La Loi sur la qualité de l’environnement1 (ci-après LQE), principale loi encadrant le régime environnemental québécois, n’avait pas été revue en profondeur depuis son adoption en 1972. Ainsi, en juin 2015, le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) déposa son Livre vert afin de moderniser le régime applicable. L’objectif était de « doter le Québec d’un régime plus clair, plus prévisible et plus efficace, et ce, tout en maintenant les plus hautes exigences en matière de protection de l’environnement »2.
Concrètement, l’innovation législative résidait dans la création de quatre mécanismes d’habilitation environnementale selon quatre niveaux de risque (négligeable, faible, modéré, élevé). Le gouvernement voulait également « améliorer l’accès à l’information, la participation citoyenne et la transparence »3.
Déjà en juin 2015 nous connaissions les grandes lignes du projet de modernisation. Le 7 juin 2016, le MDDELCC présenta à l’Assemblée nationale le projet de loi n° 102 intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert (ci-après la LMLQE)4. Celui-ci fut sanctionné le 23 mars 2017 et entrera en vigueur progressivement à partir du 23 mars 2018 jusqu’à la fin de 2018. La LMLQE confirma les volontés exprimées dans le Livre vert, mais laissa beaucoup de questions en suspens considérant les détails devant être précisées par règlements.
Le 14 février 2018, le MDDELCC publia 24 projets de règlement à cet effet. Si la majorité d’entre eux n’ont qu’un but de concordance règlementaire, d’autres modifient substantiellement l’encadrement de certaines activités et concrétisent les mécanismes d’habilitation environnementale. Les deux principaux sont le Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale (ci-après RAMDCME)5 et le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets (ci-après REEIE)6.
Nous verrons les mécanismes d’habilitations d’activités ayant des impacts sur l’environnement à la lumière des précisions apportées des nouveaux règlements. Nous aborderons également les nouvelles dispositions entourant la publicité de l’information industrielle et environnementale. Pour les besoins du texte et vu l’ampleur des nouveaux règlements nous nous concentrerons uniquement sur les aspects affectant le secteur énergétique. D’ailleurs, depuis l’adoption de la Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 20307 en 2016, le droit québécois traite distinctement le régime minier (substances solides) et les hydrocarbures (substances gazeuses et liquides). Nous traiterons tout de même des questions minières considérant leur proximité avec le secteur énergétique. Enfin, notez qu’au moment de la rédaction de cet article, les règlements sont toujours à l’étape de la consultation et donc sujets à changement.
1. Mécanisme d’habilitation selon le niveau de risque
Le principe pivot de la nouvelle LQE (ci-après NLQE) est établi à l’article 20 stipulant que « Nul ne peut rejeter un contaminant dans l’environnement ou permettre un tel rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée conformément à la présente loi »8. Cette conformité à la loi est dorénavant classée par niveau de risque. Les nouveaux règlements viennent en préciser les procédures applicables et les informations requises.
Voir tableau 1 ci-dessous.
Tableau 1 – Nouveau processus d’habilitation par niveau de risque
Risque | Habilitation | Responsabilité | Sources législatives et règlementaires |
---|---|---|---|
Négligeable | Exemption | N/A | – NLQE, sous-section 3, art. 31.0.11 et s. – RAMDCME, Annexe III |
Faible | Déclaration de conformité | Initiateur | – NLQE, sous-section 2, art. 31.0.6 et s. – RAMDCME, partie 3 et Annexe II |
Modéré | Autorisation ministérielle | MDDELCC | – NLQE, sous-section 2, art. 22 et s. – RAMDCME, partie 2 et Annexe I |
Élevé | PEEIE9 | Gouvernement | – NLQE, sous-section 4, art. 31.1 et s. – REEIE |
1.1 Risque négligeable
Certaines activités sont exemptées de l’autorisation ministérielle10 (et à plus forte raison de la PEEIE). Ces exemptions se subdivisent en deux catégories selon la source de l’exemption. La NLQE liste aux paragraphes 1 à 9 les activités nécessitant une autorisation ministérielle. Le paragraphe 10 de ce même article autorise le gouvernement à assujettir « toute autre activité déterminée par règlement ». L’Annexe I du RAMDCME précise ces activités. C’est ainsi que la première catégorie d’exemptions est énumérée aux sections II à IX de l’Annexe III du RAMDCME. La deuxième catégorie, à la section X de cette annexe, exclut donc, par règlement, une partie des activités assujetties ajoutée par l’Annexe I de ce même règlement.
Voir tableau 2.
Tableau 2 – Sources des activités exemptées
Peu d’exceptions s’appliquent pour le secteur énergétique concernant la première catégorie, mais nous retrouvons :
- les travaux de récupération et de valorisation d’un halocarbure11;
- l’entreposage de produits pétroliers neufs12;
- les travaux d’entretien, de réfection, de réparation ou de démolition des composantes d’un réseau aérien de transport ou de distribution d’électricité (sous certaines conditions)13.
Quant à la deuxième catégorie, sont exemptées :
- certaines activités minières (jalonnement, levés géophysiques, forage, etc.) lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre d’un projet de recherche de substances minérales14;
- les activités suivantes relativement aux hydrocarbures :
1° l’installation de conduites de distribution de gaz d’un diamètre nominal standard inférieur à 300 mm conçues pour une pression inférieure à 4 000 kPa;
2° les levés géophysiques, géologiques ou géochimiques;
3° la fermeture temporaire ou définitive soumise aux normes prévues à la Loi sur les hydrocarbures et à ses règlements15.
Malgré l’exemption d’une autorisation ministérielle ou gouvernementale préalable, certaines activités (exemptées) requièrent une déclaration au ministre. Cette déclaration contient des renseignent d’identification, description de l’activité et à la localisation16. Ce défaut de déclaration peut entrainer une sanction administrative pécuniaire de 500 $ dans le cas d’une personne physique ou de 2 500 $ dans les autres cas17.
1.2 Risque faible
Les activités à risque faible sont celles « dont les impacts sont mineurs sur l’environnement, mais qui peuvent nécessiter des mesures d’atténuation. »18 L’initiateur devra « produire une déclaration de conformité dans les 30 jours avant de débuter l’activité […] et attester que sa réalisation sera conforme aux conditions, restrictions et interdictions »19, notamment que « l’activité n’est pas susceptible de détruire ou de causer tout autre dommage à une espèce faunique menacée ou vulnérable20, à une espèce floristique menacée ou vulnérable21 ou à une espèce faunique ou floristique (susceptible d’être menacée) »22.
Cette déclaration doit contenir les mêmes informations que pour les activités à risques négligeables23 et doit, dans certains cas, être signée par un professionnel ou toute autre personne compétente dans le domaine24.
L’Annexe II du RAMDCME liste les activités représentant un risque faible ainsi que leurs conditions particulières. On ne trouve aucune activité directement du secteur de l’énergie. Concernant le secteur minier, les travaux de forage dans le cadre d’un projet de recherche de substances minérales, même exécutés dans des milieux humides et hydriques, sont admissibles à une déclaration de conformité25 à condition d’envoyer les renseignements de l’article 23 de l’Annexe II et de respecter les conditions énumérées.
1.3 Risque modéré
Les projets présentant des activités de risques modérés doivent obtenir une autorisation ministérielle en passant à travers le processus suivant. Voyons les étapes en terminant par les listes d’activités assujetties.
Voir tableau 3 ci-dessous.
Tableau 3
Informations requises
L’initiateur doit tout d’abord fournir les informations exigées par la NLQE, soit la description des activités, la nature, la quantité, la concentration et la localisation de tous les contaminants qui sont susceptibles d’être rejetés dans l’environnement26.
Ensuite, le RAMDCME27 dresse d’autres listes d’informations à fournir lors de la demande. Ces listes se séparent en deux catégories. La première catégorie (se trouvant à l’art. 7) constitue une liste « tronc commun » à toutes les activités assujetties. Les informations requises les plus problématiques sont:
5° une liste de toutes les activités du projet nécessitant une autorisation du ministre, une déclaration de conformité ou qui est exemptée;
6° une description détaillée du lieu (incluant : les caractéristiques environnementales, l’emplacement de tous types de bâtiment, infrastructures et installations et la présence d’espèces fauniques et floristiques protégées ou menacées);
7° un plan d’aménagement intérieur de chacun des bâtiments (incluant les équipements de production les installations de traitement des eaux et des émissions atmosphériques, les aires de chargement et de déchargement, les aires d’entreposage et les points de rejet);
8° a) la nature et les modalités de réalisation de l’activité, y compris ses caractéristiques techniques et opérationnelles, pour toutes les phases du projet;
12° une description des impacts anticipés de l’activité soumise à une autorisation sur l’environnement, la santé de l’être humain et les autres espèces vivantes ainsi que des mesures d’atténuation proposées;
14° les renseignements et les documents relatifs aux émissions de gaz à effet de serre attribuables à l’activité, si applicable (nous reviendrons sur le test climat);
17° lorsque le demandeur a requis les services de professionnels ou d’autres personnes compétentes pour la préparation du projet ou de la demande d’autorisation, les noms et les coordonnées de ceux-ci, une brève description de leurs mandats ainsi qu’une déclaration attestant que les renseignements et les documents qu’ils fournissent sont complets et exacts;
Ces éléments sont problématiques soit dans leur mise en application, soit par le flou de la rédaction. Par exemple, le ministre peut-il légitimement, sans entraver le secret professionnel, demander à l’initiateur des renseignements sur les professionnels consultés? Autre exemple, il est difficile de déterminer les animaux présents dans un rayon de 300 m. des lieux considérant que les animaux, contrairement aux végétaux, se déplacent et migrent. Également, quelles sont les installations devant être répertoriées dans le plan d’aménagement et quel est le niveau de détail à fournir? Est-ce que cela inclut même les installations n’ayant aucun impact sur l’environnement? Dans la même optique, quelle est la portée des « impacts anticipés » sur « la santé de l’être humain » (santé physique ou mentale)? Sur le lieu de l’activité ou dans un certain rayon? Nous ignorons encore la mise en application de tels renseignements exigés.
La deuxième catégorie, aux sections II à XXIII, liste les renseignements requis spécifiques à certaines activités.
À noter que si les renseignements demandés ont déjà été fournis par le demandeur de l’autorisation ministérielle dans le cadre de la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement il n’est pas tenu de les fournir à nouveau pour que sa demande soit recevable28.
Le ministre rejettera les demandes ne contenant pas toutes informations demandées29. L’initiateur doit également transmettre une copie de la demande à la municipalité concernée30. De plus, ces renseignements seront publiés dans le nouveau registre du ministre (nous y reviendrons).
Critères et décision
La NLQE fournit une liste ni exhaustive, ni pondérée de critères pour l’octroi de l’autorisation31. Nous retrouvons :
- la nature et les modalités de réalisation du projet;
- les caractéristiques du milieu touché;
- la nature, la quantité, la concentration et la localisation de tous les contaminants qui sont susceptibles d’être rejetés dans l’environnement;
- les conclusions de l’évaluation environnementale stratégique (le cas échéant);
- les émissions de gaz à effet de serre attribuables au projet ainsi que les mesures de réduction que celui-ci peut nécessiter (si prévu par règlement, voir plus bas la section sur le Test climat);
- les risques et les impacts anticipés des changements climatiques sur le projet et sur le milieu où il sera réalisé, les mesures d’adaptation que le projet peut nécessiter ainsi que les engagements du Québec en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En délivrant une autorisation, le ministre peut également prescrire des conditions, restrictions ou interdictions supplémentaires pour la protection de l’environnement s’il juge que celles qui sont applicables sont insuffisantes pour respecter la capacité de support du milieu récepteur ou pour protéger la santé de l’être humain ou les autres espèces vivantes32. Ces conditions et restrictions peuvent porter sur les éléments listés à l’article 25 de la NLQE, mais de façon générale sur des mesures d’atténuation des impacts de l’activité sur l’environnement.
Enfin, le RAMDCME prévoit des procédures de modification33 et renouvellement34 d’une autorisation. Une modification d’une autorisation sera requise en cas de changement susceptible d’augmenter l’impact de l’activité sur l’environnement35. La procédure consiste essentiellement à expliquer la nature du changements ses impacts sur l’environnement. Toutefois, un promoteur devra également fournir les mises à jour ainsi que les données exactes des renseignements exigés36. Dans le cas où le promoteur d’une activité assujettie présente une demande d’autorisation ministérielle, il n’est pas rare que celui-ci ne possède pas les données exactes, par exemple, de sa quantité d’émission de GES et qu’il se base sur des hypothèses et des estimations. Lors de la mise à jour de sa demande, ce promoteur ne pourra plus uniquement fournir ces estimations. Nous posons la question de la responsabilité en cas d’écart marqué entre les données réelles et les estimations préalablement fournies pour l’obtention de l’autorisation ministérielle. À tout le moins, nous présumons que l’autorisation ne sera pas délivrée37. Le ministre peut assujettir la nouvelle activité à de nouvelles conditions et restrictions38.
Activités visées
Tel que mentionné précédemment, l’article 22 de la NLQE dresse une première liste d’activités à risques modérés nécessitant une autorisation ministérielle. Nous retrouvons :
1° l’exploitation d’un établissement industriel;
2° tout prélèvement d’eau, incluant les travaux et ouvrages que nécessite un tel prélèvement;
3° l’établissement, la modification ou l’extension de toute installation de gestion ou de traitement des eaux ainsi que l’installation et l’exploitation de tout autre appareil ou équipement destiné à traiter les eaux, notamment pour prévenir, diminuer ou faire cesser le rejet de contaminants dans l’environnement ou dans un réseau d’égout ;
4° tous travaux, toutes constructions ou toutes autres interventions dans des milieux humides et hydriques;
5° la gestion de matières dangereuses;
6° l’installation et l’exploitation d’un appareil ou d’un équipement destiné à prévenir, à diminuer ou à faire cesser le rejet de contaminants dans l’atmosphère;
7° l’établissement et l’exploitation d’une installation d’élimination de matières résiduelles;
8° l’établissement et l’exploitation d’une installation de valorisation de matières résiduelles, incluant toute activité de stockage et de traitement de telles matières aux fins de leur valorisation;
9° toute construction sur un terrain qui a été utilisé comme lieu d’élimination de matières résiduelles et qui est désaffecté ou tout travaux visant à changer l’utilisation d’un tel terrain;
10° toute autre activité déterminée par règlement du gouvernement.
De plus, si le projet comportant une autre activité susceptible d’entraîner un rejet de contaminants dans l’environnement ou une modification de la qualité de l’environnement dont, les activités suivantes requièrent également l’autorisation :
1° la construction d’un établissement industriel;
2° l’exploitation d’un établissement industriel autre que ceux visés au paragraphe 1° du premier alinéa;
3° l’utilisation d’un procédé industriel;
4° l’augmentation de la production d’un bien ou d’un service.
Tel que mentionné précédemment, le paragraphe 10 de l’article 22 de la NLQE autorise le ministre à ajouter des activités. Nous en retrouvons plus de 31 supplémentaires à l’Annexe I du RAMDCME. Parmi ceux touchant indirectement le secteur de l’énergie nous retrouvons le prélèvement de l’eau39, les carrières et sablières40, la construction ou la modification d’infrastructures routières41, les travaux d’aménagement d’un fossé, d’un drain ou d’un égout42, les sols contaminés (incluant les lieux d’enfouissement et de stockage et le traitement)43 et les appareils de combustion44.
Les activités touchant directement le secteur de l’énergie sont les suivantes.
Activités minières
En vertu du RAMDCME, toutes activités minières requièrent une autorisation ministérielle45. De plus, le promoteur devra fournir les informations supplémentaires listées à la section XI46.
Hydrocarbures
1° les travaux de sondage stratigraphique;
2° les travaux de forage et la réentrée de puits;
3° les travaux de complétion de puits;
4° les travaux de fracturation;
5° les essais d’extraction d’hydrocarbures et d’utilisation d’un réservoir souterrain;
6° les travaux de reconditionnement de puits;
7° la construction ou l’utilisation d’un pipeline;
8° toute autre activité liée à l’exploitation des hydrocarbures47.
Les renseignements particuliers sont ceux de l’article 40 du RAMDCME, notamment les programmes techniques applicables à chacune des phases du projet, les caractéristiques initiales du site et des sols, des programmes de détection et de production des sols, mais surtout un avis de consultation publique exigée.
Transformation du pétrole et du charbon
1° d’une raffinerie de pétrole;
2° d’une usine de fabrication et de transformation de produits pétrochimique;
3° d’une usine de fabrication et de transformation de gaz industriels;
4° d’une usine de transformation de pétrole;
5° d’une usine de fabrication et de transformation de charbon48.
Transport, transformation et stockage d’énergie électrique
Tout projet impliquant :
1° la construction, la relocalisation et l’exploitation d’un poste de manoeuvre ou de transformation ainsi que d’un système de stockage d’énergie électrique de tension supérieure à 120 kV;
2° la construction et la relocalisation de lignes de transport et de répartition d’énergie électrique de tension supérieure à 120 kV ainsi que d’autres lignes d’un voltage plus élevé dont la longueur est supérieure à 2 km49.
Production d’énergie électrique
Tout projet impliquant la construction, l’exploitation et l’augmentation de la puissance :
1° d’un parc éolien ou d’une éolienne d’une puissance égale ou supérieure à 100 kW;
2° d’une installation d’énergie solaire d’une puissance nominale égale ou supérieure à 10 kW;
3° d’une centrale fonctionnant aux combustibles fossiles;
4° d’une centrale hydroélectrique.
En excluant, le remplacement ou la modification d’équipements techniques afférents à une telle centrale qui n’entraîne aucune modification dans le mode de gestion50.
Test climat
Le RAMDCME ajoute l’exigence d’obtenir une autorisation ministérielle pour toute personne prévoyait exercer notamment les activités suivantes :
4° l’établissement d’une mine dont la capacité maximale journalière d’extraction est égale ou supérieure à 2 000 tonnes métriques de minerai;
5° la construction d’une usine de traitement de minerai dont la capacité maximale journalière de traitement est égale ou supérieure à 2 000 tonnes métriques de minerai;
6° un équipement, un procédé ou une installation utilisé dans le cadre de l’exploration des hydrocarbures;
10° un équipement ou un procédé servant à la production d’hydrogène à partir du gaz naturel ou d’autres combustibles fossiles;
11° un équipement utilisé pour le traitement du gaz naturel;
14° les activités de production et de traitement du biogaz lorsque la capacité maximale journalière totale des équipements est égale ou supérieure à 30 000 m3 de CH451.
L’initiateur du projet visé par le Test climat doit fournir informations de l’article 64 du RAMDCME comprenant notamment un rapport de quantification des GES, une description des mesures de réduction des GES ainsi qu’une « démonstration que la réduction des émissions de gaz à effet de serre a été considérée et optimisée dans le choix de la variante retenue »52.
Évidemment, « les émissions de gaz à effet de serre attribuables à un projet ainsi que les mesures de réduction que celui-ci peut nécessiter sont prises en considération dans le cadre de l’analyse d’une demande [d’autorisation ministérielle] »53.
Commentaires
D’abord, le terme « rapport de quantification » nous laisse à penser que le ministère requiert les données exactes non seulement une modélisation. Ensuite, la « prise en considération » n’inclut pas nécessairement d’aller jusqu’à annuler un projet uniquement sur la base de l’émission des GES. De plus, même s’il doit avoir un rapport « pour chacune des phases », soit « toutes les étapes liées à un projet, notamment l’aménagement, la construction, l’exploitation, la fermeture et la postfermeture »54, cela ne tient pas compte des émissions des GES découlant de l’activité des tiers (la consommation du gaz rendue possible par la construction d’un gazoduc). Également, les émetteurs de 25 000 tonnes métriques annuelles de GES sont déjà assujettis à des exigences similaires en vertu du Règlement sur la déclaration obligatoire de certaines émissions de contaminants dans l’atmosphère55. Enfin, nous nous questionnons sur la pertinence d’assujettir également les producteurs d’énergies renouvelables (propres) à ce test climat. Pourquoi ne sont-ils pas exonérés?
1.4 Risque élevé
La procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement est réservée pour les projets comportant des « activités complexes ou de grande envergure entraînant des préoccupations sociales et des impacts environnementaux importants et qui, par conséquent, requièrent la mise en œuvre de mesures d’atténuation »56
et dont l’acceptabilité dépend (en partie) d’un processus public. Ainsi, aucun initiateur ne peut entreprendre les activités prévues au REEIE sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement et obtenir une autorisation du gouvernement57. La nouvelle procédure prévoit une protection accrue de l’environnement (notamment par le nombre d’activités assujettis) et une plus grande transparence du processus (par un accès à l’information et la plus grande participation du public).
Contrairement aux activités impliquant des niveaux de risques moindres, c’est la NLQE (et non un règlement) qui détermine grandement la procédure d’habilitation. Le REEIE fournit quelques détails procéduraux sur l’évaluation, mais son plus grand apport est la liste des activités visées par la procédure.
Les activités concernant directement l’énergie sont :
2. Barrage et digue;
7. Installation de regazéification ou de liquéfaction de gaz naturel ou de biométhane;
– Le seuil d’assujettissement projet de construction d’une installation de liquéfaction de gaz naturel est de 100 m3 de gaz naturel liquéfié comme capacité maximale journalière58.
8. Oléoduc et gazoduc;
– Sont assujettis les constructions d’une longueur égale ou supérieure à 2km, sauf si c’est dans une emprise existante servant aux mêmes fins et d’une construction de moins de 300 mm de diamètre et d’une pression inférieure à 4 000kPa .
9. Transport d’énergie électrique et poste de transformation;
– Sont exclues les lignes de transport d’énergie se situant dans l’emprise d’une route (ou chemin de fer) ou contiguë à l’un de ceux-ci60.
10. Production d’énergie électrique;
– Ne sont pas assujettis les panneaux solaires installés sur le toit d’infrastructures existantes61.
12. Exploration et exploitation d’hydrocarbures62;
13. Traitement de pétrole, de gaz et de charbon63;
37. Émissions de certains gaz à effet de serre64;
Établissement générant l’émission de 100 000 tonnes métriques de gaz à effet de serre en équivalent de CO2 ou plus par année65.
De plus, le gouvernement peut exceptionnellement assujettir à la PEEIE des activités non listées, dans les cas où :
1° il est d’avis que les enjeux environnementaux que peut susciter le projet sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient;
2° le projet implique une technologie nouvelle ou un nouveau type d’activités au Québec pour lesquels il est d’avis que les impacts appréhendés sur l’environnement sont majeurs;
3° il est d’avis que le projet comporte des enjeux majeurs en matière de changements climatiques66.
Voir tableau 4.
Tableau 4 – Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement
Commentaires
Ajout intéressant dans le processus d’autorisation, lorsque les décisions concernent les hydrocarbures, le gouvernement doit prendre connaissance de la décision de la Régie de l’énergie86. L’article ne mentionne toutefois pas dans quelle mesure la décision du gouvernement doit être cohérente avec celle de la Régie de l’énergie.
De plus, le gouvernement peut pour des « motifs d’intérêt public » soustraire un projet de l’étude d’impact87, sans toutefois que soit définie la notion d’intérêt public.
Quant à lui, le ministre peut soustraire à une consultation publique des renseignements ou données concernant des procédés industriels, la sécurité de l’État ou la localisation d’espèces menacées ou vulnérables88. Le terme « procédés industriels » n’est pas définit et on ne retrouve pas non plus les critères pour soustraire de tels renseignements.
Enfin, l’environnement étant une compétence partagée89, d’autres autorités peuvent avoir juridiction sur les projets assujettis à la LQE. Le ministre pourra s’entendre avec ces autres autorités afin de coordonner les procédures d’évaluation environnementale90.
1. Droit d’accès à l’information industrielle et environnementale
Le ministre tient un registre concernant les déclarations de conformité, les autorisations ministérielles91 et les projets nécessitant une PEEIE92. Cela inclut chacune des demandes (délivrance, modification, renouvellement, etc.) effectuées ainsi que tous les documents produits à leur soutient93. Tous ces documents seront accessibles au public94, et ce, avec diligence par le ministre95. Par ailleurs, rappelons que les renseignements relatifs aux sanctions administratives96 et aux déclarations de culpabilité97 sont enregistrés et accessibles au public98 (comme c’était le cas dans l’ancien régime). L’objectif derrière l’instauration et la publication d’un tel registre est de permettre au public d’avoir en main toutes les informations pertinentes afin de déterminer les enjeux d’un projet et de s’y faire une opinion, notamment dans le cadre de consultation publique et d’études d’impact99.
Toutefois, ne seront pas publiés les renseignements qui sont susceptibles notamment100 d’entraver une enquête101, de porter atteinte à la sécurité de l’État102 ou s’ils portent sur une méthode ou une arme susceptible d’être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi103. De plus, lors de sa demande d’autorisation ministérielle, l’initiateur du projet peut identifier les renseignements qu’il considère être un secret industriel ou commercial confidentiel. Il devra toutefois justifier ses prétentions104. Le ministre aura toute la discrétion pour trancher cette demande. L’initiateur a donc le fardeau d’identifier, mais surtout de justifier la nature de chacun de ces renseignements. Or, la nouvelle mouture de la LQE et de ses règlements ne fournissent pas de définition ou de critères. Pourtant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels105 fournit de tels critères106. Le gouvernement n’a pas voulu s’y référer.
Conclusion
Les nouveaux règlements n’ont pas rendu le cadre règlementaire plus « clair et efficace » tel que promis par le gouvernement. L’ancien régime ne prévoyait que deux mécanismes et s’évaluait par projet. Or, la nouvelle conformité environnementale est établie pour chaque activité d’un projet alourdissant grandement la règlementation et les démarches pour l’initiateur. Celui-ci devra dorénavant:
- décomposer chacune des activités de l’ensemble du projet, soit de l’aménagement jusqu’à la phase de post-fermeture;
- lister toutes les activités pouvant rejeter tout « contaminant dont la présence dans l’environnement est prohibée par règlement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens »107;
- classer ces activités par niveau de risque108;
- suivre la procédure d’habilitation applicable.
Cette approche « par activité » nécessite une multiplication des règlements. Beaucoup d’activités incontournables par l’industrie énergétique sont visées par ces mécanismes d’habilitation, notamment les enjeux entourant la protection des sources d’eau et des milieux humides qui sont amplement couverts par le nouveau cadre (soit via des changements législatifs109, le RAMDCME110 et le REEIE111). L’initiateur d’un projet devra également regarder le nouvel encadrement règlementaire des « établissements industriels »112. Enfin, des changements significatifs à la procédure d’évaluation des impacts sur l’environnement impliquent des changements législatifs113 et règlementaires114 concernant les pouvoirs du BAPE et ses règles d’audience. Ces ajouts devront sans nul doute être analysés en détail par l’initiateur d’un projet.
*Ludovic Fraser est un avocat québécois spécialisé en droit règlementaire du secteur de l’énergie, notamment au niveau du trading d’électricité. Il détient un MBA et une maîtrise en droit de l’énergie.
- Loi sur la qualité de l’environnement, LRQ, c Q-2 (LQE).
- Québec, Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Livre Vert – Moderniser le régime d’autorisation environnementale de la loi sur la qualité de l’environnement, Gatineau, juin 2015, en ligne : <http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/autorisations/modernisation/livreVert.pdf>.
- Ibid à la p13.
- PL 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert, 1re sess, 41e parl, 2017.
- Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale, (2018) GOQ II 480 [RAMDCME].
- Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets, RLRQ, c Q-2, r 23 [REEIE].
- Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives, LQ 2016, c 35, art 207.
- Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c Q-2, art. 20 (NLQE).
- Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement.
- NLQE, supra note 8, art 31.0.11.
- RAMDCME, supra note 5, art 5, Annexe III.
- Ibid, art 8, Annexe III.
- Ibid, art 11, Annexe III.
- Ibid, art 37, Annexe III.
- Ibid, art 38, Annexe III.
- Ibid, art 86.
- Ibid, art 90.
- Supra note 2, p 37.
- NLQE, supra note 8, art 31.0.6.
- Visée par le Règlement sur les espèces fauniques menacées ou vulnérables et leurs habitats, RRLQ c E-12.01, r 2.
- Ibid, r 3.
- Visée par la Liste des espèces floristiques et fauniques susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables, RRLQ c E-12.01, r 5.
- RAMDCME, supra note 5, art 82.
- NLQE, supra note 8, art 31.0.7.
- RAMDCME, supra note 5, Annexe II, Section VII.
- NLQE, supra note 8, art 23, al 1.
- RAMDCME, supra note 5, Partie I, c II.
- RAMDCME, supra note 5, art 7, al 2.
- NLQE, supra note 8, art 23, al 4.
- Ibid, art 23, al 5.
- Ibid, art 24.
- NLQE, supra note 8, art 26.
- RAMDCME, supra note 5, art 68 et 69.
- Ibid, c IV.
- NLQE, supra note 8, art 30.
- RAMDCME, supra note 5, art 68, al 1, para 6-7.
- NLQE, supra note 8, art 31.0.3.
- Ibid, art 30, al 2.
- RAMDCME, supra note 5, Annexe I, Section I.
- Ibid, Section III.
- Ibid, Section XVIII.
- Ibid, Section XXI.
- Ibid, Section XXVII.
- Ibid, Section XXXI.
- Ibid, Section II.
- Ibid, Section XI.
- Ibid, art 6.
- Ibid, art 10.
- Ibid, art 21.
- Ibid, art 22.
- Ibid, Annexe IV.
- Ibid, art 64, 7 para 14.
- Ibid, art 63, al 3. Voir également art 24, al 5.
- Ibid, art 3.
- Règlement sur la déclaration obligatoire de certaines émissions de contaminants dans l’atmosphère, RRLQ Q-2, r 15.
- Supra note 2, à la p 29.
- NLQE, supra note 8, art 31.1.
- REEIE, supra note 6, Annexe 1, art 7(1).
- Ibid, art 8.
- Ibid, art 9.
- Ibid, art 10.
- Ibid, art 12.
- Ibid, art 13.
- Ibid, art 2.
- Ibid, art 37.
- NLQE, supra note 8, art 31.1.1.
- Ibid, art 31.2.
- REEIE, supra note 6, art 3.
- Ibid, art 4. Le délai peut être de 45 jours dans certains cas.
- NLQE, supra note 8, art 31.3.
- Ibid, art 31.3.1.
- REEIE, supra note 6, art 8.
- NLQE, supra note 8, art 31.3.1, al 2; REEIE, supra note 6, art 8.
- Ibid, art 31.3.3.
- Ibid, art 31.3.4, al 3.
- S’il apparait évident qu’une audience publique aura lieu, la période d’information publique sera évitée. Ibid, art 31.3.5, al 6.
- Ibid, art 31.3.5; REEIE, supra note 6, art 10-14.
- Ibid, art 31.3.4.
- NLQE, supra note 8, art 31.3.5, al 5; REEIE, supra note 6, art 15.
- REEIE, supra note 6, art 17, al 1, para 1.
- Ibid, art 17, al 1, para 2.
- Ibid, art 17, al 1, para 3.
- NLQE, supra note 8, art 31.3.6.
- Ibid, arts 31.0.3, 31.3.7.
- Ibid, art 31.5.
- Ibid, art 31.5.
- Ibid, art 31.7.4.
- Ibid, art 31.8.
- Gérald A Beaudoin, La constitution du Canada : Institutions, Partage des pouvoirs, Charte canadienne des droits et libertés, 3e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, à la p 359.
- NLQE, supra note 8, art 31.8.1.
- Voir notamment NLQE, supra note 8, arts 23, 23.1; RAMDCME, supra note 5, art 6.
- REEIE, supra note 6, Section VI.
- NLQE, supra note 8, arts 118.5-118.6
- Ibid, art 118.5-118.5.3; RAMDCME, supra note 5, art 8.
- NLQE, supra note 8, art 118.5.3.
- Ibid, art 118.5.1.
- Ibid, art 118.5.2.
- Ibid, art 118.5.3.
- Voir notamment les art. 31.3.1 et 31.3.2 de la NLQE, supra note 8, concernant les études d’impacts.
- NLQE, supra note 8, art 118.5.3.
- Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ, c A-2.1, art 27.
- Ibid, art 28.1.
- Ibid, art 29.
- NLQE, supra note 8, art 23.1; RAMDCME, supra note 5, art. 6. L’article 31.9 de la NLQE est similaire pour les consultations publiques.
- Supra note 101.
- Ibid, arts 23-24.
- NLQE, supra note 8, art 20.
- RAMDCME, supra note 5, art 7, para 5.
- Soit par la NLQE (notamment à son art 46) et d’autres lois.
- Prélèvement des eaux, leur gestion ou traitement, RAMDCME, supra note 5, section III, IV; NLQE, supra note 8, art 22.
- Notamment les travaux dans les milieux humides et hydriques et le détournement ou dérivation d’une rivière ou d’un lac, REEIE, supra note 6, Partie II, arts 1-2.
- NLQE, supra note 8, art 22, al 1, al 2, para 2 & section III; RAMDCME, supra note 5, Section II.
- Voir notamment NLQE, supra note 8, c II.1.
- Québec, Règles de procédure du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.