Le chemin tortueux vers la
« modernisation » de l’ONE

APERÇU

La tâche ardue, qui semble s’accélérer, entre les deux forces que sont le mondialisme et le nationalisme se joue dans un contexte d’environnementalisme croissant et menace de plus en plus l’ordre économique mondial. Le Canada n’en est pas moins touché, alors que les législateurs tentent de concilier les politiques énergétiques nationales et les conventions internationales sur les changements climatiques. Les opinions concurrentes sur les politiques pour l’économie et l’environnement sous-tendent les débats actuels. Dans l’intervalle, les défenseurs d’idéologies économiques et sociales opposées se sont de plus en plus tournés vers les tribunaux pour un règlement. Pourrait-on trouver un terrain d’entente entre ces forces et, plus particulièrement, quelles sont les conséquences pour les organismes de règlementation et les décideurs politiques en matière d’énergie qui se retrouvent maintenant en plein cœur de cette tempête sociale, économique et politique?

Les récentes perturbations dans les politiques énergétiques canadiennes touchant les législateurs, les organismes de règlementation et le public résultent de tentatives pour concilier les économies nationales et les traités internationaux qui contrastent avec les intérêts nationaux et provinciaux. Malheureusement, les concepts simplistes d’une « transition énergétique » canadienne témoignent d’une compréhension limitée de l’économie énergétique – une entreprise mondiale excessivement complexe. D’importants obstacles politiques, financiers et sociaux nuisent à la réalisation de transformations de gros dans la production d’énergie et d’électricité, et peu de solutions se prêtent à une autorisation de législature dépourvue de conséquences économiques substantielles. Les attentes croissantes du public pour des changements s’orientent de plus en plus vers les organismes de règlementation de l’énergie dont les contestations des décisions sont grandissantes alors que le public manifeste son désarroi quant aux conséquences économiques substantielles de politiques énergétiques irréfléchies. Malheureusement, les législateurs canadiens s’immiscent de plus en plus dans la prise de décisions règlementaires et, ce faisant, n’ont cessé de miner les pouvoirs décisionnels indépendants des organismes de règlementation et des tribunaux spécialisés. Le Canada a démontré que ces interventions politiques dans la poursuite de convictions idéologiques ou d’idéaux politiques ont eu tendance à créer plus, et non moins, de conflits associés à des excès économiques considérables. Ces incertitudes politiques et règlementaires ont mis en péril l’industrie canadienne de l’énergie et ont découragé un investissement essentiel de capitaux.

Depuis l’an 2000, traduisant les vues idéologiques d’un électorat divisé, les législateurs canadiens ont oscillé d’un côté à l’autre d’un vaste spectre d’intérêts économiques et environnementaux. Par conséquent, de grands projets énergétiques ont été annulés, alors que des investisseurs de capitaux concrets se sont tournés vers des marchés plus certains, ou du moins plus prévisibles, à l’extérieur du Canada. Les organismes de règlementation de l’énergie, comme l’Office national de l’énergie (ONE), en ont été non moins victimes. Après près de 60 ans de service ayant donné au Canada l’un des réseaux de pipelines les plus efficaces et les plus sûrs au monde, l’ONE s’est retrouvé au cœur de controverses l’exposant à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité et à des initiatives politiques parallèles de « modernisation ». Plus particulièrement, l’Initiative nationale de mobilisation de l’ONE a mené à des rapports de membres du comité d’audience sur Énergie Est de l’ONE qui auraient rencontré en privé au début de 2015 l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest, soupçonné d’avoir travaillé à titre de consultant pour Trans Canada. On a exhorté le premier ministre Trudeau de laisser tomber la totalité de l’examen d’Énergie Est de l’ONE1.

Pour le Canada, le coût annuel direct d’une capacité de pipeline insuffisante pour atteindre d’éventuels marchés d’exportation internationaux a récemment été estimé par la Banque Scotia à plus de 15 milliards de dollars canadiens2. De tels montants, combinés à une perte estimative d’investissements de 60 milliards de dollars attribuable à l’annulation de projets d’infrastructure énergétique depuis 2015, sont déterminants. Le Canada affiche le 11e plus grand PIB au monde (derrière l’Inde, l’Italie et le Brésil)3 et est néanmoins vulnérable à d’énormes sorties financières susceptibles d’avoir une incidence sur l’économie nationale. Ces tendances financières inquiétantes peuvent encore laisser présager une « transformation » financière et économique au Canada avec des conséquences imprévues pour les institutions politiques, règlementaires et économiques.

En revisitant la version modernisée du grand débat de 1950 sur le pipeline, auquel les communautés judiciaire, règlementaire et juridique ont grandement participé, le Canada s’est engagé dans une expérience nationale de conséquence, laquelle pourrait fortement façonner notre économie et notre identité nationale pendant des générations. Dans l’intervalle, les politiques canadiennes en matière d’énergie ont été totalement décalées par rapport à notre principal client d’exportation – les États-Unis. Sauf durant la période où le mandat du gouvernement Trudeau a brièvement coïncidé avec celui de l’administration Obama (jusqu’à ce qu’il cède le pouvoir à l’administration Trump nouvellement élue le 20 janvier 20174), le gouvernement Harper qui a précédé s’est souvent retrouvé en désaccord avec Obama. Aujourd’hui, dans un contexte de discorde internationale grandissante à l’égard des projets de pipeline, le gouvernement Trudeau se retrouve le plus souvent en désaccord avec l’administration Trump des États-Unis concernant la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat5 ainsi que d’autres politiques énergétiques et fiscales d’importance.

INTRODUCTION

Depuis son élection en 2015, le gouvernement Trudeau a introduit une remarquable série d’initiatives législatives en matière d’évaluation environnementale et de règlementation, dont bon nombre ont une grande incidence sur le secteur canadien de l’énergie. Le présent document traite de récents exemples d’intérêt pour la communauté canadienne de règlementation de l’énergie, et plus particulièrement d’initiatives influant sur le droit administratif et la pratique de la règlementation canadienne de l’énergie. Ce qui a débuté comme une série de vives controverses portant sur l’ONE s’est transformé en défis législatifs et politiques pour un nouveau gouvernement fédéral risquant de nuire aux politiques économiques et environnementales. Les résultats peuvent même menacer les gouvernements fédéral et provinciaux.

La communauté canadienne de règlementation de l’énergie a été témoin de l’évolution du débat politique intense dans lequel des organismes de règlementation établis de longue date, comme l’ONE, sont plongés. Ce débat s’est transformé en propositions législatives concrètes lues au Parlement au moment de la rédaction du présent article6. En ce qui concerne l’ONE, le Canada est avancé dans ses préparatifs pour étudier des options de modifications législatives à la LCEE (2012)7 et la Loi sur l’ONE8 par l’intermédiaire des projets de loi C-689 et C-69. Le langage hautement qualitatif utilisé par le gouvernement actuel pour décrire les objectifs de la nouvelle loi, comme « regagner la confiance du public et faire avancer la réconciliation avec les Autochtones » tout en veillant à ce que les « bons projets » aillent de l’avant afin de s’assurer que les ressources énergétiques « soient acheminées aux marchés de manière responsable », à bien des égards semble ne pas concorder avec la loi actuelle10. Essentiellement, la nouvelle loi et les incertitudes qu’elle soulève arrivent à un moment où la fuite des capitaux du Canada à la suite de l’annulation de projets comme Énergie Est, Northern Gateway et le projet de GNL Pacific NorthWest est estimé à plus de 60 milliards de dollars. On en est également à un moment où l’infrastructure énergétique du Canada fait face à des pressions concurrentielles provinciales et internationales croissantes.

Dans de récents ouvrages et articles d’opinion, on a présenté le Canada comme un pays « à la croisée des chemins en matière d’énergie » et dont l’industrie énergétique est frappée par une « véritable tempête »11 résultant d’attaques sophistiquées de la part de groupes d’activistes nationaux et internationaux, de programmes règlementaires et d’interventions politiques muables au Canada et aux États-Unis qui ont eu pour effet d’aggraver les incertitudes règlementaires et, surtout, qui étaient accompagnés d’une baisse importante  des prix internationaux des produits énergétiques de base12. Ces événements ont également balayé les organismes de règlementation de l’énergie partout au Canada, le plus important étant l’ONE13.

Le Canada est loin d’être le seul pays à avoir essuyé cette « tempête ». Dans une danse parallèle, les législateurs américains ont grandement oscillé dans leurs tentatives pour faire face aux stratégies mondiales sur les émissions. Hormis ces changements abrupts au niveau des politiques, le Canada s’est montré déterminé à assumer un « rôle de chef de file » agressif associé à l’Accord de Paris sur le climat, rôle dans lequel le gouvernement fédéral semble hautement disposé à atteindre des idéaux élevés pour la « décarbonisation » par l’adoption de certaines initiatives politiques et règlementaires. Ces mesures législatives, combinées aux incertitudes continues à l’égard de la position du Canada sur la consultation des Autochtones aux termes du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause14 et de la DNUDPA15, ont laissé perplexes les communautés canadiennes d’investissement dans l’énergie. En somme, ces événements semblent constituer des défis très concrets pour le secteur de l’énergie et ses organismes de règlementation, plus exacerbés encore par l’émergence d’un contexte politique et règlementaire de plus en plus épineux entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales.

Le secteur énergétique canadien a été témoin de réductions substantielles des investissements canadiens par les poids lourds de l’industrie Apache Corp., ConocoPhillips, Chevron, Petronas, Marathon Oil et Shell Canada. Le rejet du pipeline Gateway par le Cabinet fédéral suivi par le récent effondrement du projet Énergie Est de TransCanada ont été accompagnés de délais persistants dans la proposition de pipeline Keystone XL de TransCanada. Bien que ce dernier projet ait reçu l’approbation présidentielle en mars 2017, il demeure embourbé dans une querelle règlementaire aux États-Unis. Les attentions politiques canadiennes se sont maintenant tournées vers le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain de 7,4 millions de dollars de Kinder Morgan, pour lequel les chefs politiques actuels en Colombie-Britannique ont juré d’utiliser « tous les outils disponibles pour stopper » le projet, inopinément compte tenu des approbations de projets par l’ONE et le Cabinet fédéral16. Bon nombre de mesures sont en instance devant la Cour d’appel fédérale. Cette tourmente s’étend bien au-delà des questions juridiques, politiques et règlementaires pour toucher des questions concrètes de droits constitutionnels, de développement économique national et de règle de droit.

UN BREF APERÇU DE LA RÈGLEMENTATION CANADIENNE EN MATIÈRE D’ÉNERGIE ET D’ENVIRONNEMENT

Harrison (2013)17 et Hummel (2016)18 décrivent en détail ce qui pourrait être considéré comme les deux plus importants facteurs ayant motivé les mouvements écologistes canadiens : l’émergence du concept de « permis social » et l’émergence parallèle de l’activisme écologique associé au « changement climatique », respectivement.

Harrison a décrit le concept de « permis social d’exploitation », pour lequel il s’est dit préoccupé de l’utilisation du « permis social » par certaines personnes et certains groupes pour justifier le rejet des résultats de processus règlementaires formels qui, en fait, menaçaient de réduire la règle de droit aux manquements des gouvernements à insister sur l’utilisation des arènes règlementaires adéquates pour déterminer l’intérêt public. Dans sa critique judicieuse, il a effectivement anticipé et laisser présager la campagne électorale fédérale de 2015 dans laquelle le candidat Trudeau, au moment où l’ONE était soumis à des pressions incessantes de la part d’activistes locaux et internationaux, s’est joint à un groupe soutenant que l’ONE était « brisé » et qu’il avait grand besoin d’une « modernisation »19. Hormis ces positions, de nombreux sondages ont révélé que la majorité des Canadiens estimaient que l’ONE prenait des décisions qui reflétaient adéquatement l’intérêt national.

Hummel (2016) a décrit un mouvement d’activistes écologiques et de protecteurs de l’environnement qui a vu le jour dans les années 2000 comme une « quatrième vague » au cours de laquelle le changement climatique est devenu une préoccupation mondiale et nationale croissante. À la fin des années 1980, non seulement les environnementalistes, mais aussi bon nombre de Canadiens présupposaient que le Canada se positionnait en vue de mener la communauté internationale dans des actions visant à combattre le changement climatique. Le Canada a pris des engagements en vue d’adopter, en 1997, le Protocole de Kyoto20, auquel il s’est joint en 2002 sous la direction des libéraux de Jean Chrétien.

L’élection fédérale de 2006 a porté au pouvoir le gouvernement conservateur minoritaire de Steven Harper, le 22e premier ministre du Canada, qui a dirigé le plus petit gouvernement minoritaire du Canada, mais aussi celui étant resté au pouvoir le plus longtemps depuis la confédération. À l’élection fédérale subséquente en 2008, le Parti conservateur a obtenu une plus forte majorité. Toutefois, il (la 40e législature du Canada) a été dissout en mars 2011 après un vote de censure tenu par le Cabinet pour outrage au Parlement. À l’élection fédérale subséquente, les conservateurs ont remporté un gouvernement majoritaire, le premier depuis 2000.

Tout au long de ce processus électoral, une série de mesures ont été introduites pour changer les institutions scientifiques canadiennes, notamment l’élimination en 2008 du Bureau du conseiller national des sciences et les règles visant à restreindre l’« accès non autorisé » des chercheurs gouvernementaux aux médias. Bon nombre de scientifiques et d’environnementalistes estimaient que ces mesures allaient à l’encontre du fondement institutionnel pour la recherche fédérale en empêchant les chercheurs, plus particulièrement ceux du domaine des sciences de l’environnement, de faire avancer ou de faire connaître leurs recherches. Ce point de vue s’est davantage renforcé lorsque le gouvernement a imposé des audits fédéraux à certains organismes de bienfaisance en matière d’environnement et que des membres du Cabinet ont qualifié certains organismes à vocation environnementale de « radicaux »21.

La déclaration par le Canada, le Japon et la Russie en 2010 de non-acceptation des nouveaux engagements de Kyoto a été suivie en décembre par des négociations tenues à Durban (Afrique du Sud) – comprenant des délégués de près de 200 pays – pour établir un nouveau traité international ayant force obligatoire visant à limiter les émissions de carbone, assorti de cibles devant entrer en vigueur en 2020. Cependant, immédiatement après la conférence, le Canada a annoncé son intention de se retirer du Protocole de Kyoto. Le gouvernement soutenait qu’il était impraticable parce qu’il ne comprenait pas les États-Unis ni la Chine, les plus grands émetteurs au monde, collectivement responsables de plus de 40% des émissions mondiales. Le Canada a fait valoir qu’il ne pouvait pas atteindre les cibles lui étant imposées et est donc devenu le seul pays à répudier l’Accord de Kyoto – une décision qui a immédiatement et largement été critiquée à l’échelle nationale et internationale22.

La Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable23 de 2012 est devenue un point de contention important pour la collectivité environnementale nationale. Adoptée dans le cadre d’un projet de loi omnibus, elle est devenue controversée non pas en raison de la façon dont elle a été présentée mais parce que beaucoup la considérait comme un affaiblissement substantiel des politiques et de la règlementation en matière d’environnement. Le projet de loi C-3824 a été conçu pour remplacer la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale25 (LCEE 1992, 1999) par la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale26 (2012) et pour apporter d’importants changements à la Loi sur la protection de l’environnement27, à la Loi sur l’Office national de l’énergie28, à la Loi sur les opérations pétrolières au Canada29, à la Loi sur la sûreté et la règlementation nucléaires30, à la Loi sur les espèces en péril31 et à la Loi sur les pêches32 tout en mettant l’accent sur les « emplois, la croissance et la prospérité ». Elle a grandement réorienté les régimes fédéraux de règlementation et d’évaluation de l’environnement partout au Canada.

Harrison (2013)33 a examiné en profondeur les modifications de 2012 à la Loi sur l’Office national de l’énergie (Loi sur l’ONE), y relevant des inquiétudes comme le retrait du pouvoir antérieur de l’Office à titre de décideur concernant la délivrance de certificats de commodité et de nécessité publiques pour les pipelines et des changements correspondants pour imposer des délais dans le traitement par l’Office des demandes de certificats. La loi transférait le pouvoir de prendre la décision finale d’octroyer ou de refuser un certificat au gouverneur en conseil (c.à.d. le Cabinet fédéral), reléguant par la suite le rôle de l’ONE à la formulation d’une recommandation34. Harrison (2012) a noté que ces limites importunes imposées à l’ONE semblaient « tout à fait disproportionnées à tout problème de respect des échéanciers dans les processus de l’ONE pour examiner les demandes de certificats de pipelines novateurs. Il s’avère que la solution à un problème de respect des échéanciers qui serait survenu dans le cadre d’un autre processus règlementaire ad hoc à l’extérieur des processus de l’ONE ait néanmoins été imposée à l’ONE »35.

En plus des changements ayant une incidence sur la Loi sur l’ONE, les examens de financement de ministères fédéraux, dont le ministère des Pêches et des Océans (MPO), ont mené à la fermeture proposée de la région des lacs expérimentaux (RLE) en Ontario, une installation de recherche aquatique reconnue à l’échelle internationale. L’événement a grandement suscité l’attention d’activistes et du public qui voyaient cette décision comme une campagne soutenue de la part du gouvernement Harper de « museler » les chercheurs fédéraux dans un abandon de la « prise de décisions scientifiques ». Les chercheurs et les activistes canadiens ont contesté la décision et poursuivi leurs contestations jusqu’à l’élection qui s’ensuivit.

Ce qui a suivi fut une remarquable mobilisation d’activistes écologiques nationaux et internationaux qui ont publiquement critiqué ces changements stratégiques et législatifs et, plus particulièrement, le gouvernement du Canada et son leadership. Tout était en place pour un affrontement majeur entre le gouvernement Harper et les communautés d’activistes nationaux et internationaux, affrontement que les parties de l’opposition et leurs conseillers ont immédiatement reconnu. Par conséquent, les producteurs d’énergie, les entreprises de pipelines et l’ONE, déjà assiégés par leurs opposants dans ce qu’on peut littéralement qualifier d’audiences d’un océan à l’autre, se sont soudainement retrouvés au centre de l’arène électorale et politique.

L’ÉLECTION FÉDÉRALE CANADIENNE DE 2015 : CONSÉQUENCES POUR LA RÈGLEMENTATION DE L’ÉNERGIE

Incontestablement, les initiatives législatives du gouvernement Harper ont déclenché une réaction explosive dans les médias canadiens et invité les activistes et les communautés à participer à une élection qui portait, dans une large mesure, sur la règlementation de l’énergie, et plus particulièrement sur les mesures et les décisions prises par l’ONE. Certains ont défendu des positions visant à « rétablir des protections perdues », comme ceux qui ont allégué avoir tablé sur des dispositions réduites de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les eaux navigables, alors que d’autres se sont prononcés en faveur d’une réorganisation complète du régime canadien d’évaluation et de règlementation de l’environnement. Ces si grands intérêts politiques accordés à la production d’énergie et à sa règlementation ont détourné l’attention sur les changements législatifs.

En 2008, la province de la Colombie-Britannique était devenue le premier territoire de compétence en Amérique du Nord à instituer une taxe sur le carbone, et en 2014, la province de l’Ontario a fermé les volets de sa dernière centrale thermique au charbon. Toutefois, ces initiatives stratégiques provinciales ont été éclipsées par les questions consécutives soulevées au cours de l’élection fédérale canadienne de 2015. Le tollé politique déclenché par la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 a mené à une vague sans précédent d’initiatives visant à organiser, financer et inclure l’activisme écologique dans le paysage politique canadien.

Vivian Krause36 a dressé un dossier exhaustif du degré et de la nature du financement international qui a été affecté au secteur de l’énergie du Canada. Dans sa description du mouvement anti-pipeline comme une « campagne de réseau ciblée », elle a indiqué que la fondation Tides de San Francisco « est le poids lourd en matière de financement et de coordination derrière l’activisme anti-pipeline. Tides a fait plus de 400 paiements (2009 à 2015) totalisant 35 millions de dollars US à près de 100 groupes anti-pipeline. Sans tout cet argent, les projets de pipeline ne feraient pas face à une opposition si bien organisée »37. La journaliste Claudia Cattaneo a également dressé un dossier des activités de certaines « coalitions vertes » pour perturber les projets de pipeline, comme une « proposition de ruche d’action contre KM » à l’appui de la « résistance populaire de masse » à la construction du pipeline de Kinder Morgan38. Cattaneo a également dressé un dossier des enquêtes faites par des législateurs américains soulignant qu’un lien entre les activités d’une « usine à trolls » à Saint-Pétersbourg (Russie) qui utilise Facebook et d’autres plateformes de média sociaux et une possible « manipulation des marchés de l’énergie des États-Unis – y compris l’activisme contre les pipelines comme le pipeline Keystone XL de TransCanada – [était] un signal d’alarme pour les gouvernements canadiens à l’effet que des intérêts étrangers jouent un rôle important dans les campagnes visant à bloquer les exportations canadiennes de pétrole et de gaz »39. Cattaneo a de plus fait la mise en garde suivante :

[…] en concevant des politiques en matière d’énergie et d’environnement qui apaisent cet activisme gonflé – par exemple, réformes règlementaires visant à décourager l’investissement dans l’énergie au Canada – les gouvernements canadiens rendent service à des concurrents prêts à tout pour protéger et accroître leur part du marché mondial du pétrole et du gaz, et non pour le meilleur intérêt du Canada40.

Les révélations quant au degré et à l’ampleur des campagnes anti-pipeline financées par des entités étrangères au Canada pourraient avoir englobé la participation de la Russie. D’autres ont conclu que des fondations et des groupes des États-Unis travaillaient à « saboter » l’économie canadienne de l’énergie en empruntant des moyens pouvant constituer une « interférence évidente en provenance des États-Unis dans la politique énergétique canadienne »41.

Ces événements au Canada peuvent refléter une vague de fond internationale qui considère le changement climatique et les conflits à grande échelle comme de véritables préoccupations mondiales, questions qui sont abordées dans le cadre du World Economic Forum Annual Survey (2017)42.

Le changement climatique et les préoccupations à l’égard de l’environnement mondial ont fait partie intégrante du débat électoral fédéral de 2015 alors que les questions concernant les pipelines, plus particulièrement les décisions antérieures de l’ONE, étaient perçues par divers candidats et commentateurs politiques sous l’angle de l’environnement mondial. En effet, on pourrait dire que le mantra environnemental traditionnel « agir à l’échelle locale – penser à l’échelle mondiale » avait été inversé. À la suite du grand débat sur les pipelines de 1950, et de la chute d’un gouvernement Libéral, les dirigeants élus se sont judicieusement distancés des questions controversées concernant les pipelines en créant un Office quasi judiciaire (l’ONE) pour arbitrer de façon indépendante les décisions et règlementer les pipelines dans l’intérêt national. Dans un renversement ironique en 2005, les politiciens fédéraux de toutes allégeances se sont engagés directement dans les débats sur les pipelines au cours de l’élection et ont questionné agressivement non seulement l’impartialité et les décisions de l’ONE, mais aussi son mandat et sa structure mêmes. L’objectif a semblé en prendre beaucoup par surprise, y compris l’industrie et ses associations, alors que le débat tournait autour de ce qui était décrit comme l’approche trop agressive du gouvernement Harper à l’égard du développement des ressources. Le débat électoral opposait43 des partis politiques canadiens dont les vues étaient radicalement différentes du secteur du pétrole et du gaz du pays. Les libéraux promettaient de lancer un examen immédiat du processus règlementaire du Canada pour les projets pétroliers et gaziers, alors que le NPD proposait de travailler avec les provinces pour imposer un prix au carbone. Le Parti Vert promettait un Plan de dividendes et de redevances sur le carbone pour donner aux Canadiens de plus de 18 ans un « dividende annuel sur le carbone ». Les conservateurs en fonction s’opposaient à ces trois plans.

Après avoir activement défendu les développements économiques, y compris les projets d’infrastructure de pipeline au cours du débat électoral fédéral d’octobre 2015, les conservateurs ont soutenu que leur gouvernement, au moyen du projet de loi C46, la Loi sur la sûreté des pipelines44, avait introduit des mesures de sûreté et de sécurité renforcées pour les pipelines règlementés en augmentant le nombre d’inspections annuelles et d’audits exhaustifs. Le gouvernement avait également introduit de nouvelles sanctions pécuniaires pour les entreprises de pipelines visant à prévenir les incidents de grande envergure.

Dans une plate-forme électorale qui accusait le gouvernement Harper de diluer de façon considérable les processus règlementaires environnementaux au moyen du projet de loi omnibus de 2012, la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, les libéraux ont fait valoir que « les Canadiennes et les Canadiens s’attendent à ce que leur gouvernement exerce une surveillance règlementaire convenable, prévoyant notamment des évaluations environnementales crédibles, et à ce qu’il respecte les droits des personnes les plus touchées par ces projets, comme les communautés autochtones. » Ils ont promis de :

[…] lancer un examen public immédiat du processus d’évaluation actuel du Canada. En fonction de cet examen, un gouvernement libéral remplacera les changements apportés par M. Harper au processus d’évaluation environnementale par un processus nouveau, exhaustif, opportun et équitable qui rétablit une surveillance robuste et des évaluations environnementales rigoureuses – qui ont été minées par ce gouvernement conservateur – des régions relevant de la compétence fédérale; qui garantit que les décisions prises sont fondées sur la science, des faits et des preuves et servent l’intérêt du public; qui donne des moyens aux Canadiens intéressés d’exprimer leurs points de vue et aux experts de participer activement aux processus d’évaluation. Nous entreprendrons également un examen complet des lois, des politiques et des pratiques opérationnelles, en mobilisant les Premières Nations, les Inuits et les Métis, afin de veiller à ce que l’État respecte entièrement ses obligations de consultation, d’accommodement et de consentement concernant les examens et les évaluations de projets, conformément à ses obligations constitutionnelles et internationales concernant les droit de la personne, ce qui comprend les droits ancestraux et issus de traités et les droits des peuples autochtones issus de la Déclaration des Nations Unies à cet effet45.

MESURES POLITIQUES ET LÉGISLATIVES SUIVANT L’ÉLECTION FÉDÉRALE DE 2015

Le 9 octobre 2015, le Parti conservateur de Steven Harper a été défait aux urnes par le Parti libéral du Canada dirigé par Justin Trudeau, dont l’assermentation a eu lieu le 4 novembre 2015.

Le gouvernement Trudeau a également fait de ses vues sur l’égalité hommes-femmes, les droits des communautés autochtones et le changement climatique des enjeux d’une importance capitale au Parlement. Le changement climatique est devenu un enjeu politique central et, en avril 2016, en présence d’une délégation quelque peu disproportionnée mais enthousiaste qui accompagnait le premier ministre, le Canada a adhéré à l’Accord de Paris, ratifié plus tard à New York46. L’Accord conclu avec près de 200 autres pays établissait des modalités de coopération en vue de restreindre les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Dans ce qui a été vu par bon nombre dans la communauté environnementale comme un important virage sémantique, Trudeau a également changé le nom d’Environnement Canada pour Environnement et Changement climatique Canada, et nommé plusieurs personnes provenant antérieurement d’ONG de premier plan à des postes de niveau supérieur au sein du nouveau gouvernement, des personnes qui avaient incontestablement fait bonne impression auprès du jeune premier ministre pour préfigurer les plates-formes électorales et initiatives politiques subséquentes du gouvernement Trudeau.

Ces nominations constituaient une percée décisive dans les plus hauts niveaux décisionnels du gouvernement Trudeau pour ces anciens éminents défenseurs de l’environnement qui, à n’en pas douter, ont reflété ou façonné les vues sur l’égalité hommes-femmes et le changement climatique.

Dans une décision exceptionnelle qui « remettait en question » le processus quasi judiciaire de l’ONE, ayant déjà approuvé sous condition le pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan, le ministre des Ressources Jim Carr a constitué un comité ministériel de « trois personnes » pour examiner le projet. Le comité a fait rapport en novembre 2016, immédiatement avant l’approbation du projet par le gouvernement47.

Le comité ministériel a noté dans son rapport :

[…] les Canadiens et Canadiennes étaient pris dans un débat sur les processus, les politiques et la dotation en personnel de l’ONE actuel. Et un grand nombre d’entre eux, surtout en ColombieBritannique, ont affirmé que, dans sa recherche et ses délibérations, l’ONE avait laissé des lacunes — en matière de connaissances et de confiance du public — d’une importance telle que sa recommandation ne parviendrait pas, à elle seule, à justifier l’approbation du projet de pipeline de Trans Mountain par le gouvernement. À la lumière de ces deux facteurs — les circonstances changeantes et les préoccupations du public quant à la nature et à l’intégralité du processus de l’ONE — le gouvernement du Canada a annoncé qu’il ordonnerait trois nouvelles initiatives avant de prendre une décision sur la proposition de pipeline. Il a d’abord chargé Environnement Canada d’analyser les émissions de gaz à effet de serre en amont qui sont associées au projet, afin de mieux comprendre son incidence sur le climat. Le gouvernement du Canada s’est ensuite engagé de nouveau dans une consultation continue avec les Premières Nations dont les intérêts seraient affectés par la construction et l’exploitation du pipeline. Enfin, le 17 mai 2016, le ministre des Ressources naturelles du Canada, Jim Carr, a annoncé la création d’un comité composée de trois membres pour compléter l’examen de l’ONE et repérer les lacunes ou les questions préoccupantes que le gouvernement doit connaître avant de prendre une décision sur le sort du projet de pipeline48.

Le 29 novembre 2016, le Cabinet Trudeau a approuvé deux projets de pipeline, le pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan antérieurement approuvé par l’ONE et le projet Line 3 d’Enbridge, mais a rejeté le projet Northern Gateway d’Enbridge malgré une approbation de l’ONE.

Confronté à de telles décisions d’envergure concernant des pipelines, Trudeau et son Cabinet avaient visiblement courtisé sa base d’électeurs au moyen de plans pour imposer un prix national sur le carbone, de restrictions des émissions de méthane, accompagnées d’une élimination progressive des centrales au charbon d’ici 2030, et d’une restructuration (« modernisation ») de l’Office national de l’énergie. À la suite de l’annonce antérieure d’un plan de protection des océans de 1,5 milliard de dollars pour améliorer les interventions en cas de déversements de pétroliers dans les océans Pacifique, Arctique et Atlantique, Trudeau a annoncé une interdiction des pétroliers de brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, promettant un moratoire futur du trafic de pétroliers. Ces décisions et mesures se sont traduites par une série de mesures et d’événements politiques, dont certains ont menacé de se transformer en conflits fédéraux-provinciaux, voire constitutionnels.

ÉVÉNEMENTS PARALLÈLES AUX ÉTATS-UNIS

Au cours de la dernière décennie, des bouleversements internationaux dans les prix du pétrole combinés aux politiques règlementaires changeantes pour l’énergie aux États-Unis ont posé des défis économiques de taille pour le Canada. En 2015, l’administration Obama a rejeté la demande de TransCanada concernant le projet de pipeline Keystone XL pour transporter du pétrole brut canadien vers la côte états-unienne du golfe du Mexique, événements examinés à fond par McConaghy (2017)49. De plus, l’administration Obama avait mis en œuvre d’importantes mesures nationales et internationales pour règlementer le carbone. Le Clean Power Plan (CPP) des États-Unis était une politique ambitieuse de l’administration Obama pour combattre le changement climatique anthropique (réchauffement planétaire). D’abord proposé par l’Environmental Protection Agency (EPA) en juin 2014, le CPP contribuait à l’avancement d’une règle majeure de l’EPA visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone des centrales de production d’énergie actuelles des États-Unis de 32% sous les niveaux de 2005 d’ici 2030. La version finale du plan a été officiellement dévoilée par le président Obama le 3 août 2015 dans le cadre d’une règle (RIN 2060-AR33) intitulée « Carbon Pollution Emission Guidelines for Existing Stationary Sources: Electric Utility Generating Units »50 (lignes directrices sur les émissions de pollution causée par le carbone pour les sources fixes existantes : unités de production des services d’électricité) et publiée dans le Federal Register le 23 octobre 2015 qui, étant un décret-loi, passait outre au contrôle et à l’approbation du Congrès.

En février 2016, la Cour suprême des États-Unis, dans une décision faisant jurisprudence, a accordé un sursis pour l’interruption de la mise en œuvre du CCP de l’EPA dans l’attente du règlement des contestations juridiques du programme devant les tribunaux51. Cette décision a fait voler en éclat la stratégie centrale du président Obama pour combattre le changement climatique et a freiné la règlementation fédérale pour réduire les émissions de dioxyde de carbone provenant principalement des centrales au charbon. Le tribunal a voté à 5 contre 4 pour accueillir la demande de 27 États, entreprises et groupes d’entreprises de bloquer le CPP52. La décision suggérait qu’une majorité du tribunal, et certains spécialistes du droit américain, s’inquiétait de la prémisse de base du pouvoir de l’EPA d’imposer le CPP en vertu de la Clean Air Act.

Au cours de la campagne électorale américaine de 2016, le candidat Trump est allé jusqu’à proposer l’élimination de l’EPA et, une fois élu, a proposé une compression de 31% du budget de 2018 de l’EPA. Trump a procédé à des nominations agressives d’importantes agences, confirmant ainsi son engagement à l’égard de la dérèglementation, plus particulièrement pour l’industrie des combustibles fossiles.

Par la suite, le président Trump a rendu un décret-loi qui enjoignait les départements et agences de direction de : « revoir immédiatement les règlements existants pouvant nuire au développement ou à l’utilisation de ressources énergétiques produites au pays et, selon le cas, suspendre, réviser ou abroger ceux qui nuisent indûment au développement de ressources énergétiques intérieures au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger l’intérêt public ou bien se conformer à la loi »53. Fait important, le décret-loi enjoignait l’administrateur de l’EPA de « prendre immédiatement toutes les mesures qui s’imposent » pour revoir le règlement afin d’en assurer la conformité avec celles-ci ainsi que d’autres politiques énoncées dans le décret-loi et enjoignait de plus l’agence de « publier, s’il y a lieu et le plus tôt possible, aux fins d’avis et de commentaires, les règles visant à suspendre, réviser ou abroger » la règle54.

En date du 10 octobre 2017, l’administrateur de l’EPA avait signé un avis au Federal Register proposant l’annulation du CPP aux motifs qu’il allait au-delà du pouvoir conféré par la loi à l’EPA55. Le sujet a poursuivi son chemin, bien qu’alambiqué, dans le système judiciaire américain. Le 1er mars 2018, la Cour d’appel des États-Unis a ordonné que les cas consolidés demeurent en suspens pour 60 jours, tout en enjoignant l’EPA de continuer de produire des rapports d’étape tous les 30 jours56.

Vraisemblablement, le CPP était l’initiative environnementale emblématique de l’administration Obama, permettant de faire avancer le plus ambitieux effort de l’EPA pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre en vertu de la Clean Air Act57. Bien que d’autres États, groupes environnementaux et certaines entreprises du secteur de l’énergie se soient opposés au sursis, cinq demandes distinctes ont été déposées par plus de deux douzaines d’États et de nombreux groupes de l’industrie. En tant que pièce maîtresse du « legs pour le climat » d’Obama, le CPP a été conçu comme un virage de l’électricité produite à partir du charbon vers l’énergie renouvelable et constituait une possible approche diplomatique pour négocier l’accord de 2014 entre le président Obama et le président de la Chine, Xi Jinping58. Cet accord a effectivement préfiguré la volonté des dirigeants des deux plus grands pays pollueurs du monde d’adopter conjointement des politiques pour la réduction des émissions. L’accord États-Unis-Chine a également ouvert la voie à la signature de l’Accord de Paris de 2015 sur les changements climatiques.

Malgré les initiatives antérieures de l’administration Obama, les événements remarquables qui ont suivi l’élection de novembre 2016 aux États-Unis ont donné lieu à un renversement en bloc de ces politiques. Quelques jours seulement après son entrée en fonction, le président Trump a signé des décrets-lois pour annuler des décisions antérieures de l’administration Obama et approuver deux pipelines pétroliers controversés, dont un projet longtemps retardé pour ensuite être rejeté, soit le projet de pipeline Keystone XL. Les décrets-lois prévoyaient également un examen fédéral de la Clean Water Rule (CWR) et du CPP ainsi que des initiatives visant à accroître de façon considérable l’attribution de concessions pétrolières et gazières extracôtières59. Ce « plan énergétique de l’Amérique d’abord »60 ne visait pas à réduire, mais bien à accroître la combustion de combustibles fossiles et ne contenait aucune ou presqu’aucune mention de l’énergie renouvelable. En somme, l’administration Trump a abrogé de nombreuses politiques d’Obama, y compris le Climate Action Plan (CAP) et le CPP, tout en limitant davantage le mandat de l’EPA à l’égard de la protection de la qualité de l’air et de l’eau. Ces mesures constituaient un abandon en bloc des priorités stratégiques de l’administration Obama de réduire la consommation de combustibles fossiles.

Le 1er juin 2017, dans un geste diamétralement opposé à l’appui enthousiaste du programme d’Obama par le nouveau gouvernement canadien de Trudeau en 2016, Trump a annoncé ses plans de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. Dans un discours télédiffusé de la roseraie de la Maison-Blanche, Trump a déclaré :

En tant que président, je ne peux placer aucune considération au-dessus du bien-être des citoyens américains. L’Accord de Paris est tout simplement le dernier exemple de la conclusion par Washington d’un accord qui désavantage les États-Unis au bénéfice exclusif d’autres pays, laissant les travailleurs américains – qui me tiennent à cœur – et les contribuables assumer le coût en termes d’emplois, de salaires à la baisse, de fermetures d’usines et de production économique considérablement diminuée. C’est pourquoi, à partir d’aujourd’hui, les États-Unis mettront fin à toute exécution de l’Accord de Paris n’ayant pas force obligatoire et aux fardeaux financiers et économiques draconiens que l’Accord impose à notre pays. Cela comprend la cessation de la mise en œuvre de la contribution déterminée à l’échelle nationale et, ce qui est très important, le Fonds vert pour le climat qui coûte aux États-Unis une énorme fortune. La conformité aux conditions de l’Accord de Paris et les restrictions énergétiques onéreuses qu’il a imposé aux États-Unis pourraient faire perdre à l’Amérique jusqu’à 2,7 millions d’emplois d’ici 2025 selon les National Economic Research Associates61. [Traduction]

LES POLITIQUES CANADIENNES ET AMÉRICAINES DEMEURENT « CALÉES »

(Harper-Obama, Obama-Trudeau, Trudeau-Trump)

Les administrations Harper et Obama étaient constamment « décalées » au cours de leurs mandats respectifs – ce qu’illustre bien les commentaires du premier ministre Harper à l’effet que l’approbation du pipeline XL était « dans le sac », une opinion qui a par la suite été marquée par le rejet du projet par le président Obama62.

Étonnamment, au cours des derniers jours de l’administration Obama, les décrets-lois se sont accélérés dans une tentative de dernière minute d’assurer le « legs Obama ».  Samantha Power, une aide principale d’Obama et l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies au cours du deuxième mandat d’Obama, a déclaré : « Nous devrions avoir une horloge du compte à rebours des jours, parce que tout ce que nous avons mis en œuvre… tout cela est en jeu »63. Le commentaire reflétait les préoccupations à l’égard du fait que, à l’arrivée imminente de la présidence Trump, avant de quitter la Maison-Blanche, le président en fin de mandat Obama et ses principaux conseillers devaient mettre des mesures en œuvre de par le monde en vue d’assurer la survie des objectifs de politique étrangère d’Obama. Ces mesures comprenaient de négocier un traité de désarmement en Iran, d’achever l’Accord de Paris sur les changements climatiques et de gérer une intervention face à la crise des réfugiés en Syrie.

De la date de l’élection américaine jusqu’au petit matin du 20 janvier 2017, le plan d’action de l’administration sortante  comprenait de nombreuses mesures d’envergure, allant de l’ajout du bourdon à tache rousse à la liste américaine des espèces en péril à la remise d’une médaille présidentielle de la liberté au vice-président Biden. Compte tenu des promesses électorales du président élu Trump et du vice-président élu Mike Pence de renverser certaines des politiques clés d’Obama dès leur entrée en fonction, bon nombre de départements des États-Unis ont également accéléré les embauches en prévision des gels des employés fédéraux. Le professeur d’histoire et d’affaires publiques de l’université Princeton, Julian Zelizer, a souligné que : « De toute évidence, le président autrefois réticent à utiliser le pouvoir de son propre cabinet a changé d’avis, surtout à la vue d’un Congrès radicalement conservateur et d’un président élu républicain s’apprêtant à démanteler une bonne partie de ce qu’il a fait »64.

Les républicains du congrès et les membres de l’équipe de transition Trump ont questionné la Maison-Blanche en vue de précipiter les choses compte tenu du changement imminent de contrôle au niveau de l’organe exécutif et de l’organe législatif, incitant des sénateurs républicains à écrire à Obama pour demander à son administration de « cesser de publier de nouvelles règles et de nouveaux règlements non urgents compte tenu des résultats de l’élection le 8 novembre », soulignant que : « il nous appartient dorénavant d’établir le juste équilibre entre la règlementation et les principes de marché libre et de nous assurer que le gouvernement fédéral ne s’interpose plus entre les Américains et le succès financier » 65.

La course administrative vers le fil d’arrivée électoral était à l’image de bon nombre d’administrations américaines en fin de mandat, mais celle-ci a été particulièrement importante pour le Canada et le nouveau gouvernement Trudeau, qui semblait suivre de près les actions de la Maison-Blanche, surtout en ce qui concerne la règlementation environnementale et les accords internationaux.

Étonnamment, dans ses actions subséquentes, le gouvernement Trudeau semblait ignorer la réalité de l’élection américaine de 2016 et au cours de la période transitoire suivant l’élection américaine, une brève réorganisation des politiques règlementaires en matière d’énergie s’est opérée. Le gouvernement Trudeau a accueilli l’administration sortante Obama en procédant à une annonce frôlant le ridicule le 20 décembre 2016 dans laquelle les deux gouvernements s’entendaient pour « mettre en œuvre des initiatives visant à assurer une économie et un écosystème arctiques forts, durables et viables, avec une navigation à faible impact sur l›environnement, une gestion des ressources marines axée sur la science et exempte des risques que peuvent avoir l’activité pétrolière et gazière extracôtière » 66.

Sans surprise, des organismes comme la World Wildlife Federation (WWF) et l’Environmental Defence ont fait l’éloge de l’annonce. Moins élogieux, le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob Mcleod, horrifié du manque de consultation par le gouvernement préalablement à l’annonce, a fait connaître ses préoccupations concernant l’annonce et a réitéré l’importance qu’il accorde à la participation du Nord dans les décisions ayant une incidence sur le Nord et son futur économique, ce qui n’avait pas du tout été respecté dans ce cas, a-t-il souligné. Il a de plus déclaré que le Nord était un endroit où le coût de la vie est élevé et où il n’y a que peu d’options pour les gens ayant besoin de bons emplois afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. McLeod a également souligné que l’interdiction de forage réduisait à néant d’importants avantages de l’accord de transmission des T.N.O., qui accordait à ces derniers des pouvoirs comparables à ceux des provinces en 2014 et négociés avec le gouvernement Harper afin de permettre une cogestion du partage des recettes issues des activités extracôtières et des ressources. McLeod a ajouté que son gouvernement s’était engagé à assurer une croissance saine sur le plan écologique, mais a souligné que le fait de limiter le développement des combustibles fossiles pouvait nuire à la pérennité du mode de vie nordique67.

Bien que l’annonce ait contribué à une harmonisation de courte durée entre le Canada et les États-Unis, elle faisait fi de décennies d’activités d’exploration pétrolière et gazière dans l’Arctique canadien (ironiquement, ce que Trudeau père avait appuyé avec enthousiasme dans le passé), qui constituaient des piliers économiques du Nord dans de nombreuses ententes sur les avantages industriels durables. Peut-être n’y a-t-il pas de meilleure illustration de l’acharnement du gouvernement Trudeau à réduire le pouvoir décisionnel des gouvernements en dévolution du Nord en matière d’économie face aux forces idéologiques du programme sur le changement climatique – un geste qui a anéanti tout espoir d’une consultation constructive du gouvernement avec les habitants du Nord. L’administration sortante Obama a donné une brève occasion au gouvernement Trudeau de « protéger » ce legs conjointement avec les États-Unis. Ce fut un triomphe de courte durée pour la diplomatie internationale sur le climat. En avril 2017, le décret-loi de Trump pour une énergie extracôtière de l’Amérique d’abord68 renversait explicitement l’interdiction imposée par l’administration Obama sur les concessions dans l’Arctique. Ce renversement du « legs Obama » a une fois de plus remis les politiques du Canada directement en conflit avec l’administration Trump. En janvier 2018, le secrétaire de l’intérieur des États-Unis, Ryan Zinke, avait présenté une proposition provisoire (allant de 2019 à 2024) pour permettre la plus grande vente de concession extracôtière dans la zone externe du plateau continental des États-Unis (ne comprenant pas le basin des Aléoutiennes du Nord en Alaska)69. Le département de l’intérieur Trump a par la suite annoncé des plans pour offrir des concessions extracôtières d’exploration pétrolière et gazière dans l’Arctique avec un accès à des superficies préalablement inaccessibles, et a renversé les interdictions de forage indéfinies dans la majorité de l’océan Arctique annoncées au cours des derniers jours de l’administration Obama.

L’INITIATIVE NATIONALE DE MOBILISATION DE L’ONE70

En novembre 2014, l’ONE a annoncé un programme de sensibilisation unique, l’Initiative nationale de mobilisation (se déroulant du 25 novembre 2014 au 3 juin 2015), dans lequel l’ONE « a demandé aux Canadiens de l’aider à mieux comprendre comment il peut adapter son programme de sûreté des pipelines, ses activités de mobilisation du public et ses communications »71. Le président de l’ONE, avec des membres sélectionnés du conseil d’administration et du personnel, a entrepris une consultation publique nationale généralisée sur des questions relatives à la sûreté des pipelines et à la protection de l’environnement72, tout en lançant un forum parallèle sur la sûreté des pipelines en vue d’un examen plus approfondi du sujet, de l’environnement et des préoccupations des propriétaires fonciers. De plus, l’ONE a établi de nouveaux « bureaux régionaux » à Vancouver et à Montréal afin de mieux orienter les activités de mobilisation et de sensibilisation avec les Canadiens de partout au pays.

Au cours de réunions qui ont eu lieu de décembre 2014 à mai 2015, l’ONE a pris soin de qualifier l’Initiative nationale de mobilisation comme une initiative distincte de ses processus règlementaires, déclarant que les séances : « … s’ajoutent aux efforts de mobilisation existants de l’Office. Elles dépassent également notre processus règlementaire; elles ne portent pas sur des projets particuliers »73. Le but évident de l’ONE était de mettre l’accent sur les points de vue du public et des intervenants sur les questions relatives à la sûreté des pipelines et à la protection de l’environnement. L’initiative louable de mobilisation, unique dans l’histoire de l’ONE, était toutefois destinée à avoir des conséquences concrètes, en grande partie inattendues, non seulement sur l’ONE et la demande Énergie Est, mais aussi sur les politiques fédérales touchant la règlementation de l’industrie de l’énergie.

Événements importants concernant l’ONE74

L’Initiative nationale de mobilisation a donné lieu à des rapports selon lesquels deux membres du comité Énergie Est de l’ONE, dont le vice-président, avaient rencontré en privé en janvier 2015 l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest. Comme il apparaissait que Charest travaillait à titre de consultant pour TransCanada au moment de la réunion, le premier ministre Trudeau a été exhorté à rejeter en totalité l’examen Énergie Est de l’ONE. Bien que l’ONE ait nié avoir eu connaissance des liens allégués de Charest à TransCanada, la tempête publique et médiatique qui s’ensuivit a mené à des appels de démission des trois membres du comité en raison de l’existence de craintes raisonnables de partialité.

Les audiences initiales de l’ONE pour Énergie Est ont été suspendues le 29 août 2016 lorsque de violentes manifestations ont atteint et perturbé la salle d’audience. Alors que des manifestants affichaient une banderole à l’avant de la salle d’audience, un autre a atteint la table où les membres du comité étaient assis et l’a presque renversée, occasionnant l’évacuation du comité de l’ONE. La police est entrée pour évacuer les manifestants et a procédé à trois arrestations : deux hommes ont été accusés de voie de fait sur un policier et d’entrave à la justice, et une femme a été accusée d’entrave à la justice. Le maire de Montréal, M. Coderre, ouvertement hostile au projet de 15,7 milliards de dollars, a annulé sa présence à l’audience qu’il a décrite comme un « cirque »75.

Le 29 août 2016, l’Office national de l’énergie a annoncé qu’il suspendait les audiences sur le projet de pipeline Énergie Est jusqu’à ce que le comité puisse se prononcer sur des motions officielles demandant la démission de deux membres du comité. Des commentaires écrits sur les motions pouvaient être transmis jusqu’au 7 septembre 2016.

Par la suite, le 9 septembre 2016, l’ONE a annoncé que les trois membres du comité de l’ONE avaient décidé de se récuser, une décision qui, en fin de compte, a mené à une réduction des fonctions par le président de l’ONE et le vice-président relativement à la demande Énergie Est. Par la suite, l’ONE a décidé de nommer un nouveau comité formé de nouveaux membres temporaires. Après un délai de trois mois, à la mi-décembre 2016, le ministre Carr de RNCan a annoncé la nomination de trois nouveaux membres temporaires devant être dirigés non pas par le président récusé Watson, mais par le membre temporaire Hamilton qui avait été nommé comme « président suppléant » pour Énergie Est. Fait à noter, les nominations ne tenaient pas compte des personnes déjà nommées à l’ONE, de façon temporaire et permanente, et mettaient en place de toutes nouvelles personnes pour les procédures règlementaires – des membres non éprouvées pour entendre la demande de pipeline la plus importante dans l’histoire de l’ONE.

Le ministre Carr de RNCan avait déjà nommé un « comité de modernisation » composé de cinq personnes et chargé de procéder à des consultations nationales pour recommander des réformes de l’ONE. Le tollé forçant des membres à se récuser est donc arrivé à un moment où des activistes, et quelques parlementaires, soutenaient que l’« ONE était brisé » et devait être réformé76. Il a également donné lieu à des dispositions administratives internes compliquées qui établissaient un précédent au sein de l’ONE afin de composer avec les récusations du président et du vice-président, un nouveau « président suppléant » et les nouveaux membres du comité Énergie Est.

Le 5 juin 2017, l’ONE a lancé une initiative devant être dirigée par quatre membres temporaires indépendants du comité Énergie Est composé de trois personnes. Ces membres avaient été nommés pour recueillir les commentaires des peuples autochtones dans le cadre d’une nouvelle Initiative de mobilisation visant à façonner le processus d’audition et à déterminer les procédures à utiliser pour la collecte et l’utilisation de preuves orales traditionnelles. Toutefois, malgré le nouveau départ avec des membres nouvellement nommés, certains propriétaires fonciers ont exprimé leur scepticisme, estimant que l’importance accordée par le comité aux consultations des Autochtones passait outre à leurs préoccupations en tant que parties « directement touchées ».

Ces événements étaient uniques dans l’histoire de l’ONE et se sont produits à un moment où le gouvernement entamait un examen majeur du rôle et de la structure de l’ONE. Il y a eu les récusations du comité nommé pour entendre la demande Énergie Est, les récusations du président et du vice-président, la nomination unique du CO de l’ONE au rôle de premier dirigeant du comité à la place du président récusé et la nomination d’un nouveau « président suppléant de l’ONE » chargé de nommer les membres du comité Énergie Est et de présidé ce comité. De manière impraticable, la réorganisation exigeait que le nouveau comité ne s’associe pas avec les membres de l’ancien comité ni avec le président et le vice-président de l’ONE. Ces mesures ont constitué la plus importante déviation des pratiques règlementaires établies dans l’histoire de l’ONE.

Avant ces événements, il y avait eu d’autres retards administratifs pour les demandeurs. En février 2016, le premier comité de l’ONE avait jugé que la demande d’Énergie Est était trop difficile à lire et à comprendre. Il a donc fallu que TransCanada présente une nouvelle version restructurée de l’énorme demande de projet en 50 volumes totalisant 30 000 pages.

Par la suite, en janvier 2017, après un processus d’examen qui avait pris plus de deux ans, le nouveau comité avait décidé d’annuler les décisions antérieures du comité récusé et de redémarrer les demandes Énergie Est et du réseau principal Est. Mais plus important peut-être, la décision annulait les décisions antérieures pour la détermination du caractère complet, la liste de participants et l’ordonnance d’audition (OH-002-2016) rendue en juin 2016, ce qui a forcé une reformulation des enjeux pour le projet et un nouvel établissement du caractère complet. La décision mentionnait ce qui suit : « La jurisprudence considère qu’une fois établie l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, l’issue de la procédure, ou la procédure jusqu’au moment de cette conclusion, est nulle »77.

Dans sa décision, le nouveau comité note qu’il :

[…] prend acte des demandes présentées à l’Office par Transition Initiative Kenora (TIK), dans des lettres datées du 7 et du 22 septembre 2016 ainsi que dans un avis de requête en date du 10 janvier 2017, d’annuler toutes les décisions prises ou rendues antérieurement pendant l’audience relative au projet Énergie Est en raison de l’établissement de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. D’autres participants ont déposé des observations traitant de cette question78 .

Le comité a rejeté la demande de TIK voulant que les demandeurs présentent leurs demandes de nouveau, indiquant que : « Le comité a décidé que la demande portant sur le projet du réseau principal Est déposée le 30 octobre 2014 reste valide. La version consolidée de la demande relative au projet Énergie Est qui a été déposée le 17 mai 2016 reste aussi valide et fait toujours partie du dossier de l’audience »79. Par conséquent, le promoteur n’a pas eu à présenter de nouveau une demande qui avait déjà fait l’objet de 18 mois de consultations publiques.

DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES PARALLÈLES

Le 27 janvier 2016, le nouveau gouvernement fédéral a introduit cinq principes provisoires pour guider la prise de décisions concernant les grands projets de ressources. L’un de ces principes était que les émissions de gaz à effet de serre (GES) directes et en amont liées aux projets seraient examinées par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), ministère nouvellement désigné, alors que l’ONE devra faire l’étude des « GES en amont et en aval dans son examen du projet »80 dans le cadre d’un protocole d’entente officiel pour établir le processus de consultation concernant les émissions de GES en amont associées au projet Énergie Est. Ce processus a été conçu pour être indépendant du processus d’audition ravivé de l’ONE.

Dans le cadre du nouvel examen de la décision sur le caractère complet, le 10 mai 2017, l’ONE a recueilli les commentaires du public sur son nouvel examen de la liste provisoire des enjeux pour la demande Énergie Est. Les demandeurs ont répondu le 21 juin 2017 au moyen d’une analyse juridique détaillée81. Le dossier du demandeur indiquait que : « … l’Office vous informe qu’il est ‘particulièrement intéressé’ d’obtenir des commentaires sur la question de savoir si, et dans l’affirmation, pourquoi, certains enjeux supplémentaires (enjeux supplémentaires provisoires) devraient être inclus dans les listes finales des enjeux pour les projets ». Parmi les quatre enjeux, on comptait l’étude possible des conséquences éventuelles du projet sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada. L’analyse des demandeurs concluait que les GES en amont et en aval et les politiques sur les émissions de GES constituaient d’importants enjeux méritant une discussion dans le cadre d’un forum approprié : « Toutefois, les demandeurs soutiennent que l’Office n’est pas le forum approprié pour ces discussions, qui devraient avoir et auront lieu ailleurs. Tel qu’il est mentionné dans la demande de Ressources Naturelles Canada, le gouvernement du Canada s’est engagé à évaluer les émissions de GES directes et en amont associées aux projets »82.

L’argument de droit poursuivait en faisant valoir que : « L’Office ne devrait pas et ne peut pas tenir compte des émissions de GES en amont et en aval dans le contexte de l’un ou l’autre des projets, pour diverses raisons… » qui comprenaient la prise en considération de la Loi constitutionnelle de 186783, le mandat de l’ONE et les orientations stratégiques énoncées dans les mesures et les principes provisoires pour l’examen des projets de pipelines établies par le Canada en janvier 201684. Les demandeurs ont de plus fait valoir que l’ONE n’avait « aucun pouvoir pour rendre obligatoire ou commander la mise en œuvre de l’OSELA85, ni d’en ordonner la mise en œuvre. Toute tentative de l’Office à cet effet mènerait à la catastrophe »86. En ce qui concerne les demandes pour que l’ONE retarde son examen des projets jusqu’à ce que l’examen de l’ACEE et les rapports des comités de modernisation de l’ONE soient terminés, les demandeurs ont fait valoir que : « … l’Office ne peut appliquer les lois existantes, et non les lois en cours d’élaboration ou éventuelles. En bref, l’Office n’a pas l’autorisation législative et ne peut pas retarder la demande en instance. L’alternative serait non seulement une violation de la règle de droit, mais une abdication de son autorité en faveur de ‘pures spéculations’ »87.

De toute évidence, la table était mise pour une longue bataille en matière de règlementation.

Le 23 août 2017, le comité Énergie Est de l’ONE, nouvellement nommé, a rendu sa décision, laquelle semblait ne pas rendre compte du PE signé entre l’ONE et ECCC et contredisait directement l’analyse juridique du demandeur. Le comité a décidé qu’il tiendrait compte, pour la première fois, de l’intérêt public et des conséquences des émissions de GES en amont et en aval de possibles productions et consommations accrues de pétrole résultant du projet. Il a aussi décidé que, pour la première fois, il permettrait une discussion aux audiences sur l’effet de l’atteinte des cibles d’émissions de GES du gouvernement sur la viabilité financière et la nécessité du pipeline de 4 500 kilomètres (auparavant, l’ONE n’avait tenu compte que des émissions de GES qui étaient directement associées à la construction et à l’exploitation d’un pipeline)88.

Peu de temps après la décision du 7 septembre 2017, le promoteur TransCanada Corps a annoncé qu’il suspendait sa demande pour 30 jours afin de procéder à un examen rigoureux du processus d’évaluation de l’ONE : « Par la présente, les demandeurs requièrent trente jours pour examiner la Décision, les conséquences qui en découlent pour les Projets et les demandes respectives d’autorisations des Projets. L’Office est respectueusement prié de ne pas entreprendre aucun autre processus d’examen des Projets pendant la période de trente jours »89.

Comme on pouvait le prévoir, l’annonce a déclenché une cascade de railleries politiques entre les provinces et le gouvernement fédéral, alors que le ministre de l’Énergie de l’Alberta, McCuaig-Boyd, citant le Climate Leadership Plan de l’Alberta comme suffisant pour répondre aux préoccupations sur les émissions, a désigné la décision de l’ONE comme un « débordement historique » par l’organisme de règlementation, soulignant que : « Décider des mérites d’un pipeline en fonction des émissions en aval revient à juger les lignes de transmission en fonction de la façon dont l’électricité sera utilisée – ce n’est pas un enjeu approprié à inclure dans cet examen », mentionnant de plus que le premier ministre avait cité le plan sur le climat de l’Alberta dans ses approbations pour les projets de pipeline Line 3 d’Enbridge et Trans Mountain de Kinder Morgan. Le député Rempel de l’Alberta a accusé les libéraux fédéraux d’avoir placé le régime de règlementation dans le « sable mouvant », ce qui aurait pour effet d’atténuer l’investissement dans le secteur canadien de l’énergie : « Ce n’est pas que décevant, c’est enrageant, frustrant – et les gens de partout au pays dont les emplois dépendent de cela y verront un exemple d’incompétence extrême par un gouvernement libéral idéologique qui s’oppose au développement du secteur de l’énergie, au plus haut niveau »90.

TransCanada a fait valoir dans sa demande de suspension qu’un examen de projet d’entreprise interne s’imposait en raison de défis de taille qu’a posés la décision de l’ONE91. Il a également noté que si l’entreprise décidait de ne pas aller de l’avant avec le projet, il y aurait une « incidence négative » sur la valeur comptable de l’investissement, y compris les recouvrements possibles des coûts de développement engagés pour le projet de 15,7 milliards de dollars, coûts qui, par la suite, avaient été estimés à 1 milliard de dollars. Le 8 septembre 2017, l’ONE a accueilli la demande de suspension du processus d’examen d’Énergie Est de TransCanada, acceptant de ne pas rendre d’autres décisions et de ne pas réaliser d’autres étapes du processus concernant l’examen des projets jusqu’au 8 octobre 2017.

Pour terminer, le 5 octobre 2017, dans une décision d’entreprise qui a provoqué un tollé jamais vu dans la politique canadienne depuis l’époque du grand débat sur le pipeline des années 1950, TransCanada a annoncé qu’il avait abandonné le projet Énergie Est, la cession d’actifs et le projet de réseau principal Est (PRPE).

CONCLUSION

Nombreux sont ceux qui ont considéré qu’une décision par un comité Énergie Est novice de l’ONE demandant un examen des émissions de gaz à effet de serre en amont a contribué à un nouvel examen fondamental des pouvoirs constitutionnels entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Cette décision, et les événements qui s’ensuivirent entourant le pipeline Kinder Morgan, ont mené le Canada à un point que certains estiment être une « crise ».

Dans une maison si divisée et à un moment où le mandat de l’ONE faisait l’objet de révisions importantes au moyen de projets de règlements compris dans le projet de loi C-69, beaucoup estimeraient improbable qu’il y ait une amélioration de la certitude règlementaire dans les déterminations de l’intérêt national. Ces incertitudes règlementaires, auxquelles s’ajoutent les implications de la décision Northern Gateway et les incertitudes persistantes entourant la demande de pipeline Kinder Morgan, ont miné l’intérêt international d’investissement dans les grands projets, au moment même où l’industrie de l’énergie du Canada a du mal à maintenir sa capacité concurrentielle en cette ère de prix réduits et d’exportations en difficulté. Serait-il possible au Canada et à son secteur de l’énergie d’être plus écologiques et plus innovateurs tout en endurant une rentabilité réduite, des restrictions sur l’accès au marché, un important exode de capitaux et des annulations de grands projets? Le pouvoir de règlementation de l’ONE, déjà confirmé par la Cour suprême, a été miné au point où bon nombre de territoires de compétence et d’organisations autochtones présument, voire demandent, une décision finale dans le développement et le transport de l’énergie au Canada. L’érosion consécutive de la primauté des pouvoirs de règlementation de l’ONE crée une incertitude fondamentale et rend problématique toute détermination scientifique reflétant l’intérêt national.

Certains estiment que la Cour suprême a été entraînée dans l’arène règlementaire en matière d’énergie en conséquence directe de gouvernements fédéraux qui se sont toujours refusé d’établir des règles claires pour la consultation et l’accommodement des Autochtones. Heureusement, la Cour suprême a décidé de ne pas assimiler l’obligation de consulter à un veto sur le développement – une clarification juridique utile, mais qui ferait partie d’une longue série de décisions qui pourraient être vues par des investisseurs et des promoteurs de l’industrie comme trop peu et bien trop tard92.

Les intentions initiales du gouvernement fédéral de « moderniser » l’ONE et de « rétablir la confiance du public » dans celui-ci ont constamment été éclipsées par des préoccupations beaucoup plus pressantes pour l’économie, l’intérêt national et, peut-être, la capacité du secteur de l’énergie du Canada de survivre à des assauts si disparates et si concertés de la part de tant de secteurs93.

Les grands perdants dans ce bourbier règlementaire sont les entreprises, les investisseurs et les actionnaires canadiens. Les promoteurs ont dépensé des centaines de millions de dollars dans un environnement politique, juridique et règlementaire sujet à des décisions finales rendues à huis clos en vertu de règles et de normes non divulguées auparavant. De telles décisions rendues si tard dans le processus règlementaire altèrent fondamentalement la façon dont les investisseurs voient le Canada et influencent directement les décisions d’investissement d’entreprises.

Lorsqu’une fédération se dissout en définitions étroites d’intérêts d’administrations fédérales, provinciales et locales, le nombre de mains à la pâte accroît la complexité des enjeux pour tous. De telles complexités de compétence augmentent également le temps nécessaire aux promoteurs pour s’y retrouver dans toutes ces questions interdépendantes et compétences concurrentes qui, de plus en plus, comprennent les gouvernements des Premières Nations et les administrations locales. Il en résulte un réseau complexe d’outils règlementaires et législatifs souvent contradictoires et concurrents qu’on ne peut pas raisonnablement résoudre en faisant constamment appel aux tribunaux fédéraux. La responsabilité urgente de résoudre tous ces défis revient à tous les Canadiens, surtout à leurs dirigeants, qui sont de plus en plus confrontés aux conséquences économiques et sociales indésirables de leurs actions et de leurs décisions.

* Le Dr. Ron Wallace, un scientifique ayant remporté le prix Emerald grâce à d’importants services internationaux, vit à Calgary. Il a travaillé au sein d’organismes de règlementation et de comités consultatifs en matière d’énergie et d’environnement pour des organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux. Il a été nommé membre permanent de l’Office national de l’énergie en 2013 et a agi à titre de premier président élu par intérim de l’Office en 2014. Le Dr. Wallace a pris sa retraite à titre de membre permanent de l’ONE en 2016.

  1. Bien que l’ONE ait nié avoir eu connaissance des liens allégués de Charest à TransCanada, la tempête publique et médiatique qui a suivi a donné lieu à des appels ayant mené à la démission des trois membres du comité Énergie Est en raison d’allégations d’apparence de partialité.
  2. Banque Scotia, « Pipeline Approval Delays: the Cost of Inaction », Note de produit (2018) Global Economics, en ligne : <http://www.gbm.scotiabank.com/scpt/gbm/scotiaeconomics63/pipeline_approval_delays_2018-02-20.pdf>.
  3. Trading Economics, « Canada GDP », en ligne : < https://tradingeconomics.com/canada/gdp> : « 1960-2018 Data: The Gross Domestic Product (GDP) in Canada was worth 1529.76 billion US dollars in 2016. The GDP value of Canada represents 2.47 percent of the world economy. GDP in Canada averaged 616.46 USD Billion from 1960 until 2016, reaching an all-time high of 1842.63 USD Billion in 2013 and a record low of 40.77 USD Billion in 1961. »
  4. Martin Fletcher, « The Final Year: The breathless story of Obama’s last days as president », RadioTimes (19 janvier 2018), en ligne : <http://www.radiotimes.com/news/film/2018-01-19/the-final-year-the-breathless-story-of-obamas-last-days-as-president/>; David Edelstein, « Documentary Offers A Devastating Look At The Obama Administration’s ‘Final Year’ », Nashville Public Radio (22 janvier 2018), en ligne : <http://nashvillepublicradio.org/post/documentary-offers-devastating-look-obama-administrations-final-year#stream/0>.
  5. Accord de Paris, Doc off UNFCCC, 21e sess, annexe, Doc NU FCCC/CP/2015/10/Add.1 (2016) 23 [Accord de Paris].
  6. PL C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d ‘impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, 1re sess, 42e lég, 2018.
  7. Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), LC 2012, c 19, art 52.
  8. Loi sur l’Office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7 [Loi sur l’ONE].
  9. PL C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, 1re sess, 42e lég, 2018.
  10. Jim Carr, Allocution, présentée au Forum GLOBE 2018 du Ministère des resources naturelles, 15 mars 2018, en ligne : < https://www.canada.ca/en/natural-resources-canada/news/2018/03/the-honourable-jim-carr-canadas-minister-of-natural-resources-globe-forum-2018-vancouver-british-columbia.html>.
  11. Ron Wallace et Bonnie Gray Wallace, « Expert Perspectives on the NEB Modernization », Daily Oil Bulletin (21 septembre 2018), en ligne: <http://www.dailyoilbulletin.com/article/2017/9/21/expert-perspectives-neb-modernization/>.
  12. Ron Wallace, « Is the Canadian energy industry approaching a tipping point? », JW Energy (2 octobre 2017), en ligne: < http://www.jwnenergy.com/article/2017/10/canadian-energy-industry-approaching-tipping-point/>.
  13. Ron Wallace, « Babies, Bathwaters and Regulators: The ‘Precautionary Principle’ should also apply to how government deals with regulators », Daily Oil Bulletin (2017) 77.
  14. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause – Un droit des peuples autochtones et une bonne pratique pour les communautés locales (Guide), Italie, FAO, 2016, en ligne : < http://www.fao.org/3/a-i6190f.pdf>.
  15. Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Rés AG 61/295, Doc off AG NU, 2007, Doc NU A/61/L.67 et add.1.
  16. Laura Stone, « Jason Kenney vows repercussions against B.C. over Trans Mountain pipeline », The Globe and Mail (4 août 2017), en ligne: < https://www.theglobeandmail.com/news/alberta/jason-kenney-vows-repercussions-against-bc-over-trans-mountain-pipeline/article35887445/>.
  17. Rowland J. Harrison, « Social Licence to Operate: The Good, The bad, The Ominous », présentée à la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta, 15 mars 2015 [non-publiée].
  18. Monte Hummel, « Mouvements écologistes » (21 février 2016), Encyclopédie canadienne, en ligne : <http://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/environmental-and-conservation-movements/>.
  19. Harrison, supra note 17.
  20. Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 11 décembre 1997, 2303 RTNU 162, (entrée en vigueur : 16 février 2005).
  21. L’ancien ministre de RNCan, Joe Oliver, a rédigé un fougueux compte rendu et a défendu ses déclarations en faisant valoir que le premier ministre devrait dire aux « agitateurs étrangers de laisser le Canada tranquille ». Joe Oliver, Joe Oliver, « Yet more proof radicals (yes, radicals) are sabotaging Canada’s economy », (13 mars 2018) Financial Post, online: <http://business.financialpost.com/opinionjoe-oliver-yet-more-proof-foreign-radicals-yes-radicals-are-sabotaging-canadas-economy>.
  22. « Canada to withdraw from Kyoto Protocol », BBC News (13 décembre 2011), en ligne: < http://www.bbc.com/news/world-us-canada-16151310>.
  23. Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, LC 2012, c 19.
  24. PL C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en oeuvre d’autres mesures, 1re sess, 41e parl, 2013.
  25. Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, LC 1992, c 37.
  26. Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, LC 2012, c 19.
  27. Loi canadienne sur la protection de l’environnement, LC 1999, c 33.
  28. Loi sur l’ONE, supra note 8.
  29. Loi sur les opérations pétrolières au Canada, LRC 1985, c O-7.
  30. Loi sur la sûreté et la règlementation nucléaires, LC 1997, c 9.
  31. Loi sur les espèces en péril, LC 2002, c 29.
  32. Loi sur les pêches, LRC 1985, c F-14.
  33. Rowland J. Harrison, « The Assault of Regulatory “Efficiency” on Procedural Fairness and Procedural Effectiveness: Mandated time limits under recent amendments to the National Energy Board Act », présentée à la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta, 7 mars 2013. La conférence a été la version de présentation d’un ouvrage plus complet du même titre.
  34. Loi sur l’ONE, supra note 8. En vertu de l’article 52 de la Loi, l’ONE fait des recommandations au ministre, mais c’est le gouverneur en conseil qui a le pouvoir en vertu de l’article 54 d’obliger l’Office à publier un certificat ou à rejeter une demande.
  35. Harrison, supra note 33.
  36. Viviane Kraus, « The Cash Pipeline Opposing Canadian Oil Pipelines », Financial Post (3 octobre 2016), en ligne: <http://business.financialpost.com/opinion/vivian-krause-the-cash-pipeline-opposing-canadian-oil-pipelines>.
  37. Ibid.
  38. Claudia Cattaneo, « Leaked HIVE document shows how far Trans Mountain opponents will go to orchestrate outrage », Financial Post (2 mars 2018), en ligne : <http://business.financialpost.com/commodities/energy/mixing-with-activists-proves-to-be-a-cautionary-tale-for-government>.
  39. Claudia Cattaneo, « Russian Meddling in Pipelines Uses Old Soviet ‘Useful Idiots’ Ploy », Financial Post (3 mars 2018), en ligne : <http://business.financialpost.com/commodities/energy/russian-meddling-another-worry-for-canadian-energy-exports>.
  40. Ibid.
  41. Suzanne Anton, « Canadians are realizing foreign groups sabotaged our energy economy – for no good reason », Financial Post (21 mars 2018), en ligne : <http://business.financialpost.com/opinion/canadians-are-realizing-foreign-groups-sabotaged-our-energy-economy-for-no-good-reason>.
  42. Communauté des Global Shapers, « Global Shapers Annual Survey 2017 », Forum Économique Mondial, en ligne : <www.shaperssurvey2017.org>.
  43. Yadullah Hussain, « Pipelines & politics: Where the parties stand on oil and gas issues », Financial Post (14 octobre 2015), en ligne : <http://business.financialpost.com/commodities/energy/pipelines-politics-where-the-parties-stand-on-oil-gas-issues>.
  44. PL C-46, Loi modifiant la Loi sur l’Office national de l’énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, 2e sess, 41e lég, 2015.
  45. Parti libéral du Canada, « Plate-forme électorale » (2015), en ligne : <https://www.liberal.ca/wp-content/uploads/2015/10/Le-bon-plan-pour-renforcer-la-classe-moyenne.pdf>.
  46. Accord de Paris, supra note 7. (4 novembre 2016, conformément au paragraphe 1 de l’article 21. L’Accord entre en vigueur le trentième jour qui suit la date du dépôt de leurs instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion par au moins 55 Parties à la Convention qui représentent au total au moins un pourcentage estimé à 55% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’Accord de Paris a été adopté le 12 décembre 2015 lors de la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui a eu lieu à Paris du 30 novembre au 13 décembre 2015. Conformément à son article 20, l’Accord sera ouvert à la signature des États et des organisations d’intégration économique régionale qui sont parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, au Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York du 22 avril 2016 au 21 avril 2017).
  47. Ressources naturelles Canada, Le rapport du comité ministériel pour le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain, par le comité ministériel pour le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain, Ottawa, RNCan, 2016.
  48. Ibid.
  49. Dennis McConaghy, Dysfunction: Canada after Keystone XL, Toronto, Dundurn, 2017.
  50. Carbon Pollution Emission Guidelines for Existing Stationary Sources: Electric Utility Generating Units, 80 Fed Reg 64661 (2015) (sera codifié au 40 CFR).
  51. Chamber of Commerce, et al. v EPA (9 February 2016), US 15A787 (order 577 in pending case).
  52. Ibid.
  53. Promoting Energy Independence and Economic Growth, 82 Fed Reg 16093 (2017) (sera codifié au 82 FR § 1(c)).
  54. Ibid, art 1(g).
  55. Jonathan H. Adler, « Supreme Court puts the brakes on the EPA’s Clean Power Plan », The Washington Post (9 février 2016), en ligne : <https://www.washingtonpost.com/news/volokh-conspiracy/wp/2016/02/09/supreme-court-puts-the-brakes-on-the-epas-clean-power-plan/?utm_term=.50b5826f057f>.
  56. Environmental Defense Fund, « Clean Power Plan case resources », en ligne : <https://www.edf.org/climate/clean-power-plan-case-resources>.
  57. É-U, Bill HR 6518, An Act to improve, strengthen, and accelerate programs for the prevention and abatement of air pollution, 88e Cong, 1963 [Clean Air Act].
  58. Office of the Press Secretary, communiqué, “U.S.-China Joint Announcement on Climate Change” (11 novembre 2014), online: <https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2014/11/11/us-china-joint-announcement-climate-change>.
  59. É-U, Executive Office of the President, Implementing an America-First Offhsore Energy Strategy (S Exec Doc No 13795), Washington, DC, US Government Printing Office, 2017.
  60. É-U, “Energy & Environment”, en ligne: < https://www.whitehouse.gov/issues/energy-environment/>.
  61. Donald Trump, « Statement issued by President Trump on the Paris Climate Accord », prononcée de la roseraie de la Maison-Blanche, 1 juin 2017 [non-publié].
  62. Shawn McCarthy, “Keystone pipeline approval ‘complete no-brainer,’ Harper says”, The Globe and Mail (21 septembre 2011), en ligne: <https://www.theglobeandmail.com/news/politics/keystone-pipeline-approval-complete-no-brainer-harper-says/article4203332/>.
  63. Martin Fletcher, “The Final Year: The breathless story of Obama’s last days as president”, RadioTimes (19 janvier 2018), en ligne: < http://www.radiotimes.com/news/film/2018-01-19/the-final-year-the-breathless-story-of-obamas-last-days-as-president/>.
  64. Juliet Eilperin and Brady Dennis, “With days left in office, President Obama ushers in dozens of policies. But will they stay seated?”, The Washington Post (14 janvier 2017), en ligne: <https://www.washingtonpost.com/national/health-science/with-days-left-in-office-obama-ushers-in-dozens-of-policies-but-will-they-stay-seated/2017/01/14/30f56b4a-d8f9-11e6-9a36-1d296534b31e_story.html?utm_term=.14506c38d3ef>.
  65. Ibid.
  66. CBC, « Trudeau announces review of Arctic strategy, joint drilling ban with U.S. », CBC (21 décembre 2016), en ligne : <http://www.cbc.ca/news/politics/trudeau-obama-arctic-1.3905933>.
  67. Claudia Cattaneo, « ‘The last frontier’: Arctic drilling ban big blow to Northern Indigenous communities, premier says », Financial Post (29 janvier 2018).
  68. Implementing an America-First Offshore Energy Strategy, 82 Fed Reg 20815 (2017).
  69. Julia Boccagno and Justin Covington, “Huge swaths of land may be open to offshore drilling in the near future”, CIRCA (4 janvier 2018), en ligne : <https://www.circa.com/story/2018/01/04/politics/secretary-zinke-unveils-new-draft-proposal-to-open-the-arctic-pacific-and-atlantic-to-offshore-drilling>.
  70. Office national de l’énergie, « Initiative nationale de mobilisation », en ligne : <https://www.neb-one.gc.ca/glbl/ccct/index-fra.html>.
  71. Office national de l’énergie, Rapport sur l’Initiative nationale de mobilisation : Mobilisation des Canadiens sur la sécurité des pipelines (Calgary : ONE, 2015), en ligne : <http://www.neb-one.gc.ca/glbl/ccct/ntnlnggmnt/2016rprt-eng.pdf>.
  72. Ibid.
  73. Ibid.
  74. Décision no 1 – Conséquences de la récusation du comité d’audience examinant le projet Énergie Est et façon de recommencer cette audience, (27 janvier 2017), OF-Fac-Oil-E266-2014-01 02, en ligne : ONE <https://apps.neb-one.gc.ca/REGDOCS/File/Download/3178888>.
  75. Benjamin Shingler and Stephen Smith, “NEB cancels 2 days of Energy East hearings in Montreal after ‘violent disruption’”, CBC News (29 août 2016), en ligne: <http://www.cbc.ca/news/canada/montreal/neb-hearings-energy-east-protest-quebec-2016-1.3739215>.
  76. Ron Wallace and Jack M. Mintz, “Trudeau wrongly said Canadian energy regulation was ‘broken.’ Then he wrecked it”, Financial Post (23 février 2018), en ligne: < http://business.financialpost.com/opinion/trudeau-wrongly-said-canadian-energy-regulation-was-broken-then-he-wrecked-it>.
  77. Supra note 74.
  78. Ibid.
  79. Ibid.
  80. Office national de l’énergie, Protocole d’entente entre ECCC et l’ONE visant la mise en place d’un processus de consultation publique sur l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre en amont du projet Énergie Est (protocole d’entente), en ligne : <https://www.neb-one.gc.ca/bts/ctrg/mmrndm/2016nvrnmntclmtchngcnd-fra.html?=undefined&wbdisable=true>.
  81. C Kemm Yates, Applicants comments on draft lists of issues and draft factors and scope of the factors for the Environmental Assessments pursuant to the Canadian Environmental Assessment Act 2012 (21 juin 2017).
  82. Ibid.
  83. Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Victoria, c 3, reproduite dans LRC 1985, annexe II, no 5.
  84. Ibid.
  85. Oil Sands Emissions Limit Act, SA 2016, c O-7.5, entérinée par la législature de l’Alberta environ un an après l’achèvement de l’Accord de Paris dans le cadre de la stratégie sur le changement climatique du gouvernement Notley de l’Alberta.
  86. Supra note 81.
  87. Ibid.
  88. National Energy Board, communiqué, « Expanded focus for Energy East assessment » (23 août 2017), en ligne: <https://www.canada.ca/en/national-energy-board/news/2017/08/expanded_focus_forenergyeastassessment.html>
  89. TransCanada, Liste des enjeux et facteurs et la portée des facteurs pour l’EE conformément à la LCEE 2012, dossier ONE OF-Fac-Oil-E266-2014-01 02 (7 septembre 2017).
  90. John Gibson, « Politicians spar over Energy East as NEB suspends pipeline review », CBC News (8 septembre 2017), en ligne: <http://www.cbc.ca/news/canada/calgary/national-energy-board-energy-east-review-trans-canada-alberta-halt-suspend-review-1.4281060>.
  91. TransCanada, communiqué, “TransCanada Seeks 30-day suspension of Energy East Pipeline and Eastern Mainline Project Applications” (7 septembre 2017), en ligne: < https://www.transcanada.com/en/announcements/2017-09-07-transcanada-seeks-30-day-suspension-of-energy-east-pipeline-and-eastern-mainline-project-applications/>.
  92. Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, au para 48.
  93. Supra note 6.

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