Compte rendu sur l’essor du gaz naturel en Ontario

La Municipalité d’Arran-Elderslie, la Municipalité de Kincardine et le Canton de Huron-Kinloss (collectivement « South Bruce ») ont mené en mars 2015 un processus de demande d’information (DI) concurrentiel pour prospecter le marché en vue de trouver de possibles fournisseurs de services de distribution de gaz naturel. Après avoir reçu les propositions d’un certain nombre de répondants (des États-Unis et du Canada), South Bruce a choisi EPCOR comme soumissionnaire préféré et a conclu des ententes de franchise avec celui-ci le 22 février 2016.

EPCOR a déposé des demandes auprès de la Commission de l’énergie de l’Ontario (la « CEO ») le 24 mars 2016 en vertu des sections 8 et 9 de la Loi sur les concessions municipales1 (la « Loi ») afin d’obtenir l’approbation de ces ententes de franchise et d’obtenir le certificat d’intérêt public et de nécessité (« CIPN ») pour Southern Bruce (les « demandes d’EPCOR »).

Au cours de la période intérimaire, la CEO a amorcé une procédure générique le 20 janvier 2016 pour examiner les possibilités d’essor du gaz naturel dans la province et établir un cadre commun pour l’expansion des services de gaz naturel dans les communautés de l’Ontario non desservies en ce moment en gaz naturel (EB-2016-0004) (la « procédure générique »). Étant donné que les demandes d’EPCOR concernaient l’expansion du service de gaz naturel dans de nouveaux secteurs, elles ont été mises en suspens en attente des conclusions de la procédure générique. À la suite de l’instance du 5 au 13 mai 2016, la CEO a fait connaître sa décision avec motifs (la « décision d’expansion ») sur l’essor du gaz naturel le 17 novembre 20162.

Dans sa décision d’expansion, la CEO a déterminé que le cadre existant en vertu duquel les services publics sont tenus de facturer les clients étant dans la même classe de tarification (parfois appelée « tarifs timbre-poste ») était l’un des principaux obstacles à l’essor du gaz naturel. La CEO a donc décidé de permettre aux services publics de facturer des tarifs « autonomes » aux nouvelles communautés d’expansion, plutôt que d’exiger une contribution en capital onéreuse aux municipalités touchées. En outre, elle a rejeté les demandes de diverses parties pour subventionner le développement de l’infrastructure de gaz naturel dans les nouvelles communautés en demandant que les contribuables existants assument une partie des coûts3.

Le 5 janvier 2017, la CEO a rendu une première ordonnance de procédure dans l’affaire EB-2016-0137/EB-2016-0138/EB-2016-0139 (la « procédure d’EPCOR), dans laquelle la CEO cherchait à savoir si d’autres parties de la procédure générique, comme définie et discutée ci-dessous, souhaitaient desservir ces régions visées par les demandes d’EPCOR. Union Gas Limited (« Union ») a avisé la CEO de son intérêt à desservir ces régions. Dans sa deuxième ordonnance pour la procédure d’EPCOR, la CEO a déterminé qu’elle entendrait les demandes pour desservir South Bruce dans deux phases : premièrement, la CEO recevrait les soumissions concernant les questions préliminaires de seuil liées aux critères ainsi que les exigences en matière de dépôt des propositions d’approvisionnement et de tarifs qu’elle s’attend à demander à EPCOR et à Union (« Phase 1 »); ensuite, elle entendrait les propositions concurrentes devant être déposées par EPCOR et Union lors d’une procédure orale (« Phase 2 »)4.

Demandes d’EPCOR : Répercussions de l’ordonnance de procédure no 6

La CEO a publié le 27 juin 2017 sa décision partielle sur la liste des questions en litige de l’ordonnance de procédure no 6 concernant la procédure d’EPCOR (« OP no 6 »)5, dans laquelle la CEO a déterminé que le pouvoir final d’approbation des franchises de gaz et de CIPN reposait entre ses mains et que les dispositions de la Loi ne permettaient pas à une municipalité de faire des réserves pour préparer la construction ou l’exploitation d’une infrastructure de gaz naturel sans l’approbation expresse de la CEO. En outre, la CEO a maintenu que la préférence municipale, même s’il s’agit d’un facteur dans la sélection par la CEO d’un distributeur de gaz pour servir une municipalité donnée, ne peut pas représenter le seul facteur déterminant ou limiter le pouvoir de la CEO de déterminer les modalités de la mise en place et de l’exploitation d’une infrastructure de gaz naturel en Ontario.

Dans son OP no 6, la CEO a également déterminé dans le cadre de la procédure d’EPCOR qu’il était approprié de délivrer le CIPN, sur une base conditionnelle et soumise à l’acceptation financière et technique subséquente, au soumissionnaire qui « [Traduction] faisait la démonstration qu’il avait l’exigence de revenus globale la plus basse pour fournir un service de distribution identifié dans des municipalités cherchant à obtenir ce service »6.

La CEO a cité la discipline liée au contrôle des coûts et la recherche d’efficacités dans l’expansion et l’exploitation du système comme premier bénéfice de l’introduction de la concurrence cernée dans la décision d’expansion :

[Traduction] Toutes les autres questions liées à l’affectation des coûts, à la conception des tarifs et à la gestion générale du service public sont des préoccupations courantes de la CEO, lesquelles sont gérées comme c’est le cas pour toutes les autres entités règlementées. Par conséquent, il est possible de limiter les critères de sélection à une comparaison des revenus nécessaires pour un service déterminé précis7.

Ce n’est pas la première fois que la CEO s’engage dans une comparaison des coûts de deux services publics pour desservir un nouveau marché.

Dans sa décision avec motifs dans le cadre de la procédure sur les modifications d’un service combiné RP-2003-0044 (la « procédure combinée »), la CEO a examiné les principes directeurs de l’évaluation des modifications de secteur de service pour un permis de distributeur d’électricité8.

La CEO a mentionné que les demandeurs devaient présenter une preuve démontrant l’intérêt du public pour la modification proposée, abordant l’efficacité économique, les répercussions sur les distributeurs mis en cause et leurs consommateurs, tant à l’intérieur et à l’extérieur de l’enjeu de la modification; la manière d’atténuer ces répercussions et la préférence des consommateurs. Suivant la méthode établie dans l’OP no 6, l’efficacité économique a été cernée comme le premier point à examiner lors de l’évaluation d’une demande de modification de secteur de service d’électricité9.

Jusqu’à maintenant, relativement à la pondération attribuée à ces critères, la CEO a déterminé lors de la procédure combinée ce qui suit :

[Traduction]… la Commission est arrivée à la conclusion que la préférence des consommateurs est un point à examiner important, mais non primordial, lors de l’évaluation des mérites d’une demande de modification d’un secteur de service. Le choix des consommateurs peut devenir un facteur déterminant lorsque des offres concurrentes leur étant présentées sont comparables en ce qui a trait à l’efficacité économique; à la planification, à la sécurité et à la fiabilité du système, et que la démonstration est faite qu’elles sont neutres quant aux répercussions sur le prix pour les consommateurs du distributeur présentant la demande et le titulaire, et lorsque les préoccupations sont abordées10.

« [Traduction]

… la Commission a conclu qu’une pondération importante doit être accordée à l’efficacité économique lors de l’évaluation d’une demande de modification de secteur de service. Si le demandeur n’est pas en mesure de démontrer adéquatement l’efficacité économique d’une demande de modification de secteur de service, cela sera un motif suffisant pour que la Commission rejette la demande11.

À la lumière de l’OP no 6, on peut raisonnablement anticiper que la CEO adoptera une méthode similaire pour pondérer l’efficacité économique et la préférence municipale dans la demande d’EPCOR.

Établissement d’un format commun de période de stabilité de tarifs pour les demandes

Dans son OP no 6, la CEO est arrivée à une décision partielle sur deux des questions de la Liste des questions préliminaires de la phase 1, nommément l’approbation d’une période de stabilité des tarifs de 10 ans pour l’essor du gaz naturel dans South Bruce et l’établissement d’un format commun que les soumissionnaires de demande peuvent utiliser afin de déterminer leurs exigences en matière de revenus.

Elle a défini la « période de stabilité des tarifs » comme la période de temps durant laquelle le soumissionnaire peut s’attendre à avoir à sa disposition son exigence de revenus déclarée pour les contribuables afin de fournir toutes les exigences de capital et d’exploitation demandées dans le service identifié. Au cours de cette période, les consommateurs peuvent s’attendre à une stabilité relative des tarifs étant donné que les revenus du soumissionnaire relativement aux coûts qu’il peut contrôler seront plafonnés au niveau proposé. La CEO a ajouté que la période de stabilité des tarifs pouvait comprendre une provision pour des événements imprévus, venant de l’extérieur, pour des mises à jour de la provision financière annuelles12.

La CEO établira la période de stabilité des tarifs de 10 ans pour l’expansion à South Bruce, comme elle croit que cette structure et cette période serviraient au mieux les consommateurs grâce aux bénéfices de la réalisation discutée précédemment. Une période normalisée élimine une variable potentielle entre les demandes des soumissionnaires qui pourraient ne pas être quantifiées de manière précise en termes monétaires à des fins de comparaison. Une période de stabilité des tarifs fait en sorte que le soumissionnaire est responsable de faire la projection des revenus potentiels et de supporter le risque de la période de 10 ans si les consommateurs ne se raccordent pas au système selon les prévisions. La probabilité que les consommateurs délaissent leur service existant est inversement touchée par les coûts pour servir ces clients ainsi que les tarifs qui en découlent. Une fonction de la période de stabilité des tarifs consiste à atténuer la pression qu’elle place sur les coûts en raison du potentiel d’augmenter les revenus globaux du service public.

[Traduction]

À cette jonction et dans ce cas, la CEO juge bon d’établir des paramètres communs que les soumissionnaires peuvent utiliser pour déterminer leurs exigences respectives en matière de revenus. La CEO établira un plan commun d’infrastructure (PCI) qui servira de base aux soumissionnaires afin de déterminer leurs exigences respectives en matière de revenus. Il n’est pas nécessaire d’arriver à un consensus complet entre les soumissionnaires relativement aux attributs de conception « convenant au but » du plan, car le PCI servira à titre d’échantillon ou de modèle de plan pour permettre à la CEO d’entreprendre une comparaison des exigences de revenus déclarées à l’aide d’un ensemble de paramètres communs. Le PCI servira comme base pour les soumissions d’exigences en matière de revenus13.

Prochaines étapes

À la suite de l’OP no6, EPCOR Southern Bruce Gas Inc. et Union Gas Limited ont eu l’ordre de participer à une séance conjointe avec le personnel de la CEO afin de déterminer les paramètres techniques du plan commun d’infrastructure pour le secteur couvert par les demandes d’EPCOR le 13 juillet 2017, et le personnel de la CEO devait fournir une mise à jour sur les progrès à la CEO le 20 juillet 2017.

Bien que l’OP no 6 confirme l’opinion de la CEO relativement à son pouvoir d’approuver les CIPN et les règlements sur les franchises de gaz, les effets et les ramifications de l’accent porté sur l’exigence de revenus comme facteur principal pour accorder les CIPN sur une base conditionnelle reste à déterminer dans ce cas-ci.

* John Vellone est un partenaire du bureau de Toronto de Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. et il est un membre du groupe Marchés de l’électricité et du groupe des TI. M. Vellone a représenté les municpalités de South Bruce au cours de la procédure d’expansion du gaz naturel.

** Jessica-Ann Buchta est une associée chez Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. du groupe Marchés de l’électricité, qui pratique le droit des affaires et le droit des sociétés avec un accent sur la loi sur l’énergie et les questions touchant le secteur de l’électricité. Les opinions et les points de vue exprimés dans le présent article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique officielle ou la position d’un client, d’une municipalité, d’un gouvernement ou d’une agence.

  1. Loi sur les concessions municipales, LRO 1990, c M.55.
  2. Commission de l’énergie de l’Ontario, Décision avec motifs, Ontario Energy Board Generic Proceeding on Community Expansion, EB-2016-0004, (17 novembre 2016).
  3. Pour un aperçu plus détaillé de la décision d’expansion, consulter : John Vellone & Jessica-Ann Buchta, « La décision de la Commission de l’énergie de l’Ontario introduit l’appel d’offres concurrentiel pour les franchises de gaz naturel » (2015) 5:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 49.
  4. Commission de l’énergie de l’Ontario, Ordonnance de procédure n2, South Bruce Expansion Applications, EB-2016-0137/EB-2016-0138/EB-2016-0139 (3 mars 2017).
  5. Commission de l’énergie de l’Ontario, Liste de questions en litige et Ordonnance de procédure no 6, South Bruce Expansion Applications, EB-2016-0137/EB-2016-0138/EB-2016-0139 (27 juin 2017).
  6. Ibid à 3.
  7. Supra note 5 à 3.
  8. CEO, Décision avec motifs, RP-2003-0044 (27 février 2004).
  9. Ibid aux paras 204 à 208.
  10. Supra note 8 au para 233.
  11. Supra note 8 au para 249.
  12. Supra note 5 à 4.
  13. Supra note 5 à 4.

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