La Colombie-Britannique réduit les obstacles réglementaires à l’investissement dans l’hydrogène

Le 25 mai 2021, la Colombie-Britannique a modifié son règlement sur la réduction des gaz à effet de serre (pris en vertu de la Clean Energy Act de la Colombie-Britannique) afin d’autoriser les services publics de gaz réglementés à produire, acheter et distribuer certains types d’hydrogène (les « Modifications »). Les Modifications représentent l’une des nombreuses stratégies que les législateurs et les organismes de réglementation ont adoptées pour faciliter l’introduction de formes de technologie plus propres dans le secteur hautement réglementé de l’énergie. La réduction des obstacles réglementaires existants, associée à l’augmentation des prescriptions législatives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), crée un environnement propice aux investissements et aux fusions et acquisitions dans le secteur de l’hydrogène.

CONTEXTE

En décembre 2020, le gouvernement fédéral a publié un document de politique intitulé Un environnement sain et une économie saine qui prévoyait des objectifs ambitieux pour que le Canada réduise ses émissions de GES et atteigne finalement la carboneutralité d’ici 2050. Des développements ultérieurs ont fait évoluer la politique de réduction des GES du Canada vers un régime juridique contraignant. Notamment :

  • la Cour suprême du Canada a approuvé la validité constitutionnelle de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre plus tôt cette année[1];
  • Le projet de loi C-12 : Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050 a reçu la sanction royale le 29 juin 2021.

L’hydrogène est largement considéré comme une technologie émergente qui aidera les Canadiens à atteindre les objectifs de réduction des GES, car il s’agit d’une source de carburant sans émission de carbone lorsqu’il est brûlé. Le gouvernement fédéral a publié une Stratégie canadienne pour l’hydrogène (la « Stratégie pour l’hydrogène ») en décembre 2020 qui fournit un cadre pour exploiter le potentiel de l’hydrogène comme outil pour réaliser la transition vers des sources d’énergie plus propres et atteindre les objectifs de réduction des GES. En outre, divers gouvernements provinciaux ont publié des documents de politique similaires, notamment le document de travail sur la Stratégie ontarienne et, plus récemment, la B.C. Hydrogen Strategy (stratégie pour l’hydrogène de la Colombie-Britannique).

La Stratégie pour l’hydrogène indique que les incitations réglementaires visant à favoriser l’adoption de l’hydrogène constituent une étape importante pour libérer le potentiel de l’hydrogène afin de permettre au Canada d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Les Modifications vont dans le sens de cet objectif.

LES MODIFICATIONS

Les Modifications ajoutent la production, l’achat et la distribution de types d’hydrogène spécifiés comme une nouvelle « entreprise prescrite » en vertu de l’article 18 de la Clean Energy Act.

L’article 18 de la Clean Energy Act de la C.B. donne aux services publics de gaz l’autorisation réglementaire et le recouvrement des tarifs pour prendre part à des projets, des programmes, des contrats ou assumer des coûts prescrits qui visent à réduire les émissions de GES dans la province, et pour recouvrer les coûts qui sont engagés dans ces entreprises jusqu’à un montant prescrit.

Notamment, les Modifications permettent aux services publics de gaz de participer aux activités suivantes pour les types d’hydrogène admissibles :

  • la production ou l’achat, et la distribution d’hydrogène par le réseau de distribution de gaz naturel aux clients de ce service public ou d’un autre service public; et
  • l’achat et la fourniture d’hydrogène en dehors du réseau de gaz naturel aux clients de ce service public si cet hydrogène doit être utilisé pour remplacer, au moins en partie, le gaz naturel dérivé des combustibles fossiles.

L’entreprise pertinente est limitée aux types d’hydrogène suivants :

  • l’hydrogène qui est principalement dérivé de l’eau en utilisant de l’électricité qui est générée principalement à partir de ressources propres ou renouvelables (souvent connu sous le nom d’hydrogène vert); et
  • l’hydrogène résiduel acheté par le service public, comme cela sera défini par la réglementation.

LE CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE PLUS LARGE

En raison de la nature hautement réglementée du secteur de l’électricité au Canada, la capacité de libérer le potentiel commercial de l’hydrogène au Canada sera considérablement influencée par la capacité des entités commerciales à franchir les obstacles réglementaires existants. À cet égard, les Modifications représentent l’un des nombreux outils politiques que différents territoires de compétence introduisent pour faciliter l’innovation et l’introduction de technologies plus écologiques comme l’hydrogène.

L’opinion dominante est que l’hydrogène sera le mieux positionné pour la viabilité commerciale si des centres locaux d’hydrogène sont créés où une chaîne de valeur complète de l’hydrogène est développée dans des endroits appropriés. Les entités commerciales dépendront largement des services publics pour acheter, transporter et livrer le produit aux clients. Cependant, les services publics ont par nature une aversion au risque et opèrent dans des environnements réglementés où l’innovation est difficile, car ils ne peuvent généralement récupérer que les coûts des activités dont il est prouvé qu’elles ont été entreprises prudemment.

Dans un article récemment publié intitulé « Les organismes canadiens de réglementation de l’énergie et les nouvelles technologies : La transition vers une économie à faible émission de carbone[2] », Gordon Kaiser explique comment les organismes canadiens de réglementation de l’énergie ont toujours été réticents à financer les nouvelles technologies par le biais des tarifs, ce qui a constitué un obstacle à l’innovation dans le secteur de l’énergie. Kaiser énumère des mesures qui ont été adoptées par divers organismes de réglementation de l’énergie en réponse à ce défi, ce qui comprend :

  • des programmes pilotes pour introduire de nouvelles technologies pour des périodes d’essai, par exemple, le programme pilote approuvé par la Commission de l’énergie de l’Ontario pour étudier les effets du mélange d’hydrogène dans le réseau de distribution de gaz naturel;
  • des plateformes de collaboration entre les acteurs de l’industrie et les organismes de réglementation, comme l’initiative de L’espace innovation de la Commission de l’énergie de l’Ontario;
  • les fonds d’innovation financés par les contribuables;
  • des modifications aux objectifs prescrits par la loi des organismes de réglementation pour « [f]aciliter l’innovation dans le secteur de l’électricité[3] ».

Alors que bon nombre des mesures susmentionnées fournissent aux organismes de réglementation et aux services publics des outils pour faciliter l’introduction de technologies plus écologiques dans leurs environnements réglementaires respectifs, les Modifications vont un peu plus loin en offrant une certitude réglementaire : elles constituent des directives législatives explicites qui permettent aux services publics de gaz d’acquérir et de fournir des types spécifiques d’hydrogène, et de récupérer les coûts spécifiés de ces entreprises. Il sera intéressant de voir si d’autres provinces introduiront des modifications législatives similaires.

CONCLUSION : AUGMENTATION DES INVESTISSEMENTS ET DES FUSIONS ET ACQUISITIONS

Les orientations législatives et les mesures sociales incitant l’industrie à réduire ses émissions de GES, associées au traitement réglementaire qui s’adapte pour faciliter l’introduction de technologies plus vertes, créent des conditions favorables à l’augmentation des investissements dans le secteur canadien de l’hydrogène. De plus, la coopération internationale — comme le protocole d’entente signé entre le Canada et l’Allemagne pour établir un partenariat énergétique qui soutient la production, l’utilisation et le commerce de l’hydrogène propre — témoigne du soutien du gouvernement au développement d’une industrie de l’hydrogène robuste, et établit également le cadre permettant à l’hydrogène canadien d’atteindre les marchés étrangers. À ce titre, nous nous attendons à ce que le Canada suive les tendances mondiales d’augmentation des activités de fusion et d’acquisition dans le secteur de l’hydrogène.

* Glenn Zacher est associé au sein des groupes Énergie et Litiges et règlement de différends du bureau de Toronto de Stikeman Elliott LLP et est co-responsable du secteur Énergie du cabinet.

Eric Bremermann est associé au sein des groupes Fusions et acquisitions et Développement et financement de projets, ainsi que coprésident du groupe Énergie du bureau de Toronto de Stikeman Elliott.

Daniel Gralnick est avocat dans les groupes Énergie et Litiges et règlement de différends du bureau de Toronto de Stikeman Elliott LLP.

  1. P. Jason Kroft et Victor MacDiarmid, « La Cour suprême du Canada confirme la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre » (19 avril 2021), en ligne : Stikeman Elliott <www.stikeman.com/fr-ca/savoir/droit-canadien-energie/la-cour-supreme-du-canada-confirme-la-constitutionnalite-de-la-loi-sur-la-tarification-de-la-pollution-causee-par-les-gaz-a-effet-de-serre>.
  2. Gordon E. Kaiser, « Les organismes canadiens de réglementation de l’énergie et les nouvelles technologies : La transition vers une économie à faible émission de carbone » (2021) 9:2 Publication trimestrielle sur la réglementation de l’énergie 7.
  3. Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, annexe B, art 1(1)(4).

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