Le Canada et les États-Unis peuvent-ils s’entendre sur un tarif sur le carbone?

INTRODUCTION

Les décideurs politiques affirment depuis longtemps que sans tarifs sur le carbone, il n’y aura pas de réductions significatives des émissions de carbone, car certains pays continueront à donner la priorité aux objectifs économiques par rapport aux objectifs environnementaux. Récemment, la Commission européenne a déclaré qu’une taxe sur le carbone était essentielle.

[Traduction]

« Le 14 juillet 2021, la Commission a adopté une proposition de nouveau mécanisme d’ajustement aux frontières de la taxe carbone qui imposera un prix du carbone sur les importations d’une sélection ciblée de produits afin que l’action climatique ambitieuse menée en Europe n’entraîne pas de « fuite de carbone ». Cela garantira que les réductions d’émissions européennes contribuent à une baisse des émissions mondiales, au lieu de pousser la production à forte intensité de carbone en dehors de l’Europe. Elle vise également à encourager l’industrie en dehors de l’Union européenne et nos partenaires internationaux à prendre des mesures dans la même direction[1]. »

Le Canada et les États-Unis partagent la plus longue frontière non défendue au monde et sont les deux pays les plus intégrés en termes d’investissements énergétiques. Les deux pays sont maintenant étroitement alignés sur la politique sur le carbone, mais seront-ils capables de s’entendre sur cette dernière question? Le volet canadien de l’Energy Bar Association a récemment présenté un débat stimulant entre des experts des deux pays. Une transcription des débats suit, y compris les biographies des membres de cette tribune. Une vidéo du débat est disponible, en anglais seulement, sur lawlectures.com.

Gordon E. Kaiser

Le titre de ce programme est Le Canada et les États-Unis peuvent-ils s’entendre sur un tarif sur le carbone? J’utilise l’expression « tarif sur le carbone ». Nous n’aimons toutefois pas faire référence à une taxe sur le carbone ou un tarif sur le carbone. Les gens deviennent nerveux, alors nous les appelons « ajustements frontaliers du carbone ». Ces ajustements sont une épine dans le pied. Beaucoup pensent que si ce remède n’est pas mis en place sur une base multinationale, nous n’atteindrons pas les objectifs en matière de carbone que nous avons fixés à l’échelle mondiale. On s’inquiète également de ce que l’on appelle la fuite de carbone. C’est un terme américain, comme nous le dira notre invitée de Californie. Les Américains l’appellent aussi « remaniement des contrats ».

Aujourd’hui, nous avons une excellente tribune pour aborder ces questions. La façon dont nous organisons le programme est un peu différente. Nous avons une équipe canadienne et une équipe américaine. Dans chaque équipe, il y a un économiste et un avocat. Dans l’équipe canadienne, nous comptons Adonis Yatchew de l’Université de Toronto. Il est également le rédacteur en chef de l’Energy Journal. Neil Campbell, l’avocat de l’équipe, qui est le chef du groupe de droit commercial chez McMillan LLP à Toronto, fait également partie de l’équipe. Neil est peut-être un peu désavantagé. Il ne le sait pas, mais la femme d’Adonis est avocate au Département de la justice des États-Unis à New York. Je ne suis pas sûr que Neil obtiendra le soutien qu’il pensait obtenir.

Dans l’équipe américaine, nous avons Meredith Fowlie. Elle travaille à l’Université de Californie à Berkeley, et elle est directrice de l’Energy Institute à la Haas de cette institution. Elle est également membre du comité consultatif du marché californien depuis 2018. C’est elle qui est l’économiste de l’équipe américaine. Sanjay Mullick, associé du cabinet d’avocats Kirkland and Ellis de Washington DC, est pour sa part l’avocat de l’équipe américaine.

Adonis Yatchew

C’est un plaisir d’être ici. J’ai le privilège de présenter le sujet d’aujourd’hui. Je commencerai par les observations suivantes. La première est que les prix qui reflètent la valeur et les coûts des biens fournissent des signaux efficaces aux consommateurs et aux producteurs. C’est l’un des messages les plus fondamentaux de l’économie. Les marchés fonctionnent. Ils allouent les ressources de manière efficace tant que les prix reflètent les coûts réels.

S’ils ne reflètent pas les coûts réels, alors les marchés ne répartissent pas les ressources de manière efficace et l’une de ces circonstances se présente ici en raison de l’externalité du carbone. Ainsi, les conséquences externes de la production d’énergie produisant du dioxyde de carbone ne sont pas intégrées aux coûts que nous payons et, par conséquent, nous ne parviendrons pas à une répartition efficace de cette ressource et à une allocation efficace des ressources utilisées pour produire l’énergie, y compris l’air et la concentration de carbone dans l’atmosphère.

Les économistes appellent cela une défaillance du marché, et beaucoup ont fait référence à l’externalité du carbone comme étant l’ultime défaillance du marché du 21e siècle. On dirait que c’est bien le cas. Au 20e siècle, il y a également eu une défaillance du marché très importante, en fait plusieurs d’entre elles, mais l’une, particulièrement importante, a été la Grande Dépression.

Pour en revenir au sujet actuel, l’objectif est d’essayer d’incorporer les coûts de l’externalité dans le prix du bien. Si l’on peut le faire de manière raisonnablement précise, même approximative, alors on peut rétablir des signaux de marché efficaces. C’est l’idée de base qui sous-tend la fixation d’un prix pour le carbone.

Il existe deux façons, relativement courantes, de fixer un prix au carbone. L’une consiste à imposer une taxe, la taxe sur le carbone, l’autre à utiliser un système de plafonnement et d’échange dans le cadre duquel une limite est fixée au niveau des émissions de carbone dans un secteur donné, mais des permis sont délivrés et peuvent être échangés en déterminant le prix de ces permis d’émission de carbone.

Que s’est-il passé avec l’agenda du changement climatique au cours des trois ou quatre dernières décennies? Certains affirment que très peu de progrès ont été réalisés, du moins à l’échelle mondiale, si l’on se réfère à Kyoto en 1997 ou à Paris en 2015. L’une des principales raisons de la lenteur des progrès est l’absence d’un prix sur le carbone, auquel les producteurs et les consommateurs ont résisté.

Les coûts qui en découlent, qu’il s’agisse de ceux qui sont imposés aux producteurs et qui sont ensuite refilés aux consommateurs, entraînent des préoccupations intrajuridictionnelles ainsi que des répercussions économiques, tels que le chômage, la possibilité de changements dans l’industrie, etc. Prenez par exemple un pays comme la Pologne, qui est fortement dépendant du charbon qu’il extrait. Si vous essayez d’abandonner le charbon, qui a l’empreinte carbone la plus élevée des trois hydrocarbures, si vous essayez d’abandonner le charbon pour quelque chose d’autre que la Pologne ne possède pas, cela n’aura pas seulement des répercussions sur les coûts, mais aussi de graves conséquences sur l’emploi.

Il existe aussi des préoccupations interjuridictionnelles concernant la perte de compétitivité. Si je fixe un prix sur le carbone dans mon secteur d’activités et que mon partenaire commercial ne le fait pas ou que d’autres pays qui peuvent produire les biens que je produis ne fixent pas de prix sur le carbone, alors je vais perdre en compétitivité. Il y aura probablement un changement sur le plan industriel. Ce sont là des préoccupations réelles et raisonnables.

Donc, si un prix sur le carbone est un outil efficace (que ce soit au moyen d’une taxe sur le carbone ou d’un système de plafonnement et d’échange) et si nous reconnaissons vraiment que le réchauffement de la planète est un problème important à résoudre, alors pourquoi des taxes sur le carbone ou une quelconque forme de tarification du carbone n’ont-elles pas été introduites à grande échelle? Chaque année, les impôts des particuliers au Canada sont payables le 30 avril. Je sais que les Américains doivent faire leur déclaration un peu plus tôt, soit le 15 avril. Au Canada, l’impôt sur le revenu des particuliers est entré en vigueur pendant la Première Guerre mondiale. Il devait s’agir d’un impôt temporaire, dont le but était de financer l’effort de guerre. Chaque année, je fais ma déclaration à la dernière minute dans l’espoir vain que cet impôt temporaire sera annulé et que je ne devrai rien le lendemain. Donc, ce que je veux dire, c’est qu’une fois que les impôts sont en place, ils restent, les gens se méfient des impôts, ils sont réticents à les accepter. Vous avez entendu Gordon dire que c’est une question très sensible, et c’est vrai.

Par conséquent, de nombreuses administrations ont opté pour des approches alternatives et, dans de nombreux cas, il s’agit de ce que les économistes appelleraient des solutions de second choix. Plutôt que de taxer l’externalité, ils subventionnent les technologies qu’une agence gouvernementale estime être une technologie prometteuse qui contribuera à la décarbonisation, par exemple, la production d’énergie éolienne et solaire. Cette solution est sans doute moins efficace, car elle nécessite qu’une agence gouvernementale choisisse la technologie elle-même.

En fait, l’argument conservateur est que le gouvernement devrait participer à la correction de la défaillance du marché, dans ce cas l’externalité, et que les entreprises et les particuliers devraient être ceux qui encouragent les technologies, choisissent les gagnants, et ainsi de suite.

Alors pourquoi les progrès internationaux en matière de décarbonisation sont-ils si lents? La réponse la plus courte à cette question est peut-être que les accords mis en place sont volontaires et qu’il existe des pénalités minimes pour ne pas atteindre ses objectifs, pour reporter la date cible, etc. Il s’agit d’un problème d’action collective classique en sciences politiques. Pour les économistes, il s’agit du dilemme du prisonnier, où l’on peut faire du parasitisme aussi longtemps que l’on peut s’en tirer.

Donc, la question de fond est la suivante : comment amener les pays à coopérer, surtout lorsqu’il semble vraiment que nous ne parviendrons pas à un accord mondial très rapidement? Examinons un argument qui a été mis de l’avant par William Nordhaus, lauréat du prix Nobel d’économie en 2018. Il n’est pas le seul à contribuer à ce raisonnement, mais il sait certainement exposer les faits lorsqu’il s’agit de faire avancer l’idée d’une taxe sur le carbone, de tarifs sur le carbone aux frontières ou d’ajustements à la frontière pour le carbone.

Ces idées sont exprimées très succinctement dans un article que W. Nordhaus a rédigé en 2020 dans Foreign Affairs. Ce document s’intitule « The Climate Club. How to Fix the Failing Global Effort ». Voici les étapes qu’il expose. La première consiste à fixer un prix national pour le carbone. Il peut s’agir d’une taxe ou d’une approche de plafonnement et d’échange, mais quelque chose de relativement uniforme, afin d’éviter les inégalités, les déséquilibres et les distorsions au sein d’un même pays.

Le Canada et les États-Unis ont tous deux une structure fédérale, les provinces et les États ont de forts pouvoirs d’autonomie, quelque chose qui revient sans cesse dans la politique américaine et qui a gagné en importance récemment lorsque le gouvernement fédéral canadien a introduit un prix du carbone. W. Nordhaus suggérerait alors deux membres d’un club pour commencer. Ce club pourrait être constitué des États-Unis et du Canada, tant que les prix du carbone y sont similaires. Nous imposerions ensuite un tarif sur toute importation au Canada ou aux États-Unis provenant d’autres pays qui ne choisissent pas de souscrire à un prix du carbone au niveau national. W. Nordhaus suggère un ajustement tarifaire relativement faible à la frontière pour le carbone, de l’ordre d’environ 3 %.

Avant de conclure, permettez-moi de commenter brièvement l’innovation liée à la tarification du carbone. Il y a au moins deux problèmes. Le premier est que si nous ne fixons pas de prix pour le carbone, le prix des combustibles fossiles est trop bas et il n’y a pas d’incitation à innover en investissant dans des technologies produisant peu de carbone. Imaginez un instant que le prix du pétrole atteigne 150 dollars le baril et y reste. Il y aurait une incitation supplémentaire considérable à innover dans le secteur des transports pour remplacer le pétrole.

Le deuxième problème est que le rendement social de la résolution ou de l’atténuation du dossier du carbone est beaucoup plus élevé que le rendement privé. Vous ne pouvez pas attendre des entreprises qu’elles dépensent des ressources et qu’elles consacrent les investissements nécessaires pour produire les types d’innovations dont nous aurons besoin pour avancer plus rapidement, à moins qu’elles ne puissent monétiser ce rendement. C’est un argument en faveur d’une sorte de rôle du gouvernement, par exemple dans le domaine de la subvention de la recherche pour promouvoir des technologies à faible production de carbone.

En résumé, les pays du monde entier ont essayé diverses approches pour atténuer le problème du carbone. Toutefois, peu d’entre eux ont introduit un prix important sur le carbone. Il existe toutes sortes de normes et de codes de construction, etc. Je n’enlève rien à la valeur de ces politiques. Les clubs sur le changement climatique, composés de groupes de pays ayant des prix du carbone similaires, et les tarifs douaniers sur le carbone aux frontières contribueraient grandement aux progrès. Merci.

Meredith Fowlie

Merci de me donner l’occasion de participer à cette conversation. Je ne suis pas avocate, mais économiste. J’étudie, entre autres, la conception et la mise en œuvre de la réglementation sur les gaz à effet de serre.

À vrai dire, je fais peut-être partie de l’équipe américaine aujourd’hui, mais je suis née et j’ai grandi au Canada, à Toronto, et je me considère comme une Canadienne, bien que vous ne puissiez probablement plus discerner mon accent canadien. Je vis en Californie depuis près de 15 ans maintenant. Mes commentaires seront donc tirés de mon État de résidence actuel.

Au cœur des problèmes dont nous parlons aujourd’hui se trouve une vérité dérangeante qu’Adonis a bien exposée : les politiques en matière de changement climatique sont incomplètes. Seul un sous-ensemble des émissions mondiales de gaz à effet de serre est soumis à une réglementation stricte. Et parmi les émissions qui sont réglementées, la rigueur de la réglementation varie beaucoup selon les partenaires commerciaux.

Cette situation représente un véritable dilemme pour les secteurs de compétence qui veulent agir de manière agressive en matière de politique climatique. S’ils imposent une réglementation à leurs propres producteurs et augmentent leurs coûts d’exploitation, ces producteurs réglementés pourraient perdre des parts de marché au profit de rivaux non réglementés. Les émissions de GES pourraient se trouver hors de la portée de la réglementation. Les économistes utilisent le terme « fuite » pour décrire le phénomène où, dans le processus de réglementation des émissions, vous induisez une augmentation des émissions dans les secteurs d’activité avec lesquels vous échangez.

Qu’est-ce qu’une juridiction soucieuse du climat a à voir avec ce problème? Et qu’en est-il de l’imposition d’un ajustement pour le carbone à la frontière? Les économistes ont écrit de nombreux articles explorant cette idée élégante selon laquelle un gouvernement qui impose une réglementation coûteuse sur ses propres émissions peut atténuer le déplacement des émissions en se tenant à la frontière et en imposant une taxe proportionnelle sur les émissions de gaz à effet de serre que comportent les produits qu’il importe.

C’est une idée convaincante en théorie. Mais la réalité est inévitablement plus compliquée. Pour élucider certaines de ces complications, je voulais partager quelques idées tirées de l’expérience californienne, car ici, en Californie, nous disposons effectivement d’une politique qui fixe le prix du carbone des importations d’électricité. Je pense qu’il y a des leçons à tirer de cette expérience du monde réel. En particulier, je pense que cet exemple permet d’attirer l’attention sur un compromis de conception clé qui peut être sous-estimé.

Tout d’abord, un peu de contexte. Lorsque la Californie a conçu son programme de plafonnement et d’échange, il était évident qu’elle devait trouver un moyen de réglementer les importations d’électricité. À l’époque, plus de la moitié des émissions liées à la consommation d’électricité en Californie provenaient de centrales électriques situées en dehors de la Californie et que nous importions.

De nombreux articles ont été rédigés pour montrer que les fuites d’émissions seraient vraiment importantes si nous nous contentions de réglementer les producteurs d’électricité en Californie, sans tenter de réglementer les émissions provenant de nos importations d’électricité. Pour résoudre ce problème, le programme californien de plafonnement et d’échange a été conçu pour réglementer les premiers fournisseurs d’électricité. Cela signifie que nous réglementons directement les émissions des centrales électriques à l’intérieur de la Californie, mais que, pour nos importations, nous taxons les importations d’électricité en fonction des émissions indirectes estimées pour ces importations.

Pour mettre en œuvre cette politique, il nous faut un moyen d’évaluer le carbone incorporé aux kilowattheures que nous importons. C’est une chose vraiment difficile, voire impossible, à faire avec une grande précision. La question est donc de savoir comment évaluer l’intensité des GES des importations. Il convient de souligner que cela constituera un défi majeur pour tout ajustement pour le carbone aux frontières.

L’approche la plus simple, qui n’est pas celle que la Californie a finalement adoptée, serait de choisir une valeur unique, une intensité de carbone par unité d’électricité importée, et de l’utiliser simplement pour évaluer les obligations de conformité pour chaque kilowattheure que nous importons, quel que soit l’endroit où nous l’importons. Le problème est que si l’on choisit un chiffre bas, on se trouve à sous-taxer les émissions et les importations d’un producteur à forte intensité de carbone tel qu’une centrale au charbon.

Nous appelons cela le « blanchiment » du carbone dans la mesure où certaines importations auront l’air plus propres qu’elles ne le sont en réalité. Mais si vous choisissez un chiffre élevé, vous faites injustement preuve de discrimination envers les importations à faible teneur en carbone. Par exemple, une éolienne en Californie ne paie rien, mais une éolienne au Nevada est traitée comme si elle était émettrice de carbone. Les avocats ici présents savent mieux que quiconque de quoi il en retourne, mais je crois comprendre que cette approche peut ressembler à du protectionnisme injuste.

Pour contourner ces problèmes, la Californie a imaginé une approche différente. Je simplifie un peu le principe, mais la structure de base est la suivante. La Californie met en place un ajustement carbone basé sur la source. Il y a une intensité de carbone par défaut — 0,428 tonne de CO2 par mégawattheure — que les exportateurs vers la Californie peuvent accepter. Mais si un livreur vers la Californie peut indiquer une source propre à l’extérieur de l’État et démontrer qu’il s’agit d’une ressource qui approvisionne la Californie, alors ce livreur revendique cette intensité de carbone faible (ou nulle).

Il peut sembler que cette approche basée sur la source a résolu le problème des fuites. Mais ce n’est pas le cas, car elle crée une incitation à vendre de préférence — du moins sur papier — les ressources les plus propres de l’extérieur de l’État à la Californie. Pendant ce temps, les producteurs à plus forte intensité de carbone seront réorientés pour alimenter d’autres charges dans les États qui ne sont pas soumis à la réglementation des émissions de gaz à effet de serre. Les économistes appellent ce phénomène « remaniement » ou « redistribution des ressources ». Quel que soit le nom que vous lui donnez, ce phénomène réduira l’empreinte carbone de la Californie sur papier, mais sous-estimera l’impact réel des importations d’électricité en Californie sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Lors de la conception de cette politique, les décisionnaires de la Californie ont pu constater que le remaniement pouvait être un problème. Ils ont donc initialement tenté d’éradiquer le problème par la voie du fiat. Les importateurs d’électricité étaient tenus d’attester qu’ils ne procédaient pas à un remaniement des ressources sous peine de parjure. Mais comme les avocats présents dans la salle le savent bien, il est difficile d’interdire quelque chose que l’on ne peut pas définir ou mesurer précisément. En fin de compte, l’État a dû revenir sur ses efforts pour interdire purement et simplement le remaniement des ressources et a plutôt introduit un ensemble de règles nuancées et de pratiques comptables destinées à atténuer le problème.

En tant qu’économiste qui étudie de manière empirique le fonctionnement des politiques de lutte contre le changement climatique dans la pratique, j’ai voulu comprendre l’impact de cette conception du rajustement pour le carbone à la frontière sur les importations d’électricité et les émissions de GES associées. Pour répondre à cette question de manière définitive, il me faudrait idéalement travailler dans des univers parallèles, c’est-à-dire un où la Californie met en œuvre son prix du carbone sans aucun ajustement du carbone à la frontière, et un autre avec un ajustement du carbone à la frontière.

Nous n’avons pas de mondes parallèles, mais nous disposons de modèles et de données. Nous avons donc utilisé un modèle détaillé du marché de gros de l’électricité dans l’Ouest pour simuler la répartition des centrales électriques dans des scénarios avec et sans ajustement carbone, afin d’essayer de comprendre dans quelle mesure la solution californienne semble fonctionner pour atténuer le problème de fuite ou de remaniement. Je voudrais brièvement souligner certaines conclusions clés.

La première était plutôt déprimante. Nous constatons que lorsque nous modélisons la répartition de l’électricité dans l’interconnexion occidentale, il y a beaucoup de ressources zéro carbone en dehors de la Californie; il y a donc un énorme potentiel de remaniement.

En principe, la Californie peut remanier sa façon de procéder pour obtenir des réductions importantes de gaz à effet de serre sur papier sans faire une entaille aux émissions occidentales, et c’est effectivement ce que nous avons constaté lorsque nous avons simulé, en 2019, les opérations d’un système électrique calibré pour correspondre à la structure du marché que nous observions en 2019. Nous n’avons vu aucune différence dans les émissions occidentales simulées, avec ou sans l’ajustement du carbone à la frontière.

Lorsque nous comparons nos émissions simulées aux émissions observées, les choses ne semblent pas aussi mauvaises. Les émissions observées sont inférieures à notre scénario le plus pessimiste. Quelle en est la raison? Difficile à dire de manière définitive. Les marchés de l’électricité sont vraiment complexes, nous ne pouvons pas capter toute cette complexité dans nos modèles, et il se peut donc que les émissions observées soient inférieures aux émissions projetées parce que nos tentatives d’atténuation du remaniement fonctionnent ou parce qu’il y a d’autres erreurs de spécification du modèle que nous laissons de côté.

La dernière idée que je souhaite avancer et qui, je l’espère, suscitera des discussions, est que dans notre travail de modélisation, nous envisageons également la troisième conception de politique. Un modèle dans lequel nous fixons un taux d’émission de carbone par défaut à la frontière et l’utilisons pour évaluer les obligations de conformité pour toutes les importations. Lorsque vous faites cela, vous constatez que si vous fixez un taux par défaut suffisamment élevé, vous pouvez avoir un impact modérateur sur la fuite des émissions, car vous facturez chaque importation comme si elle était associée à des émissions. Ainsi, à mesure que le taux par défaut augmente, la demande d’importations de la Californie diminue et nous constatons réellement un impact sur les émissions à l’échelle de l’Ouest.

Donc, une question pour les avocats dans la salle : Cette option est-elle sur la table? Pouvons-nous utiliser un taux par défaut pour essayer de saisir l’impact des importations californiennes sur les émissions occidentales, même si la ressource réelle qui fournit l’électricité sur papier a une intensité d’émissions inférieure à ce taux par défaut? Je pense qu’il existe un moyen de commencer à atténuer les fuites d’émissions plus efficacement que ce que permet la politique actuelle.

Pour conclure, je vous laisse avec deux brèves remarques. Tout d’abord, la tarification du carbone à la frontière, ou l’ajustement de carbone à la frontière, quel que soit le nom qu’on lui donne, va représenter un défi sur les marchés où les sources sont hautement substituables et où il y a beaucoup de variations dans l’intensité des émissions des sources sur le marché. C’est particulièrement le cas dans les marchés où l’on dénote beaucoup de fournisseurs à faible empreinte carbone ou à empreinte carbone nulle comme exportateurs potentiels vers votre marché.

Deuxièmement, la Californie a montré qu’il est possible pour une juridiction qui réglemente ses propres émissions de fixer le prix du carbone à ses frontières. La Californie continue d’expérimenter en matière de conception de politiques. Je vous encourage donc à continuer de suivre l’évolution de cette situation, car j’ai bon espoir que l’expérimentation future sera riche en enseignements pour les autres juridictions qui envisagent des approches politiques similaires et des moyens d’aller de l’avant. Sur ce, bonne discussion!

Neil Campbell

C’est un réel plaisir de faire partie d’un groupe d’experts aussi diversifié et je vais essayer, en tant que juriste, de me concentrer sur ce que les pays peuvent faire dans le cadre des règles du commerce international qui créent une partie du cadre contraignant, ou peut-être une partie du cadre habilitant, pour utiliser les ajustements de carbone aux frontières. Je vais parler de ce à quoi nous pensons le plus immédiatement, à savoir les taxes sur les importations. Si j’ai le temps, je parlerai un peu de l’opposé, qui est l’ajustement par des rabais sur les exportations.

La taxe à l’importation vise en fait à uniformiser les règles du jeu sur le marché intérieur en amenant les importations à un niveau concurrentiel. En d’autres termes, si l’on fixe le prix du carbone au niveau national, les produits importés qui sont en concurrence sur le marché intérieur supporteront au moins une certaine mesure comparable du coût du carbone. Un rabais à l’exportation va dans l’autre sens. Pour une industrie nationale qui exporte vers les marchés internationaux, comment uniformiser les règles du jeu pour que les producteurs nationaux — qui paient pour le carbone — puissent concurrencer les entreprises qui ne le font pas sur le marché international? Le concept de la remise consiste à supprimer ou à réduire les charges de carbone qu’ils paient au niveau national, afin qu’ils puissent être compétitifs au niveau international. Cela va évidemment dans une direction tout à fait différente de l’objectif de la politique environnementale.

L’Union européenne est le chef de file en matière d’ajustement de carbone aux frontières et propose quelque chose de concret. Le Canada réfléchit à des ajustements de carbone aux frontières et, espérons-le, nous nous engageons sur une voie où nous y arriverons bientôt. Je pense que l’une des réponses au défi lancé par nos deux économistes est que si vous parvenez à créer un « club » (pour utiliser la terminologie de W. Nordhouse) suffisamment grand, cela commence à avoir plus d’impact qu’une seule petite juridiction comme le Canada ou une seule grande juridiction comme l’Europe, en termes de prise de mesures.

Il existe deux principes fondamentaux du droit commercial profondément ancrés dans le système de l’OMC (dont presque tous les pays concernés sont membres) : le « traitement national » et le « traitement de la nation la plus favorisée ». Nous pouvons parler des ajustements de carbone aux frontières à ce niveau parce que des accords comme l’USMCA ou d’autres accords régionaux renvoient, en ce qui concerne les règles pertinentes du droit commercial, au cadre du GATT et de l’OMC.

Alors, comment faire pour ajuster le carbone sur les importations? Comme l’a dit Gordon, les tarifs douaniers ne sont en fait pas un concept très viable du point de vue du droit commercial. La plupart des tarifs sont consolidés dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ou GATT), de sorte que les pays ne peuvent pas simplement introduire de nouveaux tarifs (article II du GATT).

En revanche, ce que les pays peuvent faire, si cela est fait de manière appropriée, c’est introduire des taxes internes ou des régimes réglementaires internes avec des charges associées. Du point de vue de la conformité aux règles de l’OMC du GATT, l’élément clé lors de l’utilisation de ces deux types de mécanismes (ou « mesures », pour utiliser le jargon du droit commercial), est le traitement national (articles II et III du GATT). Le traitement national signifie fondamentalement la non-discrimination, et la comparaison pertinente se fait entre le traitement national des producteurs d’un pays et son traitement des importations des exportateurs étrangers.

Le deuxième principe clé, le traitement de la nation la plus favorisée ou « NPF », est également une norme non discriminatoire forte dans les accords commerciaux (article I du GATT). Ici, la préoccupation en matière de discrimination est de savoir si l’on traite tous les autres pays membres de l’accord commercial — tous les autres membres du GATT dans ce contexte — de la même manière. Cela pose des défis intéressants pour les ajustements de carbone aux frontières.

Permettez-moi de parler brièvement de l’Union européenne. Dans une nouvelle proposition faite en juillet, le mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières, la Commission européenne propose d’introduire les ajustements de carbone aux frontières en 2024. On compte deux ans de gestation pour obtenir les approbations de l’UE, puis quelques années d’introduction progressive prévue sur une base administrative avant que les aspects monétaires ne prennent effet. Ce long délai reflète une chose que Meredith a dite et qui mérite d’être soulignée : les détails des ajustements de carbone aux frontières vont être très complexes.

À ce stade, nous ne pouvons parler de l’UE qu’à un niveau conceptuel. Ce qu’elle a choisi de faire, c’est de recourir à une taxe à l’importation. Il s’agit clairement d’un positionnement pour la conformité à l’OMC. Cette taxe issue du mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières sera appliquée aux importations dans les mêmes secteurs clés qui paient pour le carbone au sein de l’UE — essentiellement les secteurs à forte intensité d’émissions et exposés aux échanges commerciaux. Selon ce concept, on fait payer les importations pour le carbone au niveau de l’UE — en d’autres termes, on croise la redevance d’importation avec le mécanisme de prix du système d’échange de quotas d’émissions de l’UE. Il peut y avoir certains détails de la mise en œuvre qui peuvent avoir de l’importance pour le respect du droit commercial, mais conceptuellement, c’est une voie assez sensée en ce qui concerne la tarification du point de vue de la non-discrimination en droit commercial.

Les aspects quantitatifs du mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières vont être compliqués. La proposition de l’UE sera basée sur la source, pour reprendre le point martelé par Meredith, et cela pourrait inclure des sources dans de nombreux pays qui n’ont pas de coûts de carbone. Cependant, il y aura d’autres pays comme le Canada où les producteurs paient pour le carbone. Par exemple, sous le régime fédéral canadien, vous pourriez payer quarante dollars canadiens par tonne actuellement. En comparaison, le prix actuel en Europe pourrait être de 60 euros par tonne. Conceptuellement, le point de vue européen consiste à faire plafonner la tarification des importations aux niveaux actuels de l’UE (dans l’année où l’on importe, à partir de 2026) par rapport à ce qui est payé sur le marché intérieur (article 9 du mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières). Nous devrions appréhender une grande complexité dans la mise en œuvre au sujet des quantités, de la mesure et de la vérification de la tarification du pays d’origine que vous payez en tant qu’exportateur canadien vers l’Europe, par exemple, mais en principe, vous paierez une taxe d’importation différentielle qui portera le coût total du carbone sur un produit destiné à l’Europe à un niveau correspondant au niveau national européen de tarification du carbone.

Cette conception est raisonnable du point de vue du traitement national. Le défi que pose le droit commercial est que si vous ne tenez pas compte du prix que l’exportateur peut payer à son pays d’origine, comme le Canada, alors vous facturerez l’équivalent complet de la tarification nationale du carbone sur les produits entrants qui ont déjà une tarification du carbone intégrée de la juridiction d’origine. Traiter cette importation d’une manière moins avantageuse pour la mesure de tarification du carbone de votre politique environnementale nationale serait problématique.

Le mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières prévoit la prise en compte du carbone de la juridiction d’origine et égalise fondamentalement le terrain de jeu avec le traitement national des producteurs dans le système européen SCEQE. Ainsi, la voie du traitement national semble être prometteuse. Mais l’UE devra également veiller à ne pas désavantager les étrangers par des mécanismes de mise en œuvre (par exemple, des désavantages tactiques et autres problèmes pour les produits importés).

Sur le front de la NPF, le mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières soulève une question sur les résultats différentiels. Si je suis un exportateur canadien, je pourrais être confronté à une charge en Europe de 60 euros moins 40 dollars canadiens, pour reprendre mon exemple ci-dessus, en utilisant les prix actuels. Cependant, si je suis un exportateur américain, je risque de payer une taxe d’importation plus élevée, car l’ajustement du carbone aux frontières en Europe ne comportera pas une réduction comparable pour les coûts du carbone domestique encourus aux États-Unis. Nous aurons alors affaire à deux partenaires commerciaux de l’Union européenne dont les exportations sont traitées différemment dans le résultat. Cependant, je dirais — et je pense que vous verrez cet argument mis de l’avant lorsqu’un dossier sera présenté au GATT — qu’ils sont traités de manière égale par une mesure qui est neutre dans sa conception objective (c’est-à-dire quant à la méthodologie qu’elle applique à tous les pays étrangers), et que cette situation est fonction de ce que les pays étrangers ont choisi de faire ou de ne pas faire qui crée une différence dans les résultats. À mon avis, des litiges seront soumis à l’OMC à ce sujet, mais je pense qu’il y a une voie à suivre pour arriver à un point où l’OMC trouvera un moyen, si vous concevez ces systèmes de manière objective et équitable, à accepter les différences de résultats.

La dernière chose à dire sur le GATT est qu’il existe quelques exemptions importantes qui pourraient être invoquées pour justifier les contraventions au traitement national ou au traitement NPF (alinéas XX(b) et (g) du GATT). L’une concerne les mesures nécessaires à la protection de la vie et de la santé humaines. Une autre concerne les mesures liées à la conservation des ressources épuisables. Je pense que la plupart des gens estiment que ce sont des exceptions potentiellement très plausibles à invoquer en ce qui concerne la tarification du carbone, étant donné la nature du problème auquel le monde est confronté.

Le défi est que ces exceptions sont assorties d’une exigence selon laquelle les mesures nationales ne doivent pas être mises en œuvre d’une manière qui constitue une discrimination arbitraire ou injustifiable, ou une restriction déguisée au commerce (voir la phrase introductive de l’article XX). Je pense que ces problèmes peuvent être gérés, mais cela constitue une mise en garde pour les pays en ce qui concerne la mise en œuvre de l’ajustement du carbone aux frontières. Vous ne pouvez pas dire que vous menez une politique qui est bonne pour la santé humaine et l’environnement, puis jouer à des jeux tactiques avec vos partenaires commerciaux et désavantager les producteurs étrangers sur le plan de la mise en œuvre, tout en prétendant que vous avez adopté une mesure en apparence neutre.

Permettez-moi de faire un bref commentaire sur la façon dont les remises à l’exportation se présenteraient dans un cadre de droit commercial. Il est à noter que, dans le cadre des consultations sur les ajustements du carbone aux frontières en cours actuellement, le gouvernement canadien dit envisager cette option.[2] Il le fait parce que le Canada est une juridiction orientée vers l’exportation, et que de nombreux fabricants vendent non seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier. Bon nombre de ces règles de jeu prévoient une tarification du carbone faible ou nulle pour les fabricants nationaux. Il est intéressant de noter que l’UE n’a pas introduit de mécanisme de rabais à l’exportation comme partie intégrante de son régime d’ajustement du carbone aux frontières, bien qu’elle ait fait des déclarations indiquant qu’elle reste intéressée à examiner les moyens de le faire si les rabais pouvaient être conçus d’une manière appropriée du point de vue du droit commercial.

En droit commercial, les rabais à l’exportation peuvent être très difficiles à concevoir. Le risque est grand, en fonction de la manière dont vous procédez, de créer effectivement une subvention à l’exportation. Aux termes du régime de l’OMC, de nombreuses subventions à l’exportation sont interdites. Il sera également beaucoup plus difficile pour les gouvernements, d’un point de vue politique, de dire qu’ils explorent les remises à l’exportation dans le cadre d’une politique sur le changement climatique. La justification politique du rabais est essentiellement la protection de la production nationale à forte intensité de carbone, et le rabais serait donc contraire à la politique environnementale nationale.

Sanjay J. Mullick

Heureux d’être des vôtres. Merci à la section canadienne de l’Energy Bar Association. Les États-Unis sont en retard sur de nombreux pays. Cela n’a certainement rien à voir avec un ajustement à la frontière pour le carbone (AFC). En août, une loi a été proposée au Congrès sous le nom de Fair Transition and Competition Act. Il s’agit d’un ensemble de différentes mesures relatives au changement climatique. Elle contient une mesure d’ajustement du carbone à la frontière dont j’aimerais discuter. Sa mise en œuvre est prévue pour le début de 2024. Il y a encore beaucoup à préciser à ce sujet. La législation confierait au département du Trésor la responsabilité de définir le coût environnemental. Une caractéristique qui la distingue peut-être des autres est qu’il y aurait des exemptions si d’autres pays n’ont pas d’AFC.

Pour répondre au point soulevé par Neil, il n’y aurait pas de rabais à l’exportation, du moins dans le cadre de ce projet de loi tel qu’il est proposé. On estime qu’il affecterait environ 10 à 12 % des importations aux États-Unis en utilisant un cadre similaire à celui que d’autres ont esquissé, à savoir l’intensité carbonique et le commerce exposé. Il en va de même en Europe : l’aluminium, le ciment, le fer et l’acier seraient les premiers à être soumis à l’AFC, mais aussi potentiellement le charbon, le gaz et le pétrole, et les produits qui sont considérés comme composés de plus de 50 % des types de produits principaux, comme l’aluminium, l’acier, etc.

En ce qui concerne le calcul de l’AFC, c’est là que les choses se compliquent un peu. Il est certain qu’en vertu de la loi américaine, peut-être, comme d’autres, la preuve est dans la consommation des règlements qui seraient finalement émis par les agences exécutives applicables. Nous sommes loin de cela. Essentiellement, l’on chercherait à définir et identifier d’une manière ou d’une autre les coûts environnementaux nationaux et à les multiplier par les émissions de gaz à effet de serre. Cela pourrait être fait au niveau de la production ou au niveau en amont, par exemple dans le cas du coût du carburant pour l’extraction.

Meredith et d’autres ont abordé certains points qu’il pourrait être intéressant de reprendre dans la discussion. La question est de savoir quelle est la valeur et la nature de l’information. Des bruits circulent sur ce qui se passerait en l’absence d’information et sur le genre de déductions que les organismes de réglementation pourraient faire.

Il reste un commentaire intéressant à aborder en termes de structures d’incitation potentielles. Mais cela doit être examiné dans le contexte d’autres législations. Pour l’instant, le programme Biden fait l’objet de nombreuses négociations. La question se pose de savoir si cela va se faire ou non.

Le président s’est montré peu engageant sur les tarifs sur le carbone. Il y a eu d’autres propositions. Le sénateur Wyden, par exemple, a parlé d’avoir un prix et une taxe sur le carbone pour aller de pair avec le tarif sur le carbone. Cela dit, ce n’est toujours pas défini.

Nous avons parlé de la manière dont le Trésor serait réellement autorisé ou habilité ou rendu responsable de la mise en œuvre de l’AFC. La secrétaire Yellen a reconnu que les tarifs du carbone pourraient être efficaces, mais elle a également averti qu’ils ne seraient pas le seul moyen d’atteindre les objectifs d’émissions.

Le principal représentant des États-Unis à la COP26 est l’ancien secrétaire d’État et sénateur John Kerry. Il est l’envoyé du président Biden pour le climat. Il a été distant en disant que les tarifs sur le carbone sont plutôt un dernier recours. On pense qu’il essaie vraiment de préserver les options en vue de Glasgow avant de se prononcer sur un point en particulier. Dans le même temps, d’autres suggèrent que si les États-Unis ne s’avancent pas comme d’autres l’ont fait avec quelque chose comme ça, nous pourrions nous retrouver un peu les mains vides à Glasgow.

Si vous établissez une comparaison avec le mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières que Neil a mentionné, les produits et les industries sont assez similaires. Comme Neil l’a précisé, l’UE est un peu plus ouverte à la possibilité d’un rabais à l’exportation. Il n’en est pas encore question dans la proposition fédérale américaine.

Le fait est que ce mécanisme fonctionne réellement dans le cadre du système d’échange d’émissions que l’EU possède et que les États-Unis n’ont pas. Cela est considéré comme un angle mort pour ce qui est de ne pas avoir un prix fixe pour le carbone.

Réunis ici à Washington, les représentants du FMI et de la Banque mondiale ont parlé de proposer quelque chose comme un prix du carbone de 75 dollars la tonne comme étant nécessaire à titre de partie intégrante d’un AFC.

Des points de vue ont également été exprimés par le secteur privé. La Chambre de commerce des États-Unis, qui représente 4 000 entreprises différentes, a souligné l’importance d’un prix fédéral du carbone. Elle préfère des solutions basées sur le marché plutôt qu’un AFC, car elle a averti qu’un AFC pourrait en fait étouffer le développement des technologies vertes naissantes. Enfin, le fait d’avoir des tarifs sur le carbone en l’absence d’un prix pour le carbone pourrait soulever un risque de réglementation du commerce international à l’OMC. Neil a fort justement résumé les questions clés à l’OMC en termes de dispositions d’infraction de non-discrimination et du traitment de la NPF. Par contre, je pense qu’il y a un élan autour des dispositions d’exception que Neil a mentionnées en termes de santé publique et de ressources épuisables.

C’est là un aperçu de ce qui se passe à Washington en ce qui concerne au moins une proposition fédérale américaine potentielle pour un AFC.

Gordon E. Kaiser

Je vais commencer à poser des questions à Meredith, principalement parce qu’elle a un cours à donner, mais surtout parce qu’elle est dans une position, disons, unique. La Californie a fait des efforts considérables dans ce domaine depuis longtemps et c’est un peu une question d’initié, mais lorsque les Européens se sont penchés sur ce sujet, ont-ils parlé à l’une des agences californiennes?

Meredith Fowlie

Je ne peux personnellement pas vérifier s’ils l’ont fait ou non. Je peux dire une chose, c’est que je pense que lorsque la Californie justifie les efforts considérables qu’elle fait, et qui sont parfois demandés par les Californiens qui paient des prix d’électricité plus élevés, par exemple, pour le leadership sur le climat, je veux dire que la Californie est responsable de moins de, je pense que c’est 0,7 % des émissions mondiales, donc nous ne pouvons pas faire cela pour réduire nos propres émissions parce que nous pourrions mener la Californie à sa perte et nous ne serions pas sur la carte des émissions mondiales, donc la Californie traite avec d’autres juridictions.

J’imagine qu’une partie de cela se produit parce que je sais que les gens du California Resources Board et d’autres organismes de mise en œuvre ont pour priorité de raconter ce que nous apprenons et les erreurs que nous faisons en Californie.

Je ne peux pas personnellement faire part des conversations qui ont lieu. Mais j’espère qu’elles auront lieu, car l’ambition climatique de la Californie consiste à aider d’autres juridictions à apprendre et à graisser les rouages de l’adoption de politiques lorsque cela fonctionne, et à éviter les erreurs que nous commettons en apprenant à nos dépens.

Gordon E. Kaiser

Une dernière question pour vous. Nous avons écouté Sanjay à ce sujet, ce qui est presque aussi déprimant que d’écouter CNN tous les soirs en regardant la machine gouvernementale américaine s’enrayer lentement. Si les Américains n’adhèrent pas à ce concept, est-il grillé? Mon argument est que nous ne verrons jamais un projet mondial émerger si les Américains sont hésitants.

Meredith Fowlie

La seule chose que je dirai, parce que je suis intrinsèquement optimiste, c’est qu’il est très facile de déprimer quand on regarde Washington, mais il y a eu des innovations formidables au niveau des États, et pas seulement en Californie, si vous regardez certains des États du nord-est également. Sous l’administration Trump, tout s’est passé au niveau des États et il y a eu beaucoup de mouvement et une certaine galvanisation de l’action des États étant donné ce qui se passait au niveau fédéral.

Mon résultat préféré serait de voir un mouvement fédéral coordonné et ambitieux sur le front du climat. Je pense que si cela ne se produit pas, si le passé est garant de l’avenir, il y a beaucoup d’États, une coalition croissante d’États, qui vont essayer de faire bouger les choses. Sanjay est à Washington et peut probablement donner une lecture plus précise de la situation actuelle.

Gordon E. Kaiser

Neil, vous comprendrez mieux que quiconque dans cette tribune comment le gouvernement fédéral doit se battre avec les provinces. Nous avons traversé trois années de litige sur la taxe sur le carbone, et trois des provinces s’y sont opposées. Le problème a finalement été résolu et elles ne sont toujours pas sur la même longueur d’onde. En écoutant la perspective que les Américains puissent donner un coup de pied au ballon sur le terrain, êtes-vous raisonnablement confiant que les Canadiens feront quelque chose?

Neil Campbell

Je suis convaincu que le Canada prendra des mesures concernant les AFC. Je pense qu’il est logique, même pour une petite juridiction comme le Canada, d’aller de l’avant et de le faire unilatéralement. Le point de départ est que, une fois que vous avez un prix sur le carbone à l’échelle nationale — qu’il s’agisse d’un système de plafonnement et d’échange, d’une taxe ou de toute autre forme que vous avez choisie — c’est presque une évidence d’ajouter les ajustements de carbone à la frontière sur une base d’importation.

Tout ce que vous faites avec la taxe à l’importation est de mettre les importations sur un pied d’égalité avec vos producteurs nationaux. C’est donc une étape politique facile une fois que vous avez franchi la première étape difficile de la réglementation ou de la tarification nationale du carbone. Vous pouvez avoir des industries en aval qui sont des circonscriptions affectées et qui pourraient se plaindre parce que vous supprimez les importations bon marché qui leur permettent d’éviter d’utiliser les intrants nationaux à coût élevé en carbone dans la production en aval. Mais le Canada vient de tenir une élection, et tous les partis politiques étaient en faveur des ajustements de carbone à la frontière, malgré d’autres différences dans les opinions et les politiques climatiques. Bien que nous ayons élu un gouvernement minoritaire, le fait que le parti au pouvoir et tous les partis d’opposition soutiennent les AFC signifie que nous verrons probablement adopter la version des AFC basée sur les droits d’importation. Les détails sont cependant compliqués, il faudra donc un certain temps pour mener des consultations et travailler sur tout cela.

Le gouvernement canadien a également souligné l’importance de penser à nos partenaires commerciaux — dans le cas du Canada, les deux plus importants dans ces secteurs à forte intensité d’émissions et exposés à la concurrence sont les États-Unis (environ 70 % du commerce) et l’Europe (environ 10 %).

L’un des attraits de l’adoption des AFC pour le gouvernement canadien est de devenir le deuxième acteur, après l’UE, à introduire les AFC en tant qu’initiative climatique. C’est une occasion de dire que nous sommes un leader et un modèle, avec des inconvénients économiques ou politiques nationaux relativement modestes. L’UE envisage de conclure des accords de mise en œuvre avec des contreparties, et je pense que le Canada aimerait être l’un des premiers pays à le faire avec eux. Si vous arrivez à un point où les États-Unis entrent également dans le jeu, l’Atlantique Nord deviendra un bloc de taille significative et cela commencera à faire pencher le monde dans son ensemble dans cette direction, car cette situation réduira le nombre de marchés sur lesquels les pays sans tarification du carbone pourraient vendre à bas prix.

D’autre part, je prévois que le Canada n’établira pas d’AFC ni de rabais à l’exportation. Je ne vois pas comment le gouvernement canadien qui introduirait des AFC avec redevances d’importation comme initiative climatique pourrait les concilier avec l’impact environnemental négatif d’un mécanisme de rabais. Il lui faudrait également obtenir le soutien d’au moins un autre parti pour diluer de la sorte le régime actuel de la politique du carbone du Canada.

Gordon E. Kaiser

Adonis, à vous. Vous avez soulevé un point, que personne d’autre n’a soulevé, à savoir que nous n’avons pas vraiment considéré de manière adéquate les répercussions de ce type de régime réglementaire sur l’innovation et le développement de produits et, je suppose, en particulier sur les nouvelles technologies nécessaires pour réduire les émissions de carbone. Est-ce vraiment une question qui va peser de manière significative dans cette affaire?

Adonis Yatchew

Avant d’en arriver là, permettez-moi de faire un commentaire sur un sujet qui nous préoccupait il y a un instant, à savoir le verre à moitié vide, à moitié plein en ce qui concerne les États-Unis. Winston Churchill a dit un jour que les Américains ne feront la bonne chose qu’après avoir tout essayé. Je dirais que la bonne chose à faire ici est de fixer un prix pour le carbone et ils y arriveront, et ils y arrivent petit à petit, avec le talent canadien. Aujourd’hui, le prix Nobel d’économie a été décerné. L’un des co-lauréats était David Card, qui est un collègue de ma collègue panéliste, Meredith Fowlie. Il est également Canadien. Je pense donc que, collectivement, il y a suffisamment de talents ici en Amérique du Nord.

En ce qui concerne l’innovation, si les hydrocarbures attirent une taxe sur le carbone et sont donc plus chers, cela favoriserait l’innovation, mais permettez-moi de suggérer qu’il y a plus de nuance ici avec le tarif frontalier du carbone. L’innovation ne se limite pas à l’innovation n’importe où, pour tout le monde. Le type d’innovation dont la Chine a besoin, ou dont l’Inde a besoin — et ce sont des centres dominants de croissance du carbone maintenant, certainement la Chine — le type d’innovation dont ils ont besoin, donc, pourrait être très différent de ce dont nous avons besoin en Amérique du Nord.

Où allez-vous placer les parcs éoliens et les panneaux solaires autour de New Delhi ou de Pékin? Leur solution est peut-être tout à fait différente de celle dont nous avons besoin.

Ces pays qui sont dans une phase différente de développement, et qui sont beaucoup plus densément peuplés, ont besoin d’incitations directes pour trouver des solutions, compte tenu de leurs circonstances particulières. Les ajustements aux frontières en matière de carbone constitueraient une incitation significative.

Je pense qu’au cœur du problème, toutes les innovations technologiques ne sont pas transférables, et je ne pense pas que nous consacrions suffisamment d’argent à l’innovation, proportionnellement au type d’innovation qui est transférable aux pays qui ont besoin de solutions différentes de celles que nous avons. C’est l’une des contributions qu’un tarif ou un ajustement à la frontière du carbone apporterait.

Gordon E. Kaiser

Sanjay, je vais vous donner le dernier mot. Vous pouvez conclure. La politique est impossible à prévoir. Vous semblez avoir un point de vue un peu négatif sur toute cette affaire. Avez-vous quelque chose de plus positif avec lequel vous pourriez terminer?

Sanjay J. Mullick

À court terme, je pense que la pression inflationniste dans le monde entier ne favorisera pas un élan vert. Au Royaume-Uni, il y a déjà des conduites de gaz. En Chine, l’une des raisons pour lesquelles le bitcoin est interdit est l’énergie qu’il consomme. L’Inde est déjà dépendante du pétrole. Les prix augmentent. Ces choses ne serviront à rien si l’on a l’impression qu’il y a maintenant des taxes et des tarifs douaniers en plus.

La Chine pourrait surprendre tout le monde à la COP26, côté innovation. Pourquoi? Parlons commerce. Elle veut entrer dans le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Quelle meilleure façon de montrer la Chine sous un nouveau visage que de faire quelque chose qui contribue à l’intérêt de tous? Peut-être ne devrions-nous pas être si inquiets au sujet de l’OMC, et si elle pourrait donner lieu à des AFC. Je dis cela parce que, d’une certaine manière, l’OMC tient sa propre COP26 en décembre, sous le nom de CM12, la Conférence ministérielle 12.

Il s’agit de l’organe décisionnel le plus élevé de l’OMC. Il se réunit tous les deux ans et a entamé une discussion et un dialogue sur le commerce et la durabilité environnementale, et c’est l’un des points de l’ordre du jour pour décembre. Récemment, lors d’une réunion, l’un des directeurs généraux adjoints a renversé le scénario, a parlé de la façon dont l’héritage, l’environnement, était utilisé comme une sorte d’obstruction au commerce, comme un prétexte pour le protectionnisme, mais a dit que maintenant, c’est le contraire. Les pratiques non durables, voilà ce qui est considéré comme un obstacle au commerce. Il a fait, je pense, deux déclarations très intéressantes et précises lors de cette réunion qui, je crois, a eu lieu le 1er octobre. Il a parlé spécifiquement d’un prix du carbone et du fait qu’un prix mondial du carbone est, entre guillemets, la première et la meilleure approche. Deuxièmement, il a fait un commentaire général sur la façon dont les intervenants de l’OMC doivent se demander s’ils veulent résoudre le problème par, disons, la coopération ou les litiges. Ces mots sont intéressants, mais je vais vous dire pourquoi je pense qu’ils le sont particulièrement.

Il y a dix ans, l’OMC a publié un document intitulé L’interface entre le commerce et le changement climatique. C’était il y a dix ans, beaucoup de choses ont changé, je le comprends, mais ce document passait en revue bon nombre des mêmes dispositions que celles dont nous avons parlé, et que Neil a également abordées. Mais ce que j’ai trouvé intéressant, et c’est littéralement une coïncidence (n’hésitez pas à le vérifier), je respecte le fait que l’OMC ait publié toutes sortes de documents; dans les conclusions, quelques points ont été soulevés. L’une d’entre elles consistait à discuter de l’article 20, c’est-à-dire les exemptions aux dispositions commerciales conformes à l’OMC. Il a littéralement été mentionné que la première et la meilleure option est un accord international. Il a également été littéralement dit que les intervenants réfléchissent à l’interface entre le changement climatique et la politique commerciale, et que les gouvernements doivent privilégier la négociation plutôt que les litiges.

Quelle est la leçon à retenir? En fin de compte, l’OMC n’est pas un document, c’est un organisme. Elle doit agir. Beaucoup de gens ont dit qu’elle n’est plus efficace. L’organe d’appel a été décrit comme étant en crise. La directrice générale a récemment laissé entendre qu’elle pourrait démissionner, comme l’avait fait le précédent directeur général. Je laisse entendre que l’OMC est peut-être en train de fortement suggérer un prix du carbone, et si vous en avez un, vous pouvez être à l’épreuve de l’OMC, et que le fait d’y aller avec des différends n’est pas vraiment la voie à suivre.

Gordon E. Kaiser

C’est tout à fait vrai. Ce que vous voulez dire, c’est que l’OMC cherche peut-être une occasion de faire figure de chef de file et de se montrer sympathique pour une fois.

Sanjay J. Mullick

Je suis d’accord.

Gordon E. Kaiser

Je vais céder la parole à Anna Fung et lui demander si elle peut nous expliquer de quoi il en retourne.

Anna K. Fung, c.r.

Je tiens à vous remercier, Gordon, d’avoir réuni à vous seul un groupe d’experts aussi brillant sur toute la question de savoir si le Canada et les États-Unis peuvent s’entendre sur un tarif sur le carbone. Je pense que nous pouvons tous convenir, après avoir entendu les présentations de cet après-midi, que nous le pouvons, et même que nous le devrions. Cela va toutefois exiger beaucoup de travail et un certain degré de coopération et de négociation.

Je tiens également à remercier les membres de l’équipe canadienne, Adonis Yatchu et Neil Campbell, d’avoir présenté leurs points de vue, ainsi que leurs dignes adversaires, Meredith Fowlie et Sanjay Mullick de l’équipe américaine. Je tiens à remercier Meredith de nous avoir fourni quelques nouveaux mots à utiliser en termes de « blanchiment » de carbone et de remaniement des ressources. Je les utiliserai chaque fois que je le pourrai en tant que commissaire à la BC Utilities Commission lorsque nous traiterons des questions relatives à la taxe sur le carbone.

La Colombie-Britannique a une taxe sur le carbone depuis 2008. Elle était au départ de dix dollars par tonne métrique. Elle est maintenant passée à cinquante dollars en Colombie-Britannique. C’est plus élevé que la taxe fédérale sur le carbone.

Je vous remercie encore, à la fois les membres du panel et nos auditeurs, au nom de l’Energy Bar Association et en particulier de la section canadienne.

PROCHAINES ÉTAPES

Dans l’introduction de cet examen du webinaire, nous avons mentionné qu’en termes de politique énergétique, la question d’un tarif sur le carbone était une épine dans le pied. Il s’avère qu’il y a également un autre élément (externe) à prendre en considération. Il s’agit de la Chine. Le concept d’ajustement aux frontières pour le carbone (AFC) pourrait s’avérer être la question la plus brûlante de l’analyse multilatérale du changement climatique.

Peu de temps après cette table ronde, la COP26 a ouvert ses portes à Glasgow. Elle a rapidement été connue sous le nom de « COP-out » (échappatoire). La Chine produit près de 30 % des émissions de dioxyde de carbone dans le monde. M. Xi Jinping ne s’est même pas présenté à la COP26. La Chine continue d’augmenter sa capacité de centrales électriques au charbon. L’impasse de dernière minute à la COP26 par l’Inde concernant la production d’électricité au moyen du charbon n’a pas aidé non plus.

L’AFC sera un dossier long et difficile. Qu’on le veuille ou non, c’est probablement le plus important de l’heure.

LES MEMBRES DU PANEL

Gordon E. Kaiser
Energy Law Chambers, Toronto

Gordon E. Kaiser est avocat et arbitre en droit de l’énergie et de la concurrence; il exerce à Toronto et à Calgary.

Il est ancien vice-président de la Commission de l’énergie de l’Ontario et ancien administrateur de la surveillance du marché en Alberta. Avant cela, il était associé dans un cabinet d’avocats national où il a plaidé devant les tribunaux de cinq provinces, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada.

M. Kaiser a conseillé l’Alberta Utility Commission et la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) de l’Ontario sur des règlements en vertu de la Loi sur l’électricité et le procureur général du Canada sur des règlements en vertu de la Loi sur la concurrence. Il a agi dans des litiges portant sur des installations de transmission et de pipelines, des accords d’achat d’énergie, des contrats d’approvisionnement en gaz et des contrats d’énergie éolienne et solaire. Il est l’éditeur de Energy Law and Policy et de The Guide to Energy Arbitration. Pendant un an, il a été professeur invité en droit et en économie à la faculté de droit de l’Université de Toronto. Il est actuellement coprésident du Forum canadien sur le droit de l’énergie, directeur de la rédaction de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie et président de la section canadienne de l’Energy Bar Association.

Neil Campbell
McMillan LLP, Toronto

M. Campbell est coprésident des groupes Concurrence et Commerce international de McMillan et associé du groupe Énergie, basé à Toronto. Sa pratique du droit de l’énergie est axée sur les questions relatives au marché de l’électricité, notamment en ce qui concerne la production, les charges, les énergies renouvelables/la conservation, les contrats d’approvisionnement, les importations/exportations et les questions de réglementation, ainsi que les questions de concurrence et d’investissement étranger dans le secteur du pétrole et du gaz. Il est l’ancien président du Comité de surveillance du marché de la Commission de l’énergie de l’Ontario (2007–2012). La pratique de M. Campbell en matière de droit commercial comprend les procédures antidumping et antisubventions, les contrôles à l’exportation, les sanctions et les accords commerciaux internationaux. Il est membre de la liste des panélistes pour les procédures de règlement des différends des groupes spéciaux binationaux de recours commerciaux en vertu du chapitre 10 de l’accord États-Unis-Mexique-Canada (ACEUM).

La pratique de M. Campbell en matière de droit de la concurrence comprend la représentation de clients dans des litiges relatifs à des fusions, des conduites unilatérales, des cartels et des recours collectifs, ainsi que des examens d’investissements étrangers en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Il est particulièrement expérimenté dans les domaines de l’énergie, des services financiers, des soins de santé, des produits pharmaceutiques/chimiques, du transport et d’autres secteurs réglementés. Il est également rédacteur et collaborateur mondial du Cartel Regulation desk book, ancien coprésident de la section Antitrust de l’IBA et membre de la haute direction de la section Droit de la concurrence et de l’investissement étranger de l’ABC.

Adonis Yatchew
Université de Toronto
Rédacteur en chef, The Energy Journal

Les recherches d’Adonis Yatchew portent sur l’économie de l’énergie et de la réglementation, ainsi que sur l’économétrie. Depuis l’obtention de son doctorat à la Harvard University, il a enseigné à l’Université de Toronto. Il a également occupé des postes de professeur invité à l’Université de Chicago, au Trinity College de Cambridge et à l’Australian National University, entre autres. Il a rédigé un texte de cycle supérieur sur les techniques de régression semiparamétrique publié par la Cambridge University Press.

M. Yatchew a occupé diverses fonctions éditoriales auprès du Energy Journal depuis 1995 et en est actuellement le rédacteur en chef. Il conseille des entreprises des secteurs public et privé sur des questions d’énergie, de réglementation et d’autres dossiers depuis plus de 30 ans et a témoigné dans de nombreux litiges et procédures réglementaires.

Il enseigne également au premier cycle et au deuxième cycle en économie de l’énergie, donne des cours de deuxième cycle en économétrie et des cours sur les « grandes idées » portant sur l’énergie et l’environnement avec des collègues du domaine de la physique et des études classiques. En juin 2018, l’International Association for Energy Economics lui a remis un prix pour sa contribution exceptionnelle à la profession.

Meredith Fowlie
Université de Californie à Berkeley

Meredith Fowlie est professeure au département d’économie agricole et des ressources et titulaire de la chaire dotée de la classe de 1935 en énergie à l’Université de Californie à Berkeley. Elle est directrice de la faculté de l’Energy Institute à la HAAS et associée de recherche au National Bureau of Economic Research.

Mme Fowlie a beaucoup travaillé sur l’économie des marchés de l’énergie et de l’environnement. Ses recherches portent sur les réglementations environnementales basées sur le marché, l’économie de la pollution atmosphérique, la réglementation du marché de l’électricité et les réglementations incomplètes sur les GES. Elle est actuellement membre, nommée par le gouverneur, du comité consultatif indépendant du marché des émissions de la Californie. Elle est membre du conseil consultatif économique du Environmental Defense Fund, du conseil consultatif du Brookings Institution Center on Regulation and Markets, membre du comité scientifique de la Chaire Économie du Climat et du comité directeur du National Bureau of Economic Research (NBER), Environmental and Energy Economics Program. Ses travaux ont été publiés dans l’American Economic Review, le Journal of Political Economy, le Quarterly Journal of Economics et le Review of Economic Studies, entre autres revues de premier plan.

Sanjay J. Mullick
Kirkland & Ellis LLP, Washington D.C.

Sanjay J. Mullick est associé chez Kirkland & Ellis LLP à Washington, DC. M. Mullick conseille les entreprises, les sociétés de capital-investissement et les institutions financières sur les contrôles des exportations, les contrôles de la chaîne d’approvisionnement en matière de sécurité nationale et l’évaluation des risques de sanctions économiques dans le cadre d’investissements, d’offres et de fusions et acquisitions. Il mène également des enquêtes internes, s’occupe des divulgations volontaires, et conçoit et met en œuvre des programmes de conformité aux contrôles commerciaux.

M. Mullick représente des entreprises américaines et des gouvernements étrangers dans des procédures de recours commerciaux, y compris des enquêtes sur les droits antidumping et compensateurs et des accords de suspension devant le département du Commerce, l’International Trade Commission et le Tribunal du commerce international. Il conseille des entreprises et des gouvernements dans le cadre d’arbitrages et de litiges internationaux, notamment des procédures de règlement des différends en vertu des dispositions relatives aux investissements de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et des traités bilatéraux sur les investissements, administrés selon les règles du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) et du Comité des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).

Anna K. Fung, c.r.
Vice-présidente du conseil d’administration, British Columbia Utilities Commission

Mme Fung a obtenu son baccalauréat en droit de l’Université de la Colombie-Britannique et a été admise au Barreau de la Colombie-Britannique en 1985. Avant de rejoindre la British Columbia Utilities Commission en tant que commissaire, elle a passé plus de 20 ans à pratiquer le droit en tant qu’avocate-conseil, dont 15 ans en tant qu’avocate principale chez Terasen Inc. (maintenant Fortis Inc.). Elle a été conseillère élue de la BC Law Society pendant 10 ans et en a été la présidente en 2007. Elle a reçu plusieurs prix, notamment le R.V.A Jones Corporate Counsel Award, le BC Community Achievement Award, le YWCA Woman of Distinction Award et le UBC Law Alumni Achievement Award. Elle a également été présidente de l’Association canadienne des conseillers juridiques d’entreprises, de l’Association of Chinese Canadian Professionals, de la People’s Law School et de la BC Autism Association. Elle est l’auteur de plusieurs publications juridiques sur la pratique du conseil d’entreprise et le droit autochtone.

Elle a été directrice de l’administration aéroportuaire de Vancouver, de la Vancouver Foundation, de la Law Foundation, de la Continuing Legal Education Society et de l’Arts Club Theatre Society. Elle est également présidente de la BC Unclaimed Property Society et directrice de l’association des anciens étudiants de l’UBC.

  1. Commission européenne, Fiscalité et Union douanière, « Carbon Border Adjustment Mechanism » (14 juillet 2021), en ligne : <ec.europa.eu/taxation_customs/green-taxation-0/carbon-border-adjustment-mechanism_en>.
  2. Ministère des Finances du Canada, « Explorer les ajustements à la frontière pour le carbone pour le Canada » (dernière modification le 5 août 2021), en ligne : <www.canada.ca/fr/ministere-finances/programmes/consultations/2021/ajustements-frontiere-carbone/explorer-ajustements-frontiere-carbone-canada.html>.

Laisser un commentaire