La construction de nouveaux pipelines ou encore l’expansion, le renversement du débit ou le changement de vocation de pipelines existants ont toujours soulevé la controverse au Canada. Ils ont presque toujours mené à des demandes de révision judiciaires ou d’appel. Considérons par exemple, les efforts déployés afin d’obtenir un permis pour le pipeline de gaz naturel Makenzie (et ses variantes) dans les années 19701, le pipeline Norman Wells dans les années 19802 et le pipeline Express dans les années 19903. Toutefois, ces expériences ne nous ont pas vraiment préparés aux nombreuses demandes de pipeline dont l’Office national de l’énergie (ONE, l’Office) est actuellement saisi, ni aux nombreuses demandes de contestation soumises à la Cour d’appel fédérale par des parties intéressées. Plus tôt cette année (2015), l’Office a créée une nouvelle page sur son site web afin d’aider les utilisateurs à suivre l’évolution des demandes devant la Cour d’appel fédérale4, puisqu’elle est consciente de la situation.
Le présent article vise humblement à fournir une description détaillée de l’état d’avancement des pipelines pertinents et des demandes de nature judiciaire. En premier lieu, on examinera le cadre juridique de la Loi sur l’Office national de l’énergie5 (LONE) et de la Loi sur les Cours fédérales6, lesquelles régissent le fonctionnement de l’ONE et de la Cour d’appel fédérale. Ensuite, des propositions importantes de pipeline et des demandes connexes de nature judiciaire seront traitées,
Cadre juridique
Personne ne peut construire ou exploiter un pipeline interprovincial ou international sans avoir obtenu préalablement un certificat d’utilité publique (CUP) délivré par l’ONE7. La procédure de délivrance d’un CUP oblige maintenant l’ONE à préparer un rapport et à formuler une recommandation sur la délivrance d’un certificat du gouverneur en conseil; ce dernier doit soit renvoyer, accepter ou rejeter cette recommandation.
L’Office peut recommander l’approbation ou le rejet; toutefois peu importe sa recommandation, elle doit indiquer les modalités et les conditions qu’elle « estime utile, dans l’intérêt public »8 si le projet va de l’avant. L’article 22(4) de la LONE précise que le rapport de l’ONE « ne constitue ni une décision ni une ordonnance de celui-ci » en vertu de l’article 22(1) de la Loi, ce qui suppose que ce rapport ne peut être porté en appel devant la Cour d’appel fédérale, avec l’autorisation de celle-ci, sur une question de droit ou de compétence en vertu du même article de la Loi9. Cependant, cela ne signifie pas qu’il ne peut y avoir de révision judiciaire ou de demande relativement à un rapport en raison de l’interprétation de l’article 18.5 de la Loi sur les cours fédérales10. La jurisprudence semble indiquer que cet article exclut une demande de révision judiciaire uniquement dans la mesure où il est réellement possible d’en appeler de la décision11. Le tribunal de première instance de la Cour fédérale n’a aucune compétence sur l’ONE12.
Alors que le gouverneur en conseil peut exiger de l’Office qu’elle reconsidère une des recommandations ou l’une des modalités qu’elle a émise13 dans le cours normal des choses, le gouverneur en conseil pourrait par décret ordonner à l’Office d’émettre ou rejeter un certificat d’utilité publique sous réserve de conditions du rapport14. Il doit être justifié avec des motifs15, et l’article 55 de la Loi prévoit expressément le contrôle judiciaire, sur autorisation, à la Cour d’appel fédérale16.
La construction d’un nouveau pipeline de grand diamètre déclenchera également un examen en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)17 (LCEE 2012) ou l’ancienne version de celle-ci. Dans le précédent cadre de la loi, la participation d’un organisme provincial menait les projets à un renvoi devant la Commission d’examen conjoint (CEC). Cela pouvait avoir comme effet de compliquer les conditions de l’examen judiciaire de la CEC.
Dans le cas de pipelines visés par un règlement fédéral, un rapport de la CEC décharge la Commission de sa responsabilité en vertu de la LCEE et de la LONE. Dans la mesure où les commissions de la LCEE ne sont pas énumérées en vertu de l’article 28 de la LCF en tant que conseil, commission ou autre type de tribunal fédéral sous la juridiction de surveillance exclusive de la Cour d’appel fédérale, il s’ensuit que tout contrôle de cet aspect de la responsabilité de la CEC relève du tribunal de première instance de la Cour fédérale. Par conséquent, dans les dossiers concernant la CEC, les parties intéressées peuvent choisir de procéder devant le tribunal de première instance de la Cour fédérale (en fonction des responsabilités de la commission en vertu de la LCEE) ou devant la Cour d’appel fédérale (en ce qui a trait aux questions relevant de l’ONE)18 . Ce fut le cas dans le litige qui a suivi l’approbation du pipeline Express. Dans cette affaire, les parties intéressées se sont entendues pour regrouper les questions lors d’une audience devant la Cour d’appel fédérale. Dans ce jugement, le juge Hugesson a commenté comme suit sur cette manière de procéder19:
[Traduction] bien que la procédure suivie par les demandeurs ne nous ait pas été exposée (puisqu’il était clair qu’au moins l’une des demandes s’avérait la bonne méthode de mise en cause), nous croyons qu’il faut tout de même la commenter brièvement. En termes de politique juridique et d’économie, il nous semble que, si le rapport de comité et la mesure subséquente prise par une autorité responsable sont contestés, ces contestations doivent dans la mesure du possible être entendues ensemble et par la même cour. Par conséquent, dans les cas comme celui-ci où l’autorité responsable est l’une de celles énumérées à l’article 28 de la Loi sur les cours fédérales, la révision judiciaire doit commencer devant la Cour d’appel (pour l’autorité responsable), ou être transférée à celle-ci (pour la commission).
Par ailleurs, dans les cas comme celui-ci, où l’autorité responsable est l’une de celles dont les décisions peuvent être portées en appel devant cette Cour et où la révision judiciaire est par conséquent limitée aux modalités de l’article 18.5 de la Loi sur les cours fédérales, la voie préférable consisterait à autoriser la demande d’appel. C’est particulièrement le cas en l’espèce, où la commission et l’autorité responsable sont de fait (et, selon nous, de droit) la même entité même si elles exercent leurs fonctions en vertu de plus d’une loi.
Bien que cette législation peut s’avérer pertinente dans le projet du Northern Gateway d’Enbridge (le projet fait l’objet d’une commission d’examen conjoint (CEC)), il est peu probable que cette commission d’examen conjoint concerne l’ONE et la LCEE 2012 dans le futur puisque la LCEE 2012 accorde le pouvoir à la l’ONE de procéder à ses évaluations sans son approbation20.
Projets
Dans la perspective de la procédure d’obtention d’un CUP et de la supervision judiciaire de l’ONE, regardons à présent les différents projets de l’ONE/CEC qui font actuellement l’objet d’une révision judiciaire ou de demandes d’appel. On se penchera sur le projet Northern Gateway d’Enbridge, le projet de la canalisation 9B d’Enbridge, le projet d’agrandissement du réseau Trans Mountain et le projet Énergie Est de TransCanada.
Projet Northern Gateway d’Enbridge
Le projet Northern Gateway d’Enbridge a pour but la construction et l’exploitation de deux pipelines situés entre Bruderhiem en Alberta et Kitimat en Colombie-Britannique, ainsi que la construction et l’exploitation d’un terminal maritime et d’installations d’arrimage et de stockage connexes à Kitimat. Un pipeline servirait au transport du pétrole avec une capacité de 525 000 barils par jour tandis qu’un autre servirait au transport de condensat avec une capacité de 193 000 barils par jour. Le projet a été renvoyé devant une CEC et cette dernière a remis son rapport final sur le projet le 9 décembre 201321. En vertu de la LCEE), la CEC avait la responsabilité d’évaluer les effets possibles du projet sur la population, l’environnement, leur importance et la manière dont ils pourraient être atténués, puis déterminer si le projet satisfaisait au critère d’utilité publique de la LONE22. La CEC a recommandé l’approbation du projet, sous réserve de 209 conditions. Ce faisant, la CEC a conclu que le projet, en combinaison avec les effets d’autres projets, pourrait avoir un impact environnemental négatif important sur certaines populations de caribou des bois et d’ours grizzly (espèces listées dans la Loi sur les espèces en péril23), suivant l’application de toutes les mesures d’atténuation des risques comprises dans le projet Northern Gateway. Néanmoins, la CEC a indiqué que ces effets indésirables pourraient être justifiés en vertu des circonstances24. Parmi les circonstances particulières qui ont mené à cette conclusion, on note la diversification que subirait les marchés pétroliers et l’approvisionnement en condensat au Canada, ainsi que d’autres avantages économiques et sociaux 25.
Comme il a déjà été abordé dans un numéro précédent de cette Publication trimestrielle26, différentes révisions judiciaires et demandes d’appel ont été lancées à la suite du rapport de la CEC et de la décision du gouverneur en conseil. Toutes ces demandes ont été réunies27 et une audience est prévue à l’automne 2015. Mon article précédent comportait une discussion sur les plaidoiries relatifs à ces demandes (août 2014) et les lecteurs voulant en savoir plus devraient s’y référer28.
La présente partie porte sur trois décisions interlocutoires qui ont depuis été publiées29. Les deux premières décisions ont été rendues par le juge Stratas, le 27 janvier 2015. L’enjeu de la première affaire, Forest Ethics Advocacy Association c Northern Gateway Pipelines Inc,30 est simple et consistait à savoir si l’ONE devait être ajouté comme intimé dans une demande particulière, A514-14, l’ONE ayant déjà obtenu le statut d’intimé dans des demandes réunies. Les appelants se sont opposés à ce que l’ONE obtienne le statut d’intimé indiquant qu’il devrait être traité comme intervenant au motif qu’un tribunal n’avait que des droits de participation restreints relativement à un appel ou une révision judiciaire de l’une de ses décisions. Le juge Stratas a conclu que l’observation de l’Office démontrait que celui-ci était bien conscient des limites de sa participation mais, qu’étant donné qu’au sens technique la demande est un appel d’une décision de l’Office, celle-ci devait être intimé.
La deuxième décision, Gitxaala Nation c Northern Gateway Pipeline Inc31, rendue en janvier, traite de la mesure dans laquelle les parties sont en mesure d’ajouter des affidavits au dossier. La Cour a anticipé cette question dans son ordonnance de consolidation en décembre 2014. Dans cette ordonnance, la Cour a déclaré qu’elle ne permettrait pas de témoignage par affidavit concernant des questions constitutionnelles qui n’ont pas déjà été soulevées devant l’Office. Le motif apporté était que, comme l’ONE a compétence sur les questions constitutionnelles, tout effort pour soulever de nouvelles questions viendrait indûment contourner l’Office32. Dans cette demande d’autorisation visant la production de preuves au dossier, le juge Stratas a noté que la plupart des affidavits reposent sur la question de savoir s’il y a obligation de consulter33.
Le juge Stratas a permis le dépôt d’affidavits, mais a laissé la responsabilité à la commission qui entend l’affaire de déterminer leur admissibilité. Bien qu’il n’a pas été clair dans quelle mesure les affidavits peuvent soulever de nouvelles questions constitutionnelles, le juge Stratas a néanmoins fait référence à plusieurs précédents laissant entendre que les tribunaux sont plus souple concernant l’admissibilité de nouvelles preuves dans les dossiers concernant les peuples autochtones34. En dépit du fait, qu’il ne soit pas convaincu du raisonnement, le juge Stratas a reconnu que cette question particulière n’avait jamais été prise en considération par la Cour d’appel auparavant35. Il a également laissé à la commission chargée d’entendre l’affaire le soin de trancher la question quant au critère d’admissibilité d’une nouvelle preuve dans un appel prévu par la LONE.Ce dit critère est établi dans Palmer c La Reine36 ou par une norme de droit administratif37.
Dans la troisième affaire, Gitxaala Nation c Northern Gateway Pipelines Inc38, le juge Stratas devait rendre une décision sur deux demandes d’intervention contestées – l’une d’Amnistie Internationale (Amnistie) à l’appui des appelants et une deuxième de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) à l’appui des intimés. Le juge Stratas a pris en considération les deux demandes à la lumière de sa propre décision dans Canada (Procureur général) c Première Nation Pictou Landing39, dans laquelle le critère suivant est établi40 :
- La personne qui désire intervenir s’est-elle conforme-t-elle aux exigences procédurales particulières énoncées à l’article 109(2) des Règles? La preuve présentée à l’appui estelle précise et détaillée? Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est négative, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer adéquatement les autres facteurs et doit par conséquent refuser d’accorder le statut d’intervenant. Si la réponse aux deux questions est affirmative, la Cour est en mesure d’évaluer adéquatement les autres facteurs et de déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, il convient d’accorder le statut d’intervenant.
- La personne qui désire intervenir a-telle un intérêt véritable dans l’affaire dont la Cour est saisie, permettant ainsi de garantir à la Cour qu’elle possède les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et qu’elle les consacrera à l’affaire dont la Cour est saisie?
- En participant au présent appel de la manière qu’elle se propose, la personne qui désire intervenir fournitelle à la Cour d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront effectivement à la prise d’une décision?
- Est-il dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’intervention? Par exemple, si l’affaire dont la Cour est saisie comporte-t-elle une dimension publique importante et complexe, de sorte que la Cour doit prendre connaissance d’autres points de vue que ceux exprimés par les parties à l’instance? La personne qui désire intervenir atelle participé à des procédures antérieures concernant l’affaire?
- L’intervention désirée estelle incompatible avec les exigences énoncées à l’article 3 des Règles, à savoir de permettre « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible »? L’intervention devrait-elle être assujettie à des conditions qui pourraient répondre aux exigences prévues à l’article 3?
Amnistie a proposé de mettre l’accent sur les questions de droit international dans le cadre de son intervention. Le juge Stratas a accepté la demande d’Amnistie, à certaines conditions. Selon le juge, cette intervention « [Traduction] avait une portée trop grande » dans la mesure où elle laisse entendre que « [Traduction] le droit international est, à plusieurs égards, très général sur toutes les questions »41. Selon ce point de vue, le droit international peut s’appliquer à la question en l’espèce, et ce, de l’une de deux façons. Premièrement, s’il existe plusieurs interprétations d’une même disposition législative, la cour doit privilégier une interprétation que ne placerait pas le Canada en violation de ses obligations internationales. Deuxièmement, le droit international peut également s’appliquer à l’égard d’un pouvoir discrétionnaire, même si dans ce contexte il serait probablement nécessaire de démontrer qu’il ne serait pas raisonnable pour le décideur de ne pas se conformer au droit international42 :
[Traduction] Cette omission peut rendre la décision déraisonnable, ou non. Cela dépend en grande partie de l’importance de la norme du droit international en l’espèce, ainsi que de l’étendue de la marge d’appréciation ou des issues acceptables pouvant se justifier qu’utilise le décideur dans l’interprétation et l’application de la disposition législative autorisant sa décision : voir, par exemple, Canada (ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56 aux paragraphes 88 à 105.
Bien que ces deux situations représentent simplement des cas où le droit international peut s’avérer pertinent dans l’application du droit interne, plutôt qu’un énoncé exhaustif de la pertinence du droit international, elles servent à rappeler à l’avocat qu’il ne suffit pas d’invoquer le droit international, mais qu’il est également nécessaire de démontrer la manière dont l’application ce droit peut faire une différence relativement au résultat.
Le juge Stratas s’est montré très prudent en ce qui a trait à la relation entre l’obligation de consultation et d’accommodation des peuples autochtones de la Couronne et le droit international. En l’espèce, le juge Stratas a observé que43 :
[Traduction] Dans le cas de l’obligation de consulter, les décisions de la Cour suprême nous lient et elles ont défini l’obligation avec une certaine particularité. Nous ne sommes pas libres de modifier la loi de la Cour Suprême sur le fondement d’observations du droit international qui nous sont soumises. Le droit international, au mieux, peut nous aider un peu dans l’interprétation et l’application de la loi établie par la Cour suprême.
Malgré cette restriction, il n’en demeure pas loin qu’à plusieurs occasions de faire valoir que le droit international peut servir à éclairer certaines questions, comme : le contenu de l’obligation de consulter, l’importance du droit à la culture, le respect qui doit être accordé aux conceptions autochtones de la propriété et la question de ce qui peut constituer une violation injustifiable d’un droit autochtone, d’un titre ou d’un droit conféré par traité44.
Le juge Stratas a résumé ses directives à l’avocat comme suit45 :
[Traduction] Les observations orales et écrites soumises par Amnistie Internationale doivent se limiter aux questions de droit international dans la mesure où elles sont pertinentes et nécessaires à n’importe laquelle des questions soulevées dans l’appel réuni. Amnistie Internationale doit expliquer la pertinence légale dont cette observation de droit international est pertinente et nécessaire à la détermination d’une question précise et pourquoi, et fournir une référence précise à la loi établie ci-dessus ou à une autre loi visant la question. Par exemple, elle devra isoler une disposition législative qui est ambigüe ou qui permet l’exercice de plus d’un pouvoir discrétionnaire, puis indiquer la loi internationale qui s’applique à la question.
Le juge Stratas a également invité l’avocat de l’intimé à déterminer s’il devait soumettre une demande pour développer davantage dans son mémoire de faits et droit, dont la longueur avait déjà été approuvée, une fois qu’il aura l’occasion d’examiner les arguments de l’intervenant46. Le juge Stratas a rejeté une demande précédente d’Enbridge qui souhaitait déposer un mémoire plus exhaustif47.
À certains égards, la demande d’intervention de l’ACPP semble présenter une plus grande difficulté que celle posée par la demande d’Amnistie. Après tout, le juge Stratas a lui-même reconnu que48 :
[Traduction] L’Association semble ne faire rien de plus que de présenter des observations que les intimés pourraient eux-mêmes présenter. Les observations ne reflètent pas un point de vue particulier de l’Association, un groupe d’entités dont les intérêts économiques sont touchés par le projet de pipeline Northern Gateway.
Quels étaient alors les facteurs décisifs en l’espèce qui justifiaient que l’on permette à l’ACPP d’intervenir (encore une fois selon certaines conditions)? Le juge Stratas se référe à trois considérations. Premièrement, la Cour a reconnu que la décision d’approuver le projet avait été prise en fonction de l’intérêt public (ou utilité publique dans l’argot de la LONE) et que « [Traduction] l’Association est bien positionnée pour discuter de la question de l’intérêt public. Elle représente une grande proportion du public touché par la décision ci-dessous49. » La deuxième considération pertinente semble concerner l’« égalité des armes » (c’est-à-dire le besoin d’une « équité globale dans le processus de litige »)50. Enfin, le juge Stratas a remarqué que l’ACPP avait participé de manière importante à la question étudiée. Cependant, il avait également des conseils et des instructions à formuler à l’avocat de l’ACPP51 :
[Traduction] L’ACPP doit présenter des arguments sur les considérations relatives à l’intérêt public qui contribuent à l’évaluation de la Cour en ce qui a trait à l’exactitude ou à l’aspect raisonnable des décisions examinées. Si l’examen du caractère raisonnable est pertinent, les observations peuvent porter sur les issues acceptables pouvant se justifier ou sur la marge d’appréciation qui doit s’appliquer aux décisions examinées et sur la question de savoir si ces dernières s’inscrivent à l’intérieur de ces issues ou de cette marge. Autrement dit, la version préliminaire du mémoire qui a été présentée devant cette Cour n’est pas conforme aux exigences établies dans ce paragraphe et devra être modifiée.
Canalisation 9B d’Enbridge
La canalisation 9 relie Sarnia à Montréal. Elle a été construite par Pipelines Interprovincial Inc. (maintenant Enbridge) au milieu des années 1970 dans le cadre de l’intervention du gouvernement du Canada suite à la crise de l’OPEP, afin de permettre la livraison de pétrole canadien aux raffineries de Montréal. En 1997, la société a obtenu l’autorisation de l’ONE de renverser la canalisation 9 pour permettre l’expédition de pétrole de Montréal vers les raffineries de l’Ontario. L’inversion du débit a été maintenue ainsi jusqu’en 2011, moment où Enbridge a produit une demande de renversement (c’est-à-dire reprendre le débit original vers l’est) de Sarnia à North Westover (à l’ouest de Toronto). Ce renversement (phase 1 du renversement de la canalisation 9) est entré en vigueur en 2013 toutefois, Enbridge avait fait une autre demande pour renverser la partie restante de la canalisation 9B vers Montréal et pour augmenter la capacité de l’ensemble de la canalisation de 240 000 barils par jour à 333 333 barils par jour. L’Office a publié les motifs de sa décision recommandant l’approbation de cette demande en mars 201452.
Deux dossiers concernent la canalisation 9B. Le premier concerne la demande de révision judiciaire amorcée par Forest Ethics Advocacy Association et Donna Sinclair. La Cour d’appel fédérale a motivée une décision relativement à cette demande en décembre 201453. La deuxième demande concernait une demande d’autorisation d’appel soumise par la Première Nation des Chippewas de la Thames. La Cour a accordé une autorisation concernant les questions qui comprennent l’obligation de consultation et d’accommodement de la Couronne54.
L’affaire Forest Ethics
Comme on le souligne ci-dessus, la demande de Forest Ethics\Sinclair était une demande de révision judiciaire concernant trois décisions interlocutoires55. En premier lieu, l’Office avait décidé qu’il ne prendrait pas en considération les effets environnementaux et socio-économiques associés aux activités en amont, le développement des sables bitumineux de l’Alberta et l’utilisation en aval du pétrole transporté par le pipeline. Les demandeurs ont soutenu que cette décision était déraisonnable. En deuxième lieu, l’Office avait évalué (et rejeté) le droit des demandeurs de participer aux procédures sur la base d’un formulaire de demande de participation. Troisièmement, les demandeurs, et plus précisément Mme Sinclair, ont fait valoir que l’Office avait refusé que Mme Sinclair exerce sa liberté d’expression en vertu de la Charte en lui refusant son droit de maintenir sa position. La Cour s’est penchée sur la question de savoir si les demandeurs pouvaient soulever des questions relatives à la Charte dans le cas où de ces questions n’avaient pas été soulevées devant l’Office; elle s’est aussi questionnée à savoir si Forest Ethics avait la qualité d’agir devant la Cour relativement à la demande de révision judiciaire.
Procédure d’évaluation du droit de participation suivie par l’ONE
L’article 55.2 de la LONE établit deux formes de droits de participation relativement à une demande de certificat d’utilité publique : (1) le droit de participer de toute personne qu’il estime touchée par le certificat et (2) le droit de participer à la discrétion de l’Office, de toute personne qui, selon lui, « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». La décision de l’Office sur ces exigences est « sans appel ». Afin d’évaluer les demandes d’intervention, l’Office oblige les intervenants potentiels à remplir le formulaire de demande de participation. L’Office accorde à certaines parties des droits d’intervention complets, d’autres ont l’occasion de déposer une lettre pour présenter leurs préoccupations et refuse à d’autres, dont Mme Sinclair, toute occasion de participer davantage.
Le choix de l’instrument qu’utilise l’Office pour évaluer un droit de participation est de nature procédurale. La norme de contrôle sur cette question « est celle de la décision correcte avec un certain degré de retenue à l’égard du choix de procédure de l’Office »56. La Cour a présenté plusieurs raisons pour mettre l’accent sur l’obligation de déférence de l’Office en relation avec ses choix57 :
[…] dans le contexte de sa décision, l’Office a droit à une marge d’appréciation considérable dans les circonstances de la présente espèce. Plusieurs facteurs militent en ce sens :
- L’Office est maître de sa propre procédure […]
- L’Office a une expérience et une expertise considérables dans la tenue de ses propres audiences et quant à savoir qui devrait y participer, de quelle manière et dans quelle mesure. Il a également une expérience et une expertise considérables pour ce qui est de veiller à ce que ses audiences traitent des questions prescrites par la Loi en temps opportun et de manière efficace.
- Les choix procéduraux de l’Office – en particulier, dans la présente affaire, le choix de concevoir un formulaire et d’exiger qu’il soit rempli – appellent la retenue […]
- L’Office doit se conformer aux critères énoncés à l’article 55.2 de la Loi – s’« il estime » qu’une personne est « directement touchée » par l’accueil ou le rejet de la demande et si une personne « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». Mais, il s’agit là de termes ayant un sens large et qui laissent à l’Office un certain degré de latitude, de sorte que, lorsque l’Office obtient des renseignements de parties intéressées suivant ces critères, un certain degré de latitude devrait là aussi lui être accordé.
- Enfin […] les décisions de l’Office sont protégées par une clause privative. (authorités omis)
La cour a déclaré que « les audiences de l’Office ne sont pas une tribune téléphonique à la radio à laquelle n’importe qui peut participer tout simplement en composant le numéro. Elles ne sont pas non plus un centre de consultation où n’importe qui peut soulever n’importe quoi, peu importe à quel point le sujet est éloigné de la tâche de l’Office consistant à réglementer la construction et l’exploitation de pipelines acheminant du pétrole et du gaz58. » De plus, la modification de la Loi en 2012 a permit d’avoir deux catégories de participation, le Parlement signalait que les procédures devaient être plus efficaces et recentrées et que, par conséquent, l’Office avait raison de créer une procédure qui exigeait une « démonstration rigoureuse »59 de la capacité d’apporter une contribution à l’examen de la question étudiée par l’Office.
Décision de refuser le droit de participation de Mme Sinclair
La décision de l’Office de refuser le droit de participer à Mme Sinclair repose sur « un mélange de fond et de procédure »60. Bien que l’admission d’un parti de participer soit ordinairement une question procédurale (suivant le contrôle de la norme de la décision correcte, avec un degré de retenue à l’égard du choix de procédure de l’Office), il est clair qu’en prenant cette décision, l’Office a également examiné les questions de pertinence et le caractère substantiel de la preuve (c’est-à-dire des questions importantes, avec un contrôle suivant la norme du caractère raisonnable). Par contre, « peu importe comment nous qualifions la décision de l’Office, celui-ci mérite qu’on lui laisse une marge de manœuvre importante […] L’Office a procédé à une évaluation factuelle, en puisant dans son expérience en matière de conduite d’audiences de ce genre et dans son appréciation du genre de parties qui font et qui ne font pas de contributions utiles à ses décisions. Des questions comme celles-là sont du ressort de l’Office, et non de la Cour61. » La Cour a ensuite présenté en détail les motifs au soutient de sa conclusion selon laquelle la décision de l’Office de refuser à Mme Sinclair le droit de participer à l’instance générale était raisonnable62.
Décision de refuser à Forest Ethics un droit de participation quant à la demande de révision judiciaire
Selon le jugement de la Cour d’appel, même si Forest Ethics était un codemandeur dans la contestation des trois décisions interlocutoires de l’Office, elle n’avait pas participé antérieurement à l’affaire dont l’Office était saisi. Il s’agissait clairement d’un cas classique d’une « trouble-fête »63.
Elle demande à la Cour d’examiner une décision administrative qui ne la concerne en rien. Elle n’a demandé à l’Office aucune mesure de réparation ni réclamé une quelconque qualité pour agir. En particulier, elle n’a présenté aucune observation à l’Office concernant les trois décisions interlocutoires. Elle n’a demandé à l’Office aucune mesure de réparation ni réclamé une quelconque qualité pour agir.
Par conséquent, Forest Ethics n’a jamais démontré qu’elle devait acquérir le droit de participer ni qu’elle ne représentait une partie d’intérêt public au litige en déposant cette demande de révision judiciaire.
Questions portant sur la Charte
Même si ce dernier point montrait clairement que Forest Ethics ne pouvait soulever la Charte, qu’en était-il du cas de Mme Sinclair? La Cour a soutenu que même si dans certains cas l’auteur d’une demande de révision judiciaire serait en mesure de contester la Charte même s’il n’a pas réussi à le faire devant un tribunal administratif, n’était pas le cas en l’espèce. Il s’agit plutôt ici d’une affaire qui était régie par la règle usuelle et la bonne pratique qui exigent que le tribunal en question soit en mesure de s’exprimer par le biais de sa propre opinion d’expert et contextualisée relativement à la question constitutionnelle ou relative à la Charte que le demandeur souhaite mettre en cause64.
Effet en amont et en aval
Les motifs de la Cour à l’appui de la conclusion de l’Office et de sa propre conclusion quant au caractère raisonnable de sa décision sur la base du caractère pertinent (ou non) des effets en amont ou en aval sont longs, mais méritent d’être cités étant donné l’importance de cette question dans différentes procédures65 :
- Les principales responsabilités de l’Office en vertu de la [LONE] […] comprennent la réglementation de la construction et de l’exploitation de pipelines interprovinciaux acheminant du pétrole et du gaz (voir la partie III de la Loi).
- La Loi ne comporte aucune disposition exigeant expressément que l’Office examine des questions générales comme les changements climatiques.
- […] [D]ans le cadre d’une demande fondée sur l’article 58 comme celle dont il est question en l’espèce, l’Office doit tenir compte de questions similaires à celles qu’il faut prendre en compte en vertu du paragraphe 52(2) de la Loi.
- Le paragraphe 52(2) de la Loi habilite l’Office à tenir compte de facteurs « qu’il estime » être « directement liés » au pipeline et être « pertinents ». Les mots « qu’il estime », le sens imprécis des mots « directement », « liés » et « pertinents », la clause privative à l’article 23 de la Loi, et la nature hautement factuelle et stratégique des décisions concernant la pertinence, pris ensemble, font en sorte que la Cour devrait laisser à l’Office une grande marge d’appréciation […]
- En outre, lorsqu’il a appliqué le paragraphe 52(2) de la Loi, l’Office pouvait raisonnablement adopter comme position que les questions générales comme les changements climatiques sont plus vraisemblablement « directement liées » aux effets environnementaux d’établissements et d’activités en amont et en aval du pipeline, et non au pipeline luimême.
- L’Office ne réglemente pas les établissements et les activités en amont et en aval. Ces établissements et activités nécessitent les approbations d’autres organismes de réglementation. Si ces établissements et activités ont des incidences sur les changements climatiques, et ce, d’une manière qui appelle une intervention, c’est à ces organismes d’intervenir ou, de manière plus générale, au Parlement d’agir.
- Le paragraphe 52(2) de la Loi comporte une liste de facteurs que le Parlement a estimés pertinents […] Chacun de ces facteurs est relativement étroit en ce sens qu’il est centré sur le pipeline, et non sur des établissements et activités en amont ou en aval. L’alinéa 52(2)e) mentionne « l’intérêt public ». Il appartenait à l’Office d’interpréter cette expression générale. Il était loisible à l’Office de considérer que « l’intérêt public » tire en quelque sorte son sens des alinéas précédant le paragraphe 52(2) et du mandat général de l’Office à la partie III de la Loi. Ainsi, il était loisible à l’Office de considérer que « l’intérêt public » se rapporte principalement au projet de pipeline lui-même, et non aux établissements et activités en amont et en aval. (À cet égard, c’est avec prudence qu’il faut tenir compte des décisions antérieures à l’arrêt Dunsmuir dans lesquelles étaient contrôlées, selon la norme de la décision correcte, des décisions sur le sens de « l’intérêt public » ou qui annulaient des décisions de l’Office au motif qu’il avait omis de tenir compte d’un facteur que la Cour estimait pertinent […]
- Le législateur a récemment ajouté le paragraphe 52(2) et l’article 55.2 à la Loi afin d’habiliter l’Office à réglementer de manière plus stricte et rigoureuse la portée des instances dont il est saisi et les parties qui comparaissent devant lui : Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durables, L.C. 2012, ch. 19, art. 83. La décision de l’Office respecte cet objectif. La concordance entre une décision et des objectifs législatifs est un gage ou un indicateur du caractère raisonnable de la décision […]
- La tâche de l’Office était une tâche éminemment factuelle fondée sur les éléments de preuve dont il disposait, ce qui milite en faveur d’une grande marge d’appréciation à l’Office que la Cour devrait respecter […]. À mon avis, la décision de l’Office se situe à l’intérieur de cette marge. [autorités omis]
En conclusion, l’affaire de Forest Ethics est importante pour différentes raisons. Premièrement, il contient un raisonnement portant sur les questions relatives à la norme de contrôle en ce qui a trait à différents types de décisions que l’ONE doit prendre. Deuxièmement, il confirme qu’une partie qui désire soulever des questions constitutionnelles doit le faire devant l’Office et ne pas attendre une demande de révision judiciaire. Troisièmement, il présente des motifs détaillés appuyant la position de l’Office selon laquelle il n’est pas tenu d’examiner les répercussions des gaz à effet de serre en amont et en aval des décisions en matière de pipeline.
Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain
Le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (TMX) vise à prolonger le système de pipeline Trans Mountain existant entre Edmonton, en Alberta, et Burnaby, en Colombie-Britannique. Il comprendrait environ 987 km de nouveau pipeline, des installations nouvelles et modifiées, comme des stations de pompage et des réservoirs, et la réactivation de 193 km de pipeline existant. Le terminal portuaire de Westridge serait également agrandi. De nouvelles sections de pipeline seraient ajoutées entre Edmonton et Hinton (Alberta), Hargreaves et Darfield (C.-B.), et Black Pines et Burnaby (C.-B.). Certaines sections de pipeline, déjà en place, mais actuellement inutilisées, situées entre Hinton, en Alberta, et Hargreaves, en Colombie-Britannique, et entre Darfield et Black Pines, en Colombie-Britannique, seront mises en service. Le prolongement ferait en sorte d’augmenter la capacité à près de 600 000 barils par jour66. Les audiences devant l’ONE sont toujours en cours.
La demande a mené à un litige devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique ainsi que devant la Cour d’appel fédérale. Cette partie de l’article porte sur ce qui sera dénommé le litige « visant les règlements munipeaux de Burnaby ». D’autres questions ont également été soulevées dans le cadre de la demande du TMX, mais aucune n’a mené à des décisions motivées des tribunaux67.
Les questions en rapport à l’applicabilité des règlements municipaux de Burnaby ont été présentées devant l’ONE, devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, la portion de l’article qui suit porte sur l’évolution de la contestation des règlements en ordre chronologique, plutôt qu’une séparation sur deux voies.
La demande d’agrandissement de TMPL prévoit l’utilisation d’un droit de passage existant; toutefois, les portes ouvertes que la société a tenues à Burnaby en Colombie-Britannique, dans le cadre de la préparation de sa demande, l’ont encouragée à étudier une autre voie plus directe dans un secteur de la ville , qui pourrait nécessiter le forage d’un tunnel dans le mont Burnaby. Afin d’étudier la faisabilité du projet, la société devait mener des études et des évaluations supplémentaires, notamment des enquêtes géotechniques, pour lesquelles il faudrait forer dans des sites précis. TMPL a tenté d’obtenir un accès aux sites auprès de la Ville de Burnaby pour une période prolongée, mais n’a pas été en mesure d’obtenir l’autorisation pour ses opérations. En réponse à ce refus, TMPL a demandé des clarifications auprès de l’ONE quant à sa position en vertu de l’article 73 de la LONE qui stipule que :
Sous réserve des autres dispositions de la présente loi […], la compagnie peut, dans le cadre de son entreprise :
- pénétrer sans autorisation sur tout terrain, appartenant ou non à la Couronne et situé sur le tracé de son pipeline, et y faire les levés, examens ou autres préparatifs requis pour fixer l’emplacement de celui-ci et marquer et déterminer les parties de terrain qui y seront appropriées;
L’Office a rendu sa décision dans une réponse le 19 août 2014, dans laquelle il est énoncé ceci68 :
Une interprétation franche du libellé de l’alinéa 73a) donne à Trans Mountain la permission de pénétrer sur des terres publiques (fédérales ou provinciales) ou des terrains privés sur lesquels passe le tracé prévu d’un pipeline, pour y effectuer des levés et des examens. L’alinéa 73a) n’oblige pas les sociétés à s’entendre avec les propriétaires fonciers ou la Couronne avant d’exercer leur droit d’accès aux terrains.
Armé de ce libellé, TMPL a commencé ses activités d’arpentage. Elle s’est rapidement faite ordonnée par la Ville de Burnaby de cesser ses activités, car celles-ci enfreignaient les règlements de la Ville. TMPL a porté cette question devant l’ONE, mettant en doute la validité et l’applicabilité constitutionnelle des règlements (expliqués plus en détail ci-dessous). La Ville de Burnaby a soumis une demande à la Cour suprême de la Colombie-Britannique afin d’obtenir une injonction fondée sur l’article 274 de la Charte communautaire. La juge Brown a rejeté la demande69 et l’autorisation d’appel a également été refusée70.
La juge Brown a utilisé les trois critères énoncés dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c Canada (Procureur général)71. Elle a convenu du fait qu’il y avait un problème grave qui devait être entendu, mais elle croyait clairement que le problème serait jugé devant l’ONE plutôt que devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique72, la prépondérance des inconvénients pointait dans la même direction73; et il y avait une preuve contradictoire de dommage irréparable74. Avant que la question ne soit présentée à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique lors de la demande d’autorisation d’appel, l’ONE avait déjà rendu sa décision sur l’applicabilité des règlements de Burnaby (Décision no 40 de l’ONE75) et la Cour fédérale d’appel avait en retour rejeté l’appel (sans motifs). Par conséquent, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a facilement conclu qu’elle ne devait pas accorder l’appel, non seulement parce que cette affaire ne serait pas entendue étant donné qu’il s’agissait d’une contestation collatérale de la décision de l’ONE76, mais aussi parce que la question, du moins relativement à l’application du règlement administratif, n’était plus un problème étant donné que TMPL n’avait plus d’autres travaux à réaliser sur le mont Burnaby77.
Tel qu’il est mentionné dans les paragraphes précédents, l’ONE lui-même a abordé la question de la validité, de l’applicabilité et de l’effet sur le plan constitutionnel des règlements dans une décision importante (Décision no 40), qui à son tour fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale. En l’absence de motifs de la Cour de rejeter l’appel, il est important d’examiner la décision bien motivée de l’Office. Cette dernière a cerné trois enjeux qu’il devait examiner. La première était la question si l’Office avait la compétence pour déterminer la validité, l’applicabilité et l’effet sur le plan constitutionnel des règlements administratifs de Burnaby. L’Office a facilement confirmé qu’elle détenait ce droit de regard et elle en est arrivé à cette conclusion étant donné que le libellé de l’article 11 de la LONE établit l’ONE comme une cour de justice et que l’article 12 lui donne « la compétence voulue pour trancher les questions de droit ou de fait »78.
Le deuxième enjeu touchait le cœur du problème : la validité, l’applicabilité et l’effet. Il ne devait y avoir aucun doute sur la validité de la LONE ou des règlements administratifs de Burnaby. En effet, bien que l’Office ne souligne presque jamais la question, elle a déployé certains efforts dans cette décision et la décision 28 détermine le pouvoir dont dispose l’Office pour ordonner l’accès aux terres privées et de la Couronne aux fins d’arpentage de la route et de travaux géotechniques est relève d’un élément clairement essentiel à l’exercice de la compétence globale de l’Office79. L’Office est donc tenu de considérer l’applicabilité des règlements (c’est-à-dire la doctrine de l’immunité interjuridictionnelle/ la doctrine de l’exclusivité des compétence) et leur effet (c’est-à-dire là où les règlements sont en conflits avec les dispositions de la LONE et donc inopérants en vertu de la doctrine de la prépondérance fédérale).
Quant à la question de l’effet/la prépondérance fédérale, l’Office a conclu qu’il existait un conflit d’application claire (au sens des précédents pertinents80) entre l’article 73a) de la LONE et les règlements contestés, et que l’article 73a) de la Loi avait préséance à l’égard de ce conflit, rendant ainsi ces règlements inopérants dans cette mesure :81
L’Office est d’avis qu’il existe une incompatibilité évidente entre le règlement sur les parcs et l’alinéa 73a) de la Loi. L’article 5 de ce règlement stipule qu’« il est interdit de couper, briser, détériorer, endommager, défigurer, détruire, souiller ou polluer un bien meuble ou des arbres, arbustes, plantes, pelouses ou fleurs se trouvant dans un parc ». Il y a donc une interdiction évidente d’abattre un arbre, d’enlever de la végétation ou de creuser dans le sol, même si le déboisement est minime là où les arbres pourraient présenter un risque pour la sécurité lors de l’exécution de travaux de forage. L’Office ne conteste pas le caractère environnemental de l’objet du règlement sur les parcs, mais l’application de ce règlement et la présence d’employés de Burnaby dans la zone de travail sécuritaire ont comme effet d’entraver la réalisation de l’objectif fédéral de la Loi qui est de recueillir les renseignements nécessaires pour permettre à l’Office de faire une recommandation en vertu de l’article 52 de cette même loi.
Il y a aussi un conflit dans la mise en œuvre avec les articles 24(1) et (4) du Règlement sur la circulation routière. L’article 24(1) autorise le conseil municipal de Burnaby à approuver des travaux le long d’une route ou à imposer des conditions pour l’exécution de tels travaux. […] Compte tenu du refus de Burnaby de discuter des travaux, Trans Mountain s’en est chargé de son propre chef. […]
L’Office juge qu’il existe un conflit dans la mise en œuvre entre les règlements contestés et la loi fédérale. Sur le fondement de la preuve qui lui a été soumise, il est impossible de se conformer aux deux textes de loi.
Quant à la doctrine de l’exclusivité des compétences, l’Office a dûment reconnu qu’au cours des dernières années, cette doctrine a perdu en popularité dans une certaine mesure82, mais elle a aussi reconnu qu’elle demeure pertinente, surtout en ce qui concerne certaines catégories reconnues de lois provinciales83. La doctrine s’applique pour invalider des lois provinciales, autrement valides, qui portent atteinte au contenu essentiel d’un champ d’une compétence fédérale. L’Office a conclu que les deux volets du critère (entrave et contenue essentiel) ont été satisfaits et que donc, subsidiairement à l’argument de la primauté, les règlements contestés doivent être « inapplicables dans la mesure où ils entravent l’accès temporaire aux terrains visés par Trans Mountain pour les fins prévues dans » l’alinéa 73a) de la Loi84.
Les troisième et quatrième questions soulevées touchent la capacité de l’Office à appliquer les conclusions susmentionnées relativement aux principaux enjeux. En l’espèce, l’Office a conclu qu’elle ordonnerait une ordonnance contre Burnaby, interdisant à la ville d’appliquer ses règlements qui empêchent TMPL d’exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 73a) de la LONE85. Il a également conclu que les faits, plus particulièrement le refus de la ville de coopérer, fournissent des motifs convaincants pour émettre l’ordonnance86.
La méthodologie et le raisonnement de l’Office sont convaincants ici, et offrent une direction utile afin de réfléchir sur l’interaction des lois fédérales visant les pipelines et les lois provinciales en matière d’environnement87. Les deux seront valides et, dans la plupart des cas, l’exploitant de pipelines devra se conformer aux lois provinciales ainsi qu’à la LONE. Toutefois, dans les cas où la loi provinciale empêche la loi fédérale d’atteindre ses objectifs, eune telle loi sera considérée comme inopérante ou inapplicable. C’est regrettable que la Cour d’appel fédérale ait refusé de fournir ses propres motifs quant au refus d’accorder l’appel sur une question juridique autant cruciale, mais peut-être qu’il s’agissait là d’une affaire pour laquelle les raisons de l’Office ne nécessitaient pas un examen supplémentaire.
TransCanada – Énergie Est
Énergie Est prévoit convertir des pipelines de gaz naturel existants entre la frontière de l’Alberta-Saskatchewan et la région d’Ottawa, pour le transport de pétrole; construisant un nouveau pipeline, principalement en Alberta, au Québec et au Nouveau-Brunswick, qui sera relié au pipeline converti; et la construction d’installations connexes, de stations de pompage et de réservoirs nécessaires au déplacement du pétrole brut depuis l’Alberta vers le Québec et le Nouveau-Brunswick, y compris des installations maritimes. Au moment où le présent article a été rédigé, l’Office n’avait pas encore déterminé le calendrier des audiences et des emplacements.
Jusqu’ici, le principal litige intenté contre le projet Énergie Est88 concerne une demande produite par le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE)89 devant la Cour fédérale pour une injonction interlocutoire visant à repousser toute échéance de participation de l’Office à l’étude de la demande de TCPL, et ce, jusqu’à ce que le commissaire aux langues officielles ait statué sur la plainte déposée devant lui par le CQDE, dans laquelle le CQDE demande que l’ONE fournisse une traduction officielle de l’ensemble de la demande d’Énergie Est qui compte 23 000 pages. Le juge de Montigny a refusé la demande pour des raisons de compétence et de fond. Sur la question de compétence, le juge de Montigny a statué que la cour de première instance de la Cour fédérale n’avait pas compétence en matière d’appel ou de révision judiciaire sur l’ONE, pour les raisons énoncées ci-dessus, et qu’il ne pouvait obtenir cette compétence en vertu de la Loi sur les langues officielles (LLO)90.
Dans la mesure où la requête en injonction interlocutoire intentée par les requérants vise essentiellement à contester la décision rendue par l’Office […], il m’apparaît clair que cette Cour n’est pas le forum approprié et que le véhicule procédural choisi n’est pas indiqué. Il va de soi que l’on ne saurait faire indirectement ce qu’il n’est pas permis de faire directement. La façon appropriée pour les requérants de demander la suspension de l’instance devant l’Office était de contester la décision de l’Office […] devant la Cour d’appel fédérale, seule compétente pour connaître d’un tel recours à l’encontre d’une décision de l’Office, et de demander par voie de requête incidente la suspension de l’instance devant l’Office pendant la durée de la contestation.
Sur la question de fond, le juge de Montigny a noté que le CQDE devrait déterminer que son « recours éventuel sous la LLO soulève une question sérieuse, qu’ils subiront un préjudice irréparable advenant le rejet de leur requête, et que la balance des inconvénients penche en leur faveur »91. Le juge de Montigny était d’avis que l’argument du CQDE était sans fondement. Même s’il est clair que la LLO s’applique à l’ONE, tout ce que cette loi exige, c’est un « unilinguisme optionnel » au choix de la personne qui s’exprime … « En d’autres termes, c’est le droit d’utiliser l’une ou l’autre des langues officielles dans toute affaire dont est saisi un tribunal et dans les procédures qui en découlent qui est garanti, et non le droit que la langue officielle utilisée sera comprise par la personne à qui s’adresse la plaidoirie ou la pièce de procédure […] »92.
En l’absence d’une disposition législative claire à cet effet, l’on ne saurait imposer à tous les tribunaux administratifs et à tous les tribunaux visés par la LLO une obligation aussi onéreuse que celle de traduire tous les dossiers qui leur sont soumis. De façon alternative, les requérants ont soutenu qu’ils pouvaient également se prévaloir de l’article 12 de la LLO, lequel prévoit que « [l]es actes qui s’adressent au public et qui sont censés émaner d’une institution fédérale sont établis ou délivrés dans les deux langues officielles ». Or, cette disposition ne peut clairement pas trouver application dans le présent contexte, puisque la demande déposée par Énergie Est n’émane pas de l’Office93.
Le juge de Montigny a poursuivi en indiquant que la LLO pourrait ne pas épuiser les revendications que pourraient soulever les requérants. Plus particulièrement, il a observé que si Énergie Est (ou l’ONE) ne fournissait pas suffisamment de documentation dans les deux langues officielles, de manière à ne pas permettre à une partie de comprendre les questions soulevées dans la demande et de poser un jugement éclairé sur la question de savoir si elle demande à participer ou non, cette même partie pourrait présenter une demande devant la Cour d’appel fédérale pour des motifs d’équité procédurale94.
L’affaire du CQDE est principalement importante pour illustrer les différents types d’arguments que les promoteurs d’énergie doivent s’attendre à rencontrer dans le développement de nouveaux projets. Cette affaire confirme aussi que la section de première instance de la Cour fédérale ne joue aucun rôle dans la supervision de l’ONE; cela revient plutôt à la Cour d’appel fédérale.
Conclusions
Notre paradigme énergétique actuel est très étendu et nécessite d’importants développements linéaires. Le recensement des demandes dont est actuellement saisi l’ONE confirme que les nouveaux développements linéaires seront visés par des litiges, tant en ce qui concerne les sites mêmes (mont Burnaby) que les aspects plus généraux (les nouvelles infrastructures de pipeline prisonnières de technologies polluantes) et supposera des évaluations connexes à l’intérêt public (national et local). Cette étude démontre aussi que ces intérêts soulèveront un large éventail de questions. Les questions en l’espèce comprennent des questions constitutionnelles (droits linguistiques, partage des compétences, droits autochtones et droits relatifs à la Charte); les questions de droit international; les questions techniques touchant le droit administratif, la compétence de la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale et les cours supérieures provinciales, ainsi que les questions de droit de participation et les questions de droit environnemental plus conventionnelles.
Parmi les cas énoncés, bon nombre sont de nature interlocutoire et leurs fondements n’ont pas encore été établis. Bien que tout l’ensemble mérite une surveillance accrue, il sera particulièrement important de suive le litige relatif au projet Northern Gateway afin de voir ce qu’il nous révèle au sujet de la relation entre les tribunaux, l’ONE et le gouverneur en conseil. À suivre.
La construction de nouveaux pipelines ou encore l’expansion, le renversement du débit ou le changement de vocation de pipelines existants ont toujours soulevé la controverse au Canada. Ils ont presque toujours mené à des demandes de révision judiciaires ou d’appel. Considérons par exemple, les efforts déployés afin d’obtenir un permis pour le pipeline de gaz naturel Makenzie (et ses variantes) dans les années 19701, le pipeline Norman Wells dans les années 19802 et le pipeline Express dans les années 19903. Toutefois, ces expériences ne nous ont pas vraiment préparés aux nombreuses demandes de pipeline dont l’Office national de l’énergie (ONE, l’Office) est actuellement saisi, ni aux nombreuses demandes de contestation soumises à la Cour d’appel fédérale par des parties intéressées. Plus tôt cette année (2015), l’Office a créée une nouvelle page sur son site web afin d’aider les utilisateurs à suivre l’évolution des demandes devant la Cour d’appel fédérale4, puisqu’elle est consciente de la situation.
Le présent article vise humblement à fournir une description détaillée de l’état d’avancement des pipelines pertinents et des demandes de nature judiciaire. En premier lieu, on examinera le cadre juridique de la Loi sur l’Office national de l’énergie5 (LONE) et de la Loi sur les Cours fédérales6, lesquelles régissent le fonctionnement de l’ONE et de la Cour d’appel fédérale. Ensuite, des propositions importantes de pipeline et des demandes connexes de nature judiciaire seront traitées,
Cadre juridique
Personne ne peut construire ou exploiter un pipeline interprovincial ou international sans avoir obtenu préalablement un certificat d’utilité publique (CUP) délivré par l’ONE7. La procédure de délivrance d’un CUP oblige maintenant l’ONE à préparer un rapport et à formuler une recommandation sur la délivrance d’un certificat du gouverneur en conseil; ce dernier doit soit renvoyer, accepter ou rejeter cette recommandation.
L’Office peut recommander l’approbation ou le rejet; toutefois peu importe sa recommandation, elle doit indiquer les modalités et les conditions qu’elle « estime utile, dans l’intérêt public »8 si le projet va de l’avant. L’article 22(4) de la LONE précise que le rapport de l’ONE « ne constitue ni une décision ni une ordonnance de celui-ci » en vertu de l’article 22(1) de la Loi, ce qui suppose que ce rapport ne peut être porté en appel devant la Cour d’appel fédérale, avec l’autorisation de celle-ci, sur une question de droit ou de compétence en vertu du même article de la Loi9. Cependant, cela ne signifie pas qu’il ne peut y avoir de révision judiciaire ou de demande relativement à un rapport en raison de l’interprétation de l’article 18.5 de la Loi sur les cours fédérales10. La jurisprudence semble indiquer que cet article exclut une demande de révision judiciaire uniquement dans la mesure où il est réellement possible d’en appeler de la décision11. Le tribunal de première instance de la Cour fédérale n’a aucune compétence sur l’ONE12.
Alors que le gouverneur en conseil peut exiger de l’Office qu’elle reconsidère une des recommandations ou l’une des modalités qu’elle a émise13 dans le cours normal des choses, le gouverneur en conseil pourrait par décret ordonner à l’Office d’émettre ou rejeter un certificat d’utilité publique sous réserve de conditions du rapport14. Il doit être justifié avec des motifs15, et l’article 55 de la Loi prévoit expressément le contrôle judiciaire, sur autorisation, à la Cour d’appel fédérale16.
La construction d’un nouveau pipeline de grand diamètre déclenchera également un examen en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)17 (LCEE 2012) ou l’ancienne version de celle-ci. Dans le précédent cadre de la loi, la participation d’un organisme provincial menait les projets à un renvoi devant la Commission d’examen conjoint (CEC). Cela pouvait avoir comme effet de compliquer les conditions de l’examen judiciaire de la CEC.
Dans le cas de pipelines visés par un règlement fédéral, un rapport de la CEC décharge la Commission de sa responsabilité en vertu de la LCEE et de la LONE. Dans la mesure où les commissions de la LCEE ne sont pas énumérées en vertu de l’article 28 de la LCF en tant que conseil, commission ou autre type de tribunal fédéral sous la juridiction de surveillance exclusive de la Cour d’appel fédérale, il s’ensuit que tout contrôle de cet aspect de la responsabilité de la CEC relève du tribunal de première instance de la Cour fédérale. Par conséquent, dans les dossiers concernant la CEC, les parties intéressées peuvent choisir de procéder devant le tribunal de première instance de la Cour fédérale (en fonction des responsabilités de la commission en vertu de la LCEE) ou devant la Cour d’appel fédérale (en ce qui a trait aux questions relevant de l’ONE)18 . Ce fut le cas dans le litige qui a suivi l’approbation du pipeline Express. Dans cette affaire, les parties intéressées se sont entendues pour regrouper les questions lors d’une audience devant la Cour d’appel fédérale. Dans ce jugement, le juge Hugesson a commenté comme suit sur cette manière de procéder19:
[Traduction] bien que la procédure suivie par les demandeurs ne nous ait pas été exposée (puisqu’il était clair qu’au moins l’une des demandes s’avérait la bonne méthode de mise en cause), nous croyons qu’il faut tout de même la commenter brièvement. En termes de politique juridique et d’économie, il nous semble que, si le rapport de comité et la mesure subséquente prise par une autorité responsable sont contestés, ces contestations doivent dans la mesure du possible être entendues ensemble et par la même cour. Par conséquent, dans les cas comme celui-ci où l’autorité responsable est l’une de celles énumérées à l’article 28 de la Loi sur les cours fédérales, la révision judiciaire doit commencer devant la Cour d’appel (pour l’autorité responsable), ou être transférée à celle-ci (pour la commission).
Par ailleurs, dans les cas comme celui-ci, où l’autorité responsable est l’une de celles dont les décisions peuvent être portées en appel devant cette Cour et où la révision judiciaire est par conséquent limitée aux modalités de l’article 18.5 de la Loi sur les cours fédérales, la voie préférable consisterait à autoriser la demande d’appel. C’est particulièrement le cas en l’espèce, où la commission et l’autorité responsable sont de fait (et, selon nous, de droit) la même entité même si elles exercent leurs fonctions en vertu de plus d’une loi.
Bien que cette législation peut s’avérer pertinente dans le projet du Northern Gateway d’Enbridge (le projet fait l’objet d’une commission d’examen conjoint (CEC)), il est peu probable que cette commission d’examen conjoint concerne l’ONE et la LCEE 2012 dans le futur puisque la LCEE 2012 accorde le pouvoir à la l’ONE de procéder à ses évaluations sans son approbation20.
Projets
Dans la perspective de la procédure d’obtention d’un CUP et de la supervision judiciaire de l’ONE, regardons à présent les différents projets de l’ONE/CEC qui font actuellement l’objet d’une révision judiciaire ou de demandes d’appel. On se penchera sur le projet Northern Gateway d’Enbridge, le projet de la canalisation 9B d’Enbridge, le projet d’agrandissement du réseau Trans Mountain et le projet Énergie Est de TransCanada.
Projet Northern Gateway d’Enbridge
Le projet Northern Gateway d’Enbridge a pour but la construction et l’exploitation de deux pipelines situés entre Bruderhiem en Alberta et Kitimat en Colombie-Britannique, ainsi que la construction et l’exploitation d’un terminal maritime et d’installations d’arrimage et de stockage connexes à Kitimat. Un pipeline servirait au transport du pétrole avec une capacité de 525 000 barils par jour tandis qu’un autre servirait au transport de condensat avec une capacité de 193 000 barils par jour. Le projet a été renvoyé devant une CEC et cette dernière a remis son rapport final sur le projet le 9 décembre 201321. En vertu de la LCEE), la CEC avait la responsabilité d’évaluer les effets possibles du projet sur la population, l’environnement, leur importance et la manière dont ils pourraient être atténués, puis déterminer si le projet satisfaisait au critère d’utilité publique de la LONE22. La CEC a recommandé l’approbation du projet, sous réserve de 209 conditions. Ce faisant, la CEC a conclu que le projet, en combinaison avec les effets d’autres projets, pourrait avoir un impact environnemental négatif important sur certaines populations de caribou des bois et d’ours grizzly (espèces listées dans la Loi sur les espèces en péril23), suivant l’application de toutes les mesures d’atténuation des risques comprises dans le projet Northern Gateway. Néanmoins, la CEC a indiqué que ces effets indésirables pourraient être justifiés en vertu des circonstances24. Parmi les circonstances particulières qui ont mené à cette conclusion, on note la diversification que subirait les marchés pétroliers et l’approvisionnement en condensat au Canada, ainsi que d’autres avantages économiques et sociaux 25.
Comme il a déjà été abordé dans un numéro précédent de cette Publication trimestrielle26, différentes révisions judiciaires et demandes d’appel ont été lancées à la suite du rapport de la CEC et de la décision du gouverneur en conseil. Toutes ces demandes ont été réunies27 et une audience est prévue à l’automne 2015. Mon article précédent comportait une discussion sur les plaidoiries relatifs à ces demandes (août 2014) et les lecteurs voulant en savoir plus devraient s’y référer28.
La présente partie porte sur trois décisions interlocutoires qui ont depuis été publiées29. Les deux premières décisions ont été rendues par le juge Stratas, le 27 janvier 2015. L’enjeu de la première affaire, Forest Ethics Advocacy Association c Northern Gateway Pipelines Inc,30 est simple et consistait à savoir si l’ONE devait être ajouté comme intimé dans une demande particulière, A514-14, l’ONE ayant déjà obtenu le statut d’intimé dans des demandes réunies. Les appelants se sont opposés à ce que l’ONE obtienne le statut d’intimé indiquant qu’il devrait être traité comme intervenant au motif qu’un tribunal n’avait que des droits de participation restreints relativement à un appel ou une révision judiciaire de l’une de ses décisions. Le juge Stratas a conclu que l’observation de l’Office démontrait que celui-ci était bien conscient des limites de sa participation mais, qu’étant donné qu’au sens technique la demande est un appel d’une décision de l’Office, celle-ci devait être intimé.
La deuxième décision, Gitxaala Nation c Northern Gateway Pipeline Inc31, rendue en janvier, traite de la mesure dans laquelle les parties sont en mesure d’ajouter des affidavits au dossier. La Cour a anticipé cette question dans son ordonnance de consolidation en décembre 2014. Dans cette ordonnance, la Cour a déclaré qu’elle ne permettrait pas de témoignage par affidavit concernant des questions constitutionnelles qui n’ont pas déjà été soulevées devant l’Office. Le motif apporté était que, comme l’ONE a compétence sur les questions constitutionnelles, tout effort pour soulever de nouvelles questions viendrait indûment contourner l’Office32. Dans cette demande d’autorisation visant la production de preuves au dossier, le juge Stratas a noté que la plupart des affidavits reposent sur la question de savoir s’il y a obligation de consulter33.
Le juge Stratas a permis le dépôt d’affidavits, mais a laissé la responsabilité à la commission qui entend l’affaire de déterminer leur admissibilité. Bien qu’il n’a pas été clair dans quelle mesure les affidavits peuvent soulever de nouvelles questions constitutionnelles, le juge Stratas a néanmoins fait référence à plusieurs précédents laissant entendre que les tribunaux sont plus souple concernant l’admissibilité de nouvelles preuves dans les dossiers concernant les peuples autochtones34. En dépit du fait, qu’il ne soit pas convaincu du raisonnement, le juge Stratas a reconnu que cette question particulière n’avait jamais été prise en considération par la Cour d’appel auparavant35. Il a également laissé à la commission chargée d’entendre l’affaire le soin de trancher la question quant au critère d’admissibilité d’une nouvelle preuve dans un appel prévu par la LONE.Ce dit critère est établi dans Palmer c La Reine36 ou par une norme de droit administratif37.
Dans la troisième affaire, Gitxaala Nation c Northern Gateway Pipelines Inc38, le juge Stratas devait rendre une décision sur deux demandes d’intervention contestées – l’une d’Amnistie Internationale (Amnistie) à l’appui des appelants et une deuxième de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) à l’appui des intimés. Le juge Stratas a pris en considération les deux demandes à la lumière de sa propre décision dans Canada (Procureur général) c Première Nation Pictou Landing39, dans laquelle le critère suivant est établi40 :
Amnistie a proposé de mettre l’accent sur les questions de droit international dans le cadre de son intervention. Le juge Stratas a accepté la demande d’Amnistie, à certaines conditions. Selon le juge, cette intervention « [Traduction] avait une portée trop grande » dans la mesure où elle laisse entendre que « [Traduction] le droit international est, à plusieurs égards, très général sur toutes les questions »41. Selon ce point de vue, le droit international peut s’appliquer à la question en l’espèce, et ce, de l’une de deux façons. Premièrement, s’il existe plusieurs interprétations d’une même disposition législative, la cour doit privilégier une interprétation que ne placerait pas le Canada en violation de ses obligations internationales. Deuxièmement, le droit international peut également s’appliquer à l’égard d’un pouvoir discrétionnaire, même si dans ce contexte il serait probablement nécessaire de démontrer qu’il ne serait pas raisonnable pour le décideur de ne pas se conformer au droit international42 :
[Traduction] Cette omission peut rendre la décision déraisonnable, ou non. Cela dépend en grande partie de l’importance de la norme du droit international en l’espèce, ainsi que de l’étendue de la marge d’appréciation ou des issues acceptables pouvant se justifier qu’utilise le décideur dans l’interprétation et l’application de la disposition législative autorisant sa décision : voir, par exemple, Canada (ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56 aux paragraphes 88 à 105.
Bien que ces deux situations représentent simplement des cas où le droit international peut s’avérer pertinent dans l’application du droit interne, plutôt qu’un énoncé exhaustif de la pertinence du droit international, elles servent à rappeler à l’avocat qu’il ne suffit pas d’invoquer le droit international, mais qu’il est également nécessaire de démontrer la manière dont l’application ce droit peut faire une différence relativement au résultat.
Le juge Stratas s’est montré très prudent en ce qui a trait à la relation entre l’obligation de consultation et d’accommodation des peuples autochtones de la Couronne et le droit international. En l’espèce, le juge Stratas a observé que43 :
[Traduction] Dans le cas de l’obligation de consulter, les décisions de la Cour suprême nous lient et elles ont défini l’obligation avec une certaine particularité. Nous ne sommes pas libres de modifier la loi de la Cour Suprême sur le fondement d’observations du droit international qui nous sont soumises. Le droit international, au mieux, peut nous aider un peu dans l’interprétation et l’application de la loi établie par la Cour suprême.
Malgré cette restriction, il n’en demeure pas loin qu’à plusieurs occasions de faire valoir que le droit international peut servir à éclairer certaines questions, comme : le contenu de l’obligation de consulter, l’importance du droit à la culture, le respect qui doit être accordé aux conceptions autochtones de la propriété et la question de ce qui peut constituer une violation injustifiable d’un droit autochtone, d’un titre ou d’un droit conféré par traité44.
Le juge Stratas a résumé ses directives à l’avocat comme suit45 :
[Traduction] Les observations orales et écrites soumises par Amnistie Internationale doivent se limiter aux questions de droit international dans la mesure où elles sont pertinentes et nécessaires à n’importe laquelle des questions soulevées dans l’appel réuni. Amnistie Internationale doit expliquer la pertinence légale dont cette observation de droit international est pertinente et nécessaire à la détermination d’une question précise et pourquoi, et fournir une référence précise à la loi établie ci-dessus ou à une autre loi visant la question. Par exemple, elle devra isoler une disposition législative qui est ambigüe ou qui permet l’exercice de plus d’un pouvoir discrétionnaire, puis indiquer la loi internationale qui s’applique à la question.
Le juge Stratas a également invité l’avocat de l’intimé à déterminer s’il devait soumettre une demande pour développer davantage dans son mémoire de faits et droit, dont la longueur avait déjà été approuvée, une fois qu’il aura l’occasion d’examiner les arguments de l’intervenant46. Le juge Stratas a rejeté une demande précédente d’Enbridge qui souhaitait déposer un mémoire plus exhaustif47.
À certains égards, la demande d’intervention de l’ACPP semble présenter une plus grande difficulté que celle posée par la demande d’Amnistie. Après tout, le juge Stratas a lui-même reconnu que48 :
[Traduction] L’Association semble ne faire rien de plus que de présenter des observations que les intimés pourraient eux-mêmes présenter. Les observations ne reflètent pas un point de vue particulier de l’Association, un groupe d’entités dont les intérêts économiques sont touchés par le projet de pipeline Northern Gateway.
Quels étaient alors les facteurs décisifs en l’espèce qui justifiaient que l’on permette à l’ACPP d’intervenir (encore une fois selon certaines conditions)? Le juge Stratas se référe à trois considérations. Premièrement, la Cour a reconnu que la décision d’approuver le projet avait été prise en fonction de l’intérêt public (ou utilité publique dans l’argot de la LONE) et que « [Traduction] l’Association est bien positionnée pour discuter de la question de l’intérêt public. Elle représente une grande proportion du public touché par la décision ci-dessous49. » La deuxième considération pertinente semble concerner l’« égalité des armes » (c’est-à-dire le besoin d’une « équité globale dans le processus de litige »)50. Enfin, le juge Stratas a remarqué que l’ACPP avait participé de manière importante à la question étudiée. Cependant, il avait également des conseils et des instructions à formuler à l’avocat de l’ACPP51 :
[Traduction] L’ACPP doit présenter des arguments sur les considérations relatives à l’intérêt public qui contribuent à l’évaluation de la Cour en ce qui a trait à l’exactitude ou à l’aspect raisonnable des décisions examinées. Si l’examen du caractère raisonnable est pertinent, les observations peuvent porter sur les issues acceptables pouvant se justifier ou sur la marge d’appréciation qui doit s’appliquer aux décisions examinées et sur la question de savoir si ces dernières s’inscrivent à l’intérieur de ces issues ou de cette marge. Autrement dit, la version préliminaire du mémoire qui a été présentée devant cette Cour n’est pas conforme aux exigences établies dans ce paragraphe et devra être modifiée.
Canalisation 9B d’Enbridge
La canalisation 9 relie Sarnia à Montréal. Elle a été construite par Pipelines Interprovincial Inc. (maintenant Enbridge) au milieu des années 1970 dans le cadre de l’intervention du gouvernement du Canada suite à la crise de l’OPEP, afin de permettre la livraison de pétrole canadien aux raffineries de Montréal. En 1997, la société a obtenu l’autorisation de l’ONE de renverser la canalisation 9 pour permettre l’expédition de pétrole de Montréal vers les raffineries de l’Ontario. L’inversion du débit a été maintenue ainsi jusqu’en 2011, moment où Enbridge a produit une demande de renversement (c’est-à-dire reprendre le débit original vers l’est) de Sarnia à North Westover (à l’ouest de Toronto). Ce renversement (phase 1 du renversement de la canalisation 9) est entré en vigueur en 2013 toutefois, Enbridge avait fait une autre demande pour renverser la partie restante de la canalisation 9B vers Montréal et pour augmenter la capacité de l’ensemble de la canalisation de 240 000 barils par jour à 333 333 barils par jour. L’Office a publié les motifs de sa décision recommandant l’approbation de cette demande en mars 201452.
Deux dossiers concernent la canalisation 9B. Le premier concerne la demande de révision judiciaire amorcée par Forest Ethics Advocacy Association et Donna Sinclair. La Cour d’appel fédérale a motivée une décision relativement à cette demande en décembre 201453. La deuxième demande concernait une demande d’autorisation d’appel soumise par la Première Nation des Chippewas de la Thames. La Cour a accordé une autorisation concernant les questions qui comprennent l’obligation de consultation et d’accommodement de la Couronne54.
L’affaire Forest Ethics
Comme on le souligne ci-dessus, la demande de Forest Ethics\Sinclair était une demande de révision judiciaire concernant trois décisions interlocutoires55. En premier lieu, l’Office avait décidé qu’il ne prendrait pas en considération les effets environnementaux et socio-économiques associés aux activités en amont, le développement des sables bitumineux de l’Alberta et l’utilisation en aval du pétrole transporté par le pipeline. Les demandeurs ont soutenu que cette décision était déraisonnable. En deuxième lieu, l’Office avait évalué (et rejeté) le droit des demandeurs de participer aux procédures sur la base d’un formulaire de demande de participation. Troisièmement, les demandeurs, et plus précisément Mme Sinclair, ont fait valoir que l’Office avait refusé que Mme Sinclair exerce sa liberté d’expression en vertu de la Charte en lui refusant son droit de maintenir sa position. La Cour s’est penchée sur la question de savoir si les demandeurs pouvaient soulever des questions relatives à la Charte dans le cas où de ces questions n’avaient pas été soulevées devant l’Office; elle s’est aussi questionnée à savoir si Forest Ethics avait la qualité d’agir devant la Cour relativement à la demande de révision judiciaire.
Procédure d’évaluation du droit de participation suivie par l’ONE
L’article 55.2 de la LONE établit deux formes de droits de participation relativement à une demande de certificat d’utilité publique : (1) le droit de participer de toute personne qu’il estime touchée par le certificat et (2) le droit de participer à la discrétion de l’Office, de toute personne qui, selon lui, « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». La décision de l’Office sur ces exigences est « sans appel ». Afin d’évaluer les demandes d’intervention, l’Office oblige les intervenants potentiels à remplir le formulaire de demande de participation. L’Office accorde à certaines parties des droits d’intervention complets, d’autres ont l’occasion de déposer une lettre pour présenter leurs préoccupations et refuse à d’autres, dont Mme Sinclair, toute occasion de participer davantage.
Le choix de l’instrument qu’utilise l’Office pour évaluer un droit de participation est de nature procédurale. La norme de contrôle sur cette question « est celle de la décision correcte avec un certain degré de retenue à l’égard du choix de procédure de l’Office »56. La Cour a présenté plusieurs raisons pour mettre l’accent sur l’obligation de déférence de l’Office en relation avec ses choix57 :
[…] dans le contexte de sa décision, l’Office a droit à une marge d’appréciation considérable dans les circonstances de la présente espèce. Plusieurs facteurs militent en ce sens :
La cour a déclaré que « les audiences de l’Office ne sont pas une tribune téléphonique à la radio à laquelle n’importe qui peut participer tout simplement en composant le numéro. Elles ne sont pas non plus un centre de consultation où n’importe qui peut soulever n’importe quoi, peu importe à quel point le sujet est éloigné de la tâche de l’Office consistant à réglementer la construction et l’exploitation de pipelines acheminant du pétrole et du gaz58. » De plus, la modification de la Loi en 2012 a permit d’avoir deux catégories de participation, le Parlement signalait que les procédures devaient être plus efficaces et recentrées et que, par conséquent, l’Office avait raison de créer une procédure qui exigeait une « démonstration rigoureuse »59 de la capacité d’apporter une contribution à l’examen de la question étudiée par l’Office.
Décision de refuser le droit de participation de Mme Sinclair
La décision de l’Office de refuser le droit de participer à Mme Sinclair repose sur « un mélange de fond et de procédure »60. Bien que l’admission d’un parti de participer soit ordinairement une question procédurale (suivant le contrôle de la norme de la décision correcte, avec un degré de retenue à l’égard du choix de procédure de l’Office), il est clair qu’en prenant cette décision, l’Office a également examiné les questions de pertinence et le caractère substantiel de la preuve (c’est-à-dire des questions importantes, avec un contrôle suivant la norme du caractère raisonnable). Par contre, « peu importe comment nous qualifions la décision de l’Office, celui-ci mérite qu’on lui laisse une marge de manœuvre importante […] L’Office a procédé à une évaluation factuelle, en puisant dans son expérience en matière de conduite d’audiences de ce genre et dans son appréciation du genre de parties qui font et qui ne font pas de contributions utiles à ses décisions. Des questions comme celles-là sont du ressort de l’Office, et non de la Cour61. » La Cour a ensuite présenté en détail les motifs au soutient de sa conclusion selon laquelle la décision de l’Office de refuser à Mme Sinclair le droit de participer à l’instance générale était raisonnable62.
Décision de refuser à Forest Ethics un droit de participation quant à la demande de révision judiciaire
Selon le jugement de la Cour d’appel, même si Forest Ethics était un codemandeur dans la contestation des trois décisions interlocutoires de l’Office, elle n’avait pas participé antérieurement à l’affaire dont l’Office était saisi. Il s’agissait clairement d’un cas classique d’une « trouble-fête »63.
Elle demande à la Cour d’examiner une décision administrative qui ne la concerne en rien. Elle n’a demandé à l’Office aucune mesure de réparation ni réclamé une quelconque qualité pour agir. En particulier, elle n’a présenté aucune observation à l’Office concernant les trois décisions interlocutoires. Elle n’a demandé à l’Office aucune mesure de réparation ni réclamé une quelconque qualité pour agir.
Par conséquent, Forest Ethics n’a jamais démontré qu’elle devait acquérir le droit de participer ni qu’elle ne représentait une partie d’intérêt public au litige en déposant cette demande de révision judiciaire.
Questions portant sur la Charte
Même si ce dernier point montrait clairement que Forest Ethics ne pouvait soulever la Charte, qu’en était-il du cas de Mme Sinclair? La Cour a soutenu que même si dans certains cas l’auteur d’une demande de révision judiciaire serait en mesure de contester la Charte même s’il n’a pas réussi à le faire devant un tribunal administratif, n’était pas le cas en l’espèce. Il s’agit plutôt ici d’une affaire qui était régie par la règle usuelle et la bonne pratique qui exigent que le tribunal en question soit en mesure de s’exprimer par le biais de sa propre opinion d’expert et contextualisée relativement à la question constitutionnelle ou relative à la Charte que le demandeur souhaite mettre en cause64.
Effet en amont et en aval
Les motifs de la Cour à l’appui de la conclusion de l’Office et de sa propre conclusion quant au caractère raisonnable de sa décision sur la base du caractère pertinent (ou non) des effets en amont ou en aval sont longs, mais méritent d’être cités étant donné l’importance de cette question dans différentes procédures65 :
En conclusion, l’affaire de Forest Ethics est importante pour différentes raisons. Premièrement, il contient un raisonnement portant sur les questions relatives à la norme de contrôle en ce qui a trait à différents types de décisions que l’ONE doit prendre. Deuxièmement, il confirme qu’une partie qui désire soulever des questions constitutionnelles doit le faire devant l’Office et ne pas attendre une demande de révision judiciaire. Troisièmement, il présente des motifs détaillés appuyant la position de l’Office selon laquelle il n’est pas tenu d’examiner les répercussions des gaz à effet de serre en amont et en aval des décisions en matière de pipeline.
Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain
Le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (TMX) vise à prolonger le système de pipeline Trans Mountain existant entre Edmonton, en Alberta, et Burnaby, en Colombie-Britannique. Il comprendrait environ 987 km de nouveau pipeline, des installations nouvelles et modifiées, comme des stations de pompage et des réservoirs, et la réactivation de 193 km de pipeline existant. Le terminal portuaire de Westridge serait également agrandi. De nouvelles sections de pipeline seraient ajoutées entre Edmonton et Hinton (Alberta), Hargreaves et Darfield (C.-B.), et Black Pines et Burnaby (C.-B.). Certaines sections de pipeline, déjà en place, mais actuellement inutilisées, situées entre Hinton, en Alberta, et Hargreaves, en Colombie-Britannique, et entre Darfield et Black Pines, en Colombie-Britannique, seront mises en service. Le prolongement ferait en sorte d’augmenter la capacité à près de 600 000 barils par jour66. Les audiences devant l’ONE sont toujours en cours.
La demande a mené à un litige devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique ainsi que devant la Cour d’appel fédérale. Cette partie de l’article porte sur ce qui sera dénommé le litige « visant les règlements munipeaux de Burnaby ». D’autres questions ont également été soulevées dans le cadre de la demande du TMX, mais aucune n’a mené à des décisions motivées des tribunaux67.
Les questions en rapport à l’applicabilité des règlements municipaux de Burnaby ont été présentées devant l’ONE, devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, la portion de l’article qui suit porte sur l’évolution de la contestation des règlements en ordre chronologique, plutôt qu’une séparation sur deux voies.
La demande d’agrandissement de TMPL prévoit l’utilisation d’un droit de passage existant; toutefois, les portes ouvertes que la société a tenues à Burnaby en Colombie-Britannique, dans le cadre de la préparation de sa demande, l’ont encouragée à étudier une autre voie plus directe dans un secteur de la ville , qui pourrait nécessiter le forage d’un tunnel dans le mont Burnaby. Afin d’étudier la faisabilité du projet, la société devait mener des études et des évaluations supplémentaires, notamment des enquêtes géotechniques, pour lesquelles il faudrait forer dans des sites précis. TMPL a tenté d’obtenir un accès aux sites auprès de la Ville de Burnaby pour une période prolongée, mais n’a pas été en mesure d’obtenir l’autorisation pour ses opérations. En réponse à ce refus, TMPL a demandé des clarifications auprès de l’ONE quant à sa position en vertu de l’article 73 de la LONE qui stipule que :
Sous réserve des autres dispositions de la présente loi […], la compagnie peut, dans le cadre de son entreprise :
L’Office a rendu sa décision dans une réponse le 19 août 2014, dans laquelle il est énoncé ceci68 :
Une interprétation franche du libellé de l’alinéa 73a) donne à Trans Mountain la permission de pénétrer sur des terres publiques (fédérales ou provinciales) ou des terrains privés sur lesquels passe le tracé prévu d’un pipeline, pour y effectuer des levés et des examens. L’alinéa 73a) n’oblige pas les sociétés à s’entendre avec les propriétaires fonciers ou la Couronne avant d’exercer leur droit d’accès aux terrains.
Armé de ce libellé, TMPL a commencé ses activités d’arpentage. Elle s’est rapidement faite ordonnée par la Ville de Burnaby de cesser ses activités, car celles-ci enfreignaient les règlements de la Ville. TMPL a porté cette question devant l’ONE, mettant en doute la validité et l’applicabilité constitutionnelle des règlements (expliqués plus en détail ci-dessous). La Ville de Burnaby a soumis une demande à la Cour suprême de la Colombie-Britannique afin d’obtenir une injonction fondée sur l’article 274 de la Charte communautaire. La juge Brown a rejeté la demande69 et l’autorisation d’appel a également été refusée70.
La juge Brown a utilisé les trois critères énoncés dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c Canada (Procureur général)71. Elle a convenu du fait qu’il y avait un problème grave qui devait être entendu, mais elle croyait clairement que le problème serait jugé devant l’ONE plutôt que devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique72, la prépondérance des inconvénients pointait dans la même direction73; et il y avait une preuve contradictoire de dommage irréparable74. Avant que la question ne soit présentée à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique lors de la demande d’autorisation d’appel, l’ONE avait déjà rendu sa décision sur l’applicabilité des règlements de Burnaby (Décision no 40 de l’ONE75) et la Cour fédérale d’appel avait en retour rejeté l’appel (sans motifs). Par conséquent, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a facilement conclu qu’elle ne devait pas accorder l’appel, non seulement parce que cette affaire ne serait pas entendue étant donné qu’il s’agissait d’une contestation collatérale de la décision de l’ONE76, mais aussi parce que la question, du moins relativement à l’application du règlement administratif, n’était plus un problème étant donné que TMPL n’avait plus d’autres travaux à réaliser sur le mont Burnaby77.
Tel qu’il est mentionné dans les paragraphes précédents, l’ONE lui-même a abordé la question de la validité, de l’applicabilité et de l’effet sur le plan constitutionnel des règlements dans une décision importante (Décision no 40), qui à son tour fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale. En l’absence de motifs de la Cour de rejeter l’appel, il est important d’examiner la décision bien motivée de l’Office. Cette dernière a cerné trois enjeux qu’il devait examiner. La première était la question si l’Office avait la compétence pour déterminer la validité, l’applicabilité et l’effet sur le plan constitutionnel des règlements administratifs de Burnaby. L’Office a facilement confirmé qu’elle détenait ce droit de regard et elle en est arrivé à cette conclusion étant donné que le libellé de l’article 11 de la LONE établit l’ONE comme une cour de justice et que l’article 12 lui donne « la compétence voulue pour trancher les questions de droit ou de fait »78.
Le deuxième enjeu touchait le cœur du problème : la validité, l’applicabilité et l’effet. Il ne devait y avoir aucun doute sur la validité de la LONE ou des règlements administratifs de Burnaby. En effet, bien que l’Office ne souligne presque jamais la question, elle a déployé certains efforts dans cette décision et la décision 28 détermine le pouvoir dont dispose l’Office pour ordonner l’accès aux terres privées et de la Couronne aux fins d’arpentage de la route et de travaux géotechniques est relève d’un élément clairement essentiel à l’exercice de la compétence globale de l’Office79. L’Office est donc tenu de considérer l’applicabilité des règlements (c’est-à-dire la doctrine de l’immunité interjuridictionnelle/ la doctrine de l’exclusivité des compétence) et leur effet (c’est-à-dire là où les règlements sont en conflits avec les dispositions de la LONE et donc inopérants en vertu de la doctrine de la prépondérance fédérale).
Quant à la question de l’effet/la prépondérance fédérale, l’Office a conclu qu’il existait un conflit d’application claire (au sens des précédents pertinents80) entre l’article 73a) de la LONE et les règlements contestés, et que l’article 73a) de la Loi avait préséance à l’égard de ce conflit, rendant ainsi ces règlements inopérants dans cette mesure :81
L’Office est d’avis qu’il existe une incompatibilité évidente entre le règlement sur les parcs et l’alinéa 73a) de la Loi. L’article 5 de ce règlement stipule qu’« il est interdit de couper, briser, détériorer, endommager, défigurer, détruire, souiller ou polluer un bien meuble ou des arbres, arbustes, plantes, pelouses ou fleurs se trouvant dans un parc ». Il y a donc une interdiction évidente d’abattre un arbre, d’enlever de la végétation ou de creuser dans le sol, même si le déboisement est minime là où les arbres pourraient présenter un risque pour la sécurité lors de l’exécution de travaux de forage. L’Office ne conteste pas le caractère environnemental de l’objet du règlement sur les parcs, mais l’application de ce règlement et la présence d’employés de Burnaby dans la zone de travail sécuritaire ont comme effet d’entraver la réalisation de l’objectif fédéral de la Loi qui est de recueillir les renseignements nécessaires pour permettre à l’Office de faire une recommandation en vertu de l’article 52 de cette même loi.
Il y a aussi un conflit dans la mise en œuvre avec les articles 24(1) et (4) du Règlement sur la circulation routière. L’article 24(1) autorise le conseil municipal de Burnaby à approuver des travaux le long d’une route ou à imposer des conditions pour l’exécution de tels travaux. […] Compte tenu du refus de Burnaby de discuter des travaux, Trans Mountain s’en est chargé de son propre chef. […]
L’Office juge qu’il existe un conflit dans la mise en œuvre entre les règlements contestés et la loi fédérale. Sur le fondement de la preuve qui lui a été soumise, il est impossible de se conformer aux deux textes de loi.
Quant à la doctrine de l’exclusivité des compétences, l’Office a dûment reconnu qu’au cours des dernières années, cette doctrine a perdu en popularité dans une certaine mesure82, mais elle a aussi reconnu qu’elle demeure pertinente, surtout en ce qui concerne certaines catégories reconnues de lois provinciales83. La doctrine s’applique pour invalider des lois provinciales, autrement valides, qui portent atteinte au contenu essentiel d’un champ d’une compétence fédérale. L’Office a conclu que les deux volets du critère (entrave et contenue essentiel) ont été satisfaits et que donc, subsidiairement à l’argument de la primauté, les règlements contestés doivent être « inapplicables dans la mesure où ils entravent l’accès temporaire aux terrains visés par Trans Mountain pour les fins prévues dans » l’alinéa 73a) de la Loi84.
Les troisième et quatrième questions soulevées touchent la capacité de l’Office à appliquer les conclusions susmentionnées relativement aux principaux enjeux. En l’espèce, l’Office a conclu qu’elle ordonnerait une ordonnance contre Burnaby, interdisant à la ville d’appliquer ses règlements qui empêchent TMPL d’exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 73a) de la LONE85. Il a également conclu que les faits, plus particulièrement le refus de la ville de coopérer, fournissent des motifs convaincants pour émettre l’ordonnance86.
La méthodologie et le raisonnement de l’Office sont convaincants ici, et offrent une direction utile afin de réfléchir sur l’interaction des lois fédérales visant les pipelines et les lois provinciales en matière d’environnement87. Les deux seront valides et, dans la plupart des cas, l’exploitant de pipelines devra se conformer aux lois provinciales ainsi qu’à la LONE. Toutefois, dans les cas où la loi provinciale empêche la loi fédérale d’atteindre ses objectifs, eune telle loi sera considérée comme inopérante ou inapplicable. C’est regrettable que la Cour d’appel fédérale ait refusé de fournir ses propres motifs quant au refus d’accorder l’appel sur une question juridique autant cruciale, mais peut-être qu’il s’agissait là d’une affaire pour laquelle les raisons de l’Office ne nécessitaient pas un examen supplémentaire.
TransCanada – Énergie Est
Énergie Est prévoit convertir des pipelines de gaz naturel existants entre la frontière de l’Alberta-Saskatchewan et la région d’Ottawa, pour le transport de pétrole; construisant un nouveau pipeline, principalement en Alberta, au Québec et au Nouveau-Brunswick, qui sera relié au pipeline converti; et la construction d’installations connexes, de stations de pompage et de réservoirs nécessaires au déplacement du pétrole brut depuis l’Alberta vers le Québec et le Nouveau-Brunswick, y compris des installations maritimes. Au moment où le présent article a été rédigé, l’Office n’avait pas encore déterminé le calendrier des audiences et des emplacements.
Jusqu’ici, le principal litige intenté contre le projet Énergie Est88 concerne une demande produite par le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE)89 devant la Cour fédérale pour une injonction interlocutoire visant à repousser toute échéance de participation de l’Office à l’étude de la demande de TCPL, et ce, jusqu’à ce que le commissaire aux langues officielles ait statué sur la plainte déposée devant lui par le CQDE, dans laquelle le CQDE demande que l’ONE fournisse une traduction officielle de l’ensemble de la demande d’Énergie Est qui compte 23 000 pages. Le juge de Montigny a refusé la demande pour des raisons de compétence et de fond. Sur la question de compétence, le juge de Montigny a statué que la cour de première instance de la Cour fédérale n’avait pas compétence en matière d’appel ou de révision judiciaire sur l’ONE, pour les raisons énoncées ci-dessus, et qu’il ne pouvait obtenir cette compétence en vertu de la Loi sur les langues officielles (LLO)90.
Dans la mesure où la requête en injonction interlocutoire intentée par les requérants vise essentiellement à contester la décision rendue par l’Office […], il m’apparaît clair que cette Cour n’est pas le forum approprié et que le véhicule procédural choisi n’est pas indiqué. Il va de soi que l’on ne saurait faire indirectement ce qu’il n’est pas permis de faire directement. La façon appropriée pour les requérants de demander la suspension de l’instance devant l’Office était de contester la décision de l’Office […] devant la Cour d’appel fédérale, seule compétente pour connaître d’un tel recours à l’encontre d’une décision de l’Office, et de demander par voie de requête incidente la suspension de l’instance devant l’Office pendant la durée de la contestation.
Sur la question de fond, le juge de Montigny a noté que le CQDE devrait déterminer que son « recours éventuel sous la LLO soulève une question sérieuse, qu’ils subiront un préjudice irréparable advenant le rejet de leur requête, et que la balance des inconvénients penche en leur faveur »91. Le juge de Montigny était d’avis que l’argument du CQDE était sans fondement. Même s’il est clair que la LLO s’applique à l’ONE, tout ce que cette loi exige, c’est un « unilinguisme optionnel » au choix de la personne qui s’exprime … « En d’autres termes, c’est le droit d’utiliser l’une ou l’autre des langues officielles dans toute affaire dont est saisi un tribunal et dans les procédures qui en découlent qui est garanti, et non le droit que la langue officielle utilisée sera comprise par la personne à qui s’adresse la plaidoirie ou la pièce de procédure […] »92.
En l’absence d’une disposition législative claire à cet effet, l’on ne saurait imposer à tous les tribunaux administratifs et à tous les tribunaux visés par la LLO une obligation aussi onéreuse que celle de traduire tous les dossiers qui leur sont soumis. De façon alternative, les requérants ont soutenu qu’ils pouvaient également se prévaloir de l’article 12 de la LLO, lequel prévoit que « [l]es actes qui s’adressent au public et qui sont censés émaner d’une institution fédérale sont établis ou délivrés dans les deux langues officielles ». Or, cette disposition ne peut clairement pas trouver application dans le présent contexte, puisque la demande déposée par Énergie Est n’émane pas de l’Office93.
Le juge de Montigny a poursuivi en indiquant que la LLO pourrait ne pas épuiser les revendications que pourraient soulever les requérants. Plus particulièrement, il a observé que si Énergie Est (ou l’ONE) ne fournissait pas suffisamment de documentation dans les deux langues officielles, de manière à ne pas permettre à une partie de comprendre les questions soulevées dans la demande et de poser un jugement éclairé sur la question de savoir si elle demande à participer ou non, cette même partie pourrait présenter une demande devant la Cour d’appel fédérale pour des motifs d’équité procédurale94.
L’affaire du CQDE est principalement importante pour illustrer les différents types d’arguments que les promoteurs d’énergie doivent s’attendre à rencontrer dans le développement de nouveaux projets. Cette affaire confirme aussi que la section de première instance de la Cour fédérale ne joue aucun rôle dans la supervision de l’ONE; cela revient plutôt à la Cour d’appel fédérale.
Conclusions
Notre paradigme énergétique actuel est très étendu et nécessite d’importants développements linéaires. Le recensement des demandes dont est actuellement saisi l’ONE confirme que les nouveaux développements linéaires seront visés par des litiges, tant en ce qui concerne les sites mêmes (mont Burnaby) que les aspects plus généraux (les nouvelles infrastructures de pipeline prisonnières de technologies polluantes) et supposera des évaluations connexes à l’intérêt public (national et local). Cette étude démontre aussi que ces intérêts soulèveront un large éventail de questions. Les questions en l’espèce comprennent des questions constitutionnelles (droits linguistiques, partage des compétences, droits autochtones et droits relatifs à la Charte); les questions de droit international; les questions techniques touchant le droit administratif, la compétence de la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale et les cours supérieures provinciales, ainsi que les questions de droit de participation et les questions de droit environnemental plus conventionnelles.
Parmi les cas énoncés, bon nombre sont de nature interlocutoire et leurs fondements n’ont pas encore été établis. Bien que tout l’ensemble mérite une surveillance accrue, il sera particulièrement important de suive le litige relatif au projet Northern Gateway afin de voir ce qu’il nous révèle au sujet de la relation entre les tribunaux, l’ONE et le gouverneur en conseil. À suivre.
* Nigel Bankes, professeur de droit, University of Calgary, et professeur auxiliaire, University of Tromsø.