Répercussions constitutionnelles de l’examen du projet Énergie Est par le Québec

Le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada (ci-après « le projet ») pourrait prêter flanc à une autre contestation, car il fera probablement l’objet d’un processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement (« processus d’EEIE ») effectué par le Bureau d’audience publique sur l’environnement (« BAPE ») du Québec, comme l’exige la Loi sur la qualité de l’environnement (« LQE »)1 de la province. Les nombreuses contestations auxquelles a dû faire face le projet Énergie Est dans la province du Québec ont fait en sorte que le processus de demande s’est transformé en saga de suspense, ou en quelque chose qui s’apparente plutôt à une histoire d’horreur. Bien qu’il n’y ait rien d’inhabituel à ce que les projets de pipeline fassent l’objet d’une série d’évaluations, d’examens et de consultations avant le commencement des travaux de construction et, éventuellement, de devenir opérationnels, les pipelines interprovinciaux qui relèvent de la compétence fédérale ont, à travers l’histoire, réussi à se soustraire à l’examen minutieux des organes administratifs provinciaux. Dans l’article qui suit, nous examinons la situation juridique dans laquelle s’inscrit le projet Énergie Est, en analysant la validité constitutionnelle, l’applicabilité et la compatibilité des lois provinciales sur la protection de l’environnement, aux pipelines règlementés par le gouvernement fédéral.

Contexte

Le projet Énergie Est est un projet de pipeline de 4 500 km qui permettrait de transporter 1,1 million de barils de pétrole brut par jour de l’Alberta et de la Saskatchewan jusqu’à des raffineries et des installations d’exportation dans l’est du Canada. La version originale du projet a été déposée auprès de l’Office national de l’énergie (« ONE ») en octobre 2014. Toutefois, après de nombreuses plaintes à l’effet que la demande était incomplète et trop difficile à comprendre, en mai 2016, une demande de projet consolidée et « conviviale » a remplacé la demande initiale2. Partant d’Hardisty (Alberta), le pipeline proposé s’étendrait vers l’est jusqu’à Saint John (Nouveau Brunswick), où un terminal portuaire permettrait d’exporter le pétrole brut vers des marchés étrangers en Europe et aux ÉtatsUnis. Le projet comporte trois composantes : la construction de nouveaux tronçons, la conversion du gazoduc existant en oléoduc et la construction des installations connexes, comme les stations de pompage et les réservoirs requis pour le transport de pétrole brut3.

Depuis ses débuts, le projet s’est buté à une opposition soutenue dans la province de Québec compte tenu de la situation géopolitique sensible et du fait que la majorité des travaux de construction des nouveaux tronçons seraient effectués dans cette province.

En 2014, la version originale de la proposition de projet prévoyait un terminal portuaire supplémentaire sur le fleuve St-Laurent, à Cacouna (Québec). La construction du terminal proposé a soulevé un tollé public de la part de groupes environnementalistes et de citoyens préoccupés en raison de ses impacts présumés sur la population de bélugas. En septembre 2014, les groupes environnementalistes ont demandé et obtenu une injonction interlocutoire de la Cour supérieure du Québec afin de suspendre temporairement les travaux géotechniques préliminaires que TransCanada effectuait de plein droit, en vertu d’un certificat obtenu en vertu des articles 1, 20, 22 et 24 de la LQE4. Il s’agissait de la deuxième tentative de groupes environnementalistes pour suspendre les activités géotechniques et de forage dans le fleuve StLaurent, après qu’on eût refusé de leur consentir une ordonnance de sauvegarde environ deux semaines auparavant5.

Par ailleurs, en février 2015, alors que le processus de demande initiale du projet était en cours, le Centre québécois du droit de l’environnement (« CQDE ») a sollicité auprès de la Cour fédérale une injonction pour suspendre l’évaluation du projet par l’ONE, alléguant que les documents en anglais déposés auprès de l’Office national de l’énergie contrevenaient à la Loi sur les langues officielles6. Bien que TransCanada ait rendu publiques les versions traduites en français de l’ensemble des « documents essentiels », le CQDE et d’autres intervenants se sont indignés du fait qu’il ne s’agisse pas d’une version française officielle de la demande, et que toutes les pièces de la demande de quelque trente mille pages n’aient pas été traduites. Le CQDE a allégué que cela portait en effet préjudice aux propriétaires fonciers francophones du Québec qui ne maîtrisaient pas la langue anglaise. La Cour fédérale a rejeté la motion d’injonction au motif que le premier critère « soulève un problème grave » n’avait pas été satisfait7. Cet incident a incité les mouvements nationalistes du Québec à se joindre à la lutte contre TransCanada8, ajoutant une couche de tension politique et une pression sociale accrue sur les contestations judiciaires inhérentes à la construction d’un pipeline avec lesquelles devraient composer TransCanada.

Bien que ce ne soit pas atypique des passions que soulèvent souvent les projets de pipeline, pour certains, le projet d’oléoduc Énergie Est a gagné une importance accrue compte tenu des tensions internes existant entre le Québec et le Canada anglais. Dans une province où les droits linguistiques constituent un sujet extrêmement délicat, l’incident a provoqué une mentalité de type « nous contre eux » au Québec, ce qui a empêché le projet d’obtenir un assentiment social lui permettant d’être déployé dans la province. En avril 2015, TransCanada a finalement accepté de ne pas construire le terminal portuaire à Cacouna, une décision qui a eu pour effet de retarder la réalisation du projet d’une année supplémentaire en raison du temps requis pour évaluer les options de rechange9.

En dépit des efforts déployés par TransCanada pour obtenir l’appui des Québécois, l’entreprise s’est butée à d’autres contestations dans la province, certaines même de la part du gouvernement. Le Ministère du Développement durable Environnement et Lutte contre les changements climatiques (« le Ministère ») ainsi que le CQDE, ont exercé des pressions pour que le projet soit soumis au BAPE afin de faire l’objet d’une évaluation environnementale provinciale en vertu de l’article 31.1 de la LQE. TransCanada a refusé en faisant valoir qu’en tant que pipeline interprovincial de compétence fédérale, le projet n’est pas tenu de se conformer aux régimes d’évaluation environnementale provinciaux. Le ministre de l’Environnement du Québec (Heurtel) a donc confié au BAPE le mandat d’effectuer une évaluation générale du projet aux termes de l’article 6.3 de la LQE, puisqu’il n’était pas possible d’effectuer une évaluation détaillée sans la collaboration du promoteur. Les demandes d’évaluation déposées en vertu de l’article 6.3 sont de nature générale, ce qui signifie qu’elles ne déterminent pas les droits d’un promoteur de projet en particulier, mais restent tout de même un mécanisme utilisé pour étudier les questions controversées en matière d’environnement. À l’opposé, le processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, en vertu de l’article 31.1, offre un cadre rigoureux où les promoteurs se voient interdire d’exécuter certaines activités (c.-à-d., construction et exploitation d’un pipeline), à moins que le gouvernement n’octroie une autorisation conformément à l’évaluation du ministre10, et jusqu’à ce que celuici le fasse.

TransCanada a aussi reçu deux injonctions, l’une du ministre et l’autre d’une coalition de groupes environnementalistes, qui tentaient tous deux de le contraindre de se conformer aux exigences de la LQE et de demander un processus d’EEIE en vertu de l’article 31.111. Le ministre a pris soin de préciser que le fait qu’il eut déposé une injonction contre TransCanada ne révélait pas une position particulière sur le projet, mais permettait plutôt au gouvernement provincial d’obtenir de l’information sur le projet afin de définir sa position en tant qu’intervenant lors de l’audience de l’Office national de l’énergie12. En d’autres mots, la province désirait que TransCanada se soumette à une évaluation d’impact environnemental provinciale ardue pour permettre à la province d’obtenir l’information pertinente qui serait utilisée lors de l’audience de l’ONE.

Une fois que l’enquête du BAPE a repris, il est devenu de plus en plus évident qu’une partie des Québécois s’opposaient férocement au projet. À la suite d’une série de manifestations qui ont eu pour effet de suspendre l’audience publique, le premier ministre du Québec a publiquement demandé aux Québécois de faire preuve de raisonnabilité plutôt que d’opter pour des modes plus agressifs d’interférence13.

Comme les tensions continuaient de s’accroître, TransCanada a soumis un avis de projet afin de se soumettre à un processus d’EEIE en vertu de l’article 31.1 de la LQE14. En retour, le ministre a mis fin à l’enquête générale du BAPE et a convenu de retirer son injonction une fois l’étude approuvée15. Quoi qu’il en soit, même si l’avis de projet avait été soumis au ministre, le drame n’en était pas pour autant terminé. L’avis de projet adressé à l’autorité provinciale précisait qu’il avait été soumis « de manière volontaire… dans un esprit de collaboration » et demeure « sous réserve de toute opinion qu’Énergie Est pourrait avoir au sujet de l’application des lois provinciales au projet Oléoduc Énergie Est, notamment le processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement en vertu … de la Loi sur la qualité de l’environnement »16. À l’opposé, le ministre continuait de soutenir que l’entreprise était tenue par la loi de demander l’approbation du projet et de respecter les conditions de la LQE17.

À la lumière de ces points de vue contradictoires, il convient d’analyser la mesure dans laquelle une loi provinciale sur la protection de l’environnement est applicable, constitutionnellement, aux pipelines qui relèvent de la compétence fédérale.

Analyse

La question examinée consiste essentiellement à déterminer si l’article 31.1 de la LQE du Québec s’applique aux pipelines interprovinciaux. Comme cette question consiste à délimiter les chefs de compétence des pouvoirs définis dans la Loi constitutionnelle de 186718, l’analyse qui suit applique le cadre fourni par la Cour suprême dans Banque canadienne de l’Ouest c Alberta19, et la jurisprudence découlant de cet arrêt. Ainsi, afin d’évaluer la mesure dans laquelle une loi provinciale sur la protection de l’environnement peut exercer une influence sur Énergie Est, il est nécessaire d’examiner la doctrine du « caractère véritable », « l’exclusivité des compétences » et la « doctrine de la suprématie », en gardant à l’esprit que l’État moderne du fédéralisme canadien est de nature coopérative, ce qui exige de la flexibilité pour répondre à ces questions20.

Validité

La première étape pour répondre à la question relative au caractère constitutionnel de la loi s’amorce par une analyse réalisée en appliquant la doctrine du « caractère véritable »21. En examinant le but réel, et dans une mesure moindre, les effets de la loi contestée, l’analyse exige de déterminer si le caractère dominant de la loi en question peut être lié à une question relevant de la compétence de l’ordre de gouvernement qui a adopté cette loi22. L’article 31.1 de la LQE se lit comme suit :

31.1. Nul ne peut entreprendre une construction, un travail, une activité ou une exploitation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévus par règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue dans la présente section et obtenir un certificat d’autorisation du gouvernement.

Bien qu’il y ait eu d’abondantes discussions sur l’applicabilité de la LQE à Énergie Est, jusqu’ici, il n’y a eu aucune discussion visant à déterminer la validité du processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévu par la LQE. C’est fort probablement parce qu’il serait très farfelu de prétendre que le caractère dominant de la loi contestée a trait à la règlementation des pipelines interprovinciaux plutôt qu’à la protection de l’environnement. Si l’objet dominant de la loi relève de la compétence du gouvernement qui l’a adoptée, il n’y a rien de problématique dans le fait qu’elle produise « des effets accessoires », dans des affaires qui ont trait à la compétence de l’autre ordre de gouvernement23. Dans ce contexte, le terme « accessoire » n’a pas trait au degré d’importance ou de pertinence des effets de la loi, mais sous-entend plutôt que les effets doivent être collatéraux ou secondaires au mandat de l’assemblée législative qui a adopté la loi24.

Dans ce cas, la loi contestée serait jugée valide si son caractère véritable s’inscrit dans les limites de compétences du gouvernement provincial pour légiférer l’objet partagé qu’est l’environnement. Dans Friends of the Oldman River Society v Canada (ministre des Transports)25, la Cour suprême a déterminé que l’environnement ne constituait pas un chef de compétence homogène conféré à un seul ordre de gouvernement et a plutôt déterminé [traduction] « qu’il recoupe de nombreux domaines de responsabilité constitutionnelle distincts, certains de niveau fédéral et d’autres de niveau provincial »26. La compétence en matière d’environnement est déterminée en [traduction] « examinant le catalogue des chefs de compétence et en déterminant de quelle façon ils peuvent être utilisés pour répondre à certaines préoccupations environnementales ou les éviter »27. Une fois que l’objet dominant s’inscrit à l’intérieur d’un chef de compétences de l’ordre de gouvernement qui a adopté la loi, par exemple, le chef de compétences largement utilisé sur la propriété et les droits civils28, les dispositions demeurent valides même si elles font intrusion dans des questions qui relèvent de la compétence fédérale.

Il est presque certain qu’en évaluant les éléments probants internes et externes au processus du régime d’EEIE de la LQE, on en viendrait à la constatation que l’objet dominant de l’article 31.1 est de protéger la qualité de l’environnement. Bien que la loi contestée entraîne des effets sur les pipelines interprovinciaux, ces effets sont secondaires à l’objet dominant de la disposition qui consiste clairement à protéger la qualité de l’environnement dans la province. La loi contestée est d’application générale, et ne vise pas à cibler uniquement des domaines de compétence fédérale comme les pipelines interprovinciaux. Par conséquent, il n’y a aucun fondement permettant d’affirmer que cette disposition sert en réalité à règlementer les pipelines sous le couvert d’une loi relative à la protection de l’environnement.

Bien qu’il soit très difficile d’imaginer qu’une cour puisse invalider le processus du régime d’EEIE, il est aussi possible pour un promoteur de pipeline de contester la disposition du règlement qui assujettit les pipelines au régime prévu par l’article 31.1 de la LQE. Selon la formulation de l’article 31.1, le rigoureux processus d’EEIE est uniquement couvert [traduction] « par les cas prévus dans le règlement ». Le paragraphe (j.1) de l’article 2 du Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement dans une partie du Nord-Est québécois29 fait explicitement de la construction des oléoducs un nouveau droit de passage assujetti au régime provincial. Si une partie réussissait à contester la validité de cette disposition règlementaire, le Québec perdrait le mécanisme juridique lui permettant d’exécuter le processus d’EEIE, étant donné que cette catégorie de projets ne serait plus couverte par le règlement. Bien que la constitution exclue uniquement les pipelines qui franchissent les frontières provinciales de la compétence des provinces30, il ne faut pas négliger que pour qu’un projet puisse être assujetti à l’examen provincial, le règlement qui l’assujettit au processus d’EEIE doit aussi résister à l’analyse du caractère véritable.

Exclusivité des compétences

Si TransCanada échoue à invalider la loi contestée, il peut néanmoins attaquer la loi sur le motif voulant qu’elle ne puisse s’appliquer à l’entreprise fédérale. En d’autres termes, même s’il est déterminé que l’article 31 de la LQE demeure valide dans certaines circonstances, des travaux ou entreprises assujettis à la législation fédérale peuvent être protégés contre les effets d’une loi provinciale autrement valide. Cette doctrine est connue comme la doctrine d’exclusivité des compétences et sert d’exception au principe dont il est question ci-dessus voulant qu’une loi adoptée de façon valable puisse entraîner des effets sur un ordre de gouvernement autre que celui dans lequel la loi contestée a été adoptée. Elle permet de s’assurer que le contenu élémentaire et irréductible des chefs de compétence législative fédérale est protégé contre les intrusions graves de lois provinciales adoptées valablement31. Afin de déterminer la probabilité que cette doctrine protège l’oléoduc Énergie Est contre des lois provinciales valables de protection de l’environnement, il est nécessaire d’examiner de quelle façon la Cour suprême traite la doctrine de l’exclusivité des compétences.

Bien que les origines de la doctrine de l’exclusivité des compétences remontent à plus d’un siècle32, son application moderne restrictive découle des principes énoncés dans Banque canadienne de l’Ouest. Dans ce cas, l’une des questions que la cour a cherché à régler consistait à déterminer si l’Insurance Act de l’Alberta33 s’appliquait à la Banque canadienne de l’Ouest, puisque les banques relèvent de la compétence fédérale en vertu de l’article 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans son analyse, la cour a reconnu que la doctrine risquait d’entraîner des répercussions graves sur la structure fédérale canadienne34 et, par conséquent, a penché en faveur d’une approche davantage axée sur la collaboration à l’égard du fédéralisme35. La cour a tranché clairement que le courant dominant du fédéralisme « met davantage l’accent sur la possibilité d’une interaction légitime des pouvoirs fédéraux et provinciaux …  et que les tribunaux privilégient, dans la mesure du possible, l’application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement »36. Par opposition à la logique du fédéralisme coopératif, une application libérale de la doctrine de l’exclusivité des compétences favoriserait une version du fédéralisme qui divise les chefs de compétence législative en « compartiments étanches »37. En outre, un recours excessif à la doctrine créerait une imprévisibilité qui serait contraire aux objectifs de la structure constitutionnelle canadienne. Par conséquent, la cour a décidé, d’une façon générale, de réserver la portée d’application de la doctrine aux situations qui avaient déjà été couvertes par un précédent38. Plus précisément, l’exclusivité des compétences continue d’exister. Toutefois, il est essentiel de réitérer qu’elle s’applique uniquement dans des « circonstances rares »39. Il ne suffit pas de s’en remettre à une interprétation littérale de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui confère une compétence « exclusive » à l’Assemblée législative sur les travaux interprovinciaux pour justifier l’opinion selon laquelle la loi provinciale d’évaluation environnementale ne s’appliquerait pas à un pipeline interprovincial. Il serait nécessaire qu’elle résiste à l’analyse moderne élaborée par la Cour suprême.

Concrètement, cela signifie que l’exclusivité des compétences rend une loi provinciale « inapplicable dans la mesure où son application ‘entraverait’ le contenu essentiel d’une compétence fédérale »40. Afin de déterminer si la doctrine s’applique, il devrait d’abord être démontré que la loi provinciale entrave le contenu essentiel de la compétence fédérale, ou une partie vitale ou essentielle de l’entreprise fédérale. Il devrait ensuite être démontré que le degré d’intrusion répond aux critères suffisants pour qu’il soit caractérisé d’entrave41.

a) Contenu minimum, élémentaire et irréductible de l’entreprise interprovinciale

Tel que mentionné ci-dessus, pour que la doctrine d’exclusivité des compétences rende une loi provinciale inapplicable, ce doit être l’essence de la compétence fédérale ou d’une « partie intégrante et essentielle de la compétence fédérale » qui doit être compromise42. Dans Banque canadienne de l’Ouest, la Cour suprême a interprété la signification d’une partie intégrante et essentielle d’une entreprise. Dans ce cas, il a été nécessaire de déterminer si la promotion des produits d’assurance constituait une partie intégrante ou essentielle de la compétence fédérale sur l’industrie bancaire. Interprétant les mots dans leur sens grammatical ordinaire, à savoir ce qui est « [e]ssentiel à la vie d’un individu, d’une collectivité; indispensable [et que] [l]e mot « essentiel » avait une signification comparable, p. ex. « [a]bsolument indispensable ou nécessaire »43. L’argument voulant que les activités d’assurance étaient vitales ou essentielles aux activités bancaires a été rejeté parce qu’il « exagère la portée » de ce qui peut raisonnablement être considéré comme vital ou essentiel à leur entreprise bancaire44.

Dans le contexte de la présente discussion, la compétence du Parlement sur Énergie Est provient de l’autorité sur les entreprises et les travaux interprovinciaux prévus à l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 186745 :

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

[…]

Les travaux et entreprises d’une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes:

a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province […].

Comme l’oléoduc Énergie Est est un pipeline opérationnel qui s’étend sur plus de 4 500 km et franchit de nombreuses frontières provinciales, il ne fait aucun doute qu’il s’inscrit dans la portée de l’alinéa 92(10)a). La question plus difficile est toutefois de définir le contenu vital et essentiel de cette compétence. À la lumière des points mentionnés ci-dessus, il a été établi que le contenu élémentaire et irréductible de la compétence des entreprises et des travaux interprovinciaux se limite au choix du tracé proposé des pipelines46. En d’autres termes, le choix du tracé du pipeline s’inscrit dans la définition de contenu minimum élémentaire et irréductible de l’alinéa 92(10)a). Par analogie, dans Rogers c Châteauguay, la Cour suprême a récemment déterminé que l’implantation d’un réseau de tours de téléphonie cellulaire, c’est-à-dire, le choix de son lien, relève du contenu essentiel de la compétence de règlementer les télécommunications47. Les commentateurs ont aussi noté que [traduction] « l’implantation… la construction, la maintenance, la sécurité et l’emplacement de l’infrastructure essentielle du transport interprovincial… »  sont des composantes qui entre à l’intérieur du contenu essentiel de l’entreprise interprovinciale de pipeline48. Pour que ces éléments soient protégés par la doctrine de l’exclusivité des compétences, il faudrait d’abord démontrer qu’elles reposent au cœur de la compétence de cet ordre de gouvernement. Cela ne semble pas être farfelu. En outre, les aspects cruciaux liés aux opérations du pipeline devraient, selon toute logique, s’inscrire dans la définition du contenu essentiel des projets de pipeline. Il semble évident qu’en soustrayant expressément la compétence des provinces de légiférer sur les questions liées aux travaux interprovinciaux reliant une province à une autre, les Pères de la Confédération voulaient que le gouvernement fédéral demeure l’autorité compétente pour ce qui est de la construction, de l’implantation, de l’entretien et de l’exploitation de ces travaux. Ces éléments des pipelines s’inscrivent à l’intérieur de la définition du contenu essentiel, élémentaire des pipelines, et devraient donc être protégés contre les intrusions graves des provinces.

Dans la décision n° 40 de l’Office national de l’énergie (ONE) relative au projet de Trans Mountain, pour les besoins d’évaluer l’applicabilité d’un règlement édicté par la Ville de Burnaby, l’Office a déterminé que le tracé du pipeline interprovincial constitue une activité relevant du cœur de la compétence fédérale relative aux pipelines interprovinciaux49. L’Office a appuyé sa décision sur l’argumentation présentée dans Québec (Procureur général) c Canadian Owners and Pilots Association 50(« COPA ») où la Cour suprême a confirmé que l’emplacement des aérodromes constituait un contenu essentiel et indivisible de la compétence fédérale sur l’aéronautique51. En ce qui a trait aux pipelines interprovinciaux, ce principe devrait s’appliquer par analogie. Par extension, dans le contexte de la compétence de l’administration fédérale sur les pipelines interprovinciaux, on peut dire que l’utilisation, le tracé, la construction, l’entretien, la sécurité et l’emplacement de l’infrastructure essentielle au transport interprovincial constituent des éléments des pipelines interprovinciaux qui sont vitaux, essentiels et indivisibles pour chaque chef de compétence législative.

b) Entrave

Il convient de réitérer que le seuil minimum d’empiétement sur le contenu essentiel de la compétence fédérale, qui est nécessaire pour invoquer la doctrine d’exclusivité des compétences, a trait à la question d’entraver plutôt qu’à la question de toucher52. Dans COPA, la Cour suprême a confirmé que le critère qui s’applique est celui de l’entrave, et a précisé que l’entrave signifie qu’il y a « atteinte grave ou importante à la compétence fédérale »53.  Il n’est pas nécessaire que l’empiétement paralyse la compétence fédérale, mais il doit être grave54. Le degré d’empiétement, qui peut être caractérisé comme une entrave « représente un moyen terme entre la stérilisation et de simples effets »55. Par exemple, dans COPA, il a été déterminé qu’une loi provinciale qui interdisait l’usage non agricole d’un territoire agricole désigné entravait le contenu essentiel de la compétence fédérale dans le domaine de l’aéronautique dans la mesure où elle empêchait des résidents privés d’y construire des aérodromes. Il n’était pas nécessaire que la loi paralyse complètement le contenu essentiel de la compétence fédérale en matière d’aéronautique; toutefois, ce critère aurait été insuffisant si la loi n’avait fait que toucher cette compétence. Dans le même ordre d’idée, dans la décision n° 40 de l’ONE, il a été établi qu’un règlement municipal qui empêchait l’exécution de levée et d’examen sur un territoire municipal entravait le contenu essentiel de la compétence du gouvernement fédéral de règlementer les pipelines interprovinciaux. Dans ces deux cas, la loi provinciale entravait, c’est-à-dire, qu’elle portait une atteinte grave ou importante à la compétence fédérale.

Pour que l’oléoduc Énergie Est puisse se soustraire à l’application de l’article 31(1) de la LQE, la loi contestée devrait entraver le contenu essentiel de la compétence fédérale sur les pipelines intraprovinciaux, tel qu’indiqué ci-dessus. L’argumentation fondée sur le précédent seul est insuffisante dans la mesure où elle ne satisfait pas aux critères de seuil établis par la Cour suprême ces dernières années. Bien que les affaires comme Campbell-Bennet v Cornstock Midwestern56 et la décision n° 40 de l’ONE servent de références pertinentes pour illustrer le fait que la doctrine d’exclusivité des compétences peut être appliquée pour soustraire les pipelines interprovinciaux de l’application des lois provinciales, l’arrêt précédent en la matière ne signifie pas que le promoteur d’un pipeline aurait le droit de négliger le critère établi par la Cour suprême. Les arrêts Banque canadienne de l’Ouest, COPA et Marcotte ont catégoriquement confirmé que la jurisprudence avait évolué au fil du temps. En revanche, afin de déterminer avec précision de quelle façon les principes susmentionnés s’appliqueraient dans le contexte du litige en cause, il ne faut pas perdre de vue le fait que l’organisme provincial peut être appelé à examiner de nombreux scénarios ce qui, en retour, peut exercer une influence sur le maintien de l’applicabilité de la loi provinciale.

Scénario : Le BAPE rejette la demande de projet ou impose des conditions contraignantes qui font en sorte que le projet n’est plus fiable

La solution à la question de l’application de la doctrine d’exclusivité des compétences deviendrait plus manifeste dans un scénario où le BAPE débouterait la requête déposée en vertu de la LQE, ou imposerait des conditions ardues encadrant la construction ou l’exploitation du pipeline. Si la province rendait déraisonnablement difficile ou non viable pour un promoteur de procéder à l’exécution d’un projet de pipeline, ou le rejetait d’emblée, il est probable que la province serait réputée avoir entravé le contenu essentiel de la compétence fédérale sur les pipelines interprovinciaux. Même si les motifs de restriction provinciale étaient de justifier ou de légitimer les préoccupations environnementales, cela ne toucherait pas même la compétence du gouvernement fédéral pour ce qui est des pipelines interprovinciaux. Les effets d’un rejet de la part du BAPE d’une demande d’exécution de projet, qu’il soit direct ou indirect, seraient probablement mieux caractérisés comme une décision qui entrave, voire paralyse le gouvernement fédéral dans un domaine relevant de sa compétence.

Si on appliquait l’article 31(1) de la LQE dans ce scénario, il contreviendrait à la formulation et à l’esprit de la Constitution. Un gouvernement provincial qui s’opposerait à la construction d’un pipeline interprovincial sur son territoire attribuerait, de fait, un droit de veto qui aurait pour conséquence de priver le gouvernement fédéral du contenu essentiel de sa compétence de règlementer les pipelines interprovinciaux. En adoptant l’argumentation de la Cour suprême dans COPA par analogie, si la LQE s’appliquait en pareil cas, elle « obligerait le Parlement à choisir entre accepter que la province puisse interdire l’aménagement … ou légiférer expressément de manière à écarter la loi provinciale »57. Par conséquent, « cela entraverait sérieusement l’exercice de la compétence fédérale en matière de  [pipelines interprovinciaux] et forcerait effectivement le Parlement à adopter, pour la construction …[de pipelines] un cadre différent et plus contraignant que celui qu’il a choisi d’adopter. »58 Cette conclusion est de plus appuyée par une décision majoritaire dans l’arrêt Rogers. Dans cette affaire, la décision de la municipalité d’empêcher la construction d’une tour de téléphonie cellulaire en un lieu en particulier était suffisante pour déclencher la doctrine d’exclusivité de compétences, car elle « entravait le développement ordonné et l’exploitation efficace de la radiocommunication, et empiétait sur le cœur de la compétence fédérale en matière de radiocommunication au Canada »59. Selon un scénario où le BAPE imposerait des obstacles graves à la réalisation d’un projet de pipeline, la situation exigerait que la doctrine d’exclusivité des compétences rende l’article 31(1) de la LQE inapplicable pour permettre au gouvernement fédéral de conserver le contenu essentiel de sa compétence prévue par la Constitution sur les pipelines interprovinciaux.

Scénario : Le BAPE autorise l’exécution du projet sans imposer de condition ardue

La question plus difficile est de déterminer si ce raisonnement s’appliquerait si le BAPE n’imposait pas de condition ou imposait des conditions minimes. En d’autres termes, est-ce que la doctrine d’exclusivité des compétences justifierait TransCanada de se soustraire à un processus d’EEIE, même s’il était garanti que le projet serait approuvé sans aucune condition60? À l’appui de la position voulant que TransCanada ne soit pas tenue de se soumettre au processus d’EEIE, il pourrait être défendu que l’article 31.1 de la LQE s’assimile essentiellement à une interdiction qui justifierait l’application du raisonnement énoncé dans les paragraphes ci-dessus (c.-à-d. scénario 1). Cette disposition précise clairement que : « Nul ne peut entreprendre une construction, un travail, une activité ou une exploitation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme … sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue dans la présente section et obtenir un certificat d’autorisation du gouvernement. » Il pourrait être allégué que la disposition contestée permet au gouvernement provincial d’interdire l’exécution des projets qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, et qui, pour les raisons énoncées dans les paragraphes précédents, entrave le contenu essentiel de la compétence fédérale. Le fait qu’une loi offre un mécanisme permettant de se soustraire à l’interdiction risque de ne pas atténuer le fait que l’article 31.1 prescrive une interdiction qui entrave indûment le gouvernement fédéral dans l’exercice de sa compétence.

Une lecture attentive de COPA pourrait justifier cette position. Tel que mentionné cidessus, cet arrêt concerne une loi provinciale qui désigne des régions de la province comme des zones agricoles, et interdit tout usage non agricole du territoire désigné. Le fait que la loi interdise la construction d’aérodromes à ces endroits entrave le contenu essentiel de la compétence fédérale dans le domaine de l’aéronautique, notamment la capacité de déterminer l’emplacement des aérodromes. À première vue, il semble que les faits dans l’arrêt COPA puissent s’appliquer au cas d’Énergie Est suivant le principe que l’interdiction de construire des aérodromes entrave la compétence sur l’aéronautique tout comme le fait que l’article 31.1 de la LQE qui empêche TransCanada de construire des pipelines à moins que le gouvernement ne décide de l’autoriser par voie de recommandation du ministre suivant un processus d’EEIE.

Deux aspects de la loi contestée dans l’arrêt COPA (Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, ou la « LPTAA ») peuvent éclairer spécifiquement la question de savoir si Énergie Est doit au moins être assujetti à l’examen du BAPE. Premièrement, dans COPA, il n’était pas absolument interdit de construire des aérodromes dans la province de Québec. La portée de l’interdiction ne visait que les territoires agricoles désignés. Les Québécois demeuraient libres de construire des aérodromes à l’extérieur des zones agricoles protégées61. À l’opposé, le paragraphe 31(1) de la LQE impose une interdiction générale visant la construction ou l’exploitation d’ouvrages couverts par le règlement, lequel comprend les pipelines. Étant donné que la portée de l’interdiction prévue à l’article 31.1 de la LQE est plus générale que celle prévue par la LPTAA dans COPA, et que cette dernière était suffisante pour entraver le contenu essentiel de la compétence dans le domaine de l’aéronautique, l’arrêt COPA peut servir de source d’autorité à l’appui de la revendication de TransCanada qu’il n’est pas tenu de se soumettre au processus d’EEIE. Est-ce que le fait que les articles 31.1 et 31.5 de la LQE prévoient un mécanisme permettant de se soustraire à l’interdiction (en se soumettant à un processus d’EEIE suivi d’une recommandation du ministre adressée au gouvernement) sert de motif pour distinguer l’arrêt COPA du cas qui nous occupe? Non, il ne le devrait pas. Outre les limites territoriales de l’interdiction dans COPA, l’article 26 de la LPTAA autorisait les appelants à se soustraire à l’interdiction en sollicitant l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole :

26. [s]auf dans les cas et conditions déterminés par règlement pris en vertu de l’article 80, dans une région agricole désignée, une personne ne peut, sans l’autorisation de la Commission, utiliser un lot à une fin autre que l’agriculture [soulignement ajouté].

La portée de l’arrêt COPA qui a été jugé non applicable à l’aéronautique est semblable à celle de l’article 31.1 de la LQE. Les deux dispositions autorisent les appelants à comparaître devant une instance administrative afin d’exécuter le projet. Dans l’arrêt COPA, le fait que la loi offre une possibilité de construire un aérodrome en conformité avec la loi provinciale n’a pas empêché la cour de conclure que cette loi entravait le contenu essentiel de la compétence fédérale sur l’aéronautique. Par extension, ce raisonnement appliqué dans le cas d’Énergie Est pourrait justifier de rendre l’article 31.1 inapplicable à Énergie Est. Il convient toutefois de mentionner que dans l’arrêt COPA, l’appelant avait effectivement demandé une exemption qui lui avait été refusée62. Quoi qu’il en soit, dans son jugement, la Cour suprême n’a pas laissé entendre que l’article 26 de la LPTAA ne s’appliquait que dans la mesure où la Commission refuse d’autoriser la construction d’un aérodrome sur un territoire agricole désigné, pas plus qu’elle n’a laissé entendre que la Commission pourrait imposer des conditions ou assumer tout autre type de rôle dans la construction des aérodromes sur les territoires désignés.

Dans le cas de l’évaluation d’Énergie Est au Québec, la difficulté réside dans le fait que, bien que l’argument à l’appui de la position de TransCanada puisse tenir la route, l’argument en faveur de la position voulant qu’Énergie Est devrait au moins soumettre son projet au BAPE est assurément aussi justifié. En gardant à l’esprit l’évolution de la doctrine d’exclusivité des compétences dont il a été question ci-dessus, il est permis de penser que le simple fait de suivre le processus d’EEIE n’entrave pas le contenu essentiel de la compétence fédérale sur les pipelines interprovinciaux63. Comme il en est question ci-dessus, il est vrai qu’il ne suffit plus que le processus d’EEIE touche l’entreprise fédérale pour qu’il devienne inapplicable64. Concrètement, il faudrait défendre l’argument voulant que le simple fait de participer à un processus d’EEIE ne porte pas une atteinte grave ou importante à la capacité de construire un pipeline, d’en déterminer le tracé et, en fin de compte, de le règlementer65. En outre, le fait que le processus du BAPE soit officiellement utilisé comme mécanisme pour la province afin d’obtenir de l’information qui sera utilisée dans le processus fédéral vient renforcer l’argument voulant que le processus d’audience n’entrave pas la compétence fédérale. Le raisonnement peut même être extrapolé à l’appui de la position voulant qu’Énergie Est serait tenu de respecter les lois provinciales en matière d’environnement, en plus des conditions imposées par les entités administratives qui touchent directement la structure et la construction du pipeline, ce qui montre dans quelle mesure des conditions mineures peuvent uniquement toucher le contenu essentiel du chef de compétence fédérale66. Ainsi, en s’en remettant à une application restrictive de la doctrine d’exclusivité des compétences, il est raisonnable d’alléguer que le fait de contraindre à un processus d’examen et d’imposer certaines conditions à la construction ou à l’exploitation d’un pipeline puisse être un exercice légitime du pouvoir provincial.

Bien que cet argument soit surtout convaincant lorsqu’on examine l’applicabilité d’un projet individuel à une loi provinciale précise, une analyse plus holistique révèle les faiblesses éventuelles de cet argument. Comme il en a été question ci-dessus, on peut soutenir que le fait qu’Énergie Est soit soumis à un processus d’EEIE n’entrave pas le chef de compétence fédérale sur les pipelines interprovinciaux. On pourrait en dire autant sur le fait qu’Énergie Est soit forcé de respecter certaines conditions imposées par Québec avant d’octroyer l’autorisation de projet. Toutefois, Énergie Est prévoit déployer son projet dans six provinces canadiennes, pas seulement au Québec. Par conséquent, si le régime provincial d’évaluation environnementale est valable au Québec, et si le Québec peut imposer des conditions relatives à la construction et à l’exploitation du pipeline, il n’y a aucune raison pour que les cinq autres provinces ne puissent en faire autant. Le fait de contraindre Énergie Est à se soumettre à des évaluations environnementales dans six provinces et de respecter les conditions imposées par six provinces en plus de l’autorité de règlementation fédérale serait suffisamment contraignant pour entraver, voire paralyser la réalisation efficiente du projet. Dans ce scénario, chaque tronçon du pipeline devrait être approuvé par la province dans laquelle il est situé et devrait respecter les conditions imposées par cette province. Cette difficulté majeure expliquerait, en toute logique, la raison pour laquelle les Pères de la Fédération ont choisi d’exclure ces ouvrages de la compétence provinciale. Bien que la loi soit appliquée à des cas individuels, les juges seraient bien avisés de tenir compte des ramifications de leurs décisions.

L’allégation voulant que les provinces puissent imposer des conditions sur les pipelines interprovinciaux peut être appuyée aussi par des sources d’autorité récentes67. Dans Burlington Airpark v Burlington (City)68, la question consistait à déterminer si un règlement municipal qui exige l’obtention d’un permis avant de déposer des matériaux de remblayage au sol était applicable à un aérodrome. Citant COPA, l’aéroparc alléguait que le règlement administratif entravait le contenu irréductible du chef de compétence fédérale sur l’aéronautique, car il utilisait les matériaux de remblayage pour construire les pistes. Pour sa part, la ville alléguait que la règlementation de la qualité des matériaux de remblayage n’empiétait pas de façon inacceptable sur le contenu essentiel de la compétence en aéronautique. La Cour d’appel de l’Ontario a maintenu que la règlementation encadrant l’utilisation des matériaux de remblayage qui soutiennent la piste n’empiète pas de façon inacceptable sur le contenu irréductible de la compétence en aéronautique. La cour a appuyé sa décision en indiquant que le fait d’exiger qu’un aérodrome utilise des matériaux de remplissage propres [traduction] « ne se reflétera pas de façon permanente dans la structure de l’ouvrage fini [c.-à-d., la piste] »69. La cour a poursuivi son raisonnement en soutenant qu’elle accepte que la règlementation de la qualité des matériaux de remblayage [traduction] « aura une incidence sur la façon de décider de construire un aéroport conformément aux spécifications fédérales [toutefois], ce règlement n’entraînera pas d’effet direct sur les qualités opérationnelles ou le caractère approprié du produit fini qui sera utilisé pour les besoins de l’aéronautique [soulignement ajouté] »70. Une telle intrusion, a soutenu la cour, n’empiète pas sur, et encore moins n’entrave [traduction] « le pouvoir absolument nécessaire pour permettre au Parlement ‘d’exercer son pouvoir sur le domaine de compétence législative exclusive qui lui a été réservé’ ».

Il n’est donc pas étonnant que cette décision récente ait été utilisée à l’appui de la conclusion voulant que les promoteurs du projet de pipeline interprovincial doivent se conformer à la loi provinciale en matière d’environnement. L’argument tient du fait que si un aérodrome doit se conformer aux lois sur la protection environnementale en utilisant des matériaux de remblayage pour construire des pistes, il en va de même des promoteurs de pipelines interprovinciaux. Toutefois, en analysant les faits au dossier, outre le raisonnement de la cour, le cas n’est d’aucune façon préjudiciable à la position de TransCanada. La règlementation de la qualité des matériaux de remblayage des pistes, comme l’a indiqué la cour [traduction] « ne se reflétera pas de façon permanente dans l’ouvrage fini ». Le règlement ne constituait pas une tentative visant à règlementer les pentes ou les surfaces des pistes, les accotements de pistes ou les pentes et la force des accotements de pistes71. Il existe un degré de séparation entre la matière qui est règlementée, c’est-à-dire, les matériaux remblayage utilisés pour la piste, et le contenu essentiel de la compétence en matière d’aéronautique. Pour en revenir au cas d’Énergie Est, pourrait-on affirmer qu’un processus d’EEIE et les conditions qu’il peut imposer sur le projet n’entraînent « aucun effet direct sur les qualités opérationnelles ou le caractère approprié de l’ouvrage fini »? Le régime prévu à l’article 31.1 de la LQE interdit les activités de construction, de réparation et d’exploitation du pipeline. Par conséquent, en assujettissant le projet de pipeline à des modifications ou à des conditions, il est tout à fait plausible de penser que ces conditions toucheront directement les activités de construction, de réparation et d’exploitation. En pareil cas, la loi provinciale exercera une influence sur le produit fini, et sur le calendrier d’exécution du projet. Même si ces conditions servent à protéger l’environnement, la LQE prévoit que les conditions peuvent prescrire la façon dont le pipeline sera construit et exploité. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un cas pertinent, car il réitère l’application restrictive de la doctrine d’exclusivité des compétences, il faudrait faire une distinction entre l’effet non significatif de la règlementation des matériaux de remblayage des pistes sur le contenu essentiel de la compétence en aéronautique et l’effet direct qu’entraînerait le processus d’EEIE sur Énergie Est en tant qu’exploitant de pipeline.

Une décision récente de la Cour suprême de la Colombie-Britannique pourrait compliquer davantage la situation. Dans Coastal First Nations v British Columbia (Environment)72, il était question de la constitutionnalité d’un accord d’équivalence conclu entre la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral. Les gouvernements ont convenu que tous les projets sujets à examen en vertu de la loi provinciale sur les évaluations environnementales (LEE) exigeant aussi une approbation en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie (LONE)73 feraient uniquement l’objet d’une évaluation fédérale, ce qui a été jugé comme un processus d’évaluation équivalent. Le projet Northern Gateway pipeline (NGP), un projet de pipeline interprovincial, devait obtenir un certificat d’utilité publique en vertu de l’article 52 de la LONE, de même que faire l’objet d’une évaluation environnementale fédérale en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale74. Le projet exigeait aussi l’exécution d’une évaluation environnementale en vertu de la loi provinciale sur les évaluations environnementales. L’appelant, Coastal First Nation, contestait la validité constitutionnelle du certificat d’utilité publique dont il est question à l’article 3 de l’Equivalency Agreement parce qu’il éliminait le pouvoir du gouvernement provincial d’effectuer une évaluation environnementale et, incidemment, le dépouillait illégalement de son pouvoir75. Pour sa part, NGP estimait que l’accord d’équivalence était valable parce que, comme le projet relevait de la compétence fédérale, toute exigence de conformité règlementaire en vertu de la loi sur les évaluations environnementales provinciale était inconstitutionnelle76. En d’autres termes, en tant qu’entreprise fédérale, le projet ne serait tenu d’aucune façon d’être assujetti à une évaluation environnementale provinciale.

Après avoir établi que la loi avait été valablement édictée, la cour a tenté de déterminer si la doctrine de l’exclusivité des compétences et de la prépondérance fédérale s’appliquerait. La cour a soutenu qu’il était prématuré de déterminer s’il y avait eu entrave ou conflit avant que des conditions n’aient été effectivement imposées par l’autorité provinciale, et qu’il lui fallait effectuer une analyse au cas par cas afin de déterminer si l’évaluation environnementale serait inapplicable77. Cependant, la juge Koenigsberg a affirmé, en obiter dicta, qu’elle [traduction] « reconnaissait que la province ne peut aller jusqu’à refuser d’émettre un accord d’équivalence et empêcher l’exécution d’un projet »78. Pour l’instant, la décision appuie la position du ministre Heurtel selon laquelle il n’est pas facultatif pour TransCanada de soumettre le projet Énergie Est à une évaluation devant le BAPE. Quant à la légalité d’imposer des conditions à l’exécution du projet, il persiste des incertitudes.

Prépondérance fédérale

S’il n’est pas établi que la loi provinciale entrave le contenu essentiel du chef de compétence fédérale, les promoteurs du pipeline pourraient alléguer, en vertu de la doctrine de la prépondérance fédérale, que la loi entre en conflit avec une loi provinciale, ce qui justifierait que la législation fédérale ait prépondérance. Pour qu’un conflit entre des lois justifie l’application de la doctrine de prépondérance fédérale, il doit être soit impossible de se conformer aux lois provinciales et fédérales79, soit la loi provinciale doit entraver l’objet de la loi fédérale80.

a) Impossibilité de se conformer à deux textes

La première forme de conflit qui pourrait déclencher l’application de la doctrine de la prépondérance se présente lorsqu’une loi en contredit expressément une autre81. L’explication énoncée à l’origine par la Cour suprême dans Multiple Access82 continue de servir de « critère fondamental » :

En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d’exclusion sauf lorsqu’il y a un conflit véritable, comme lorsqu’une loi dit « oui » et que l’autre dit « non »; « on demande aux mêmes citoyens d’accomplir des actes incompatibles»; l’observance de l’une entraîne l’inobservance de l’autre. [soulignement ajouté]83

En conséquence, il y aura incompatibilité d’application lorsqu’il est impossible de se conformer à des lois fédérales et provinciales, car le citoyen se trouvera dans une situation où l’observance de l’une des lois entraîne nécessairement l’inobservance de l’autre. Le professeur Hogg discute de la façon dont la notion ci-dessus de conflit pourrait se manifester dans le cas d’un projet qui exige l’autorisation des deux organismes, fédéral et provincial :

En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d’exclusion sauf lorsqu’il y a un conflit véritable, comme lorsqu’une loi dit «oui» et que l’autre dit «non»; «on demande aux mêmes citoyens d’accomplir des actes incompatibles»; l’observance de l’une entraîne l’inobservance de l’autre.84

Selon cette logique, non seulement il n’y aurait pas de conflit à ce que le projet fasse l’objet d’un examen effectué à la fois par le BAPE et l’ONE, cela pourrait même être acceptable si les conditions du BAPE étaient plus contraignantes que celles de l’ONE, parce qu’il est possible de se conformer à des lois aux deux ordres de gouvernement en se conformant aux conditions les plus strictes. Suivant cette logique, on pourrait conclure que dans le cas où l’ONE autorise Énergie Est à procéder, et que les audiences du BAPE concluent qu’il peut exécuter son projet uniquement si les recommandations sont assorties de certaines conditions précises, cela ne justifierait pas de rendre inapplicable la LQE85. Dans un scénario comme celui-ci, TransCanada ne serait pas dans une situation où il lui est impossible de se conformer à la LQE et à la LONE. Il pourrait être défendu que dans le cas où l’ONE se contente d’autoriser (n’y est pas tenu) le promoteur à construire un pipeline ou un ouvrage, et que le BAPE ne le fait pas, il n’y aurait pas de conflit puisqu’il n’y aurait pas d’infraction à la LONE si le promoteur respectait les exigences provinciales plus contraignantes.

Il est donc bien établi qu’il n’y a pas de conflit si la loi provinciale est plus contraignante que la loi fédérale86. Par exemple, si seul le BAPE obligeait Énergie Est à équiper le pipeline de valves automatiques d’arrêt d’urgence, TransCanada pourrait satisfaire aux conditions des deux ordres de gouvernement, à moins que l’ONE interdise, hypothétiquement, l’usage d’un tel équipement. Dans le même ordre d’idée, si l’organisme provincial imposait l’exigence d’un protocole d’intervention en cas d’urgence plus sophistiqué qui n’était pas visé par les conditions imposées par l’ONE, TransCanada se trouverait dans une situation où, en se conformant aux exigences plus rigoureuses, il contreviendrait à la loi fédérale. Cela est compatible avec la décision récente de la Cour suprême dans Saskatchewan v Lemare Lake Logging Ltd87, où celle-ci a soutenu que « la Cour a régulièrement considéré que cela ne constituait pas un conflit d’application » lorsque « la loi fédérale est permissive alors que la loi provinciale est plus restrictive »88. Dans ce cas, un créancier garanti avait nommé un séquestre sur les biens d’un débiteur agriculteur. Le débiteur avait contesté les mesures pour les motifs visées par la Partie II de Saskatchewan Farm Security Act89, qui exige qu’avant de prendre des mesures en vue d’intenter une action à l’égard d’une terre agricole, le créditeur doit communiquer au débiteur un avis d’intention, et participer à un processus de médiation pouvant durer jusqu’à 150 jours. L’article 243 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité90 autorise toutefois la cour à nommer un séquestre, sans mentionner l’exigence de respecter les formalités prévues par la loi provinciale. La cour a cité de nombreuses sources d’autorité à l’appui de la décision voulant qu’en respectant les exigences les plus restrictives de la loi provinciale, le créancier se conforme aux deux régimes législatifs91.

Si on appliquait le raisonnement de la cour à Énergie Est, en respectant les exigences les plus restrictives imposées par l’organisme provincial, TransCanada se conformerait à la fois aux autorités provinciales et fédérales. Il va toutefois sans dire que certaines conditions imposées par l’ONE peuvent être incompatibles avec les conditions imposées par le BAPE. La réponse à la question de savoir si la loi provinciale est applicable ne pourra probablement se poser qu’une fois que des conditions auront été imposées par les deux ordres de gouvernement92. On peut imaginer des conditions qui créeront probablement un conflit. Surtout en ce qui a trait à la question du tracé. S’il y avait désaccord relativement au tracé du pipeline, il serait impossible de respecter simultanément deux trajectoires de tracé. En pareil cas, le tracé imposé par l’ONE aurait préséance.

Il serait plus difficile de répondre à cette question si l’organisme provincial devait bloquer le projet, tout simplement. En théorie, TransCanada pourrait alléguer qu’il est possible de se conformer à la loi provinciale et à la loi fédérale si le BAPE n’autorise pas l’exécution du projet. Même si, dans sa recommandation, l’ONE autorisait la construction et l’exploitation du pipeline, un promoteur qui a obtenu l’autorisation ne violerait pas les conditions de la LONE en n’exécutant pas le projet. Cette constatation abonde dans le sens du raisonnement de la Cour suprême dans l’arrêt COPA, où il a été établi que le fait que la loi provinciale interdise la construction d’aérodromes sur des terres agricoles désignées ne constituait pas un conflit, même si une activité de cette nature était autorisée en vertu du régime législatif fédéral :

Selon la loi fédérale, « oui, vous pouvez construire un aérodrome », mais selon la loi provinciale, « non, vous ne le pouvez pas ».  Toutefois, la loi fédérale n’exige pas la construction d’un aérodrome.  Par conséquent, pour reprendre les termes employés par le juge Dickson dans McCutcheon, l’observance de l’une n’entraîne pas l’inobservance de l’autre.  En l’espèce, il est possible de se conformer tant à la loi provinciale qu’à la loi fédérale en démolissant l’aéroport93.

Cet argument peut être interprété comme la suite logique de l’argument voulant que la province puisse imposer des conditions au projet sans qu’il y ait incompatibilité d’application. S’il est possible de se conformer à une loi fédérale permissive et qu’une loi provinciale impose des conditions plus restrictives, il semble logique de prétendre que l’on peut se conformer aux deux lois si le projet était rejeté par l’organisme provincial, en omettant de construire le pipeline. Malheureusement pour les 25 000 Québécois qui ont récemment signé la pétition dénonçant ce projet94, les plus éminents juristes en droit constitutionnel du Canada ne partagent pas cette opinion. Même si Hogg, tel qu’indiqué ci-dessus, souscrit à l’idée voulant que la conformité à la loi provinciale la plus restrictive n’entraîne pas l’incompatibilité d’application, il n’élargit pas son raisonnement à un cas où une autorité devrait approuver le projet alors que l’autre le rejette :

[traduction] Même si un ordre de gouvernement impose des conditions plus restrictives que l’autre, l’observance des conditions plus restrictives dissipe toute incompatibilité d’application. Seulement si un ordre de gouvernement retient son consentement alors que l’autre le donne, peut-il y avoir impossibilité de double conformité, ce qui ferait en sorte que la décision fédérale aurait préséance sur la décision provinciale dans ce cas particulier95?

Cet énoncé a trouvé écho dans l’arrêt de 2007 de la Cour suprême Colombie-Britannique (Procureur général) v Lafarge Canada Inc.96. Dans cet arrêt, le promoteur désirait construire une installation maritime au port de Vancouver. Ainsi, le projet devait obtenir l’approbation fédérale de l’autorité portuaire de Vancouver. La question consistait à déterminer si le projet devait aussi se conformer au règlement municipal sur l’aménagement du territoire. La majorité a soutenu que le simple fait de soumettre le projet à l’approbation municipale créerait une incompatibilité d’application, car cela priverait l’autorité portuaire de ressort fédéral de son pouvoir décisionnel97. L’arrêt Lafarge peut servir de source d’autorité utile pour les promoteurs de pipelines; toutefois, cette décision n’est pas convaincante outre mesure, car elle ne traite pas explicitement de la question de savoir si Lafarge devait se conformer aux deux lois en s’abstenant de construire l’usine98. Il pourrait être défendu que la majorité va trop loin en soutenant qu’il est impossible de se conformer aux deux ordres de gouvernement fédéral et provincial simplement en soumettant le projet à un processus d’autorisation municipal. Hogg affirme que l’opinion concordante du juge Bastarche était « sûrement juste » en affirmant qu’« assurément, aussi longtemps que la ville ne refuse pas un permis, l’observance des deux lois n’est pas ‘impossible’»99. Toutefois, tel qu’abordé plus tôt dans le présent article, même cette affirmation peut être remise en cause étant donné que le choix de ne pas construire le pipeline permettrait au promoteur de se conformer aux deux lois.

En novembre 2015, dans Alberta (Procureur général) v Moloney 100, la Cour suprême, dans un jugement majoritaire, a appliqué la doctrine de la prépondérance et, ce faisant, a explicitement confirmé la décision Lafarge101. Bien que le raisonnement de la cour puisse servir de source d’autorité pratique pour les promoteurs de pipeline qui désirent rendre inapplicable le régime législatif provincial, une lecture attentive de la décision peut aussi être utilisée pour appuyer le point de vue contraire. La question que désirait trancher la cour consistait à déterminer si la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« LFI ») était incompatible avec le paragraphe 54(4) de l’Alberta Traffic Safety Act102. Moloney a contrevenu à la loi provinciale en utilisant une automobile alors qu’il n’était pas assuré et a été impliqué dans un accident de la route. En conséquence, en vertu de l’article 54 de la Loi, il a été obligé de verser une amende à la province. Toutefois, il a déposé une cession de faillite et traité ses dettes comme une réclamation prouvable en vertu de la loi fédérale. La province a défendu qu’il n’y avait pas d’incompatibilité d’application étant donné que le failli « peut choisir soit de ne pas conduire, soit de payer volontairement la dette dont il a été libéré »103. Le juge a rejeté l’argument qu’il était possible d’éviter l’incompatibilité d’application en omettant de profiter d’un droit ou d’un privilège prévu par la loi provinciale, puisque la question était de déterminer si les deux lois peuvent s’appliquer de façon concurrente104 :

Dans les affaires comme celle en l’espèce, l’analyse relative au conflit d’application ne saurait se limiter à la question de savoir si l’intimé peut se conformer aux deux lois en renonçant soit à la protection que lui offre la loi fédérale, soit au droit dont il bénéficie en vertu de la loi provinciale. À cet égard, la réaction du débiteur à la suspension de ses droits de conducteur n’est pas déterminante. Dans le cadre de l’analyse du conflit d’application en l’espèce, on ne peut faire abstraction du fait que, que le débiteur paie ou non, il reste que la province, en tant que créancier, le contraint quand même à payer une réclamation prouvable dont il a été libéré, ce qui va directement à l’encontre du par. 178(2) de la LFI

Les deux lois ne peuvent s’appliquer concurremment, « agir concurremment » ou « coexister sans conflit ». Les faits de l’espèce font bel et bien apparaître un conflit véritable dans l’application des deux dispositions. Il s’agit d’un cas où la loi provinciale dit « oui » (« l’Alberta peut exiger le paiement de cette réclamation prouvable »), tandis que la loi fédérale dit « non » (« l’Alberta ne peut exiger le paiement de cette réclamation prouvable »). La loi provinciale confère à la province un droit que nie la loi fédérale, et maintient une obligation dont le débiteur a été libéré en vertu de la loi fédérale.  [soulignement ajouté] [références omises]

Selon le volet conflit d’application de l’analyse fondée sur la doctrine de la prépondérance, la question n’est pas non plus de savoir s’il est possible de s’abstenir d’appliquer la loi provinciale pour éviter le prétendu conflit avec la loi fédérale. Soutenir que la province n’est pas tenue d’appliquer l’art. 102 dans le contexte d’une faillite, ou qu’elle peut choisir de ne pas priver l’intimé de ses droits de conducteur, entraîne une application superficielle du critère applicable en matière de conflit d’application. Prétendre qu’un conflit peut être évité en se conformant à la loi fédérale à l’exclusion de la loi provinciale ne saurait constituer une réponse valide à la question de savoir s’il y a un « conflit véritable »…  Une telle conclusion viderait de tout son sens le premier volet de l’analyse fondée sur la doctrine de la prépondérance, car il est presque toujours possible d’éviter l’application d’une loi provinciale pour ne pas causer de conflit avec une loi fédérale. [soulignement ajouté] [références omises]

Conclure à la possibilité de se conformer aux deux lois conflictuelles en cause — en se fondant sur des hypothèses qui en appellent au « simple » respect, par l’un ou l’autre des acteurs en cause, d’une loi, mais pas de l’autre — n’est pas compatible avec les décisions antérieures de la Cour sur la doctrine de la prépondérance fédérale.

Le raisonnement énoncé dans le passage ci-dessus peut appuyer l’existence d’une incompatibilité d’application si l’ONE autorise Énergie Est à procéder, et si le BAPE parvient à une autre conclusion. La décision appuie la position selon laquelle l’ONE dit « oui » et le BAPE dit « non »; il pourrait y avoir incompatibilité puisque les deux lois ne peuvent être appliquées simultanément. En conséquence, le choix de ne pas procéder à l’exécution d’un projet (afin d’éviter une incompatibilité) brimerait le droit d’un promoteur qui a été acquis en vertu d’une loi fédérale valable, et incidemment, entraînerait une « analyse superficielle ». Cette interprétation de la doctrine de la prépondérance fédérale a déjà été invoquée dans des litiges relatifs à des pipelines. Dans la décision no 40 (Trans Mountain), le règlement municipal interdisait toute perturbation dans des parcs par la coupe d’arbres, l’enlèvement de la végétation et le creusage de trou de forage105. Toutefois, le paragraphe 73a) de la LONE stipule que l’entreprise « peut » prendre les mesures nécessaires pour réparer un pipeline, effectuer des examens et prendre des levées au sol. La formulation autorise l’exécution d’activités qui sont interdites par le règlement municipal, mais ne les exige pas. En dépit du fait que les entreprises auraient pu choisir de ne pas exécuter les activités dans le parc, l’ONE a néanmoins soutenu qu’il était impossible de se conformer à la fois au règlement municipal et à la LONE106.

La question consiste alors à déterminer si l’analyse de COPA de la doctrine de prépondérance fédérale demeure pertinente. On peut répondre à cette question par l’affirmative, mais il faut la concilier avec l’arrêt Moloney. Comme il en est question ci-dessus, dans COPA, la cour a soutenu qu’il n’y avait pas d’incompatibilité étant donné que la loi provinciale interdisait la construction d’un aérodrome sur des terres agricoles alors que la loi fédérale l’autorisait, et non l’exigeait. À première vue, il semble difficile de concilier ces deux décisions. En effet, la juge Côté, dans son opinion concordante, fait fond sur le raisonnement de la cour dans COPA pour en venir à la conclusion qu’il n’y avait pas d’incompatibilité d’application, et que « même une possibilité superficielle de se conformer aux deux lois suffit pour qu’un tribunal conclue à l’absence de conflit opérationnel »107. La réponse de la majorité aux préoccupations de la juge Côté, appuyées par la juge en chef McLachlin, confirme que l’arrêt COPA continue de s’appliquer et peut être utilisé à l’appui de la position voulant qu’il n’y ait aucun conflit opérationnel entre la LQE et la LONE108.

Dans Moloney, la majorité des juges distinguait ce cas de COPA et, ce faisant, a laissé la porte ouverte à Énergie Est pour éviter l’application de la doctrine de la prépondérance fédérale. Cette distinction était fondée sur le fait que COPA décrivait une situation où l›autorisation de construire un aérodrome aurait pu être acquise par voies administratives109. En d’autres termes, COPA ne représentait pas une situation où une loi dit « oui » et l’autre dit « non », mais plutôt une où une loi dit « oui » et l’autre dit « parfois ». D’autre part, dans Moloney, l’application des deux lois entraînait directement de résultats conflictuels. L’une dit « oui » alors que l’autre dit « non ». Dans COPA, la situation était donc caractérisée comme l’une où la loi provinciale était plus restrictive que la loi fédérale et non en conflit avec elle. Cet aspect de l’arrêt COPA est semblable au cas d’Énergie Est, où l’article 31.1 de la LQE permet de donner l’autorisation de construire un pipeline si un certificat est délivré par le gouvernement. Si le cas qui nous occupe se rend jusque devant les tribunaux, il sera intéressant de voir si l’arrêt Moloney sera invoqué pour justifier l’existence d’un conflit opérationnel, ou réciproquement, pour affirmer que les lois des deux ordres de gouvernement peuvent s’appliquer simultanément dans cette situation.

b) Entrave à la réalisation de l’objet fédéral

Outre le conflit opérationnel fondé sur l’impossibilité d’une conformité double, la doctrine de la prépondérance fédérale peut invalider une loi provinciale dans la mesure où celle-ci est incompatible avec l’objet de la loi fédérale110. Dans ce deuxième volet de la doctrine de la prépondérance fédérale, l’effet de la loi provinciale peut empêcher la réalisation de l’objet de la loi fédérale, sans toutefois entraîner une violation directe de ses dispositions111. Les tribunaux doivent d’abord interpréter l’objet de la loi fédérale avant de démontrer que l’effet de la loi provinciale est incompatible avec celui-ci112. Il est ambitieux d’attaquer une loi avec ce deuxième volet qui [traduction] « exige une preuve claire de l’objet; un vague caractère permissif de la loi fédérale ne suffisant pas »113. En outre, la Cour suprême a mis en garde contre le fait de limiter la portée d’application de ce volet de la doctrine de la prépondérance114. « Le simple fait que le Parlement ait légiféré sur une matière n’empêche pas les provinces de légiférer sur la même matière… »115.

L’objectif général de la LONE est de règlementer la construction, l’exploitation et la cessation d’exploitation des pipelines et des lignes de transport d’énergie interprovinciaux et internationaux, de même que les activités de production et d’exploration pétrolières et gazières. En ce qui a trait à la Partie III qui régit les certificats de commodité et de nécessité publiques, son objectif est de déterminer si un projet est dans l’intérêt des Canadiens. Pour ce faire, il faut évaluer l›ensemble des facteurs qui [traduction] « semblent directement liés au pipeline », ce qui comprend, entre autres choses, la disponibilité de la source d’énergie116, l’existence des marchés117, la faisabilité du projet sur le plan économique118, la mesure dans laquelle les Canadiens tireront un avantage économique du projet119, et l’impact environnemental des projets en question120.

Par conséquent, est-ce que l’effet de l’article 31.1 de la LQE entraverait cet objet? L’évaluation publique prévue aux articles 31.1 à 31.5 permet aux intervenants et aux promoteurs de présenter des données probantes sur la nature du projet et ses effets sur l’environnement afin que le gouvernement provincial puisse prendre une décision éclairée quant à l’exécution du projet. Si l’exécution du projet est autorisée au terme de cette évaluation provinciale, même sous réserve de conditions plus restrictives, le gouvernement fédéral continuerait d’être à même de réaliser son mandat. À cet égard, l’évaluation provinciale peut même être perçue comme une mesure qui renforce l’objet susmentionné.

Cela dit, un promoteur qui tenterait d’attaquer l’applicabilité de la loi provinciale pourrait soulever le fait que l’un des objets de la LONE est de créer un processus largement simplifié permettant le traitement des demandes visant des pipelines en temps opportun. Le paragraphe 52(4) prévoit un délai de 15 mois pour que l’ONE produise le rapport. Ce délai peut être prolongé de jusqu’à trois mois, à la demande du ministre, ou prolongé d’une période supplémentaire déterminée par le gouverneur en conseil à la recommandation du ministre. En outre, la loi confère au ministre le pouvoir d’émettre des directives contraignantes à différentes étapes du processus de demande « afin que le rapport soit établi et présenté en temps opportun »121. De plus, le président est investi du pouvoir de prendre toute autre mesure qu’il juge appropriée pour assurer le respect du délai122. À la lecture de la loi, il est clair que le parlement désirait que le processus d’approbation des pipelines interprovinciaux soit exécuté en temps opportun123. Par extension, si le processus d’EEIE provincial devait retarder sérieusement le processus d’approbation, il pourrait être allégué que l’application de la LQE dans un tel scénario est incompatible avec l’un des objets de la LONE.

En outre, il est probable qu’un promoteur de projets invoque la décision no 40, où l’ONE a soutenu que le règlement municipal dont il est question ci-dessus avait entravé l’objet du paragraphe 73a) de la LONE. Cependant, un examen plus attentif des dispositions en question permet de distinguer ce cas de celui qui nous occupe. Cette disposition autorisait les promoteurs à accéder à la terre dans le but ultime de recueillir de l’information qui pourrait être utilisée pour créer un processus décisionnel éclairé. Ainsi, le règlement qui empêchait la coupe d’arbres, l’enlèvement de la végétation et le creusage de trous de forage, autant d’activités nécessaires aux fins des activités d’exploration, entravait l’objet de la loi fédérale. Cette question est distincte de celle de savoir si l’assujettissement d’un projet de pipeline à un processus provincial d’EEIE entraverait l’objet de la LONE.

Il convient également de déterminer si l’objet de la LONE serait entravé si le BAPE devait conclure que le projet ne doit pas être exécuté. Comme il en est question ci-dessus, l’objectif de la Partie III de la LONE est de règlementer les pipelines interprovinciaux et de déterminer si les projets de pipeline sont dans l’intérêt public. Dans COPA, le régime fédéral permissif autorisait, d’une façon générale, les citoyens à construire un aérodrome sans qu’il ne soit nécessaire d’obtenir une approbation préalable. La cour a rejeté l’argument voulant que le Parlement ait délibérément mis en place un régime fédéral permissif afin d’encourager la construction d’installations aéroportuaires124. La cour a exigé une preuve claire établissant l’objet de la loi125. À défaut de fournir une preuve claire étayant que l’objectif du Parlement est entravé par la loi fédérale, la doctrine ne s›appliquera pas.

Dans le même ordre d’idées, dans 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) v Hudson (Town)126, une loi qui limitait l’usage des pesticides, sauf dans la mesure permise, a été jugée permissive plutôt qu’exhaustive. Cependant, le règlement municipal interdisait de façon plus rigoureuse l’utilisation des pesticides. La cour a soutenu que le fait que la loi fédérale était de nature permissive, au lieu de consentir explicitement un droit, rendait les deux régimes incompatibles127. En d’autres termes, l’interprétation du texte législatif n’indiquait pas clairement l’intention du Parlement de consentir aux Canadiens le droit d’utiliser des pesticides. Par conséquent, un régime fédéral qui peut autoriser la construction de pipelines ne trahit pas nécessairement une intention claire du Parlement d’autoriser ce genre de projet. Il convient d’effectuer la comparaison avec l’arrêt Law Society of British Columbia v Mangat 128 où les dispositions de la Loi sur l’immigration129 conféraient explicitement à des personnes qui ne sont pas des avocats le droit de comparaître au nom de clients devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ce qui contrevenait aux dispositions de la B.C. Legal Professional Act130. La cour a établi qu’en limitant les personnes qui peuvent représenter un demandeur devant la Commission à des avocats dûment agréés, on entravait l’objet de la loi fédérale, la Loi prévoyant clairement que les avocats peuvent représenter les demandeurs dans l’objectif de rendre le processus informel et accessible131. Il a été déterminé que cet objectif serait entravé si les demandeurs étaient uniquement autorisés à solliciter les services d’un avocat dûment agréé. Comme la Partie III de la LONE n’indique pas clairement l’intention du Parlement d’autoriser la réalisation de projets de pipeline, le cas d’Énergie Est s’assimilerait davantage à ceux des arrêts COPA et Spraytech qu’à l’arrêt Mangat. En conséquence, le processus d’EEIE prescrit par la LQE n’entrave pas l’intention qu’avait le Parlement lorsqu’il a édicté la LONE.

Conclusion

La mesure dans laquelle la LQE du Québec peut affecter Énergie Est peut être déterminée en analysant les trois doctrines constitutionnelles essentielles utilisées pour régler les questions liées à la répartition des pouvoirs législatifs. En ce qui a trait à la validité de la loi provinciale, il fait peu de doute qu’une analyse de la doctrine du caractère véritable révélerait que le processus d’EEIE général de la LQE trahit, dans les faits, une tentative de la province de règlementer les pipelines interprovinciaux. Cependant, il y a plus de chance que la doctrine de l’exclusivité des compétences empêche l’application de la LQE. Si les autorités provinciales devaient imposer des conditions contraignantes ayant une incidence sur la viabilité du projet, ou si celui-ci était tout simplement rejeté, il est probable que l’on soutiendrait que la loi provinciale entrave le contenu essentiel de la compétence fédérale dans le cas d’entreprises interprovinciales. Il est moins sûr si cette doctrine pouvait justifier TransCanada d’omettre de soumettre son projet à l’examen du BAPE. Si une cour devait examiner la situation in abstracto sans tenir compte des ramifications plus générales de la décision, il serait facile de supposer que le fait de soumettre le projet à un examen n’entrave pas nécessairement le contenu essentiel de la compétence fédérale. Cependant, il est facile d’imaginer dans quelle mesure la capacité du gouvernement fédéral de règlementer les pipelines interprovinciaux pourrait être érodée si l’on tient compte des effets rattachés à l’obligation de soumettre le projet aux six provinces en plus de l’autorité de règlementation fédérale. Enfin, en ce qui concerne la doctrine de la prépondérance fédérale, il est peu probable que de soumettre un projet à l’organisme provincial puisse créer une situation dans laquelle TransCanada se retrouverait dans une position où le fait de se conformer à une loi entraînerait l’inobservance de l’autre. Il n’y a qu’en évaluant les conditions précises imposées par les deux organes administratifs que l’on pourrait véritablement déterminer s’il existe un conflit entre la législation fédérale et la législation provinciale.

La saga de l’oléoduc Énergie Est a effectivement mis en relief les imperfections du fédéralisme. Les difficultés rattachées à la conciliation des intérêts locaux avec les intérêts plus généraux de l’ensemble des Canadiens sont inhérentes à l’idée de fédéralisme. Les tribunaux ont le devoir de veiller au respect de la division des pouvoirs prévue par la Constitution, et ils ont, avec le temps rehaussé l’importance accordée aux intérêts locaux en favorisant un ordre de gouvernement fédéral sur la base des principes de collaboration et de flexibilité. Aussi important qu’il soit pour la Constitution d’évoluer avec le temps132, le fait de l’interpréter d’une façon qui permettrait aux provinces de s’ingérer dans un projet de pipeline interprovincial dérogerait au texte on ne peut plus clair de la Constitution, qui a été rédigée précisément pour gérer ce genre de situation. Il transpire de ce texte une logique selon laquelle il existe de nombreuses situations où le gouvernement fédéral doit être capable de prendre certaines décisions dans l’intérêt des Canadiens d’un océan à l’autre. En excluant explicitement les entreprises et les travaux interprovinciaux de la compétence législative des provinces, il est clair que les Pères de la Confédération avaient vu l’inextricabilité grave que peuvent entraîner des intrusions provinciales en ces matières. Trop de cuisiniers gâtent la sauce.

*Daniel Gralnick est un stagiaire juridique à l’Association canadienne du gaz. Il agit notamment à titre d’éditeur technique pour la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie. Il possède un LL.L (magna cum laude) de la section de droit civil de l’Université d’Ottawa et il poursuit présentement ses études afin d’obtenir un JD du Programme national. Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont strictement ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Association canadienne du gaz ou de ses membres.

  1. Loi sur la qualité de l’environnement, LRQ c Q-2 [LQE].
  2. Renvoi : Demande visant le projet Énergie Est et la cession d’actifs (17 mai 2016) (ONE); voir aussi TransCanada, Demande consolidée d’Énergie Est, en ligne : TransCanada < http://www.oleoducenergieest.com/>.
  3. Office national de l’énergie, Projets Énergie Est et du réseau principal Est, en ligne : ONE < https://www.neb-one.gc.ca/pplctnflng/mjrpp/nrgyst/index-fra.html>.
  4. Centre québécois du droit de l’environnement c Oléoduc Énergie Est ltée, 2014 QCCS 4398.
  5. Centre québécois du droit de l’environnement c Oléoduc Énergie Est ltée, 2014 QCCS 4147.
  6. Loi sur les langues officielles, LRC 1985, ch 31 (4e supp).
  7. Centre québecois de droit de l’environnement c National Energy Board, 2015 FC 192 au para 13.
  8. « Énergie-Est : la Cour fédérale refuse l’injonction réclamée par des écologistes », La Presse canadienne (16 février 2015), en ligne : le Soleil <http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/201502/16/01-4844701-energie-est-la-cour-federale-refuse-linjonction-reclamee-par-des-ecologistes.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4842769_article_POS3>.
  9. Martin Ouellet & Julien Arsenault, « Pas de terminal à Cacouna, mais d’autres options sont à l’étude », Le Devoir (2 avril 2015), en ligne : Le Devoir <http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/436225/transcanada-pas-de-terminal-a-cacouna-mais-d-autres-options-sont-a-l-etude>.
  10. LQE, supra note 1, art 31.5.
  11. Alexandre Shields, « Le BAPE sur Énergie Est en sursis », Le Devoir (2 mars 2016), en ligne : Le Devoir <http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/464387/le-bape-sur-energie-est-en-sursis>.
  12. Ibid.
  13. Alexandre Robillard, « Philippe Couillard lance un appel à la raison », Le Devoir (8 mars 2016), en ligne : Le Devoir <http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/464905/energie-est-philippe-couillard-lance-un-appel-a-la-raison>.
  14. TransCanada, Projet Oléoduc Énergie Est, Avis de projet (avril 2016) (BAPE), en ligne : MDDELCC <http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/evaluations/transcanada/Avis-Projet201604.pdf> [Avis de projet].
  15. Nia Williams, « Quebec halts injunction request against TransCanada’s Energy East pipeline », Financial Post (22 avril 2016), en ligne : Financial Post <http://business.financialpost.com/news/energy/transcanada-says-quebec-halting-pipeline-injunction-request-against-energy-east-pipeline?__lsa=df80-2ae6> [en anglais seulement].
  16. Avis de projet, supra note 14 à la p 5.
  17. Martin Croteau, « BAPE sur Énergie Est : TransCanada et Québec toujours en désaccord », La Presse (27 avril 2016), en ligne : La Presse <http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201604/26/01-4975309-bape-sur-energie-est-transcanada-et-quebec-toujours-en-desaccord.php> [en français seulement].
  18. Loi constitutionnelle de 1867, 30 et 31 Vict, ch 3.
  19. Banque canadienne de l’Ouest, 2007 CSC 22, [2007] 2 RCS 3.
  20. Québec (Procureur général) c Canada (Procureur général), 2015 CSC 14, [2015] 1 RCS 693 au para 17; Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 24.
  21. Ibid; Renvoi : Loi anti-inflation, [1976] 2 RCS 373 à la p 450.
  22. Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 aux para 26-27.
  23. Ibid au para 28.
  24. Ibid; Colombie-Britannique v Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 RCS 473 au para 28.
  25. Friends of the Oldman River Society v Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 RCS 3 [Friends of the Oldman River].
  26. Ibid aux p 63-64, citant Gibson « Constitutional Jurisdiction over Environmental Management in Canada » (1973), 23 UTLJ 54, à la p 85.
  27. Friends of the Oldman River, supra note 25, à la p 65.
  28. Loi constitutionnelle de 1867, supra note 18, art 92(13).
  29. Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, c Q-2, r 23, art 2 (j.1).
  30. Loi constitutionnelle de 1867, supra note 19, arts. 91(29), 92(10)a).
  31. Bell Canada c Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 SCR 749, 51 DLR (4th) 161, aux p 839-840; Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19, au para 33.
  32. Ibid au para 39.
  33. Insurance Act, RSA 2000, c I-3.
  34. Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19, aux para 35-38.
  35. Ibid.
  36. Ibid au para 37.
  37. Le procureur général de l’Ontario c SEFPO, [1987] 2 RCS 2, à la p 17; Banque canadienne de l’Ouest, à la p 36
  38. Ibid au para 78.
  39. Banque de Montréal c Marcotte, 2014 CSC 55, [2014] 2 RCS 725 au para 64 [Marcotte].
  40. Ibid.
  41. Ibid.
  42. Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 48; Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 2012 Student ed, Toronto, Carswell, 2012 à 15.8 (c) [Hogg].
  43. Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19, au para 51.
  44. Ibid aux para 50-51.
  45. Doit être lu parallèlement au para 91(29) qui précise que les catégories de sujet explicitement exclues de la compétence provinciale (c.-à-d., travaux et entreprises interprovinciaux) relèvent de la compétence exclusive du gouvernement fédéral.
  46. Trans Mountain Pipeline ULC, Avis de motion de Trans Mountain et l’avis d’une question constitutionnelle en date du 26 septembre 2014, décision no 40 (Office national de l’énergie) [décision no 40] à 14, autorisation d’appel à la CAF refusée.
  47. Rogers Communications Inc c Châteauguay (Ville), 2016 CSC 23 aux para 60-68 [Rogers].
  48. David Robitaille, Mémoire du Centre québécois du droit de l’environnement, « Consultation publique sur le projet d’oléoduc Énergie-Est de TransCanada», à la p 9 et note 24, en ligne : < https://cqde.org/wp-content/uploads/2015/09/Mmoire-du-CQDE-Consultation-CMM-version-2.pdf > [Mémoire du CQDE].
  49. Décision no 40, supra note 46 au para 14.
  50. Québec (Procureur général) c Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 RCS 536 [COPA].
  51. Ibid aux para 36-40.
  52. Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 48; voir aussi COPA, supra note 50 aux para 43-44; Marcotte, supra note 39 au para 54. Avant l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, il existait un ensemble de jurisprudence qui autorisait l’application de la doctrine d’exclusivité des compétences pour autant que le contenu essentiel de la compétence fédérale n’ait été que touchée. Voir Bell Canada c Québec, [1988] 1 SCR 749. Dans les arrêts Banque canadienne de l’Ouest et COPA, la Cour suprême a expressément rejeté cette approche parce qu’elle ne reflétait pas de manière appropriée le régime fédéral moderne qui accorde la priorité à la collaboration entre les deux ordres de gouvernement.
  53. COPA, supra note 50 au para 45.
  54. Ibid.
  55. Ibid au para 44.
  56. Par exemple, dans Campbell-Bennett v Comstock Midwestern Ltd, [1954] SCR 207, [1954] 3 DLR 481.
  57. COPA, supra note 50 au para 60.
  58. Ibid.
  59. Rogers, supra note 47 au para 71.
  60. Il s’agit essentiellement de l’allégation du ministre Heurtel à l’effet que la motivation du REIE, dans le cas d’Énergie Est, est simplement que le gouvernement provincial puisse obtenir suffisamment d’information pour participer à l’audience de l’Office national de l’énergie.
  61. Ces facteurs sont à la base des motifs invoqués par la juge dissidente Deschamps aux para 87-90, car elle a maintenu que le terrain (au Québec) sur lequel la construction des aérodromes peut être autorisée suffit à conclure que le critère d’entrave ne pourrait être satisfait.
  62. Laferrière c Québec (Procureur général), 2008 QCCA 427 au para 1.
  63. Voir David Robitaille, « Le transport interprovincial sur le territoire local : vers un nécessaire équilibre » (2015) 20 :1 Review of Constitutionnal Studies 75 à la section 2.2 [Vers un nécessaire équilibre]; Mémoire du CQDE, supra note 48 à la p 13.
  64. Ibid.
  65. Ibid.
  66. Ibid à la p 15; Vers un nécessaire équilibre, supra note 63 à 97-99; David Robitaille, « Opinion: Provinces can impose conditions », Vancouver Sun (16 décembre 2014); Julius Melnitzer « The paramountcy doctrine: Can cities really say no to pipelines? » Financial Post (17 mai 2016) en ligne : Financial Post <http://business.financialpost.com/legal-post/the-paramountcy-doctrine-can-cities-really-say-no-to-pipelines> [en anglais seulement].
  67. Voir Vers un nécessaire équilibre, supra note 63 et Mémoire du CQDE pour une analyse jurisprudentielle approfondie des dossiers utilisés au support des arguments.
  68. Burlington Airpark Inc v Burlington (City), 2014 ONCA 468, 23 MPLR (5th) 1.
  69. Ibid aux para 12, 17.
  70. Ibid.
  71. Ibid.
  72. Coastal First Nations v British Columbia (Environment), 2016 BCSC 34 [Coastal FN].
  73. Loi sur l’Office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7.
  74. Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, LC 1992, c 37.
  75. Coastal FN, supra note 72 au para 6. L’accord a aussi été attaqué au motif que sa conclusion entraînerait une violation de l’obligation de consulter.
  76. Ibid au para 42.
  77. Ibid aux para 61-62.
  78. Ibid au para 55.
  79. Multiple Access Ltd v McCutcheon, [1982] 2 RCS 161 au para 191 [Multiple Access]; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 SCR 241 au para 34 [Spraytech];  M & D Farm Ltd c Société du crédit agricole du Manitoba, [1999] 2 RCS 961 au para 17; Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 126; Alberta (Procureur général) c Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 RCS 327, au para 19 [Moloney].
  80. Banque de Montréal c Hall, [1990] 1 RCS 121, aux p 154-155; Law Society of British Columbia v Mangat, 2001 CSC 67, [2001] 3 RCS 113 au para 72; Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 73; Moloney, supra note 80 au para 25.
  81. Hogg, supra note 42 à 16.2.
  82. Supra note 79.
  83. Ibid, à la p 191; Moloney, supra note 79 au para 19.
  84. Hogg, supra note 42 à 16.2(a).
  85. Voir Vers un nécessaire équilibre, supra note 63 à 111-113.
  86. Moloney, supra note 79 au para 26; Saskatchewan (Procureur général) v Lemare Lake Logging Ltd, 2015 CSC 53, [2015] 3 SCR 419 au para 25 [Lemare Lake Logging].
  87. Ibid.
  88. Ibid au para 25.
  89. The Saskatchewan Farm Security Act, SS 1988-89, c S-17.1.
  90. Loi sur la faillite et l’insolvabilité, LRC 1985, c B-3.
  91. Lemare Lake Logging, supra note 86 au para 25.
  92. Cette décision a récemment été maintenue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Coastal First Nations, supra note 72 aux para 71-72.
  93. COPA, supra note 50 au para 65.
  94. Dominique La Haye, « Une pétition de 25 000 noms contre Énergie Est » Journal de Québec (14 juin 2016), en ligne : Journal de Québec <http://www.journaldequebec.com/2016/06/14/une-petition-de-25-000-noms-contre-energie-est>.
  95. Hogg, supra note 42 à 16.3(a).
  96. Colombie-Britannique (Procureur général) v Lafarge Canada Inc, 2007 CSC 23, [2007] 2 RCS 86.
  97. Ibid aux para 75, 81-82.
  98. La décision a été critiquée dans les motifs concordants de la juge Côté aux para 93, 106 dans Moloney, supra note 79, qui alléguait que la cour avait confondu « l’entrave à l’objectif fédéral » avec le critère dit de « l’impossibilité de se conformer aux deux textes ».
  99. Hogg, supra note 42 à 16.3(a), citant Lafarge, supra note 96 au para 113 (raisons dissidentes du juge Bastarache).
  100. Supra note 79.
  101. La cour a cité et confirmé la décision aux para 20, 21, 26, 53, 70, 71, 75.
  102. Alberta Traffic Safety Act, RSA 2000, c T-6.
  103. Moloney, supra note 79 au para 60.
  104. Ibid aux para 60, 63, 69, 70, 73. La juge Côté (appuyé par la juge en chef McLachlin) s’est dite fortement en désaccord avec la décision de la majorité selon laquelle le différend a donné lieu à un conflit opérationnel.
  105. Décision no 40, supra note 46 au para 12.
  106. Ibid au para 12-13.
  107. Moloney, supra note 79 aux para 101, 109.
  108. Ibid au para 74.
  109. Ibid.
  110. Voir note 80.
  111. Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 73; Moloney, supra note 79 au para 25.
  112. Hogg, supra note 42 à 16.3(b); COPA, supra note 50 au para 66.
  113. Ibid au para 68.
  114. Marcotte, supra note 39 au para 72; Banque canadienne de l’Ouest, supra note 19 au para 74.
  115. Marcotte, supra note 39 au para 72.
  116. LONE, supra note 73, art 52(2)(a).
  117. Ibid, art 52(2)(b).
  118. Ibid, art 52(2)(c).
  119. Ibid, art 52(2)(d).
  120. Ibid, art 52(3).
  121. Ibid, art 52(8), (9).
  122. Ibid, art 6 (2.2).
  123. La loi comprend de nombreuses autres échéances qui régissent le processus de requête, y compris les paragraphes 34 (3), (4) qui confèrent aux citoyens jusqu’à 30 jours, à compter de la réception d’un avis, pour déposer une déclaration écrite qui étaye les motifs d’opposition à un tracé.
  124. COPA, supra note 50 au para 68.
  125. Ibid.
  126. Supra note 79.
  127. Spraytech, supra note 79 au para 35.
  128. Supra note 80.
  129. Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I‑2.
  130. Legal Profession Act, SBC 1987, c 25.
  131. Mangat, supra note 79 au para 72.
  132. Connu comme la « doctrine de l’arbre vivant».

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