Réglementation de l’énergie au Canada : Le bilan Annuel

LES PIPELINES

Ces cinq dernières années, les investisseurs ont délaissé quatre grands projets de pipeline au Canada. Il s’agit du projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada, du projet pipelinier Northern Gateway d’Enbridge, du projet d’expansion du réseau de Trans Mountain de Kinder Morgan et du projet de l’oléoduc Keystone XL. Au total, ces projets représentaient des investissements de plus de 60 milliards de dollars. Trois projets sont toujours en cours. Il s’agit du projet d’expansion du réseau de Trans Mountain (TMX), du projet de gazoduc de Coastal GasLink et du projet de la canalisation 5 d’Enbridge. Le projet de la canalisation 3 d’Enbridge est terminé.

Projet d’expansion du réseau de Trans Mountain

En 2018, le gouvernement fédéral a acheté le projet d’expansion du réseau de Trans Mountain de Kinder Morgan pour 4,5 milliards de dollars[1]. Le 22 février 2019, l’Office national de l’énergie (ONE) a publié son rapport de réexamen du projet, recommandant à nouveau sa réalisation[2]. Le Cabinet fédéral a accepté cette recommandation et approuvé le projet[3]. La construction du projet a officiellement commencé le 3 décembre 2019[4]. Peu après, le 16 janvier 2020, la Cour suprême du Canada (CSC) a rejeté à l’unanimité la tentative de la Colombie-Britannique de revendiquer sa compétence à l’égard de ce projet[5], confirmant une décision antérieure de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[6].

Le 4 février 2020, la Cour d’appel fédérale a rejeté à l’unanimité une contestation juridique importante du projet[7]. Six communautés autochtones ont contesté la question de savoir si le gouvernement du Canada s’était acquitté de manière adéquate de son obligation de consulter les peuples autochtones en approuvant le projet TMX. La Cour a précisé clairement que l’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones ne leur accordait pas pour autant un droit de veto sur des projets comme celui-ci[8] et que les tribunaux devraient s’en remettre aux gouvernements qui prennent la décision initiale pour déterminer si l’obligation de consulter a été respectée[9]. Trois groupes autochtones ont interjeté appel de la décision de la Cour d’appel fédérale.

En mai 2020, la province de la Colombie-Britannique a délivré un certificat d’évaluation environnementale (CEE) modifié en réponse à la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique rendue en septembre 2019[10]. En juillet 2020, la Cour suprême du Canada a refusé aux trois Premières Nations l’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale en février 2020[11]. La décision la plus récente de la Cour suprême du Canada de refuser à trois groupes autochtones l’autorisation d’interjeter appel signifie que le projet ne fait plus l’objet de contestations judiciaires en instance[12].

En février 2022, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il ne fournirait plus de financement public pour le projet d’expansion du réseau de Trans Mountain parce que le coût avait augmenté de 70 % pour atteindre 21,4 milliards de dollars[13]. En 2018, lorsque le gouvernement canadien a acheté le pipeline pour 4,5 milliards de dollars, le coût était estimé à 4,5 milliards de dollars. Une fois terminé, le projet d’expansion du réseau de Trans Mountain permettra de presque tripler la capacité du pipeline qui transport 890 000 barils par jour vers la côte du Pacifique à des fins d’exportation.

Projet Coastal GasLink

TC Energy est propriétaire et exploitant du projet de gazoduc Coastal GasLink. Ce projet de 6,6 milliards de dollars commence près de Dawson Creek et s’étendra sur 420 milles au sud-ouest jusqu’à une usine de liquéfaction située près de Kitimat. Le gazoduc traverse les territoires traditionnels de plusieurs Premières Nations. De multiples chefs héréditaires s’y opposent depuis longtemps, bien qu’un certain nombre de groupes de Premières Nations soutiennent le projet et y participent financièrement. En décembre 2018, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé une injonction empêchant le blocage du gazoduc[14].

En juillet 2019, l’ONE a rendu sa décision selon laquelle le gazoduc – y compris le terminal d’exportation de Kitimat – relevait de la compétence provinciale et non de la compétence fédérale[15]. L’ONE a conclu que le gazoduc transporterait du gaz naturel à l’intérieur de la Colombie-Britannique, bien qu’il faciliterait également les exportations internationales, apportant une certaine clarté à la décision antérieure de la Cour suprême du Canada dans l’affaire West Coast Energy[16] sur le droit des provinces de contrôler les ouvrages et projets à l’intérieur de leurs frontières.

En décembre 2019, l’Alberta Investment Management Corp., le gestionnaire des pensions publiques de l’Alberta – s’est associé à l’une des plus grandes sociétés d’investissement américaines pour acquérir une participation majoritaire dans le projet Coastal GasLink.

En février 2022, TC Energy Corp. a annoncé que le projet de gazoduc Coastal GasLink dépasserait considérablement le budget et ne respecterait pas la date d’achèvement prévue[17]. En juillet 2022, la société a indiqué que le prix avait augmenté, passant de 6,6 milliards de dollars à 11,2 milliards de dollars[18]. Le gazoduc est actuellement terminé à 70 %. Une fois terminé, le projet permettra de transporter 2,1 milliards de pieds cubes par jour (Gpi³/j) de gaz naturel vers le terminal canadien de GNL à Kitimat, en Colombie-Britannique, où il sera converti à un état liquéfié pour l’exportation vers les marchés mondiaux.

TC Energy Corp. a toutefois indiqué qu’il s’attend à ce que le gazoduc soit terminé avant le terminal d’exportation de LNG Canada actuellement en construction. TC Energy a accepté de fournir un financement provisoire supplémentaire de 3,3 milliards de dollars pour couvrir les dépassements de coûts. Le terminal d’exportation de LNG Canada de 40 milliards de dollars à Kitimat est maintenant terminé à plus de 50 %. LNG Canada est une coentreprise des filiales de Royal Dutch Shell, Petronas, PetroChina Co. Mitsubishi Corporation et Korea Gas Corporation.

Projet de la canalisation 3 d’Enbridge

La canalisation 3 d’Enbridge va de Hardisty, en Alberta, à Superior, dans le Wisconsin, et est en service depuis 1968. Au fil des ans, il est devenu évident qu’une partie de l’oléoduc devait être remplacée si Enbridge souhaitait le restaurer à sa capacité historique et transporter 800 000 barils par jour. L’autorisation nécessaire a été obtenue auprès des organismes de réglementation du Canada[19], du Dakota du Nord et du Wisconsin. Cependant, le projet de trois milliards de dollars a connu des problèmes au Minnesota où les environnementalistes et les groupes autochtones se sont opposés au projet.

En juin 2018, la Minnesota Public Utilities Commission (Minnesota Commission) a approuvé le tracé et accordé les permis nécessaires[20]. Cependant, un an plus tard, cette décision a été cassée par la cour d’appel du Minnesota, qui a conclu que l’énoncé des incidences environnementales présenté à la Minnesota Commission était inadéquat[21]. En février 2020, les organismes de réglementation du Minnesota ont approuvé un examen environnemental révisé, éliminant ainsi le dernier obstacle réglementaire au projet.

La partie américaine du projet de la canalisation 3 implique le remplacement de 364 miles de pipeline. La plupart des travaux se situent dans le Minnesota, avec 27 miles situés dans le Dakota du Nord et le Wisconsin. Le projet de remplacement est relié à un oléoduc de pétrole brut existant de 1097 miles, construit dans les années 1960, qui va du centre du Canada au Wisconsin.

Le coût en capital du projet de remplacement de la canalisation 3, y compris le segment canadien déjà en service, s’élève à 9,3 milliards de dollars, comparativement à l’estimation initiale de 8,2 milliards de dollars. Le projet de la canalisation 3 d’Enbridge est l’un des rares projets couronnés de succès des dernières années. Lorsqu’il est entré en service en octobre 2021, le projet a permis de transporter 370 000 barils additionnels par jour de pétrole brut de l’Ouest canadien destiné à l’exportation vers les raffineries du Midwest américain.

Projet de la canalisation 5 d’Enbridge

Enbridge remplace également la canalisation 5 qui va de Superior, au Wisconsin, à Sarnia, en Ontario. L’État du Michigan s’oppose au segment sous-marin qui passe sous le détroit de Mackinac dans les Grands Lacs. L’inquiétude porte sur les dommages environnementaux qui pourraient résulter d’une fuite dans le pipeline qui repose actuellement sur le lit du lac. Le projet a été approuvé par l’ancien gouverneur du Michigan, mais son successeur, la gouverneure Whitmer, a contesté la validité constitutionnelle du projet en 2018.

La Cour de district du Michigan a jugé la loi constitutionnelle en octobre 2019 et cette décision a été confirmée par la Cour d’appel du Michigan en janvier 2020. En janvier 2021, le gouverneur du Michigan a ordonné à Enbridge de cesser d’exploiter le segment du pipeline situé sous le détroit de Mackinac jusqu’à mai 2021. Enbridge soutient que l’oléoduc de 645 miles est exploité de manière sécuritaire depuis 65 ans. Cependant, pour répondre aux préoccupations, Enbridge propose maintenant de placer la conduite dans un tunnel sous le lit du lac, au coût de 500 millions de dollars.

La canalisation 5 fait partie du réseau principal d’Enbridge qui transporte le brut de l’Alberta et de la Saskatchewan vers les raffineries du Michigan, de l’Ohio, de la Pennsylvanie, de l’Ontario et du Québec. Enbridge a fait valoir que ces raffineries verront leur capacité diminuer de 45 % si la canalisation 5 n’est pas maintenue. Le 29 janvier 2021, le Department of Environment, Great Lakes, and Energy (EGLE) du Michigan a approuvé la demande d’Enbridge pour les permis nécessaires à la construction du tunnel de service public sous le détroit de Mackinac.

La décision prise en novembre 2020 par la gouverneure Whitmer du Michigan de révoquer la servitude de 1953 a donné lieu à de longs litiges, d’abord devant les tribunaux d’État et, plus récemment, devant les tribunaux fédéraux. Tout cela a mené à la décision du Canada, le 4 octobre 2021, d’invoquer un traité pipelinier de 1977 avec les États-Unis[22]. Ce traité de 1977 prévoit un processus de négociation obligatoire en vertu de l’article 9 avant qu’on puisse invoquer une procédure formelle d’arbitrage exécutoire. Le Canada est intervenu pour appuyer Enbridge, tout comme les États de la Louisiane et de l’Ohio. Les procédures judiciaires ont été suspendues en attendant les négociations, qui sont toujours en cours.

Passation de marchés pour la canalisation principale

À la fin de novembre 2021, la Régie canadienne de l’énergie a rendu sa décision[23] rejetant une demande d’Enbridge Pipelines visant à obtenir jusqu’à 90 % de sa capacité de transport sur la canalisation principale de l’oléoduc au Canada pour le service de transport garanti. La Commission a conclu que la proposition allait à l’encontre des responsabilités de transporteur public d’Enbridge, qu’elle était injuste et qu’elle entraînerait des tarifs injustes et déraisonnables.

Le réseau principal d’Enbridge est le plus important pipeline de pétrole brut au Canada et représente environ 70 % de la capacité totale de transport au pays. La demande proposait en grande partie des droits fixes assortis de contrats à long terme qui bloqueraient les volumes pendant une période pouvant aller jusqu’à 20 ans. La Commission a conclu que la demande n’était pas conforme aux obligations de transporteur public d’Enbridge en vertu de l’article 239 de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie[24] et qu’il s’agissait probablement d’une discrimination injuste en vertu de l’article 235.

Par conséquent, les droits exigibles actuels sur le réseau principal d’Enbridge demeurent en vigueur à titre de droits exigibles provisoires. Enbridge continue de consulter les intervenants afin d’établir de nouveaux tarifs et de nouvelles modalités pour le service sur le réseau principal au Canada. Enbridge espère déposer une nouvelle demande à l’automne 2022 et faire approuver les nouveaux tarifs par la Commission au début de 2023.

DÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES CLÉS

Au cours de la dernière année, les organismes de réglementation de l’énergie du Canada ont dû composer avec de nouvelles contestations. La première concernait la recharge des véhicules électriques (VE). On craint que les réseaux de recharge canadiens ne répondent pas à la demande, compte tenu du nombre de nouveaux VE.

Le débat se poursuit dans différentes administrations canadiennes sur la question de savoir si le réseau de recharge devrait être réglementé ou non. La plupart des administrations ont choisi de ne pas le réglementer. La Colombie-Britannique est l’exception. Une décision récente a rejeté une demande de BC Hydro visant à établir de nouveaux tarifs pour la recharge des VE.

La deuxième vient de l’Alberta. Elle a donné lieu à l’amende la plus élevée jamais imposée par un organisme canadien de réglementation de l’énergie. C’était aussi la première fois qu’un dénonciateur portait une affaire à l’attention d’un organisme de réglementation de l’énergie.

Le cas suivant, en Nouvelle-Écosse, concerne la radiation d’une technologie. Dans le dernier bilan annuel, nous avons souligné les difficultés avec lesquelles les organismes de réglementation de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont dû composer par rapport à l’adoption de nouvelles technologies[25]. Il s’avère qu’il se présente un problème encore plus grave lorsque les organismes de réglementation découvrent que la technologie ne fonctionnera pas et que la radiation est nécessaire.

Un autre cas de l’Alberta, dont il est question ciaprès, prête à penser que les nouvelles technologies pourraient exiger une déréglementation accrue, particulièrement dans des domaines comme l’énergie de quartier. Le dernier cas que nous examinons vient également de l’Alberta. Il concerne une refonte en profondeur des règles de pratique et de procédure de l’Alberta Utilities Commission qui a été effectuée à la demande du gouvernement de l’Alberta en vertu de la nouvelle Red Tape Reduction Act[26]. L’Alberta a complètement remanié ses règles de pratique et de procédure. Cette refonte semble avoir donné lieu à des gains d’efficience impressionnants.

Réseaux de recharge de VE

L’introduction de véhicules électriques au Canada a dépassé les attentes de la plupart des gens. Cependant, on se demande sérieusement si les réseaux de recharge seront suffisants pour répondre à la demande.

En mai 2022, les conducteurs de VE canadiens avaient accès à 16 000 bornes de recharge dans plus de 6 000 emplacements. Seulement 1 200 d’entre elles offrent la recharge rapide en courant continu, selon Ernst & Young Canada, qui avance que l’infrastructure de recharge du Canada est insuffisante. Le Canada se classe au huitième rang des dix principaux marchés de l’automobile pour ce qui est de l’infrastructure de recharge.

La structure réglementaire des réseaux de recharge varie d’une province à l’autre. En Ontario, elle est déréglementée. En Colombie-Britannique, elle est réglementée dans la mesure où le sont les services publics. Récemment, la British Columbia Utilities Commission (BCUC) a rejeté une demande de BC Hydro concernant les tarifs proposés pour le service de recharge rapide des véhicules électriques (VE) de l’infrastructure publique en Colombie-Britannique[27]. BC Hydro a reçu l’ordre de déposer une nouvelle demande de tarifs permanents au plus tard le 31 décembre 2022. Entre-temps, les tarifs provisoires actuels demeureront en vigueur.

La BCUC a constaté que les tarifs proposés par BC Hydro étaient conçus uniquement pour recouvrer les coûts de l’électricité et ne tenaient pas compte d’autres coûts supplémentaires, dont les coûts d’exploitation, d’entretien et d’immobilisations. Par conséquent, la BCUC a conclu que les tarifs proposés n’étaient pas justes et raisonnables. La BCUC a conclu que les tarifs subventionnés proposés par BC Hydro contribueraient à une inégalité des règles du jeu, ce qui pourrait nuire à l’atteinte des objectifs du gouvernement provincial d’accroître l’adoption des VE en Colombie-Britannique.

La BCUC a fait remarquer que, dans le cadre d’une nouvelle demande de tarifs permanents, elle envisagerait des tarifs fondés sur un recouvrement actualisé de tous les coûts. Ainsi, le tarif devrait refléter tous les coûts requis pour fournir le service, et ce, de façon juste et raisonnable. Autrement, la Commission envisagerait d’approuver les tarifs de gros que BC Hydro appliquerait, déduction faite des tarifs des fournisseurs de services de recharge de VE, qui refléteraient les coûts utilisés pour calculer le propre tarif de recharge actualisé de BC Hydro.

Il convient de noter que la BCUC a déterminé que le tarif horaire, plutôt que le tarif basé sur l’énergie, est actuellement la seule option pour le service de recharge des VE, car il n’existe actuellement aucune norme approuvée par Mesures Canada pour mesurer la quantité d’électricité consommée aux bornes de recharge rapide. Par conséquent, BC Hydro a reçu l’ordre de demander une exemption à l’application de la Electricity and Gas Inspection Act afin de pouvoir appliquer des tarifs basés sur l’énergie à l’avenir. BC Hydro a depuis fait savoir que Mesures Canada avait refusé d’accorder l’exemption demandée. Par conséquent, le tarif provisoire de recharge des VE basé sur le temps demeure celui utilisé pour BC Hydro.

Le 23 mars 2021, la BCUC a approuvé des tarifs provisoires pour le service public de recharge rapide des VE de BC Hydro, soit 0,12 $ par minute pour le service de recharge des VE à des bornes de 25 kW, 0,21 $ par minute pour le service de recharge des VE à des bornes de 50 kW et 0,27 $ la minute pour le service de recharge rapide des VE à des bornes de 1 00 kW.

La BCUC a également participé activement à l’approbation des services de recharge de VE et des tarifs proposés par Fortis. À l’automne 2020, la BCUC a repris ses audiences relatives à la demande de Fortis. Les tarifs demandés par Fortis étaient de 0,26 $ la minute pour ses bornes de 50 kW et de 0,54 $ la minute pour ses bornes de 100 kW. Fortis a affirmé que ces prix permettraient de recouvrer entièrement le coût des services sur une base actualisée de 13 et de 10 ans, respectivement. La BCUC a approuvé cette proposition de prix par ordonnance finale le 24 novembre 2021[28].

Comme nous l’avons indiqué, l’Ontario ne réglemente pas les tarifs de recharge des VE. Il a toutefois pris des mesures pour réduire le coût de la recharge des VE. En mars 2022, la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) a publié un rapport proposant des tarifs de recharge à bas prix durant la nuit[29]. Le tarif de recharge à bas prix durant la nuit proposé est de 2,5 cents par kWh (de 23 h à 7 h), comparativement à 11,3 cents par kWh pour la période de demande moyenne (de 7 h à 16 h et de 21 h à 23 h) et à 25,3 cents par kWh pour la période de pointe (de 16 h à 21 h). La raison d’être de cette initiative repose sur la conviction que 80 % des conducteurs de VE rechargeront leur voiture à la maison la nuit. On s’attend à ce que les nouveaux tarifs soient en vigueur d’ici avril 2023.

L’obligation de divulgation

Une décision récente de l’Alberta Utilities Commission renforce un principe souvent oublié du droit des services publics – les sociétés réglementées ont la responsabilité et l’obligation de divulguer tous les renseignements pertinents à l’organisme de réglementation. Au Canada, ce principe a été énoncé pour la première fois dans une décision rendue par la Commission de l’énergie de l’Ontario dans l’affaire West Coast Energy[30] en 2008, dans laquelle la Commission a établi la norme de divulgation requise pour les services publics et a imposé à une société de services publics une pénalité en cas de défaut de se conformer, en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

La société de services publics de l’Ontario qui a une franchise monopolistique ne s’assimile pas à une société productrice de variétés maraîchères. Elle a des responsabilités particulières qui font partie de ce que les tribunaux ont décrit comme le « pacte réglementaire ». Un aspect de ce pacte réglementaire est l’obligation de divulguer les faits importants en temps opportun.

Le manquement à l’obligation de divulgation peut entraîner des conséquences indésirables. Premièrement, ce manquement ne peut qu’entraîner des décisions de la Commission qui ne sont pas optimales. Deuxièmement, il ajoute du temps et des coûts aux procédures. Ni l’un ni l’autre ne sert l’intérêt public.

Une société sous réglementation publique a l’obligation générale de divulguer tous les renseignements pertinents se rapportant aux procédures de la Commission auxquelles elle participe, à moins que ces renseignements ne soient protégés ou qu’ils ne relèvent pas de sa compétence. Ce faisant, les services publics devraient privilégier l’inclusion. En outre, il incombe à la société de services publics de démontrer qu’il n’y a aucune possibilité raisonnable que la non-divulgation des renseignements compromette l’obtention d’un résultat équitable à l’issue de la procédure. Ce fardeau ne s’appliquerait pas lorsque la non-divulgation est justifiée par le droit en matière de privilège, mais aucun privilège n’est invoqué ici[31].

L’affaire de l’Alberta était beaucoup plus compliquée que celle de l’Ontario. Le 29 novembre 2021, le personnel d’application de la loi de l’AUC a déposé une demande auprès de la Commission pour lui demander d’introduire une instance en vertu des articles 8 et 63 de l’Alberta Utilities Commission Act afin de déterminer si ATCO Electric avait agi illégalement dans une affaire de fixation de tarif et devrait payer une sanction administrative.

Il a été allégué qu’ATCO Electric avait refilé aux contribuables le coût d’un contrat qu’il avait conclu à des tarifs supérieurs à la juste valeur marchande au profit de sa société affiliée non réglementée. Selon le rapport de la Enforcement Branch, ATCO Electric aurait documenté le barème de tarification de manière à cacher des faits pertinents et d’autres renseignements importants à l’Alberta Utilities Commission. Le personnel d’application de la loi a soutenu qu’ATCO Electric avait manqué à son devoir fondamental d’honnêteté et de franchise envers son organisme de réglementation. Un bon résumé de cette décision est présenté par le vice-président Larder c.r., seul commissaire du tribunal, dans les trois premiers paragraphes de la décision[32] :

[Traduction]

1. Cette procédure est le résultat d’une série de transactions internes et de tromperies perpétrées par ATCO Electric Ltd. au profit de ses actionnaires ainsi que des actionnaires d’une société affiliée d’ATCO aux frais des contribuables albertains.

2. Dans le cadre de la construction d’une ligne de transport d’électricité réglementée, ATCO Electric a profité de sa position de service public réglementé au profit de sa filiale non réglementée, ATCO Structures & Logistics Ltd. (ASL). ATCO Electric a sciemment attribué à un fournisseur unique un important contrat pour la ligne de transport du Projet d’installation de ligne de raccordement dans le parc national Jasper à des tarifs supérieurs à la juste valeur marchande, afin d’obtenir un contrat et un avantage financier pour ASL. ATCO Electric a ensuite cherché à récupérer des millions de dollars en coûts supérieurs à la juste valeur marchande auprès des contribuables pour ce contrat à fournisseur unique. De plus, ATCO Electric a créé une trace documentaire trompeuse justifiant sa décision et dissimulant des renseignements essentiels sur les raisons pour lesquelles il avait attribué le contrat à un fournisseur unique, à savoir : pour avantager sa société affiliée non réglementée ASL – dans le but d’éviter que la Commission ne détecte ses actions et de recouvrer de façon inappropriée les coûts supérieurs à la juste valeur marchande auprès des contribuables albertains.

3. À la suite d’une plainte de dénonciateur, le personnel d’application de la loi de l’Alberta Utilities Commission (la Commission) a enquêté sur les transactions d’ATCO Electric effectuées au cours des cinq dernières années. Le personnel d’application de la loi a ensuite demandé à la Commission d’instaurer une instance pour déterminer si ATCO Electric avait contrevenu à ses obligations légales. Le personnel d’application de la loi et ATCO Electric ont par la suite demandé la possibilité de tenter de régler les questions en litige dans cette instance, une demande à laquelle la Commission a accédé. En fin de compte, les parties ont conclu un accord de règlement, auquel s’est opposée la Consumers’ Coalition of Alberta (CCA). Dans cette présente décision, la Commission détermine si l’approbation de l’accord de règlement est dans l’intérêt public, conformément aux normes d’examen des accords de règlement énoncées à la section 3.2 de cette décision.

Contexte

ATCO Electric est propriétaire d’un service public d’électricité réglementé par l’Alberta Utilities Commission. Le Projet d’installation de ligne de raccordement Jasper était un projet de transport attribué à ATCO Electric par l’Alberta System Operator (AESO), approuvé par la Commission en 2018 et achevé par ATCO Electric en 2019. Dans le cadre de ce projet, ATCO Electric devait effectuer des travaux de défrichement et de mise en place d’une plateforme d’accès[33]. La conduite visée par la plainte est énoncée aux paragraphes 11 et 12 de la décision de la Commission :

[Traduction]

11. ATCO Electric a estimé à l’origine les coûts d’exécution de sa partie du projet de Jasper à environ 84 millions de dollars, dont 6,6 millions de dollars pour les coûts d’installation des matelas d’accès. Lorsque ATCO Electric a demandé à la Commission de recouvrer auprès des contribuables les coûts réels du projet en 2021, il a réclamé 119 millions de dollars, dont 31 millions de dollars pour les services d’installation des matelas d’accès. ATCO Electric a attribué l’augmentation des coûts à des changements de la portée du projet.

12. Comme il a été établi plus tard, une partie importante des coûts excédentaires (estimé par ATCO Electric à 10,8 millions de dollars) était attribuable au fait qu’ATCO Electric avait attribué de manière inappropriée un contrat à fournisseur unique pour obtenir des services d’installation de matelas d’accès pour le projet de Jasper au profit d’ASL en marge des services d’exploitation des campements de chantier pour le projet de pipeline. En effet, ATCO Electric a attribué le contrat de service d’installation de matelas à un fournisseur unique parce que cela aurait compromis la coentreprise d’ASL avec Simpcw Resources LLP. ATCO Electric a ensuite tenté de recouvrer indûment des millions de dollars auprès des contribuables qu’il avait engagés uniquement au profit de sa société affiliée. Dans ce cas-ci, ses agissements reviennent à dire qu’ATCO Electric a privilégié les intérêts de Simpcw et d’ASL à ses obligations réglementaires.

De plus amples renseignements sont présentés dans les paragraphes suivants de la décision :

[Traduction]

48. Dans sa demande initiale concernant l’utilisation des fonds de son compte de report, ATCO Electric a indiqué que le contrat de Backwoods avait été attribué à un fournisseur unique, mais n’a pas fourni les véritables raisons de cette décision et omis de communiquer des renseignements importants. Lorsqu’on a posé directement des questions au sujet des coûts des services d’installation de matelas pour le projet de Jasper (par le CCA et la Commission au moyen de demandes de renseignements), ATCO Electric a déclaré que les tarifs prévus dans le contrat de Backwoods étaient concurrentiels sur le marché et que les travaux d’installation avaient été attribués directement à la seule entité capable d’achever les travaux. Aucune de ces déclarations n’était vraie, et ATCO Electric le savait.

50. ATCO Electric n’a fourni aucun de ces renseignements dans ses réponses aux demandes de renseignements, choisissant plutôt d’affirmer faussement que les tarifs prévus dans le contrat de Backwoods étaient concurrentiels sur le marché.

52. ATCO Electric n’a fourni aucun de ces renseignements dans ses réponses aux demandes de renseignements, choisissant plutôt d’affirmer faussement que le travail d’installation de matelas avait été attribué directement à la seule entité capable d’effectuer le travail. ATCO Electric n’a fait aucun effort pour divulguer ses actes répréhensibles; la seule raison pour laquelle ces tractations ont été mises au jour est parce qu’elles ont été portées à l’attention de la Commission par un dénonciateur.

53. L’article 7.6 du Code de conduite exige qu’ATCO Electric établisse des rapports de conformité sur une base régulière, lesquels devraient comprendre une description complète des cas de non-conformité importante au Code et des mesures prises pour corriger ces cas.

54. ATCO Electric a déposé ses rapports de conformité pour 2018, 2019 et 2020 indiquant qu’il s’était conformé au Code de conduite au cours de cette année-là, sans aucune mention des renseignements susmentionnés. ATCO Electric n’a pas déposé de rapport d’exception avant le 29 novembre 2021, après avoir été contacté par le personnel d’application de la loi.

55. L’AESO a effectué une vérification de la conformité du projet de Jasper et n’a relevé aucune infraction présumée à l’article 9.1.5 des règles ISO, qui obligeaient ATCO Electric à lancer un appel d’offres auprès d’au moins trois soumissionnaires indépendants pour le projet. Toutefois, l’AESO n’a pas reçu certains renseignements essentiels, comme les raisons pour lesquelles le contrat de Backwoods a été attribué à un fournisseur unique ou tout autre fait énoncé au paragraphe 44 de cette décision.

56. Aucun employé ou membre de la direction d’ATCO Electric n’a fait part de préoccupations concernant les infractions abordées dans la décision à des cadres supérieurs responsables de la préparation de la demande concernant l’utilisation des fonds de son compte de report.

57. Au lieu de cela, les événements à l’origine des infractions n’ont été portés à l’attention du personnel d’application de la loi que par l’entremise d’un dénonciateur qui était un employé d’ATCO Electric qui avait été un témoin direct des tractations entourant le contrat de Backwoods. La Commission reconnaît l’intégrité et le courage dont a dû faire preuve le dénonciateur pour porter ces événements à l’attention de la Commission; la Commission remercie cette personne en son nom et au nom des contribuables albertains.

Principes juridiques régissant l’acceptation d’un accord de règlement

Cette décision contient une analyse détaillée et importante de la norme qu’une Commission devrait appliquer lorsqu’elle accepte un accord de règlement, particulièrement lorsqu’il y a un accord entre le poursuivant et la partie accusée. Les principaux éléments se trouvent aux paragraphes 65, 66, 70, et 73 :

[Traduction]

65. La Cour d’appel de la Saskatchewan et de nombreux tribunaux canadiens qui appliquent des régimes disciplinaires ont adopté l’approche des recommandations conjointes sur la détermination de la sanction décrite dans R c GWC. La Commission a ensuite déclaré ce qui suit dans la décision 3110-D03-2015 :

20. À la lumière de ce qui précède, la Commission ne doit pas se demander si l’ordonnance par consentement proposée est l’ordonnance qu’elle aurait émise. Elle doit plutôt déterminer si l’ordonnance par consentement est appropriée et raisonnable et si elle s’inscrit dans une gamme de résultats acceptables compte tenu des circonstances. Au moment d’effectuer cette évaluation, la Commission est guidée par les facteurs énoncés à la règle 013 : Rules on Criteria Relating to the Imposition of Administrative Penalties (Règle 13) et autres principes d’imposition de sanctions applicables. [Je souligne]

66. Depuis la décision rendue dans R c GWC et l’application, par la Commission, de ses principes dans la décision 3110-D03-2015, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les critères juridiques que les juges de première instance devraient appliquer pour décider s’il convient, dans un cas particulier, de s’écarter d’une recommandation conjointe sur la sanction. Ce critère a depuis été adopté par plusieurs tribunaux de réglementation et disciplinaire au Canada. Dans l’arrêt R c Anthony-Cook, la Cour suprême du Canada a conclu que le critère approprié pour les juges de première instance qui évaluent s’il y a lieu de s’écarter des recommandations conjointes sur la détermination de la sanction est le suivant : « de savoir si la peine proposée serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public. » Ce « critère de l’intérêt public » (notamment semblable à celui énoncé dans R c GWC et adopté par la Commission dans la décision 3110-D03-2015) établit un « seuil indéniablement élevé » pour le rejet d’une recommandation conjointe sur la sanction. Comme il est expliqué dans Anthony-Cook :

[33] … qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ».

[34] … qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […] Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le bon fonctionnement du système de justice s’est effondré. [Je souligne]

70. Dans l’accord de règlement, ATCO Electric admet avoir contrevenu aux règles ISO, au Code de conduite et à la Electric Utilities Act. ATCO Electric admet qu’il a fait appel à un fournisseur unique pour les travaux d’installation de matelas, de défrichement et d’excavation par hydroaspiration pour le projet de Jasper (en violation des règles ISO concernant l’approvisionnement concurrentiel), à des tarifs supérieurs à la juste valeur marchande au profit de sa filiale non réglementée (violation de l’esprit, de l’intention et de la lettre du Code de conduite), et qu’il a délibérément caché ces actions à la Commission dans le but de recouvrer ces coûts supérieurs à la juste valeur marchande auprès des contribuables albertains (manquant ainsi à son devoir fondamental d’honnêteté et de franchise en vertu de la Electric Utilities Act).

73. Compte tenu de la gravité de l’infraction et du préjudice causé, et compte tenu du fait que l’objet du pouvoir de sanction de la Commission est la protection et la prévention, et non la punition, la Commission estime que la sanction de 31 millions de dollars et les modalités connexes du règlement s’inscrivent dans une fourchette de résultats acceptables, et qu’il est dans l’intérêt public d’approuver l’accord de règlement.

La sanction administrative pécuniaire de 31 millions de dollars se situe dans une fourchette de résultats acceptables et est proportionnelle à la gravité des infractions.

La préoccupation de l’Alberta Utilities Commission à l’égard de la conduite d’ATCO Electric a porté sur la durée de la tromperie, le nombre de personnes impliquées et la violation d’un code de conduite bien établi conçu pour prévenir précisément cette activité :

[Traduction]

79. La question n’est pas de savoir si un employé particulier d’ATCO Electric qui préparait la réponse à la demande de renseignements dans le cadre de l’instance relative au compte de report avait l’intention active de tromper la Commission à l’époque. La question tient plutôt au fait que plusieurs employés avaient déjà créé et partagé un ensemble de documents relatifs au projet (des documents de référence et des documents d’information) d’une manière incompatible avec les pratiques normales d’ATCO Electric afin de s’assurer que ces documents ne puissent être découverts par la Commission dans le cadre de son processus de réglementation. Ces employés l’ont fait en connaissance de cause ou avec l’aide de la haute direction, ou dans de nombreux cas, étaient membres de la haute direction. De plus, comme il l’a admis sans réserve dans l’accord de règlement, ATCO Electric est responsable de la conduite de ses employés.

80. La Commission estime que cette infraction à la Electric Utilities Act est très grave et reconnaît qu’elle a causé un préjudice important sous la forme d’un abus de confiance, tant celle du public que celle de la Commission.

81. Deuxièmement, le Code de conduite est conçu précisément pour éviter ce genre de comportement, où l’on cherche à obtenir des avantages pour des sociétés affiliées non réglementées aux dépens des contribuables. Le Code de conduite régit les relations et les transactions entre les sociétés affiliées réglementées et non réglementées au sein du Groupe d’entreprises ATCO, afin de prévoir et de corriger les éventuels désalignements d’intérêts entre les actionnaires et les clients du service public, et d’éviter les pratiques non concurrentielles entre les services publics et leurs sociétés affiliées, ce qui pourrait nuire aux intérêts des clients des services publics.

82. Le Code de conduite insiste sur le besoin de respecter l’esprit et l’intention du Code.

84. Quatrièmement, l’article 9.1.5.2 des règles ISO exigeait qu’ATCO Electric [traduction] « sollicite des soumissions écrites auprès d’au moins trois fournisseurs indépendants », car le projet de Jasper entrait dans la catégorie des acquisitions dont le coût d’un élément en particulier dépasse 50 000 $. Il s’agissait d’une contravention claire; dès le départ, ATCO Electric craignait que l’attribution directe à Backwoods contrevienne aux règles ISO. Il a néanmoins décidé de procéder de toute façon, dans le but d’obtenir un « avantage financier plus important » pour sa filiale non réglementée, ASL.

La Commission a dû prendre une décision difficile pour déterminer si une sanction de 31 millions de dollars représentait un montant approprié. Elle a conclu qu’il l’était pour les raisons énoncées ci-dessous :

[Traduction]

91. Le deuxième aspect du préjudice causé aux contribuables est difficile à quantifier, mais très grave. Les actions d’ATCO Electric causent un préjudice plus vaste aux contribuables et à tous les autres participants au système de réglementation. Pour prendre ses décisions, la Commission doit pouvoir tenir pour acquis que l’information présentée par le service public est complète, juste et exacte. Il s’agit d’une prémisse fondamentale de la Electric Utilities Act et de notre système de réglementation en général, comme il est indiqué ci-dessus. Les contraventions d’ATCO Electric représentent un abus de confiance flagrant, qui a miné la confiance du public dans le processus de réglementation de la Commission et la confiance de la Commission envers ATCO Electric. Quel que soit le préjudice financier subi, ce préjudice est en soi important.

93. La Commission estime que la sanction de 31 millions de dollars est importante. Les parties ont indiqué que, pour autant qu’elles le sachent, le sommet pour des sanctions semblables (sanctions administratives pécuniaires) au Canada est de 33 millions de dollars; dans ce cas, l’inconduite a été considérée comme étant [traduction] « à l’extrémité supérieure de l’échelle de gravité ». Dans la décision 3110-D03-2015, la partie relative à la sanction administrative de la sanction finale approuvée par la Commission était de 25 millions de dollars. La Cour suprême du Canada a fait remarquer qu’en déterminant l’ampleur des sanctions pécuniaires, le montant [traduction] « devrait refléter l’objectif de dissuasion du non-respect du régime administratif ou réglementaire » et doit être suffisamment important pour qu’il ne puisse pas assimiler à un simple « coût d’exploitation » ou, comme l’a dit la Cour d’appel de l’Alberta, un « droit de licence ».

94. La Commission estime que la sanction de 31 millions de dollars ne s’assimile pas à un simple un coût d’exploitation pour ATCO Electric dans ce cas. La Commission fait remarquer que les 80 à 100 millions de dollars représentant « le plus important avantage financier » découlant des contrats d’exploitation de campements de chantier qu’ATCO Electric a tenté d’obtenir au nom d’ASL par son inconduite représentent des coûts en capital, et non des bénéfices. Par ailleurs, la pénalité de 31 millions de dollars est imposée parallèlement à l’obligation qu’ATCO Electric modifie sa demande concernant l’utilisation des fonds de son compte de report afin d’exclure tous les coûts supérieurs à la juste valeur marchande pour le projet de Jasper (une réduction actuellement estimée à 10,8 millions de dollars). Cela signifie que la Commission peut être raisonnablement assurée que l’avantage tiré par ATCO Electric par cette contravention ne l’emporte pas sur la sanction proposée, et que la sanction de 31 millions de dollars ne peut pas être assimilée à un simple droit de licence. L’ampleur de la sanction encourage plutôt la dissuasion générale et particulière – la sanction envoie un message à tous les services publics relevant de la compétence de la Commission que ce type de conduite ne sera pas pris à la légère et entraînera des répercussions importantes.

Dans le rapport d’enquête, la Commission s’est fondée sur des précédents dans les procédures disciplinaires du Barreau[34]. Le rapport fait également référence au Report of the AUC Procedures and Processes Review Committee[35]. Les recommandations de ce rapport visaient à réduire le fardeau réglementaire afin de créer un processus de réglementation plus efficace. Le processus a été lancé parce que les services publics de l’Alberta se plaignaient que le processus était devenu trop long. Ainsi, le personnel de la Commission a soutenu qu’il était encore plus important que l’information fournie par les services publics réglementés soit juste et exacte dans un nouveau contexte réglementaire où la Commission limiterait la communication préalable et la preuve orale à la demande des services publics. Le personnel d’application de la loi soutient que les avantages d’une procédure réglementaire plus efficace ne pourraient être réalisés que si les services publics réglementés étaient prêts à être transparents, honnêtes et francs dans leurs documents réglementaires.

Par la suite, le personnel d’application de la Commission et l’avocat d’ATCO Electric ont conclu un accord de règlement et demandé à la Commission de l’approuver. En vertu de cet accord de règlement et d’un exposé conjoint des faits, ATCO Electric a accepté de payer une sanction administrative de 31 millions de dollars. Dans l’exposé conjoint des faits, ATCO a admis qu’il avait contrevenu à la Electric Utilities Act et qu’il avait manqué à son obligation d’être honnête et de ne pas fournir de renseignements trompeurs dans les documents qu’il dépose auprès de l’organisme de réglementation.

Aux paragraphes 32 à 34 de la recommandation conjointe, les parties réitèrent une grande partie de ce qui se trouvait dans la demande antérieure présentée par le personnel d’application de la loi. L’organisme de réglementation a le droit de présumer que les renseignements fournis par un service public sont complets, justes et exacts. ATCO Electric a admis avoir pris des mesures pour omettre certains renseignements pertinents dans les documents déposés auprès de l’AUC dans le cadre de sa procédure concernant l’utilisation des fonds de son compte de report et a reconnu un manque de transparence et l’incidence que celui-ci a entraînée sur la Commission et le public dans le cadre de la procédure relative au compte de report.

La recommandation conjointe décrit également en détail si la Commission, en approuvant l’accord de règlement, devrait suivre les principes élaborés par les tribunaux en ce qui concerne les recommandations conjointes sur la détermination de la sanction dans un contexte de droit pénal. En règle générale, ce principe veut que lorsque le procureur de la Couronne et l’accusé en sont venus à un accord, le tribunal ou l’organisme de réglementation devrait l’accepter, à moins que cela ne soit clairement contraire à l’intérêt public.

Le 29 juin 2022, la Commission a rendu une décision approuvant l’accord de règlement, ordonnant que l’accord de règlement négocié entre le personnel d’application de la loi et ATCO Electric, joint en annexe à la décision, soit approuvé sans modification. ATCO Electric a été condamnée à payer une sanction administrative de 31 millions de dollars en vertu de l’article 63 de l’Alberta Utilities Commission Act. ATCO devait également payer les honoraires de l’avocat-conseil externe de la Commission pour l’enquête et l’audience.

N’oublions pas que cette affaire a été portée devant la Commission à la suite d’une plainte d’un dénonciateur. Les lois de l’Alberta prévoient l’acceptation de dénonciations relatives à la conduite du secteur public. L’AUC a également un document intitulé AUC Policy for Third Party Complaints, qui décrit la pratique et la procédure relatives aux plaintes de dénonciateurs. Les plaintes de dénonciateurs sont de plus en plus courantes dans les instances des commissions des valeurs mobilières partout au Canada. Cette affaire représente la première fois où une demande d’application de la loi présentée à un organisme de réglementation de l’énergie est fondée sur une plainte de dénonciateur. Ce ne sera probablement pas la dernière.

Nouveaux développements

L’Alberta n’est pas le seul organisme de réglementation de l’énergie qui s’intéresse au concept de l’obligation de divulguer ou de l’obligation de franchise. Récemment, la FERC, à Washington, a créé un avis de projet de réglementation[36] qui traite de cette question. Dans une présentation du personnel[37], il a été mentionné que la Commission avait l’intention de modifier sa règle existante d’une manière qui élargirait considérablement la portée des situations visées en déclarant :

[Traduction]

La mosaïque actuelle d’exigences est insuffisante pour englober toutes les situations dans lesquelles la Commission doit être assurée de recevoir les communications exactes qui sont nécessaires pour qu’elle puisse exercer adéquatement sa surveillance réglementaire et remplir ses obligations légales.

La règle proposée est une vaste obligation de franchise visant à englober de nombreuses communications qui n’ont pas été explicitement incluses dans les exigences actuelles, mais qui sont néanmoins importantes pour l’exécution efficace des obligations légales de la Commission. La règle proposée est fondée sur 18 C.F.R. § 35.41(b), qui régit les communications des vendeurs d’électricité ayant un pouvoir d’établir des tarifs fondés sur le marché avec : la Commission, des organismes de transport régionaux, des exploitants de réseau indépendants et leurs observateurs du marché, ainsi que des fournisseurs de transport relevant de leur compétence. Ce règlement est en vigueur, sous différentes formes, depuis près de 20 ans.

La règle proposée élargit l’application de l’exigence de communications exactes et véridiques en prévoyant que toutes les entités qui communiquent avec la Commission ou d’autres organisations désignées relativement à une question relevant de la compétence de la Commission présentent des renseignements exacts et factuels et ne fournissent pas des renseignements faux ou trompeurs ni n’omettent des renseignements importants. En vertu de l’alinéa 35.41 b), une entité est à l’abri de toute violation du règlement proposé si elle fait preuve de diligence raisonnable pour prévenir de tels incidents.

Les communications avec les organisations suivantes seraient couvertes par la règle proposée, à savoir la Commission (y compris le personnel de la Commission), les observateurs du marché approuvés par la Commission, les organisations de transport régionales approuvées par la Commission, les exploitants de réseau indépendants approuvés par la Commission, les fournisseurs de transport ou de transmissions relevant de sa compétence, ainsi que l’Electric Reliability Organization et ses entités régionales connexes[38].

La Commission a proposé que la règle suivante soit ajoutée au 18 CFR, partie 1d

[Traduction]

1d.1 Exactitude des communications.

Toute entité doit fournir des renseignements exacts et factuels et ne pas soumettre de renseignements faux ou trompeurs, ou omettre des renseignements importants, dans toute communication avec la Commission, les observateurs de marché approuvés par la Commission, les organisations de transport régionales approuvées par la Commission, les exploitants de réseau indépendants approuvés par la Commission, les fournisseurs de transport ou de transmissions relevant de sa compétence de la Commission, ou l’Electric Reliability Organization et ses entités régionales associées, lorsque ces communications ont trait à une question relevant de la compétence de la Commission, à moins que l’entité ne fasse preuve de diligence raisonnable pour prévenir de telles situations[39].

La règle proposée impose une obligation de franchise sur les communications entre les participants au marché, comme les sociétés pipelinières et les expéditeurs, sur des questions assujetties à la surveillance d’une compétence supérieure. Elle permet également une défense affirmative lorsqu’une entité est accusée d’avoir fourni de faux renseignements ou de fausses communications, mais qu’elle a néanmoins fait preuve de diligence raisonnable pour s’assurer que la communication était exacte[40].

La règle existante a parfois été contestée, mais a été maintenue (4) L’avis de la Commission a également fourni des directives d’interprétation pour la règle proposée. Par exemple, le terme « entité » comprend les particuliers et les entreprises, et l’obligation s’applique à la fois à l’entité qui effectue la communication et à l’entité responsable de recevoir la communication.

Il peut s’agir de communications informelles ou formelles, de communications verbales ou écrites et de toute méthode de transmission. Les commentaires sur la règle proposée doivent être présentés dans les 60 jours suivant la date de publication de l’avis dans le Federal Register.

Compte tenu de l’expérience de l’Alberta Utilities Commission dans l’affaire ATCO Electric décrite ci-dessus, les organismes de réglementation de l’énergie du Canada envisageront sans aucun doute d’adopter des règles semblables afin de clarifier cette question importante.

Radiations de technologies

Les organismes de réglementation de l’énergie d’aujourd’hui vivent dans un monde nouveau. Les organismes de réglementation de l’énergie du monde entier doivent investir 131 billions de dollars dans de nouvelles technologies conçues pour réduire la quantité de carbone dans la production, la distribution et l’utilisation de l’électricité[41]. Il n’est pas facile de choisir les nouvelles technologies qui seront retenues et celles qui seront écartées. Ce choix représente toujours un défi.

L’approbation d’un projet pilote de technologie n’est que le premier problème à se présenter. Le deuxième problème, c’est ce que font les organismes de réglementation lorsque la technologie fait défaut. La première décision concernant ce problème a récemment dû être prise en Nouvelle-Écosse[42]. Dans ce cas, l’organisme de réglementation de l’énergie a dû faire face à une demande de la Nova Scotia Power visant à amortir des coûts importants liés à un projet pilote de nouvelle technologie qui, après de nombreuses années, n’était plus viable sur le plan commercial.

Le projet en question est connu sous le nom d’Annapolis Tidal Generation Station. Au moment de sa mise en service au milieu des années 1980, la centrale se voulait une initiative de recherche à court terme visant à tester la viabilité de la technologie des barrages de marée dans la baie de Fundy. Dans les dernières années, le service public qui exploitait le projet, Nova Scotia Power, a dû assumer d’importants coûts d’exploitation et d’entretien liés à la centrale. Les coûts en capital augmentaient considérablement alors que la quantité d’électricité produite diminuait.

Nova Scotia Power a demandé à la Commission d’approuver l’amortissement de la valeur non amortie et des travaux de construction en cours sur une période de dix ans. Nova Scotia Power n’a pas présenté parallèlement de demande de désaffectation.

La décision de la Commission et son raisonnement montrent à quel point ces cas peuvent devenir complexes. Nova Scotia Power a demandé à la Commission de conclure que le projet n’était plus utilisé ni utile. Il s’avère qu’il n’est pas facile de trancher sur cette question.

Il ne fait aucun doute qu’au moment de la demande, la centrale n’était pas utilisée. La question était de savoir si la technologie pouvait s’avérer utile à l’avenir. La Commission a souligné les arguments des groupes d’intervenants au paragraphe 32.

[Traduction]

[32] Dans leurs observations finales, le défenseur de la petite entreprise, le groupe industriel, le défenseur du consommateur et la Ville d’Annapolis Royal ont tous exprimé des préoccupations au sujet de l’affirmation de NS Power selon laquelle la mise hors service de la centrale est l’option la moins coûteuse pour les clients. Les quatre intervenants ont fait remarquer qu’ils ne sont pas d’accord pour dire que NS Power a présenté une analyse suffisamment complète pour les convaincre qu’il n’y a pas d’utilisation future viable des biens en question à des fins d’utilité publique.

L’analyse de la Commission est mieux décrite dans les paragraphes suivants :

[Traduction]

[89] Dans ce cas, compte tenu du montant important du coût non amorti restant dans la base tarifaire, NS Power a proposé une période d’amortissement de 10 ans. Aucune partie n’a contesté la durée proposée de la période d’amortissement. M. Reed et Grant Thornton l’ont appuyée. la Commission convient que, si la désaffectation est l’option la moins coûteuse, une période d’amortissement de 10 ans semble créer un équilibre raisonnable entre les répercussions négatives pour les contribuables actuels et les considérations relatives à l’équité intergénérationnelle.

[90] La question de fond en litige en l’espèce est de savoir si NS Power a démontré que la mise hors service de la centrale est l’option la moins coûteuse pour les contribuables. La Commission reconnaît qu’en préparant son dossier, NS Power a pris plusieurs mesures appropriées dans la préparation de la demande. Le recours à des consultants externes pour compléter l’expertise interne est conforme aux directives de la Commission. La Commission reconnaît que ces consultants appuient l’approche énoncée dans la demande. De plus, l’utilisation de la modélisation probabiliste était appropriée dans ce cas, compte tenu du nombre d’incertitudes qui pourraient avoir une incidence sur les estimations des coûts. Cela dit, la Commission a déterminé qu’il n’a pas suffisamment d’information pour conclure que la désaffectation est, en fait, l’option la moins coûteuse. Par conséquent, la Commission conclut que NS Power ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait d’obtenir la réparation en matière de traitement comptable demandée en l’espèce.

[91] Compte tenu de la preuve déposée par Midgard et MS Consulting, la Commission est généralement d’accord avec les intervenants pour dire qu’il y a un trop grand nombre de variables relatives aux coûts qui n’ont pas été examinées suffisamment ou qui l’ont été de façon incohérente entre les diverses options. La Commission reconnaît que NS Power et MS Consulting ne s’entendent pas sur l’incidence réelle de certains intrants sur les résultats de la modélisation, y compris certains intrants utilisés par MS Consulting. La Commission reconnaît également que la recommandation finale de Midgard était que l’option [prolongation de la vie et modernisation] PVM soit maintenue. En théorie, cela pourrait se faire en approuvant la demande actuelle et en réexaminant la question, au besoin, lorsqu’une demande de désaffectation est déposée.

[92] Cela dit, compte tenu de l’ampleur et de la portée des problèmes non réglés, la Commission conclut que l’approbation du traitement comptable à ce stade est prématurée. Les données probantes indiquent qu’il y a différents niveaux d’estimations par catégorie pour les différentes options. En particulier, l’écart entre les valeurs actualisées nettes des besoins en matière de revenus de l’option PVM et de l’option de désaffectation n’est pas si grand. Dans certains scénarios, l’option PVM pourrait en fait être plus rentable, bien qu’avec un risque plus élevé.

[93] Il est donc important, dans la mesure du possible, de comparer des pommes avec des pommes entre l’option PVM et l’option de désaffectation. La Commission est préoccupé par le fait que, si le traitement comptable est approuvé maintenant, on pourrait avoir tendance à mettre l’accent sur l’approbation de l’option de désaffectation. Cela pourrait inciter moins à continuer d’évaluer rigoureusement l’option PVM.

En fin de compte, la Commission a conclu qu’elle n’avait pas suffisamment d’information pour prendre une décision. La complexité des enjeux auxquels sont confrontés les organismes de réglementation dans ce type de cas est évidente dans les ordonnances que la Commission a données à Nova Scotia Power au sujet des renseignements supplémentaires requis pour régler adéquatement le problème :

[99] Bien qu’elle n’ordonne pas à NS Power d’entreprendre des études particulières, il semblerait, pour la Commission, que les renseignements suivants aideraient à déterminer l’option la moins coûteuse dans cette affaire :

1. une évaluation plus complète des coûts PVM;

2. Une évaluation plus complète de l’option de la nouvelle technologie, y compris : une évaluation plus approfondie des options et des coûts pour changer la capacité de la centrale dans le cadre de l’option de la nouvelle technologie; la sollicitation de prix auprès de plusieurs fabricants pour l’option de la nouvelle technologie;

3. une évaluation plus complète des problèmes de sédimentation et des coûts associés à l’option de désaffectation;

4. la réalisation des études environnementales nécessaires pour évaluer les risques environnementaux et les coûts associés à chaque solution de rechange;

5. une évaluation plus complète des options d’élimination des actifs de la centrale;

6. une explication détaillée de la raison pour laquelle les estimations des coûts en capital pour l’option de désaffectation ont diminué de façon si spectaculaire par rapport aux estimations incluses dans l’étude de 2018 sur les actifs hydroélectriques de NS Power;

7. la mobilisation du personnel du MPO pour déterminer si NS Power peut présenter de façon satisfaisante des études ou des données de rechange sur les périodes de migration du poisson et la mortalité du poisson pour le site, à moins que la centrale ne soit remise en service; y compris la possibilité de modifier son exploitation afin de réduire ou d’atténuer les effets potentiels sur le poisson de manière à éviter l’obligation d’obtenir une autorisation du MPO;

8. la mobilisation du personnel du MPO pour déterminer s’il envisagerait un plan de conformité avec une demande d’autorisation connexe. Si le MPO accepte une telle demande, NS Power pourrait estimer le coût de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un plan de conformité dans son analyse de la décision;

9. la mobilisation du personnel du MPO et de la province à l’égard de toute question liée à la Loi sur les pêches ou à la conformité environnementale dans le cadre de l’option de désaffectation en ce qui a trait au rétablissement de la zone à son état initial (c.-à-d. qu’il n’y a pas d’écoulement d’eau dans le pont-jetée à l’emplacement de la centrale et que les coûts de conformité liés à la désaffectation concernent les vannes des écluses, au pont-jetée et aux passages pour poissons). Les résultats de ces discussions pourraient être intégrés à l’option de désaffectation dans l’analyse décisionnelle;

10. En ce qui concerne les initiatives susmentionnées, la mobilisation des collectivités autochtones à l’égard des diverses options (y compris l’option PVM, l’option de la nouvelle technologie et la désaffectation) afin de mieux éclairer les coûts potentiels à intégrer à l’analyse décisionnelle.

La Commission a conclu que tant qu’il ne recevrait pas ces renseignements présentés dans une nouvelle demande, il ne serait pas en mesure de rendre une décision, comme indiqué au paragraphe 118.

[Traduction]

[118] La Commission a déterminé qu’il n’a pas suffisamment de données probantes, à l’heure actuelle, pour conclure que la désaffectation de la centrale est l’option la moins coûteuse pour les contribuables. Il n’est donc pas en mesure de déterminer que le bien n’est pas utilisé et n’est pas utile au sens de la convention comptable 6350. Par conséquent, la Commission n’approuvera pas la demande pour le moment. La Commission est d’avis que la meilleure façon de procéder consiste à réexaminer la demande d’approbation du traitement comptable ainsi que la demande de désaffectation. Cela dit, NS Power est libre de rouvrir l’affaire s’il est en mesure de répondre aux préoccupations de la Commission.

L’introduction de nouvelles technologies crée deux problèmes pour les organismes de réglementation de l’énergie. Le premier est celui de définir les modalités selon lesquelles les organismes de réglementation acceptent et approuvent les investissements dans les nouvelles technologies. Le deuxième, tel qu’il est décrit dans l’affaire de la Nouvelle-Écosse, concerne les modalités selon lesquelles les organismes de réglementation retirent les coûts liés à ladite technologie de la base tarifaire lorsque celle-ci s’avère inutile.

Les termes « utilisé et utile » ont une longue histoire dans les lois canadiennes[43] et américaines[44] sur les services publics. Une décision récente de la Commission de l’énergie de l’Ontario a déclenché le débat sur la question de savoir si le critère approprié était « utilisé et utile » ou « utilisé ou utile » dans cette administration[45].

En ce qui concerne les Canadiens, les organismes de réglementation sont confrontés à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire ATCO[46], qui précise clairement que les actifs qui ne sont plus requis pour répondre aux besoins d’un service public ne peuvent être inclus en tant qu’actifs réglementaires et considérés comme faisant partie de la base tarifaire.

La décision dans l’affaire ATCO pourrait être modifiée par les tribunaux à l’avenir. Le paysage réglementaire est en train de changer. Les organismes de réglementation comme la Commission de l’énergie de l’Ontario sont maintenant confrontés à une loi récente qui ajoute une nouvelle responsabilité importante à leur administration – l’obligation de promouvoir l’innovation.

Même si la règle « utilisée et utile » est utilisée depuis longtemps dans le domaine du droit des services publics, elle n’a clairement pas été conçue pour relever le défi technologique auquel font face les organismes de réglementation dans un monde dominé par les exigences liées aux changements climatiques.

Déréglementation

Les décisions qui sous-tendent une déréglementation ne sont pas si courantes. La décision de principe est probablement la décision de l’Ontario en 2006 dans l’instance NGEIR[47]. Il s’agissait d’une enquête de deux ans sur l’interprétation de l’article 29 de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, qui se lit comme suit :

Sur présentation d’une requête ou lors d’une instance, la Commission décide de s’abstenir d’exercer, en totalité ou en partie, un pouvoir ou une fonction que lui attribue la présente loi si elle conclut comme question de fait que le titulaire d’un permis, une personne, un produit, une catégorie de produits, un service ou une catégorie de services est ou sera suffisamment concurrentiel pour protéger l’intérêt public.

Dans NGEIR, la Commission a conclu que le marché du stockage de l’énergie était commercialement concurrentiel et que ni Union ni Enbridge n’avaient de pouvoir sur le marché du stockage. La Commission a déterminé qu’il cesserait de réglementer le prix de certains services de stockage. Les tarifs pour les services de stockage fournis aux clients d’Union et Enbridge qui continuent d’être réglementés constituent l’exception.

Cette question a été soulevée récemment en Alberta au sujet d’une catégorie de services connue sous le nom d’« énergie de quartier ». La décision de l’Alberta pourrait avoir des répercussions sur les décisions prises dans d’autres administrations concernant cette catégorie de service.

En mars 2022, l’Alberta Utilities Commission a rendu une décision[48] exemptant Calgary District Energy Inc. (CDHI) et Downtown District Energy Center (DDEC) de certaines dispositions de la Public Utilities Act, y compris en ce qui concerne la réglementation de ses tarifs et certaines exigences en matière de rapports. À l’origine, le DDEC a été construit et exploité par Enmax Corporation, qui appartenait entièrement à la Ville de Calgary.

Le DDEC fournit de l’énergie thermique sous forme de services de chauffage central et d’eau chaude aux bâtiments commerciaux et résidentiels du centre-ville de Calgary. Le DDEC était légalement exempté d’une grande partie de la Public Utilities Act en Alberta et, pour cette raison, n’était pas assujetti aux fonctions de surveillance et de réglementation de l’AUC. Pendant un certain temps, l’AUC n’a joué aucun rôle direct dans la réglementation des activités du DDEC ou dans l’établissement des tarifs facturés à ses clients.

En avril 2021, l’AUC a approuvé la vente de DDEC à CDHI. À la suite de la vente du DDEC, CDHI a présenté une demande sollicitant une ordonnance en vertu des articles 8 et 9 de l’Alberta Utilities Commission Act et de l’article 79 de la Public Utilities Act déclarant que certaines dispositions de la Public Utilities Act ne s’appliqueraient ni à CDHI ni au DDEC. CDHI a fait valoir que les exemptions demandées étaient dans l’intérêt public et représentaient une forme souple et proportionnée de réglementation qui tenait compte de la nature unique des services énergétiques de quartier. Les parties ont convenu que l’AUC continuerait de surveiller les services fournis par CDHI et le DDEC en fonction des plaintes.

L’aspect le plus important de cet argument était que les services énergétiques de quartier étaient très concurrentiels dans la ville de Calgary. Il en va de même dans de nombreux marchés canadiens.

Au cours de l’audience, la Commission a dû se pencher sur l’objection d’ATCO, le seul intervenant qui s’opposait au statut demandé par CDHI. En fait, ATCO a fourni des services concurrents dans la ville de Calgary. La Commission a répondu aux arguments d’ATCO comme suit au paragraphe 25 de la décision :

[Traduction]

25. La Commission n’est pas d’avis qu’une dérogation à une éventuelle réglementation économique irait nécessairement à l’encontre de l’objet de la Public Utilities Act ou minerait l’intention du législateur. La Commission estime que l’objectif primordial du régime législatif est de protéger l’intérêt public dans un environnement de service vulnérable à l’abus du pouvoir de monopole. L’assemblée législative a fourni à la Commission les outils nécessaires pour atteindre cet objectif, y compris la capacité de fixer les tarifs et d’exercer une surveillance générale de l’exploitation des services publics. Étant donné la nature des services publics (qui ont tendance à être fortement exigeants en investissements, de sorte que le dédoublement des services par différents fournisseurs est inefficace), il s’agit souvent de monopoles naturels. Dans ces circonstances, la réglementation économique prospective joue un rôle important, y compris celui de la protection des clients. La Commission n’accepte toutefois pas que la protection de l’intérêt public, ou le maintien du régime législatif, exige que tout service public soit assujetti à une réglementation économique prospective, quels que soient ses caractéristiques particulières ou le contexte dans lequel il exerce ses activités.

L’AUC a ajouté qu’il ne serait pas dans l’intérêt public d’exiger une réglementation économique prospective de toute entité répondant à la définition d’un service public lorsque les faits établissent, comme c’est le cas en l’espèce, qu’une telle réglementation n’est pas nécessaire pour protéger les clients avertis dans un environnement concurrentiel à la lumière des autres mécanismes de réglementation disponibles.

Les autres mécanismes de réglementation auxquels la Commission a fait référence concernent le fait que les tarifs CDHI Calgary dans le nouvel environnement ne seraient examinés que si un client déposait une plainte les visant. CDHI a convenu que si les clients se plaignaient des tarifs, ils se soumettraient à la compétence de la Commission pour réglementer leurs tarifs.

En approuvant ce règlement assoupli proposé par CDHI, la Commission a conclu ce qui suit, au paragraphe 39 :

[Traduction]

39. La Commission estime que CDHI exerce ses activités dans un environnement suffisamment concurrentiel pour que ses clients aient un degré de choix au sujet de leur fournisseur de services qui n’est pas présent dans une industrie monopolistique traditionnelle. Plus précisément, les clients de CDHI peuvent choisir de souscrire au service de DDEC ou d’acquérir une chaudière (alimentée au gaz ou à l’électricité) auprès de divers fournisseurs pour répondre à leurs besoins en énergie thermique. À l’avenir, étant donné que CDHI n’a pas de franchise exclusive, ses clients pourraient choisir de souscrire au service des nouveaux venus sur le marché énergétique de quartier. Les ententes de services conclues entre CDHI et ses clients pour la fourniture d’énergie de quartier sont fondées sur des modalités mutuellement acceptables négociées entre des parties commerciales expérimentées. De plus, s’ils sont insatisfaits des taux qu’ils paient ou du service qu’ils reçoivent, les clients de CDHI conservent la possibilité de déposer une plainte auprès de la Commission. Dans l’ensemble, la Commission estime que ces facteurs sont suffisants pour garantir que les tarifs payés par les clients de CDHI seront justes et raisonnables, en ce sens qu’ils sont équitables à la fois pour les clients et pour le service public, comme le prévoit le régime législatif.

En fait, la Commission a conclu que les projets énergétiques de quartier étaient des services publics au sens de la PUA, mais qu’en même temps, ils devraient pouvoir tirer parti de formes de réglementation assouplie et proportionnée, pour répondre aux besoins particuliers des marchés énergétiques de quartier. Il s’agit d’une évolution importante. Le concept de réglementation au cas par cas sera de plus en plus important dans les nouveaux marchés de l’énergie et les services comme l’énergie de quartier. Alors que la raison initiale de la déréglementation dans ce marché était la propriété municipale, il faut maintenant se demander s’il y a suffisamment de concurrence pour protéger l’intérêt public. C’est essentiellement le critère qu’a appliqué la Commission de l’énergie de l’Ontario dans l’affaire NGEIR.

Pour être juste envers l’AUC, la décision dans l’affaire CDHI n’est pas une véritable déréglementation. Il s’agit d’une réglementation fondée sur des plaintes. L’AUC conserve l’entière discrétion de réglementer les tarifs en tout temps. Cette procédure diffère de celle de l’Ontario en vertu de l’article 29 de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, comme l’expliquent les articles suivants de la décision Union Gas LNG[49]:

[Traduction]

Comme plusieurs parties l’ont fait remarquer, l’utilisation du mot « devrait » au paragraphe 29(1) signifie que la CEO a l’obligation formelle de s’abstenir de prendre des règlements lorsqu’elle estime qu’il y a ou qu’il y aura suffisamment de concurrence pour protéger l’intérêt public. Si le dossier factuel indique qu’il y a suffisamment de concurrence, la CEO n’a aucun pouvoir discrétionnaire et doit s’abstenir (en tout ou en partie) de réglementer l’activité.

En ce qui concerne l’article 29, la CEO est également guidée par ses objectifs législatifs. Le premier objectif de la CEO en ce qui concerne le gaz naturel est de « faciliter la concurrence dans le marché de la vente du gaz aux utilisateurs ».

Il ne semble pas y avoir de différend sérieux entre les parties sur le fait que le service de GNL proposé par Union est ou sera concurrentiel. La plupart des éléments de l’article 29 ne sont pas contestés activement. Northeast et Union conviennent que le marché de produits pertinent est le marché du carburant pour les véhicules de transport automobiles. À l’heure actuelle, le principal concurrent du GNL, comme carburant pour les véhicules de transport automobiles, est le carburant diesel, qui est largement disponible. Il est également généralement convenu que le marché géographique pertinent est l’Ontario, le Québec et certaines parties du Nord-Est et du Midwest des États-Unis… L’article 29 indique clairement que, lorsque la CEO conclut que la concurrence est ou sera suffisante pour protéger l’intérêt public, elle s’abstiendra (en tout ou en partie) d’exercer son pouvoir de réglementation. La CEO a conclu que le nouveau service est assujetti à une concurrence suffisante pour protéger l’intérêt public. Elle n’a donc guère d’autre choix que de s’abstenir de le réglementer, quelles que soient les difficultés.

La réglementation fondée sur des plaintes est très différente. Dans le cadre de ce régime, un service public a le droit d’établir des tarifs sans l’approbation préalable de l’organisme de réglementation, mais en cas de plainte, l’organisme de réglementation peut déterminer si le tarif est juste et raisonnable et fixer de nouveaux tarifs sur une base rétroactive[50]. Ce type de réglementation assouplie a connu un certain succès dans le domaine des télécommunications[51]. Il sera probablement utilisé plus souvent dans le secteur de l’énergie à mesure que les organismes de réglementation de l’énergie introduiront de nouvelles technologies pour décarboniser la production et la distribution d’électricité.

Nouvelles règles de pratique et de procédure

Le 3 mai 2021, l’Alberta Utilities Commission (AUC) a approuvé des modifications très importantes à ses règles de pratique. Elles sont entrées en vigueur le 17 mai 2021. Ces modifications ont une histoire intéressante. Lorsque le nouveau gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir en 2019, l’une des premières mesures qu’il a prises a été d’adopter la Red Tape Reduction Act, qui s’appliquait à tous les organismes de réglementation de la province. Il s’avère que l’AUC a été l’organisme qui y a réagi avec le plus de véhémence.

La première chose que l’AUC a faite a été de tenir une audience. Elle a invité toutes les entreprises qu’elle réglemente ainsi que d’autres organismes de réglementation du secteur de l’énergie. Les services publics ont les parties qui ont parlé le plus fort. Leur principale plainte concernait le « glissement de portée » et les retards qui en découlaient dans les décisions de la Commission.

La première réponse de la Commission a été de mettre sur pied un comité indépendant chargé de rédiger un rapport et de formuler des recommandations. Il s’agissait d’un comité de première classe composé d’un avocat-conseil à la retraite, qui avait représenté des services publics importants devant l’Office national de l’énergie et l’AUC pendant de nombreuses années, d’un ancien membre de l’Office national de l’énergie et d’un professeur en droit administratif bien en vue au Canada. Le rapport du comité contenait 30 recommandations[52]. La Commission a adopté 29 d’entre elles. Elles sont examinées ci-dessous.

La demande

Une demande à l’Alberta Utilities Commission peut être présentée par toute personne qui se conforme à l’article 6 des règles, par l’administrateur de la surveillance du marché en déposant un avis en vertu de la Loi, ou par la Commission de son propre chef, ou a la demande du gouvernement de l’Alberta.

Les nouvelles règles prévoient que si une demande n’est pas complète au moment du dépôt, la Commission peut présenter des demandes de renseignements au demandeur et lui demander de fournir les renseignements supplémentaires dont elle a besoin pour accepter la demande. Il s’agit d’une modification nouvelle, mais importante. Plutôt que de confier l’affaire aux intervenants et de lancer le combat de boue traditionnel des DR, l’AUC a décidé d’assumer la responsabilité de clarifier les éléments probants dès le départ.

Lorsque la Commission constate une lacune importante dans la demande, elle peut la rejeter en précisant la lacune et clore l’instance (art. 6.3). Si le demandeur ne prend aucune mesure à l’égard d’une demande dans le délai précisé par la Commission, celle-ci peut déclarer la demande retirée à moins que des motifs acceptables ne soient fournis (art. 12.3). Les nouvelles règles prévoient également que la Commission peut, à tout moment au cours de l’instance, suspendre l’examen d’une demande ou déterminer qu’elle ne peut pas la traiter et clore l’instance (art. 17.1).

L’audience

Sauf indication contraire de la Commission, l’élaboration du dossier de preuve dans les affaires portant sur les tarifs doit se faire par écrit (art. 36.1). Toute partie qui souhaite établir une audience orale dans une affaire portant sur les tarifs doit en faire la demande le plus tôt possible et convaincre la Commission qu’une audience est nécessaire. Il est à noter que lorsque la Commission tient une audience par voie de mémoires, elle peut disposer des procédures sur la base des documents déposés par les parties.

Lorsque la Commission tient une audience dans une affaire portant sur les tarifs, aucune partie ne peut interroger un témoin à moins que la partie n’obtienne l’approbation préalable de la Commission (art. 36.7). La demande d’interrogation d’un témoin dans une affaire portant sur les tarifs doit être faite le plus tôt possible et être appuyée par une description du témoin à interroger, le temps requis pour l’interrogation, les sujets sondés par les questions et une explication de la façon dont la question aidera la Commission (art. 36.8).

L’argument

Sauf ordonnance contraire de la Commission, les arguments sont présentés oralement, à moins qu’il puisse être démontré que les arguments écrits seraient plus efficaces. Le Commission peut entendre des arguments que dans la mesure où ils sont conformes aux ordonnances qu’elle a émises concernant la portée, le format ou le contenu de l’argumentation, y compris les ordonnances sur les limites du nombre de pages pour les arguments écrits ou les limites de temps dans le cas des arguments présentés oralement (art. 48).

La décision

La Commission est tenue de rendre des décisions conformément à ses normes de rendement. Si la Commission n’est pas en mesure de rendre une décision conforme à cette norme, elle doit en aviser toutes les parties inscrites. L’Alberta n’est pas la seule administration canadienne à signaler immédiatement l’omission de respecter les délais établis pour la présentation des décisions finales. Chaque décision de la Commission de la Nouvelle-Écosse comporte, à la première page, un tableau indiquant quand l’audience a commencé, quand elle s’est terminée et quand la décision a été rendue.

S’il y a une chose que l’AUC devrait emprunter d’une autre administration, c’est bien l’avis utilisé en Nouvelle-Écosse. Il rappelle à tous ceux qui participent au processus réglementaire à quel point l’efficacité est importante pour la crédibilité de la réglementation de l’énergie. Les organismes de réglementation ne peuvent pas se plaindre des intervenants et des demandeurs s’ils ne respectent pas eux-mêmes les délais de décision qui leur sont imposés. L’Alberta a accepté le concept d’avis, mais l’utilisation d’avis présenté à la première page de chaque décision est une pratique exemplaire à reprendre.

La Commission peut, sans préavis, corriger les erreurs typographiques, d’orthographe et de calcul ainsi que d’autres types d’erreurs semblables commises dans ses décisions, ordonnances ou directives (art. 51.1).

La Commission peut, au plus tard 60 jours à compter de la date à laquelle elle a rendu une décision ou une ordonnance, et sans préavis, corriger les erreurs typographiques, orthographiques et de calcul ainsi que d’autres types d’erreurs semblables et afficher la décision ou l’ordonnance corrigée sur son site Web et dans le système de dépôt électronique (art. 51.2).

Les nouvelles règles de l’Alberta renferment aussi une caractéristique unique. La Commission a maintenant le pouvoir de rendre une décision rectificative. La décision rectificative corrige les erreurs de fond qui ne sont pas des erreurs typographiques, orthographiques ou de calcul. En vertu de cet article, la Commission peut également corriger les erreurs détectées plus de 60 jours après la date de publication de la décision. La décision rectificative indiquera les changements requis et annexera une version modifiée de la décision initiale (art. 51.3).

La liste des questions

Les nouvelles règles prévoient que lorsque la Commission signifie un avis d’audience dans le cadre d’une instance portant sur les tarifs, elle donne également des directives sur la procédure qui peuvent comprendre l’établissement d’une liste préliminaire de questions à examiner à l’audience. Depuis plus de 10 ans, l’utilisation d’une liste des questions, comme le prévoient les règles de l’Ontario, a joué un rôle déterminant dans la réduction de ce qu’on appelle le « glissement de portée ». En Ontario, elle fait partie d’une ordonnance de nature procédurale qui intervient très tôt dans l’instance et est rigoureusement appliquée tout au long de l’audience. Les nouvelles règles de l’Alberta adoptent une procédure semblable.

Les demandes de renseignements

Une partie à une audience a le droit de présenter une demande de renseignements afin de clarifier la preuve documentaire déposée par le demandeur. Dans les affaires portant sur les tarifs, les règles prévoient que ces questions soient directement liées aux sujets mentionnés dans la liste des questions. De plus, les questions doivent être adressées à une partie adverse dans l’intérêt de la partie requérante. Il s’agit d’une tentative d’éliminer ce qu’on appelle les DR édulcorées, ce qui semble poser problème dans les audiences en Alberta. Il s’agit certainement d’une objection courante au contre-interrogatoire lors de ces audiences.

Dans les nouvelles Règles, les demandes de renseignements (ou DR) dans les affaires portant sur des tarifs sont limitées aux questions qui se rapportent directement aux problèmes relevés dans la liste des questions (art. 26.2d). Lorsqu’une partie refuse de répondre à la demande de renseignements, la partie requérante doit tenter de régler la question avec l’autre partie avant de présenter une motion (art. 28.2). Si les parties ne sont pas en mesure de régler la question, la requête doit être présentée au plus tard cinq jours ouvrables après la date à laquelle la demande de renseignements a été présentée (art. 28.3). La requête ne peut pas dépasser 10 pages (art. 29.2).

La partie qui répond à une requête doit déposer une réponse au plus tard trois jours ouvrables après la date du dépôt de la requête (art. 29.5). La réponse à une requête ne doit pas dépasser dix pages (art. 29.6). La Commission est tenue de rendre sa décision sur une requête au plus tard dix jours ouvrables après la date à laquelle le délai de dépôt d’une réponse a expiré (art. 29.9). Il existe également des règles détaillées dans les cas où les requêtes portent sur des renseignements confidentiels (art. 30).

La demande de renseignements est devenue une partie fondamentale et exigeante en temps de toutes les affaires portant sur des tarifs au Canada. Les nouvelles règles de l’Alberta visent à éliminer une partie du temps requis. Comme il a été indiqué, les nouvelles règles prévoient que la Commission peut imposer des limites au nombre de demandes de renseignements que chaque partie peut présenter.

Les requêtes préalables à l’audience

Les nouvelles règles de l’AUC énoncent des dispositions précises concernant les requêtes préalables à l’audience. Les requêtes préalables à l’audience peuvent être essentielles pour régler d’importantes questions juridiques dès le départ, comme la question de compétence. Les requêtes préalables à l’audience doivent être présentées par écrit et ne doivent pas dépasser 10 pages. Elles doivent décrire la décision et l’ordonnance sollicitées, les motifs de la requête et, fait intéressant, toute décision antérieure pertinente de la Commission traitant de la question soulevée ou la réparation demandée. La requête doit également contenir des éléments de preuve et être accompagnée de documents à l’appui (art. 29.3).

Une nouvelle caractéristique intéressante est l’exigence de l’article 29.4, selon laquelle la partie qui présente la requête doit relever toute décision antérieure incompatible de la Commission sur la même question et doit démontrer pourquoi la Commission devrait s’écarter de la décision antérieure.

Si une partie visée par une requête écrite désire y répondre, elle dispose de trois jours ouvrables à compter de la date du dépôt de la requête. (art. 29.5) La réponse doit fournir toute preuve et tout document à l’appui. Si la partie qui a présenté la requête désire répliquer à la réponse, elle dispose de 30 jours pour le faire.

Comme c’est souvent le cas pour bon nombre des nouvelles règles, des délais sont également établis pour que la Commission rende sa décision. La Commission est tenue de rendre sa décision au plus tard dix jours ouvrables après la date de la réponse (art. 29.9).

En vertu des nouvelles règles, la Commission se réserve le droit de rendre directement une décision sur une requête si elle le juge nécessaire (art. 29.10).

La participation

Toute partie qui souhaite participer à une audience doit déposer une déclaration d’intention de participer auprès de la Commission. La Commission permet à la partie d’assister à l’audience si elle détermine que celle-ci a démontré que la décision de la Commission dans le cadre de l’instance portera directement et négativement atteinte aux droits de cette partie (art. 11.2). Il convient de noter que la Commission peut, à son propre chef ou à la demande d’une partie, délivrer un avis à une personne l’enjoignant à produire des documents ou à assister à une audience à titre de témoin (art. 38.1).

Si la Commission le juge nécessaire, elle peut convoquer comme témoin un membre du personnel ou un témoin indépendant pour participer à l’audience afin de présenter des éléments de preuve, d’interroger un témoin ou de présenter des arguments (art. 46.1). La Couronne peut également participer à une instance et déposer en preuve une déclaration écrite qui n’est pas sujette à interrogatoire (art. 47).

Preuve d’expert

Les nouvelles règles prévoient que les parties peuvent faire appel à des experts indépendants. Toutefois, la preuve doit comprendre les instructions qui ont été fournies au témoin indépendant, une reconnaissance de l’obligation des témoins de fournir une preuve équitable, objective et impartiale et une liste de tous les documents sur lesquels les preuves sont fondées.

Dans le cas de la preuve fournie en réponse au témoignage d’un autre témoin expert, la preuve doit comprendre un résumé des points d’accord et de désaccord avec l’autre témoin expert. De plus, la Commission peut exiger que des témoins indépendants de différentes parties se consultent avant une audience afin de circonscrire les points soulevés sur lesquels les opinions sont divergentes ou convergentes et de préparer des déclarations écrites conjointes pour qu’elles soient admissibles en preuve (art. 21).

Preuve confidentielle

Les allégations relatives à la confidentialité sont probablement l’objection la plus courante à la production de documents lors des audiences. En vertu des nouvelles règles de l’Alberta, une partie peut déposer par écrit une requête s’opposant à la production de documents sur la base de la confidentialité. En pareil cas, elle doit décrire le préjudice précis qui en résulterait si les renseignements confidentiels étaient versés au dossier public. La Commission peut accueillir une requête pour le traitement confidentiel des renseignements selon les modalités qu’elle estime nécessaires si elle constate ce qui suit :

[Traduction]

[…] l’acceptation de la demande est nécessaire pour prévenir un risque grave pour un intérêt public important, y compris un intérêt commercial, parce que des mesures de rechange raisonnables n’élimineront pas le risque et que les avantages de l’acceptation de la demande l’emportent sur ses effets négatifs, y compris les effets sur l’intérêt public voulant qu’on préconise des procédures ouvertes et accessibles (art. 30.7)

Il convient de noter que lorsque la Commission accorde une requête en confidentialité, la décision confidentielle couvre tout examen ou appel dans le cadre duquel la décision de la Commission en matière de confidentialité est examinée.

Les nouvelles règles établissent une nouvelle procédure que la Commission peut adopter en matière de traitement des renseignements confidentiels. Si la Commission accepte une requête en confidentialité, elle peut, en vertu des règles, adopter tout processus ou toute procédure qu’elle juge raisonnable ou nécessaire dans l’intérêt public pour l’examen des renseignements confidentiels, notamment :

  1. recevoir et examiner les renseignements confidentiels à titre confidentiel à l’exclusion de toute partie à l’instance selon les modalités que la Commission estime être dans l’intérêt public,
  2. rendre une décision dans laquelle les renseignements confidentiels sont caviardés et fournir une copie non caviardée de la décision uniquement à la partie divulgatrice et à toute personne qui a été autorisée à accéder aux renseignements confidentiels (art. 30.9).

Il s’agit d’une procédure nouvelle et importante qui peut aider à résoudre certaines situations difficiles.

Questions constitutionnelles

Un avis doit être donné en ce qui concerne les questions constitutionnelles. Une partie qui a l’intention de soulever une question de droit constitutionnel devant la Commission dans le cadre d’une plaidoirie orale doit donner un préavis écrit de son intention au moins 14 jours avant le début de l’audience. Une partie qui a l’intention de soulever la question du droit constitutionnel dans le cadre de l’audience par voie de mémoire doit également donner un préavis de 14 jours, à défaut de quoi de lourdes pénalités s’appliquent en cas de dépôt tardif de la preuve (art. 31).

Preuve documentaire

Dans une instance, la preuve documentaire doit concerner directement l’affaire à l’étude et doit être déposée conformément aux instructions de la Commission. De plus, la preuve documentaire déposée dans le cadre d’une instance doit être accompagnée d’une déclaration énonçant les qualifications de la personne qui a préparé le document produit en preuve, le titre de compétence de la personne sous la direction ou le contrôle de laquelle la preuve a été préparée, et une explication de la façon dont ces qualifications sont directement pertinentes aux questions abordées dans la preuve. Il s’agit d’une nouvelle exigence de la réglementation canadienne sur l’énergie (art. 20.2).

La Commission peut, selon les modalités qu’elle détermine, autoriser la révision ou le retrait de tout ou partie du document, ordonner la révision ou le retrait de tout ou partie du document qui, de son avis, n’est pas pertinent par rapport aux procédures ou nécessaire aux fins de l’audience (art. 24.1).

La Commission peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie, délivrer un avis enjoignant à une personne de produire certains documents ou d’assister à une audience à titre de témoin (art. 38.1).

Lorsqu’une partie a l’intention d’utiliser un document qui n’a pas été déposé dans le cadre de l’instance comme outil pour interroger un témoin, elle doit, au cours de l’audience, fournir une copie de ce document au témoin au moins 24 heures avant que le témoin ne soit interrogé (art. 40.1).

L’utilisation de documents surprises est depuis longtemps un problème dans les audiences sur la réglementation de l’énergie.

Contre-interrogatoire

Le contre-interrogatoire est aussi étroitement contrôlé en vertu des nouvelles règles. Lorsqu’une partie a l’intention d’utiliser un document pour contre-interroger le témoin et que ce document n’a pas déjà été déposé, le témoin ou son représentant doit en recevoir une copie au moins 24 heures avant sa comparution. Cette disposition règle une pratique abusive de longue date utilisée par les avocats (art. 40.1). Tout témoin qui a l’intention de faire une déclaration préliminaire dans le cadre de sa déposition lors d’une audience orale doit déposer une copie des déclarations préliminaires au moins 24 heures avant la tenue de celle-ci (art. 43.3).

Examen et modification

Les modifications à l’article 001 des Règles dont il a été question jusqu’à maintenant ont toutes été approuvées par la Commission le 27 avril 2021. La modification la plus importante pourrait être la modification de l’article 016 approuvée peu de temps après le 6 mai 2021.

Pendant de nombreuses années, les parties comparaissant devant l’AUC ont eu la possibilité de présenter une demande à la Commission si elles n’étaient pas d’accord avec sa décision. Il s’agissait d’une demande de révision et de modification (R et M). Si les parties n’étaient pas d’accord avec la décision de révision et de modification de la Commission, elles avaient alors la possibilité de s’adresser à la Cour d’appel de l’Alberta ou, à tout le moins, d’en demander l’autorisation. On dénombre près de 30 demandes de cette nature au cours des 10 dernières années.

La nouvelle règle élimine les erreurs de droit ou de compétence comme motifs d’une demande de R et M. Une demande de R et M reste possible, mais les modifications font passer le délai de traitement de 60 à 30 jours.

L’élimination des erreurs de droit et de compétence comme motifs d’une demande de R et M exige que les parties qui remettent en cause la légalité d’une décision de l’AUC s’adressent directement à la Cour d’appel en vertu de l’article 29 de la AUC Act. Cela semble conforme à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Vavilov[53], qui interprète des dispositions comme l’article 29 comme voulant que la cour, et non le tribunal administratif, soit tenue d’en déterminer de la juste interprétation de la loi. Il y avait aussi l’argument relatif à l’efficacité. La Commission affirme que cette réforme vise à réduire au minimum le chevauchement avec la compétence de la Cour d’appel en ce qui concerne les questions faisant l’objet d’un contrôle ou d’un appel.

Il s’agit d’une étape controversée. Certains ont fait valoir que l’élimination de la capacité de demander à l’AUC d’examiner et de corriger ses propres erreurs de droit se traduira par une surveillance plus étroite des aspects juridiques ou juridictionnels de ses décisions. Il ne faut pas oublier non plus qu’il y a une raison pour laquelle le concept de décision de R et M par un organisme de réglementation de l’énergie a été instauré au Canada. Il y a 20 ans, il n’existait pas. Il a été instauré dans le but d’accroître l’efficacité. Il a permis de faire en sorte que les parties n’aient plus à se précipiter devant les tribunaux, une pratique qui exigeait habituellement beaucoup plus de temps et d’argent pour toutes les parties concernées.

D’autres ont fait valoir que ce changement entraînera des difficultés pratiques. En vertu de la nouvelle règle, une personne qui estime que l’AUC a commis une erreur de droit peut s’abstenir de demander l’autorisation de l’AUC pour déposer une demande de R et M, mais doit demander au tribunal la permission d’interjeter appel. En revanche, si la cour d’appel déterminer qu’il ne s’agit pas d’une question de droit, cette personne n’aura plus suffisamment de temps pour présenter une demande de R et M parce que, en vertu des nouvelles règles, les délais pour les demandes de R et M et les appels devant les tribunaux sont maintenant les mêmes, soit 30 jours après la date de la décision. De plus, si une personne présente une demande de R et M et que l’AUC détermine qu’il s’agit d’une question de droit, la partie peut avoir manqué le délai pour présenter une demande d’autorisation d’en appeler. En fin de compte, les parties peuvent présenter une demande de R et M devant la Commission et demander l’autorisation d’interjeter appel devant le tribunal.

La règle 016 modifiée s’applique à toutes les demandes de R et M déposées après le 15 juin 2021. Il n’est pas clair si l’élimination des erreurs de droit et de compétence comme motifs d’une demande de R et M contribuera à accroître l’efficacité.

Une chose est claire. Il s’ensuivra un plus grand nombre d’appels, une augmentation qui est peu probable d’accroître l’efficacité. Il reste à voir si la Cour d’appel continuera de s’attendre à ce que les appelants épuisent tous les recours avant d’interjeter appel. Cela signifie également que, dans les cas où les demandeurs désirent qu’une décision soit révisée sur la base de faits ou de circonstances nouvelles et d’une question de droit ou de compétence, ils devront déposer une demande de R et M auprès de la Commission et demander à la cour la permission d’interjeter appel dans les 30 jours suivant la date de décision contestée.

Conclusion

Les nouvelles règles de l’AUC représentent une étape importante dans la réglementation canadienne de l’énergie. Elles sont uniques à plusieurs égards. Premièrement, comme il est indiqué ci-dessous, le pouvoir discrétionnaire accordé à l’organisme de réglementation tel qu’il est décrit dans les règles dépasse celui dont jouissent la plupart des organismes de réglementation de l’énergie en Amérique du Nord.

Deuxièmement, les nouvelles règles ont été élaborées dans le cadre d’un processus exhaustif administré par un groupe d’experts indépendants auquel l’industrie a largement participé.

Troisièmement, les nouvelles règles font l’objet d’un processus d’examen sans précédent prévoyant la présentation de rapports mensuels sur leur efficacité au ministre de l’Énergie. Tous les organismes de réglementation de l’énergie canadiens devront lire les rapports annuels qui, nous l’espérons, seront publiés.

Nous examinons ci-dessous quatre questions. Premièrement, quelle est l’étendue de ce pouvoir discrétionnaire? Deuxièmement, ces nouvelles règles sont-elles efficaces? Troisièmement, quels sont les prochains changements aux règles? Quatrièmement, quelles leçons les autres organismes de réglementation peuvent-ils tirer de la réforme de la réglementation en Alberta?

Pouvoir discrétionnaire élargi

La nouvelle règle 001 accorde à l’Alberta Utilities Commission un pouvoir discrétionnaire à l’égard de l’administration de la pratique et des procédures relatives aux audiences relevant de sa compétence. Les 12 sections suivantes décrivent ce pouvoir discrétionnaire.

[Traduction]

2.3 La Commission peut, à tout moment avant de rendre une décision dans le cadre d’une instance, donner les instructions qu’elle estime nécessaires pour régler une question de façon juste, rapide et efficace.

2.4 La Commission peut se passer de tout ou partie des présentes règles, les modifier ou les compléter si elle est convaincue que les circonstances de toute procédure, ou le règlement équitable, rapide et efficace d’une question, l’exigent.

2.5 La Commission peut fixer des délais pour toute action prévue par les présentes règles et peut proroger ou abréger un délai fixé par les présentes règles ou par elle, selon les modalités qu’elle estime raisonnables, avant ou après l’expiration du délai.

6.3 Si la demande n’est pas complète au moment du dépôt, la Commission peut :

a) présenter une demande de renseignements au demandeur;

b) enjoindre au demandeur de fournir les renseignements supplémentaires que la Commission exige pour accepter la demande;

c) dans le cas où la Commission constate une lacune importante, rejeter la demande avec une explication de la lacune dans la demande et clore l’instance.

12.3 Si le demandeur ne prend aucune mesure à l’égard d’une demande dans le délai fixé par la Commission, celle-ci peut déclarer que la demande sera réputée comme étant retirée à une date donnée, à moins que le demandeur ne démontre, avant cette date, pourquoi la demande ne devrait pas être réputée comme étant retirée.

14.5 La Commission peut donner les instructions qu’elle estime nécessaires relativement à la procédure, notamment en ce qui concerne la limitation de la portée d’une audience et en imposant des limites au nombre de demandes de renseignements que chaque partie peut déposer.

17.1 La Commission peut, à tout moment au cours d’une instance :

a) mettre une demande en suspens et suspendre l’instance;

b) dans le cas où la Commission détermine qu’elle ne peut poursuivre le traitement d’une demande, rejeter la demande avec une explication des motifs de rejet et clore l’instance.

23.1 La Commission peut ordonner à une partie de déposer les renseignements, documents ou documents supplémentaires qu’elle juge nécessaires pour permettre une compréhension complète et satisfaisante d’une question dans le cadre d’une instance.

24.1 Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Commission peut, selon des modalités qu’elle détermine, b) ordonner la révision ou le retrait de tout ou partie d’un document qui, de son avis, selon le cas :

(i) n’est pas pertinent ou pourrait avoir pour effet de porter préjudice ou de retarder une procédure sur le fond,

(ii) est nécessaire à la tenue de l’audience et à la détermination des questions pertinentes en litige dans l’instance;

36.4 Lorsque la Commission tient une audience par voie de mémoires, elle peut :

a) statuer sur une procédure sur la base des documents déposés par les parties;

b) exiger des parties des renseignements et des documents supplémentaires;

c) décider, à tout moment au cours de l’audience par voie de mémoires, de tenir une audience orale.

36.7 Lorsque la Commission tient une audience dans le cadre d’une instance portant sur des tarifs, aucune partie ne peut interroger un témoin à moins d’obtenir au préalable l’approbation de la Commission.

36.9 L’interrogation des témoins dans une procédure portant sur des tarifs se limite aux témoins, aux questions et aux délais approuvés à l’avance par la Commission.

38.1 La Commission peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie, délivrer un avis obligeant une personne à :

a) produire des documents et des éléments figurant dans l’avis;

b) assister à une audience à titre de témoin

La règle 016 révisée ajoute ce qui suit :

2(1) Nonobstant les articles 3 à 5 des présentes règles, la Commission peut, de son propre chef et pour quelque raison que ce soit, réviser une décision, en tout ou en partie.

Les règles fonctionnent-elles?

Conformément à la Red Tape Reduction Act, l’AUC est responsable de rendre compte au ministère de l’Énergie de ses activités de suivi et de surveillance de ses progrès, et de lui en présenter rapport. L’instruction adressée à l’AUC concernant ses responsabilités lui a été communiquée au moyen de l’arrêté ministériel 181/2020. L’arrêté le formule en ces mots :

[Traduction]

ORIENTATION EN MATIÈRE DE RÉDUCTION DU FARDEAU ADMINISTRATIF

L’Alberta Utilities Commission (AUC) doit :

1. établir un groupe de travail sur la réduction de la paperasse au sein de l’AUC, chargé expressément :

a) de créer un plan de travail pour la réduction de la paperasse décrivant comment l’AUC réduira d’un tiers les exigences réglementaires d’ici 2023;

b) d’examiner les règlements, les directives, les règles, les politiques et les formulaires de l’AUC pour cerner les possibilités de gains d’efficience et les dédoublements;

c) de collaborer avec le ministère de l’Énergie pour évaluer et mettre en œuvre les recommandations relatives à la réduction de la paperasserie;

d) d’aider le ministère de l’Énergie à interpréter toute information ponctuelle relative à la réduction de la paperasserie et à traiter les demandes de rapport concernant l’AUC.

2. faire rapport au ministre des progrès réalisés par l’AUC en matière de réduction de la paperasserie au cours de la première semaine de chaque mois[54].

L’AUC a retenu les services d’un expert-conseil indépendant pour comparer le rendement de l’AUC à celui d’autres organismes de réglementation nord-américains comparables.

À la fin de l’exercice 2021-2022, l’AUC a été en mesure d’améliorer considérablement ses délais de traitement pour tous les types de demandes. Par exemple, des améliorations particulières découlant des recommandations du Regulation Review Report ont fait en sorte que l’AUC a atteint un délai de traitement moyen d’environ 7,4 mois entre le dépôt d’une demande visant des tarifs complexes et la prise d’une décision finale. Cela représente une amélioration de 41 % du temps nécessaire pour examiner les cas complexes portant sur des tarifs. L’AUC se classe maintenant parmi les deux premiers quartiles des organismes de réglementation comparables en Amérique du Nord quant au délai d’achèvement de l’examen d’une demande. La comparaison est basée sur l’étude comparative entreprise en 2020.

Des améliorations ont également été réalisées par rapport à tous les autres types de demandes. La gestion assertive des causes a été appliquée à 738 procédures, ce qui a amélioré la durée moyenne du cycle complet de traitement d’environ 33 %.

En plus d’adopter la gestion assertive des causes, l’AUC a mis en œuvre d’autres initiatives de rationalisation du traitement des demandes, y compris des listes de contrôle des demandes, des processus accélérés de dépôt des demandes de conformité et d’autres stratégies qui ont été appliquées à 387 instances, autant de mesures qui ont permis d’améliorer la durée moyenne du cycle de traitement complet de 49,9 %.

Au chapitre de la réduction de la paperasserie, l’AUC a réussi à réduire de 48,2 % le fardeau administratif que représente la paperasserie depuis l’établissement du recensement des exigences réglementaires de référence en 2019. C’est beaucoup plus que prévu et bien au-delà de la cible de réduction de la paperasserie d’un tiers d’ici 2023.

Enfin, même si bon nombre des avantages découlant de l’amélioration de l’efficacité de la réglementation ne sont pas facilement exprimés en dollars, l’AUC a, dans la mesure du possible, tenté de cerner les économies directes liées à son travail. Au 31 mars 2022, la réduction cumulative de la paperasserie à l’interne et dans l’industrie et les économies de coûts en matière d’efficacité sont estimées à 9,2 millions de dollars.

Modifications futures

Le processus de réforme des règles de l’Alberta n’est pas terminé. Trois développements sont attendus au cours de la prochaine année. Tout d’abord, l’AUC a indiqué qu’elle publiera des notes sur les pratiques concernant les règles dans les prochains mois[55]. Il s’agit d’un concept important et nouveau pour les organismes de réglementation de l’énergie. La réglementation de l’énergie a grandement gagné en complexité ces dernières années. La publication annuelle de notes de pratique serait un ajout bienvenu. Le processus est utilisé depuis longtemps dans le système judiciaire.

Il existe un autre rapport n’a pas encore été examiné par la Commission. Comme il a été indiqué, la Commission est tenue de conseiller le ministre de l’Énergie chaque mois au sujet des gains d’efficacité découlant des modifications aux règles. L’Alberta Utilities Commission, sans trop de difficulté, pourrait regrouper les rapports mensuels dans un rapport annuel. L’établissement d’un tel rapport serait très utile non seulement pour la collectivité albertaine, mais aussi pour les organismes canadiens de réglementation de l’énergie. C’est la première fois dans l’histoire de la réglementation canadienne de l’énergie qu’un organisme de réglementation est tenu de fournir des rapports mensuels sur l’efficacité de son processus d’audience.

Une autre réforme de la réglementation albertaine devrait être effectuée au cours de la prochaine année. L’Alberta, comme de nombreux organismes de réglementation canadiens, ne dispose pas d’un processus de règlement très solide. L’Ontario fait exception à ce chapitre. En effet, elle dispose depuis longtemps d’un groupe de médiateurs. On tient des audiences de règlement dans presque tous les cas et près de 40 % des cas sont réglés. Les règlements et les médiations sont maintenant monnaie courante dans toutes les procédures judiciaires au pays. Il n’y a aucune raison pour que ces mécanismes ne soient pas utilisés dans les audiences sur l’énergie. Dans le cadre de la réforme de la réglementation sur la paperasserie, l’AUC a reçu un rapport d’expert sur les règlements[56]. Ce rapport recommandait sept modifications à la Règle 018 actuelle, les règles sur les règlements négociés[57]. La Commission est en train d’élaborer de nouvelles règles dans ce domaine. L’achèvement de ces travaux marquera également un jalon important.

Le dernier développement auquel nous pouvons nous attendre au cours de la prochaine année est un examen des règles relatives aux coûts dans les affaires portant sur des tarifs. Il y a un lien entre l’initiative relative aux coûts et les nouvelles procédures de règlement. Le Bulletin 2022 – 10[58] traite des modifications proposées à la Règle 0022 et souligne que les parties qui comparaissent devant la Commission devraient être encouragées à participer à des mécanismes rentables, comme des règlements négociés. L’AUC a reçu des commentaires sur l’ébauche des règles le 10 août 2022. Une décision est attendue sous peu.

Les personnes qui ont suivi le processus de réforme des règles de l’Alberta remarqueront dix règles fondamentales :

  1. Mettre l’accent sur les affaires portant sur des tarifs, là où le bât blesse.
  2. Établir une liste de problèmes le premier jour et l’appliquer chaque jour.
  3. Épurer la demande dès le premier jour. Éviter un combat de boue entre les intervenants.
  4. Encadrer les demandes de renseignements. Utiliser des calendriers et la liste des questions.
  5. Encadrer le contre-interrogatoire par des règles claires.
  6. Utiliser un processus écrit, mais exiger une plaidoirie orale.
  7. Décrire clairement le pouvoir discrétionnaire de la Commission en matière de contrôle des audiences.
  8. La Commission doit respecter ses délais de décision.
  9. Faire de la réforme des règles un processus continu. Publier des notes annuelles sur la pratique.
  10. Publier un rapport annuel sur les gains d’efficience.

DEVANT LES TRIBUNAUX

Questions constitutionnelles

Une importante décision constitutionnelle concernant le secteur de l’énergie a été rendue récemment. Il s’agit de la décision de la Cour d’appel de l’Alberta[59] dans un renvoi relatif à la Loi sur l’évaluation d’impact[60] (LEI) fédérale. Comme dans l’affaire Greenhouse Gas Pollution[61] l’an dernier, la Cour d’appel de l’Alberta a déclaré cette loi inconstitutionnelle. Comme dans le cas du Revois relatifs à la Loi sur le tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il interjettera appel de la décision devant la Cour suprême du Canada.

La LEI, en tant que projet de loi C-69, a reçu la sanction royale en juin 2019 et a rapidement été étiquetée comme « la loi qui interdit la construction de pipelines » par le premier ministre de l’Alberta. La loi a établi divers types d’évaluations fédérales pour les projets, selon que le projet répond ou non aux critères d’un projet désigné. Si une évaluation fédérale est requise, l’agence d’évaluation d’impact ou une commission d’examen conjoint établie en vertu de la loi effectuera une évaluation pour déterminer les effets environnementaux du projet. Lorsqu’il est déterminé que le projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, le gouvernement peut décider si les émissions sont justifiées.

Le gouvernement de l’Alberta a soutenu, dans le renvoi devant la Cour d’appel, qu’il s’agissait d’un débordement de la compétence fédérale qui menaçait d’éliminer toute autorité provinciale en matière d’exploitation des ressources. La Loi constitutionnelle ne confie le portefeuille de l’environnement ni au Parlement ni aux assemblées législatives provinciales. Le gouvernement fédéral peut adopter des lois environnementales dans le domaine de compétence fédérale. Le gouvernement fédéral soutient que la LEI porte sur des domaines de compétence fédérale. L’Alberta, pour sa part, soutient que la LEI confère au gouvernement fédéral un droit de veto complet sur l’exploitation des ressources naturelles, un domaine de compétence provinciale.

La Cour d’appel a conclu que l’objet principal de la LEI était de réglementer tout programme assujetti à la compétence et à la surveillance du gouvernement fédéral, soulignant que la LEI cible les activités qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre, une catégorie extrêmement vaste. À l’instar du Revois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, ce projet de loi est renvoyé à la Cour suprême du Canada. Les arguments seront probablement semblables à ceux soulevés dans l’affaire du Revois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

La décision de la majorité commence par un long historique des plaintes que l’Alberta a formulé au fil des ans au sujet de la compétence fédérale en matière de ressources naturelles. Les paragraphes suivants illustrent de façon éloquente la teneur du débat :

[Traduction]

[1] Un développement économique durable ne peut être réalisé sans un environnement et une société durables et sains. Comme nous voulons tous vivre dans une biosphère saine, nous nous attendons à ce que nos gouvernements prennent des décisions éclairées au sujet des projets de grande envergure proposés ici, au Canada, et ce, de façon prudente et responsable. L’utilité des évaluations des répercussions environnementales de ces projets pour déterminer leurs répercussions sur l’environnement, la société, l’économie et la santé est donc incontestable. Cela a été reconnu à l’unanimité par les quatre gouvernements et tous les intervenants qui ont participé à ce renvoi. En fait, sans exception, dans le souci de favoriser une gestion responsable de l’environnement, tous les gouvernements du pays ont mis en place des processus d’évaluation environnementale exhaustifs afin d’évaluer les avantages et les fardeaux que présentent les importantes activités proposées en matière d’infrastructure et d’exploitation des ressources.

[2] Les périodes de grands changements entraînent souvent des pressions voulant de centraliser le pouvoir. La croyance populaire tend à considérer qu’un gouvernement central est l’organe le mieux placé pour gérer tout changement qui domine le discours public. Aujourd’hui, ce discours inclut très certainement les changements climatiques. La fréquence croissante des événements météorologiques liés aux changements climatiques et leurs effets néfastes sont évidents. L’impératif d’agir de toute urgence sur ce front est indéniable. Toutefois, il ne faut pas confondre cet impératif avec la question en cause ici.

[3] Ce Renvoi ne concerne pas les préoccupations légitimes que tous les gouvernements et citoyens ont aujourd’hui au sujet des changements climatiques ni la meilleure façon d’y répondre. Il n’est pas non plus question de l’anxiété que beaucoup ressentent à juste titre à ce sujet. La Cour doit plutôt déterminer si le Parlement a outrepassé les limites de son mandat constitutionnel en vertu de la Constitution du Canada.

[5] Pour les raisons expliquées dans le présent avis, la Loi et le Règlement sont inconstitutionnels.

[6] Les changements climatiques constituent une menace existentielle pour le Canada. Mais les changements climatiques ne sont pas la seule menace existentielle à laquelle fait face le pays. La LEI comporte une autre menace existentielle – une menace urgente et corrélative – à savoir le danger clair et actuel que ce régime législatif présente pour le partage des pouvoirs garanti par notre Constitution et, par conséquent, pour le Canada lui-même. Ce Renvoi met en lumière la caractéristique cruciale du fédéralisme intégrée à notre cadre constitutionnel. L’histoire nous enseigne que le gouvernement par commandement central fonctionne rarement dans un pays géographiquement vaste avec une population diversifiée et des priorités régionales divergentes. Dans la plupart des grands pays démocratiques du monde, le fédéralisme et son principe associé, la subsidiarité, ont été réclamés par les entités gouvernées. Cela inclut le Canada qui, par choix délibéré, est une fédération et non un État unitaire.

[10] Il y a ici une longue histoire. La LEI est un exemple classique d’aberration législative. Le gouvernement fédéral semble avoir interprété la décision de la Cour suprême dans l’affaire Oldman River, confirmant le Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement, DORS/84-467 [Décret sur les lignes directrices], comme une autorisation d’élargir systématiquement les pouvoirs fédéraux en matière d’environnement. La Loi sur l’évaluation d’impact, qui empiète sur les compétences provinciales, est très éloignée de la loi fédérale sur l’évaluation environnementale que la Cour suprême a jugée constitutionnelle dans l’affaire Oldman River. Le processus d’évaluation en vertu du Décret sur les lignes directrices ne tenait pas compte des usurpations de compétence provinciale enchâssées dans la LEI. Il s’agissait également d’un outil de planification strictement procédural qui faisait partie intégrante d’une saine prise de décisions. Son but était de fournir au décideur fédéral un fondement objectif pour l’octroi ou le refus des permis ou des approbations requis pour un projet de développement en vertu d’une loi fédérale. Mais la LEI va beaucoup plus loin.

[14] Dans le cadre de ce régime législatif, le Parlement a également assujetti à un régime de réglementation tous les projets désignés intraprovinciaux sur les terres appartenant à la province ainsi que sur les terres sous contrôle provincial. Cela s’est fait de plusieurs façons, notamment par la détermination de l’intérêt public par l’exécutif fédéral et la déclaration de décision connexe. Par conséquent, la LEI réglemente les questions de compétence provinciale et fédérale.

[31] Le Parlement a le pouvoir de légiférer pour protéger l’environnement. Cependant, il doit le faire conformément à la Constitution. Pour des raisons expliquées en détail dans le présent avis, nous avons conclu que l’objet de la LEI est correctement caractérisé comme suit : « l’établissement d’un régime fédéral d’évaluation des impacts et de réglementation qui soumet toutes les activités désignées par l’exécutif fédéral à une évaluation de tous leurs effets ainsi qu’à une surveillance et à une approbation fédérales ». Lorsqu’elle s’applique aux projets intraprovinciaux désignés, cette question ne relève d’aucun des champs de compétence attribués au Parlement, mais empiète de façon inacceptable sur les champs de compétence attribués par la Loi constitutionnelle de 1867 aux assemblées législatives provinciales.

[32] Par conséquent, la LEI est ultra vires pour le Parlement. Les activités intraprovinciales exigeant un permis fédéral en vertu d’autres lois fédérales valides et applicables demeurent assujetties à ces lois, mais conformément aux modalités de ces lois, et non à ce régime législatif.

[33] En résumé, l’invocation par le gouvernement fédéral de préoccupations au sujet de l’environnement et des changements climatiques que partagent tous les gouvernements provinciaux et les Canadiens ne constitue pas un fondement pour passer outre la division constitutionnelle des pouvoirs.

[424] Lorsqu’il est question de ressources naturelles, il incombe à chaque province de s’occuper du développement durable de ses ressources naturelles, et non au gouvernement fédéral. La province est propriétaire de ces ressources naturelles et non le gouvernement fédéral. Et c’est la province et ses habitants qui assument des pertes si ces ressources naturelles ne peuvent être exploitées, et non le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral n’a pas le droit constitutionnel de mettre son veto à un projet intraprovincial désigné en se fondant sur sa vision de l’intérêt public. Le gouvernement fédéral n’a pas non plus le droit constitutionnel de s’approprier le droit inné et l’avenir économique des citoyens d’une province.

Conclusion sur la validité de la LEI et la séparation des pouvoirs

[425] Pour ces raisons, nous avons conclu que la LEI est ultra vires pour le Parlement.

[434] Nous ne devrions jamais perdre de vue le grand génie de notre structure constitutionnelle qui a produit une démocratie libre et sûre, une démocratie qui sert bien les Canadiens depuis 155 ans. Nos ancêtres ont choisi une structure fédérale, et non une structure unitaire, dans le but d’unifier des colonies séparées et de créer un pays. La division négociée des pouvoirs est au cœur de ce qui fait de notre pays ce qu’il est, et c’est pourquoi, malgré des tensions importantes de temps à autre, le Canada a pu survivre à la décision 2022 ABCA 165 (CanLII), page 125 et prospérer depuis la Confédération. Elle demeure l’une des plus grandes forces de notre pays. Elle continuera de profiter aux générations actuelles et futures alors que nous faisons face aux défis environnementaux, économiques et liés à la sécurité qui nous attendent, pourvu que nous respections les principes sur lesquels le Canada est fondé, à savoir le fédéralisme, le gouvernement responsable et la primauté du droit.

Cependant, la juge Greckol a exprimé une très forte dissidence, qui conclut ainsi :

[Traduction]

[760] Je suis d’avis que la Loi sur l’évaluation d’impact, qui établit un régime fédéral d’évaluation des répercussions environnementales, est un exercice valide de la compétence constitutionnelle fédérale. Les réponses aux questions sont les suivantes :

La partie 1 de la Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, L.C. 2019, c. 28, est-elle inconstitutionnelle en tout ou en partie, parce qu’elle dépasse la compétence législative du Parlement du Canada en vertu de la Constitution du Canada? Non.

Le Règlement sur les activités concrètes, DORS/2019-285, est-il inconstitutionnel en tout ou en partie parce qu’il est censé s’appliquer à certaines activités énumérées à l’annexe 2 qui se rapportent à des questions relevant entièrement de la compétence législative des provinces en vertu de la Constitution du Canada? Non.

[761] Le régime fédéral d’évaluation environnementale de la LEI et du Règlement interdit la réalisation des projets figurant sur la Liste de projets qui peuvent avoir des effets dans un domaine de compétence fédéral – sur le poisson et son habitat, les espèces aquatiques, les oiseaux migrateurs, le territoire domanial ou les projets financés par le gouvernement fédéral, entre les provinces, à l’extérieur du Canada et en ce qui concerne les peuples autochtones – à moins que les promoteurs n’engagent le processus d’évaluation environnementale et qu’on détermine qu’une évaluation est inutile ou qu’il est dans l’intérêt public que le projet aille de l’avant.

[763] Dans un cri du cœur qui a suscité la réflexion et qui a été écrit avant la promulgation de la LEI et du Règlement, les spécialistes de l’environnement ont envisagé un avenir où les évaluations de la durabilité seraient sensibles aux intérêts de l’économie et des citoyens. Ils demandaient l’harmonisation des régimes d’évaluation environnementale entre de multiples intervenants, y compris le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires, les municipalités, les peuples autochtones, les ONG, le milieu universitaire, les promoteurs de projets et les groupes de l’industrie, ainsi que la population canadienne. Cette approche devrait présenter [traduction] « la possibilité non seulement de résoudre les conflits intergouvernementaux qui s’intensifient au sujet de l’orientation du développement énergétique et économique au Canada d’une manière efficace, efficiente et socialement inclusive, mais aussi d’élaborer des engagements largement partagés au sujet de l’avenir du Canada ».

[764] Tout cela pour dire que les complexités et l’urgence de la crise climatique exigent une coopération, des régimes de protection de l’environnement imbriqués entre de multiples compétences, chacune fonctionnant à son niveau le plus élevé et à son mieux dans le cadre de sa compétence constitutionnelle.

[765] À mon avis, en adoptant la Loi sur l’évaluation d’impact et son Règlement d’application, le Parlement a établi un régime fédéral d’évaluation environnementale conçu pour réglementer les effets des activités concrètes ou des projets désignés dans les domaines relevant de la compétence fédérale; et pour autoriser de tels projets lorsqu’il est dans l’intérêt public de le faire, en collaboration avec d’autres instances responsables de l’environnement, notamment les provinces et les Premières Nations. La LEI limite sa portée à la protection de l’environnement et des conditions sanitaires, sociales et économiques relevant de la compétence législative du Parlement en ce qui concerne les effets environnementaux négatifs de certaines activités qui, à son avis, sont les plus susceptibles d’entraîner des effets négatifs sur les secteurs de compétence fédérale. Cela dit, le régime législatif prescrit dans la LEI et le Règlement constitue un exercice valide de l’autorité du Parlement et est conforme à la Loi constitutionnelle de 1867, telle que modifiée.

Il s’agit d’une question complexe et déchirante. Elle sera tout aussi litigieuse que la question de la taxe sur le carbone. En fait, l’argument est devenu plus passionné. En conclusion, il est utile d’examiner un commentaire de deux experts réputés, Nigel Banks et Andrew Leach, de l’Université de Calgary[62] :

[Traduction]

Dans cet article, nous examinons plus en détail la longue discussion de la majorité sur l’évolution historique des droits sur les ressources des provinces des Prairies depuis la création des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan en 1905, jusqu’aux conventions sur le transfert des ressources naturelles (CTRNA) des années 1930, qui ont culminé par l’adoption de l’article 92A (amendement relatif aux ressources) en 1982.

Le compte rendu historique de la majorité fournit un contexte utile, mais il semble aussi conçu pour réaliser deux autres fins rhétoriques. Premièrement, les juges majoritaires cherchent à qualifier la LEI fédérale d’ingérence dans les droits de propriété des provinces. Deuxièmement, la majorité établit un argument d’immunité implicite pour protéger un soi-disant « droit au développement » provincial contre l’ingérence fédérale. À notre avis, les deux revendications rhétoriques exagèrent sérieusement l’autorité provinciale et, en particulier, exagèrent l’effet de l’amendement relatif aux ressources et la propriété par la Couronne des terres et des ressources publiques dans une province, et confondent les deux de façon inutile.

La Convention sur le transfert des ressources naturelles de l’Alberta

L’objet de la CTRN de l’Alberta de 1930 était de modifier l’article 21 de la Alberta Act et de placer l’Alberta dans une position d’égalité avec les autres provinces de la Confédération [traduction] « quant à l’administration et au contrôle de ses ressources naturelles » (préambule, au paragraphe 2).

Pour ce faire, il a été stipulé que toutes les terres de la Couronne situées dans la province doivent désormais « appartenir » à la province, sous réserve des mêmes conditions que celles énoncées à l’article 109 (fiducies et intérêts autres que ceux de la Couronne), en plus de l’obligation de respecter les conditions des intérêts (p. ex. les baux) que le Dominion avait créées. Certaines terres ont également été exclues du transfert, y compris les réserves indiennes et les parcs nationaux énumérés dans une annexe de la Convention. De plus, les articles 20 à 22 de la CTRN prévoient certaines conditions financières, y compris l’indemnisation à verser à l’Alberta, comme l’a décidé une commission d’enquête mixte; voir Report of the Royal Commission on the Natural Resources of Alberta (1935). Cette indemnisation (bien qu’il s’agisse d’un calcul approximatif et facile à faire) visait à représenter le [traduction] « revenu net que la province aurait probablement tiré de ces portions de ses ressources aliénées ou autrement affectées par le Dominion au cours de ses vingt-cinq années d’administration » (Report au para 89).

La CTRNA n’a pas modifié l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 puisque, comme nous l’avons fait remarquer ci-dessus, l’Alberta avait déjà tous les pouvoirs législatifs des provinces d’origine de la Confédération.

Que dit l’opinion majoritaire au sujet de la CTRN de l’Alberta?

Encore une fois, l’opinion des juges majoritaires suit généralement cette ligne de pensée, bien que les juges majoritaires laissent de nouveau entendre que la province [traduction] « a obtenu un certain nombre de nouveaux pouvoirs importants » (au paragraphe 56), ce qui, à notre avis, n’est pas le cas. La province n’a pas obtenu de nouveaux pouvoirs législatifs par l’entremise de la CTRNA, bien que le transfert ait placé les terres et les ressources publiques provinciales actuelles dans la portée législative du paragraphe 92(5). De plus, la majorité ne fait aucune référence aux conditions financières de la Convention pour placer l’Alberta dans une position d’égalité avec les provinces d’origine de la Confédération.

Article 92A : Amendement relatif aux ressources

L’article 92A, qui est au cœur de la plupart des discours de la majorité, se lit comme suit.

92A (1) La législature de chaque province a compétence exclusive pour légiférer dans les domaines suivants :

(a) prospection des ressources naturelles non renouvelables de la province;

(b) exploitation, conservation et gestion des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières de la province, y compris leur rythme de production primaire;

(c) aménagement, conservation et gestion des emplacements et des installations de la province destinés à la production d’énergie électrique.

(2) La législature de chaque province a compétence pour légiférer en ce qui concerne l’expédition, hors de la province, à destination d’une autre partie du Canada, de la production primaire tirée des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières de la province, ainsi que de la production d’énergie électrique de la province, sous réserve de ne pas adopter de lois autorisant ou prévoyant des disparités de prix ou des disparités dans les expéditions destinées à une autre partie du Canada.

(3) Le paragraphe (2) ne porte pas atteinte au pouvoir du Parlement de légiférer dans les domaines visés à ce paragraphe, les dispositions d’une loi du Parlement adoptée dans ces domaines l’emportant sur les dispositions incompatibles d’une loi provinciale.

(4) La législature de chaque province a compétence pour prélever des sommes d’argent par tout mode ou système de taxation :

a) des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières de la province, ainsi que de la production primaire qui en est tirée;

b) des emplacements et des installations de la province destinés à la production d’énergie électrique, ainsi que de cette production même. Cette compétence peut s’exercer indépendamment du fait que la production en cause soit ou non, en totalité ou en partie, expédiée hors de la province, mais les lois adoptées dans ces domaines ne peuvent autoriser ou prévoir une taxation qui établisse une distinction entre la production expédiée à destination d’une autre partie du Canada et la production non expédiée hors de la province.

Production primaire

(5) L’expression production primaire a le sens qui lui est donné à l’annexe VI.

(6) Les paragraphes (1) à (5) ne portent pas atteinte aux pouvoirs ou droits détenus par la législature ou le gouvernement d’une province lors de l’entrée en vigueur du présent article.

L’article 92A a été ajouté à la Loi constitutionnelle de 1867 en 1982 au moment du rapatriement de la Constitution du Royaume-Uni, de l’adoption de la Charte des droits et libertés, de la reconnaissance constitutionnelle des droits ancestraux et issus de traités. Une formule d’amendement constitutionnel a été ajoutée.

Le paragraphe (1) de l’article 92A prévoit que les provinces ont le pouvoir exclusif de légiférer en ce qui concerne l’exploration des ressources naturelles non renouvelables (alinéa 92A(1)a), l’« aménagement » (un mot dont les juges majoritaires soulignent l’importance au paragraphe 415), la conservation et la gestion des ressources non renouvelables et forestières, y compris « leur rythme de production primaire » (alinéa 92A(1)b)), et en ce qui concerne les emplacements destinés à la production d’énergie électrique (alinéa 92A(1)c)).

L’article 92A n’ajoute rien aux droits de propriété des provinces. Bien que le paragraphe 92A(6) indique clairement (voir les paragraphes 413 et 204) que l’article ne porte pas atteinte aux droits de propriété des provinces, rien dans l’article 92A n’offre une protection supplémentaire aux droits de propriété des provinces. Au risque d’énoncer une évidence, l’article 92A – comme toutes les autres rubriques de compétence législatives – porte sur l’attribution du pouvoir de légiférer relativement à certaines catégories de sujets. Les lois qui concernent le « caractère véritable » de la gestion des ressources naturelles dans la province relèvent de l’autorité législative de l’art. 92A. Celles qui ne le concernent pas n’en relèvent pas.

L’article 92A ne prévoit pas de compétence provinciale exclusive sur les projets d’exploitation des ressources. La décision majoritaire dans Westcoast Energy Inc. c Canada (Office national de l’énergie), 1998 CanLII 813 (SCC), [1998] 1 RCS 322, énonce que le libellé de l’alinéa 92A(1)b) « ne parle pas de la compétence à l’égard « des emplacements et des installations », mais plutôt, de façon plus générale, de la compétence sur l’« exploitation, [la] conservation et [la] gestion des ressources naturelles non renouvelables » » (au para 84). La question relative à l’exclusivité de l’article 92A renvoie à l’objet de la loi. Les lois touchant les projets d’exploitation des ressources peuvent être valablement adoptées par le gouvernement fédéral (Québec (Procureur général) c. Moses, 2010 SCC 17 [CanLII], [Moses], au para 36). En fait, la majorité contredit sa propre affirmation selon laquelle les provinces ont compétence exclusive en ce qui concerne les grands projets, dans la note 109, lorsqu’elle cite l’avis du juge Ian Binnie dans l’arrêt Moses, selon lequel la législation fédérale sur les pêches pourrait légitimement restreindre l’élaboration d’un projet intraprovincial parce que [traduction] « l’extraction de ressources minérales non renouvelables relève de la compétence provinciale, mais l’aspect relatif aux pêches relève de la compétence fédérale ». Le fait qu’une loi fédérale touche un projet d’exploitation des ressources dans une province n’offre aucun motif pour juger de la validité de cette loi fédérale. Au contraire, comme l’a écrit la juge en chef Beverley McLachlin dans Canada (Procureur général) c PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 (CanLII), [Insite] : « On ne peut donc prétendre […] qu’une loi fédérale valide devient invalide si elle touche une matière de compétence provinciale […] » (au para 51).

À notre avis, l’opinion de la majorité selon laquelle la LEI représente une exagération fédérale inacceptable est fondée sur une interprétation exagérée de CTRN, de l’article 109 et des droits de propriété provinciaux, ainsi que des répercussions de l’article 92A.

Une grande partie de l’analyse des juges majoritaires repose sur l’affirmation selon laquelle l’article 92A, combiné à l’article 109, confère aux provinces un droit explicite d’aménagement et un monopole implicite sur l’approbation des projets. La jurisprudence n’appuie pas ces affirmations. Elle appuie plutôt l’opinion selon laquelle les lois fédérales peuvent empêcher le développement de projets de ressources intraprovinciaux (Moses au para 36) et peuvent imposer des conditions qui sont nécessaires pour que de tels projets puissent aller de l’avant. De plus, bien que l’opinion de la majorité joue avec la notion disponibilité de l’exclusivité des compétences pour les projets de ressources intraprovinciaux, une telle dépendance est incompatible avec la « tendance générale » de la doctrine constitutionnelle actuelle.

Décisions en matière de compétence

Pour les organismes de réglementation de l’énergie, la catégorie la plus importante de décisions des tribunaux est celle des décisions en matière de compétence. Elles sont assez courantes. L’an dernier, dans cette section du Bilan, on en comptait six. Cette année, il y en a aussi six.

La première décision a été rendue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Waterloo Hotel[63]. Elle a soulevé une question simple, mais importante. La Commission de l’énergie de l’Ontario avait-elle compétence exclusive sur le litige en question? Waterloo Hotel avait demandé des rabais sur le prix de l’électricité qui étaient offerts aux consommateurs d’électricité dans le cadre d’un nouveau programme du gouvernement de l’Ontario. Le programme de rabais était administré par le distributeur d’électricité de chaque marché, en l’occurrence Kitchener Wilmont Hydro (KWH).

KWH a refusé d’accorder le rabais demandé à Waterloo Hotel. Waterloo Hotel a ensuite présenté une requête à la Cour supérieure. KWH a demandé la suspension des procédures au motif que la Cour supérieure de justice n’avait pas compétence pour entendre la cause. La Commission de l’énergie de l’Ontario était d’accord avec la position de KWH parce que le différend en cause relevait de la compétence exclusive de la Commission de l’énergie de l’Ontario.

KWH a déterminé que le demandeur n’était pas admissible au remboursement en vertu du programme, les consommateurs vivant à l’hôtel ne répondant pas à la définition d’un consommateur vivant dans un complexe résidentiel. Ils vivaient à l’hôtel sur une période prolongée et n’avaient pas d’autre adresse résidentielle. Lorsque l’hôtel s’est vu refuser l’admission au programme, il a sollicité auprès de la Cour une déclaration voulant qu’il fût couvert par la définition de la loi d’un client admissible.

La Cour a rejeté la demande parce qu’elle a conclu que la CEO avait compétence exclusive en la matière et que la demande du tribunal devait être suspendue. La Cour s’est appuyée sur l’article 19 de la Loi sur la CEO, qui confère à la Commission la compétence exclusive à l’égard de toutes les questions à l’égard desquelles sa loi constitutive lui confère compétence. La Commission a évoqué une abondante jurisprudence à cet égard, comme il est indiqué ci-dessous.

L’article 19 de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario énonce la disposition de base concernant la compétence exclusive :

(1) La Commission a, dans son domaine de compétence, le pouvoir d’entendre et de décider les questions de droit ou de fait.

(6) La Commission a compétence exclusive en toute matière et à l’égard de toute question pour laquelle la présente loi ou une autre loi lui attribue la compétence.

À l’article 112.3, la Loi stipule ce qui suit :

Si elle est convaincue qu’une personne a contrevenu ou contreviendra vraisemblablement à une disposition exécutoire, la Commission peut rendre une ordonnance exigeant que cette personne s’y conforme et prenne les mesures que la Commission précise pour, selon le cas :

a) remédier à une contravention qui a été commise;

b) empêcher une contravention ou une nouvelle contravention à la disposition exécutoire.

La Cour d’appel de l’Ontario l’a expressément accepté dans Garland v Consumers’ Gas Company Ltd, étant donné la nature exclusive de la compétence de la CEO confirmée par l’art. 19(6) de la Loi : [traduction] « il ne peut être question de compétence concurrente entre les tribunaux et la Commission ». Cette position a été confirmée dans l’affaire Snopko v Union Gas, où la Cour a conclu que la Commission conservait sa compétence exclusive même s’il y avait eu des réclamations fondées en common law pour rupture de contrat, négligence, enrichissement injustifié et nuisance qui relevaient autrement de la compétence du tribunal. Comme la Cour l’a fait remarquer : [traduction] « si le fond de la demande relève de la portée de l’art. 38, la Commission a compétence, quelle que soit l’étiquette juridique que le demandeur choisit d’utiliser pour la décrire. »

Les tribunaux canadiens ont toujours soutenu que, lorsque l’objet de la loi concerne un régime de réglementation complexe et qu’un organisme créé par une loi est chargé, entre autres, du règlement des différends concernant l’interprétation des dispositions de ce régime, les tribunaux devraient s’en remettre à l’organisme administratif.

Dans l’affaire Mahar v Rogers Cablesystems Ltd, la Cour a décrit trois situations où les tribunaux sont réticents à autoriser la division de la compétence entre l’organisme de réglementation ou le tribunal et les cours :

[Traduction]

1. lorsqu’il existe un cadre réglementaire et que le législateur choisit un organisme public particulier pour le surveiller;

2. lorsque les tribunaux ont déjà fait preuve de retenue judiciaire dans leurs décisions à l’égard de l’organisme de réglementation en cause;

3. Lorsque le Parlement ou la législature a créé un régime législatif, qui comprend à la fois des droits et une procédure pour leur résolution.

L’affaire suivante sur la question de la compétence décision rendue par le juge de la Cour suprême de l’Ontario dans l’affaire West Whitby Landowners[64]. Comme la dernière décision, cette affaire limite le contrôle judiciaire d’un organisme de réglementation de l’énergie. West Whitby était un promoteur immobilier. Il y a eu un différend avec le distributeur local d’énergie, Elexicon Energy, et la Commission de l’énergie de l’Ontario.

Il s’agissait d’un problème courant : le promoteur immobilier avait besoin d’électricité pour une nouvelle propriété en cours de développement et demandait un raccordement au réseau. Le coût de l’approvisionnement en électricité de la nouvelle propriété par Elexicon dépendait du fait que le projet était considéré comme une « amélioration » ou une « expansion ». La différence entre les deux tarifs était très importante.

West Whitby a décidé d’obtenir un avis de la Commission de l’énergie de l’Ontario. Ce qui est intéressant, c’est que les parties ont conclu une entente d’offre de raccordement dans le cadre de laquelle elles ont accepté de renvoyer à la CEO tout différend concernant la nature des travaux, à s’avoir qu’il s’agit d’une amélioration ou d’une expansion en vertu du Code, et accepté que cette décision serait définitive et exécutoire. Ils ont également convenu que si le projet était une « expansion », les coûts connexes seraient à la charge de West Whitby. S’il s’agissait d’une « amélioration », les coûts connexes seraient à la charge d’Elexicon.

Le personnel a émis deux avis. Les deux avis concourraient avec la position d’Elexicon. West Whitby était contrarié. West Whitby a ensuite demandé à la Cour supérieure de l’Ontario d’ordonner à la CEO de tenir une audience. Après une analyse minutieuse, la Cour a rejeté la demande. La décision mérite un examen approfondi. Les motifs sont présentés ci-dessous :

[Traduction]

[4] Pour les motifs ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les arguments préliminaires des défendeurs. À mon avis, la Cour n’a pas compétence pour se prononcer sur l’opinion de la CEO selon laquelle le projet constitue principalement une expansion parce qu’il ne s’agissait pas de l’exercice d’un pouvoir de décision prévu par la loi. De plus, WWLG n’a pas qualité pour enjoindre à la CEO de tenir une audience ou pour contester l’évaluation de sa plainte par la CEO. Tout au plus, WWLG aurait qualité pour obliger la CEO à traiter sa plainte, ce que la CEO a fait.

[25] Les défendeurs soutiennent que la Cour divisionnaire n’a pas compétence pour examiner la demande parce que la Commission n’a pas exercé un pouvoir de décision prévu par la loi. Ils abordent la question selon deux points de vue différents. Premièrement, ils soutiennent que la Commission n’a pas rendu de décision parce qu’elle n’a fourni une opinion que dans le but d’aider les parties à régler leurs différends. Deuxièmement, ils soutiennent que, même si la Commission a rendu une décision, la seule décision qu’elle a prise a été de ne pas renvoyer l’affaire pour une audience. WWLG n’a pas qualité pour contester une telle décision.

[27] L’un des défis en l’espèce consiste à démêler le rôle de l’accord entre les parties des fonctions statutaires de la CEO. Bien que les parties puissent accepter d’être liées par une opinion ou une décision de la CEO, elles n’ont pas le pouvoir d’exiger que la CEO fasse quoi que ce soit ou suive un processus qui n’est pas prévu par la loi ou la réglementation. Par conséquent, l’accord n’a rien à voir avec la question de savoir ce que la CEO aurait dû faire et comment elle aurait dû traiter les communications des parties. Par conséquent, en fin de compte, cela n’a rien à voir avec la question de savoir si WWLG peut contester l’opinion de la CEO et sa décision de ne pas renvoyer la question à la tenue d’une audience.

[29] Comme nous l’avons vu ci-dessus, le paragraphe 105(a) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario confère à la CEO le pouvoir de recevoir des plaintes, et le paragraphe 105(b) confère à la CEO le pouvoir de « demander et recueillir des renseignements et tenter de régler ou de résoudre des plaintes ». Par conséquent, le point de départ pour évaluer la compétence de la Cour à l’égard de la demande de contrôle judiciaire consiste à déterminer si la Cour a compétence pour examiner une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la CEO sur la façon de traiter une plainte en vertu de l’article 105 de la Loi.

[31] En ce qui concerne la première question, à mon avis, WWLG n’a pas qualité pour demander à la Cour d’obliger la CEO à tenir une audience. Lorsqu’on examine l’article 105 en combinaison avec les dispositions de la partie VII.1, il est évident que, bien que WWLG puisse déposer une plainte, il n’a pas qualité pour exiger que la Commission tienne une audience s’il n’est pas satisfait de la façon dont la Commission a traité la plainte. Comme nous l’avons vu plus haut, la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario établit clairement le processus menant à une audience. Ce processus prévoit que la CEO peut mener une enquête et rendre une ordonnance contre un fournisseur d’électricité, après quoi le fournisseur peut demander une audience pour contester l’ordonnance. Il n’y a rien dans ce processus qui donne à un plaignant le statut nécessaire pour demander ou exiger une audience. Le libellé du paragraphe 112.2(1) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario est clair; il prévoit ce qui suit : « La Commission ne peut rendre une ordonnance en vertu de l’article 112.3, 112.4 ou 112.5 que de sa propre initiative. ». Comme il a été statué dans l’arrêt Ocean Port Hotel Ltd. c Colombie-Britannique, 2001 CSC 52, par. 22, les principes de justice naturelle peuvent être écartés par un langage clair et sans ambiguïté. Dans cette affaire, l’assemblée législative a clairement indiqué que seule la CEO peut déclencher le processus menant à une audience sur une préoccupation selon laquelle un fournisseur d’électricité ne se conforme pas à la loi, y compris au Code. Dans Graywood Investments Ltd. v OEB, 2005 CanLII 2763 (Div Ct.), par. 22, le juge Molloy est parvenu à une conclusion semblable lorsqu’il s’est penché sur une loi antérieure, concluant que :

[Traduction]

La Commission n’est pas tenue de tenir une audience chaque fois qu’elle est saisie d’une plainte. En fait, le droit à une audience n’est accordé que si, après son enquête initiale, la Commission est encline à émettre un avis de non-conformité. Même dans ce cas, c’est le titulaire de licence plutôt que le plaignant qui a le droit de demander une audience. Hormis ces considérations, il appartient entièrement à la Commission de décider si elle tiendra une audience dans ce genre de situation…

[32] Par conséquent, à mon avis, WWLG n’a pas qualité pour demander à la Cour d’obliger la CEO à tenir une audience. L’avis de la CEO n’est pas l’exercice d’un pouvoir de décision prévu par la loi.

[33] En ce qui concerne la deuxième question, à mon avis, la Cour n’a pas compétence pour examiner l’avis de la CEO et la façon dont elle en est arrivée à le formuler.

[37] À mon avis, l’opinion de la CEO quant à savoir si le projet MS16 est une expansion ou une amélioration n’est pas une décision donnant lieu à un recours certiorari pour réparation de droit public. Bien que la CEO soit un organisme public qui prend de nombreuses décisions à caractère public, dans ce cas-ci, le premier facteur, à savoir le caractère de l’affaire, joue fortement contre la disponibilité de réparations de droit public. Les parties ont sollicité cet avis afin de régler leur différend privé. Le fait qu’elles ont accepté d’être liés par l’opinion de la CEO ne fait pas pour autant de l’opinion de la CEO une décision à caractère public. En fin de compte, la seule décision prise par la CEO a été de ne pas soumettre la question à une enquête plus approfondie ou de ne pas rendre une ordonnance contre Elexicon, ce qui, comme nous l’avons vu ci-dessus, est une décision que WWLG ne peut contester parce qu’il n’a pas qualité pour le faire.

[39] La CEO et Elexicon soutiennent que la CEO n’a pas exercé un pouvoir de décision prévu par la loi et que la Cour ne peut donc pas examiner la décision. Ils soulignent une distinction dans la jurisprudence entre les différents régimes de traitement des plaintes et soutiennent que le processus de traitement des plaintes de la CEO s’inscrit dans la catégorie des cas où les tribunaux ont conclu qu’une décision de ne pas prendre de mesures supplémentaires relativement à une plainte ne constitue pas l’exercice d’un pouvoir de décision découlant de la loi.

[44] Du point de vue du régime législatif, la situation de la WWLG n’est pas différente de celle d’un membre du public qui dépose une plainte contre un fournisseur d’électricité. En vertu de l’article 105 de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, la CEO dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire quant à la façon dont elle traitera la plainte. Cela comprend la capacité d’aider les parties à régler la plainte, ce que la CEO a fait en l’espèce en fournissant son opinion. Toutefois, cela ne signifie pas qu’un plaignant peut demander un contrôle judiciaire de l’opinion de la CEO. La seule décision statutaire que la CEO prend lorsqu’elle reçoit une plainte est de décider s’il y a lieu de mener une enquête et, en fin de compte, de rendre une ordonnance contre une entité réglementée. La Loi indique clairement que seule la CEO a le pouvoir de rendre une telle ordonnance et que les membres du public n’ont pas le droit d’exiger une enquête ou une ordonnance contre une entité réglementée.

[45] Par conséquent, à mon avis, l’opinion de la CEO sur la question de savoir si le projet MS16 constitue une amélioration ou une expansion ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Il ne s’agissait pas de l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi. La CEO a fourni cet avis aux parties parce qu’elles l’avaient demandé dans le cadre de leur processus de règlement des différends. De plus, WWLG n’a pas qualité pour contester la décision de la CEO de ne pas mener d’enquête et de ne pas rendre d’ordonnance contre Elexicon. Tout au plus, si la CEO n’avait pas traité la plainte, Elexicon aurait pu contester son défaut de le faire. Mais il n’y a pas de fondement juridique sur lequel la WWLG peut s’appuyer pour demander un contrôle judiciaire du processus suivi par la CEO pour traiter la plainte ou donner son avis sur la nature du projet MS16.

[46] Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

La prochaine décision concernant la compétence est une décision de la Cour d’appel de l’Alberta rendue en septembre 2021 dans l’affaire Utility Consumer Advocate[65]. Il s’agissait d’une décision de l’Alberta Utilities Commission de prolonger la période pendant laquelle la décision de la Commission sur le taux de rendement approuvé s’appliquerait. Ce taux de rendement avait d’abord été approuvé en 2019, et la Commission a décidé que, compte tenu des difficultés créées par COBIT, la décision serait maintenue pendant un certain nombre de mois au-delà de la date fixée au départ pour son examen. Le bureau du défenseur des consommateurs des services publics devrait être établi par le gouvernement pour représenter les intérêts des agriculteurs clients résidentiels et des petites entreprises consommant de l’électricité et du gaz naturel de l’Alberta qui se sont opposés à la prolongation, tandis que les services publics touchés ont généralement approuvé la décision de la Commission. La question dont le tribunal était saisi était de savoir si la Commission avait outrepassé sa compétence en omettant de renouveler le taux de rendement auquel les services publics ont droit conformément au calendrier établi précédemment.

La Commission et, en fin de compte, le tribunal ont décidé qu’ils avaient le pouvoir de prendre cette décision. La Cour d’appel a confirmé la décision de la Commission du 4 mars 2021 de retarder l’établissement du rendement sur les capitaux propres parce que les données économiques et de marché qui seraient normalement utilisées demeurent dans un état de fluctuation et que toute donnée probante serait embrouillée par un degré inhabituel d’incertitude. La Cour a statué que lorsque la Commission a déclaré un taux de rendement équitable au même niveau de preuve que pour 2021, elle exerçait probablement son pouvoir discrétionnaire, en précisant ce qui suit :

[Traduction]

Critère d’autorisation d’appel

[11] Conformément à l’article 29(1) de la AUCA, un appel d’une décision ou d’une ordonnance de la Commission est interjeté devant la Cour d’appel sur une question de compétence ou une question de droit. Pour avoir gain de cause, le demandeur doit démontrer que la question de droit ou de compétence soulève une [traduction] « question de droit sérieuse et défendable » : TransAlta Corporation v Alberta (Utilities Commission), 2021 ABCA 232 au para 16; Remington Development Corporation v ENMAX Power Corporation, 2016 ABCA 6 au para 10.

[15] Il ne fait aucun doute que l’application de la norme du rendement équitable est une question importante pour la pratique et pour l’instance elle-même, car l’établissement d’un rendement équitable est un élément important dans l’établissement du tarif que les services publics sont autorisés à facturer à leurs clients et représente des centaines de millions de dollars par année.

Bien-fondé du motif d’appel proposé, norme de contrôle et délai

[16] Nulle part dans l’arrêt Northwestern Utilities la Commission n’a-t-elle imposé une méthode précise. Dans Northwestern Utilities, les juges majoritaires ont insisté sur le fait que l’Alberta Public Utilities Board avait, dans un cas donné, le pouvoir discrétionnaire de choisir la méthode, la procédure et la preuve qu’elle jugeait appropriées pour déterminer un rendement équitable. Dans cette affaire, la Commission jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire semblable à celui qu’a mentionné la Cour dans l’arrêt AltaGas Utilities Inc. v Alberta Utilities Commission, 2020 ABCA 375 au para 21, et dans des dispositions législatives comme l’article 37 de la Gas Utilities Act qui prévoit que la Commission peut trancher les questions qui, à son avis, sont « pertinentes » aux fins de la détermination d’un rendement équitable…

[17] La Commission avait le pouvoir discrétionnaire d’utiliser une méthode et une procédure appropriées compte tenu de la pandémie de COVID-19. Elle n’était pas tenue d’utiliser le processus intensif qu’elle avait utilisé par le passé. Elle pouvait adopter une approche de rechange, surtout dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Le demandeur a reconnu ces circonstances inhabituelles lorsqu’il a d’abord proposé de suspendre la procédure 24110.

[20] La Commission dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour examiner tous les faits qu’elle juge pertinents dans l’exercice de son mandat législatif. Ces décisions portent sur des questions mixtes de fait et de droit : Alta Gas Utilities Inc. v Alberta Utilities Commission, au par. 21, citant TransCanada Pipeline Ventures Ltd. v Alberta (Utilities Commission), 2009 ABCA 281 au par. 37.

[23] L’argument du demandeur selon lequel la Commission a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère et en tenant compte de facteurs non pertinents ne soulève pas une question de droit permettant à la Cour d’intervenir. Pour établir un juste retour sur les investissements des services publics, la Commission est habilitée à soupeser la preuve et à exercer son jugement, ce qu’elle a fait en l’espèce.

[24] Par conséquent, rien ne permet à la Cour d’accorder la permission d’interjeter appel pour ce motif d’appel proposé.

[31] Le demandeur aurait de la difficulté à démontrer toute injustice découlant de la décision de la Commission de s’écarter de ses procédures antérieures compte tenu des circonstances sans précédent qui existaient. Le demandeur n’a été privé d’aucun droit procédural et n’a pas été traité différemment des autres parties à l’instance.

[32] Comme pour la question du rendement équitable, le retard n’est pas une préoccupation. Toutefois, ce motif d’appel ne soulève pas une question de droit permettant à la Cour d’accorder la permission d’interjeter appel.

La décision suivante a été celle de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’affaire Rogers Communication en novembre 2020[66]. La Cour divisionnaire de l’Ontario y a rendu une décision rejetant un appel concernant une redevance approuvée par la CEO pour la fixation de fils aux poteaux de distribution d’électricité. Pour arriver à un tarif provincial pour la fixation de fils à ces poteaux, la CEO avait procédé à un examen des frais pour la fixation des fils et publié un rapport final en mars 2018 fixant un tarif provincial de 43,63 $ avec des ajustements annuels basés sur un facteur d’inflation de la CEO.

Un groupe de transporteurs d’électricité a fait appel auprès de la Cour divisionnaire et a demandé à la Cour d’annuler le rapport en faisant valoir que la CEO n’avait pas suivi les dispositions de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario exigeant que la CEO tienne l’audience. La position du groupe était que les frais de fixation de la Commission constituaient un tarif pour le transport d’électricité ou la vente au détail d’électricité qui exigeait que la CEO tienne une audience. La Cour divisionnaire a répondu que l’utilisation d’un espace locatif sur un poteau par une entreprise de télécommunication n’avait rien à voir avec la vente au détail ou la distribution d’électricité. La Cour a également noté qu’auparavant, ces taux avaient été ajustés en modifiant la licence des distributeurs d’électricité qui contenait une exigence selon laquelle les distributeurs devaient permettre l’accès aux poteaux à un taux précis qui était approuvé par la CEO et inclus dans la licence de distribution. La cour a conclu que la modification des frais de fixation était un exercice légal de la compétence de la CEO et ne nécessitait pas d’audience de la CEO. La cour a également conclu que le processus suivi par la CEO était équitable sur le plan de la procédure.

La décision suivante concernant la compétence de la Commission a été la décision de la Commission de l’énergie de l’Ontario dans l’affaire Waterfront Toronto[67] relativement à une demande d’Enbridge voulant que la Commission ordonne à Waterfront Toronto de payer 70 millions de dollars pour couvrir le coût d’un nouveau pipeline.

Waterfront Toronto, un consortium de trois administrations : la ville de Toronto, la province de l’Ontario et le gouvernement du Canada, a fait valoir qu’il ne demandait pas le pipeline et que, de toute façon, la Commission n’avait pas le pouvoir d’ordonner à Waterfront Toronto de payer une partie ou la totalité du coût d’un pipeline parce que Waterfront Toronto n’était pas un consommateur de gaz. Waterfront Toronto s’est fondé sur des décisions antérieures selon lesquelles le pouvoir de la Commission de répartir les coûts de construction du pipeline ne relevait de sa compétence que lorsque la Commission exerçait son pouvoir en matière d’établissement des droits[68]. Cependant, dans ce cas, Waterfront Toronto n’était pas un client des services de gaz et aucun pouvoir en matière d’établissement des droits n’était en cause. Par conséquent, la Commission a statué qu’il n’avait pas compétence pour ordonner à Waterfront Toronto de payer les coûts du pipeline.

La Commission a ordonné aux parties de recourir à la médiation. Lorsque cette démarche a échoué, Enbridge a retiré sa demande. Une nouvelle demande a été déposée en février 2022 concernant la construction de deux nouveaux pipelines gaziers dans la ville de Toronto. L’un d’eux était un pipeline de contournement temporaire de 190 mètres d’un diamètre de 20 pouces. L’autre était un pipeline permanent de 160 mètres. Le pipeline temporaire serait situé sur le pont Lakeshore existant et maintiendrait les niveaux de service jusqu’au centre-ville de Toronto pendant la construction du pipeline permanent. Le pipeline permanent sera construit sur un corridor de services publics nouvellement conçu qui sera situé sur le pont Keating Railway après que ce pont aura été mis à niveau et prolongé dans le cadre du projet de protection contre les inondations dans le secteur riverain de Toronto (Waterfront Toronto Flood Protection Project).

Les négociations entre Waterfront Toronto, la Ville de Toronto et Enbridge ont permis de réduire le coût du projet de 70 millions à 25 millions de dollars. Waterfront Toronto a accepté de verser une contribution volontaire de 5 millions de dollars au projet, ce qui a entraîné un coût net de 18,5 millions de dollars pour les clients d’Enbridge Gas. La deuxième demande a été approuvée par la Commission[69].

Droits de propriété des peuples autochtones

L’année dernière a été marquée par deux décisions qui auront un effet important sur le développement des projets énergétiques canadiens. La première de ces décisions est celle de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Yahey[70]. Dans cette affaire, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait enfreint de façon injustifiée les droits issus de traités des Premières Nations de Blueberry River (PNBR) en raison des effets cumulatifs du développement industriel autorisé par la province pendant plusieurs décennies. La Cour a émis une déclaration selon laquelle la province ne pouvait pas continuer d’autoriser d’autres activités jusqu’à ce qu’elle ait conclu une entente satisfaisante avec la PNBR et les autres Premières Nations du Traité no 8.

Cette décision est la première décision pour laquelle on s’est demandé si les effets cumulatifs du développement provincial des terres visées par des traités peuvent constituer une violation injustifiée des droits issus de traités. La Cour a conclu que, malgré les promesses faites à la PNBR, l’exploitation pétrolière et gazière, hydroélectrique, minière et agricole avait eu lieu au cours des cent dernières années. Cette décision était une réponse à une requête déposée à la Cour par la PNBR en vue de faire cesser tout développement ultérieur.

La Cour a rejeté l’argument selon lequel un traité n’était violé que si la PNBR ne jouissait plus de droits fonciers significatifs. Autrement dit, la PNBR n’avait pas besoin de démontrer qu’elle n’avait pas la capacité d’exercer des droits, mais seulement que ses droits avaient été considérablement réduits.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a choisi de ne pas en appeler de la décision. Il a plutôt entrepris des négociations avec la PNBR, comme l’a suggéré la Cour. Le 7 octobre 2020, la province a annoncé qu’elle avait conclu une entente qui aiderait à assurer la stabilité et la certitude pour les titulaires de permis d’exploration pétrolière et gazière sur le territoire traditionnel de la PNBR dans l’immédiat.

L’entente de restauration a accordé 35 millions de dollars à la PNBR pour régler des problèmes de conduite antérieurs, notamment en ce qui concerne la restauration des terres, des eaux et des infrastructures. De plus, 30 millions de dollars ont été alloués pour appuyer les activités de la PNBR visant à protéger son mode de vie autochtone. Dans le cadre de l’entente, 195 projets forestiers, pétroliers et gaziers qui avaient été autorisés avant la décision de la Cour iront de l’avant. Toutefois, 20 autorisations actuellement approuvées pour des activités de développement dans cinq domaines d’importance culturelle ne seront pas accordées sans l’assentiment de la PNBR.

La décision suivante de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire AltaLink Management porte sur l’élargissement de la portée des droits des Autochtones[71]. Cette décision portait sur deux questions. La première était de savoir si l’Alberta Utilities Commission, en approuvant la vente d’installations de transport à des groupes autochtones, avait appliqué correctement le critère de l’absence de préjudice.

La deuxième question, et la plus importante, portait sur des questions constitutionnelles touchant le concept de réconciliation et la question de savoir si ce concept s’appliquait au processus décisionnel de la Commission. Deux des trois juges ont limité leur décision à la définition du critère de l’absence de préjudice et n’ont pas abordé les questions constitutionnelles. D’autre part, un juge a exprimé son accord qu’il a accompagnée d’une longue explication. Le juge Feehan était d’accord avec la décision majoritaire, mais il a jugé approprié d’examiner attentivement si le processus décisionnel de la Commission devait tenir compte du concept de réconciliation. Pour ce faire, il évoqué l’article 17 de l’Alberta Utilities Commission Act, qui stipule clairement que, lorsque la Commission tient une audience relativement à une demande de construction d’une ligne de transport, elle doit déterminer si celle-ci est dans l’intérêt public.

Au paragraphe 113, le juge Feehan affirme que la réconciliation est [traduction] « un travail en cours visant à rétablir la relation entre les peuples autochtones et la Couronne à la suite d’injustices historiques et continues commises par la Couronne contre les peuples autochtones ». Il ajoute, au paragraphe 114, que [traduction] « bien que la réconciliation sous-tende l’honneur de la Couronne en ce qui concerne les droits prévus à l’article 35, il s’agit d’un concept distinct qui existe séparément de l’honneur de la Couronne et qui comprend des dimensions juridiques et sociales ». Les déclarations suivantes portent précisément sur le concept de réconciliation.

[Traduction]

[115] La réconciliation est une considération primordiale lorsque des intérêts protégés par la Constitution peuvent être en cause. L’objet fondamental de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 est de rebâtir la relation entre la Couronne et les peuples autochtones par la réconciliation, sur les plans juridique, moral et social. L’objectif fondamental du droit moderne traitant des droits ancestraux et issus de traités est la réconciliation des peuples autochtones et non autochtones et la prise en considération de leurs revendications, intérêts et ambitions respectifs : Première nation crie Mikisew, paragraphes 1 et 63. L’article 35 appuie la réconciliation de l’affirmation de la souveraineté de la Couronne sur le territoire canadien et de l’occupation antérieure par des sociétés autochtones distinctes par « un rapprochement entre les cultures autochtones et non autochtones » : R c Van der Peet, [1996] 2 SCR 507, para 42–45, 49–50, 137 DLR (4 th) 289. La question déterminante dans toutes les situations est celle de savoir ce qui est nécessaire pour réaliser la réconciliation en ce qui concerne les intérêts en jeu dans une tentative d’harmoniser les intérêts conflictuels et d’atteindre l’équilibre et le compromis : Taku River, au para 2.

[116] Le concept de réconciliation est illustré dans Nation Tsilhqot’in c ColombieBritannique, 2014 CSC 44, [2014] 2 SCR 257, para 23 :

L’enjeu n’est rien de moins que la possibilité pour le groupe autochtone et ses descendants d’obtenir justice et la conciliation des intérêts du groupe et de la société en général… L’intérêt public général commande que les questions relatives aux revendications territoriales et aux droits soient tranchées dans le respect du fond du litige.  Ce n’est qu’ainsi que peut se réaliser la conciliation dont notre Cour a fait état dans Delgamuukw.

[118] Toute considération des objectifs publics ou de l’intérêt public doit « poursuivre l’objectif de conciliation, compte tenu des intérêts autochtones et de l’objectif général du public. » : Nation Tsilhqot’in, para 82. La réconciliation exige la justification de toute violation ou de tout déni des droits ancestraux, para 119, 125, 139, et un examen raisonnable des droits des collectivités autochtones dans l’intérêt public.

Les paragraphes les plus importants des motifs concordants du juge Feehan sont peut-être les paragraphes 119 et 120 :

[Traduction]

[119] Comme la Cour le précise dans l’arrêt Fort McKay, la directive à toutes les entités gouvernementales autorisées de favoriser la réconciliation exige tout particulièrement qu’elles prennent en considération ce principe constitutionnel lorsqu’elles déterminer l’intérêt public (au paragraphe 68), et exige que la Couronne agisse de façon honorable pour promouvoir la réconciliation, notamment en « en encourageant la négociation et les règlements justes » avec les peuples autochtones : Mikisew Cree, para 26; Fort McKay, para 81.

[120] Viser la réconciliation est une obligation permanente, distincte de l’honneur de la Couronne. Un aspect important de la réconciliation est la tentative d’atteindre l’équilibre et le compromis, qui sont essentiels à la prise en compte du bien public. La réconciliation doit être prise en considération chaque fois que la Couronne ou une entité gouvernementale exerçant des pouvoirs délégués envisage une décision qui aura une incidence sur les droits des peuples autochtones.

Le juge Feehan conclut ses motifs concordants avec les deux paragraphes suivants :

[Traduction]

[125] La Commission est une entité gouvernementale autorisée à trancher des questions de droit et des questions constitutionnelles et à prendre des décisions qui sont dans l’intérêt public. Par conséquent, elle a l’obligation spéciale de tenir compte de l’honneur de la Couronne et de la réconciliation chaque fois que les parties en font la demande et que cela est pertinent pour déterminer l’intérêt public, et de fournir dans ses décisions une analyse de l’incidence de ces principes sur les ordonnances rendues. Lorsque l’une ou plusieurs des parties comparaissant devant la Commission sont un regroupement autochtone qui soulève la question de l’honneur de la Couronne ou de la réconciliation dans ses observations, la Commission devrait déterminer si ces principes constitutionnels s’appliquent à sa décision.

[126] La Commission doit tenir compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer l’intérêt public. Dans l’exercice de ses pouvoirs, elle doit tenir compte des répercussions sociales et juridiques de ses décisions sur les peuples autochtones, y compris faire ce qui est nécessaire pour préserver l’honneur de la Couronne et réaliser la réconciliation entre la Couronne et les peuples autochtones.

L’aspect important de la décision est le suivant. Personne ne conteste le fait qu’un organisme canadien de réglementation de l’énergie, lorsqu’il approuve la construction d’une grande installation énergétique, doit déterminer si la construction de celle-ci est dans l’intérêt public. La définition de l’intérêt public a toujours été très large et laisse beaucoup de latitude à l’organisme de réglementation[72]. L’accord du juge Feehan, si l’on y donne suite, ajouterait un élément très important à ce critère de l’intérêt public, à savoir que l’organisme de réglementation doit veiller à ce que l’entente relative à l’utilisation des terres autochtones dans le cadre d’un projet fasse état de « mesures d’accommodement importantes » (para 109), d’« actions constructives » (para 114), d’« équilibre et de compromis » (para 115), de « justice pour le groupe autochtone » (para 116) et d’un « règlement juste » (para 119).

Les organismes canadiens de réglementation de l’énergie consacrent la majeure partie de leur temps à deux choses. La première à établir les tarifs et à s’assurer qu’ils sont justes et raisonnables. La deuxième à approuver la construction de nouvelles installations énergétiques et à veiller à ce qu’elles soient dans l’intérêt public. Dans ce dernier cas, la plupart des projets concernent maintenant des terres autochtones.

L’accord du juge Feehan suggère fortement qu’un organisme de réglementation, lorsqu’il détermine si le nouveau projet est dans l’intérêt public, doit s’assurer que tous les propriétaires fonciers autochtones ont reçu un traitement équitable[73]. Cela créera un nouveau défi pour les organismes canadiens de réglementation de l’énergie. Cependant, la décision Feehan est une décision d’accord et non une décision majoritaire. Nous devrons attendre de voir dans quelle mesure elle sera utilisée à l’avenir. (10) Le sort est peut-être déjà jeté. Dans la décision qu’elle a rendue récemment dans l’affaire Anderson c Alberta[74], la Cour suprême du Canada a tenu compte des principes de la réconciliation pour déterminer s’il fallait accorder à un groupe autochtone une provision pour frais.

Une troisième décision rendue l’an dernier porte également sur l’élargissement de la portée des droits des Autochtones au Canada et sur le concept de réconciliation. Il s’agit de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue le 23 avril 2021 dans l’arrêt R c Desautel[75].

M. Desautel était membre de la Lakes Tribe dans l’État de Washington. Il a été accusé d’avoir chassé sans permis en Colombie-Britannique. Il a admis avoir abattu un wapiti, mais il a soutenu qu’en tant que membre de la Lakes Tribe, il avait des droits ancestraux protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La Cour a entendu des témoignages selon lesquels, à une certaine époque, le territoire ancestral de la Lakes Tribe se trouvait des deux côtés de la frontière entre ce qui est maintenant la Colombie-Britannique et l’État de Washington. La Cour a statué que M. Desautel était un successeur moderne d’une société autochtone qui occupait le territoire canadien au moment du contact avec les Européens et que le principe de la réconciliation exigeait que son statut autochtone soit reconnu même si les membres de la tribu avaient été déplacés à la suite de la colonisation.

Le critère de l’absence de préjudice

Dans une décision rendue en mai 2022, la Cour d’appel de l’Alberta, dans l’affaire AltaLink Management[76], a clarifié la signification de l’absence de contexte en ce qui concerne les transactions en Alberta. En même temps, la Cour a dit clairement que, pour déterminer si une transaction est d’intérêt public, l’organisme de réglementation devrait tenir compte des répercussions sur les intérêts des Autochtones lorsqu’il est question de droits de propriété des Autochtones.

Le concept de l’absence de préjudice a d’abord été utilisé aux États-Unis par la FERC dans le cadre de l’examen de transactions de fusion. Il s’agissait d’un cas d’application inversée du critère de la preuve voulant que le fusionnement soit approuvé lorsqu’il ne causerait aucun préjudice. Ce concept a été repris par la Commission de l’énergie de l’Ontario neuf ans plus tard dans ce qui était connu sous le nom de l’affaire Joint MAAD[77], où la Commission de l’énergie de l’Ontario a établi les règles de base concernant les fusions et les acquisitions lorsqu’elle a entendu plusieurs demandes de fusion en même temps.

L’affaire AltaLink Management concernait les activités d’AltaLink, une importante entreprise de transport d’électricité de l’Alberta. AltaLink avait acheté un réseau de transport et l’avait élargi sur des terres touchant deux réserves des Premières Nations. Il existait des solutions de rechange à l’utilisation des terres des Premières Nations, mais il s’agissait de la solution la moins coûteuse. Les Premières Nations touchées ont accepté de construire une ligne de transport sur leurs terres en échange de la possibilité d’obtenir un droit de propriété sur celle-ci.

Quelques années après la mise en service de la ligne de transport, les Premières Nations ont exercé leur option d’acquérir un droit dans l’entreprise de transport d’électricité. AltaLink a ensuite déposé une demande auprès de l’Alberta Utilities Commission pour obtenir l’approbation du transfert de l’intérêt financier au groupe des Premières Nations ainsi que l’approbation des tarifs de transport.

La Commission a approuvé les transferts à la condition que la société de personnes accepte de ne pas recouvrer auprès des contribuables une somme de 60 000 $ en coûts supplémentaires pour les services de vérification et la tenue de l’audience. Le Commission a appliqué le critère de l’absence de préjudice pour mesurer les effets positifs et négatifs de la transaction sur les contribuables. Elle a rejeté l’argument selon lequel le tracé de la ligne de transport sur les terres des Premières Nations permettrait d’économiser 32 millions de dollars et de créer des avantages pour les collectivités des Premières Nations. La Commission a plutôt déclaré que le critère de l’absence de préjudice est un exercice prospectif et qu’elle ne peut pas tenir compte des économies alléguées parce qu’AltaLink n’a pas fourni suffisamment de preuves de ces avantages.

AltaLink a ensuite demandé et obtenu l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour d’appel. La majorité de la Cour d’appel a conclu que le Conseil avait commis une erreur en ne tenant compte que des avantages prospectifs, affirmant que cette approche n’avait pas de fondement législatif. La majorité a également conclu que les projets accroîtraient les avantages économiques dans les réserves, ce qui est dans l’intérêt public et devrait être encouragé. La Cour d’appel a modifié la décision de la Commission et a permis à la société de personnes de recouvrer les coûts réglementaires contestés auprès des contribuables.

La décision a également été approuvée par le juge Feehan. Son accord portait sur l’aspect de la demande que les juges majoritaires considéraient comme inutile d’aborder. Les juges majoritaires ont conclu leur décision comme suit :

[Traduction]

[1] Nous accueillons l’appel et enjoignons à l’Alberta Utilities Commission d’autoriser deux sociétés en commandite contrôlées en définitive par la Nation Piikani et la tribu des Blood à passer aux contribuables les coûts d’audit et d’audience qu’elles engagent en tant que propriétaires de services publics. La Commission avait ordonné aux appelants d’absorber ces coûts. C’est la première et la seule fois de l’histoire que la Commission rend une telle ordonnance.

II. Questions présentées

[2] La Commission a déterminé que son approbation du transfert d’actifs de transport d’électricité d’AltaLink Management Ltd. à la société en commandite contrôlée par la Nation Piikani et la tribu des Blood entraînerait des coûts supplémentaires pour les contribuables – les consommateurs d’électricité. Les cessionnaires devraient chacun payer des frais d’audit annuels supplémentaires aux auditeurs externes et les frais d’audience de la Commission, estimés à 60 000 $. La Commission a refusé d’autoriser les cessionnaires à passer ces coûts aux contribuables.

[4] L’appelant a fait valoir que la Commission, lorsqu’elle exerce ses pouvoirs en vertu de l’Alberta Utilities Act, doit tenir compte du principe de l’honneur de la Couronne et du concept de réconciliation.

[5] Ces arguments comportaient cinq questions.

[6] Premièrement, le principe de l’honneur de la Couronne s’applique-t-il au pouvoir décisionnel de la Commission?

[7] Deuxièmement, dans l’affirmative, quel est l’effet du principe de l’honneur de la Couronne sur son pouvoir décisionnel?

[8] Troisièmement, quels sont les points de référence juridiques de la « réconciliation »?

[9] Quatrièmement, le concept de réconciliation s’applique-t-il au pouvoir décisionnel de la Commission?

[10] Cinquièmement, dans l’affirmative, quelle est l’incidence du concept de réconciliation sur son pouvoir décisionnel?

III. Brèves réponses

[11] La Commission a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui déterminent si une vente est dans l’intérêt public. Sa décision de ne pas tenir compte des économies découlant du tracé des lignes de transmission dans les réserves de la Nation Piikani et de la tribu des Blood est une erreur de droit.

[12] Nous modifions la décision 22612-D0l-2018 de la Commission en ordonnant que les cessionnaires soient autorisés à inclure les coûts supplémentaires d’audit et d’audience dans leurs demandes tarifaires respectives et à les recouvrer auprès des contribuables selon la procédure habituelle.

[13] Compte tenu de notre réponse à la première question, nous n’avons pas besoin de trancher sur les autres questions. Une seule déclaration d’erreur est nécessaire pour dépouiller l’ordonnance contestée de son effet juridique.

[Je souligne]

L’accord du juge Feehan portait sur le concept de réconciliation et sur l’obligation que ce concept imposait aux organismes de réglementation de l’énergie. Dans son argumentation devant la Cour d’appel, AltaLink a souligné les avantages que les groupes autochtones tireraient de la transaction, ainsi que les avantages qu’Altalink et, en fin de compte, les contribuables, obtenaient en construisant la ligne de transport d’électricité de la manière la moins coûteuse en utilisant les terres autochtones.

En plus de corriger l’erreur commise par l’organisme de réglementation de l’Alberta dans sa définition du critère de l’absence de préjudice, la décision a souligné l’importance de tenir compte de l’incidence d’une transaction sur les groupes autochtones pour déterminer si elle était dans l’intérêt public,

Le critère de l’intérêt public n’a rien de nouveau. Ce critère et l’utilisation du critère de l’absence de préjudice pour déterminer si l’intérêt public a été respecté constituent une norme de longue date. L’incidence de la transaction sur les intérêts autochtones est toutefois un ajout nouveau et important. La portée de cet examen deviendra plus difficile à l’avenir.

 

  1. Régie de l’énergie du Canada, « Entente d’achat visant le réseau pipelinier de Trans Mountain – FAQ » (dernière modification 29 septembre 2020), en ligne : <www.cer-rec.gc.ca/fr/demandes-audiences/voir-demandes-projets/agrandissement-reseau-trans-mountain/entente-dachat-visant-reseau-pipelinier-trans-mountain-faq.html>.
  2. Régie de l’énergie du Canada, communiqué, « Publication par l’Office du Rapport de réexamen du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain » (22 février 2019), en ligne : <www.cer-rec.gc.ca/fr/regie/salle-presse/communiques-presse/2019/publication-loffice-rapport-reexamen-projet-dagrandissement-reseau-trans-mountain.html>.
  3. Certificat d’utilité publique OC-65 à Trans Mountain Pipeline ULC pour le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain, CP 2019-820, (2019) Gaz C I, Supplément.
  4. Trans Mountain, « Trans Mountain Souligne le Début de la Construction de L’oléoduc (3 décembre 2019), en linge : <www.transmountain.com/fr/news/trans-mountain-marks-the-start-of-pipeline-construction>.
  5. Renvoi relatif à l’Environmental Management Act, 2020 CSC 1.
  6. Reference re Environmental Management Act (British Columbia), 2019 BCCA 181.
  7. Première Nation Coldwater c Canada (Procureur général), 2020 CAF 34 [Coldwater].
  8. Ibid au para 55.
  9. Ibid au para 83.
  10. Colombie-Britanique, Ministère de l’environment, « Trans Mountain Expansion project granted environmental assessment approval » (11 janvier 2017), en ligne : <news.gov.bc.ca/releases/2017ENV0001-000047>.
  11. Coldwater, supra note 7, autorisation de pourvoi à la CSC refusé, 39111 (2 juillet 2020).
  12. Ibid.
  13. Ministère des Finances Canada, communiqué, « Le gouvernement du Canada annonce les prochaines étapes du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain » (18 février 2022), en linge : <www.canada.ca/fr/ministere-finances/nouvelles/2022/02/le-gouvernement-du-canada-annonce-les-prochaines-etapes-du-projet-dagrandissement-du-reseau-de-transmountain.html >; Voir aussi TransMountain, « Trans Mountain Corporation présente une mise à jour sur le coût et le calendrier du projet d’agrandissement » (18 février 2022), en ligne : <www.transmountain.com/fr/news/trans-mountain-corporation-updates-expansion-project-cost-and-schedule>.
  14. Coastal GasLink Pipeline Ltd. v Huson, 2018 BCSC 2343.
  15. Re Compétence sur le projet de Costal GasLink Pipeline (26 juillet 2019), MH-053-2018, en ligne : Office national de l’énergie <docs2.cer-rec.gc.ca/ll-eng/llisapi.dll/fetch/2000/90464/90550/90715/3615343/3715570/3809973/C00715-2_ON%C3%89_%E2%80%93_Lettre_d%C3%A9cision_%E2%80%93_Coastal_GasLink_%E2%80%93_MH-053-2018_-_A6W4A4.pdf?nodeid=3810309&vernum=-2>.
  16. Westcoast Energy Inc. c Canada (Office national de l’énergie), [1998] 1 RCS 322, 156 DLR (4e) 456.
  17. TC Énergie, « TC Energy generates strong results in 2021 while progressing energy transition initiatives » (15 février 2022), en ligne : <www.tcenergy.com/announcements/2022-02-15-tc-energy-generates-strong-results-in-2021-while-progressing-energy-transition-initiatives/>.
  18. TC Énergie, « TC Energy reports solid second quarter 2022 results » (28 juillet 2022), en ligne : <www.tcenergy.com/announcements/2022-07-28-tc-energy-reports-solid-second-quarter-2022-results/>.
  19. Régie de l’énergie du Canada, « Renseignements sur le projet » (dernière modification 29 septembre 2020), en linge : <www.cer-rec.gc.ca/fr/demandes-audiences/voir-demandes-projets/remplacement-canalisation-3/renseignements-projet.html>.
  20. Minnesota Public Utilities Commission, « Line 3 Review Process », en ligne : <web.archive.org/web/20220215000909/https://mn.gov/puc/line3/process/>.
  21. In re Applications of Enbridge Energy, LP, 930 NW 2d 12 (Ct App Minn 2019).
  22. Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique concernant les pipe-lines de transit, F101884 – RTC 1977 No. 29 (signé le 28 janvier 1977), en linge : <www.treaty-accord.gc.ca/text-texte.aspx?id=101884&Lang=fra>.
  23. Re Pipelines Enbridge Inc. demande datée du 19 décembre 2019 visant des contrats relatifs à la canalisation principale au Canada, RH-001-2020 (novembre 2021), en linge : Régie de l’énergie du Canada <docs2.cer-rec.gc.ca/ll-eng/llisapi.dll/fetch/2000/90465/92835/155829/3773831/3890507/4038614/4167013/C16317-2_Commission_-_Motifs_de_d%C3%A9cision_de_la_R%C3%A9gie_de_l%E2%80%99%C3%A9nergie_du_Canada_RH-001-2020_%E2%80%93_Pipelines_Enbridge_Inc._-_Contrats_sur_le_r%C3%A9seau_principal_au_Canada_-_A7Y9R0.pdf?nodeid=4167236&vernum=-2>.
  24. Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, LC 2019, c 28, art 10.
  25. Gordon Kaiser, « Les organismes canadiens de réglementation de l’énergie et les nouvelles technologies : La transition vers une économie à faible émission de carbone » (2021) 9:2 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 7; Christopher Bystrom et Madison Grist, « L’avenir des services publics du gaz dans un monde à faible émission de carbone : Le premier fonds d’innovation vert administré par un service public au Canada » (2020) 8:3 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 8.
  26. Red Tape Reduction Act, SA 2019, c R-8.2.
  27. Re British Columbia Hydro and Power Authority Public Electric Vehicle (EV) Fast Charging Rate Application Decision and Final Order (26 janvier 2022), G-18-2022, en linge : British Columbia Utilities Commission <www.ordersdecisions.bcuc.com/bcuc/decisions/en/item/520273/index.do>.
  28. Re FortisBC Inc. Application for Approval of Rate Design and Rates for Electric Vehicle Direct Current Fast Charging Service Decision, (25 novembre 2021) G-341-21, en linge : British Columbia Utilities Commission <www.ordersdecisions.bcuc.com/bcuc/decisions/en/item/516736/index.do?q=BC+hydro+charging>.
  29. Commission de l’énergie de l’Ontario, « Report to the Minister of Energy – Design of an Optional Enhanced Time-of-use Price » (mars 2022), EB-2022-0074, en ligne (pdf): <www.oeb.ca/sites/default/files/Report-Design-of-an-Optional-Enhanced-Time-of-Use-Price-20220331.pdf>.
  30. Re Westcoast Energy Inc. and Union Gas Limited leave for the transfer of a controlling interest in Union Gas Limited to a limited partnership (19 novembre 2008), EB-2008-0304, en ligne (pdf): Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/93155/File/document>.
  31. Ibid à la p 10.
  32. Re Allegations against ATCO Electric Ltd. (29 juin 2022), 27013-D01-2022, en linge : Alberta Utilities Commission <efiling-webapi.auc.ab.ca/Document/Get/719764>.
  33. La mise en place d’une plateforme d’accès consiste à installer de grands matelas pouvant supporter de l’équipement lourd dans les zones de travail, afin d’atténuer les incidences environnementales éventuelles de la construction d’une ligne de transport.
  34. Kumar v The Law Society of Saskatchewan, 2015 SKCA 132 au para 7; Law Society of Alberta v Ihensekhien-Eraga, 2019 ABLS 16.
  35. C. Kemm Yates, David J. Mullan et Rowland J. Harrison, « Report of the AUC Procedures and Processes Review Committee » (14 août 2020), en ligne (pdf): <media.www.auc.ab.ca/prd-wp-uploads/2021/12/2020-10-22-AUCReviewCommitteeReport-1.pdf>.
  36. FERC, « Duty of Candor » (28 juillet 2022), M-1-RM22-20-00, en ligne (pdf): <www.ferc.gov/media/m-1-rm22-20-000>.
  37. FERC, « Staff Presentation | Duty of Candor NOPR » (28 juillet 2022), en linge : <www.ferc.gov/news-events/news/staff-presentation-duty-candor-nopr>.
  38. Ibid.
  39. FERC, supra note 36 à la p 29
  40. Ibid au para 43.
  41. International Renewable Energy Agency, World Energy Transition Outlook, Masdar City, International Renewable Energy Agency, 2021 à la p 28, en ligne : (pdf): <irena.org/publications/2021/Jun/World-Energy-Transitions-Outlook>.
  42. Nova Scotia Power Incorporated (Re), 2022 NSUARB 2, en linge : Nova Scotia Utility and Review Board <www.canlii.org/en/ns/nsuarb/doc/2022/2022nsuarb2/2022nsuarb2.html?autocompleteStr=2022%20NSUARB%202&autocompletePos=1>.
  43. Re London Hydro Inc. (20 mars 2009), EB-2008-0235, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/111240/File/document>; Re PowerStream Inc. (27 juillet 2009), EB-2008-0244, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.oeb.ca/oeb/_Documents/2009EDR/Dec_PowerStream_20090727.pdf>; Re Toronto Hydro Electric System (2 avril 2013), en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/410473/File/document>.
  44. James J. Hoecker, « ‘Used and Useful’: Autopsy of a Ratemaking Policy » (1987) 8:2 Energy LJ 303.
  45. Re Ontario Power Generation Inc. (15 novembre 2021), EB-2020-0290, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/732079/File/document>.
  46. ATCO Gas & Pipelines Ltd. c Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4.
  47. Re Natural Gas Electricity Interface Review (7 novembre 2006), EB-2005-0551, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.oeb.ca/documents/cases/EB-2005-0551/Decision_Orders/dec_reasons_071106.pdf>.
  48. Re Calgary District Heating Inc. (2 mars 2022), en linge : Alberta Utilities Commission <efiling-webapi.auc.ab.ca/Document/Get/713215>.
  49. Re Union Gas Limited LNG Application (9 avril 2015), EB-2014-0012 aux pp 5-7, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/473354/File/document>.
  50. Nova, an Alberta Corporation c Amoco Canada Petroleum Company Ltd, [1981] 2 RCS 437, 128 DLR (3e) 1.
  51. Bell Canada c Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 RCS 1722, 60 DLR (4e) 682.
  52. Yates, supra note 35.
  53. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.
  54. Red Tape Reduction Direction Ministerial Order 181-2020, April 24, 2020.
  55. Alberta Utilities Commission, « Bulletin 2021-10 – Amendments to AUC Rule 001 » (3 mai 2021), en ligne (pdf) : <media.www.auc.ab.ca/prd-wp-uploads/News/2021/Bulletin%202021-10.pdf>.
  56. John J. Marshall, Bill Kenny et Doug Crowther, « Report of the Committee on Mediated Settlements to the Alberta Utilities Commission » (13 novembre 2020).
  57. Ibid, Appendix D.
  58. Alberta Utilities Commission, « Bulletin 2022-10 – Request for comments on draft amendments to Rule 022 » (30 juin 2022), en ligne (pdf) : <media.www.auc.ab.ca/prd-wp-uploads/News/2022/Bulletin%202022-10.pdf>.
  59. Reference re Impact Assessment Act, 2022 ABCA 165
  60. Loi sur l’Évaluation d’impact, LC 2019, c 28, art 1.
  61. Reference re Greenhouse Gas Pollution Act, 2020 ABCA 74.
  62. Nigel Banks et Andrew Leach, « The Rhetoric and Immunity in the Majority Opinion in the Impact Assessment Reference » (8 juin 2022), en ligne (blog) : ABLawg <ablawg.ca/2022/06/08/the-rhetoric-of-property-and-immunity-in-the-majority-opinion-in-the-impact-assessment-reference/>.
  63. Vista Waterloo Hotel Inc. v 1426398 Ontario Inc., & Ontario Energy Board, 2021 ONSC 2724.
  64. West Whitby Landowners v Elixicon Energy, 2022 ONSC 1035.
  65. The Office of the Utilities Consumer Advocate v Alberta Utilities Commission, 2021 ABCA 336.
  66. Rogers Communications Canada Inc. v Ontario Energy Board, 2020 ONSC 6549.
  67. Re Enbridge Gas Inc. (22 janvier 2021), EB-2020-0198, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/700885/File/document>.
  68. Re Natural Resource Gas Limited (7 février 2013), EB-2012-0396, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/382636/File/document>.
  69. Re Enbridge Gas Inc. (7 juillet 2022), EB-2022-0003, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.rds.oeb.ca/CMWebDrawer/Record/750562/File/document>.
  70. Yahey v British Columbia, 2021 BCSC 1287.
  71. AltaLink Management Ltd v Alberta (Utilities Commission), 2021 ABCA 342.
  72. Atco Ltd. c Calgary Power Ltd., [1982] 2 RCS 557, 140 DLR (3d) 193; Union Gas Ltd. v Township of Dawn, 76 DLR (3d) 613, 15 OR (2d) 722; Enbridge Gas Distribution Inc. v Ontario Energy Board, [2005] OJ No 756 (QL), 75 OR (3d) 72.
  73. Gordon E. Kaiser, « Reconciliation: L’intérêt public et un accord équitable » (2021) 9:4 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie Q 42.
  74. Anderson c Alberta, 2022 CSC 6.
  75. R c Desautel, 2021 CSC 17.
  76. AltaLink Management Ltd v Alberta (Utilities Commission), 2022 ABCA 18.
  77. Re Greater Sudbury Hydro Inc., PowerStream Inc. & Gravenhurst Hydro Electric Inc. (31 août 2005), EB-2005-0234, EB-2005-0254, EB-2005-0257, en linge : Commission de l’énergie de l’Ontario <www.oeb.ca/documents/cases/RP-2005-0018/decision_310805.pdf>.

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