Analyse de Unsettled de Steven Koonin[1]

Les messages clés du nouveau livre de Steven E. Koonin, Ph. D., Unsettled (2021), sur l’état actuel de la science du climat et ses implications pour la politique énergétique, bien qu’ils soient organisés et exprimés de manière convaincante, sont néanmoins déconcertants. Plutôt que d’offrir les avertissements conventionnels d’un climat qui s’effondre et de catastrophes naturelles imminentes, Koonin vient de la direction opposée. Il soutient, avec beaucoup de passion, qu’une grande partie de ce que vous avez entendu sur la gravité et la certitude de la science qui sous-tend la parade des prédictions apocalyptiques (en l’absence d’une transition rapide vers l’abandon des combustibles fossiles) est au mieux exagérée et au pire trompeuse. Nous demander de repenser les fondements bien documentés et les prophéties de Cassandre de la science du climat est, eh bien, déstabilisant.

M. Koonin ne peut pas être écarté comme un toqué antiscience ou un homme de paille pour l’industrie pétrolière et gazière. Il peut se targuer d’un curriculum vitae long et distingué, couvrant le monde universitaire, le service gouvernemental et l’industrie privée. Longtemps professeur de physique théorique et administrateur principal à Caltech, il enseigne actuellement à l’Université de New York. Entre-temps, il a occupé le poste de scientifique en chef de BP, chargé de la recherche sur les carburants de rechange et renouvelables, et — ce qui est peut-être le plus remarquable — au sein de l’administration Obama, comme sous-secrétaire aux sciences du département américain de l’Énergie[2]. Bien qu’il ne soit pas à proprement parler un climatologue, sa carrière l’a amené à s’intéresser de près à l’utilisation de l’énergie, aux phénomènes météorologiques et au climat, ce qui l’a amené à exprimer des points de vue contraires au consensus dans des éditoriaux du Wall Street Journal à partir de 2014[3].

Comme on peut facilement l’imaginer, la réaction de l’establishment de la science climatique au cri de coeur de la longueur d’un livre de Koonin a été considérable[4]. De plus, la publication d’Unsettled a précédé de peu le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU, publié en août 2021, de sorte que le volume vise un rapport plus ancien (2013) du GIEC d’une ampleur et d’une portée comparables (entre autres études officielles). Le rapport de 2021 du GIEC a tiré des sonnettes d’alarme plus fortes que jamais, et seul Koonin peut défendre la durabilité de sa critique à la lumière des plus récentes constatations. Toutefois, la présente analyse se concentre sur les affirmations fondamentales d’Unsettled, et non sur les inévitables joutes entre l’auteur et ses adversaires dans les communautés de la science du climat et de la défense des intérêts.

PRÉOCCUPATIONS CENTRALES D’UNSETTLED

Il convient de souligner d’emblée que Koonin adhère à certains concepts au coeur du consensus sur le climat. Il reconnaît que les émissions de dioxyde de carbone provenant des activités humaines (en particulier de l’utilisation de combustibles fossiles) sont en augmentation, qu’elles restent dans l’atmosphère pendant une période exceptionnellement longue et que, combinées à d’autres gaz à effet de serre (GES), elles contribuent au réchauffement actuel de la planète. À ces égards, il se distingue des soi-disant « négateurs » du changement climatique. Ses principales questions portent sur la mesure dans laquelle les activités humaines (par opposition aux cycles naturels) sont à l’origine du réchauffement; la façon dont les complexités du climat peuvent réagir au fil du temps aux « influences humaines »; la question de savoir si les récentes incidences de conditions météorologiques extrêmes peuvent être attribuées à l’accumulation de dioxyde de carbone atmosphérique au cours des dernières décennies; si des impacts économiques négatifs graves sont susceptibles de résulter des augmentations de température prévues par le GIEC et dans des rapports similaires; quelle confiance peut-on accorder aux modèles climatiques sur lesquels reposent les prédictions sinistres; et, surtout, s’il est réaliste de s’attendre à ce que les gouvernements du monde entier imposent, dans un avenir proche, une transformation radicale des systèmes et des activités qui génèrent des GES. Sur toutes ces questions, Koonin jette un regard critique sur le consensus régnant et tente de le miner à l’aide d’une foule d’exemples et de graphiques.

Là où se démarque Koonin est que :

  • il y a beaucoup trop d’incertitudes dans les projections du réchauffement de la planète et de son cortège de malheurs sur lesquelles baser des changements sociétaux massifs et des investissements dans des systèmes de rechange;
  • en tout état de cause, les actions transformatrices proposées ne se sont pas produites au rythme souhaité par l’Accord de Paris sur le climat de 2015 pour atteindre ses jalons ambitieux;
  • le monde serait mieux servi par la recherche de remèdes climatiques de géo-ingénierie et de solutions « d’adaptation » si les résultats redoutés de l’inaction se produisent.

Koonin soutient le développement et le déploiement de technologies rentables et à faible teneur en carbone, mais se demande jusqu’où, de manière réaliste, elles peuvent nous permettre de stabiliser l’augmentation apparemment inexorable du dioxyde de carbone atmosphérique.

L’EMPRISE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR LA CONSCIENCE PUBLIQUE

Koonin couvre beaucoup de terrain dans cette évaluation de 300 pages de la science du changement climatique et de sa collision avec l’appétit croissant du monde (en particulier des nations en développement) pour l’énergie dans le cadre de la quête d’un niveau de vie plus élevé. Les premiers chapitres du livre fournissent une introduction concise aux éléments qui régissent le climat et aux interactions complexes entre eux (soulignant comment les océans et les masses terrestres couvertes de végétation, l’atmosphère qui nous protège de l’espace et le soleil échangent tous chaleur et énergie). À ces cycles naturels, il superpose les impacts de l’intervention humaine, plus particulièrement les émissions de GES provenant de l’utilisation de carburants au carbone, des procédés industriels et de l’agriculture. La clarté de cet aperçu de la science fondamentale rend le livre intéressant pour les lecteurs profanes, même s’ils ne partagent pas les doutes de Koonin quant à l’imminence de la « crise climatique ».

Les chapitres centraux d’Unsettled exposent les efforts de l’auteur pour déconstruire les conclusions alarmantes des précédents rapports du GIEC ainsi que les rapports parallèles publiés par le gouvernement américain — c’est-à-dire le National Climate Assessment (NCA) quadriennal[5].

Quelle que soit l’importance de ces sections pour étayer l’argument de Koonin, les chapitres d’introduction et de conclusion d’Unsettled capturent le mieux ce qui anime l’auteur. Dans les premières pages, il distille l’essence de ce qu’il appelle avec une certaine dérision « La Science » :

[Traduction]

« Les humains ont déjà brisé le climat de la Terre. Les températures augmentent, le niveau de la mer monte en flèche, la glace disparaît, les vagues de chaleur, les tempêtes, les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt sont un fléau qui ne cesse de s’aggraver dans le monde. Les gaz à effet de serre sont à l’origine de tout cela. Et à moins qu’ils ne soient éliminés rapidement par des changements radicaux de la société et de ses systèmes énergétiques, ‘La Science’ affirme que la Terre est condamnée [6] » [souligné dans l’original].

Après avoir exposé ces affirmations hyperboliques (à son avis), Koonin cherche à les dégonfler en affirmant que les données montrent : (1) que les vagues de chaleur aux États-Unis ne sont pas plus fréquentes qu’en 1900; (2) que les « températures les plus chaudes » n’ont pas augmenté aux États-Unis au cours des 50 dernières années; (3) que les humains n’ont eu aucun impact détectable sur les ouragans; (4) que la calotte glaciaire du Groenland ne rétrécit pas plus rapidement aujourd’hui qu’il y a 80 ans; et (5) que « l’impact économique net des changements climatiques d’origine humaine » devrait être « minime[7] ». Le livre postule, en bref, qu’il existe un vaste fossé entre la compréhension du public des impacts des changements climatiques et les données réelles. Pire encore, il estime que les décideurs sont induits en erreur, car ils n’obtiennent leurs informations qu’après les avoir « soumises à différentes contre-analyses[8] ».

Unsettled est autant le récit subjectif du voyage d’un scientifique dans le labyrinthe de la science du climat que l’interrogation d’un sceptique sur le consensus. Koonin nous raconte comment, en 2004, sa carrière a commencé à se concentrer sur « le sujet du climat et de ses implications pour les technologies énergétiques » [traduction], d’abord en tant que scientifique interne chez BP, puis dans le cadre de son affectation au département de l’Énergie de l’administration Obama. Dans ces rôles, souligne Koonin, « j’ai trouvé une grande satisfaction…en aidant à définir et à catalyser des actions qui réduiraient les émissions de dioxyde de carbone, l’impératif convenu qui sauverait la planète[9] »[traduction]. Mais ses « doutes » ont commencé fin 2013, lorsqu’une société professionnelle de physiciens lui a demandé de diriger une équipe pour « mettre à jour sa déclaration publique » sur la science du climat, ce qui l’a conduit à organiser un atelier pour « soumettre à un essai marginal » l’état actuel de la science du climat[10]. Koonin est sorti de ce processus « secoué », affirme-t-il, par « la réalisation que la science du climat était bien moins mature que je ne l’avais supposé[11] »[traduction].

Au coeur de la révision de son point de vue se trouve sa « découverte » que :

  • les influences humaines exercent un effet de réchauffement « en croissance, mais physiquement faible », mais les « lacunes » des données climatiques empêchent les scientifiques de « démêler les réponses aux influences humaines provenant de changements naturels mal compris » [traduction];
  • les résultats des modèles climatiques sont en désaccord les uns avec les autres, et « parfois » les modélisateurs appliquent un « jugement d’expert » pour « ajuster les résultats du modèle et masquer les lacunes »;
  • les communiqués et les résumés du gouvernement et de l’ONU « ne reflètent pas fidèlement » les rapports eux-mêmes;
  • la science est « insuffisante pour faire des projections utiles » sur la façon dont le climat est susceptible de changer au fil du temps et l’effet des actions humaines sur celui-ci[12].

C’est à la suite de cette illumination, raconte Koonin, qu’il a rendu public un long essai publié dans le Wall Street Journal dénonçant un « confort de certitude » entourant la science climatique qui est, en réalité, une entrave à « l’entreprise scientifique[13] ». De nombreux commentaires en ligne en réponse étaient favorables, mais beaucoup de ses collègues scientifiques étaient « outrés », suggérant qu’il avait « brisé un certain code du silence » en soulignant les incertitudes[14].

Six ans plus tard, note l’auteur, « l’alarmisme climatique » a fini par dominer la politique américaine, en particulier dans les cercles démocratiques (dans lesquels il se sent le plus à l’aise autrement), tandis que dans les primaires démocrates de 2020, les candidats ont cherché à se surpasser les uns les autres en émettant « des déclarations exagérées sur ‘l’urgence climatique’[15] ». Les discussions politiques ont notamment porté sur le « Green New Deal » et ont culminé avec la nomination de John Kerry comme « envoyé spécial pour le climat », dont la mission était de dépenser « près de deux billions de dollars pour lutter contre « cette menace existentielle pour l’humanité », ce qui a laissé Koonin « de plus en plus consterné[16] ».

Un peu plus loin dans le livre, Koonin décrit comment les médias amplifient leurs histoires de changements climatiques, avec des titres souvent plus alarmants que le contenu sous-jacent. Les scientifiques, les médias et les politiciens ont tous leur part de responsabilité dans les distorsions que Koonin constate dans la compréhension de la science climatique par le public. Dans le dernier paragraphe de son chapitre « Apocalypses that Ain’t » (apocalypses qui n’en sont pas), il admoneste le lot d’entre eux[17] :

[Traduction]

« Il est clair que les médias, les politiciens et souvent les rapports d’évaluation eux-mêmes déforment de manière flagrante ce que dit la science sur le climat et les catastrophes. Ces échecs mettent en cause les scientifiques qui rédigent et révisent trop souvent les rapports, les journalistes qui les répètent sans esprit critique, les rédacteurs qui attisent le feu de l’alarme et les experts dont le silence public cautionne la tromperie. La répétition constante de ces erreurs et de bien d’autres erreurs climatiques les transforme en vérités acceptées ».

MODÈLES NON ANCRÉS

Si plusieurs chapitres d’Unsettled entreprennent de disséquer les appréhensions soulevées par les chercheurs en science du climat, l’un des plus centraux concerne sa remise en question du respect accordé aux modèles climatiques. Ce point est crucial car un grand nombre d’études s’appuient sur des prédictions basées sur des modèles des bouleversements du climat et des écosystèmes de la Terre. Koonin aborde le sujet avec enthousiasme, indiquant qu’il a une grande expérience du développement de la modélisation informatique en tant qu’outil scientifique (notant qu’il a « écrit l’un des premiers manuels sur le sujet[18] »). Pour mettre ce chapitre en exergue, il cite la célèbre remarque d’un statisticien de l’Université du Wisconsin : « Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles[19] » [traduction].

Loin de s’opposer à l’utilisation de la modélisation — au contraire, il les qualifie de « centrales à la science du climat [pour] nous aider à comprendre le fonctionnement du système climatique[20] » — il avertit néanmoins que « décrire utilement le climat de la Terre reste l’un des problèmes de simulation scientifique les plus difficiles qui soient » [traduction]. Malgré ces mises en garde, la tentation de s’appuyer sur la modélisation pour projeter l’avenir du climat face aux émissions de GES est presque faustienne. Koonin déclare[21] :

[Traduction]

« Il est facile de se laisser séduire par l’idée qu’il suffit d’introduire l’état actuel de l’atmosphère et des océans dans un ordinateur, de faire quelques hypothèses sur les futures influences humaines et naturelles, et de prédire ainsi avec précision le climat des décennies à venir. Malheureusement, ce n’est qu’un fantasme… ».

Koonin offre ensuite une description très détaillée de la manière dont les modèles climatiques sont construits à partir de la base. Cela est déjà assez compliqué, mais il ajoute ensuite des nuances et des défis si « atrocement difficiles [que] quiconque affirme que les modèles climatiques ne sont que de la physique ne les comprend pas ou est délibérément trompeur[22] ». Koonin fait de son mieux pour expliquer ce que les modèles peuvent et ne peuvent pas prendre en compte, les hypothèses et les « réglages » (c’est-à-dire les facteurs de manipulation « nécessaires mais périlleux »), et les problèmes d’estimation des boucles de « rétroaction[23] ». Ces « ajustements », précise-t-il, sont nécessaires pour que les modèles correspondent « aux propriétés observées du système climatique, qui sont beaucoup plus nombreuses »; mais cela fait nécessairement « douter de la confiance que l’on peut accorder aux conclusions des modèles », tout en montrant « clairement que nous ne comprenons pas les caractéristiques du climat au niveau de spécificité requis compte tenu de la faiblesse des influences humaines[24] » [traduction].

Koonin soutient que les évaluations périodiques de l’état de la science comme ceux du GIEC et les NCA donnent l’illusion d’un accord général entre les modèles en faisant la moyenne des résultats d’un « ensemble » de modèles; mais, à moins de lire « profondément dans le rapport du GIEC », cette pratique masque le fait que les modèles sont « fortement en désaccord les uns avec les autres[25] ». Il est également troublé par le fait que les modèles sont incapables de reproduire ou d’expliquer pourquoi le climat a connu une tendance au « fort réchauffement » de 1910 à 1940[26]. Enfin, il affirme que l’incapacité des modèles à refléter le réchauffement au début du XXe siècle « suggère qu’il est possible, voire probable, que la variabilité interne — les flux et reflux naturels du système climatique — ait contribué de manière significative au réchauffement des dernières décennies[27] » [traduction].

Avec un tel « lot de soucis dans le domaine de la modélisation climatique », conclut Koonin, « il n’est pas étonnant que nous comprenions mal comment le climat réagira à l’augmentation des concentrations de GES. Plus nous en apprenons sur le système climatique, plus nous réalisons à quel point il est compliqué[28] » [traduction].

L’IMPRATICABILITÉ DE LA DÉCARBONISATION DE L’ÉCONOMIE

Dans plusieurs chapitres de conclusion, Koonin revient de la technique et du granulaire au macro. Ici, sa question primordiale est de savoir s’il est réaliste de supposer que les sociétés feront les changements majeurs, les dépenses et les sacrifices nécessaires pour atteindre l’objectif du GIEC de « stabiliser » les émissions de GES d’ici le milieu du siècle et d’imposer ainsi un plafond à l’augmentation de la température mondiale de 2 ou 1,5 °C[29]. Dans le chapitre « The Chimera of Carbon Free[30] » (la chimère de la carboneutralité), il conclut que ces objectifs d’émission, qu’ils soient efficaces ou non pour arrêter le réchauffement, sont tout simplement inatteignables.

Il commence cette discussion par le truisme selon lequel les systèmes énergétiques évoluent lentement au fil des décennies. Les raisons, explique-t-il, sont liées à la complexité de l’infrastructure, aux investissements à long terme dans celle-ci et au besoin de fiabilité de la société (ce qui entraîne un certain conservatisme concernant les changements). Aux États-Unis, les trois sources les plus dominantes d’émissions de GES sont le transport, l’électricité et l’industrie[31]. M. Koonin note que, si les États-Unis ont réduit leurs émissions de 16 % depuis leur pic de 2005 — un exploit non négligeable, largement propulsé par la transition du charbon au gaz naturel pour alimenter les générateurs électriques — les émissions mondiales ont augmenté d’un tiers au cours de la même période[32]. Ce seul fait illustre la nature ardue du défi.

Le chapitre passe ensuite en revue les obstacles et les vents contraires à toute décarbonisation rapide des systèmes qui produisent, transportent et consomment l’énergie, rien qu’aux États-Unis. La discussion est substantielle et détaillée, soulevant des questions sur la faisabilité technique (y compris la fiabilité), la volonté politique et l’économie que tout partisan de l’urgence de remplacer les combustibles fossiles par des substituts « d’énergie propre » doit aborder et résoudre. M. Koonin convient que « le gouvernement a un rôle important à jouer » dans le parrainage de la recherche, tant fondamentale que de développement, et ne rejette pas l’idée que des technologies plus propres et techniquement réalisables existent; mais il prévient qu’elles « ne sont pas prêtes pour le marché[33] » [traduction]. De même, il soumet :

[Traduction]

« …la création d’un système énergétique sans émissions sera largement perturbatrice — tant sur le plan économique que comportemental. La question est de savoir si le pays choisira d’investir le capital financier et politique nécessaire pour réaliser cette transformation.… Je pense qu’il est peu probable que cela se produise de sitôt[34] ».

De plus, Koonin conteste l’idée qu’une transition plus urgente vers des carburants à faible teneur en carbone aux États-Unis ferait une grande différence pour le climat mondial, puisque ce pays ne représente que 13 % des émissions mondiales de GES. Alors que certains, reconnaît-il, soutiendraient que les États-Unis, en donnant l’exemple, verraient le reste du monde leur emboîter le pas, il se demande « quelle est la probabilité qu’ils le fassent alors que leurs besoins énergétiques sont si pressants et les avantages des réductions si obscurs[35] ».

« PLANS B » ET CONCLUSION

Dans ses deux derniers chapitres (« Plans B » et « Final Thoughts » (dernières impressions), Koonin avance des options jugées presque impensables par de nombreux climatologues et défenseurs du climat. La première est que la « géo-ingénierie » mérite des recherches et des études pratiques. L’hypothèse sous-jacente est que, même si les scénarios les plus inquiétants décrits par les climatologues du « consensus » ne sont pas susceptibles de se réaliser, ils ne peuvent pas non plus être exclus. Sous la rubrique de la géo-ingénierie, Koonin esquisse deux possibilités : (1) pour un coût relativement économique, il est possible de répandre des particules réfléchissantes (aérosols) dans l’atmosphère pour réduire l’énergie solaire atteignant la Terre (imitant ce qui se passe pendant de longues périodes après des éruptions volcaniques); et (2) à un coût plus élevé, des équipements pourraient être déployés pour éliminer directement le dioxyde de carbone de l’atmosphère[36]. Bien qu’aucune de ces options ne soit technologiquement irréalisable (pour ainsi dire), aucune n’est une panacée, et c’est pourquoi Koonin décrit les obstacles — pratiques, économiques et politiques — associés à chacune.

Le plan B-2 du livre de Koonin est tout simplement « l’adaptation », un recours que la plupart des écologistes considèrent comme anathème. L’auteur fait valoir que les êtres humains ont prouvé leur capacité d’adaptation à de nombreux types de climats; et, de plus, ce recours représente ce qu’il croit « être notre principale intervention », pas nécessairement ce qui devrait se produire[37]. De plus, dans la mesure où les changements climatiques sont partiellement dus aux cycles naturels (une thèse qui tient plus la route de l’avis de Koonin que de l’avis de ses adversaires) , ils sont peut-être inévitables[38]. Quoi qu’il en soit, Koonin recommande davantage d’études sur l’adaptation qui vont au-delà de la simple « identification » (la principale façon dont elle a été abordée jusqu’à présent) et qui se penchent sur les « questions de mise en oeuvre » et les « analyses coûts/avantages » orientées vers différentes stratégies. En outre, note-t-il, puisque l’adaptation est plus accessible aux sociétés plus riches, le précurseur pour permettre l’adaptation est de se concentrer à plus court terme sur « la réduction de la pauvreté, ce qui serait une bonne chose pour de nombreuses raisons n’ayant rien à voir avec le climat[39] » [traduction].

Dans ses derniers paragraphes, Koonin affirme d’abord que le rôle du scientifique est de décrire, et non de prescrire, et qu’il a écrit son livre en conséquence[40]. Mais après cette mise en garde, il passe à la vitesse supérieure pour recommander (comme vous vous y attendez, étant donné sa critique) que la science du climat ait besoin « d’observations plus soutenues et améliorées du système climatique » et d’une meilleure compréhension « des modèles climatiques extrêmement complexes que nous avons construits[41] ». Il y ajoute un plaidoyer en faveur d’une « discussion plus honnête » qui « dépasse les slogans et les polémiques, et qui soit exempte d’accusations de sournoiserie.… Permettons d’approfondir notre compréhension, plutôt que de répéter l’orthodoxie[42] » [traduction].

Il est inquiétant de constater que tout scientifique qui met en doute les conclusions les plus inquiétantes des climatologues est considéré comme un apostat. Pour cette raison, Koonin a raison; la science s’épanouit en effet grâce au scepticisme et à la vérification rigoureuse des hypothèses. D’autre part, étant donné que de nouvelles données sont constamment générées et alimentent périodiquement les modèles que Koonin a critiqués, il serait souhaitable que Unsettled soit mis à jour pour prendre en compte les projections contenues dans le dernier rapport du GIEC. On ne peut qu’espérer que l’examen de La Science se poursuive, avec un esprit ouvert au large éventail de possibilités. La question de savoir si le livre de Koonin est une réfutation sans appel de « l’urgence climatique » ou, comme ses détracteurs le voudraient, un simple recueil d’arguties, doit être résolue, non seulement dans les revues scientifiques, mais aussi sur la place publique.

 

  1. L’article qui suit est une réimpression avec la permission de celui qui est paru dans l’Energy Law Journal, Volume 43, No 1.

* Kenneth A. Barry est l’ancien conseiller principal en matière d’énergie de Reynolds Metals Co. à Richmond, VA, et il a été conseiller dans la section de réglementation de l’énergie du bureau de Hunton Andrews Kurth à Washington, D.C. Il a également été collaborateur régulier de deux publications nationales sur le droit de l’énergie.

  1. Pour un compte rendu plus complet de la carrière professionnelle et des titres de compétence du Dr Koonin, voir Steven E. Koonin, Unsettled, Dallas, BenBella Books, 2021 aux pp 305–06.
  2. Steven E. Koonin, « Climate Science is Not Settled », The Wall Street Journal (19 septembre 2014), en ligne : <www.wsj.com/articles/climate-science-is-not-settled-1411143565>.
  3. Voir par ex Marianne Lavelle, « A New Book Feeds Climate Doubters, but Scientists Say the Conclusions are Misleading and Out of Date », Inside Climate News (4 mai 2021), en ligne : <insideclimatenews.org/news/04052021/a-new-book-feeds-climate-doubters-but-scientists-say-the-conclusions-are-misleading-and-out-of-date/>.
  4. Comme mentionné ci-dessus, le rapport le plus récent du GIEC disséqué par Koonin n’est pas relativement récent, puisqu’il date de 2013. Cependant, les NCA également contestés par Koonin sont plus récents, datant de 2018. Koonin explique que ces derniers rapports du gouvernement américain ont été publiés en deux volumes : un premier publié fin 2017 intitulé « Climate Science Special Report », ou CSSR, qui se concentre sur la « science physique du climat »; et un second publié fin 2018, qui se concentre sur les « impacts et les risques » des changements climatiques, et sur la manière dont l’humanité pourrait s’adapter. Voir Koonin, supra note 2 aux pp 21–22.
  5. Ibid à la p 1.
  6. Ibid aux pp 1–2.
  7. Ibid.
  8. Ibid à la p 3.
  9. Ibid.
  10. Ibid à la p 4.
  11. Ibid à la p 4.
  12. Ibid aux pp 4–5.
  13. Ibid à la p 4 (Koonin raconte que le président d’un « département des sciences de la Terre d’une université respectée » l’a informé en privé qu’il était d’accord avec à peu près tout ce que Koonin avait écrit mais qu’il n’avait pas « osé le dire en public »).
  14. Ibid à la p 5.
  15. Ibid.
  16. Ibid à la p 163 (Avant la conclusion citée ci-dessous, le chapitre examine plusieurs exemples de prédictions de calamités de la science du climat – impliquant des décès dus à des événements météorologiques, des impacts négatifs sur l’approvisionnement alimentaire et des dommages globaux directs à l’économie américaine – et conclut que les données ne soutiennent pas les craintes des gros titres).
  17. Ibid à la p 78.
  18. Ibid à la p 77 (attribuant la remarque à George Box).
  19. Ibid à la p 78.
  20. Ibid à la p 79.
  21. Ibid à la p 81.
  22. Ibid aux pp 84–85.
  23. Ibid à la p 85.
  24. Ibid à la p 86 (En effet, poursuit-il, les températures moyennes mondiales de surface simulées varient « d’environ 3 degrés C, soit trois fois plus que la valeur observée du réchauffement du vingtième siècle qu’ils prétendent décrire et expliquer »).
  25. Ibid aux pp 88–89.
  26. Ibid aux pp 90–91.
  27. Ibid à la p 95.
  28. La conférence mondiale de Paris de 2015 a adopté un objectif à cheval sur ces deux objectifs de limitation des températures, par rapport à une base de référence de l’ère préindustrielle. Le plafond de 1,5 degré est une aspiration, tandis que le plafond de 2 degrés est considéré comme l’augmentation maximale tolérable.
  29. Koonin, supra note 2 aux pp 211–24.
  30. Ibid à la p 226 (L’agriculture arrive en quatrième position, suivie par les secteurs commercial et résidentiel).
  31. Ibid à la p 227.
  32. Ibid à la p 234 (Il cite l’énergie solaire avancée, la fission, la fusion et les biocarburants de nouvelle génération comme des exemples de technologies qui méritent d’être poursuivies).
  33. Ibid à la p 235 (Il cite les « obstacles » dont il a déjà parlé et d’autres « demandes plus pressantes sur l’attention et les ressources de la nation » comme les raisons de son scepticisme).
  34. Ibid.
  35. Ibid aux pp 237–48.
  36. Ibid à la p 245.
  37. Ibid à la p 246.
  38. Ibid à la p 248.
  39. Ibid à la p 250.
  40. Ibid à la p 251.
  41. Ibid.

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