Un faible espoir pour le développement du gaz du delta du Mackenzie?

L’abandon du Projet gazier Mackenzie (PGM) en 2017 a semblé, à l’époque, sonner le glas du développement commercial potentiel des vastes réserves de gaz naturel dans le delta du Mackenzie. Après un long examen règlementaire, étalé sur plus de sept ans, le PGM avait reçu son approbation finale en 2011 et un certificat de commodité et de nécessité publique; d’autres autorisations lui ont aussi été délivrés par l’Office national de l’énergie (aujourd’hui connu sous le nom de la Régie de l’énergie du Canada). En 2017 cependant, la baisse du prix du gaz naturel a conduit les promoteurs de ce projet à annoncer l’abandon de leur projet[1].

La fin du Projet gazier Mackenzie est survenue exactement quarante ans après la publication du rapport de 1977 de l’enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie, généralement connu sous le nom de « rapport Berger ». Le juge Thomas Berger avait été nommé par le gouvernement fédéral pour examiner un projet antérieur, soit le pipeline de la vallée du Mackenzie, décrit à l’époque comme l’un des plus grands projets de l’histoire de la libre entreprise. Le rapport Berger, intitulé Northern Frontier, Northern Homeland[2], recommandait un moratoire de dix ans avant l’approbation d’un tel pipeline, principalement pour permettre le règlement des revendications territoriales des Autochtones dans les régions qui seraient touchées par le projet. En conséquence, la proposition de pipeline de la vallée du Mackenzie est restée sans suite, jusqu’à ce que le Projet gazier Mackenzie commence à voir le jour au début des années 2000.

Compte tenu de ces deux échecs et d’un prix du gaz naturel toujours en baisse, il est apparu peu probable que le gaz du delta du Mackenzie soit un jour exploité. Cependant, un troisième scénario de développement est apparu récemment. Plutôt que de proposer un autre gazoduc allant de la vallée du Mackenzie vers les marchés nord-américains, il est maintenant plutôt question de l’exportation directe de gaz naturel à partir des champs terrestres existants sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) au moyen d’une installation de liquéfaction et de chargement en mer[3].

En 2019, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO) a commandé une étude de préfaisabilité « pour déterminer s’il serait viable de traiter le gaz naturel provenant de la partie terrestre du delta du Mackenzie et de le transporter pour le vendre sur les marchés internationaux » [traduction][4]. L’étude a été financée par le GTNO et par l’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor) du gouvernement fédéral, et a été achevée en 2021. Elle a conclu que « le projet de développement et d’exportation responsables du gaz naturel liquéfié du delta du Mackenzie (Mackenzie Delta Liquefied Natural Gas [MDLNG]) présente suffisamment d’intérêt pour justifier au moins une étude complète » [traduction][5].

Le GTNO a publié un document qui, selon lui, n’a pas pour but de soutenir ou de promouvoir un projet de GNL en particulier « mais de fournir un contexte à l’étude de préfaisabilité du GTNO et à ses données ainsi que de sensibiliser les résidents et l’industrie des T.N.-O. au potentiel que présente l’exportation du gaz naturel liquéfié du delta du Mackenzie vers les marchés internationaux qui ont besoin de cette énergie gazière » [traduction][6]. Parallèlement, le document indique qu’ « un projet d’exportation permettrait d’affirmer davantage la souveraineté du Canada dans l’Arctique et offrirait aux investisseurs internationaux une occasion nordique convaincante s’ils cherchent à diversifier leurs portefeuilles énergétiques en soutenant des projets répondant à des normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) élevées dans des régions dotées d’un régime règlementaire solide » [traduction][7].

Il importe de noter que les réserves de gaz naturel du delta du Mackenzie sont entièrement situées dans la région désignée des Inuvialuit (RDI) et que ce gaz « ne pourrait être déplacé qu’avec l’appui des Inuvialuit, peu importe sous quelle forme » [traduction][8].

Il est intéressant de remarquer que l’Inuvialuit Regional Corporation, par l’intermédiaire d’une filiale, fait actuellement progresser Inuvialuit Energy Security Project Ltd. (IESPL), qui vise à exploiter un puits de gaz situé dans le delta du Mackenzie, près de Tuktoyaktuk[9] et à transporter ce gaz sous forme de gaz naturel comprimé (GNC) par camion jusqu’aux consommateurs de la région, en particulier ceux d’Inuvik. Ce projet autorisé par la Régie de l’énergie du Canada en mars de cette année constituerait la nouvelle solution d’approvisionnement en gaz d’Inuvik, qui a été largement approvisionné en gaz naturel liquéfié et en propane provenant du Sud du Canada et transportés par camion depuis que la production du champ gazier d’Ikhil, situé à proximité, a commencé à décliner au cours des dernières années[10]. Soulignons que le IESPL a été largement soutenu par des organismes régionaux[11]. L’ampleur du soutien régional à un projet à grande échelle très différent, comme celui du gaz naturel liquéfié du delta du Mackenzie, est cependant purement spéculative à l’heure actuelle.

Si le projet de développement et d’exportation responsables du gaz naturel liquéfié du delta du Mackenzie devait un jour présenter une proposition de projet, la complexité de son cadre règlementaire, qui englobe de multiples secteurs de compétence, rivaliserait probablement, voire dépasserait, celle du Projet gazier Mackenzie, dont le processus s’est étendu sur plus de sept ans. n

 

* Rowland J. Harrison, Conseiller en règlementation de l’énergie, co-rédacteur en chef de la Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie.

  1. « Mackenzie gas project participants end joint venture », Imperial Newsroom (22 décembre 2017), en ligne : <news.imperialoil.ca/news-releases/news-releases/2017/Mackenzie-gas-project-participants-end-joint-venture/default.aspx>.
  2. Gouvernement du Canada, Northern Frontier, Northern Homeland: The Report of the Mackenzie Valley Pipeline Inquiry, vol 1 (1977) Ottawa, Bureau du Conseil privé (Rapport d’enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie par l’honorable juge Thomas R Berger) en ligne : <publications.gc.ca/collections/collection_2015/bcp-pco/CP32-25-1977-1-eng.pdf>.
  3. Territoires du Nord-Ouest, Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Mackenzie Delta — Liquefied Natural Gas, (7 juillet 2023), en ligne : <www.iti.gov.nt.ca/sites/iti/files/1398-ITI-MDLNG-Report_ENG.pdf>.
  4. Ibid à la p 4.
  5. Ibid.
  6. Ibid à la p 15.
  7. Ibid à la p 5.
  8. Ibid.
  9. Le puits TUK M-18, qui, ironiquement, était inclus dans les réserves sous-tendant le Projet gazier Mackenzie.
  10. Régie de l’Énergie du Canada, Projet de sécurité énergétique des Inuvialuit – Demande d’autorisation visant l’aménagement et l’exploitation du centre énergétique, (Lettre de décision C28698-1) (7 mars 2024), en ligne : <docs2.cer-rec.gc.ca/ll-eng/llisapi.dll/fetch/2000/90464/2487702/4236825/4236826/4264193/4439889/C28698-1_ Commission_Letter_Decision_–_IESPL_–_Inuvialuit_Energy_Security_Project_-_Authorization_for_Installation_ and_Operation_of_the_Energy_Centre_–_OA-1414-003_-_A8W7Y3.pdf?nodeid=4439890&vernum=-2>.
  11. Ibid à la p 6.

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