Regulating Mergers and Acquisitions of U.S. Electrical Utilities: Industry Concentration and Corporate Complication[1] Par Scott Hempling

Le livre intitulé Regulating Mergers and Acquisitions of US Electrical Utilities: Industry Concentration and Corporate Complication (réglementation des fusions et des acquisitions de services publics d’électricité aux États-Unis : concentration de l’industrie et complication des entreprises) présente une analyse unique des fusions et des acquisitions approuvées par les organismes de réglementation de l’énergie aux États-Unis au cours des quarante dernières années. Il existe des centaines de livres traitant des fusions approuvées dans les marchés concurrentiels en plus de 100 ans de droit de la concurrence et de droit antitrust au Canada et aux États-Unis, mais dans ce secteur, l’analyse est moins compliquée. Les fusions entraînent une concentration accrue, ce qui signifie généralement moins de concurrence et des prix plus élevés. Cependant, dans les marchés réglementés, comme le prix est réglementé, on ne s’en préoccupe pas.

Scott Hempling soulève deux points fondamentaux dans son livre. Le premier est que l’expansion de la base tarifaire d’un monopole crée souvent un flux de revenus plus constant et qui, selon Hempling, peut contribuer à subventionner les activités commerciales dans les marchés non réglementés. La seconde, selon lui, est que le critère « d’absence de préjudice » utilisé au Canada et aux États-Unis dans l’analyse des fusions est pratiquement dénué de sens. En guise de contexte, M. Hempling observe que depuis les années 1980 aux États-Unis, une vague de fusions et d’acquisitions a réduit de plus de la moitié le nombre de services publics de détail d’électricité locaux indépendants. Selon lui, cette situation n’est pas dans l’intérêt du public.

Avant d’aller plus loin, nous devons souligner l’expérience substantielle que cet auteur apporte à ce livre. Scott Hempling est l’auteur de trois ouvrages[2] que les organismes de réglementation et les avocats du secteur de l’énergie considèrent comme des lectures obligatoires. M. Hempling a agi en tant que conseiller, arbitre et témoin expert dans diverses procédures réglementaires aux États-Unis. De plus, pendant de nombreuses années, il a été un professeur très estimé au centre juridique de Georgetown University. Il a donné de nombreuses conférences sur l’énergie au Canada, aux États-Unis et en Europe.

Il n’est pas étranger au Canada. Il a pris la parole à trois reprises dans le cadre du Canadian Energy Law Forum (forum canadien sur le droit de l’énergie). D’abord à Salt Spring Island, en Colombie-Britannique, en 2011; puis à Malbaie, au Québec, en 2012, et à Fox Harbour, en Nouvelle-Écosse, en 2014. M. Hempling a également été l’auteur de neuf articles dans notre publication. Ajoutons que d’ici quelques mois, la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie aura 10 ans et que M. Hempling sera l’un des rares auteurs à avoir publié en moyenne un article par an au cours de cette décennie.

Il y a une raison pour laquelle M. Hempling a un si grand nombre d’adeptes. Comme nous l’avons noté lorsque nous avons examiné l’un de ses précédents livres, Hempling est le Will Rogers du circuit des conférences sur la régulation de l’énergie. Il tient de son mentor, Alfred Kahn, l’ancien président du département d’économie de Cornell University. Kahn est devenu plus connu lorsqu’il était président du Civil Aeronautics Board (conseil de l’aéronautique civile) à Washington, DC. Alors qu’il occupait ce poste, Kahn a fait la célèbre déclaration selon laquelle il ne distinguait pas un avion d’un autre, mais que cela n’avait pas d’importance, car ils ne représentaient qu’un coût marginal avec des ailes. Scott Hempling apprécie une tournure d’expression similaire et, dans ses conférences, des concepts économiques et juridiques sophistiqués deviennent des phrases accrocheuses dont on se souvient longtemps.

Ce livre est unique en ce sens qu’il examine soigneusement plus de soixante-dix opérations de fusion examinées et approuvées par la Federal Energy Regulatory Commission (FERC). Les préoccupations de M. Hempling concernant le dossier de la FERC dans les cas de fusion peuvent être résumées par trois paragraphes sur le sujet dans un article récent de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie[3]. Sa prise de position dans ce livre peut être retracée dans cet article, et cet article découle d’un article beaucoup plus important sur le même sujet dans l’Energy Law Journal, publié un an plus tôt.[4]

Depuis le milieu des années 1980, les fusions et acquisitions approuvées par la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) ont réduit de plus de moitié le nombre de services publics indépendants de vente au détail d’électricité. Ces opérations ont pris toutes les formes possibles: horizontales, verticales, convergentes et conglomérales; intégrées sur le plan opérationnel et à distance; nationales et internationales; cotées en bourse et privées; financées par emprunt et fondées sur un échange d’actions.

Cette consolidation s’est toutefois accompagnée d’une complexification organisationnelle. En effet, les services publics traditionnels d’avant les années 1980 (locaux, non diversifiés, financés de façon conservatrice) ont été remplacés par des systèmes de sociétés de portefeuille multinationales et multiétatiques dotées de structures organisationnelles comprenant de multiples entreprises commerciales, aux activités parfois conflictuelles, qui doivent leur capacité de financement et leur viabilité aux flux de trésorerie mensuels de leurs filiales de services publics.

En vertu de l’article 203 de la Federal Power Act[5], la FERC doit conclure que ces opérations de consolidation et de complexification sont « respectueuses de l’intérêt public »[6]. Malgré de multiples énoncés de politique, règles et plus de 70 approbations de fusions, la FERC n’a jamais défini la notion d’ « intérêt public » sous la perspective du rendement de l’industrie. Bien que le Merger Policy Statement[7] (énoncé de politique sur les fusions) de 1996 ait pour objectif d’« encourager une plus grande concurrence de gros », ce concept transparaît rarement dans les ordonnances de fusion de la FERC. Ces ordonnances ont pour seule exigence « l’absence de préjudice », et ce préjudice vise uniquement la concurrence que se livraient les entreprises avant la fusion, que cette concurrence ait été efficace ou non. Il y a concurrence efficace lorsque la structure d’un marché et le comportement de ses vendeurs poussent tous les concurrents à donner le meilleur d’eux-mêmes. En n’exigeant que « l’absence de préjudice » et en n’appliquant ce critère qu’à la concurrence avant la fusion, la FERC a engendré et approuvé des opérations dont la contribution au rendement de l’industrie est forcément sous-optimale. Depuis 30 ans, les décisions de la Commission en matière de fusion ont dissocié « l’intérêt public » de la notion du rendement de l’industrie.

La déférence de la Commission à l’égard des stratégies des requérants est logique et licite lorsque les marchés en cause qui donnent naissance à ces opérations sont bel et bien des marchés concurrentiels. Toutefois, lorsque des monopoles de détail sont impliqués dans les fusions, les marchés en cause ne sont pas efficacement concurrentiels. La déférence à l’égard d’opérations qui ne sont pas régulées par une concurrence efficace ne peut être compatible avec l’intérêt public.

La préoccupation de Scott Hempling porte en fait sur le critère d’absence de préjudice. Depuis 2005, le Canada utilise le critère d’absence de préjudice dans les cas de fusion. Plus récemment, l’Alberta a utilisé ce critère pour approuver la construction de nouvelles installations de transmission. Dans cette affaire, la Cour d’appel a dû déterminer si les avantages de la nouvelle construction dans la détermination du respect du critère d’absence de préjudice étaient limités aux avantages passés et ne pouvaient pas inclure les avantages futurs.

Tant au Canada qu’aux États-Unis, le critère d’absence de préjudice fait partie intégrante du critère de l’intérêt public. M. Hempling souligne que la FERC n’a toutefois jamais offert une définition adéquate de ce critère. Les tribunaux canadiens ne l’ont pas fait non plus. Tant les tribunaux canadiens que les tribunaux américains concèdent qu’il s’agit d’un critère très large et qu’une discrétion considérable est accordée à l’organisme de réglementation dans les deux pays pour déterminer si le critère de l’intérêt public a été respecté.

En conclusion, nous constatons que le rôle de l’organisme de réglementation dans l’approbation des fusions et des acquisitions est important. Toutefois, il pourrait certainement être amélioré, comme l’affirme M. Hempling. Ce livre devrait être une lecture obligatoire pour tous les organismes de réglementation énergétique sérieux. La question des fusions va devenir plus importante à l’avenir. Aujourd’hui, on demande aux services publics réglementés d’adopter un certain nombre de nouvelles technologies dans le but de contribuer à la décarbonisation du réseau électrique. Certaines de ces nouvelles technologies conduiront les services publics réglementés vers des marchés concurrentiels. Un bon exemple est la recharge de véhicules électriques où de nombreux décideurs politiques pensent que le marché devrait être concurrentiel; mais, en même temps, ils veulent que les services publics soient impliqués pour s’assurer que les réseaux de recharge des véhicules électriques se développent assez rapidement pour répondre à l’augmentation spectaculaire de ce type de véhicules.

La récente nomination de Scott Hempling comme juge en droit administratif à la FERC en juin 2021 signifie probablement que nous pourrons lire moins de livres et d’articles de sa part remettant en question la conduite réglementaire. Toutefois, nul doute que son esprit vif sera mis à contribution pour rédiger des décisions très importantes.

 

  1. Scott Hempling, Regulating Mergers and Acquisitions of U.S. Electric Utilities: Industry Concentration and Corporate Complication, Chelthenham, Edward Elgar Publishing Inc. 2020.
  2. Scott Hempling, Regulating Public Utility Performance: The Law of Market Structure, Pricing and Jurisdiction, Chicago, ABA Book Publishing, 2021; Hempling, supra note 1; Scott Hempling, Preside or Lead? The Attributes and Actions of Effective Regulators, Washington, Scott Hempling, Attorney at Law LLC, 2013.
  3. Scott Hempling, « À l’encontre de l’intérêt public : les trois décennies de déférence de la FERC à l’égard de la consolidation du secteur de l’électricité » (2019) 7:2 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 39.
  4. Scott Hempling, « Inconsistent with Public Interest: FERC’s Three Decades of Deference to Electricity Consolidation » (2018) 39:2 Energy LJ 233.
  5. Federal Power Act, 16 USC § 824b
  6. Ibid, § 203(a)(4).
  7. Voir Inquiry Concerning the Commission’s Merger Policy under the Federal Power Act: Policy Statement, 61 Fed Reg 68595 (1996).

 

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