombre de ces litiges concernent si, au titre des faits de cette situation particulière, la Couronne s’est conformée à son obligation constitutionnelle de consulter et, le cas échéant, d’accommoder les peuples autochtones. Bon nombre de ces cas englobent des enquêtes complexes sur la preuve et l’application très détaillée des critères définis dans les cas les plus importants entendus par la Cour suprême, à savoir si l’obligation est vraiment déclenchée, quel est le niveau d’intensité de l’obligation de consulter et si, à la lumière des faits constatés, les normes appropriées ont été observées63. Cependant, en 2014 et au tout début de 2015, il y a eu un certain nombre de cas où ont été abordées certaines des incertitudes qui perdurent dans ce domaine. À cet égard, j’aborderai trois cas.

(i) Hupacasath First Nation c. Ministre des Affaires étrangères du Canada 64

Même si cette affaire ne concerne pas directement la réglementation du secteur énergétique, cette décision de la Cour fédérale d’appel soulève une question relative à l’exercice de pouvoirs visé par l’obligation de consulter. En l’instance, il s’agit de la conclusion et de la mise en oeuvre d’un traité sur l’investissement avec la République populaire de Chine. La source des pouvoirs relativement à ces deux mesures est la prérogative royale.

La Première Nation a présenté une demande de contrôle de l’exercice de ce pouvoir de la prérogative en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales65. Elle soutient que le gouvernement aurait dû la consulter avant de conclure et de ratifier le traité. Cette demande se fonde sur l’assertion que le traité et certaines de ces modalités pourraient porter atteinte aux droits et intérêts de la Première Nation.

En prononçant la décision de la Cour fédérale d’appel confirmant la décision du juge Crampton de la Cour fédérale de rejeter une demande de contrôle judiciaire66, le juge Stratas a abordé un certain nombre de questions préliminaires. Dans chacune, il a tranché en faveur de la Première Nation en tant que demandeur ou appelant. En premier lieu, l’exercice pur du pouvoir de la prérogative ainsi que les ordonnances prises en vertu de l’exercice du pouvoir de la prérogative sont sujets à contrôle en vertu de l’article 18.167. En deuxième lieu, la question de la légalité de l’exercice, à tout le moins de ce volet du pouvoir de la prérogative pour ce qui est des traités et des relations étrangères, est justiciable; cela s’inscrit dans le mandat des cours. En troisième lieu, l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder les peuples autochtones pourrait s’appliquer dans le contexte de l’exercice du pouvoir de la prérogative en général et, dans le cas des pouvoirs relatifs aux traités et aux relations étrangères, en particulier. Toutefois, là où la Première Nation a échoué devant les deux cours, c’est qu’elle n’a pas produit une justification suffisante au titre de son assertion que la conclusion et la ratification du traité aurait un impact suffisant sur les droits et intérêts de la Première Nation; tous les effets, d’après les critères figurant dans la jurisprudence68, étaient « non appréciables » et « spéculatifs ». Cependant, en rejetant l’appel, le juge Stratas n’a pas écarté la possibilité que la Première Nation puisse présenter une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue ou d’une mesure prise en vertu du Traité et dont elle pourrait faire la démonstration qu’elle a eu des conséquences négatives sur les droits et les intérêts autochtones.

(ii) Mikisew Cree First Nation c. Gouverneur en conseil69

Parmi les décisions citées par le juge Stratas dans l’affaire Hupacasath, diffusée le 9 janvier 2015, figure celle du juge Hughes de la Cour fédérale rendue moins d’un mois plus tôt, le 19 décembre 2014, dans l’affaire Mikisew Cree First Nation c. Gouverneur en conseil. Elle concernait une demande de contrôle judiciaire découlant de deux lois fédérales omnibus de 2012 et, plus particulièrement, des dispositions visant les évaluations environnementales, les espèces à risque, et les eaux navigables. La Première Nation soutenait que, comme ces mesures atténuaient l’étendue, entre autres, de la protection environnementale des rivières et des lacs sur ses terres traditionnelles et qu’elle utilise pour la pêche, le trappage et la navigation, le gouvernement devait, en vertu de l’obligation de consulter, consulter la Première Nation à un moment ou un autre du processus législatif.

En dépit des obstacles posés par la jurisprudence sur le contrôle judiciaire du processus législatif, le juge Hughes a soutenu que, dans certaines circonstances, l’immunité du contrôle judiciaire lors du dépôt et de l’adoption d’une loi devait céder le pas aux impératifs constitutionnels de l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder. Bien que cette obligation ne vise pas la préparation et le dépôt d’un projet de loi au Parlement, elle est déclenchée une fois la loi déposée. À ce moment, pourvu que l’impact sur les droits et intérêts des peuples autochtones soit suffisant, l’obligation est enclenchée. Condition préalable à l’adoption d’un projet de loi, l’obligation doit être satisfaite. Qui plus est, en l’instance, par opposition à dans Hupacasath, le juge Hughes a estimé qu’il existait une possibilité suffisante d’impact négatif sur les droits et les intérêts de la Première Nation en raison de l’application de certaines des dispositions de la loi omnibus. Néanmoins, compte tenu de l’incertitude d’un tel impact, le niveau de l’obligation de consulter se situait au bas du spectre procédural. Aussi, le juge Hughes était d’avis que ce que la Cour pourrait faire tout au plus en l’instance, en réaction au défaut de consulter, était d’émettre une déclaration à cet effet. Accorder une injonction (ou probablement déclarer les aspects pertinents de la loi constitutionnellement invalides) ne respecterait pas suffisamment la relation constitutionnelle entre les cours et les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement.

Collectivement, les décisions de la Cour d’appel fédérale et du juge Hughes, pourvu qu’elles ne fassent pas l’objet d’appels fructueux, viennent confirmer la théorie selon laquelle l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder lie la Couronne dans toutes ses actions environnementales, qu’elles soient le fait de la prérogative royale ou d’une loi du Parlement et, toujours dans ces deux situations, aussi par la voie de mesures législatives subordonnées ou de décrets en conseil70. Cela boucle un cercle important quant à la portée de cette obligation constitutionnelle de consulter qui revêt une si grande importance pour les organismes de réglementation du secteur de l’énergie.

(iii) Tsilhqot’in Nation c. British Columbia71

Sans aucun doute, la décision sur les droits autochtones la plus importante de l‘année 2014 a été la décision Tsilhqot’in Nation c. British Columbia. Une analyse approfondie de la portée de cette décision déborde du cadre de cet examen de cas de droit administratif important pour le droit et la réglementation de l’énergie. Cependant, il suffit de dire que non seulement la Cour a statué qu’il y avait défaut de consulter la Première Nation touchée pour ce qui est des droits issus d’une revendication territoriale dorénavant confirmées72 mais aussi que, dans le cas de revendications territoriales alléguées confirmées, le volet accommodation de l’obligation constitutionnelle est presque assimilable à une exigence de consentement à toute dérogation aux droits associés à la revendication confirmée73. Voilà qui ajoute une toute nouvelle dimension au concept d’accommodement (ou le clarifie) et, sans aucun doute, cela aura des répercussions sur un vaste éventail de litiges où intervient l’obligation constitutionnelle.

  1. David Mullan, professeur émérite, Faculté de droit, Université Queen’s.
  2. Consulter l’analyse de David J. Mullan, « Droit administratif et réglementation en matière d’énegie – Perspective sur dix ans » (2013), 1 PTRE 13, aux para 15-19. Consulter, en particulier, Kelly c Alberta (Energy Resources Conservation Board), 2011 ABCA 325, 515 AR 201.
  3. Voir, par ex., l’article 9 de la Alberta Utilities Commission Act, SA, c A-37.2.
  4. Voir l’article 1 de la Administrative Procedures and Jurisdiction Act, RSA 200, c A-3 (version modifiée).
  5. Rowland J. Harrison, Q.C., « Inversion de la canalisation 9 d’Enbridge » (2014), 2 PTRE 151.
  6. Loi sur l’Office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7 [Loi sur l’ONE].
  7. Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, LC 2012, c 19, art 83.
  8. Il existe une divergence intéressante entre les dispositions de l’article 55.2 et les dispositions de l’article 52 de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, LC 2012, c 19, aussi promulguée en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. À l’article 2(2) de la Loi, on définit « partie intéressée » comme étant une personne qui, de l’avis de l’organisme de réglementation, est « directement touchée » ou « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». Or, en vertu de l’article 28, toutes les personnes intéressées ont le droit de participer à une audience visant un projet requérant la délivrance d’un certificat en vertu de l’article 58 de la Loi sur L’Office national de l’énergie. Cela contraste avec l’article 52.2 en vertu duquel l’Office peut déterminer qui, selon lui, « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». Dans la décision relative à la participation à l’audience du Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain, Ordonnance d’audience OH-001-2014 (2 avril 2014), paragr.  5, l’Office national de l’énergie a constaté cette divergence mais a fait valoir qu’elle n’avait aucune importance pratique.
  9. Lignes directrices concernant l’article 55.2 – Participation à une audience concernant des installations – <https://www.neb-one.gc.ca/prtcptn/hrng/prtcptnthrhrnggdncs52_2-fra.html> .
  10. Ordonnance d’audience OH-002-2013, Enbridge Pipelines Inc. (Enbridge), Projet d’inversion de la canalisation 9B et d’accroissement de la capacité de la canalisation 9, demande présentée en vertu de l’article 58 de la Loi sur l’Office national de l’énergie (Loi sur l’ONE), 19 février 2013, aux para  28-33.
  11. Ordonnance d’audience OH-002-2013, Mise à jour procédurale no 2 – Décision sur la participation et calendrier des événements révisé, (22 mai 2013).
  12. Joyce Nelson, “Pipeline Reversal Protesters Muzzled; NEB Limits Public Input at Oil Pipleine Reversal Hearings” (1 octobre 2013), en ligne: Canadian Center for Policy Alternatives <https://www.policyalternatives.ca/publications/monitor/pipeline-reversal-protestors-muzzled>.
  13. Vous trouverez une description du cadre organisationnel courant dans « Forest Ethics is now operating as an international coalition: Coalition FAQs », en ligne : ForestEthics <http://forestethics.org/forestethics-now-operating-international-coalition-coalition-faqs>.
  14. On peut consulter sa Demande de participation dans le site Web de l’Office national de l’énergie. On peut aussi s’en procurer une copie sur demande. En remplissant le formulaire, madame Sinclair n’a pas rempli la section exigeant des demandeurs qu’ils précisent en quelle qualité ils souhaitent participer. Cependant, dans ses réponses dans d’autres sections du formulaire, on constate qu’elle voulait seulement avoir l’occasion de présenter des observations par écrit (lettre de commentaires).
  15. Enbridge Pipelines Inc., Motifs de la décision (6 mars 2013), OH-002-2013,.
  16. Forest Ethics Advocacy Association v National Energy Board, 2014 FCA 245 [Forest Ethics]..
  17. Ibid, au para 33.
  18. Tel qu’énoncé très récemment dans l’affaire Canada (Procureur général) c Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, [2012] 2 RCS 524.
  19. Forest Ethics, supra note 16 au para 34.
  20. Tel qu’établi en principe dans Nouvelle Écosse (Workers’ Compensation Board) c Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Laseur, 2003 CSC 54, [2003] 2 R.C.S. 504, et confirmé dans la présente affaire en vertu de l’article 12(2) de la Loi sur l’Office national de l’énergie où est attribuée à l’Office la compétence exclusive d’entendre et de trancher toutes les questions de droit et de fait, y compris les questions constitutionnelles, soulevées devant lui.
  21. Voir Mackay c Manitoba, [1989] 2 RCS 357. Voir aussi la décision antérieure du juge Stratas dans Canada (Procureur général) c Quadrini, 2010 CAF 246, [2012] 2 RCF 3.
  22. Ordonnance d’audience OH-001-2014, Trans Mountain Pipeline ULC (Trans Mountain), Demande concernant le Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain, madame Lynne M Quarmby et al – avis de motion des 6 et 15 mai 2014, décision no 34.
  23. Ibid, au para 42.
  24. Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.
  25. Supra, note 10 Annexe I.
  26. Ordonnance d’audience OH-002-2013 – Mise à jour procédurale n1 – Listes des questions et formulaire de demande de participation, 1 à 7 et Annexe I.
  27. Ibid à la p 7.
  28. Dunsmuir et Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654.
  29. Forest Ethics, supra note 16 au para 69.
  30. L’ambivalence de la Cour suprême à cet égard est amplement illustrée dans la décision rendue par le juge LeBel au nom de la Cour dans Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS  502, au para 79 (décision correcte) et 89 (déférence aux règles et décisions de procédure). Elle était aussi reflétée dans les approches différentes du juge Evans dans Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, aux para 34 à 42, et du juge Stratas lui-même dans Maritime Broadcasting System Ltd. v Canadian Media Guild, 2014 FCA 59, aux para 50 à 56, et abordé par le juge Stratas dans Forest Ethics, ibid, para 70 à 73.
  31. Loi sur l’Office national de l’énergie, article 23(1). Aussi, à l’article  55.2, il est stipulé que les décisions de l’Office à propos des droits de participation sont « définitives ».
  32. Consulter, par ex., Andrew Gage, avocat à l’emploi de West Coast Environmental Law, “NEB should abandon undemocratic limits on public comment” (10 avril 2013), en ligne : <http://wcel.org/resources/environmental-law-alert/neb-should-abandon-undemocratic-limits-public-comment> (révisé le 7 août 2013).
  33. Supra, note 10 au para 5 et Annexe VIII.
  34. Supra, note 14.
  35. Supra, note 11 au para 12.
  36. Ibid au para 3.
  37. ForestEthics, supra, note 16 au para 82.
  38. Ibid.
  39. Ibid au para 83, et référence à Doré c Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 RCS 395, au para 24, et sa prescription d’appliquer la norme de la décision raisonnable lors du contrôle judiciaire de décisions où sont invoquées des valeurs de la Charte.
  40. Ibid.
  41. Supra, note 11 au para 3.
  42. Ibid aux para 5-7.
  43. Ibid aux para 7-8.
  44. Supra note 8 au para 1.
  45. Ordonnance d’audience OH-001-2014, Trans Mountain Pipeline ULC, Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (2 avril 2014), au para 4 et Annexe I.
  46. Consulter « Energy Executive Blasts Kinder Morgan Review as ‘Fraudulent,” Quits », <http://dogwoodinitiative.org/blog/fraudulent-process>, où l’on trouve une lettre datée du 2 novembre 2014 adressée à l’Office national de l’énergie par Marc Eliesen, ancien PDG de B.C. Hydro et président du conseil de Manitoba Hydro, annonçant son retrait en tant que participant à l’audience Kinder Morgan.
  47. Voir l’Ordonnance d’audience OH-001-2014, Trans Mountain Pipeline ULC (Trans Mountain), Demande du Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (Demande), Avis de motion de madame Robyn Allan et de madame Elizabeth May visant à inclure le contre-interrogatoire de témoins, décision n14 (7 mai 2014).
  48. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Utilities Commission), 2013 ABCA 310, 556 AR 376, autorisation obtenue d’interjeter appel [2013] SCCA No 459 à la CSC et appel entendu le 3 décembre 2014.
  49. Commission de l’énergie de l’Ontario c Ontario Power Generation Inc., 2013 ONCA 359, 116 OR.(3d) 793 (sub nomine : Power Workers’ Union, Canadian Union of Public Employees, Local 1000 v Ontario (Energy Board)), rev’g. 2012 ONSC 729, 109 OR (3d) 576, autorisation obtenue d’interjeter appel [2013] SCCA No 339 à la CSC et appel entendu le 3 décembre 2014.
  50. Enbridge Gas Distribution Inc. c Ontario (Commission de l’énergie de l’Ontario), 2010 OAC 4.
  51. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 RCS 140.
  52. ATCO Gas and Pipelines Ltd. c Alberta (Utilities Commission), 2014 ABCA 397.
  53. Supra note 3 art 21(1).
  54. Shaw c Alberta (Utilities Commission), 2012 ABCA 378, 539 AR 315. Voir cependant, aux fins de comparaison, Williams Energy (Canada) Inc. c Alberta Utilities Commission, 2014 ABCA 51, où l’on assujettit à la norme de la décision raisonnable l’examen de la compétence de la Commission de donner suite à une demande d’établissement des tarifs d’utilisation d’un pipeline sans avoir reçu une ordonnance à cet effet du gouverneur en conseil. Or, l’analyse de la décision de la Commission à cet égard révèle que l’analyse de la Cour est assimilable à un contrôle selon la norme de la décision correcte.
  55. Consulter l’analyse approfondie de Keith B. Bergner, « L’obligation de la Couronne de consulter et le rôle de l’organisme de réglementation en matière d’énergie » (2014), 2 PTRE15.
  56. Rio Tinto Alcan Inc. c Carrier Sekani Tribal Council, 2010 CSC 43, [2010] 2 RCS 650.
  57. Ibid aux para 68-70.
  58. Responsible Energy Development Act, SA 20102, c R-17.3, art 21 :L’organisme de réglementation n’a pas compétence pour ce qui est d’évaluer le bien-fondé des consultations de l’État au titre des droits des peuples autochtones tels que reconnus et affirmés dans la Partie II de la Loi constitutionnelle de 1982.
  59. Voir les Government of Alberta Guidelines on Consultation with First Nations on Land and Natural Resource Management, (28 juillet 2014), au para 7. Consulter aussi le Government of Alberta Proponent’s Guide to First Nations Consultation Procedures for Land Dispositions, (3 septembre 2014).
  60. Supra note 58 art 67.
  61. Voir la Aboriginal Consultation Direction, An Appendix to Energy Ministerial Order 105/2014 and Environment and Sustainable Resource Development, Ministerial Order 53/2014 (31 octobre 2014), remplaçant la Energy Ministerial Order 141/2013 (26 novembre 2013),
  62. Consulter Giorilyn Bruno et Nigel Bankes, “A Revised Aboriginal Consultation Direction issued to the Alberta Energy Regulator”, en ligne: Ablawg <http://ablawg.ca/2014/12/08/a-revised-aboriginal-consultation-direction-issued-to-the-alberta-energy-regulator/>.
  63. Consulter, par exemple, Adam c Ministre de l’environnement, 2014 CF 1185 et Fort McKay First Nation c Alberta (Minister of Environment and Sustainable Resource Development), 2014 ABQB 393, 98 Alta LR (5th) 1.
  64. Hupacasath First Nation c Ministre des Affaires étrangères du Canada, 2015 CFA 4.
  65. Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.
  66. 2013 FC 900, 438 FTR. 210.
  67. Refus de respecter une décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Black c Canada (Premier ministre) (2001), 54 OR (3d) 215.
  68. Et, en particulier, Rio Tinto Alcan Inc. c Carrier Sekani Tribal Council, 2010 CSC 43, [2010] 2 RCS 650, au para 46.
  69. Mikisew Cree First Nation c Gouverneur en conseil, 2014 FC 1244.
  70. Concernant la question plus générale de l’autorité du Cabinet de régler les questions de droit dans le cas de questions réglementaires et de déterminer la norme de contrôle judiciaire applicable à de telles décisions, voir Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, 458 N.R. 150, un cas découlant du contrôle de la compétence du gouverneur en conseil eu égard à l’Office des transports du Canada.
  71. Tsilhqot’in Nation c British Columbia, 2014 CSC 44, 459 NR 287.
  72. Ibid aux para 95-97.
  73. Ibid au para 97, il est indiqué que le défaut de consulter peut être corrigé moyennant l’obtention d’un consentement.

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