Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’Office national de l’énergie et la réponse du gouvernement du Canada

1. Introduction

Le présent article présente un résumé du Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’Office national de l’énergie1 (Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE), publié en mai 20172, et des commentaires préliminaires formulés à l’égard du rapport. Il s’agit de l’un de quatre rapports publiés récemment portant sur différents aspects de la manière dont le gouvernement fédéral examine et règlemente les grands projets. Les trois autres rapports portent sur un examen des processus d’évaluations environnementales3, la protection de l’habitat en vertu de la Loi sur les pêches4 et le rôle de la Loi sur la protection de la navigation5.En juin 2017, quelques jours après la fin de la période de commentaires sur le Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE, le gouvernement du Canada a publié un document de travail intitulé Examen des processus d’évaluation environnementale et règlementaire6. Le document de travail présente les changements que le gouvernement souhaite apporter aux processus d’évaluation environnementale et règlementaire du gouvernement fédéral en réponse à ces divers rapports. Par conséquent, le présent article présente également des commentaires sur ce document de travail puisqu’il aborde les modifications proposées concernant l’Office national de l’énergie.

Le Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE commence avec une vue d’ensemble de « ce que le Comité d’experts a entendu », puis décrit une série de cinq principes qui soustendent les recommandations du Comité d’experts. Le Comité d’experts poursuit avec un énoncé de sa vision pour l’organisme de règlementation canadien relatif aux infrastructures énergétiques, puis une série de recommandations centrées sur six thèmes principaux pour concrétiser la vision du Comité d’experts. Ces recommandations constituent la substance du rapport. Voici les six thèmes principaux : (1) le mandat, (2) les relations avec les peuples autochtones, (3) la gouvernance et la prise de décision, (4) la participation du public, (5) les activités Î-kanatak Askiy (Préserver la pureté de la terre) et (6) le respect pour les propriétaires.

Le volume II présente une série d’annexes. L’annexe II du volume II présente les « Constats préliminaires relatifs aux modifications législatives et règlementaires potentielles ». Ces dispositions provisoires viennent très peu enrichir le contenu du volume I.

Voici les principales modifications proposées par le Comité d’experts :

  • uniformiser le rôle de l’organisme national de règlementation de l’énergie en énonçant une politique nationale précise sur l’énergie et le climat;
  • remplacer l’ONE par un nouvel organisme qui sera nommé Commission canadienne sur le transport de l’énergie (CCTE);
  • adopter un modèle de gouvernance générale pour la Commission et transférer le conseil d’administration à Ottawa;
  • créer une nouvelle Agence canadienne de l’information sur l’énergie;
  • établir un processus décisionnel en deux étapes pour les nouveaux projets de transport d’énergie:
  • au cours de la première étape, sous la responsabilité d’un organisme tel que le Bureau des grands projets, on évaluera si un projet proposé représente un intérêt national;
  • au cours de la seconde étape, sous la responsabilité de la CCTE et de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), on entamera un processus d’approbation règlementaire plus détaillé;
  • créer un Bureau des grands projets pour les Autochtones;
  • accorder une plus grande attention à la règlementation du cycle de vie des projets, et dans ce contexte, le Comité d’experts adopte des termes autochtones pour aider à saisir l’importance de respecter les points de vue des peuples autochtones;
  • créer un rôle d’intervenant public;
  • créer des comités multilatéraux régionaux;
  • offrir un rôle plus important aux municipalités dans les procédures;
  • créer un poste d’ombudsman des propriétaires fonciers;
  • établir des normes plus rigoureuses concernant la conduite des agents fonciers et examiner les règles de compensations pour les emprises sur l’infrastructure;
  • élargir le rôle des peuples autochtones dans tous les éléments du processus.

Il s’agit certainement d’un ensemble ambitieux de modifications proposées.

Trois thèmes dominent l’analyse du Comité d’experts. Le premier thème porte sur la nécessité de rétablir la confiance de la population canadienne à l’égard de l’organisme national de règlementation de l’énergie. Le deuxième thème est axé sur l’importance d’établir une relation respectueuse avec les peuples autochtones du Canada. Il s’agit de toute évidence d’un vaste projet national qui dépasse largement les questions nationales d’énergie, mais le Comité d’experts tente d’établir ce qu’une relation revue pourrait signifier pour un organisme national de règlementation de l’énergie. Finalement, le troisième thème est qu’un organisme de règlementation de l’énergie ne peut tout faire et qu’on ne devrait pas s’attendre à ce qu’il le fasse. Nous devons disposer d’une stratégie énergétique nationale, et nous devons également réfléchir attentivement à ces fonctions de renseignements et d’approbation de projets qui sont mieux remplies par un organisme national de règlementation de l’énergie, et à celles qui devraient être remplies par un cabinet ou un autre bureau du gouvernement.

2. Contexte du rapport

En juin 2016, le ministre Jim Carr a annoncé son intention d’établir un comité d’experts pour fournir des recommandations sur « la modernisation de l’Office national de l’énergie7. Il a fourni le mandat préliminaire8 du Comité d’experts, finalisé quelques mois plus tard9. Dans le mandat, on précise que le Comité d’experts devait « mener un examen ciblé de la structure, du rôle et du mandat de l’Office » dans le but de positionner l’Office en tant « qu’organisme de règlementation de l’énergie moderne, efficient et efficace et de regagner la confiance du public ». Les facteurs à examiner comprennent la gouvernance, le mandat, les rôles du processus décisionnel, la règlementation du cycle de vie, la participation des Autochtones et la participation du public. D’autres éléments outrepassaient de toute évidence la portée, notamment la règlementation économique (droits et tarifs) des pipelines en vertu de la partie IV de la Loi sur l’Office national de l’énergie10 et les responsabilités de l’office à l’égard du pétrole et du gaz en amont en vertu de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada11.

Dans l’examen de la structure, du rôle et du mandat de l’ONE, le Comité d’experts a été expressément chargé de tenir compte de la relation entre les processus de l’Office et les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones, ainsi que de la relation entre les processus de l’Office et les principes établis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones12. Le mandat énonçait clairement que le ministre s’attendait à une mobilisation importante des parties prenantes ainsi qu’à une participation directe des organisations et des collectivités autochtones.

Les sections qui suivent présentent un aperçu du Rapport du Comité d’experts selon les titres principaux utilisés par le Comité d’experts.

3. Un résumé de ce que le Comité d’experts a entendu

Sous ce titre, le Comité d’experts présente quatre points principaux13. D’abord, le Comité d’experts explique qu’une vaste majorité a convenu que les audiences des projets de l’ONE ont été utilisées de facto en tant que forums pour tous les débats autour de la politique énergétique du Canada et des changements climatiques, mais que personne n’a jugé qu’il s’agissait d’une bonne idée. Il en a été ainsi parce qu’il n’y avait aucun autre forum plus approprié. Ensuite, on a fait valoir au Comité d’experts qu’il existait une crise de confiance à l’ONE. Il semblerait que beaucoup estimaient que l’Office est « embrigadé » par le secteur qu’il règlemente, et de nombreuses personnes sont d’avis que son processus décisionnel manque de transparence. Enfin, les participants ont dit que le temps était venu d’établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones au Canada. Finalement, le Comité d’experts précise que les Canadiens rencontrés ont dit que des solutions créatives bénéfiques pour tous sont possibles, où « les intérêts et les droits des différents intervenants [pourraient être] pris en compte dans l’intérêt de tous les Canadiens »14.

4. Les cinq principes

Le Comité d’experts a dégagé « cinq principes fondamentaux » pour orienter ses recommandations 15 :

  1. L’instauration d’une relation de nation à nation
  2. L’harmonisation des activités de l’ONE avec les objectifs des politiques publiques nationales
  3. La transparence des processus et des prises de décisions et le rétablissement de la confiance
  4. La participation du public tout au long du cycle de vie des infrastructures
  5. Les résultats visés : une règlementation ciblée et efficace

5. La vision du Comité d’experts

Avant de formuler des recommandations précises, le Comité d’experts a énoncé ce qu’il décrit comme étant « une vision générale de l’avenir de la règlementation des infrastructures de transport de l’énergie au Canada. » Cette « vision » semble être composée de quatre éléments ou composantes16.

Le premier élément est « les politiques et le leadership ». Ici, le Comité d’experts demandait une stratégie énergétique canadienne « pleinement déployée », dirigée par le ministre des Ressources naturelles, en partenariat avec les peuples autochtones, les provinces et les territoires17.

Le deuxième élément consiste en « [un] gouvernement [qui] puisse jouer un rôle élargi dans la collecte, l’analyse et la diffusion d’information concernant la production, le transport, et l’utilisation de l’énergie, ainsi que dans les tendances futures et les émissions de gaz à effet de serre qui y sont associées, afin d’éclairer et d’informer les rédacteurs de politiques publiques, les intervenants de l’industrie, les peuples autochtones, le milieu universitaire, la société civile et la population canadienne »18. Le Comité d’experts estime que cette fonction devrait être remplie par une nouvelle Agence canadienne de l’information sur l’énergie.

Le troisième élément comprend un dialogue approfondi avec les promoteurs et d’autres parties avant que le projet soit déposé, et ce, pour « établir des relations de bonne foi plus solides entre l’organisme de règlementation, la Couronne, l’industrie, les peuples autochtones et les parties intéressées »19. Il faut distinguer le dialogue de la consultation.

Le quatrième élément porte sur la division du processus d’examen et d’approbation des projets en deux étapes20. La première étape vise à évaluer si le projet est conforme à l’intérêt national. Cette évaluation ne serait pas menée par l’ONE ou son successeur proposé, la CCTE, mais plutôt par une organisation telle que le Bureau de gestion des grands projets (BGGP) actuel à Ressources naturelles Canada. L’examen mènerait à l’émission d’une recommandation publique du ministre des Ressources naturelles pour le gouverneur en conseil. Le Comité d’experts reconnaît explicitement que cette décision à la première étape représente finalement une décision politique qui doit être prise par des hauts fonctionnaires imputables, à l’échelon le plus élevé. La seconde étape vise à évaluer plus en détail la délivrance d’autorisations pour les projets, fondée sur l’évaluation des facteurs techniques et de l’atténuation des risques. Cette évaluation sera menée par la nouvelle CCTE conjointement avec l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE). Des commissions d’examen conjoint, composées de cinq membres, seront présidées par un « membre indépendant », c.-à-d. indépendant de la CCTE ou de l’ACEE.

Le quatrième élément de la vision du Comité d’experts met en relief la responsabilité de la CCTE à l’égard des activités subséquentes de toute infrastructure approuvée. Afin de bien décrire ces responsabilités et de reconnaître l’importance des points de vue du peuple autochtone, le Comité d’experts a adopté un terme cri, activités Î-kanatak Askiy (qui signifie « préserver la pureté de la terre »). Sous cette rubrique, le Comité d’experts renvoie à l’adoption de pratiques exemplaires, de surveillance proactive et de préparation aux situations d’urgence (avec une transparence et une accessibilité accrues), qui s’étendraient également aux mesures d’urgence et de conformité. Un cycle d’amélioration continue devrait être présent pour chaque aspect de la CCTE.

6. Les recommandations détaillées du Comité d’experts

Finalement, le Comité d’experts a énoncé ses recommandations particulières (environ 46 en tout)21. Je ne reproduirai pas toutes les recommandations ici. Je résumerai plutôt et commenterai ce qui me semble les recommandations les plus importantes du Comité d’experts, sous les rubriques suivantes : (1) adéquation entre les politiques énergétiques et le rôle d’un organisme national de règlementation de l’énergie, (2) une nouvelle Agence canadienne de l’information sur l’énergie indépendante, (3) un nouvel organisme national de règlementation de l’énergie disposant d’un nouveau modèle de gouvernance, (4) un processus décisionnel en deux étapes pour les nouveaux projets et (5) relations avec les peuples autochtones.

6.1 Adéquation entre les politiques énergétiques et le rôle d’un organisme national de règlementation de l’énergie

Le rapport présente une série de recommandations visant à garantir une meilleure adéquation entre « une Stratégie énergétique canadienne, qui devrait tracer la voie à suivre en matière d’énergie au Canada et assurer un équilibre entre les objectifs environnementaux, sociétaux et économiques » et le rôle d’un organisme national de règlementation22. Le rapport prévoit que le ministère des Ressources naturelles jouera un rôle de leader dans la mise en œuvre d’une telle stratégie conjointement avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones. On prétend également que cela garantira une meilleure adéquation entre les politiques climatiques et énergétiques23.

Je suis tout à fait d’accord avec les objectifs d’adéquation entre les politiques climatiques et énergétiques ainsi qu’entre ces politiques et les rôles et responsabilités d’un organisme national de règlementation. Cela dit, le Comité d’experts ne donne au lecteur aucun aperçu du travail herculéen nécessaire pour conclure l’accord entre les provinces et les territoires (et les peuples autochtones) sur les éléments d’une stratégie énergétique canadienne. Certes, je ne trouve pas particulièrement encourageant que le Comité d’experts propose24 que la Stratégie énergétique canadienne25 lancée par le Conseil de la fédération (c.-à-d. les provinces et les territoires) présente un « énorme potentiel » pour réaliser ce qu’entrevoit le Comité d’experts. À mon avis, cette Stratégie (exploitée au plus petit dénominateur commun) guide très peu les décideurs et illustre ainsi à quel point il sera difficile pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les peuples autochtones d’élaborer une approche plus utile.

Il aurait peut-être été plus logique que le Comité d’experts se concentre sur les enjeux qui relèvent manifestement du gouvernement fédéral. Le Comité d’experts en aurait peut-être eu davantage à dire sur la manière dont nous intégrons les politiques énergétiques et les politiques climatiques dans la prise de décision de l’organisme national de règlementation. Il ne s’agit pas d’une question banale. Un tribunal administratif ne peut tout simplement appliquer les politiques (en supposant que les politiques sont claires) comme s’il s’agissait de lois — on doit lui dire de le faire. Dans le contexte actuel, il aurait mieux valu que le Comité d’experts examine des options pour atteindre cet objectif. On pourrait notamment ajouter une exigence légale que l’organisme national de règlementation tienne compte des obligations et des engagements du Canada conformément aux accords climatiques internationaux. On pourrait également ajouter une disposition autorisant le ministre (ou le gouverneur en conseil) à donner des directives à l’organisme national de règlementation (de manière générale ou précise) à l’égard de l’intégration des politiques énergétiques et climatiques26.

6.2 Une nouvelle Agence canadienne de l’information sur l’énergie indépendante

Le Comité d’experts a recommandé que le gouvernement fédéral crée une nouvelle Agence canadienne de l’information sur l’énergie indépendante, dont le mandat consisterait « à recueillir et diffuser des données sur l’énergie, ainsi qu’à produire et rendre public un rapport annuel sur le système énergétique canadien. L’Agence produirait aussi des analyses quantitatives visant à vérifier que les objectifs de la Stratégie énergétique canadienne sont respectés »27. L’Agence relèverait du ministre des Ressources naturelles.

À mon avis, le Comité d’experts n’offre pas d’argument convaincant pour la création d’une Agence d’information distincte. Je pense que cela entraînerait un chevauchement des fonctions et, notamment, irait à l’encontre du principe de règlementation ciblée et efficace formulé par le Comité d’experts. Un organisme national de règlementation doit être capable de puiser dans une large gamme de données et de ressources. Il doit surveiller et comprendre la manière dont le secteur exerce ses activités, et il doit définir et comprendre les tendances en matière de coûts, de prix et de technologies. En demandant à un autre organisme de remplir ces fonctions et d’autres fonctions, on entraînera un chevauchement et une inefficacité puisque l’organisme national de règlementation aura quand même besoin d’une expertise interne sur ces questions. Le Comité d’experts laisse entendre qu’un organisme national de règlementation se trouve en situation de conflit d’intérêts s’il assume à la fois une fonction d’information et une fonction de règlementation de projet, mais je ne vois pas où se situe le conflit. En quoi la collecte, l’organisation, la présentation et la publication de données sur l’énergie aurait-elle une incidence sur la manière dont l’organisme de règlementation de l’énergie prend des décisions selon un processus en deux étapes sur un réseau de transport de l’énergie (et inversement). Cela dit, je conviens que l’organisme national de règlementation de l’énergie a besoin d’une meilleure orientation quant à la manière d’intégrer les politiques sur le changement climatique et les gaz à effet de serre (et les obligations légales internationales du Canada) dans ses mesures de l’information, en particulier en ce qui concerne les prévisions de l’offre et de la demande. Je pense qu’on pourrait également inciter l’organisme national de règlementation de l’énergie à produire un éventail plus large de rapports d’information portant, par exemple, sur les tendances dans le secteur des énergies renouvelables28 ou sur les difficultés générales liées à l’énergie auxquelles sont confrontées les collectivités isolées (autochtones et non-autochtones).

6.3 Un nouvel organisme national de règlementation de l’énergie disposant d’un nouveau modèle de gouvernance

Le Comité d’experts propose également que l’ONE soit remplacé par un nouvel organisme national de règlementation de l’énergie, nommé Commission canadienne sur le transport de l’énergie (CCTE). La nouvelle CCTE sera gouvernée par un conseil d’administration responsable « d’établir des orientations stratégiques et d’assurer la supervision » des activités de la CCTE29. Les « commissions d’audience » et les « décisions découlant du processus règlementaire » relèveraient des « commissaires d’audiences ». Le conseil d’administration sera établi à Ottawa; les commissaires d’audience peuvent habiter n’importe où au pays30.

Il me semble que le Comité d’experts ne justifie à aucun moment la raison pour laquelle il est nécessaire de modifier le nom de l’organisme national de règlementation de l’énergie31. Il s’agit peut-être simplement d’une proposition de création d’une nouvelle image afin de rétablir la confiance à l’égard de la fonction d’un organisme national de règlementation de l’énergie, très semblable à la décision de la province de l’Alberta de diviser, restructurer et renommer ses autorités de règlementation de l’énergie à la suite du soidisant « scandale d’espionnage »32. Mais, ce qui importe plus, ce sont les propositions liées au modèle de gouvernance et à la division géographique de l’organisme de règlementation (conseil d’administration à Ottawa, personnel de base à Calgary et commissaires dispersés partout au pays). En ce qui concerne le modèle de gouvernance (qui s’inspire visiblement du modèle de l’organisme de règlementation en matière d’énergie de l’Alberta établi en vertu de la Responsible Energy Development Act33), le Comité d’experts ne justifie aucunement son changement proposé autre que son observation que les membres du conseil de l’ONE actuel « ne fonctionnent pas comme un conseil d’administration traditionnel »34. Là n’est pas la question. Il me semble que le Comité d’experts a simplement accepté l’hypothèse qu’un modèle d’entreprise pour la prise de décision représente : (a) un bon (ou le meilleur) modèle de gouvernance et de prise de décision et (b) un modèle approprié pour un organisme assumant une fonction règlementaire. Mais, pourquoi en est-il ainsi? Le langage et la structure d’une entreprise sont-ils les mieux adaptés à une autorité règlementaire assumant des fonctions gouvernementales? Il n’est pas clair non plus pourquoi le Comité d’experts demeure attaché à cette approche même lorsqu’il laisse tomber le nom « Office » dans le nom qu’il propose pour le nouvel organisme.

J’estime également que la proposition de diviser géographiquement le nouvel organisme de règlementation doit être beaucoup plus justifiée. Pendant toute la durée de la première partie de sa vie, l’ONE était situé à Ottawa. L’Office a déménagé à Calgary en 1991. Je me souviens qu’une partie de la raison du déménagement consistait à partager de manière plus égale au pays les avantages des bureaux et des emplois gouvernementaux, plutôt que laisser tous ces avantages s’accumuler dans la région d’Ottawa/Hull et en Ontario et au Québec. Avec le déménagement de l’Office dans la capitale de l’énergie du Canada, les conseillers et les experts n’avaient plus autant à se rendre à Ottawa pour les audiences (même si l’ONE a longtemps tenu les audiences sur les projets dans la région du projet). Il ne s’agit pas de réflexions banales (surtout la première) dans le contexte de la fédération canadienne. La proposition du Comité d’experts anéantira cet objectif, et ce, pour des raisons qui n’ont pas encore été pleinement abordées. Par exemple, pour quelle raison le conseil d’administration doit-il être à Ottawa? Est-ce pour que le conseil soit plus ouvert aux directives politiques du gouvernement? La vraie question, comme il est expliqué précédemment, est de savoir si l’organisme national de règlementation de l’énergie reçoit les directives juridiques appropriées pour le faire.

Puisque le Comité d’experts propose que les commissaires aux audiences puissent résider n’importe où au pays, conformément aux propositions du Comité d’experts, le véritable noyau de l’organisme de règlementation, y compris son personnel, sera tôt ou tard situé là où est situé le conseil d’administration de l’organisme de règlementation, c’est-à-dire Ottawa. Il est difficile de dire précisément ce à quoi l’on adhère dans le modèle d’entreprise des « commissaires aux audiences » du Comité d’experts, et donc, les conséquences de ce modèle doivent être explorées en détail. Certes, le Comité d’experts prévoit que les commissaires auront des antécédents beaucoup plus diversifiés que ceux des membres actuels de l’Office. Il semble probable également que le nombre de commissaires sera plus élevé que le nombre de membres actuels de l’Office. On fera appel, de temps à autre, à ces nouveaux commissaires si leur expertise et leurs antécédents conviennent. On se rapproche davantage d’un modèle ad hoc de commissaires que d’un tribunal permanent où un plus petit nombre de commissaires ou de membres du conseil acquiert une expertise au moyen de la participation continue.

Ce modèle suscite de nombreuses observations. La première est que les travaux de l’Office ne sont pas tous axés sur les projets. Une partie importante des activités de l’Office porte sur la règlementation économique des pipelines. Ces pipelines sont des clients réguliers de l’Office, qu’il s’agisse d’audiences ou d’ententes négociées et d’exigences de comptes rendus réguliers. La connaissance des différents types de pipelines règlementés et de leurs différents modèles commerciaux ainsi que les dispositions contractuelles devraient renforcer l’efficacité de la relation règlementaire. Le modèle de « commissaires aux audiences » ne semble pas approprié à ces éléments des activités de l’Office, qui ne sont pas liés aux projets.

Ensuite, un modèle de commissaires aux audiences ponctuels, à qui l’on fait appel moins souvent, pourrait accroître la diversité des valeurs prises en considération dans la prise de décision, mais pourrait également rendre ces mêmes commissaires plus dépendants de l’expertise du personnel. Ce pourrait être notamment le cas dans la mesure où le modèle en deux étapes proposé par le Comité d’experts entraînera nécessairement le traitement des questions politiques les plus importantes par un organisme différent dans le cadre de la première étape de l’approbation d’un projet. La seconde étape sera nécessairement de nature plus technique.

6.4 Un processus décisionnel en deux étapes pour les nouveaux projets

Tel qu’il a été expliqué dans l’introduction, puis mentionné dans le dernier paragraphe, le Comité d’experts propose un processus décisionnel en deux étapes pour les nouveaux grands projets énergétiques. La première étape viserait à déterminer si le projet proposé est conforme à l’intérêt national35. Il reviendrait au gouverneur en conseil de déterminer l’intérêt national, à partir d’une recommandation du ministre des Ressources naturelles, selon une perspective pangouvernementale. L’évaluation ne serait pas entreprise par le nouvel organisme national de règlementation de l’énergie, mais par une entité telle que le bureau actuel des grands projets. En supposant que le projet franchit cet obstacle, la seconde étape de l’évaluation comprendrait l’examen et l’approbation du projet au moyen de processus détaillés36. Cette étape serait généralement entreprise par une commission d’examen conjoint composée de cinq membres — dont au moins un membre représentant les collectivités autochtones — deux commissaires de la CCTE, deux de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) et d’un « dernier commissaire indépendant »37.

Les décideurs politiques, les avocats et les universitaires concernés par la prise de décision liée aux grands projets s’intéressent depuis longtemps à savoir s’il est souhaitable est possible de séparer la décision d’aller de l’avant ou non de l’évaluation technique plus détaillée d’un projet. En principe, l’idée est séduisante dans la mesure où elle sert à se concentrer sur les questions importantes dès le début et devrait, si cela fonctionne, éviter un investissement important inutile. Cependant, dans la pratique, je pense qu’il sera difficile de mettre en œuvre l’idée, en partie en raison de la difficulté à fournir la base d’information nécessaire aux décisions du premier ordre et à établir de manière convaincante la distinction entre ce qui est en jeu à chacune des deux étapes du processus décisionnel. Non seulement il sera difficile de bien le faire, mais je pense également que le résultat prévu, quel qu’il soit, entraînera de nombreux litiges puisque les parties débattront à savoir si les questions devaient être abordées au cours de la première étape ou reportées à la seconde étape38.

Je pense que la meilleure manière de l’illustrer dans le contexte actuel est en réfléchissant à la manière de concrétiser l’obligation de consultation dans un processus décisionnel en deux étapes. De toute évidence, le Comité d’experts estime, à juste titre, qu’il faudra consulter les collectivités autochtones au cours des deux étapes du processus, et peut-être obtenir leur consentement. Mais, de quelle manière les obligations seront-elles réparties entre ces deux étapes du processus décisionnel? Par exemple, si une entente sur les répercussions et les avantages sert en partie à s’acquitter de l’obligation de consultation ou comme preuve de consentement, à quel moment une telle entente serait-elle ou devrait-elle être négociée? Quel degré de détail du projet serait nécessaire pour appuyer de telles négociations? Quel degré de détail du projet serait nécessaire pour appuyer une évaluation de l’intérêt national, surtout si au moins une collectivité autochtone tout au long du parcours continue de s’opposer au projet?

La tension inhérente à ce dernier point est bien illustrée par le passage suivant du rapport du Comité d’experts, où le Comité d’experts explique la raison pour laquelle il utilise le terme « intérêt national » plutôt que le terme « intérêt public »39:

Nous avons utilisé ici le terme « intérêt national » pour décrire un principe plus inclusif que la notion traditionnelle « d’intérêt public ». Expliqué simplement, cela revient à dire que pour déterminer si un projet quelconque est dans l’intérêt public, il convient d’arriver à un équilibre dans la décision après avoir soupesé une multitude de facteurs, dont les projections concernant les retombées économiques, les risques pour l’environnement et plusieurs autres. Pour chaque projet, la recherche d’un certain équilibre entre ces intérêts fondamentaux et une décision bien éclairée consiste avant tout à soupeser tous ces facteurs et à juger de leur bien-fondé. En ce qui a trait aux peuples Autochtones cependant, il importe d’insister sur une distinction importante, car ils ne font pas simplement faire valoir leurs intérêts dans le cadre des discussions. Les peuples Autochtones détiennent un ensemble de droits, traités et titres en vertu de la Constitution. Ainsi, alors que les intérêts peuvent faire l’objet de tractations lors de la recherche d’un compromis, les droits, traités et titres pour leur part, demeurent intouchables.

Le Comité d’experts a ajouté40 :

Pour cette raison, nous considérons l’intérêt national à la fois comme un principe englobant l’intérêt public traditionnel, lequel est fondé sur une politique publique claire et déterminé après avoir procédé à une étude exhaustive et à des dialogues avec l’ensemble des parties prenantes, et l’intérêt public spécifique des peuples Autochtones par rapport à l’impact que le projet entraîne sur les droits, traités et titres des peuples autochtones, lequel repose sur une Consultation formelle de nation à nation.

En somme, il semblerait que l’intérêt national soit l’intérêt public plus le respect des droits des Autochtones. Mais, même avec cette explication, je pense que la question de respect d’une norme appropriée de consultation à ce stade du processus décisionnel est loin d’être claire. Le Comité d’experts laisse-t-il entendre que le concept de violation injustifiable (récemment approuvé par la Cour suprême du Canada dans la décision Tsilhqot’in Nation c British Columbia41) ne s’applique pas aux grands projets? Il est difficile de répondre à ces questions, mais il m’apparaît que le Comité d’experts les esquive de manière générale et dans le contexte particulier du paradigme de processus décisionnel en deux étapes.

Les difficultés peuvent être tout aussi évidentes lorsque nous passons à l’examen d’autres éléments d’une proposition de projet. Comme le note au passage42 le Comité d’experts, l’ONE assume, en plus de ses compétences relatives à l’approbation de projets, des responsabilités relatives aux droits et aux tarifs en vertu de la partie IV de la Loi sur l’Office national de l’énergie, pour les pipelines interprovinciaux et internationaux. Au cours des dernières années, l’ONE a été convaincu qu’il doit tenir compte des questions de méthodologie d’établissement de droits dans le cadre de son évaluation visant l’approbation des projets (c.-à-d. la recommandation d’un certificat d’utilité publique). Dans certains cas (p. ex. Komie North43 et North Montney44), ces questions se sont révélées d’une importance capitale. Ces questions se situent également au cœur de la compétence principale de l’ONE. À quel moment devrait-on aborder ces questions dans une méthode divisée d’approbation? Au premier niveau parce qu’il s’agit de questions cruciales pour déterminer si l’on va de l’avant ou non? Ou au second niveau parce qu’il s’agit de questions liées à la compétence principale de l’ONE et à la règlementation économique continue de l’installation une fois construite? Il existe de nombreux arguments pour les deux perspectives.

En somme, même si je pense qu’il est utile de discuter d’un processus décisionnel par étapes, je ne suis pas certain qu’une telle approche soit réalisable ou qu’au bout du compte elle entraînera une meilleure efficience. Cependant, je suis convaincu que la décision finale à l’égard de l’intérêt public devrait être prise au plus haut niveau politique pour des raisons de responsabilité démocratique. Ultimement, l’évaluation de l’intérêt public n’est pas une question technique mais politique, même si elle peut (et devrait effectivement) être éclairée par des données scientifiques pertinentes et des conseils techniques pertinents. Il s’agit de diverses façons de structurer la prise de décision pour atteindre ce résultat. Les deux itérations principales de la Loi sur l’Office national de l’énergie (avant et après les modifications de 2012 apportées avec la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable45) offrent deux modèles différents. Je préfère le modèle d’avant la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable en partie parce que le modèle actuel entraîne des litiges doubles et en partie parce que la décision finale du Cabinet cache des demandes de confidentialité du Cabinet46. On pourrait améliorer le modèle d’avant la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable si l’organisme national de règlementation de l’énergie recevait des directives claires (comme il a été suggéré précédemment) sur les politiques énergétiques et climatiques nationales.

6.5 Les relations avec les peuples autochtones

Tel qu’il a été expliqué dans l’introduction, le Comité d’experts a été chargé précisément de tenir compte de la « relation entre les processus de l’Office et les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones, ainsi que de la relation entre les processus de l’Office et les principes établis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ». Il est évident que le Comité d’experts a pris cette responsabilité très au sérieux, même s’il a également compris qu’un groupe de travail ministériel dirigé par le ministre de la Justice avait été chargé de fournir des orientations à cet égard »47. Finalement, le Comité d’experts en avait beaucoup à dire sur la relation entre les peuples autochtones et l’organisme national de règlementation de l’énergie et, effectivement, la politique énergétique nationale. Certaines de ces recommandations sont exploitées à un niveau assez général, comme la recommandation 2.1.1, qui explique que « [l]es peuples autochtones devraient, sur une base de nation à nation, participer à l’élaboration de la Stratégie énergétique nationale du Canada. Nous nous tournons vers le ministre des Ressources naturelles afin de déterminer comment y arriver… »48 De même, certaines recommandations portent sur l’engagement précoce (au lieu de la consultation) avec les collectivités autochtones49. Cependant, d’autres recommandations étaient beaucoup plus précises, dont la proposition (recommandation 2.2.1) que le gouvernement finance un Bureau des grands projets pour les Autochtones (BGPA)50 et crée un Conseil consultatif externe des aînés51. D’autres recommandations portaient sur l’obligation de consulter52, l’intégration nécessaire du savoir autochtone à la prise de décision53, la participation des peuples autochtones à la surveillance des infrastructures énergétiques54 et la reconnaissance de la vision du monde des Autochtones par l’utilisation de terme en langue autochtone (cri) pour le renvoi à la responsabilité permanente de règlementer le fonctionnement des infrastructures « afin de préserver la pureté de la terre » (les activités Î-kanatak Askiy)55.

Il existe de nombreux aspects positifs dans ces recommandations. Par exemple, je pense que les recommandations du Comité d’experts portant sur la consultation (en particulier que la CCTE ne devrait pas avoir l’obligation de consulter, qui serait plutôt remplie par le Bureau de gestion des grands projets (BGGP) sont judicieuses. Je pense que le Bureau de gestion des grands projets convient particulièrement bien à ce rôle, précisément parce qu’il devrait être responsable de tous les secteurs du gouvernement et avoir les pouvoirs nécessaires, et par conséquent, il devrait être bien placé pour garantir que l’honneur de la Couronne est préservé56.

Cependant, je pense que d’autres éléments des recommandations doivent être mieux réfléchis ou détaillés, et dans un cas, le Comité d’experts semble avoir raté l’occasion de donner son avis sur le rôle approprié de la CCTE (ou d’un autre organisme national de règlementation de l’énergie) à l’égard de deux questions connexes touchant l’exécution de l’obligation de consulter.

Une série de recommandations qui doit faire l’objet d’une réflexion approfondie est celle liée au BGPA. Selon le Comité d’experts, les responsabilités du BGPA (lequel serait géré par les Autochtones comme ils le jugent approprié) comprendraient « l’élaboration de processus clairs, de lignes directrices et de responsabilités en lien avec la Consultation formelle du gouvernement portant sur les infrastructures de transport d’énergie, les processus règlementaires et la vérification de la conformité à ces lignes directrices »57. Le Comité d’experts a également examiné la possibilité que le BGPA représente et appuie les communautés autochtones « dans le cadre de la phase stratégique et de prise de décision concernant l’octroi d’autorisations. Ce Bureau faciliterait la participation des Autochtones tout au long de la mise en œuvre des projets selon le degré d’engagement souhaité par les communautés »58. De plus, ce Bureau élaborerait et diffuserait les pratiques exemplaires, y compris en ce qui a trait à la coordination et au soutien des évaluations environnementales et des examens règlementaires, de façon à aider les communautés autochtones intéressées à rehausser leur participation aux processus formels de Consultation et aux sessions de dialogues59.

En somme, le Comité d’experts entrevoit que le BGPA devrait jouer au moins trois rôles principaux : (1) élaboration de lignes directrices en matière de consultation, (2) la défense des intérêts et (3) la formulation de recommandations à l’égard des pratiques exemplaires. Les deux premiers rôles sont problématiques. Le rôle proposé du BGPA à l’égard des lignes directrices en matière de consultation se prête à l’objection que la conception des processus de consultation devrait être entreprise en collaboration. Jusqu’ici, l’établissement de lignes directrices en matière de consultation a été un exercice unilatéral du pouvoir discrétionnaire des gouvernements des sociétés coloniales, mais le transfert de cette responsabilité au BGPA qui reçoit ses directives des peuples autochtones — surtout lorsque ces enjeux s’étendent aux questions de responsabilités — ne m’apparaît pas une solution. À mon avis, les rôles de défense des intérêts qu’entrevoit le Comité d’experts pour le BGPA semblent tout aussi problématiques. Les peuples autochtones d’un océan à l’autre (comme on le reconnaît dans le Rapport) présentent des intérêts et des structures de gouvernance très différents et sont confrontés à différentes contraintes liées à l’exploitation des ressources (et possibilités économiques). Je peux comprendre qu’il est important d’élaborer des ressources documentaires qui peuvent être largement échangées entre les différentes collectivités (le troisième rôle), mais il sera beaucoup plus difficile pour un tel Office de prendre des décisions sur la manière d’affecter des ressources limitées, où cet Office doit nécessairement prendre part à la décision de représenter la collectivité A plutôt que la collectivité B, ou d’adopter la position X plutôt que la position Y. Les conflits d’intérêts qui peuvent survenir laissent entendre que cette proposition est plus susceptible d’être une source de conflit que de réconciliation.

En ce qui concerne les éléments manquants dans le document du Comité d’experts, il s’agit des questions de responsabilité en matière de consultation de la Couronne si le promoteur n’est pas la Couronne et de la responsabilité de l’organisme de règlementation de déterminer si la Couronne s’est acquittée de ses responsabilités en matière de consultation. Il est vrai que la Cour suprême du Canada est saisie de ces questions dans deux appels en instance (Première Nation des Chippewas de la Thames c Enbridge Pipelines Inc et al60 et Hameau de Clyde River et al c Petroleum Geo-Services Inc (PGS) et al),61 mais quelle que soit la réponse de la Cour à ces questions, il aurait été intéressant de connaître les points de vue du Comité d’experts sur ces deux questions importantes. À mon avis, lorsque l’organisme national de règlementation de l’énergie joue un rôle décisionnel, il devrait, dans le cadre de l’exécution de ses responsabilités, agir conformément aux lois, et si son pouvoir va jusqu’à trancher les questions de droit (ce qui repose sur les clauses des lois)62, alors il doit établir si la Couronne s’est acquittée de ses responsabilités avant de prendre sa décision. Ainsi, peu importe si c’est un agent de la Couronne ou une partie privée qui demande l’approbation — l’un ou l’autre souhaite obtenir une autorisation statutaire pour aller de l’avant avec son projet63.

6.6 Observations finales sur le Rapport du Comité d’experts

Le ministre Carr a donné au Comité d’experts une tâche difficile à assumer, et ce, en très peu de temps. En effet, l’annonce originale de la décision de créer le Comité d’experts en juin 2016 prévoyait que le Comité d’experts rende son rapport au plus tard le 31 janvier 2017. Finalement, l’échéance a été prolongée jusqu’au 15 mai 2017 en raison de retards dans l’établissement final des membres du Comité d’experts. Mais, il s’agissait tout de même d’une échéance trop serrée pour s’attendre à ce que le Comité d’experts présente un rapport réfléchi et fondé sur un bon raisonnement, tout en s’appuyant sur une participation importante des parties prenantes et des collectivités autochtones.

Je pense que le Comité d’experts a présenté des recommandations utiles, tant pour le gouvernement du Canada que pour la population générale du Canada, en particulier les peuples autochtones du Canada. Ces recommandations méritent qu’on en discute. Mais, les recommandations du Comité d’experts ne sont pas toutes accompagnées de motifs complets justifiant les conclusions et les recommandations précises du Comité d’experts.

7. Le document de travail

Tel qu’il a été expliqué dans l’introduction, le gouvernement du Canada a décidé de répondre aux quatre rapports qu’il a reçus, dont celui du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE en publiant un document de travail. Celuici décrit les changements qu’examine le gouvernement afin « de rétablir la confiance du public; de protéger l’environnement; de faire avancer la réconciliation avec les autochtones et d’assurer la poursuite des bons projets et la mise en marché des ressources »64. Dans le document, on souligne que certains éléments du processus règlementaire global fonctionnent et devraient être maintenus, et dans ce contexte, on renvoie précisément dans le document qu’il faut continuer de permettre aux « organismes de règlementation chargés du transport de l’énergie, de l’énergie nucléaire et des projets de gaz et de pétrole extracôtiers de jouer un rôle de premier plan »65. Dans le document, on adopte cinq principes directeurs, divisés en sept domaines de changement transversaux. Voici les cinq principes66 :

  1. Des processus d’évaluation environnementale et règlementaire qui sont équitables, prévisibles, transparents et fondés sur ce qui fonctionne.
  2. Une participation des peuples autochtones à toutes les étapes qui permet au gouvernement de mieux respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la réconciliation.
  3. Une consultation publique qui est inclusive et véritable.
  4. Des décisions qui sont opportunes, fondées sur des données probantes et prises en tenant compte des meilleures connaissances scientifiques et autochtones accessibles.
  5. Une évaluation par projet, l’échelle de l’évaluation étant adaptée à la portée et aux impacts potentiels du projet.

Voici les sept domaines de changement transversaux : (1) Prise en compte des effets cumulatifs, (2) Consultation et planification en début de processus, (3) Transparence et participation du public, (4) Science, données probantes et savoir autochtone, (5) Évaluation des impacts (6) Partenariat avec les peuples autochtones et (7) Collaboration avec les instances. Dans le document de travail, on ne renvoie pas directement aux divers rapports auxquels il répond, et l’on ne trouve pas de compilation des réponses où l’on résume les recommandations pertinentes et présente la réponse proposée du gouvernement.

Je ne présenterai ni d’aperçu détaillé ni d’évaluation critique du document de travail, mais je vise aborder les mêmes questions importantes mises en évidence dans mon examen du Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE, soit la correspondance entre les politiques énergétiques et les politiques climatiques, un organisme indépendant d’information sur l’énergie, la gouvernance, la prise de décisions relatives à des projets et les relations avec les peuples autochtones67.

Le document de travail ne répond pas directement à la demande d’une meilleure correspondance entre les politiques énergétiques et le rôle d’un organisme national de règlementation de l’énergie. Cependant, la section intitulée « Prise en compte des effets cumulatifs » peut sembler faire un pas dans cette direction dans la mesure où le document examine l’utilisation de cadres environnementaux nationaux, évaluations environnementales stratégiques (EES) et les évaluations régionales comme moyen d’aborder les répercussions cumulatives. Par exemple, dans le document, on propose qu’une « évaluation stratégique du Cadre pancanadien [sur la croissance propre et les changements climatiques] fournirait des directives sur la façon de déterminer comment le cycle de vie des émissions de gaz à effet de serre associées aux projets individuels est évalué »68. Cependant, il manque l’établissement clair d’un lien entre les obligations internationales de réduction des GES du Canada et le rôle d’un organisme de règlementation de l’énergie. J’estime qu’une utilisation accrue des EES doit être saluée69, mais je ne suis pas certain que la série de mesures auxquelles on renvoie dans la rubrique sur les répercussions cumulatives entraînera une meilleure correspondance entre les politiques énergétiques et le rôle d’un organisme national de règlementation de l’énergie. En d’autres mots, de mon point de vue, les questions de correspondance des politiques énergétiques et climatiques et de correspondance des politiques avec les décisions d’un organisme national de règlementation de l’énergie sont différentes des questions associées aux répercussions cumulatives sur le paysage (dont la majorité des besoins portent sur une variété de questions écologiques et économiques qui vont bien au-delà des enjeux liés au changement climatique).

En ce qui concerne la question précise d’un organisme d’information sur l’énergie, le gouvernement semble ouvert aux recommandations du Comité d’experts dans la mesure où on laisse entendre dans le document que le gouvernement explore l’élaboration d’un « modèle distinct pour offrir aux Canadiens de l’information crédible et en temps opportun »70. Le gouvernement est peut-être moins impressionné par la proposition du Comité d’experts d’un nouvel organisme national de règlementation de l’énergie tel que la CCTE. Ainsi, dans le document de travail, on renvoie à la modification de la Loi sur l’Office national de l’énergie plutôt qu’à la création d’un nouvel organisme. Cependant, dans le document de travail, on semble favoriser beaucoup des modifications à l’organisation et à la gouvernance recommandées par le Comité d’experts, notamment séparer les rôles de président et de premier dirigeant de l’Office; créer un conseil d’administration « de type entreprise » pour fournir une orientation stratégique à l’ONE et le diriger; mettre en place des commissaires d’audiences séparés chargés d’examiner les projets et de fournir des autorisations règlementaires; accroître la diversité des membres du conseil d’administration et des commissaires d’audiences; accroître la représentation des Autochtones au sein des commissaires de l’Office et des audiences et exiger des compétences en matière de savoir autochtone et éliminer l’obligation en matière de résidence pour les membres du conseil d’administration et les commissaires d’audience71. Dans le document de travail, l’on n’approuve pas la suggestion de diviser l’Office et de déménager les dirigeants à Ottawa72.

Dans le document de travail, on ne semble pas non plus approuver le concept de processus décisionnel relatif aux projets en deux étapes, quoiqu’on mentionne la nécessité d’une « nouvelle étape de la planification en début de processus dirigée par les promoteurs avec une direction claire du gouvernement » même si on le perçoit peut-être mieux comme une participation précoce plutôt que la première étape d’un processus d’évaluation des projets en deux étapes73. Toutefois, dans le document de travail, on favorise les évaluations conjointes des grands projets de transport de l’énergie, l’énergie nucléaire et les projets de pétrole et de gaz extracôtiers74 ainsi que la validation politique finale pour les grands projets75, même si l’on envisage également que l’ONE aura le pouvoir de prendre des décisions finales sur « certaines fonctions telles que les permis d’importation et d’exportation et les écarts ou les transferts aux certificats et aux permis » (vraisemblablement au motif que celles-ci ne soulèvent pas de questions politiques importantes).

Le document de travail aborde les relations avec les peuples autochtones dans toutes les  rubriques ou presque. On renvoie donc au savoir autochtone dans la rubrique portant sur les répercussions cumulatives, et on l’aborde de manière approfondie dans la section intitulée « Science, données probantes et savoir autochtone »76, et la section portant sur la consultation et la planification en début de processus aborde la « participation directe entre les représentants de la Couronne et les peuples autochtones pour discuter et comprendre les effets potentiels des projets, ce qui permettra de mieux planifier en début de processus et de mieux déterminer les enjeux »77. Cela semble répondre directement aux recommandations présentées dans le Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE. Dans le document de travail, on prévoit que la loi pertinente « exiger[a] explicitement une étude d’impact sur les peuples autochtones »78 et, en ce qui concerne la consultation, « créer[a] un organisme gouvernemental unique responsable de l’évaluation des impacts et de coordonner les consultations avec les peuples autochtones pour les projets désignés par le gouvernement fédéral »79. Cette proposition est reformulée quelques pages plus loin en des termes légèrement plus subtils, sous forme d’un énoncé sur l’exploration par le gouvernement de la possibilité « [d]e mettre en place un organisme gouvernemental unique capable de coordonner les consultations et les mesures d’accommodement pour les projets désignés par le gouvernement fédéral »80. Aucun des passages n’explique la signification du terme « projet désigné par le gouvernement fédéral », mais la proposition est similaire à ce qui est recommandé dans le Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’ONE81, soit l’objectif de « [c]larifier les rôles en matière de consultations et d’accommodement dans le cadre des processus règlementaires de manière à faire en sorte que l’honneur de la Couronne soit respecté »82. La déclaration que le gouvernement visera « entretenir une consultation et une participation régulières en début de processus qui seraient fondées sur la reconnaissance des droits et des intérêts des Autochtones dès le départ, et de chercher à obtenir un consentement préalable libre et éclairé au moyen de processus basés sur le respect mutuel et le dialogue »83 est peut-être plus intéressant encore. Le vocabulaire employé ici est manifestement tiré des articles pertinents de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones84, quoiqu’il s’agisse d’une version plus souple du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause que les formulations présentées dans ce texte85. Cependant, comme dans le Rapport du Comité d’experts, on semble esquiver, dans le document de travail, les questions difficiles telles que la portée de l’application de la doctrine d’atteinte justifiable dans le contexte des grands projets, et le rôle de l’ONE dans l’évaluation de l’exécution par la Couronne de son obligation de consultation et d’arrangement. Enfin, dans le document de travail, on n’aborde pas précisément la proposition du Comité d’experts de créer un Bureau des grands projets pour les Autochtones, mais on le remplace implicitement par la proposition que le gouvernement explore la possibilité « [d’a]méliorer l’approche pour permettre aux peuples autochtones de renforcer leurs capacités de participation aux processus et aider à coordonner les consultations de la Couronne »86.

8. Conclusions

Le gouvernement fédéral actuel est entré au pouvoir prêt à ce que les règles et les règlements fédéraux relatifs à l’évaluation et à l’examen des projets fassent l’objet d’un examen et d’une réforme. Le gouvernement en était déjà arrivé à la conclusion que la population canadienne avait perdu confiance dans ces processus, y compris une perte de confiance à l’égard de l’organisme national de règlementation de l’énergie, soit l’ONE. Mais, comme on le concède dans le document de travail, tout n’est pas perdu. En effet, comme le concède le Comité d’experts, l’ONE jouit actuellement d’une réputation internationale en tant qu’organisme de règlementation. À partir de maintenant donc, le défi consistera à miser sur les éléments qui fonctionnent bien et à renforcer ou à remplacer les morceaux brisés. Dans cette optique, il n’est peut-être pas surprenant que, dans le document de travail, l’on est beaucoup plus prudent que le Comité d’experts dans ses propositions. Dans le document de travail, on ne propose donc pas de remplacer l’ONE par une nouvelle entité. On n’y propose pas l’adoption d’un processus d’examen des projets en deux étapes. On n’appuie pas non plus le grand nombre de nouveaux bureaux (dont un Bureau des grands projets pour les Autochtones, un rôle d’intervenant public et un poste d’ombudsman des propriétaires fonciers) recommandé par le Comité d’experts. Dans le document de travail, on n’énonce pas clairement dans quelle mesure le gouvernement entend réellement renforcer la correspondance entre les politiques climatiques et énergétiques. Il manque également de nombreux détails sur les aspects importants de la relation entrevue entre le gouvernement et les peuples autochtones. Il reste donc beaucoup de travail à faire. Mais, il semble que le gouvernement entend réellement explorer les autres propositions du Comité d’experts, portant sur des sujets tels qu’un bureau d’information sur l’énergie et la gouvernance du conseil d’administration. Je reste quelque peu sceptique à l’égard de certaines de ces propositions en l’absence d’arguments plus solides. Et cela mène à une dernière préoccupation à l’égard du document de travail, où il ne fournit pas les justifications à l’appui pour les choix qu’on y fait entre les recommandations que le gouvernement semble favoriser et celles qu’il semble plus susceptible de rejeter. Il sera difficile de regagner la confiance de la population canadienne à l’égard du nouveau régime d’évaluation et d’examen proposé, à moins que les décisions finales du gouvernement soient accompagnées de justifications plus solides et précises à l’égard des choix effectués.

*Nigel Bankes, professeur de droit, Université de Calgary et professeur auxiliaire, University of Tromsø. Merci à Stéphanie Gagné, stagiaire en droit à l’Association canadienne du gaz, pour son aide avec les notes de bas de page.

  1.   Rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’Office national de l’énergie, Progresser, ensemble : Favoriser l’avenir énergétique propre et sécuritaire du Canada, Ottawa, 2017, en ligne : <https://www.rncan.gc.ca/sites/www.nrcan.gc.ca/files/pdf/NEB%20Modernization-Report-FR-WebReady.pdf > [Rapport du Comité d’experts].
  2.  Le présent article s’inspire fortement d’un article antérieur : Nigel Bankes, “The NEB Modernization Report” (14 juin 2017), en ligne : ABlawg <http://ablawg.ca/wp-content/uploads/2017/06/ Blog_NB_NEB_panel_recommendations.pdf> (en anglais seulement).
  3.  Comité d’experts pour l’examen des processus environnementaux et règlementaires, Bâtir un terrain d’entente : une nouvelle vision pour l’évaluation des impacts au Canada, Ottawa, LCEE, 2017, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/evaluation/examens-environnementaux/processus-evaluation-environnementale/batir-terrain-entente.html>.
  4.   Comité permanent des pêches et des océans, Examen des modifications apportées à la Loi sur les pêches en 2012 : renforcer la protection du poisson et de son habitat et la gestion des pêches canadiennes, Ottawa, février 2017, en ligne : <http://www.noscommunes.ca/Committees/fr/FOPO/StudyActivity?studyActivityId=9156509>.
  5.   Rapport du Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités, Une étude de la Loi sur la protection de la navigation, Ottawa, mars 2017, en ligne : <http://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/42-1/TRAN/rapport-11>.
  6.   Gouvernement du Canada, Examen des processus d’évaluation environnementale et règlementaire, Document de travail, Ottawa, juin 2017, en ligne : <https://www.canada.ca/content/dam/themes/environment/conservation/environmental-reviews/share-your-views/proposed-approach/discussion-paper-june-2017-fra.pdf> [Document de travail].
  7.   Ainsi, le ministre Carr respectait les instructions décrites dans sa lettre de mandat du premier ministre Trudeau, Cabinet du Premier ministre, Lettre de mandat du ministre des Ressources naturelles, en ligne :  <http://pm.gc.ca/fra/lettre-de-mandat-du-ministre-des-ressources-naturelles>.
  8.   Gouvernement du Canada, Cadre de référence provisoire du comité d’experts sur la modernisation de l’office national de l’énergie (ONE), en ligne : <https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/evaluation/examens-environnementaux/faites-connaitre-vos-opinions/cadre-de-reference-one.html>.
  9.   Comité d’experts sur la modernisation de l’office national de l’énergie, Cadre de référence, en ligne : <http://www.modernisation-one.ca/cadre-de-reference>.
  10.   Loi sur l’Office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7.
  11.   Loi sur les opérations pétrolières au Canada, LRC 1985, c O-7.
  12.   Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 107e séance plénière, 2007, Doc NU A/ 61/ L.67, en ligne : < http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/DRIPS_fr.pdf > [Déclaration de l’ONU].
  13.   Rapport du Comité d’experts, supra note 1 à 6-9.
  14.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 9.
  15.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 10-15.
  16.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 16.
  17.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 19-20.
  18.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 20.
  19.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 21.
  20.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 21-26.
  21.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 31-87.
  22.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 33, recommandation 1.1.1.
  23.   Rapport du Comité d’experts ibid à 35, recommandation 1.2.1.
  24.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 34.
  25.   Premiers ministres des provinces et des territoires, Stratégie énergétique canadienne, Ottawa, juillet 2015, en ligne : <http://www.pmprovincesterritoires.ca/phocadownload/publications/fr_canadian_energy_strategy_july17_fnl.pdf>.
  26.   Par exemple, les dispositions de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, art 27, qui portent sur les directives ministérielles en lien avec les programmes d’économie d’énergie, ou l’article 3 de la Utilities Commission Act, RSBC 1996, c 473 de la Colombie-Britannique, qui présente un exemple plus général.
  27.   Rapport du Comité d’experts, supra note 1 à 36.
  28.   Je reconnais que l’ONE a effectué une partie de son travail. Voir, par exemple, Office national de l’énergie, Panorama de l’électricité renouvelable au Canada — Analyse des marchés de l’énergie, Calgary, ONE, 2016, en ligne : < https://www.neb-one.gc.ca/nrg/sttstc/lctrct/rprt/2016cndrnwblpwr/index-fra.html>.
  29.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 62, recommandation 3.3.1.
  30.   Rapport du Comité d’experts, supra note 1 à 64.
  31.   Dans le rapport du Comité d’experts (ibid à 17), on lance une boutade, sous forme d’analogie avec le célèbre Saint-Empire romain, c’est-à-dire qu’aucun des éléments de son titre n’est réellement vrai. Le point me semble forcé. L’ONE a une portée nationale, même s’il ne traite pas avec l’ensemble de la chaîne de valeur de l’énergie. Et l’ONE est un conseil (« board » en anglais, selon sa définition dans le contexte du droit administratif [où le terme est synonyme de tribunal]).
  32.   L’ancien organisme provincial de règlementation, invoquant des raisons de sécurité, a retenu les services d’une compagnie privée de sécurité, qui a ensuite « écouté » les rencontres des intervenants. Pour obtenir les discussions détaillées, voir Alice Woolley, “Enemies of the State? The Alberta Energy and Utilities Board, Landowners, Spies, a 500kV Transmission Line and Why Procedure Matters” (2008) 26 Journal of Energy and Natural Resources Law 234.
  33.   Responsible Energy Development Act, SA 2012, c R-17.3.
  34.   Rapport du Comité d’experts, supra note 1 à 17.
  35.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 36-37, recommandation 1.4.1 à 57-58 et recommandation 3.1.1.
  36.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 38-39 et recommandation 1.5.1.
  37.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 41, recommandation 1.5.2. Le concept de « commissaire indépendant » doit être précisé. Que signifie « indépendant » dans ce contexte? La primauté du droit exige que toute commission d’examen conjoint s’acquitte de ses obligations statutaires dans le cadre des lois qu’elle applique dans l’exercice de ses fonctions. Le commissaire indépendant ne peut être exempté de cette obligation. Et si tout ce que le Comité d’experts laisse entendre avec ce terme est que le commissaire indépendant ne devrait pas avoir de lien institutionnel avec l’ACEE ou l’organisme national de règlementation de l’énergie, il doit énoncer la valeur que cette proposition ajoutera aux recommandations du Comité d’experts sur la diversité des commissaires aux audiences.
  38.   Et les possibilités de litiges dans le système actuel où l’Office présente une recommandation au gouverneur en conseil sont nombreuses. Pour obtenir deux exemples, voir Nation Gitxaala c Canada, 2016 CAF 187 (projet Northern Gateway) et la toute dernière décision administrative dans les difficultés continues liées à l’approbation du projet d’agrandissement du réseau de TransMountain : Nation Tsleil-Waututh c Procureur général du Canada, 2017 CAF 128. Dans cette décision, le juge Stratas le résume ainsi aux paragraphes 2 et 5 : Quinze demandes d’examen judiciaire sont présentées à la Cour, maintenant consolidées, où, de manière collective, vingt-sept parties souhaitent faire annuler certaines décisions administratives approuvant le projet d’agrandissement du réseau de TransMountain. Les décisions sont un rapport daté du 19 mai 2016 de l’Office national de l’énergie, agissant supposément en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7 et de l’ordonnance CP 2016-1069, daté du 29 novembre 2016, pris par le gouverneur en conseil… Ces demandes consolidées progressent rapidement. En l’espace d’environ trois mois, les conseillers juridiques ont travaillé ardemment pour que l’affaire soit prête pour les audiences, guidés par 3 ensembles de motifs détaillés, 8 ordonnances et 14 directives (y compris les motifs et l’ordonnance relatifs à ces motions).
  39.  Rapport du Comité d’experts, ibid à 36.
  40.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 36 (Le soulignement a été ajouté).
  41.   Tsilhqot’in Nation c British Columbia, 2014 CSC 44.
  42.   Le Rapport du Comité d’experts, supra note 1 à 17 présente, je pense, la seule reconnaissance des compétences relatives aux droits et aux tarifs de l’ONE.
  43.   Pour consulter le rapport de l’ONE sur Komie Nord, voir Office national de l’énergie, NOVA Gas Transmission Ltd, GH-001-2012, en ligne : <https://apps.neb-one.gc.ca/REGDOCS/%C3%89l%C3%A9ment/D%C3%A9p%C3%B4t/A50255>.
  44.  Pour consulter le rapport de l’ONE sur North Montney, voir Office national de l’énergie, NOVA Gas Transmission Ltd, GH-001-2014, en ligne : <https://apps.neb-one.gc.ca/REGDOCS/%C3%89l%C3%A9ment/D%C3%A9p%C3%B4t/A69520>.
  45.   Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, CS 2012, c 19.                                           
  46.   Voir Nation Gitxaala c Canada, supra note 37.
  47.   Rapport du Comité d’experts, supra note 1 à 36 et recommandation 1.4.1.
  48.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 37.
  49.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 54 et recommandation 2.4.1.
  50.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 51.
  51.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 66, recommandation 3.4.3.
  52.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 52-53 et recommandation 2.3.1.
  53.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 64, recommandation 3.4.1.
  54.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 80 et recommandation 5.2.2.
  55.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 76.
  56.   Il est difficile pour un organisme de règlementation de s’acquitter de ses responsabilités quasi-judiciaires et de ses obligations fiduciaires associées à l’honneur de la Couronne : Québec (Procureur général) c Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 RCS 159.
  57.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 51.
  58.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 51.
  59.   Rapport du Comité d’experts, ibid à 51.
  60.   Première Nation des Chippewas de la Thames c Enbridge Pipelines Inc et al, 2015 CFA 222.
  61.   Hameau de Clyde River et al c Petroleum Geo-Services Inc (PGS) et al, 2015 CFA 179.
  62.   Rio Tinto Alcan Inc c Carrier Sekani Tribal Council, 2010 CSC 43.
  63.   Voir Nigel Bankes, « La Cour suprême du Canada accueille une demande d’autorisation dans deux dossiers mettant en cause l’Office national de l’énergie et les droits des peuples autochtones » (2016) 4:2 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 41.
  64.   Document de travail, supra note 6 à 3.
  65.   Ibid à 6.
  66.   Ibid à 7.
  67.   Cette section de l’article s’inspire de la publication de Nigel Bankes, intitulée «The Federal Response to the Report of the Expert Panel on the Modernization of the National Energy Board» (14 juillet 2017), en ligne: ABlawg, <http://ablawg.ca/wpcontent/uploads/2017/07/Blog_NB_Discussion_Paper.pdf>.
  68.   Ibid à 9.
  69.   Voir Meinhard Doelle, Nigel Bankes & Louie Porta, «Using Strategic Environmental Assessments to Guide Oil and Gas Exploration Decisions in the Beaufort Sea: Lessons Learned from Atlantic Canada» (2013) 22:1 RECIEL 103 – 116.
  70.   Document de travail, supra note 6 à 20.
  71.   Ibid à 20.
  72.   Ibid à 20.
  73.   Ibid à 18. Dans le document, on renvoie également au désir d’établir une « liste initiale d’enjeux » sur laquelle on devrait solliciter des commentaires.
  74.   Ibid à 13.
  75.   Ibid à 18 «Prise de décision par un ou plusieurs ministres ou le Cabinet concernant le caractère d’intérêt public d’un projet afin d’assurer un gouvernement responsable».
  76.   Ibid à 12.
  77.   Ibid à 10.
  78.   Ibid à 13 et réitéré à 18.
  79.   Ibid à 13.
  80.   Ibid à 15.
  81.   Ibid à 15. Dans le contexte de l’obligation de consultation, on aurait pensé qu’un projet désigné par le gouvernement fédéral serait un projet où la Couronne fédérale a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle d’un droit ou titre ancestral et envisage des mesures fédérales susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur ce droit ou titre : Nation haïda c Colombie-Britannique (ministre des Forêts), 2004 CSC 73 au paragraphe 35. La décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Coastal First Nations v British Columbia (Environment), 2016 BCSC 34 laisse entendre qu’aucun ordre de gouvernement ne sera en mesure de décharger ses responsabilités à un autre ordre de gouvernement en, dans le cas présent, « désignant » un projet comme étant un projet fédéral. Un projet est fédéral dans ce but si des pouvoirs statutaires fédéraux interviennent.
  82.   Ibid à 15.
  83.   Ibid à 15.
  84.   Déclaration de l’ONU, supra note 12.
  85.   Comparez la formulation ici «chercher à obtenir un consentement préalable libre et éclairé» avec celle présentée aux articles 19 et 32(2) de la Déclaration de l’ONU, ibid.
  86.   Document de travail, supra note 6 à 20.

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