Les centres de données sont l’épine dorsale d’une infrastructure technologique moderne et de la sécurité numérique. Leur développement est essentiel pour protéger les intérêts nationaux, accroître la productivité et donner au Canada un avantage concurrentiel dans des secteurs clés comme les soins de santé et la fabrication[1]. Bien qu’ils offrent de nombreux avantages potentiels, ils présentent également des défis importants pour le secteur de l’énergie, car la satisfaction de leurs besoins en électricité et en matière de fiabilité peut exiger un investissement important dans l’expansion et le renforcement du réseau.
Au Canada, l’Ontario domine le marché des centres de données où plus de 80 installations ont déjà été construites. La province prévoit une augmentation de la demande de la part des centres de données et planifie en ce sens. Dans ses plus récentes perspectives pour 2025, la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (« SIERE ») affirme que les centres de données ont été l’un des principaux nouveaux moteurs de la demande d’électricité dans la province[2]. Au cours des dix prochaines années, l’Ontario s’attend à ce que 16 centres de données supplémentaires soient raccordés à son réseau, ce qui représente 13 % de la nouvelle demande d’électricité et 4 % de la demande totale prévue[3]. Bien que la SIERE affirme qu’il s’agit d’un [traduction] « secteur incertain pour ce qui est de la croissance de la demande d’électricité »[4], elle prévoit une augmentation de 13 TWh de la demande énergétique annuelle nette de 2016 à 2050 pour alimenter les nouveaux centres de données raccordés à son réseau. Cela représente une multiplication par cinq de la demande de 2016 à 2050, avec un taux de croissance annuel composé de 7,1 %[5].
Le présent article traite des diverses exigences règlementaires et considérations relatives à la création et au raccordement de centres de données en Ontario. La première section décrit les approbations règlementaires que doivent obtenir les promoteurs de centres de données et les processus règlementaires qu’ils doivent suivre pour raccorder leurs installations au réseau de l’Ontario. La deuxième section porte sur les facteurs relatifs à l’intérêt public et à la protection contre les risques pour le contribuable qui doivent être pris en considération dans les projets d’expansion du réseau pour répondre aux besoins des centres de données. La section 3 porte sur les exigences règlementaires relatives à la production d’électricité pour l’approvisionnement direct. La quatrième section décrit les changements en cours à la politique et à la règlementation en matière d’énergie qui pourraient avoir une incidence sur les projets de développement de centres de données en Ontario. La cinquième section porte sur l’incidence du Programme de renouvellement du marché de la SIERE récemment mis en œuvre.
SECTION 1 : RACCORDEMENT D’UN CENTRE DE DONNÉES AU RÉSEAU
En Ontario, les marchés de l’électricité sont administrés par la SIERE et les exigences relatives aux raccordements au réseau électrique sont énoncées dans le Transmission System Code (« TSC ») et le Distribution System Codes (« DSC »)[6], qui sont supervisés par la Commission de l’énergie de l’Ontario (« CEO »). Dans ces deux régimes de règlementation, les approbations règlementaires liées aux raccordements de centres de données se classent généralement en quatre catégories :
- Un promoteur de centre de données devra s’inscrire en tant que participant au marché et être autorisé par la SIERE à participer au marché de l’électricité ou au programme offert dans le cadre de ce marché. Ce processus prend environ trois semaines, mais il peut exiger d’autres approbations règlementaires, comme l’obtention d’un permis de la CEO pour exercer ses activités dans la province. Les promoteurs doivent également connaître les changements applicables en vertu du Programme de renouvellement du marché (PRM) de la SIERE (voir la section 5).
- La SIERE effectue une évaluation d’impact sur le réseau (« SIA ») pour les projets de plus de 10 MW afin d’évaluer l’effet du raccordement sur la fiabilité du réseau[7]. La SIERE surveille également les processus régionaux de planification qui servent à déterminer comment répondre aux besoins de raccordement au réseau d’une manière rentable. Les promoteurs de centres de données sont encouragés à surveiller les consultations régionales sur la planification qui pourraient avoir une incidence sur leurs projets et à y participer.
- La CEO peut exiger d’obtenir une autorisation de construire avant de construire ou de renforcer des installations de transport à des fins de raccordement au réseau[8]. Ce processus comporte de nombreuses exigences et peut faire l’objet d’une audience publique, qui peut prendre de 6 à 12 mois, ou plus.
- Le service public qui facilite le raccordement peut devoir obtenir une approbation des tarifs de la CEO afin d’obtenir le financement nécessaire à la construction d’un agrandissement du réseau. Il pourrait s’agir d’une demande autonome pour un projet en particulier ou d’une demande tarifaire déposée dans le cours normal des activités (tous les 4 à 5 ans) afin d’obtenir l’approbation des tarifs de la CEO.
EXIGENCES RELATIVES À L’INTERCONNEXION DU RÉSEAU
Les règles de raccordement sont complexes et propres aux circonstances, et les exigences en matière de partage des coûts de raccordement évoluent (cette question est abordée plus en détail à la section 4). Les promoteurs de centres de données doivent faire preuve d’une diligence raisonnable rigoureuse afin de comprendre le contexte règlementaire et les exigences en matière de partage des coûts de raccordement pour leurs projets.
D’une façon générale, un centre de données devra engager des coûts de raccordement au réseau de l’Ontario pour deux types d’infrastructure :
- Les actifs de raccordement sont dédiés au service d’un client particulier. Au niveau de la distribution, ces actifs sont payés par le client dès le départ et en totalité, si le coût dépasse une allocation de raccordement de base que le service public peut déjà être autorisé à recouvrer dans ses tarifs. Au niveau de la transmission, ces actifs sont payés au moyen des tarifs de raccordement, et une évaluation économique est effectuée pour déterminer si le coût sera entièrement financé par les tarifs ou si un manque à gagner doit être payé d’avance par le client au moyen d’une contribution en capital.
- Les actifs du réseau en amont qui desservent plusieurs clients peuvent également devoir être élargis ou renforcés pour faciliter le raccordement. Au niveau de la distribution, ces investissements sont payés au moyen des tarifs, et une évaluation économique est effectuée au début du processus de raccordement afin de déterminer si les coûts seront entièrement financés grâce aux tarifs ou si un manque à gagner doit être payé d’avance par le client au moyen d’une contribution en capital. Au niveau du transport, les coûts des investissements dans le réseau en amont sont partagés entre tous les contribuables de la province au moyen d’un tarif de transport uniforme. Dans des circonstances exceptionnelles, une partie de ces coûts peut être attribuée au client à l’origine du raccordement, auquel cas une contribution en capital serait nécessaire.
SOLUTIONS « SANS FIL » (SSF)
Les solutions « sans fil » (« SSF ») sont des investissements sous forme autre qu’en capital, comme l’obtention d’une réponse à la demande ou d’une capacité souple, visant à reporter ou à remplacer le besoin de construire une infrastructure de réseau physique nouvelle ou modifiée, comme des poteaux et des fils[9]. Les lignes directrices de la CEO sur les solutions « sans fil » incitent les distributeurs à les considérer comme des solutions de rechange à l’expansion du réseau lorsqu’ils raccordent des clients[10]. Bien qu’il soit peu probable que les SSF éliminent le besoin d’améliorer le réseau, ces solutions de rechange peuvent aider à faciliter un raccordement plus rapide ou à réduire le fardeau financier initial pour le client raccordé. Les promoteurs de centres de données qui ont des ressources de production ou de stockage d’énergie derrière le compteur, ou une certaine souplesse quant à la demande peuvent être en mesure de tirer parti des lignes directrices sur les SSF pour gérer les coûts de raccordement de leurs projets ou écourter les délais.
SECTION 2 : PROTECTION DE L’INTÉRÊT PUBLIC ET CONTRE LES RISQUES POUR LES CONTRIBUABLES
L’attrait d’investissements dans les centres de données devient un objectif de plus en plus important pour les gouvernements fédéral et provinciaux[11]. Dans l’élaboration des politiques en cette matière, il est important que le gouvernement tienne compte des répercussions possibles sur les contribuables d’une solution pour répondre à la demande accrue des centres de données sur le réseau. Ces risques découlent de la possibilité que la charge des centres de données diminue au fil du temps en raison d’une amélioration de l’efficacité énergétique ou de changements dans les conditions opérationnelles qui pourraient faire chuter la demande des centres de données ou entraîner leur déménagement dans le territoire d’autres administrations. Si ces risques se concrétisent avant que les coûts de raccordement aient été entièrement recouvrés, les contribuables pourraient devoir assumer les coûts associés à l’expansion du réseau pour faciliter le raccordement[12].
Le TSC de l’Ontario protège les contribuables en catégorisant les raccordements selon qu’ils présentent un risque élevé, moyen à faible ou moyen, ce qui dicte la période d’évaluation économique. Les raccordements à risque élevé font l’objet d’une évaluation tous les cinq ans, tandis que les raccordements à faible risque en sont exempts pour une période de 25 ans. Des évaluations sur un horizon plus court produisent de plus petites sources de revenus, ce qui exige des contributions en capital initiales plus élevées pour couvrir les coûts d’expansion. L’obtention d’une contribution initiale plus importante pour les raccordements à risque élevé protège les contribuables contre le risque qu’ils doivent assumer les coûts de l’expansion si la charge prévue ne se concrétise pas ou ne diminue pas au-delà de la période de revenus de cinq ans[13]. Les promoteurs de centres de données devraient examiner les politiques de classification des risques du transporteur et évaluer les répercussions du coût du raccordement pour leurs projets.
Dans le DSC, le risque est traité au moyen des exigences relatives aux dépôts pour l’expansion[14]. Dans le contexte de l’expansion d’un réseau, le client doit fournir au distributeur un dépôt pour expansion couvrant à la fois le risque prévu (c’est-à-dire le risque que le projet ne génère pas les revenus escomptés) et le risque lié aux actifs (c’est-à-dire risque que l’expansion soit construite, achevée conformément aux spécifications et exploitée lorsqu’elle est sous tension). Une fois les installations sous tension, le client reçoit une remise annuelle imputée au dépôt pour expansion proportionnelle à la demande réelle qui s’est concrétisée au cours de l’année. Toutefois, si à la fin de l’horizon de recouvrement des coûts de raccordement (habituellement cinq ans, mais cette période pourrait être plus longue), la demande prévue ne s’est pas concrétisée, le distributeur conserve la portion restante du dépôt pour expansion[15].
Les promoteurs de centres de données doivent tenir compte des différentes façons dont le risque lié aux revenus est abordé dans le DSC et le TSC, ainsi que des répercussions financières du raccordement de leur projet au réseau de distribution par rapport au réseau de transport.
SECTION 3 : PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ POUR L’ALIMENTATION DIRECTE
Les centres de données peuvent également opter pour une alimentation directe ou autonome. Microsoft a choisi cette option en 2024, en signant un accord d’achat d’électricité d’une durée de 20 ans pour redémarrer la centrale nucléaire Three Mile Island Unit 1 afin d’alimenter ses centres de données[16].
Plusieurs exigences règlementaires doivent être respectées pour garantir une alimentation électrique directe de manière conforme. Le droit de propriété doit être pris en compte étant donné que l’installation de production et les câbles qui fournissent l’électricité à l’installation de chargement doivent habituellement se trouver sur la même parcelle ou sur des parcelles contiguës. Les installations de production peuvent avoir besoin d’un permis pour exploiter et vendre de l’électricité à des consommateurs précis. Ces permis sont assortis d’une panoplie de conditions et d’exigences qui doivent être respectées pour maintenir la conformité. Les conditions de permis courantes comprennent l’interdiction que le titulaire de permis acquière un intérêt dans un réseau de transport ou de distribution en Ontario et la communication d’un avis à la CEO dans les 20 jours suivant l’apport de toute modification importante qui a eu (ou est susceptible d’avoir) un effet négatif sur les activités, opérations ou actifs du titulaire[17].
Un centre de données qui envisage une production sur place devrait tenir compte du type d’électricité qui sera produite pour alimenter l’installation. En ce qui a trait à la production à partir du gaz naturel, le promoteur pourrait envisager le captage du carbone ou des crédits d’énergie renouvelable pour atteindre les objectifs climatiques et l’infrastructure nécessaire pour obtenir un approvisionnement fiable en gaz naturel. Pour d’autres formes de production, comme les énergies éolienne et solaire, le promoteur devra tenir compte des exigences en matière de fiabilité. Cela signifiera probablement de rester raccordé au réseau d’une façon ou d’une autre, à moins que l’installation de production d’énergie renouvelable soit jumelée à un système de stockage d’énergie pour gérer l’intermittence.
Si le centre de données a l’intention de raccorder une installation de production à une partie du réseau où le transport est limité, une solution de type « hébergement de capacité souple » peut également être envisagée. Le DSC a récemment été modifié pour permettre aux distributeurs d’offrir un arrangement de type « hébergement de capacité souple » « qui exigera que la production ou l’exploitation de l’installation de production intégrée proposée soit diversifiée » [traduction][18]. Le Royaume-Uni offre une telle souplesse depuis plusieurs années, ce qui permet aux clients de se raccorder plus rapidement et plus économiquement dans les secteurs où la capacité de transport est limitée[19]. Par exemple, Electricity North West, un exploitant de réseau de distribution du Royaume-Uni, propose des « offres de raccordement à capacité restreinte » [traduction][20]. Lorsque le renforcement de la capacité du raccordement est nécessaire, ces offres permettent de limiter les importations/exportations d’énergie transportée sur ces tronçons afin de gérer les contraintes jusqu’à ce que le renforcement soit terminé[21].
De plus, le réseau national de distribution d’électricité du Royaume-Uni offre une variété d’options de raccordement à capacité souple[22]. En voici des exemples :
- raccordements chronométrés : restriction de capacité en fonction de l’heure du jour, de la semaine ou de la saison ;
- systèmes de limitation des exportations : mesure de la puissance au point de sortie de l’installation et utilisation de la lecture pour limiter la production ou équilibrer la demande des clients afin d’éviter que la capacité ne soit dépassée ;
- raccordement avec gestion de la charge : surveillance des données en temps réel pour déterminer la capacité du réseau à accepter la charge d’un client. Si la charge complète ne peut pas être acceptée, un signal de contrainte est envoyé.
Les raccordements de charge ou de production à capacité souple pour les centres de données peuvent sous-tendre de faire des compromis sur le plan de la fiabilité, si la souplesse est obtenue en réduisant l’approvisionnement en énergie constante du centre de données. Ces solutions novatrices se prêtent particulièrement bien aux centres de données ayant un profil de charge variable, des installations de production ou de stockage derrière le compteur, ou une capacité excédentaire qui peut être utilisée pour assurer la souplesse jusqu’à ce que les besoins de charge complète soient satisfaits. Lorsqu’ils envisagent de conclure ce genre d’arrangements, les promoteurs de projet devraient également évaluer les compromis liés à la participation à d’autres programmes du marché, comme l’Initiative de conservation industrielle (« ICI »), qui permet aux clients de faire passer leur consommation d’électricité des heures de pointe — lorsque la demande est la plus élevée — à une consommation en dehors des heures de pointe pour gérer le coût de leur électricité[23].
SECTION 4 : CHANGEMENTS À LA POLITIQUE ET À LA RÈGLEMENTATION EN MATIÈRE D’ÉNERGIE AYANT UNE INCIDENCE SUR LES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT DE CENTRES DE DONNÉES
Les promoteurs de centres de données devraient surveiller les changements règlementaires en cours qui pourraient avoir une incidence sur la mise en œuvre du projet et les exigences relatives au raccordement au réseau en Ontario. Plus précisément, la Loi de 2024 sur l’énergie abordable[24] (« la Loi ») présentée dans le cadre du projet de loi 214 en octobre 2024 jette les bases de modifications importantes visant le secteur de l’électricité de l’Ontario afin de mettre en œuvre la vision de l’énergie du gouvernement pour la province[25].
La Loi confère au ministre de l’Énergie et de l’Électrification le pouvoir de prendre des règlements pour modifier les règles d’allocation des coûts et de recouvrement des coûts dans le DSC et le TSC[26]. Le Ministre a déjà annoncé des plans visant à promulguer un règlement qui vise à réduire les coûts et le fardeau financier pour les premiers clients bénéficiant du raccordement[27], ainsi qu’à améliorer l’état de préparation du réseau à des endroits stratégiques importants où la charge future est très susceptible de se concrétiser[28].
La Loi énonce également le processus et la responsabilité du gouvernement en ce qui concerne l’élaboration d’un Plan de ressource intégré (PRI)[29]. Au terme d’un processus de consultation amorcé en décembre 2024, le PRI devrait être publié au printemps 2025 et pourrait contenir des directives et des orientations stratégiques qui ont une incidence sur les charges importantes comme celles des centres de données.
Les promoteurs doivent demeurer vigilants à l’égard des modifications futures aux politiques et aux règlements en matière d’énergie qui pourraient avoir une incidence sur l’économie et les calendriers des projets de raccordement de centres de données au réseau de l’Ontario.
SECTION 5 : PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT DU MARCHÉ (PRM) DE LA SIERE
Le PRM, qui est en vigueur depuis mai 2025, avait été lancé en 2016 pour moderniser les marchés de l’électricité de l’Ontario et apporter des changements fondamentaux à la conception des marchés administrés par la SIERE[30]. Bien que l’Ontario dispose d’un marché de gros de l’électricité depuis 2002, la conception est demeurée en grande partie inchangée depuis sa conception, ce qui a entraîné des inefficiences du marché, y compris une répartition non rentable des ressources[31]. Le PRM vise à fournir de nouveaux mécanismes pour combler ces lacunes. Les principaux changements comprennent les suivants :
- Remplacer le marché à deux barèmes de l’Ontario par un marché à barème unique (« SSM ») pour aider à harmoniser les prix courants et la répartition du système. Le SSM introduira une tarification marginale déterminée à l’échelle locale (« LMP ») pour tenir compte de la congestion et des pertes liées au transport, les prix variant selon l’emplacement afin de refléter le coût de production de l’électricité au moment et à l’endroit donnés[32]. Il remplacera le prix horaire de l’énergie en Ontario (« PHEO »), qui ne sera plus publié par la SIERE.
- Établir un marché à 24 heures afin de [traduction] « fournir des calendriers financièrement contraignants pour les ressources participantes une journée avant l’exploitation »[33].
- Lancer l’initiative du Enhanced Real-Time Unit Commitment Process (« ERUC ») (processus amélioré d’engagement d’unités d’énergie en temps réel) conçue pour réduire les coûts liés à l’ordonnancement et les inefficiences dans l’affectation des ressources lorsque des changements dans les besoins du système se présentent durant la période préalable à la répartition[34].
Bien qu’il soit hors de la portée du présent article d’expliquer toute l’ampleur des changements apportés au marché administré par la SIERE dans le cadre du PRM, nous examinons trois façons dont le PRM de la SIERE pourrait avoir une incidence sur les centres de données.
Premièrement, si un centre de données est raccordé du côté du transport, il est habituellement inscrit comme une « charge non répartissable » (« NDL ») sur le marché[35]. Une NDL ne réagit pas aux prix courants et utilise l’énergie nécessaire à ses activités, peu importe le prix ou les conditions du réseau[36] Le PRM apporte un changement important touchant les NDL. En effet, elles paieront désormais l’énergie en fonction de la somme du Ontario Zonal Price (« OZP ») (tarif zonal de l’Ontario) sur le marché à 24 heures en Ontario et d’un rajustement de l’écart des prévisions de charge calculé par la SIERE. L’OZP est calculé sous forme de moyenne pondérée de la LMP du marché à 24 heures rajustée pour refléter les différences entre la demande prévue le jour précédent et la demande réelle en temps réel[37]. Ce calcul remplace le prix horaire de l’énergie en Ontario utilisé dans le marché avant le renouvellement. Comparativement à la LMP, le PHEO ne variait pas en fonction de l’emplacement ou du coût réel de l’électricité à un moment et à un endroit donnés. La SIERE a fait remarquer qu’elle s’attend à ce que le rajustement de l’écart des prévisions de charge soit une petite composante du prix payé pour les NDL, et que le OZP du marché à 24 heures sera un bon prédicteur du prix final[38].
Deuxièmement, pour les centres de données qui sont raccordés du côté de la distribution, le PRM influe sur le prix financier de l’énergie payée par ces clients. Le Code des services d’approvisionnement standard et le Code de règlement au détail de la CEO prévoient des dispositions relatives au règlement pour les clients des sources raccordées du côté de la distribution[39]. Le calcul des coûts de règlement reposait auparavant sur le PHEO. Pour assurer l’harmonisation avec le PRM, la CEO a modifié le Code de règlement au détail et la définition de « Spot Market Price » (prix courant au moment de l’utilisation de la charge) dans le Code des services d’approvisionnement standard, en remplaçant les références au PHEO par le nouveau OZP du marché à 24 heures et le rajustement des écarts prévus de la charge[40]. En tant que clients de la grille tarifaire non règlementée, les centres de données raccordés paieront leur consommation d’électricité selon cette nouvelle approche de tarification.
Enfin, si le centre de données est raccordé au réseau du côté transport en tant que consommateur de gros, l’installation aura dorénavant l’occasion de participer en tant que ressource « Price Responsive Load » (charge réactive au prix), un nouveau type de ressource qui participe au marché en bénéficiant d’une LMP horaire et d’un barème du jour précédent qu’il peut gérer à l’intérieur du marché à 24 heures.[41] Le type de ressource « Price Responsive Load », qui peut être compris comme une combinaison d’une charge répartissable et d’une NDL, pourrait offrir à un centre de données une plus grande certitude opérationnelle et financière que la participation aux marchés administrés par la SIERE en tant que NDL[42].
Le PRM modifie la façon dont les centres de données sont facturés pour le coût de l’électricité et offre aux clients des centres de données de nouvelles occasions de participer aux marchés administrés par la SIERE.
SECTION 5 : CONCLUSION
Les centres de données sont essentiels à l’infrastructure numérique du Canada. Pourtant, pour réaliser leur plein potentiel, les promoteurs des centres de données, les gouvernements et d’autres parties intéressées doivent tenir compte à la fois des défis et des possibilités liés au raccordement de ces consommateurs de mégacharges au réseau électrique. Les promoteurs doivent tenir compte de la diversité des processus règlementaires et des approbations requises pour le raccordement, ainsi que des coûts d’expansion du réseau qu’un centre de données devra payer pour s’y raccorder. Cela comprend la prise en compte de la souplesse de la demande comme solution de rechange à la construction d’une infrastructure de réseau traditionnelle. De plus, les parties intéressées doivent comprendre les répercussions de l’adaptation à la demande des centres de données sur le réseau et la façon dont le risque est pris en compte dans le DSC et le TSC. Un promoteur devrait également déterminer s’il doit générer sa propre alimentation pour son site et quelles sont les répercussions de cette avenue.
Enfin, les parties intéressées doivent demeurer vigilantes à l’égard des changements règlementaires et législatifs qui ont une incidence sur les processus de raccordement et la responsabilité en matière de coûts, et comprendre le rôle des centres de données en tant que participants au marché dans le cadre du PRM de la SIERE. Le régime de règlementation de l’Ontario est complexe et en constante évolution, et ses règles et politiques, dont la portée est vaste, ont une incidence sur le fonctionnement du réseau. Le raccordement des centres de données exigera l’exercice d’une diligence raisonnable plus rigoureuse pour s’y retrouver dans cet écheveau complexe et appuyer une prise de décisions prudente.
- * Daliana Coban est avocate chez Torys LLP et exerce dans le domaine de pratique de la règlementation de l’énergie. Avant de se joindre à Torys, Daliana était directrice des applications règlementaires et du soutien opérationnel chez Toronto Hydro. Pendant son mandat, elle a également été membre du comité de modernisation des processus décisionnels, qui a été mis sur pied en 2021 afin de fournir des conseils, des commentaires et de la rétroaction à une étape précoce aux fins de l’amélioration des processus d’arbitrage et des politiques à la Commission de l’énergie de l’Ontario. Forte de plus d’une décennie d’expérience dans le secteur règlementé de l’électricité, elle offre des conseils pratiques sur un large éventail de questions règlementaires complexes, notamment dans les domaines du droit public et administratif, de la règlementation économique et de la conformité règlementaire.
- Daniel Gralnick est associé principal chez Torys LLP et exerce dans le domaine de pratique de la règlementation de l’énergie. Il se spécialise notamment dans la prestation de conseils à des acteurs des secteurs public et privé de l’énergie sur des questions liées aux marchés de l’électricité, aux procédures règlementaires, notamment celles relatives aux requêtes de hausse tarifaire, à l’approvisionnement en énergie, ainsi qu’aux enjeux règlementaires et commerciaux découlant des transactions d’énergie et au développement de projets.
- Ian T. D. Thomson est un associé entrant chez Torys LLP et se consacre aux domaines de pratique de l’énergie et des infrastructures. Auparavant, il travaillait comme consultant en politique publique et assurait la prestation de recherches, d’analyses et de conseils stratégiques à des gouvernements, à des médias et à des instituts de recherche sur les questions de politique énergétique. Les points de vue exprimés dans le présent article sont exclusivement ceux des auteurs et ne représentent pas nécessairement ceux de Torys ou de toute autre personne ou entité.
- 1 Shaz Merwat, « Une lutte pour le pouvoir, ou l’impact de l’IA sur les réseaux électriques canadiens » (4 décembre 2024), Institut Action Climatique de la RBC, en ligne : <rbc.com/fr/leadership-avise/institut-action-climatique/une-lutte-pour-le-pouvoir-ou-limpact-de-lia-sur-les-reseaux-electriques-canadiens>.
- 2 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, Annual Planning Outlook : Ontario’s electricity system needs: 2026-2050, (Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, 2025), en ligne (pdf) : <ieso.ca/-/media/Files/IESO/Document-Library/planning-forecasts/apo/2025/2025-Annual-Planning-Outlook.pdf> aux pp 13–15.
- 3 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, « Electricity Demand in Ontario to Grow by 75 per cent by 2050 » (16 octobre 2024), en ligne : <ieso.ca/Corporate-IESO/Media/News-Releases/2024/10/Electricity-Demand-in-Ontario-to-Grow-by-75-per-cent-by-2050>; Rob Ferguson, « Ontario needs more power: Ford government wants to boost electricity expansion to meet surging demand » (dernière modification le 27 novembre 2024) The Toronto Star, en ligne : <thestar.com/politics/provincial/ontario-needs-more-power-ford-government-wants-to-boost-electricity-expansion-to-meet-rising-demand/article_a161dc1c8bd2-11ef-B036-c76557a2975e.html>.
- 4 Supra note 2 à la p 22.
- 5 Ibid.
- 6 Distribution System Code (code des réseaux de distribution), Commission de l’énergie de l’Ontario , 2024, en ligne (pdf) : <oeb.ca/sites/default/files/uploads/documents/regulatorycodes/2025-04/Distribution_System_Code.pdf> [DSC]; Transmission System Code (code des réseaux de transport), Commission de l’énergie de l’Ontario, 2025, en ligne (pdf) : <oeb.ca/sites/default/files/uploads/documents/regulatorycodes/2025-04/Distribution_System_Code.pdf>.
- 7 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, « Connecting to Ontario’s power system » (dernière visite le 28 mai 2025), en ligne : <ieso.ca/Sector-Participants/Connection-Process/Overview>.
- 8 Commission de l’énergie de l’Ontario, Filing Requirements for Electricity Transmission Applications, Chapter 4 : Leave to Construct and Related Matters under Part VI of the Ontario Energy Board Act (Ontario : Commission de l’énergie de l’Ontario, 2023), en ligne (pdf) : <oeb.ca/sites/default/files/OEB-Electricity-Leave-to-Construct-Filing-Requirements-20230316.pdf>.
- 9 Les programmes d’efficacité énergétique, les programmes de réponse à la demande, le stockage de l’énergie (devant ou derrière le compteur), la production (devant ou derrière le compteur) et la charge gérée des véhicules électriques sont des exemples de SSF permettant de répondre aux besoins du réseau (Commission de l’énergie de l’Ontario, « Lignes directrices sur les solutions sans fil à l’intention des distributeurs d’électricité » (2024) EB-2024-0118, en ligne (pdf) : <oeb.ca/sites/default/files/uploads/documents/regulatorycodes/2024-04/OEB_2024%20NWS%20Guidelines_20240328.pdf>.
- 10 Ibid aux pp 8–10. Les distributeurs sont tenus de documenter leur prise en compte des SSF lorsqu’ils effectuent un investissement pour répondre aux besoins du réseau lorsque le coût en capital prévu est de 2 M$ ou plus (à l’exclusion des investissements généraux dans les centrales). Les distributeurs sont également encouragés à tenir compte des SSF pour répondre aux besoins du système qui « sont déterminés par des clients particuliers et financés par les contributions en capital des clients, lorsqu’il est raisonnable de s’attendre qu’une SSF puisse réduire le coût total et la contribution en capital requise des clients » (Ibid à la p 9).
- 11 Par exemple, voir : Innovation, Sciences et Développement économique Canada, « Stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’IA » (dernière modification le 6 mai 2025) gouvernement du Canada, en ligne : <isd-isde.canada.ca/site/ised/fr/canadian-sovereign-ai-compute-strategy>.
- 12 Margarita Patria, Chris Nagle & Oliver Stover, « How do we power AI » (28 novembre 2024), en ligne : <datacentrereview.com/2024/11/how-do-we-power-ai>.
- 13 Commission de l’énergie de l’Ontario, Appendix 4 : Customer Financial Risk Classification, Transmission System Code, en ligne (pdf) : <oeb.ca/documents/cases/RP-2004-0220/appendix4_clean.pdf>; PHB Hagler Bailly, « Risk Assessment Methodology Options » Commission de l’énergie de l’Ontario, en ligne (pdf) : <oeb.ca/documents/cases/RP-2004-0220/report_riskassessmentmethodology.pdf>.
- 14 DSC, supra note 6 aux paras 3.2.30, 3.2.21.
- 15 Ibid au para 3.2.23.
- 16 Constellation, « Constellation to Launch Crane Clean Energy Center, Restoring Jobs and Carbon-Free Power to The Grid » (10 septembre 2024), en ligne : <constellationenergy.com/newsroom/2024/Constellation-to-Launch-Crane-Clean-Energy-Center-Restoring-Jobs-and-Carbon-Free-Power-to-The-Grid.html>.
- 17 Commission de l’énergie de l’Ontario, « Electricity Generation Licence EG-2022-0215: Algonquin Power (Long Sault) Partnership and N-R- Power Partnership » (2022) Commission de l’énergie de l’Ontario, EG-2022-0215, en ligne (pdf) : <rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/756637/File/document> at ss 6.1, 7.2.
- 18 DSC, supra note 6 au para 6.2.4.1.A; Commission de l’énergie de l’Ontario, « Notice of Amendments to the Distribution System Code: Amendments to Enable Flexible Hosting Capacity Arrangements » (2024), EB-2019-0207, en ligne (pdf) : <rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/846008/File/document>.
- 19 En 2022, Ofgem a examiné les règles entourant les raccordements à capacité souple, étant donné les critiques selon lesquelles les règles précédentes étaient « mal définies » et n’avaient fourni [traduction] « aucune limite couramment définie quant à la mesure dans laquelle l’accès à son [Ofgem] réseau peut être limité ». Les réformes de 2022 énonçaient des limites explicites de réduction et des dates limites au-delà desquelles la connexion ne peut pas être restreinte, entre autres modifications. (Voir Access and Forward-Looking Charges Significant Code Review: Final Decision (3 mai 2023), en ligne (pdf) : Office of Gas and Electricity Markets <ofgem.gov.uk/sites/default/files/2022-05/Access%20SCR%20-%20Final%20Decision.pdf>.
- 20 Electricity North West, « Curtailed Connected Offers » (dernière visite le 28 mai 2025), en ligne : <enwl.co.uk/get-connected/apply-for-a-new-connection/curtailed-connection-offers>.
- 21 Un petit client s’entend [traduction] « soit d’un client résidentiel soit d’un client non résidentiel dont l’intégralité de la consommation d’énergie est comptée, c’est-à-dire jusqu’à 20 kVA pour un générateur monophasé et 60 kVA pour un générateur triphasé. Un « petit client » exclut généralement les clients qui n’ont pas de compteur de transformateur de courant (« TC ») » (ibid).
- 22 Nation Grid Electricity Distribution, « Flexible Connection Options », en ligne (pdf) : <nationalgrid.co.uk/downloads-view-reciteme/540250>.
- 23 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, « Global Adjustment Class A Eligibility » (dernière visite le 29 mai 2025), en ligne : <ieso.ca/en/Sector-Participants/Settlements/Global-Adjustment-Class-A-Eligibility>.
- 24 Loi de 2024 sur l’énergie abordable, 2024, LO 2024, c 26 [Loi sur l’énergie abordable].
- 25 Ibid.
- 26 Ibid, annexe 2, al 70.4(1).
- 27 Voir, par exemple, les premiers clients qui veulent être raccordés dans une région où l’infrastructure énergétique n’est pas suffisante pour répondre à la nouvelle demande. (Registre environnemental de l’Ontario, « Proposition de création d’un règlement en vertu de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario afin de modifier les règles de responsabilité en matière de coûts pour certaines infrastructures de raccordement au réseau électrique » (23 octobre 2024) REO 019-9300, en ligne : <ero.ontario.ca/fr/notice/019-9300>.
- 28 Ibid.
- 29 Loi sur l’énergie abordable, supra note 24, annexe 1.
- 30 IESO Market Rule Description Evidence in Response to Procedural Order No. 2 (11 décembre 2024), EB-2024-0331, à la p 2, en ligne : Commission de l’énergie de l’Ontario <rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/875538/File/document>.
- 31 Ibid à la p 2.
- 32 Ibid à la p 4.
- 33 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, Market Renewal Program : Energy Stream Business Case, BC-165, (2019), à la p 25, en ligne (pdf) : <ieso.ca/-/media/Files/IESO/Document-Library/market-renewal/MRP-Energy-Stream-Business-Case-2019.pdf>.
- 34 Ibid.
- 35 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, Market Renewal Program : Day-In-The-Life for Non-Dispatchable Loads, BC-165, (2023), à la p 5, en ligne (pdf) : <ieso.ca/-/media/Files/IESO/Document-Library/engage/imrm/ditl/imrm-ditl-non-dispatchable-loads.pdf>.
- 36 Energy Education, « Non-dispatchable source of electricity » (dernière visite le 29 mai 2025) University of Calgary, en ligne : <energyeducation.ca/encyclopedia/Non-dispatchable_source_of_electricity#:~:text=A%20non-dispatchable%20source%20of,Solar%20power%20and%20wind%20power>.
- 37 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, Guide to the Renewed Market for Local Distribution Companies (LDCs), (2025), à la p 7, en ligne (pdf) : <ieso.ca/-/media/Files/IESO/Document-Library/training/mrp/Guide-to-the-Renewed-Market-for-LDCs.pdf>.
- 38 Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, Overview of the Transition to the Renewed Market, (2025), à la p 16, en ligne (pdf) : <ieso.ca/-/media/Files/IESO/Document-Library/engage/imrm/imrm-20250416-presentation-overview-of-the-transition-to-the-renewed-market.pdf>.
- 39 Commission de l’énergie de l’Ontario. Code de règlement au détail, (2025), à l’annexe A, al 3.3.1(a), 3.3.2(a), en ligne (pdf) : <oeb.ca/sites/default/files/uploads/documents/regulatorycodes/2025-03/Retail%20Settlement%20Code_MRP%20Implementation_20250327_Final.pdf>. Commission de l’énergie de l’Ontario, annexe 4 : Customer Financial Risk Classification, Transmission System Code, en ligne (pdf) : <oeb.ca/documents/cases/RP-2004-0220/appendix4_clean.pdf>.
- 40 Commission de l’énergie de l’Ontario, « Notice of Amendments to Codes: Amendments to the Retail Settlement Code and the Standard Supply Service Code to Facilitate Implementation of the IESO Market Renewal Program » (2025) Commission de l’énergie de l’Ontario, EB-2024-0300, en ligne (pdf) : <rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/893579/File/document>.
- 41 Supra note 35 à la p 5.
- 42 Ibid.
