Un argument en faveur de la réglementation systématique des dépenses des services publics liées réseaux intelligents

Un « réseau électrique intelligent » consiste en l’application de systèmes d’information au système électrique. Un réseau plus intelligent signifie que chacun se doit de faire preuve d’une plus grande intelligence, y compris les services publics. Le caractère intelligent implique de savoir mesurer les profits, les coûts et les risques, et de mettre l’accent sur l’envergure et la portée. L’instabilité engendrée par les nouvelles technologies « intelligentes » vient précisément d’une optimisation à des niveaux d’envergure et de portée nouvellement accessibles. Un réseau plus intelligent est plus efficace et productif à tous les niveaux du système. Le problème quant à la réglementation est de définir l’envergure et la portée acceptables par rapport aux investissements des services publics d’électricité dans de nouvelles technologies. Ces derniers profitent déjà d’un précieux avantage :
ils connaissent leurs clients et leurs clients les connaissent. Cette obligation de servir fait des services publics des partenaires naturels et incontournables. Il n’en demeure pas moins que ce monopole naturel se limite aux fils électriques; les investissements et les dépenses des services publics doivent être considérés dans ce contexte. Malgré toutes les discussions au sujet des obstacles, des principes de réglementation établis peuvent orienter les dépenses des services publics dans les technologies intelligentes. C’est la technologie qui est nouvelle, pas le problème de la réglementation. Je soutiens que la
« bonne » démarche de réglementation devrait généralement peser les données probantes en se fondant sur les besoins, les coûts, les profits et les risques. Une approche encore plus efficace fonctionne dans un contexte systématique de planification intégrée multicouche. Les nouvelles technologies repoussent les frontières du possible. Elles entraînent en outre des considérations non seulement sur le processus de réglementation, mais encore sur la nécessité de réglementer. Dans un cas comme dans l’autre, pour générer de nouveaux gains d’efficacité, la réglementation doit traiter des nouvelles technologies et des nouvelles possibilités, remédier « aux problèmes d’intégration entre les solutions et infrastructures nouvelles et classiques », et définir les rôles des services publics réglementés1.

L’application de systèmes d’information au système électrique permettra la surveillance en temps réel, la communication, l’intégration et l’optimisation entre les nœuds, les couches du réseau et les systèmes interconnectés, et donnera lieu à une diminution des pointes de consommation d’énergie, à une réduction des coûts des carburants, à des pertes moindres, à un rétablissement plus rapide des pannes, à l’amélioration de la qualité de l’énergie et, dans l’ensemble, réduira les coûts. Le réseau sera plus intelligent parce qu’il offrira un meilleur service à un coût plus bas.

« Plusieurs nouvelles tendances façonnent déjà des changements dans l’infrastructure électrique, notamment l’expansion du réseau actuel au moyen de miniréseaux et de mégaréseaux ainsi que de nouveaux appareils analysant de nouveaux matériaux et concepts allant de la supraconductivité et des nanomatériaux au contrôle offrant une grande souplesse et au stockage d’énergie. De plus, le développement de capteurs élaborés, des communications, du traitement de données, des outils de visualisation et des infrastructures est en cours. S’ensuivent des concepts de réseau intelligent qui se penchent sur les problèmes d’intégration entre les solutions et infrastructures nouvelles et classiques, qui sont les difficultés les plus difficiles à résoudre. Le problème d’intégration le plus important et complexe concerne le plein usage de la production d’énergie renouvelable et variable, l’électrification du secteur des transports et l’interaction des deux facteurs précédents avec le réseau électrique »2. [Traduction]

Le réseau intelligent n’est pas essentiellement un espace matériel. Le déploiement de nouvelles technologies sera nécessaire pour rendre le réseau intelligent. Toutefois, ces technologies sont pour la plupart déjà omniprésentes. Il existe une chaîne logistique mondiale hautement développée d’appareils de mesure, de capteurs, de commandes, de disjoncteurs, de relais et de circuits. De plus en plus d’entreprises internationales sont prêtes à profiter des possibilités qui se présentent à elles. Les clients commerciaux, industriels et résidentiels, de la même manière, se voient offrir de nouvelles technologies et de nouveaux services énergétiques qu’ils achètent. L’accès à de nouveaux appareils à bas prix n’est pas réservé qu’aux services publics. Les clients eux-mêmes profitent de nouvelles occasions plus abordables pour mieux gérer l’énergie et découvrent de nouveaux fournisseurs et de nouveaux produits sur le marché qui donnent accès à des technologies de remplacement comme la production décentralisée, le stockage d’énergie et la gestion dynamique de l’énergie.

L’intelligence est un gage d’optimisation. Les avancées technologiques réduisant les coûts, ainsi que l’intégration de logiciels et d’outils de gestion qui permettent de les utiliser adéquatement, stimulent le marché du réseau intelligent, créant ainsi de nouvelles occasions d’optimisation, d’efficacité et d’économies. L’acquisition récente de Nest par Google, au montant de 3,2 millions de dollars, est un pari non négligeable sur la valeur des systèmes domotiques et sur les possibilités qu’ils peuvent apporter.

La numérisation de la gestion de l’énergie, lorsqu’elle est possible, ajoute de la valeur précisément parce qu’elle crée une possibilité d’optimisation qui n’existait pas auparavant. Les compteurs et les capteurs sont moins coûteux, il est donc possible d’en installer un plus grand nombre, ce qui montre des modèles et des choix que nous ne pouvions voir antérieurement. D’une part, il y a la visibilité accrue, de l’autre, le contrôle en temps réel. Ensemble, ces nouveaux outils créent de nouvelles possibilités de gestion qui ont de la valeur.

« La valeur primordiale des dispositifs, en un sens, ne repose pas sur le matériel en soi, mais sur l’interconnectivité de ce matériel »3

Des services publics ont réalisé une analyse de rentabilité des investissements dans le « réseau intelligent », ce qui a augmenté la visibilité du réseau et le contrôle en temps réel. Les bienfaits supposaient une meilleure gestion des actifs, des pannes plus courtes et moins nombreuses, un rétablissement plus rapide et des niveaux élevés de satisfaction de la clientèle. Ces avantages sont bien beaux et ils constituent un bon départ, mais une valeur bien plus grande peut être tirée d’un réseau de distribution et de transport d’énergie interconnecté pleinement optimisé.

Les pertes réduites dans le transport et la distribution constituent une source évidente d’économies lorsqu’elles sont possibles. Les pertes surviennent surtout pendant les périodes de demande maximum (selon la loi d’Ohm). La plupart des pertes se produisent au cours de très peu d’heures de pointe lors de chauds après-midis d’été. En réduisant ou en déplaçant la charge pendant ces heures au moyen de la production décentralisée ou du stockage d’énergie, il sera possible de réduire la demande, ce qui diminuera les pertes à la marge de façon exponentielle et les coûts facturés aux consommateurs.

Des contraintes du système entre les nœuds de transmission, aux interconnexions, et entre les nœuds et les connexions du système de distribution, occasionnent également des coûts inutiles en exigeant la répartition d’une production peu rentable ou en causant des pertes plus élevées liées à des éléments contraints. Dans certains domaines, les pertes totales subies entre les étapes de la production et de la consommation de l’électricité de plus de 10 % sont habituelles. Ces pertes sont inutiles.

La qualité de l’électricité, les baisses soudaines de tension, les chutes de potentiel et les fluctuations de tension entraînent également des coûts en entravant les processus industriels, en perturbant la production et en augmentant la température et les pertes, de même qu’en provoquant de l’usure à l’équipement électrique dans tout le système.

À présent, ces coûts sont considérés comme des facteurs externes ingérables et comme une partie inévitable des activités des services publics. Mais au fur et à mesure que le réseau devient plus intelligent, cette situation ne tient plus. Il est possible d’intégrer ces coûts et, mieux encore, de les gérer. À la marge, il y a des gains d’efficacité considérables à réaliser et d’importantes sommes à économiser. Toutefois, l’argent fait défaut sur la plupart des marchés. Ces services du réseau ne sont pas apportés séparément, et il n’existe pas non plus de marché apparent où il est possible d’opérer des transactions.

L’opérateur de système optimise la répartition, mais les coûts qui découlent des pertes, des contraintes et de la réduction de la qualité de l’électricité demeurent. L’opérateur responsable de la distribution locale reçoit la facture de l’opérateur de système et, de même, ces coûts vont directement au consommateur. La facture habituelle d’un foyer indique que ces coûts proviennent d’un ajustement volumétrique annuel fixe; cependant les dynamiques intrinsèques et les implications financières sont entièrement cachées.

Il ne faut pas s’en faire pour le malheureux consommateur. Le manque de mesures d’incitation, qui constitue l’échec du marché, est systématique. Aucun intervenant du système n’est très motivé. Les gains d’efficacité du système qui se présentent seraient appréciés de tous, mais ils ne sont pas inclus dans les révisions habituelles des coûts de service. Une demande plus faible signifie une diminution des revenus pour les services publics d’électricité. Il existe donc des mécanismes d’ajustement des pertes de revenus, mais pas d’ajustement des revenus relatif aux gains d’efficacité.

Les résultats efficaces d’un marché concurrentiel établiraient le prix en fonction des transactions. Un commerce ouvert et équitable, attirant des acheteurs et des vendeurs, fixerait les prix au coût marginal, maximisant ainsi les profits nets et l’excédent global.

« Un marché d’électricité parfait serait transparent. Les services publics offriraient aux consommateurs de l’information relative aux prix en temps réel, et les consommateurs réagiraient instantanément aux changements des prix de gros […] Il s’agirait d’une troisième génération de réaction à la demande évolutive, ou “RD 3.0”. Cela exige une relation continue entre les marchés de gros et les marchés de détail. En ce moment, d’importants obstacles demeurent. Il existe un manque d’infrastructures et de structures appropriées relatives aux tarifs de détail, notamment “le manque de direction dans le lien entre les prix de gros et de détail”, comme le mentionne le décret 745 de la Federal Energy Regulatory Commission (FERC), “[…] l’absence d’un processus de fixation des prix de détail dynamique et le manque de communication d’informations en temps réel. Sans technologies (p. ex. : les compteurs intelligents) et politiques habilitantes (p. ex. : un processus dynamique de fixation des prix en temps réel), le consommateur individuel ne peut réagir aux signaux provenant des prix des marchés de gros»4

En Ontario, l’Independent Electricity System Operator dirige les opérations du réseau à haute tension et les interconnexions entre l’Ontario et ses voisins. Quelques clients importants sont desservis directement à la tension de transport, mais la majorité comble ses besoins énergétiques à l’aide d’entreprises locales de distribution, pour la plupart détenues par des municipalités et réglementées par la Commission de l’énergie de l’Ontario. De plus, l’Ontario Power Authority souscrit à des contrats à long terme avec les entreprises de production d’électricité et offre des programmes de conservation pour la province.

En visualisant systématiquement l’infrastructure physique, les interdépendances relatives entre les couches deviennent apparentes, tout comme l’envergure et la portée distinctes de chaque couche. Cette structure, qui constitue les caractéristiques intrinsèques du système, est ce qui définit et contraint les possibilités d’optimisation du système.

En tête vient l’opérateur de système, de rang supérieur, dont la portée correspond au système à haute tension et à sa synchronisation avec les systèmes adjacents. L’opérateur de système dirige les opérations du réseau (et de l’équipement qui est connecté, notamment les générateurs, les charges importantes et les éléments de transmission pertinents) et exploite un marché de gros pour l’énergie et les services auxiliaires du réseau. Ce système fonctionne en temps réel.

L’entreprise locale de distribution occupe l’échelon suivant. Ses opérations sont subordonnées au réseau, mais sa portée est entière quant à son obligation de servir dans sa franchise. De plus, elle est un monopole naturel exclusif : quoiqu’il arrive, il n’y aura jamais deux ensembles de fils électriques. À ce niveau, le distributeur détient un vaste pouvoir qui lui permet d’investir dans l’achat ou l’amélioration d’équipements, d’assurer la maintenance et d’intervenir en cas de panne ou d’autres incidents. L’entreprise de distribution a une relation de vente avec ses clients. En général, elle ne possède, n’exploite et ne répartit pas la production ni ne dirige les opérations liées aux charges des clients.

Dans le modèle de système actuel, une répartition efficace n’a lieu qu’en ce qui a trait au réseau. Quoiqu’il puisse arriver se produit là, dans le marché en temps réel. Peu importe les coûts, ces derniers vont aux payeurs du service. Le service public « possède » peut-être le client, comme certains l’affirment, mais il n’existe pas d’obligation à l’égard d’un sous-système en temps réel, donc le potentiel d’optimisation n’est pas exploité.

Tout le monde se plaint des obstacles, mais rien n’est fait pour les contrer. L’opérateur de système dirige et répartit le réseau en équilibrant le système en temps réel, mais il ne possède ni n’exploite le réseau. Les entreprises de distribution d’électricité (de toutes tensions) possèdent et exploitent le réseau, et équilibrent les circuits, mais ne répartissent pas la production d’électricité (ou la charge). L’organisme de réglementation examine les budgets et les plans des entreprises de distribution d’électricité et fixe les taux, mais ne le fait généralement que de temps à autre, en ne considérant que quelques années et en s’attardant peu au rôle du service public dans le système plus large. Il faut prescrire non seulement l’obligation de servir, mais aussi celle d’intégrer. Les clients eux-mêmes financeront ces investissements d’une façon ou d’une autre. Ils ont donc besoin de connaître explicitement les modalités du service. Les services publics doivent connaître clairement la portion de cette dépense qui devient un actif réglementé.

L’incapacité de s’adapter à un monde « plus intelligent, donc meilleur » laisse présager une dérivation, une perte de la charge, un problème de coûts et une chute vers un fiasco total. Dans les années 1970 et 1980, de telles préoccupations avaient été énoncées par les monopoles de la téléphonie. Les nouvelles technologies dans le domaine des télécommunications annonçaient une vague de déréglementation et de perturbation économique. Pourtant, même 30 ans plus tard, les principales entreprises de télécommunication sont toujours les mêmes. Comme c’est le cas pour les télécommunications, les services publics d’électricité pourraient devoir considérer de nouveaux modèles de gestion, des innovations permettant de réorienter leurs actifs commerciaux et d’aligner leurs intérêts commerciaux avec ceux de leurs clients. Les entreprises de télécommunications n’ont jamais été que de simples entreprises de distribution ni des fournisseurs d’électricité. Pour ces organisations, tout commence par de l’envergure et des relations durables avec la clientèle, fondées sur la confiance et les services. La majorité de la clientèle n’a jamais changé de fournisseur à la suite de la déréglementation des télécommunications. Même avec la concurrence de la technologie « sans fil », les grandes entreprises du marché ont maintenu un avantage énorme sur les nouveaux concurrents.

Dans d’autres territoires de compétence où les réseaux intelligents ont été financés pour des fins de démonstration ou de recherche, les services publics ont eu un rôle à jouer. Mais c’est une chose que d’encourager la recherche et le développement de façon symbolique; c’en est une tout autre que de catapulter de nouveaux coûts importants dans le système sans procéder à un examen approprié des coûts du service. Les programmes d’investissement systématiques et les dépenses des services publics dont les coûts sont récupérés chez les clients doivent être réglementés, du moins pour le moment.

Dans un marché technologique évoluant rapidement, il devient primordial de se pencher sur la question de la viabilité garantie à long terme. Les fils et les poteaux dureront parfois des générations. Pour un actif d’une durée de vie de 50 ans, il ne serait pas déraisonnable de demander une protection pour un recouvrement du capital à long terme. Pour les appareils comme les compteurs numériques, qui deviendront à coup sûr désuets d’ici quelques années seulement, les garanties à long terme ne sont pas des solutions aussi sensées. Dans ces cas, des dispositions peuvent être prises au moyen d’amortissements accélérés et de déductions pour amortissement, mais les coûts plus élevés à court terme doivent faire grimper les taux de rendement minimal sans que cela ne conduise à des tarifs plus élevés pour les contribuables.

Certains distributeurs ont affirmé qu’ils souhaitaient investir dans des technologies liées au réseau intelligent à leurs propres mérites, mais ces technologies n’ont pas été convenablement mises à l’essai. En Ontario, la seule proposition concrète d’investissement d’une entreprise locale de distribution dans le stockage énergétique a été retirée au cours du processus préalable aux audiences5. Apparemment, les coûts sont élevés, mais pratiquement aucune évaluation des profits n’a été effectuée. Certains services publics disposent d’une envergure suffisante (et d’argent) pour envisager entreprendre un certain contrôle actif d’éléments et de nœuds de leur réseau. Une fois les profits connus, une évaluation coûts-avantages de base serait en quelque sorte rassurante, car elle indiquerait que nous effectuons de bons investissements, et non pas simplement gaspiller de l’argent pour faire bonne impression.

Cependant, les avantages tirés de la gestion dynamique proviennent des signaux en temps réel, ce qui constitue en grande partie la portée de l’opérateur de système et suggère le besoin d’une certaine intégration. Si un marché annonçant des prix efficaces devait être créé, certains s’attendraient à ce que les économies réalisées orientent le marché.

La réglementation, dans la mesure où elle est requise, devrait inclure des primes et des injonctions (qui sont les signes d’une gestion du risque améliorée) à l’instar des marchés où elles peuvent porter fruit. À tous les niveaux, les intervenants du système devraient tenir compte de mesures d’incitation dynamiques axées sur le marché pour favoriser un fonctionnement plus efficace du système, y compris dans les secteurs réglementés. Une approche conventionnelle de la réglementation basée sur le rendement permet d’attribuer certaines primes de base fondées sur la productivité, la qualité du service et le rendement. Cependant, le cadre réglementaire n’encourage pas les entreprises locales de distribution à procéder à une optimisation plus active, par exemple, à réduire les pertes et les coûts facturés aux clients. Plutôt que d’offrir des primes pour le flux total de production, la formule des recettes devrait être réorganisée de manière à récompenser les gains d’efficacité du système et les coûts moins élevés facturés aux clients. Les améliorations apportées au système local devraient servir les clients locaux, mais étant donné qu’un réseau plus intelligent est optimisé dans toutes ses couches, les améliorations à l’échelle locale doivent être organisées pour profiter à l’ensemble du système. Si les distributeurs (et leurs clients) sont récompensés par la réduction des pertes liées à la distribution, ils devraient de façon similaire être taxés sur les pertes liées au transport qu’ils imposent au système dans son ensemble.

L’établissement d’une réglementation systématique apparaît encore plus logique dans un contexte de planification intégrée des ressources régionales. Une approche holistique considérerait les services nécessaires pour donner de la valeur à l’ensemble du réseau et du système, au plus haut niveau et à l’intérieur des sous-systèmes et des miniréseaux. Le coût en baisse rapide de la gestion à de plus hauts niveaux de détails et de complexité permet de réaliser des profits à une bien plus grande échelle.

De quelle façon les profits et les coûts d’un miniréseau (c.-à-d. le sous-système d’un sous-système) pourraient-ils être répartis? Si les gains d’efficacité augmentent (c.-à-d. qu’un sous-système plus efficace rend le système entier plus efficace), il est alors d’un certain intérêt public de promouvoir les investissements dans le sous-système. Il est certain qu’il y aura des problèmes liés à la classification différentielle des clients régionaux et à l’allocation des coûts dans des contextes de planification régionale et infrarégionale. Quel est le processus pour mettre en place des mesures d’incitation ou pour récupérer des coûts des biens publics à tous les niveaux du système? Entraîner l’ensemble des coûts vers le haut n’a pas plus de sens qu’entraîner l’ensemble des coûts vers le bas. Il ne s’agit pas seulement d’un point de vue relatif :
les personnes, les collectivités locales et les institutions (comme les municipalités) peuvent disposer d’échéanciers très différents de ceux des banques et des investisseurs commerciaux. Une perspective à plus long terme procure un taux de rendement plus bas. Des taux d’actualisation plus bas et des périodes de récupération plus longues créent des conditions économiques plus favorables aux investissements dans les infrastructures à long terme.

Il n’est pas de première nécessité d’encourager la propension des entreprises locales de distribution à augmenter l’assiette des taux et les rendements des capitaux propres. Toutefois, si la portée d’un examen réglementaire est adéquatement déterminée, non seulement par la franchise et une période d’essai, mais dans le contexte d’un système plus vaste, le degré d’investissement des entreprises locales de distribution doit se limiter au risque et au rendement. Si les profits dépassent les coûts, les investissements devraient être justifiables.

Bien que le monopole s’arrête aux fils électriques, les services publics exercent un monopole naturel dans toutes leurs activités. Le fait de permettre aux monopoles d’investir leur cause-t-il des problèmes tels que des barrières à l’entrée, de l’inefficacité et des prix discriminatoires? Un cadre réglementaire appliqué aux investissements dans le réseau intelligent à l’intérieur d’entités réglementées favorise-t-il l’innovation? Attire-t-il les investissements appropriés? Récompense-t-il ou couvre-t-il le risque adéquatement? Encourage-t-il la concurrence? Etc. Si nous n’investissons pas, bien sûr, nous ne le saurons jamais, mais si nous permettons tout, nous devrons alors absolument nous pencher sur ces problèmes de portée lorsqu’ils se présenteront. Qu’achètent les services publics et pour qui? Qui en tire profit et qui paie? Voilà les questions habituelles qu’entraîne la réglementation.

L’envergure constitue l’aspect le plus important à considérer. Une entreprise assujettie à une société affiliée non réglementée détient tous les avantages d’un nouveau venu et aucun des avantages d’une entreprise bien établie. Cette cloison peut offrir un sentiment de sécurité, mais il faut beaucoup plus de temps pour acquérir de l’envergure avec cette limitation. Aucune nouvelle technologie répondant à une demande n’a atteint une envergure significative sans un service public associé, et ce, à tous les niveaux. Le coût pour acquérir des nouveaux clients et des clients principaux peut être prohibitif sans accès aux listes de clients des services publics ni à l’utilisation de leur marque de confiance. Un service public hostile représente une entrave énorme au changement. En pratique, il ne s’agit pas de savoir si les entreprises de distribution locales peuvent être des partenaires; le partenariat avec les services publics est essentiel au succès rapide et continu.

Y’a-t-il une solution de rechange? Peut-être pourrions-nous interdire l’investissement des monopoles, mais permettre les dépenses des services publics. Le distributeur n’achèterait ni ne possèderait l’équipement, mais achèterait, louerait ou sinon procurerait ses services. Cela pousse les décisions relatives à l’investissement de capitaux hors du cadre du service public et de l’organisme de réglementation, mais à l’intérieur de celui du secteur privé. Dans tous les cas, les services publics devraient être tenus responsables des coûts et des profits, ce qui est nécessaire et qui favorise l’équilibre du risque.

L’obligation de servir des services publics crée une certaine responsabilité pour les distributeurs d’investir là où la situation économique le permet pour réduire les coûts et améliorer la qualité du service. Dans l’accord de réglementation, rien n’encourage les services publics à refuser l’auto amélioration. Il y a un précédent en matière de partage des économies, celui-ci consiste à récompenser les gains d’efficacité en partageant les profits entre les consommateurs et le service public. S’il y a partage des gains, nous devrions également considérer les injonctions, une motivation pour les actionnaires de services publics moins efficaces.

Les services publics financent déjà les biens publics, mais là n’est pas la question. L’espoir que suscitent les nouvelles technologies devrait être fondé sur les mérites de ces dernières et non pas selon de vagues notions d’intérêt public. Les mesures d’incitation efficaces visant à orienter le comportement des personnes (à tous les niveaux du système) auront des résultats positifs sur le système. Créer un marché et ainsi attribuer une valeur aux services énergétiques économiques stimulera l’adhésion aux technologies économiques et réduira les lacunes en matière d’efficacité. Le système générera des profits maximums lorsque les intervenants du marché, les fournisseurs de services, les producteurs, les clients et les opérateurs de réseau agiront en fonction de mesures d’incitation efficaces poussant à bien faire.

 

1 MLaden Kezunovic, James D. McCalley & Thomas J. Overbye, “Smart grids and beyond: achieving the full potential of electricity system”, (2012) 100 Proceedings of the IEEE 1329.

2 Ibid.

3 Marcus Wohlsen, « What Google Really Gets Out of Buying Nest for $3.2 Billion », Wired Business (1 Janvier 2014), en line: Wired Business http://www.wired.com/business/2014/01/googles-3-billion-nest-buy-finally-make-internet-things-real-us/

4 Joel Eisen, « Who regulates smart grid?: FERC’s authority over demand response compensation in wholesale electricity markets » (2013) 4 San Diego Journal of Energy and Climate Law 101 à la p 125.

5 Ontario Energy Board, Toronto Hydro-Electric System Limited (Settlement Agreement) R-2010-0142 (Partial decision and order) (7 July 2011), online: OEB http://www.rds.ontarioenergyboard.ca/webdrawer/webdrawer.dll/webdrawer/rec/283982/view/
Les détails du projet de stockage d’énergie proposé dans la demande peuvent être retrouvés dans les matériaux pré-déposés de Toronto Hydro-Electric Limited, dans la pièce A1, onglet 1, annexe 1 à la page 4 de 9 et les détails de l’entente de règlement proposé attaché à la décision de la commission du 7 juillet 2011, aux pages 4, 6 et 13 de 22.

Laisser un commentaire